Examen dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution

Texte européen
Examen : 04/12/2013 (commission des affaires européennes)

Ce texte a fait l'objet de la proposition de résolution : n° 230 (2013-2014) : voir le dossier legislatif


Institutions européennes

La citoyenneté européenne

Communication et proposition de résolution européenne
de M. André Gattolin

(Réunion du 4 décembre 2013)

M. André Gattolin. - 2013 est « l'année européenne des citoyens ». La citoyenneté européenne, introduite par le traité de Maastricht, concerne tout ressortissant d'un État membre et s'ajoute à sa citoyenneté nationale. Ce n'est pas l'Union qui la détermine, mais chaque État en fonction de son droit propre de la nationalité.

Le traité de Lisbonne énonce la liste des droits qui en résultent : circulation, séjour, vote et éligibilité aux élections européennes et municipales dans l'État de résidence. Il lui a donné un contenu plus concret en instituant un droit d'initiative citoyenne, entré en vigueur il y a un peu plus d'un an. Les droits des citoyens européens résultent aussi de la Charte des droits fondamentaux, désormais juridiquement contraignante.

La citoyenneté figure expressément dans le portefeuille confié à Mme Viviane Reding. Or, dans son rapport de 2010, la Commission a souligné les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la liberté de circulation et de séjour ainsi que dans l'exercice des droits électoraux.

Pour tenter de rapprocher l'Europe des citoyens, le Conseil et le Parlement européen, après avoir envisagé une « année de la citoyenneté européenne » ont donc proclamé 2013 « année européenne des citoyens ». Il s'agissait de mieux faire connaître les droits associés à la citoyenneté de l'Union, les politiques et les programmes qui en favorisent l'exercice, d'encourager un débat sur les politiques menées et d'amplifier la participation civique - avant les prochaines élections européennes. Un budget d'un million d'euros a été attribué à cette initiative, coordonnée en France par la Conférence permanente des coordinations associatives. Plusieurs événements, nationaux et locaux, sont soutenus par la Commission dans toute l'Europe.

Je souhaiterais que le Parlement européen attribue une citoyenneté européenne d'honneur aux titulaires du Prix Sakharov pour la liberté de l'esprit, décerné chaque année par le Parlement européen. En 2013, il a été remis à la militante pakistanaise pour l'éducation des filles, Malala Yousafzai, connue pour son combat face aux intégrismes. Les activistes du Printemps arabe l'ont reçu en 2011 ; en 2003, l'ONU et son secrétaire général ; en 1988, Nelson Mandela. L'Europe a besoin de symboles et une telle proposition contribuerait à lui donner du sens.

Les rapports de la Commission tendent à faciliter la vie des citoyens européens, par exemple pour les documents d'état civil. L'exercice véritable de ses droits permettra au citoyen européen de se sentir partout chez lui. La Cour de justice a appuyé cette démarche dans les arrêts Rottmann, du 2 mars 2010, et Zambrano, du 8 mars 2011 : nul ne peut être privé, en droit ou en fait, des droits liés à la citoyenneté européenne.

Mais bien des difficultés demeurent, en raison d'une conception restrictive de la citoyenneté. L'obligation de choisir une nationalité a pour effet de limiter le droit de vote. La double citoyenneté au sein de l'Union n'existe pas. Un Franco-Canadien jouit de la quasi-totalité des droits de vote dans les deux pays, mais pas un Français en Italie : sa nationalité d'origine l'empêche de voter aux élections législatives. En outre, certains États membres privent de leur droit de vote leurs ressortissants résidant à l'étranger pendant une longue période. Un Maltais présent en France plus de cinq ans perdra ce droit chez lui, sans pour autant le gagner chez nous !

L'Union n'ayant aucune compétence dans ce domaine, la citoyenneté européenne se trouve conditionnée par les pratiques des États. Par exemple, l'Autriche accorde le droit de vote à 16 ans. Plus préoccupant : le parlement maltais a décidé, le 12 novembre, que les non-ressortissants de l'Union pourraient acquérir la nationalité maltaise - donc la citoyenneté européenne - moyennant 650 000 euros... Les médias russes, on se demande pourquoi, s'intéressent beaucoup à cette mesure invraisemblable...

