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OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES (OPECST)

Mercredi 16 mai 2001

- Présidence de M. Henri Revol, sénateur, président.

Les possibilités d'entreposage à long terme de combustibles nucléaires irradiés - Examen du rapport

L'Office a procédé à l'examen du rapport de M. Christian Bataille, député, sur les possibilités d'entreposage et de stockage des combustibles irradiés et des déchets radioactifs dans des installations situées en surface et en subsurface.

M. Christian Bataille, député, rapporteur,
a rappelé que l'annonce, par EDF, de ne plus retraiter l'intégralité des combustibles irradiés extraits chaque année des réacteurs allait poser un problème nouveau dans la gestion de l'aval du cycle de combustible nucléaire.

En effet, sur les 1050 tonnes de combustible UOX qui sont sortis des réacteurs, EDF ne demandera à la Cogema de n'en retraiter immédiatement que 850 tonnes qui correspondent à la fabrication du MOX nécessaire à l'alimentation des 20 tranches de centrales qui sont actuellement « moxées ».

C'est donc, chaque année, 200 tonnes de combustible UOX, auxquelles s'ajouteront 100 tonnes de MOX que EDF ne souhaite pas non plus faire retraiter dans l'immédiat, qui devront être entreposées à plus ou moins long terme.

Le rapporteur a donc souligné que l'on était depuis peu passé de la conception du cycle fermé du combustible à un système dual où une partie des éléments seront mis en attente, soit d'un retraitement différé, soit d'un envoi en stockage définitif.

Pour faire face à cette situation nouvelle, l'industrie nucléaire doit entreprendre des recherches sur les méthodes d'entreposage à long terme pour assurer à la fois la sûreté des populations concernées pendant toute la période d'entreposage et la possibilité de reprise de ces combustibles à l'expiration de cette période.

Pour cela, plusieurs solutions techniques existent : rerackage des piscines, entreposage à sec près des centrales, entreposage en surface ou en subsurface dans des installations spécialisées, entreposage sous collinaire...

Des recherches doivent donc être conduites activement dans le cadre de la « troisième voie » de la loi du 30 décembre 1991.

Le rapporteur a également indiqué qu'il avait étendu son enquête aux problèmes posés par la présence, en France, de combustibles irradiés d'origine étrangère en attente de retraitement. Il a estimé que les conditions de séjour en France de ces combustibles étrangers devraient être revues et complétées afin de mettre fin aux controverses actuelles et que, seuls, les combustibles véritablement en attente d'un retraitement prochain devraient être admis dans les installations des usines de La Hague.

En conclusion de son exposé, M. Christian Bataille a soumis aux membres de l'Office une proposition demandant l'adoption, le plus rapidement possible, d'une loi sur l'aval du cycle nucléaire prévoyant notamment :

- la création d'une délégation interministérielle à l'aval du cycle nucléaire ;

- l'affirmation du principe de gestion par chaque pays de ses matières radioactives ;

- le renforcement du rôle de l'ANDRA (Agence nationale des déchets radioactifs) ;

- la clarification du financement des dépenses liées aux déchets et à la gestion de l'aval du cycle nucléaire.

M. Henri Revol, sénateur, président a demandé au rapporteur de lui apporter des précisions sur l'état d'avancement des recherches sur l'entreposage à long terme et sur les délais qu'il serait souhaitable de fixer pour le séjour en France des combustibles étrangers en attente de retraitement.

M. Claude Birraux, député, a rappelé qu'en 1991, lors de la discussion de la loi sur les déchets à haute activité, il n'avait pas été fait état de la nécessité d'entreposer des combustibles irradiés à long terme, la doctrine officielle était encore, à cette époque, celle du « tout retraitement » et du cycle fermé du combustible.

Il a fait part de son accord à la proposition du rapporteur d'affirmer avec une certaine solennité que la France ne devrait en aucun cas accepter d'envoyer des combustibles irradiés ou des déchets dans des centres de stockage situés à l'étranger, notamment en Russie.

