COM(2025) 102 FINAL
du 12/03/2025
Contrôle de subsidiarité (article 88-6 de la Constitution)
Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : Proposition de résolution portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre visant à renforcer la disponibilité et la sécurité de l'approvisionnement (2024-2025) : voir le dossier legislatif
Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre visant à renforcer la disponibilité et la sécurité de l'approvisionnement en médicaments critiques ainsi que la disponibilité et l'accessibilité des médicaments d'intérêt commun, et modifiant le règlement (UE) 2024/795 - COM(2025) 102 final
Conformément à ses engagements en début de mandat, la Commission européenne a présenté la proposition de règlement COM (2025) 102 final établissant un cadre pour renforcer la disponibilité et la sécurité de l'approvisionnement en médicaments critiques. Ce texte a pour objectif de lutter contre les pénuries de médicaments en renforçant les capacités de production sur le territoire de l'Union européenne. Il vise également à modifier les règles relatives aux marchés publics pour permettre aux pouvoirs adjudicateurs de prendre en compte des critères autres que le prix pour l'attribution du marché. Enfin, il établit un cadre pour des procédures d'achats conjoints.
a) Le contenu de la proposition de la Commission
Mesures visant à favoriser l'investissement
La proposition de règlement prévoit des conditions favorables pour les investissements visant à créer ou à augmenter, sur le territoire de l'Union, les capacités de production de médicaments critiques figurant sur une liste de l'Union, leurs substances actives ou leurs intrants clés. Une autorité compétente serait chargée au sein de chaque État membre d'identifier les projets stratégiques définis comme ceux permettant d'atteindre un ou plusieurs de ces objectifs.
À la demande d'un promoteur de projet stratégique, un État membre lui fournirait un soutien administratif, scientifique et réglementaire afin de faciliter le développement du projet. Ces projets pourraient également bénéficier d'un soutien financier des États membres. Dans ce cas, une entreprise qui a bénéficié de ce soutien donne la priorité à l'approvisionnement du marché de l'Union et met tout en oeuvre pour que le médicament critique reste disponible dans les États membres où il est commercialisé. Tout État membre qui est confronté à une menace de pénurie de médicaments critiques pourrait demander à l'État membre qui a fourni le soutien financier de présenter une demande de médicaments en son nom à l'entreprise concernée.
Les projets stratégiques pourraient également être soutenus par un financement de l'Union, avec le concours du programme « l'Union pour la santé », du programme pour une Europe numérique et du programme-cadre « Horizon Europe » lorsqu'ils remplissent les critères établis pour ces instruments. Le règlement (UE) 2024/7951(*) établissant la plateforme « Technologies stratégiques pour l'Europe » (STEP) serait modifié pour qu'il s'applique aux technologies pertinentes pour la fabrication de médicaments critiques, qui bénéficieront ainsi d'un accès privilégié aux financements de l'Union.
Mesures relatives aux marchés publics
Tout d'abord, les critères d'attribution des marchés pourraient mentionner de nouvelles exigences qui pourront concerner les obligations de stockage, le nombre de fournisseurs diversifiés, le suivi des chaînes d'approvisionnement, leur transparence vis-à-vis du pouvoir adjudicateur et des clauses d'exécution du marché relative à la livraison dans les délais.
Dans le respect des engagements internationaux de l'Union, lorsqu'un niveau de dépendance élevé à l'égard d'un nombre particulièrement limité d'États tiers est mis en évidence pour la fourniture d'un médicament critique, les pouvoirs adjudicateurs des États membres appliqueraient des exigences favorisant les fournisseurs qui fabriquent une part significative de ces médicaments critiques dans l'Union.
De même, lorsque l'analyse du marché et des considérations de santé publique le justifient, les pouvoirs adjudicateurs des États membres pourraient appliquer des exigences en matière de passation des marchés qui favorisent les fournisseurs qui fabriquent au moins une partie significative de ces médicaments dans l'Union.