M. Aymeri de Montesquiou. - C'est étrange !

M. André Gattolin. - Il y a un vide juridique : comment introduire, sans créer de précédent, une discrimination entre les citoyens ayant acheté leur nationalité et les autres ? Une étude de législation comparée sur l'accès à la nationalité permettrait à notre commission d'approfondir cette question. Nous pourrions suggérer un mécanisme intergouvernemental d'alerte, commun aux États membres, lorsque des décisions relatives à la nationalité auraient, comme ici, un impact sur la citoyenneté européenne.

Les enquêtes Eurobaromètre montrent que la possibilité de voter à toutes les élections organisées dans l'État de résidence répondrait à une attente de nombreux citoyens européens. Au-delà, le contenu de la citoyenneté européenne leur paraît singulièrement faible. Le volet social - l'harmonisation du système de protection sociale vient en tête des réponses, à 41 % - pourrait le renforcer.

La dimension culturelle occupe une place très faible. J'avais souligné ici même le caractère assez factice du programme des « capitales européennes de la culture ». Le Sénat avait adopté, le 26 décembre 2012, une résolution européenne déplorant que la dimension européenne soit souvent occultée, au profit d'une simple opération de promotion de la ville élue.

La jeunesse devrait aussi être une priorité. Une résolution du 11 avril 2012, à l'initiative de Colette Mélot, avait proposé d'apposer le label unique Erasmus à l'ensemble des actions européennes en la matière. Il est satisfaisant que ce point de vue l'ait emporté. Les nombreuses initiatives menées dans les lycées doivent aussi être encouragées.

Le Sénat a adopté la proposition de résolution de Pierre Bernard-Reymond sur la création de RFE (Radio France Europe), pour informer nos compatriotes de ce que font les autres États membres. Tout se passe comme si la connaissance de l'activité européenne était réservée aux initiés ! L'Europe demeure abstraite, sauf quand on veut lui faire porter le chapeau de ce qui va mal !

Un document de synthèse, transmis aux parlementaires, leur donnerait les moyens d'informer les citoyens. Celui dont nous disposons lors du débat budgétaire ne retrace que la contribution financière de la France à l'Union européenne. Le Secrétaire général des affaires européennes, M. Serge Guillon, relevait le paradoxe de notre vote annuel, qui ne porte que sur la dépense que représente cette contribution et jamais sur les retours qu'elle implique... Il faut informer les citoyens des réalisations concrètes qui voient le jour grâce aux financements européens, dont bénéficient notre agriculture, nos territoires - ou nos tramways, financés à moitié par la Banque européenne d'investissement (BEI).

Des documents accompagnant les formulaires de déclaration d'impôts devraient détailler la contribution moyenne au budget européen et les retours pour les catégories de population concernées et les agriculteurs - souvent hostiles aux institutions européennes alors qu'ils en bénéficient et que la France y gagne 7 milliards d'euros ! Les positions françaises dans les négociations de textes importants, la façon dont elles ont été prises en compte, seraient ainsi mieux comprises. Nous verrons si cette proposition peut être réalisée par Bercy.

Pour faire participer les citoyens au processus de décision, la Commission, qui se rend compte de sa déconnexion vis-à-vis de la réalité, ouvre chaque année des consultations en grand nombre : 104 entre janvier et octobre ; les « livres blancs » et « livres verts » se succèdent, parfois sur des enjeux essentiels, comme l'énergie et le climat. Le Gouvernement nous a précisé que les autorités françaises y répondaient à hauteur de 55 % à 65 %.

Le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) encourage les acteurs de la société civile et les parties prenantes à répondre aux consultations, mais sans résultat probant. Or, le processus de décision résulte d'un jeu d'influences. Il implique une mobilisation de tous. Ainsi, la mobilisation récente des professionnels sur le dossier des aides au cinéma a infléchi la position de la Commission. De même, les Parlements nationaux pourraient prendre une part plus active dans cette phase « pré-législative ». Lors de notre entretien, le commissaire Maros Sefcovic, vice-président de la Commission, chargé des relations interinstitutionnelles et de l'administration, m'a rappelé qu'avec le contrôle de la subsidiarité, les Parlements nationaux disent à la Commission si l'Union doit légiférer. Leurs réponses aux livres blancs ou verts l'orienteraient de façon précoce. Grâce à ses liens avec les territoires, le Sénat est susceptible de jouer un rôle privilégié pour relayer l'information sur l'existence de consultations publiques.

