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DÉLÉGATION DU SÉNAT AUX DROITS DES FEMMES ET À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES

Mercredi 26 avril 2000

- Présidence de Mme Dinah Derycke, présidente.

Droit civil - Procédure de divorce pour cause objective - Saisine de la délégation

Mme Dinah Derycke, présidente, a tout d'abord indiqué que la commission des lois avait décidé, le mardi 25 avril 2000, de saisir la délégation de la proposition de loi n° 266 (1998-1999) de M. Nicolas About visant à remplacer la procédure de divorce pour faute par une procédure de divorce pour cause objective.

Rapport annuel de la délégation - Communication

Puis à la suite des récents échanges de vues de la délégation sur le contenu de ses travaux, il a été décidé de retenir, à l'initiative de Mme Dinah Derycke, présidente, la prostitution comme premier sujet annuel d'étude.

Audition de Mme Marie-Lou Robert, chargée de mission à la Délégation des femmes de la Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT)

La délégation a ensuite procédé à l'audition de Mme Marie-Lou Robert, chargée de mission à la Délégation des femmes de la Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT), sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, de Mme Catherine Génisson et plusieurs de ses collègues, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

En introduction, Mme Marie-Lou Robert a considéré que la loi Roudy de 1983 était une bonne loi qui avait cependant souffert, quant à sa mise en oeuvre, d'un intérêt insuffisant de la part des organisations syndicales. Elle a ainsi estimé que si les inégalités entre les femmes et les hommes n'avaient pas substantiellement reculé dans les entreprises depuis près de vingt ans, la faute en incombait en partie aux militants syndicaux qui ne s'étaient jamais réellement saisis du problème. Puis elle a jugé intéressantes et utiles les améliorations apportées par la proposition de loi Génisson à la loi Roudy.

Elle s'est ainsi félicitée de l'obligation de négocier chaque année, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, sur le rapport de situation comparée entre les hommes et les femmes en regrettant cependant qu'elle ne pèse pas sur les chefs des entreprises de moins de cinquante salariés, où les femmes sont pourtant majoritaires. De même s'est-elle déclarée très favorable à l'obligation de négocier au niveau de la branche, en estimant qu'il s'agissait d'un bon échelon pour procéder à d'utiles comparaisons des situations respectives des hommes et des femmes, plus pertinent que celui des entreprises, assez peu mixtes et où le travail d'analyse comparative est parfois délicat. Elle a enfin approuvé la démarche intégrée instituée par la proposition de loi qui, en imposant de prendre en compte la problématique de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans toutes les négociations transversales, devrait à la fois permettre de faire régresser les inégalités actuelles et empêcher l'établissement de nouvelles inégalités dans les métiers qui se créent actuellement dans les domaines des nouvelles technologies de l'information et de la communication ou de l'aide aux personnes.

Abordant ensuite le volet de la proposition de loi consacré à la fonction publique, Mme Marie-Lou Robert a rappelé qu'en dépit du principe d'égalité figurant dans le statut général des fonctionnaires et des dispositions statutaires relatives aux cadres et aux emplois, les différences de salaires entre les femmes et les hommes, à grades et échelons identiques, pouvaient encore atteindre 16 % par le jeu combiné des primes, des filières, des emplois, etc. Elle a approuvé la mise en oeuvre législative des propositions du rapport de Mme Anne-Marie Colmou relatives à la mixité des jurys, à la représentation équilibrée des hommes et des femmes parmi les délégués de l'administration siégeant dans les organismes paritaires de négociation et de concertation, ou encore au problème du harcèlement sexuel. Elle a toutefois regretté qu'il ne soit pas envisagé d'imposer par la loi les plans d'objectifs de promotion des femmes sur trois ou cinq ans, en estimant que les circulaires ou décrets dont ils font l'objet seraient insuffisants. En conclusion de son propos,Mme Marie-Lou Robert a indiqué qu'à l'occasion de son prochain congrès, la CFDT déciderait d'assurer une juste représentativité des femmes dans toutes les délégations qu'elle était amenée à constituer pour siéger dans des organismes paritaires, à tous les niveaux.

Un débat s'est ensuite instauré.

M. Gérard Cornu, rapporteur, a demandé à Mme Marie-Lou Robert d'une part si l'intervention préalable du législateur n'était pas de nature à gêner la négociation des partenaires sociaux sur l'égalité professionnelle dans le cadre de la refondation sociale, et, d'autre part, s'il lui semblait que le principe de la représentation proportionnelle des femmes dans les comités d'entreprise, tel qu'il est appliqué en Allemagne en vertu d'une loi de 1972, pourrait être applicable en France et rencontrerait l'accord des syndicats.

