COM(2006) 244 final  du 24/05/2006

Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte déposé au Sénat le 20/07/2006
Examen : 19/01/2007 (délégation pour l'Union européenne)


Économie, finances et fiscalité

Modification de la réglementation relative à l'OLAF

Texte E 3194 - COM (2006) 244 final

(Procédure écrite du 19 janvier 2007)

Le texte E 3194 a pour objet la modification du Règlement de l'Office européen de la Lutte Anti-Fraude (OLAF), institué par la décision 1999/352/CE, à la suite de la crise provoquée par la démission de la Commission en 1999.

Au terme d'une première évaluation effectuée en avril 2003 à l'aune des difficultés que l'Office avait pu rencontrer au moment de l'affaire « Eurostat », la Commission avait conclu à la nécessaire amélioration de son efficacité et de sa coopération avec les États membres. Issue de ce constat, la proposition de règlement du 10 février 2004 prévoyait de recentrer l'OLAF sur les priorités fixées dans son domaine de travail, d'intensifier la communication d'informations aux organes concernés par les enquêtes sur leurs fonctionnaires, de clarifier les procédures d'ouverture et de clôture des enquêtes et de mettre en oeuvre de réelles garanties en matière de protection des droits individuels ainsi que le renforcement du comité de surveillance.

Regrettant que la proposition n'apporte pas de réelle protection des droits fondamentaux des personnes faisant l'objet d'une enquête, notamment en ce qui concerne l'accès au dossier, la délégation pour l'Union européenne avait alors décidé de ne pas intervenir plus en avant sur cette proposition (textes E 2517 et E 2518 ; examen du 8 février 2005).

Parallèlement, le Parlement européen et le Conseil ont souhaité une évaluation complémentaire avant de se prononcer sur cette proposition. Le rapport de la Cour des comptes européenne de janvier 2005 et l'audition publique sur le renforcement de l'OLAF, organisée au Parlement européen par la commission du Contrôle budgétaire en juillet 2005, ont de fait conduit la Commission à entreprendre une réforme plus ambitieuse du Règlement de l'OLAF, qui prévoit la mise en place d'une véritable gouvernance politique de ses activités anti-fraude, tout en faisant émerger un contrôle indépendant des procédures et de la durée des enquêtes, dans le respect du principe de confidentialité.

1. Rappel des missions de l'OLAF

a) Statut 

Chargé d'effectuer les enquêtes administratives destinées à lutter contre la fraude et la corruption portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union, l'OLAF est un service administratif de la Commission, qui comprend environ 350 agents. À cette fin, il a été doté d'une indépendance fonctionnelle pour exercer ses missions d'enquête.

L'Office est dirigé par un directeur général désigné par la Commission pour cinq ans après concertation avec le Parlement européen et le Conseil. Ce directeur général ne doit ni solliciter ni accepter d'instructions d'aucun gouvernement ou institution (y compris la Commission). S'il estime que la Commission a pris une mesure qui met en cause son indépendance, il peut déposer un recours devant la Cour de justice.

L'Office est, par ailleurs, soumis au contrôle d'un comité de surveillance, chargé de garantir son indépendance et de contrôler ses activités opérationnelles. Ce comité - purement consultatif - est composé de cinq personnalités qualifiées extérieures aux institutions communautaires nommées, d'un commun accord, par la Commission, le Parlement et le Conseil.

b) Mission

L'Office exerce toutes les compétences d'enquête conférées à la Commission par la législation communautaire et par les accords en vigueur avec les pays tiers en vue de lutter contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne. L'OLAF a également pour mission de lutter contre les comportements irréguliers susceptibles de poursuites administratives ou pénales. Enfin, l'Office est, en outre, chargé de contribuer à la conception et au développement des méthodes de prévention et de lutte anti-fraude ainsi qu'à la préparation des initiatives de la Commission dans ce domaine.

c) Pouvoirs d'enquête 

L'OLAF mène des enquêtes de sa propre initiative, à la demande d'un État membre (pour les enquêtes externes) ou de l'institution, organe ou organisme concerné (pour les enquêtes internes).

Les enquêtes internes : l'OLAF peut mener des enquêtes administratives à l'intérieur des institutions, organes ou organismes communautaires en cas de fraude portant atteinte au budget européen. Il est également chargé de rechercher les faits graves liés à l'exercice d'activités professionnelles. L'Office a ainsi accès aux informations et aux locaux, a la faculté de contrôler les documents comptables et d'obtenir des extraits de tout document. Il peut demander à toute personne concernée les informations qu'il juge utiles pour ses enquêtes et effectuer des contrôles sur place auprès d'opérateurs économiques concernés.

Les enquêtes externes : les enquêteurs de l'OLAF peuvent procéder à des contrôles sur place, avec des pouvoirs identiques à ceux des enquêteurs nationaux, notamment en ce qui concerne l'accès aux informations et à la documentation relatives aux opérations concernées. Ces enquêtes portent par exemple sur les fraudes aux aides agricoles, aux fonds structurels ou aux tarifs douaniers.