La citoyenneté européenne c'est aussi la libre circulation, Erasmus, ou la carte « E 111 ». Un autre aspect concerne la place des femmes dans les institutions européennes. La France compte 44 % de femmes dans sa représentation au Parlement européen. De même, au plan national, la France est devenue « mieux-disante » en luttant contre le plafond de verre, ou pour les nominations dans les hautes instances publiques. La parité a été instaurée dans la composition du Haut conseil des Finances publiques, de la Banque publique d'investissement, du Conseil national des programmes scolaires ou dans l'audiovisuel public. La Commission propose un quota de 40 % de femmes dans les conseils d'administration des sociétés cotées. C'est une avancée. Mais la place des femmes dans les institutions européennes demeure limitée dans les postes d'influence. À la Commission, 7 femmes occupent des postes de directeurs généraux sur un total de 36. C'est peu. La Commission a défini des objectifs de promotion interne, afin que les postes d'encadrement supérieur soient occupés à 30 % par des femmes. Il faut une action volontariste pour parvenir à la parité !

J'en viens aux élections au Parlement européen. Le taux de participation n'a cessé de diminuer, chutant à 43 % en 2009. Dans une résolution de novembre 2012, le Parlement européen a demandé aux partis politiques de proposer des candidats à la présidence de la Commission. Ceux-ci devraient jouer un rôle moteur dans la campagne électorale, en présentant personnellement leur programme dans tous les États membres.

En mars 2013, la Commission a recommandé d'encourager la transmission d'informations aux électeurs sur les liens d'affiliation entre partis nationaux et partis politiques européens. Elle demande également que les partis nationaux et européens fassent connaître avant les élections le nom du candidat aux fonctions de président de la Commission qu'ils soutiennent et son programme. Elle souhaite que les États membres arrêtent une date commune pour les élections, avec une fermeture des bureaux de vote à la même heure. Elle a aussi présenté, en septembre 2012, une proposition de règlement relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes. Les fondations politiques allemandes, très bien dotées, jouent un grand rôle en Allemagne.

En septembre 2013, le Parlement européen a lancé une campagne d'information. Beaucoup d'autres initiatives similaires sont prises, notamment par des think tanks. L'opinion publique attend de l'Union des réponses concrètes à des préoccupations du quotidien. Il faut montrer ce que fait l'Union dans ces domaines et nourrir le débat avant les élections.

Les ressortissants d'autres États membres peuvent voter en France. Il faut faciliter l'exercice de ce droit, en évitant les tracasseries administratives. Le Sénat a adopté, hier, le projet de loi transposant une directive qui simplifie l'exercice du droit d'éligibilité aux élections au Parlement européen, pour les citoyens de l'Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants. Mais, en France, il existe deux listes d'inscription, l'une pour les municipales, l'autre pour les européennes, et les ressortissants européens doivent recevoir deux récépissés. Selon le ministère de l'intérieur, l'existence de ces deux listes laisse aux citoyens de l'Union le choix de voter aux élections européennes en France ou dans leur pays d'origine. Mais, en pratique, beaucoup de mairies ne délivrent que le récépissé afférent aux élections municipales et bien des électeurs le découvriront trop tard ! Le ministre de l'intérieur m'a indiqué qu'il avait pris des mesures.

M. Simon Sutour, président. - Elles sont discrètes !

Mme Colette Mélot. - Comme toujours !

M. André Gattolin. - Des listes accueillant davantage de ressortissants d'autres États membres renforceraient le sentiment de citoyenneté européenne.

Enfin, le traité de Lisbonne a créé l'initiative citoyenne européenne (ICE). Elle complète le droit de pétition. La Commission reste libre de lui donner une suite favorable ou de la refuser. Après validation, les organisateurs ont un an pour recueillir un million de signatures dans un quart des États membres. La Commission a pris des initiatives pour répondre aux difficultés de collecte des signatures. Une fois que les ministères de l'intérieur des pays concernés ont validé les signatures, le Parlement européen ou la Commission se saisissent du projet, qu'ils peuvent adopter ou rejeter. Sur les huit initiatives déposées, trois ont atteint le seuil requis : l'une demande que l'eau soit « un bien public, pas une marchandise ». L'ampleur de la mobilisation citoyenne sur ce thème a été telle que M. Michel Barnier a retiré l'eau du champ des négociations sur l'élargissement du marché intérieur. La deuxième souhaite mettre un terme au financement par l'Union d'activités qui entraînent la destruction d'embryons humains, tandis que la troisième demande la fin de l'expérimentation sur les animaux vivants. Mais des difficultés ont été signalées par les organisateurs : l'exigence d'un numéro d'identification personnel imposé par la plupart des États membres a un caractère dissuasif. Ainsi, la France demande le numéro de passeport ou de carte d'identité, à la différence de l'Allemagne, plus souple. Là aussi, il faudrait harmoniser.