En réponse, Mme Marie-Lou Robert a considéré que l'adoption de dispositions législatives préalablement au dialogue social ne serait pas gênante, celui-ci devant permettre la bonne application de celles-là et d'aller au-delà de la loi. S'agissant de la représentation des femmes au comité d'entreprise en fonction de leur effectif dans l'entreprise, elle a indiqué que la CFDT y était favorable et redit que la confédération prendrait prochainement les dispositions nécessaires pour parvenir à cette " juste représentativité " au sein de ses délégations. Elle a ensuite souligné qu'une loi luxembourgeoise imposait la désignation, dans les entreprises, d'un délégué à l'égalité entre les femmes et les hommes, avec des heures de délégation pour exercer son mandat, en précisant que la CFDT proposerait au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle son adaptation en France. Poursuivant les comparaisons internationales, Mme Marie-Lou Robert a estimé que, par sa globalité, la loi Roudy était une des meilleures lois en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi, par sa complexité, une des plus mal appliquées. C'est pourquoi, a-t-elle déclaré, la mise en oeuvre des dispositions de la proposition de loi Génisson qui viendront la préciser demande que les représentants du personnel reçoivent une formation spécifique. Elle a indiqué que la CFDT souhaitait que l'État aide les entreprises à financer une telle formation et à rémunérer des heures de délégation spécifiques.

S'agissant de la juste représentation des femmes au sein des délégations syndicales dans les organismes paritaires, Mme Dinah Derycke, présidente, a demandé s'il fallait en inscrire le principe dans la loi ou en laisser la responsabilité à chaque organisation syndicale. Si Mme Marie-Lou Robert s'est déclarée favorable à une obligation législative -à titre personnel, notamment pour la fonction publique, et au nom de la CFDT- elle a toutefois reconnu qu'elle serait probablement mal perçue par d'autres organisations syndicales et estimé qu'il était en conséquence " trop tôt " pour la faire figurer dans la proposition de loi de Mme Génisson. Elle a ajouté que le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle apparaissait comme une enceinte appropriée pour débattre de cette question, laquelle pourrait être aussi abordée au cours du processus de rénovation du dialogue social.

Après avoir estimé que Mme Marie-Lou Robert venait d'apporter la preuve sur ce point particulier que la proposition de loi de Mme Génisson intervenait trop tôt, Mme Annick Bocandé l'a interrogée sur les raisons qui pouvaient expliquer que ni les organisations syndicales, ni le patronat ne se soient saisis de la loi Roudy. Mme Marie-Lou Robert a fait valoir en réponse que la composition majoritairement masculine des équipes syndicales n'avait pas joué en faveur de la lutte contre les inégalités entre hommes et femmes dans l'entreprise, alors même que celle-ci permet aussi de faire évoluer d'autres dossiers, comme ceux des salaires ou de la formation.

Puis, Mme Annick Bocandé la questionnant sur les mesures à prendre pour favoriser une meilleure conciliation des vie professionnelle et familiale, Mme Marie-Lou Robert a estimé que la problématique relevait à la fois de la société, les pouvoirs publics et les entreprises devant répondre aux besoins des parents si l'on veut assurer le renouvellement des générations, et de la vie privée. Elle a souligné que, seul, le congé de maternité distinguait juridiquement les femmes des hommes, toutes les autres formules de congé ou d'organisation du travail étant indifférentes au sexe du salarié. Elle a estimé que la mixité des représentations syndicales était la seule formule permettant de faire émerger des solutions consensuelles en matière d'organisation du travail.

Après que Mme Gisèle Printz eut fait part de son expérience personnelle de femme engagée dans le mouvement syndical, Mme Marie-Lou Robert a indiqué que 43 % des adhérents de la CFDT étaient aujourd'hui des femmes, ce qui traduisait leur intérêt pour le militantisme syndical. En réponse à une question de Mme Annick Bocandé, elle a précisé que, grâce à des mesures volontaristes prises par la CFDT depuis 1982, environ 25 % des responsables syndicaux dans les branches professionnelles étaient des femmes, que le nombre des femmes avait quasiment doublé entre 1991 et 1997 au bureau régional interprofessionnel et que leur proportion au Conseil national confédéral était passée de 17 % à 28 % au cours de la même période. Si le pouvoir syndical est encore largement masculin, a-t-elle souligné, l'engagement croissant des femmes, qui s'impliquent davantage dans la résolution des difficultés concrètes, permet d'obtenir d'importantes avancées collectives, en particulier en matière de conditions de travail.

Mme Dinah Derycke, présidente, lui ayant demandé si la CFDT avait mené des études, à l'échelon de la branche, sur l'impact des salaires féminins sur le niveau général de l'ensemble des salaires afin d'activer la solidarité en faveur des femmes, Mme Marie-Lou Robert a déclaré qu'il était incontestable, bien qu'on ne dispose pas d'études précises, qu'une amélioration globale de la situation de tous les salariés résultait de la prise en compte de problèmes en apparence spécifiquement féminins.

M. Gérard Cornu, rapporteur, ayant abordé la question particulière du congé pour la garde d'un enfant malade, Mme Dinah Derycke, présidente, a relevé que si, juridiquement, ce congé était ouvert de manière identique aux femmes et aux hommes, des considérations relatives à la place différente des hommes et des femmes au sein de l'entreprise, à leurs tâches et responsabilités, et, par conséquent, niveaux de salaires respectifs s'ajoutaient aux obstacles culturels conduisant à ce qu'il soit presque exclusivement demandé par les mères de famille, tout comme d'ailleurs le congé parental d'éducation. Mme Marie-Lou Robert a ajouté qu'il en était de même pour le recours au travail à temps partiel, relativement négligé par les hommes pour des raisons qui tiennent à son impact sur le niveau de la retraite, la protection sociale et la carrière, précisant que 70 % des hommes qui en bénéficient utilisent le temps dégagé non pour se consacrer à la vie familiale, mais pour suivre une action de formation.