Les enquêtes se terminent par l'établissement d'un rapport final qui comporte les faits constatés et les conclusions de l'enquête, celles-ci pouvant également inclure les recommandations du directeur de l'OLAF sur les suites à donner. Le directeur peut transmettre aux autorités judiciaires nationales les informations obtenues.

2. Une nouvelle gouvernance pour une meilleure efficacité

a) Mise en place d'un dialogue structuré

La proposition de la Commission prévoit la mise en place d'un dialogue structuré entre le Comité de surveillance de l'OLAF et des représentants du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Ce dialogue est matérialisé par des réunions bisannuelles en vue de définir le programme d'activités de l'OLAF et ses priorités stratégiques. Les rapports d'activité du Directeur général et du Comité de surveillance sont également discutés au cours de ces réunions. Elles peuvent également se tenir à la demande d'une institution.

Le comité de surveillance a vocation au sein de cette réunion à émettre avis et recommandations, notamment pour la nomination du directeur général de l'Office et les sanctions disciplinaires pouvant le viser. Afin de renforcer son indépendance, celui-ci est désormais nommé pour un mandat de sept ans non renouvelable, contre cinq ans renouvelables actuellement. Auparavant désigné par la Commission après avis du Conseil et du Parlement européen, il est désormais nommé par la Commission au terme d'une concertation dans le cadre du dialogue structuré. Le texte prévoit également qu'il puisse déléguer l'exercice de certaines de ses fonctions à un ou plusieurs agents.

Les activités de l'Office sont de fait désormais soumises à un véritable contrôle politique, ces réunions régulières permettant de renforcer les échanges entre les institutions et l'OLAF et garantir ainsi la transmission d'informations. La refonte de ses organes directionnels ne modifie cependant en rien le statut interinstitutionnel de l'Office.

La présidence finlandaise a cependant proposé, le 9 novembre dernier, de supprimer le dialogue structuré, au motif qu'il paraissait de nature à remettre en cause l'indépendance de fonctionnement de l'OLAF et favoriser l'ingérence des institutions dans la fonction d'enquête. Le contrôle des activités de l'OLAF revient donc au Comité de surveillance. La possibilité est néanmoins laissée au Comité d'entendre des représentants du Conseil, du Parlement et de la Commission lors de l'élaboration du programme d'enquêtes et des rapports d'activités. Les autorités françaises soutiennent cette option qui reste toutefois relativement imprécise et peu en phase avec les motivations initiales de la proposition de règlement.

La suppression du dialogue structuré implique également une révision du statut prévu du directeur général. La présidence finlandaise propose à ce titre de conserver le système actuel, nomination par la Commission après avis du Parlement européen pour une durée de cinq ans, le mandat étant désormais non renouvelable. Alors qu'il soutient la disparition du dialogue structuré, le gouvernement français s'interroge sur le mode de désignation du directeur général ainsi modifiée, qu'il juge peu aisé à mettre en oeuvre.

b) Un renforcement des échanges d'informations

Les dispositions préconisées en la matière en 2004 sont intégralement reprises par la présente proposition : l'identité des fonctionnaires soupçonnés doit être communiquée à l'organe communautaire dont il dépend, accompagnée d'un résumé des faits ou de tout élément d'information, afin que celui-ci prenne éventuellement les mesures conservatoires ou administratives appropriées. Parallèlement, le texte réaffirme l'impossibilité pour les institutions concernées d'ouvrir une enquête parallèle à celle de l'OLAF, l'Office devant informer l'organe intéressé si elle n'ouvre pas d'enquête.

La proposition de règlement renforce également l'échange d'informations entre l'OLAF et Europol et Eurojust. En outre, les États membres doivent informer l'Office de la suite donnée par les autorités judiciaires nationales à l'enquête de l'OLAF. Par ailleurs, les personnes ayant transmis des informations à l'OLAF sur des cas de fraude ou d'irrégularité ont également accès au dossier.

La présidence finlandaise propose en outre de renforcer le rôle du Comité de coordination de lutte contre la fraude institué en 1997 et simplement mentionné dans la proposition initiale. Ce comité est désormais envisagé comme une enceinte de coopération avec les États membres.

c) L'amélioration de l'efficacité opérationnelle

Le recentrage sur les priorités d'action passe notamment par l'opportunité laissée à l'Office de demander aux autorités concernées de traiter les affaires d'importance mineure ou ne répondant pas à ses priorités stratégiques. En outre, la proposition de règlement laisse à la Commission, responsable de la protection des intérêts financiers des Communautés, la possibilité de demander l'ouverture d'une enquête.

