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DÉLÉGATION DU SÉNAT POUR LA PLANIFICATION

Mardi 27 juin 2000

- Présidence de M. Joël Bourdin, président.

La troisième génération des contrats de plan Etat-Régions (1994-1999) - Examen du rapport d'information

La délégation a procédé à l'examen du rapport d'information de M. Pierre André sur la troisième génération des contrats de plan Etat-Régions (1994-1999).

M. Pierre André, rapporteur,
a tout d'abord rappelé que ce rapport d'information s'inscrivait dans le cadre des missions confiées à la délégation par l'article 2 de la loi du 29 juillet 1982, ainsi que dans le cours d'une longue tradition, marquée par les rapports de MM. Jacques Braconnier en 1986 et Georges Mouly en 1992.

M. Pierre André, rapporteur, a ensuite souligné que ce rapport avait été élaboré dans un contexte nouveau. En effet, pour la première fois, les contrats de plan Etat-Régions n'ont pas été entièrement exécutés.

Il a indiqué que ses préoccupations avaient été d'analyser ce que la procédure de contrat de plan changeait pour la dépense et la décision publiques, de présenter le point de vue des acteurs des contrats de plan (les ministères, la DATAR, les préfectures, les régions et les autres collectivités locales), et d'exposer les liens entre les contrats de plan et la décentralisation.

Il a précisé que sa réflexion s'appuyait notamment sur une documentation inédite constituée des réponses aux questionnaires qu'il avait envoyés en juin 1999 à chacun des dix-sept principaux ministères concernés, à la DATAR, au commissariat général du Plan et aux vingt-deux régions métropolitaines (seuls, deux ministères et cinq régions n'y ont pas répondu).

M. Pierre André, rapporteur, a tout d'abord analysé la procédure de préparation et de négociation des contrats de plan.

Il a indiqué que la procédure avait été fixée unilatéralement par l'Etat par voie de circulaires - ce qui, pour reprendre une expression de la Cour des Comptes, rendait " obsolètes " les dispositions de la loi du 29 juillet 1982 - et s'était heurtée au cloisonnement des administrations et à l'insuffisance de la déconcentration.

Il a considéré que les régions, qui avaient souvent engagé une véritable réflexion stratégique et prospective, avaient cependant été victimes d'une négociation déséquilibrée, du fait du noyau dur retenu par l'Etat, des clefs de financement imposées par le ministère de l'équipement, de la volonté des administrations centrales d'imposer leurs propres procédures, du refus de l'Etat de contractualiser des politiques expérimentales ou des actions relevant des compétences des régions, voire de la " mise aux enchères " par l'Etat de ses crédits.

Il a souligné que, si les ministères estimaient que ce déséquilibre était légitime, les régions y voyaient une atteinte aux principes de la décentralisation.

Il a ajouté que les contrats de plan, à la fois technique budgétaire et acte politique, étaient de nature ambivalente.

Il a également rappelé que les engagements financiers officiels des troisièmes contrats de plan (164 milliards de francs, dont 76 milliards pour l'Etat) ne rendaient pas bien compte de la mobilisation de l'ensemble des collectivités locales, et représentaient moins de 1 % des dépenses annuelles de l'Etat et moins de 20 % de celles des régions. Certaines régions souhaitent d'ailleurs que le champ de la contractualisation soit étendu, sur la base du volontariat, à l'ensemble des infrastructures de transports ou à certains services publics.

Il a conclu la présentation de la première partie du rapport d'information en soulignant l'insuffisance du suivi (l'Etat ayant souvent mis en place ses crédits avec retard, et n'ayant exécuté que 75 % environ de l'effort annuel auquel il s'était engagé, ce qui s'explique essentiellement par un contexte budgétaire dégradé, mais aussi par des engagements qualifiés de " peu soutenables " par la direction du budget), et en rappelant les incertitudes juridiques quant à la portée des contrats de plan.

M. Pierre André, rapporteur, a ensuite estimé que les contrats de plan constituaient un outil de nature à transformer la décision publique, en stimulant le développement des régions et la modernisation de l'Etat, mais que la troisième génération des contrats de plan n'avait favorisé qu'une cohérence limitée de l'action publique, en raison d'une coordination interministérielle insuffisante, du fait que la procédure n'avait guère eu d'effet d'entraînement sur la déconcentration, de l'insuffisance de l'articulation des troisièmes contrats avec les fonds structurels européens (les quatrièmes contrats constituant un progrès sur ce point de vue), et de la multiplication des financements croisés, source d'opacité.

Il a alors expliqué que la procédure de contrat de plan exerçait trois types d'effets sur la dépense publique : un accroissement en niveau (tout en favorisant les dépenses d'investissement), des transferts de charges très importants au détriment des collectivités locales (l'Etat se servant des contrats de plan pour faire financer ses propres projets par les collectivités locales, voire pour leur imposer des politiques de son choix) et une meilleure redistribution infrarégionale des dépenses publiques. Il a cependant regretté la répartition aléatoire des crédits de l'Etat entre les régions, faute de critères clairs et respectés.

Il a également jugé que les travaux d'évaluation, qui concernaient certaines actions contractualisées, avaient souvent déçu, essentiellement en raison de leur faible diffusion, et que la démarche évaluative devait être consolidée.

