Mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales
Compte rendu du déplacement à Bordeaux et à Jonzac
Une délégation de la
Mission temporaire sur
l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales, sous la
conduite de M. Gérard Larcher, président du Sénat, et du président de
la Mission, M. Claude Belot (UMP, Charente-Maritime), s'est rendue à Bordeaux
et à Jonzac, le 26 janvier 2009. Participaient également à
ce déplacement : M. Yves Krattinger (SOC., Haute-Saône), rapporteur,
et M. Pierre-Yves Collombat (SOC., Var), premier vice-président.
La matinée à Bordeaux, qui
était organisée en partenariat avec le journal Sud-Ouest, a permis aux
sénateurs de recueillir auprès des autorités locales (M. Alain Juppé, maire
de Bordeaux, M. Alain Rousset (SRC),député de la Gironde, président de la région Aquitaine, président de l'Association des régions de France, M. Philippe
Madrelle (SOC.), sénateur, président du conseil général de la Gironde, et Mme Françoise Cartron (SOC.), sénatrice de la Gironde et vice-présidente de la communauté urbaine) leurs analyses sur les perspectives de
réforme de l'organisation territoriale, plus spécialement dans leur région
marquée par l'attraction exercée par la métropole bordelaise sur son
environnement, à l'occasion de Tables rondes sur l'organisation
institutionnelle et la répartition des compétences entre les niveaux de
collectivités territoriales.
Cette rencontre, qui s'est
déroulée dans le contexte de la tempête Klaus, qui venait de frapper la région,
s'est ouverte par une allocution de M. Alain Juppé, qui a mis l'accent
sur les objectifs de simplification face à la complexité croissante de la
société et la nécessité d'adopter des règles claires et stables, dans un
contexte de judiciarisation croissante de la vie publique locale. Il a constaté
que le principe d'autonomie fiscale des collectivités territoriales, inscrit à
l'article 72-2 de la Constitution, ne soit pas respecté, entraînant une
certaine fragilisation des budgets locaux. Il a observé que les villes avaient
été les grandes oubliées de la décentralisation,
regrettant que la France n'ait pas le réseau de villes européennes qu'elle
méritait. Il a appelé à un renforcement de la légitimité démocratique des
agglomérations, dans un système qui permettrait de concilier le fait communal
et la possibilité de peser sur les choix communautaires autour de projets
porteurs.
Pour sa part, M. Gérard
Larcher, président du Sénat, après avoir rendu hommage à la mobilisation de
la sécurité civile pour remédier à la situation de crise liée à la tempête, a
appelé à rendre le système territorial plus cohérent, lisible et efficace. Constatant
l'émergence du fait métropolitain et de la nouvelle ruralité, il a souligné la
responsabilité particulière du Sénat, « Maison des territoires »,
pour faire des propositions audacieuses et réalistes, dans le cadre de la
décentralisation, qui correspondent à une coresponsabilité de gestion de la République. Il a annoncé que la Mission se rendrait en différents points du territoire,
notamment à Lyon et dans les Hautes-Pyrénées, avant de formuler ses propositions.
M. Claude Belot, président
de la Mission, a souligné le besoin de remise en ordre de l'organisation
territoriale, tout en saluant les bienfaits de la décentralisation
qui avait libéré les forces créatrices dans le pays, soulignant que l'existence
dans notre organisation institutionnelle de trois strates se retrouvait dans
les autres pays, la singularité française venant plutôt de ses 36 000
communes, ce qui fait du maire le premier échelon d'intervention publique.
Après avoir montré l'intérêt des
vraies intercommunalités de projet, mais également des départements qui, dans
les circonstances présentes, étaient au premier rang pour répondre aux besoins
de secours, il a fait ressortir l'importance du rôle joué par les métropoles
d'équilibre, créées il y a cinquante ans, et grâce auxquelles se manifeste
aujourd'hui le fait métropolitain, dont l'impact s'étend sur toute une région.
Il lui a paru nécessaire d'organiser l'articulation entre le département et la
région, mais sans remettre en cause ces deux niveaux. Il a enfin insisté sur la
diversité des territoires français, qui appellent des solutions adaptées.