Il a regretté que les gouvernements ne fassent, en général, que peu de cas des initiatives des parlementaires dans le domaine législatif, même quand il s'agit de propositions qui pourraient recueillir un très large consensus comme celle que présente le rapporteur.

La création d'une haute autorité ou d'une délégation interministérielle à l'aval du cycle lui est apparue comme une proposition intéressante, bien que l'articulation avec les prérogatives de la DSIN (Direction de la Sécurité des Installations Nucléaires) lui paraisse difficile à établir.

Il a rappelé que, dans un récent rapport, la Cour des Comptes avait posé le problème du financement des dépenses liées à l'aval du cycle et en particulier au démantèlement et s'est prononcé, pour l'avenir, en faveur d'un fonds, comme le proposait le rapporteur. Un tel fonds, qui existe déjà dans certains pays, comme en Suède, permettrait de faire face à tous les changements de statut des entreprises concernées et aux éventuelles ponctions sur les provisions de ces entreprises par le ministère des finances.

M. Henri Revol, sénateur, président, approuvant également cette proposition de création d'un fonds de financement de l'aval du cycle, a rappelé que le problème se posait aussi dans d'autres secteurs que le nucléaire, et en particulier dans la distribution des eaux où, pour la suppression des canalisations en plomb, aucune provision n'a été prévue.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président, a tenu à souligner que les retards sur les autorisations d'extension des capacités de retraitement des usines UP 2 et UP 3 de la Cogema provenaient de difficultés d'ordre politique, la DSIN ayant pour sa part donné son feu vert, et qu'il convenait donc de demander au Gouvernement d'accélérer les procédures.

Rappelant les conclusions d'un rapport qu'il avait préparé à la demande du Gouvernement, il a estimé qu'une haute autorité du nucléaire lui paraissait mieux adaptée à la gestion quotidienne du secteur nucléaire et que cette solution éviterait les blocages auxquels on assiste à l'heure actuelle.

Répondant aux intervenants, M. Christian Bataille, député, rapporteur, a notamment indiqué qu'il souhaitait que la publication de son rapport fournisse l'occasion à EDF de préciser la notion de « retraitement différé » et d'indiquer clairement si on n'assistait pas à la création, de facto, de deux filières distinctes de gestion du combustible irradié.

M. Claude Saunier, sénateur, rappelant que toutes les questions relatives aux déchets nucléaires entraînent, dans l'opinion publique, de très vives réactions, d'ailleurs assez souvent irrationnelles, a estimé qu'il convenait de traiter ce domaine avec la plus grande prudence.

Il a demandé au rapporteur de préciser quelles étaient les politiques suivies par les autres pays, possédant une industrie nucléaire, en matière de retraitement et de gestion des combustibles usés et des déchets.

Il s'est en outre inquiété des conséquences qu'entraînera, dans quelques décennies, le démantèlement des centrales.

M. Christian Bataille, député, rapporteur, a rappelé la distinction qu'il fallait faire entre les pays qui, comme les Etats-Unis et la Suède, ont décidé de ne pas retraiter leurs combustibles irradiés et ceux qui, comme la France ou le Japon, ont opté pour cette technique.

Il a également précisé que l'entreposage temporaire d'une partie du combustible, solution vers laquelle on semblait se diriger, ne devait en aucun cas servir de prétexte pour retarder les recherches sur le stockage souterrain, les deux solutions étant complémentaires, et non exclusives. Il a, à cette occasion, regretté que les recherches pour l'implantation d'un second laboratoire dans le site du Gard, qu'il avait proposé en son temps, aient été abandonnées pour des raisons qui ne tenaient pas à la géologie.

Pour M. Claude Gatignol, député, toutes les décisions concernant le secteur nucléaire doivent tenir compte du facteur temps qui n'est pas, dans ce secteur, le même que dans les autres industries. Il s'est ensuite interrogé sur la compatibilité d'une gestion purement nationale de l'aval du cycle avec les règles de libre circulation en vigueur dans la Communauté européenne.