Présentant le dernier chapitre de son rapport d'information, relatif aux enseignements tirés, pour la préparation de la quatrième génération des contrats de plan (2000-2006), de l'expérience de la troisième génération, M. Pierre André, rapporteur, a tout d'abord souligné le contraste entre l'autosatisfaction exprimée par les ministères et la déception des régions, qui estiment que, malgré des avancées, la procédure s'est souvent encore caractérisée par un calendrier bousculé, une logique budgétaire et sectorielle, une élaboration centralisatrice, sinon recentralisatrice, et enfin un manque de règles du jeu claires.

Il a ensuite précisé que, contrairement à ce qui avait été avancé, les engagements de l'Etat baissaient dans les quatrièmes contrats de plan, si on tient compte de l'inflation et si on rapporte ces engagements à la durée initialement prévue pour les contrats, mais que l'Etat n'en devrait pas moins faire un effort budgétaire considérable pour les respecter.

M. Pierre André, rapporteur, a alors conclu que la procédure de contrats de plan avait été dénaturée par l'Etat, qui s'en servait trop souvent pour imposer des concours financiers aux collectivités locales, et que les contrats de plan étaient devenus " les enfants parricides de la décentralisation ".

Il a ainsi mis en évidence une triple nécessité : un débat parlementaire pour préciser les règles du jeu et réformer les dispositions obsolètes de la loi du 29 juillet 1982, l'engagement par l'Etat d'un mouvement de vigoureuse déconcentration, et une mise en oeuvre du triptyque expérimentation-évaluation-généralisation, tant pour les politiques publiques que pour la répartition des compétences entre les collectivités publiques.

Mme Janine Bardou a souligné les retards de l'Etat et la fréquence du financement de la politique de l'Etat par les collectivités locales, ainsi que le problème que causerait une croissance moindre que prévu pour le respect de l'engagement de l'Etat dans la quatrième génération des contrats de plan.

Elle a demandé s'il existait des investissements communs entre collectivités locales et si les contrats de plan étaient exécutés dans les mêmes proportions dans toutes les régions.

En réponse, M. Pierre André, rapporteur, a considéré qu'il n'existait pas de fortes différences entre régions quant au taux d'exécution des contrats de plan, ainsi que l'indiquent plusieurs tableaux figurant dans le rapport d'information.

M. Serge Lepeltier a partagé l'analyse du rapporteur, selon laquelle l'Etat faisait payer sa politique par les collectivités locales, en l'imposant souvent par la " mise aux enchères " de ses crédits. Il a également souligné l'implication croissante des collectivités locales autres que les régions, laquelle suscite un mélange des genres dommageable. Il s'est ainsi demandé s'il ne faudrait pas proposer que les contrats concernent à l'avenir seulement l'Etat et les régions. Remarquant enfin que la répartition des crédits de l'Etat entre régions se faisait sans critères précis, il a demandé s'il était possible d'adopter des critères analogues à ceux fixés en Allemagne.

M. Pierre André, rapporteur, a confirmé le caractère néfaste de la " mise aux enchères " des crédits de l'Etat. Il a rappelé que le rapport d'information abordait le cas des exemples étrangers, et regretté que l'Etat ne se donne pas les moyens d'une véritable politique d'aménagement du territoire.

M. Joël Bourdin, président, a interrogé le rapporteur sur la manière dont les contrats de plan pouvaient être un facteur d'accroissement de la dépense publique, sur l'évaluation des transferts de charges de l'Etat vers les collectivités locales qu'entraînaient les contrats de plan, et sur le risque que l'Etat ne respecte pas ses engagements dans les nouveaux contrats de plan.

En réponse, M. Pierre André, rapporteur, a considéré que la procédure des contrats de plan pouvait favoriser trois types de comportement, facteurs d'accroissement de la dépense publique : la réalisation par chacun des cocontractants d'efforts supplémentaires dans certains domaines, des financements croisés et des logiques de guichet, ce qui ne remet cependant pas en cause le fait que la procédure des contrats de plan peut favoriser des dépenses plus cohérentes et plus efficaces.

Il a ensuite estimé que, s'il était difficile d'apprécier si une collectivité locale avait réellement décidé d'une politique, on pouvait en revanche évaluer les dépenses normalement de la compétence de l'Etat et effectuées par les collectivités locales, qui s'élèvent au moins à 50 milliards de francs.

Il a enfin rappelé que si, en tenant compte de l'inflation et contrairement à ce qui est souvent écrit, les engagements initiaux de l'Etat avaient baissé de 15,5 milliards de francs par an (valeur de 1993) pour les troisièmes contrats de plan à 14,5 milliards de francs par an (valeur de 1993) pour les quatrièmes contrats de plan, des difficultés pourraient néanmoins survenir du fait de la diminution des marges de manoeuvre budgétaires de l'Etat (lequel s'est engagé auprès des instances communautaires à n'augmenter ses dépenses que de 1 % sur les années 2001 à 2003) et de la tendance à la réduction de ses dépenses d'investissement.

La délégation a alors adopté le rapport d'information présenté par M. Pierre André sur la troisième génération des contrats de plan Etat-Régions (1994-1999).

M. Joël Bourdin, président,
a rappelé que le dernier rapport d'information inscrit au programme de travail de la délégation, adopté en 1998, était celui de Mme Janine Bardou, relatif au rapport sur les perspectives de la France, que le Commissaire au Plan rendra prochainement au Premier ministre, et qui devrait être soumis aux assemblées parlementaires pour un débat sans vote.