M. Patrick Venries,
directeur de la rédaction de Sud-Ouest, a ensuite présenté les résultats
de l'enquête auprès des lecteurs de ce journal sur la réorganisation
territoriale, faisant observer qu'une trentaine de réponses avaient été envoyées
par internet.
Animées par M. Pierre-Henri
Gergonne, journaliste à Public Sénat, les Tables rondes ont donné lieu à un
échange nourri sur la réorganisation territoriale en Aquitaine et sur
l'exercice des compétences par les différents niveaux. M. Yves
Krattinger, rapporteur, et M. Pierre-Yves Collombat, premier
vice-président, qui ont animé les débats avec les élus d'Aquitaine, ont
souligné que la Mission n'entendait pas conclure trop vite et souhaitait recueillir
au préalable les témoignages des responsables des collectivités territoriales
sur leur propre expérience.
M. Yves
Krattinger, rapporteur, s'est interrogé
sur le point de savoir s'il fallait créer un statut particulier pour les
métropoles, en s'inspirant, le cas échéant, de la loi PLM, se référant à
l'analyse de M. Pierre Mauroy sur le sujet.
M. Alain
Juppé et Mme Françoise Cartron
ont fait ressortir la bonne entente entre la ville et la communauté urbaine, et
le souci de mise en cohérence entre le projet communautaire et les projets
communaux.
Mme Françoise
Cartron, pour sa part, a douté que la loi
PLM soit la réponse à la question posée, estimant qu'il valait mieux s'attacher
à la définition d'un projet. Elle appelé par ailleurs à un renforcement de la
parité dans les conseils.
Pour sa
part, interrogé par M. Pierre-Yves Collombat sur les relations
entre l'agglomération et la région, M. Alain Rousset a regretté la
faiblesse du niveau régional en France et notamment sa représentation au Sénat.
Il lui a paru nécessaire de surmonter les peurs pour renforcer le niveau
régional et en faire le chef de file du développement économique, relevant que
certaines politiques, celle du logement par exemple, étaient conduites sans
pilote. Il a appelé à une remise en ordre et a dénoncé le fait que l'Etat ait
maintenu ses services pour doublonner ceux des collectivités territoriales. Il a
appelé de ses vœux un acte III de la décentralisation, qui consisterait en une
vraie simplification des responsabilités et un renforcement de
l'intercommunalité qui devrait, a-t-il estimé, bénéficier à terme à la clause
générale de compétence.
M. Philippe
Madrelle a fait ressortir le rôle du
département, qui gère 6 000 kilomètres de routes en Gironde, subventionne à 75 % le service départemental d'incendie et de secours et assure l'action
sociale et la solidarité territoriale et humaine. Il a considéré que le vrai
problème n'était pas celui de la réorganisation des compétences, mais de la
fiscalité locale, qu'il fallait au plus vite réformer. Enfin, il a dénoncé le
fait que l'Etat ait mis aux enchères publiques ses compétences et soit
redevable au conseil général de Gironde d'un arriéré (159 millions d'euros)
pour le financement de l'APA et du RMI.
M. Alain
Juppé s'est montré, pour sa part,
sceptique sur les blocs de compétences, estimant que la CUB ne pouvait se désintéresser du développement économique et des transports en coordination
avec le département et la région, appelant à explorer la piste de chef de file.
Il a tenu à saluer les initiatives prises par l'Etat en de nombreux domaines,
notamment en créant des pôles de compétitivité et dans la conduite de la
politique de recherche.
M. Pierre-Yves
Collombat a relevé, pour sa part, que l'on
devrait veiller à ne pas créer de nouveaux problèmes en voulant changer les
équilibres façonnés par l'histoire. Il a appelé à une clarification des
compétences et à un renforcement de la démocratie locale, en réglant le
problème de la désignation des représentants des communes au sein des
intercommunalités.
A
l'issue d'un débat où sont intervenus plusieurs élus locaux présents dans la
salle, M. Pierre-Yves Collombat a constaté que l'on était passé de
la problématique d'une réforme des collectivités territoriales à l'objectif
d'achever la décentralisation.