Un amendement concernant les enfants de couples binationaux qui se séparent a été déposé par Joëlle Garriaud-Maylam et Colette Mélot à la proposition de résolution que nous allons examiner à l'issue de cette communication. J'y suis favorable. Néanmoins, il conviendrait de compléter également l'exposé des motifs de la proposition de résolution européenne que je vous soumets.

M. Simon Sutour, président. - Merci pour cette communication qui dresse un panorama complet des différents aspects de la citoyenneté européenne. Avec seulement sept femmes directrices générales à la Commission, la marge de progression est étendue !

Cette communication est l'occasion, à nouveau, de constater à quel point le traité de Lisbonne, tant vilipendé, est plein de richesses...

M. André Gattolin. - Oui.

M. Simon Sutour, président. - Nous nous en étions déjà aperçu, à travers le renforcement des pouvoirs des parlements nationaux, les pouvoirs accrus du Parlement européen dans l'adoption du cadre financier européen, ou l'élargissement de la procédure de codécision à l'agriculture.

Le rapporteur donne donc un avis favorable à l'amendement déposé par Mmes Garriaud-Maylam et Mélot, sous réserve d'une réécriture des considérants de la proposition de résolution.

Mme Colette Mélot. - La proposition de résolution, très complète, englobe de nombreux aspects de la citoyenneté européenne. À l'heure de la libre circulation de la jeunesse en Europe, n'oublions pas les mariages binationaux : 13 % des couples en Europe sont binationaux...

M. Aymeri de Montesquiou. - Cela paraît beaucoup.

M. André Gattolin. - Sont-ils tous formés de ressortissants de pays européens ?

M. Aymeri de Montesquiou. - Il importe de le savoir.

Mme Colette Mélot. - Il faudra vérifier. Ce chiffre est issu d'un rapport de Joëlle Garriaud-Maylam. De nombreuses difficultés apparaissent, qui donnent lieu à des procédures interminables et parfois dramatiques, en cas de divorce, autour du paiement de la pension alimentaire, du partage de l'autorité parentale, voire de rapts d'enfants, etc. Les médias se sont fait l'écho de plusieurs affaires.

M. Aymeri de Montesquiou. - Cet amendement présente l'avantage d'être positif. Nos concitoyens accumulent trop de griefs contre l'Europe, qu'il importe de présenter positivement.

À l'occasion de cette proposition de résolution, il conviendrait d'adopter une position ambitieuse sur l'impôt. Les contributions de chaque pays doivent être transformées, à montant constant, en la composante d'un véritable impôt européen. Un tel impôt serait fédérateur.

En outre, ne soyons pas schizophrènes. Un salaire minimum est appliqué dans l'administration européenne, pourquoi n'en serait-il pas de même dans les pays membres ? Nous approuvons des recommandations européennes sur l'âge de la retraite ou le temps de travail, mais on ne les applique pas.

M. Simon Sutour, président. - On s'éloigne de la citoyenneté européenne...

M. Aymeri de Montesquiou. - Il est essentiel que les droits convergent. Je suis un fondamentaliste européen. C'est brique par brique que nous construirons l'édifice.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Pour avancer sur l'impôt, il faut déterminer sa nature. Doit-il dépendre de ressources propres ou des contributions nationales ? Les deux logiques sont très différentes. Beaucoup de pistes de réformes existent, mais il n'est pas certain que les chefs d'États et de gouvernements en fassent leur priorité, puisque la question du financement de l'UE paraît réglée, d'ici à 2020...

M. Jean-François Humbert. - La communication de M. Gattolin dépasse nos engagements personnels, ainsi que les clivages partisans. Pourquoi notre commission ne publierait-elle pas, en s'appuyant sur elle, un document d'information, quelques mois avant les élections européennes, sur la citoyenneté européenne, montrant les avantages que celle-ci procure ? Un tel document contribuerait à défendre l'idée européenne dans l'esprit de nos concitoyens.

M. Simon Sutour, président. - Tout à fait.

M. Aymeri de Montesquiou. - Avec M. Gattolin, nous avons été députés européens avant de devenir sénateurs. Nous nous sommes d'ailleurs tous les deux prononcés en faveur de l'attribution du prix Sakharov à Aung San Suu Kyi.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Je remercie André Gattolin d'avoir voté notre résolution en faveur de la création d'une station de radio française « Radio France Europe » et d'avoir incorporé cette question dans sa propre proposition de résolution.

