Travaux de la délégation à l'aménagement et développement durable du territoire
DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE
Mercredi 7 décembre 2005
- Présidence de M. Jean François-Poncet, président.
Audition de Mme Marie-Claude Lesage Kiechel, adjointe au chef du secteur transports et politique régionale (TREG) au Secrétariat général des affaires européennes (SGAE)
La délégation a procédé à l'audition de Mme Marie-Claude Lesage Kiechel, adjointe au chef du secteur transports et politique régionale (TREG) au Secrétariat général des affaires européennes (SGAE).
A titre liminaire, M. Jean François-Poncet, président, a précisé que l'étude qu'il conduisait visait à évaluer le bénéfice pour la France de la politique de cohésion et notamment l'apport qu'elle avait représenté ces dernières années dans le financement des projets locaux, indiquant qu'un tel bilan lui paraissait indispensable pour apprécier l'impact de la réforme en cours et les conséquences de la baisse prévisible des fonds européens destinés à notre pays. Il a souhaité, par ailleurs, que soient rappelées aux membres de la délégation les grandes lignes de l'histoire de la politique régionale européenne.
Mme Jacqueline Gourault a souligné que le choix des autorités de gestion au niveau national serait aussi un enjeu de la réforme, l'attribution des fonds pouvant être sensiblement différente selon qu'il s'agit de l'Etat ou des conseils régionaux.
Mme Marie-Claude Lesage Kiechel, adjointe au chef du secteur transports et politique régionale (TREG) au Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), a tout d'abord rappelé, en réponse à M. Jean François-Poncet, président, que le Fonds social européen (FSE), institué par le traité de Rome du 25 mars 1957, était le plus ancien fonds structurel. Elle a indiqué qu'avait ensuite été mis en place en 1958, dans le cadre de la politique agricole commune, le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), dont la section « orientation » est un fonds structurel (dit FEOGA-O) consacré au développement rural. Marquant l'avènement d'une véritable politique régionale, le Fonds européen de développement régional (FEDER), a-t-elle poursuivi, a été créé en 1975. Elle a fait observer qu'à partir de 1988, sous l'influence de la Commission européenne présidée par M. Jacques Delors, ces fonds, qui fonctionnaient jusqu'alors de manière autonome, ont fait l'objet d'une programmation financière pluriannuelle et sont devenus les instruments d'une politique structurelle intégrée, complétée en 1993 par un Instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP) et par un Fonds de cohésion destiné à aider les Etats membres connaissant les retards de développement les plus importants. Trois programmations vont ainsi se succéder : 1988-1993, 1994-1999 et 2000-2006.
Puis Mme Marie-Claude Lesage Kiechel a expliqué que ces programmations étaient encadrées par un règlement général sur les fonds structurels comportant trois volets (« objectifs de la politique régionale », « éligibilité des zones aux financements » et « mise en oeuvre des fonds structurels »), des règlements spécifiques (FEDER, FSE, Fonds de cohésion, FEOGA-O et IFOP) précisant par ailleurs le champ d'éligibilité de chaque fonds. Elle a imputé l'importance des contrôles auxquels l'utilisation des crédits européens donnait lieu au niveau tant national que communautaire à la responsabilité qu'assument en la matière la Commission européenne et les autorités nationales en vertu de l'article 274 du traité sur l'Union européenne. Après avoir fait valoir que la politique de cohésion avait pour principale finalité de réduire les disparités régionales au sein du marché unique, elle a précisé qu'elle concernait 254 régions au sens communautaire (littéralement des « nomenclatures des unités territoriales statistiques de niveau II » ou « NUTS II »), dont les 26 régions françaises. Elle a ensuite rappelé les trois objectifs prioritaires de la programmation 2000-2006 :
- un objectif 1, consacré au soutien aux régions en retard de développement (dont le produit intérieur brut par habitant n'atteint pas 75 % de la moyenne de l'union européenne), qui permet de cofinancer des projets à hauteur de 75 % et bénéficie notamment aux départements d'outre-mer (DOM) français ;
- un objectif 2, destiné à soutenir la reconversion économique et sociale des zones connaissant des difficultés structurelles, telles que les régions industrielles, qui autorise des taux de cofinancement maxima de 50 % ;
- un objectif 3, relatif à l'adaptation et la modernisation des politiques d'éducation, de formation et d'emploi.
Elle a précisé qu'en France ce dernier objectif concernait l'ensemble des régions métropolitaines et que la gestion des crédits alloués dans ce cadre, très largement décentralisée au niveau régional, pouvait même être déléguée à un niveau inférieur (départements, intercommunalités) sous la forme de « plans locaux d'insertion économique » (PLIE).
Elle a rappelé que ces trois objectifs prioritaires étaient complétés, dans l'actuelle programmation, par quatre programmes d'initiative communautaire (PIC) :
- Interreg, qui soutient la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale ;
- Equal, qui vise à lutter contre les discriminations et à promouvoir l'égalité des chances ;
- Leader +, qui favorise les projets de développement local dans les zones rurales ;
- Urban II, consacré à la réhabilitation économique et sociale des villes et des quartiers en crise.
Elle a ajouté que le Fonds de cohésion permettait, quant à lui, de soutenir les projets des Etats membres dont le revenu national brut par habitant ne dépassait pas 90 % de la moyenne communautaire, en matière d'infrastructures de transports et d'environnement, ce dont bénéficiaient prioritairement l'Espagne, le Portugal, la Grèce et l'Irlande. Elle a, par ailleurs, souligné que la France percevrait environ 16 milliards d'euros de la politique régionale européenne sur la période 2000-2006, dont 3,9 milliards en faveur des DOM dans le cadre de l'objectif 1, 6,2 milliards d'euros au titre de l'objectif 2, 4,7 milliards d'euros au titre de l'objectif 3 et 1,2 milliard d'euros au titre des PIC.