En
conclusion, M. Claude Belot s'est félicité que ces Tables rondes
aient été un moment fort, constatant le caractère stratégique du niveau
régional, mais également le caractère très opérationnel des communes et des
départements, notamment dans des circonstances exceptionnelles comme celles que
traverse la région d'Aquitaine.
Modifiant
son programme, pour témoigner sa solidarité aux communes durement éprouvées par
la tempête, la Mission sénatoriale s'est ensuite rendue à Gujan-Mestras,
dont Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sénatrice (UMP, Gironde) est
maire, pour une rencontre avec les maires du bassin d'Arcachon et les
responsables locaux des secours.
L'après-midi,
la Mission s'est rendue à Jonzac, où l'attendaient de nombreux élus de
Charente-Maritime et de Charente (maires, conseillers municipaux, conseillers
généraux).
Accueillant
la délégation sénatoriale, M. Claude Belot a insisté sur le rôle
majeur de l'intercommunalité dans le développement du territoire. Il a souhaité
que la réforme puisse s'engager sans tout remettre en cause, car il y a, a-t-il
constaté, beaucoup de choses qui marchent bien. Ainsi, le complexe aquatique
des « Antilles de Jonzac », réalisé par l'intercommunalité, accueille
300 000 visiteurs par an et a une gestion bénéficiaire.
Après
l'intervention de M. Gérard Larcher, président du Sénat, qui a
rappelé que le Sénat examinerait en premier le projet de réorganisation
territoriale et a insisté sur la volonté de simplification et de clarification
de l'organisation institutionnelle locale, M. Yves Krattinger, rapporteur
de la Mission, a interrogé les nombreux élus présents sur la façon dont ils
voyaient l'avenir des communes et des intercommunalités à 10, 15 ou
20 ans.
M. Pierre-Yves
Collombat, premier vice-président de la Mission et vice-président de l'Association nationale des maires ruraux de France, s'est
interrogé sur la taille optimale des communautés de communes et sur la manière
de remédier au déficit démocratique, lié au mode de désignation des membres des
conseils communautaires. S'agissant des relations entre les communes rurales,
les cantons ruraux et les conseils généraux, il a soulevé la question des
compétences exercées par ces derniers à l'égard des cantons ruraux.
Ont
ensuite été passées en revue les questions relatives aux « pays », au
rôle des régions à l'égard des territoires ruraux et également des
intercommunalités, ainsi que les modes de scrutin envisageables pour renforcer
la représentation démocratique.
Enfin, M. Yves
Krattinger a souligné que les intercommunalités pourraient rendre le
territoire plus compétitif. Il a appelé à une clarification des compétences, en
vue d'une plus grande efficacité locale, passant, selon lui, par la création
d'une relation renforcée entre communes et intercommunalités d'une part, et
département de l'autre, en empruntant la voie de la contractualisation, la
région étant, elle, compétente pour les équipements stratégiques, la formation,
la recherche et les pôles de compétitivité, en lien avec l'Etat et l'Europe.
En
conclusion, le président Larcher s'est félicité de la qualité du débat
instauré avec les élus locaux et insisté sur l'objectif de rendre les
territoires plus compétitifs à partir de l'échelon de proximité. Il a aussi
souligné le rôle essentiel de la commune comme cellule de base de la
démocratie, constatant que l'organisation territoriale passait par la région
stratège, la réponse n'étant cependant pas la même là où il n'y a pas de
métropole. Il a mis l'accent sur les possibilités d'expérimentation dans
certains territoires, pour permettre une prise en compte de la diversité.
Enfin, le
président du Sénat a annoncé que la Mission devrait en principe remettre son
rapport en mai prochain et a appelé à renforcer la proximité, tout en
conjuguant compétitivité et efficacité pour faire de notre pays, à partir de la
cellule de base qu'est la commune jusqu'à la région stratège, un pays dynamique
qui sache s'adapter au XXIe siècle.
Lettre hebdomadaire du Carrefour n° 356 du 9 février
2009
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Sénat