Il a estimé que le retraitement permettait de conserver des capacités énergétiques qui pourraient être utiles si le marché de l'énergie devait enregistrer des tensions.

En tant qu'élu du département de la Manche, il a tenu à réaffirmer que les populations concernées par les installations de la Cogema ne manifestaient pas d'inquiétudes particulières, conscientes que les mesures de contrôle sont particulièrement élaborées et efficaces.

M. Christian Bataille, député, rapporteur, réfutant les thèses de ceux qui souhaiteraient une certaine internationalisation du traitement des déchets radioactifs, a estimé que l'opinion publique n'était pas prête à accepter le stockage sur le sol français de déchets étrangers, ce qui est d'ailleurs interdit en application de l'article 3 de la loi du 30 décembre 1991. En ce qui concerne la circulation des combustibles irradiés destinés au retraitement, qui ne constituent pas des déchets, il a estimé qu'une clarification des règles actuelles serait néanmoins indispensable.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président, s'est prononcé en faveur d'une loi régissant l'ensemble de l'activité nucléaire, qui permettrait de bien distinguer les attributions qui doivent rester de la compétence exclusive des pouvoirs publics, des décisions de gestion courante qui pourraient, en revanche, être confiées à une autorité indépendante, et a demandé en conséquence au rapporteur de bien vouloir modifier sa recommandation sur ce sujet.

M. Christian Bataille, député, rapporteur, a accepté cette proposition et a précisé que la délégation interministérielle qu'il préconisait serait chargée de faire appliquer « au quotidien » la politique de l'aval du cycle définie par les pouvoirs publics.

Les conclusions et les recommandations du rapporteur ainsi amendées ont ensuite été adoptées à l'unanimité des membres présents.

L'état actuel et les perspectives techniques et économiques des énergies renouvelables, et la situation présente et l'éventuel renforcement de la recherche et de l'industrie française dans ce domaine - Etude de faisabilité

L'Office a ensuite procédé à l'examen de l'étude de faisabilité de M. Jean-Yves Le Déaut, député, rapporteur et de M. Claude Birraux, député, rapporteur, sur l'état actuel et les perspectives techniques et économiques des énergies renouvelables, et sur la situation présente et l'éventuel renforcement de la recherche et de l'industrie française dans ce domaine.

M. Claude Birraux, député,
a indiqué que la promotion et le développement des énergies renouvelables connaissent une accélération notable dans le monde entier et en particulier en Europe. Pour autant, différentes questions de fond doivent trouver des réponses, compte tenu des enjeux technologiques, industriels et économiques considérables qui s'attachent au développement des sources d'énergie renouvelables.

Parmi les questions auxquelles il est nécessaire de répondre, figurent les suivantes : quelles sont les marges de progrès technologique et donc de compétitivité économique des différentes sources d'énergie renouvelables ? Quelle est la réalité des efforts de recherche et développement conduits dans le monde et des investissements pratiqués dans ce domaine par les entreprises du secteur de l'énergie ? Quelles sont les positions de l'industrie française des énergies renouvelables ? Quelles sont les politiques nationales et européennes conduites dans ce secteur ?

M. Jean-Yves Le Déaut, député, a souligné qu'une étude sur les potentialités des énergies renouvelables reste à faire et qu'une évaluation des politiques conduites dans les principaux pays doit être réalisée afin de trouver la meilleure voie pour encourager leur développement.

L'Office a adopté à l'unanimité des membres présents l'étude de MM. Jean-Yves Le Déaut et Claude Birraux concluant à la faisabilité d'un rapport sur les énergies renouvelables et les a ainsi autorisés à en entreprendre la réalisation.

M. Henri Revol, sénateur, président, a indiqué à ses collègues qu'une rencontre entre les membres de l'Office et ceux de son Conseil scientifique aurait lieu le mercredi 20 juin 2001 et qu'un déplacement au Salon du Bourget était prévu pour le 19 juin 2001.