Mme Marie-Claude Lesage Kiechel a ensuite indiqué que la réforme en cours pour la période 2007-2013 devait tenir compte de l'entrée dans l'Union européenne de nouveaux Etats membres connaissant d'importants retards de développement, tels que la Pologne dont le PIB par habitant n'atteint que 45,8 % du PIB communautaire. Aussi bien, a-t-elle souligné, la Commission européenne a-t-elle proposé que près de 80 % de l'enveloppe consacrée à la politique régionale revienne désormais aux nouveaux Etats membres, la grande perdante étant, à cet égard, l'Espagne. Insistant sur la simplification opérée par les projets de règlements réformant la politique régionale européenne, elle a notamment relevé un recentrage sur trois objectifs qui intègrent désormais les PIC, l'extension au Fonds de cohésion de la réglementation générale applicable aux fonds structurels, l'adoption d'une approche stratégique et, enfin, l'obligation de faire financer chaque programme opérationnel par un seul fonds. Elle a fait observer que si la France avait largement soutenu l'architecture proposée par la Commission européenne et défendu le maintien d'un objectif 2, elle n'apparaissait néanmoins pas en première ligne pour défendre la politique régionale européenne dans les négociations sur les perspectives financières, non seulement par souci de contenir sa contribution au budget communautaire, mais aussi en raison de la priorité donnée à la défense de la politique agricole commune.
Elle a alors indiqué que le nouvel objectif dit « convergence », concernerait, outre les Etats membres relevant du Fonds de cohésion, les régions dont le PIB par habitant ne dépasse pas 75 % de la moyenne communautaire et celles dans lesquelles ce seuil est dépassé par un simple effet statistique lié à l'intégration des nouveaux Etats membres et qui bénéficieront pour cette raison d'un soutien transitoire. Ces régions en « phasing out », a-t-elle précisé, sont pour l'essentiel les Länder de l'ex-République démocratique allemande et certaines régions d'Espagne.
Concernant l'objectif dit « compétitivité régionale et emploi », elle a indiqué que les régions éligibles seraient celles non couvertes par l'objectif « convergence », y compris celles qui sont en phase de sortie de cet objectif. Elle a expliqué que l'une des grandes simplifications portait sur la disparition du zonage et qu'en conséquence les crédits devraient désormais être concentrés sur trois priorités thématiques (« innovation et économie de la connaissance », « environnement et prévention des risques » et « accessibilité aux services de transport et de télécommunication »), définies conformément aux stratégies européennes de Lisbonne et de Göteborg.
Observant que l'innovation se rencontrait surtout dans les zones urbaines, M. Jean François-Poncet, président, a relevé que le nouveau dispositif ne permettrait plus en France de corriger les disparités territoriales en soutenant les zones les plus pauvres.
Mme Jacqueline Gourault a estimé qu'il serait en revanche plus favorable aux régions qui, comme la sienne, n'étaient ni vraiment riches, ni vraiment pauvres.
Mme Marie-Claude Lesage Kiechel a assuré que le calcul de l'enveloppe attribuée à la France tiendrait compte des disparités régionales grâce à la prise en compte, au niveau de chaque région, de certains critères tels que le PIB, le nombre de demandeurs d'emploi, le niveau d'éducation ou encore la densité démographique.
M. Jean François-Poncet, président, s'est interrogé sur la manière dont chaque enveloppe régionale serait ensuite répartie entre les territoires d'une même région, exprimant la crainte, à cet égard, d'une captation des crédits par les capitales régionales. Il a considéré que le zonage permettait jusqu'à présent d'éviter une telle dérive.
Abondant en son sens, M. Roger Besse a considéré que le zonage permettait d'avoir une approche équitable, en ne retenant comme éligibles que les territoires en ayant le plus besoin. Il a souhaité savoir pour quelles raisons il n'était plus possible, dans l'actuelle programmation, d'obtenir des taux de cofinancement élevés pour des projets tels que la construction en zone rurale d'ateliers-relais qui, a-t-il expliqué, permettent d'aider les artisans à se doter des locaux nécessaires à leur activité.
Mme Marie-Claude Lesage Kiechel a expliqué que les crédits alloués dans le cadre de l'objectif 2 n'avaient pas vocation à financer la totalité d'un projet, mais à favoriser un effet de levier sur d'autres financements. Elle a suggéré qu'en l'espèce, la limitation du cofinancement européen n'était sans doute pas imputable à la réglementation sur les fonds structurels, mais vraisemblablement au régime des aides à finalités régionales et à la réglementation communautaire en matière de concurrence. Elle a mis l'accent sur la souplesse de la future programmation qui, a-t-elle précisé, devrait permettre d'attribuer des taux majorés de cofinancement à l'intérieur d'un programme opérationnel, à condition qu'à l'échelle de celui-ci, le taux moyen de subvention ne dépasse pas 50 %.
M. Roger Besse a souhaité que le nouveau dispositif autorise plus facilement les collectivités territoriales à subventionner les projets locaux cofinancés par les fonds structurels.
M. Jean François-Poncet, président, a constaté à regret que les crédits bénéficiaient souvent aux territoires des collectivités les plus riches, qui avaient les moyens de lancer les projets.
Mme Marie-Claude Lesage Kiechel a fait observer que selon les analyses réalisées par la Commission européenne, les fonds structurels avaient permis sinon d'inverser, du moins de freiner les évolutions négatives ou d'en amortir les chocs dans les régions les moins favorisées.