La proposition de règlement prévoit la création d'un groupe de coordination des médicaments critiques, groupe « médicaments critiques », composé de représentants des États membres et de la Commission. Celui-ci devrait faciliter la coordination des actions de la Commission et des États membres. Pour cela, l'article 19 de la proposition de règlement prévoit que les États membres devraient adresser à ce groupe de coordination un programme national de soutien à la sécurité d'approvisionnement en médicaments critiques au plus tard six mois après l'entrée en vigueur du règlement. Cette notification, par l'intermédiaire de la Commission, permettrait aux membres du groupe de prendre connaissance des dispositions des programmes nationaux et d'émettre un avis concernant ces programmes. Ceux-ci pourraient inclure des mesures de tarification et de remboursement soutenant la sécurité d'approvisionnement de médicaments critiques qui ne sont pas achetés dans le cadre de procédures de marchés publics. La proposition de règlement prévoit que les États membres prendraient dûment en considération les avis du groupe de coordination et qu'ils pourraient en tenir compte lors de la révision de leurs programmes.
L'article 20 de la proposition de règlement prévoit que les mesures relatives à la sécurité d'approvisionnement appliquées dans un État membre ne devraient pas avoir d'incidence négative dans les autres États membres. Cette disposition vise en particulier les obligations de détenir des stocks de sécurité imposées aux entreprises. Ces mesures devraient être proportionnées et respecter les principes de transparence et de solidarité. Aucune définition de ces principes n'est proposée. En outre, le considérant 29 de la proposition de règlement indique que la Commission prévoit de publier des lignes directrices relatives à la mise en oeuvre de la proposition de règlement. Le considérant 31 précise que les États membres devraient tenir dûment compte de ces lignes directrices en ce qui concerne l'absence de toute incidence négative sur le marché intérieur lorsqu'ils proposent et définissent la portée et le calendrier de toute forme d'obligation pour les entreprises de détenir des stocks de sécurité.
La proposition de règlement prévoit enfin que la Commission pourrait faciliter et organiser la passation conjointe de marchés publics pour les États membres qui le souhaitent.
b) Cette proposition législative est-elle conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité ?
Ce texte a pour base juridique l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le premier paragraphe de cet article permet au Parlement européen et au Conseil d'arrêter des mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur. Son paragraphe 3 précise que la Commission, dans ses propositions en matière de santé, prend pour base un niveau de protection élevé.
Par ailleurs, le paragraphe 7 de l'article 168 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit que l'action de l'Union est menée dans le respect des responsabilités des États membres en ce qui concerne la définition de leur politique de santé, ainsi que l'organisation et la fourniture de services de santé et de soins médicaux. Les responsabilités des États membres incluent la gestion de services de santé et de soins médicaux, ainsi que l'allocation des ressources qui leur sont affectées.
Dès lors, deux points paraissent mériter faire l'objet d'une expertise complémentaire : l'article 20 de la proposition de règlement relatif aux obligations imposées par les États membres aux entreprises en matière de stocks de sécurité et, dans une moindre mesure, la possibilité pour le groupe « médicaments critiques » d'émettre un avis sur les mesures de tarification et de remboursement mentionnées dans les programmes nationaux, prévue à l'article 19 point 2 de la proposition de règlement.
Concernant les obligations de stockage, le Sénat, sur proposition de sa commission des affaires européennes, recommandait dans une résolution européenne du 10 mai 20242(*) que chaque État membre puisse fixer des obligations de constitution de stocks aux titulaires d'autorisation de mise sur le marché selon ses propres besoins et que la Commission propose des mesures pour promouvoir une approche stratégique commune en matière de stockage de médicaments, sous réserve que les États membres restent libres d'y participer.
Compte tenu de ces observations, le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé d'examiner plus avant cette proposition de règlement au regard de l'article 88-6 de la Constitution.
* 1 Règlement (UE) 2024/795 du Parlement européen et du Conseil du 29 février 2024 établissant la plateforme « Technologies stratégiques pour l'Europe » (STEP) et modifiant la directive 2003/87/CE etvles règlements (UE) 2021/1058, (UE) 2021/1056, (UE) 2021/1057, (UE) n 1303/2013, (UE) n 223/2014, (UE) 2021/1060, (UE) 2021/523, (UE) 2021/695, (UE) 2021/697 et (UE) 2021/241
* 2 Résolution du Sénat n° 120 (2023-2024) du 10 mai 2024.