M. André Gattolin. - Monsieur Humbert, nous attendons du gouvernement une synthèse. Peut-être pourrait-elle servir de base au document que vous appelez de vos voeux ?

Je suis partisan d'un impôt européen. Je suis toujours surpris quand les gens se plaignent que l'Europe les « vole ». En France la moitié des ménages, les plus modestes, ne sont pas imposables au titre de l'impôt sur le revenu. Même s'ils participent à la contribution européenne via la TVA ou la CSG, ils bénéficient bien plus de la redistribution européenne...

M. Simon Sutour, président. - L'affaire est complexe...

M. André Gattolin. - N'oublions pas que la contrepartie de l'impôt est l'équité, la transparence et la lisibilité. On en est loin...

Madame Colette Mélot. - Je suis favorable à votre amendement. La procédure de coopération renforcée pourrait, dans un premier temps, contribuer à résoudre les problèmes des couples binationaux.

M. Simon Sutour, président. - L'harmonisation du droit est un vaste chantier.

M. André Gattolin. - La citoyenneté européenne concerne de nombreux aspects. Pour avancer, il faut les mentionner, au risque de se retrouver face à un inventaire à la Prévert de questions juridiques.

La commission adopte l'amendement, puis la proposition de résolution européenne dans le texte suivant :


Proposition de résolution européenne

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 9 et 11 du traité sur l'Union européenne,

Vu les articles 20 à 25 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et notamment son chapitre V,

Vu le rapport 2013 sur la citoyenneté européenne [COM (2013) 269],

Souligne que la citoyenneté européenne est un acquis majeur de la construction européenne ; qu'elle contribue au rapprochement des peuples qui est au coeur du projet européen ;

Rappelle que le traité de Lisbonne a cherché à donner un contenu plus concret à la citoyenneté européenne, notamment par la création d'une initiative citoyenne ; que les droits des citoyens européens résultent aussi de la Charte des droits fondamentaux qui est désormais juridiquement contraignante ; que la citoyenneté a été mieux prise en compte dans l'organisation de la Commission avec la mise en place d'un nouveau portefeuille « Justice, droits fondamentaux et citoyenneté » ;

Prend acte de l'initiative prise par le Conseil et le Parlement européen de proclamer 2013 Année européenne des citoyens ; rappelle que cette initiative est destinée à mieux faire connaître les droits associés à la citoyenneté de l'Union, les politiques et les programmes qui existent pour favoriser l'exercice de ces droits, encourager un débat sur les politiques de l'Union et amplifier la participation civique et démocratique à ces politiques ; suggère qu'une citoyenneté européenne d'honneur soit attribuée aux titulaires du Prix Sakharov pour la liberté de l'esprit décerné chaque année par le Parlement européen ;

Fait valoir que, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, une personne ne peut être privée en droit ou en fait des droits liés à la citoyenneté européenne ;

Constate toutefois que la citoyenneté européenne demeure encore entravée par de nombreux obstacles, en particulier dans la mise en oeuvre de la libre circulation et de séjour, ainsi que dans l'exercice des droits électoraux ;

Estime que beaucoup de difficultés demeurent en raison d'une conception restrictive de la citoyenneté ; qu'en particulier l'obligation de choisir une nationalité a pour effet de limiter le droit de vote ; que, plus généralement, la citoyenneté européenne sera vécue plus concrètement par le développement des rencontres et des échanges entre les cultures des États membres ;

Relève que l'existence de la citoyenneté européenne est conditionnée par les conditions d'acquisition de la nationalité dans chacun des États membres ; suggère, en conséquence, la mise en place d'un mécanisme intergouvernemental d'alerte qui permettrait aux États membres d'échanger entre eux sur les décisions relatives à la nationalité qui sont de nature à impacter la citoyenneté européenne ;

Juge nécessaire de donner un contenu plus concret à la citoyenneté européenne, notamment en renforçant le volet social et la dimension culturelle de la construction européenne ; souligne que les actions en direction de la jeunesse doivent être encouragées, et se félicite que le label « Erasmus » recouvre désormais l'ensemble des actions en matière d'éducation, de formation et de jeunesse, comme l'avait suggéré le Sénat dans sa résolution du 11 avril 2012 ;