Par ailleurs, le texte reconnaît au directeur général le droit de ne pas transmettre aux autorités nationales des faits dont la nature, la faible gravité ou le caractère mineur du préjudice financier n'induisent pas une suite judicaire effective. Le rapport final est alors directement transmis à l'organe concerné. Le Comité de surveillance, comme le conseiller réviseur, doivent être informés d'une telle décision.

La proposition de la présidence finlandaise insiste de façon plus explicite sur le degré de gravité du soupçon de fraude, requis pour l'ouverture d'une enquête. Celui-ci devra être établi par une investigation préliminaire Cette option suscite l'opposition des autorités françaises qui l'estime peu opérationnelle : le caractère grave d'une infraction ne pouvant apparaître qu'à la fin d'une procédure d'investigation.

3. Un renforcement nécessaire des garanties de procédure

a) Le respect des droits de la défense

Reprenant l'acquis de 2004 (droit d'être assisté, droit de ne pas témoigner contre soi-même et dispositions sur les informations transmises avant un entretien et sur le compte-rendu dudit entretien), le texte y ajoute la possibilité pour une personne inquiétée de se voir transmettre les conclusions et les recommandations du rapport final d'enquête, avant que celui-ci ne soit transmis aux autorités nationales ou aux institutions concernées.

b) Le conseiller réviseur, garant de la procédure

La création d'un poste de « conseiller réviseur » indépendant, nommé par le directeur général de l'OLAF pour un mandat de cinq ans sur proposition du Comité de surveillance, participe de ce renforcement du contrôle de la validité des enquêtes internes et externes. Chargé de veiller tout au long de la procédure au respect des garanties, il émet également des avis sur la prolongation des enquêtes au-delà de douze mois, cet avis étant communiqué à l'institution, organe ou organisme concerné par l'enquête ainsi qu'au Comité de surveillance. Sur ce dernier point, le conseiller réviseur se voit octroyer les compétences prévues en 2004 pour le Comité de surveillance.

Pour des raisons de traduction, la présidence finlandaise préconise une nouvelle dénomination pour le conseiller réviseur, désormais appelé médiateur des enquêtes. Au-delà de cette modification formelle, la proposition de la présidence prévoit qu'il soit désormais nommé par la Commission après avis du directeur général. La présidence finlandaise envisage également que ces fonctions soient découplées : au médiateur, dont le rôle serait circonscrit au contrôle de validité de la procédure, serait associé un Hearing officer désigné pour chaque enquête par le directeur de l'Office et chargé de garantir les droits des personnes inquiétées au cours de l'enquête. C'est notamment cet officier qui sera chargé de se prononcer sur la prolongation de la durée d'enquête. Le gouvernement français s'oppose à cette orientation en soulignant le risque de doublon. Il rappelle que la dernière restructuration de l'OLAF a déjà permis la création des « conseillers case and board management », affectés au suivi des enquêtes au sein de chaque direction d'enquête de l'Office.

4. Une réforme moins ambitieuse qu'il n'y parait

Si l'on ne peut que saluer les précisions apportées quant aux droits de la défense et au contrôle de la procédure, les problèmes soulevés en la matière par la proposition de février 2004 restent encore d'actualité. La nomination d'un conseiller réviseur n'est, en effet, pas corroborée par la mise en place d'un éventail de sanctions en cas de violation des garanties de procédure. Par ailleurs, en multipliant les organes concernés par les garanties de la procédure, la proposition finlandaise obscurcit le schéma initialement retenu et perd de facto l'objectif de rationalisation que la Commission s'était assigné.

Le retrait des dispositions en matière de dialogue structuré vient de surcroît relativiser la portée du renforcement de la gouvernance préconisé par la Commission. La question de l'efficacité de l'action de l'OLAF reste, par conséquent, en suspens. Organe administratif, sans réel pouvoir coercitif, dénué de compétence pour poursuivre effectivement les auteurs d'infraction, l'Office dépend pour une large partie de l'existence de normes nationales efficientes en la matière. L'intégration de l'OLAF dans un dispositif juridique européen plus vaste, sous la tutelle d'un Parquet européen par exemple, reste donc d'actualité.

Le gouvernement français rappelle par ailleurs que la Cour des comptes européenne et, à sa suite, le Conseil en octobre 2005 avaient préconisé la création au sein de l'Office d'une unité dédiée à l'assistance et la coordination avec les États membres. Le renforcement des échanges d'informations entre les États et l'Office ne répond qu'imparfaitement à ces préconisations, en restant pour partie dans le domaine de la déclaration d'intention. La seule nouvelle option concrète dans ce domaine demeure le développement de la comitologie ainsi que proposé par la présidence finlandaise.

Ce texte, sans incidence sur les textes nationaux existants, répond de façon satisfaisante au souhait de la délégation exprimé en février 2005 de renforcer les droits de la défense. La délégation a décidé, par conséquent, de ne pas intervenir plus avant sur ce texte. Cet avis favorable ne saurait toutefois occulter le fait que l'OLAF ne sera pleinement efficient qu'avec la création d'un Parquet européen.