Fait valoir que la citoyenneté européenne ne pourra pas se développer sans une bonne information des citoyens sur la situation des autres États membres ; rappelle que, dans sa résolution du 9 octobre 2013, le Sénat a demandé la création d'une station de radio française « Radio France Europe » : R.F.E., destinée à mieux faire connaître, dans tous les domaines, la vie quotidienne de nos partenaires européens ;

Déplore que les citoyens ne soient pas bien informés des relations entre la France et l'Union européenne ; demande, en conséquence, la transmission au Parlement d'un document de synthèse retraçant l'ensemble de ces relations ; fait valoir qu'un tel document permettrait en particulier d'expliciter de façon concrète les actions de l'Union européenne en France ainsi que les positions françaises défendues dans les négociations européennes et la façon dont elles sont prises en compte par les institutions européennes ;

Considère que la lisibilité par le citoyen de la contribution française au budget européen devrait aussi être renforcée ; qu'à cette fin, au moment du vote en loi de finances, le montant global des retours dont bénéficie notre pays devrait ressortir de façon plus explicite qu'une mention dans une annexe au projet de loi de finances ; qu'en outre les documents accompagnant les déclarations d'impôts devraient signaler explicitement la contribution moyenne au budget européen et les retours estimés des grandes catégories de la population ;

Souligne que la citoyenneté européenne doit aussi s'exercer à travers une participation active au processus de décision ; invite, en conséquence, les acteurs de la société civile et les parties prenantes à répondre plus systématiquement aux consultations organisées par la Commission européenne ; demande au Gouvernement d'encourager cette participation en développant l'information sur l'ouverture de ces consultations ;

Relève que les citoyens européens sont trop souvent confrontés à des difficultés pratiques qui limitent leurs droits quand ils se déplacent dans l'Union européenne ; encourage, en conséquence, la Commission à poursuivre les initiatives en vue de lever ces obstacles ;

Se félicite de l'augmentation des mariages binationaux au sein de l'Union européenne, mais constate qu'un nombre accru de séparations de tels couples se solde trop souvent par une violation de l'intérêt supérieur de l'enfant à rester en lien avec ses deux parents et ses deux cultures et langues d'origine, ainsi que par une violation de la liberté de mobilité de certains parents au sein de l'Union européenne ; suggère, en conséquence, la mise en place d'un mécanisme intergouvernemental d'alerte qui permettrait aux États membres d'échanger entre eux sur les décisions relatives à la justice familiale qui sont de nature à impacter la citoyenneté européenne et garantir le droit d'accès de l'enfant à ses deux parents ;

Déplore la place insuffisante des femmes dans les postes de responsabilité des institutions européennes ; demande, en conséquence, qu'une politique active soit menée tant par les institutions européennes que par les États membres afin de parvenir à la parité ;

Juge indispensable, dans la perspective des prochaines élections européennes, qu'une bonne information des citoyens soit conduite sur les actions menées par l'Union européenne ; souhaite que le débat s'organise autour des attentes concrètes des citoyens à l'égard des institutions européennes ; demande que tout soit mis en oeuvre pour faciliter l'exercice par les ressortissants d'autres États membres de leur droit de vote tant pour les élections européennes que pour les élections municipales ; souligne que des listes accueillant davantage de ressortissants d'autres États membres contribueraient à renforcer le sentiment de citoyenneté européenne ;

Approuve les recommandations de la Commission européenne tendant à la transmission d'informations aux électeurs sur les liens d'affiliation entre partis nationaux et partis politiques européens, à ce que les partis nationaux et européens fassent connaître avant les élections le nom du candidat aux fonctions de président de la Commission qu'ils soutiennent et son programme, à la fixation par les États membres d'une date commune pour les élections avec une fermeture des bureaux de vote à la même heure ;

Salue la présentation des premières initiatives citoyennes européennes ; relève toutefois les difficultés rencontrées par les organisateurs de ces initiatives pour la mise en place de systèmes de collectes en ligne et pour le recueil de signatures de citoyens résidant hors de leur pays d'origine ; déplore le caractère dissuasif de l'exigence d'un numéro d'identification personnel imposé par la plupart des États membres ; souligne que des procédures sont nécessaires pour prévenir un détournement de l'initiative européenne au profit de grands intérêts économiques ; juge, en conséquence, nécessaire une plus grande sensibilisation des citoyens, une meilleure infrastructure de soutien, une harmonisation et une simplification de la réglementation au niveau européen ainsi qu'une transparence effective sur l'identification des promoteurs d'une initiative citoyenne ;

Demande au Gouvernement de défendre ces orientations au sein du Conseil.