Intervention de M. Gérard LARCHER,
Président du Sénat,
à l’occasion de la remise du Prix de thèse du Sénat pour 2016
Mercredi 15 juin 2016 à 18 h
Salons de la Présidence
Cher Président Claude BÉRIT-DÉBAT,
Mesdames, Messieurs les membres du Jury,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Chers lauréats,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de vous accueillir dans les salons de la Présidence du Sénat pour la remise du Prix de thèse du Sénat 2016.
Depuis une vingtaine d’années, le Sénat s’est impliqué dans une politique d’aide à la recherche universitaire concernant le bicamérisme, l’évolution de l’institution parlementaire, l’institution sénatoriale ou les collectivités territoriales, dont l’attribution du Prix de thèse du Sénat constitue un volet essentiel.
Ce prix est décerné par un jury –éminent– composé de sénateurs représentant tous les groupes politiques, de professeurs, enseignant dans les plus grandes universités spécialisées en droit, en sciences politiques, en histoire institutionnelle, réparties sur l’ensemble du territoire national, et de fonctionnaires du Sénat. Sa composition tripartite permet un et la pratique institutionnelle.
Je remercie chacun des membres du jury une nouvelle fois, comme je l’avais fait lors du déjeuner qui a fait suite à ses délibérations, de s’être fortement impliqués dans la lecture des thèses et la préparation des rapports qui ont permis de départager des travaux de grande qualité.
J’adresse un salut tout particulier à M. le Vice-Président Claude BÉRIT-DÉBAT, Président de la délégation du Bureau du Sénat, chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études, qui a mené les débats avec fermeté, talent et diplomatie.
Avant d’en venir au palmarès du Prix de thèse du Sénat, je ne saurais poursuivre sans évoquer la décision du jury, prise en présence et avec l’accord du représentant de la Fondation DESCOURS-DESACRES, notre ancien collègue Ambroise DUPONT, de reporter d’un an la remise du Prix de cette Fondation qui récompense, une année sur deux, une thèse portant sur les finances publiques ou locales. Les travaux présentés, peu nombreux alors qu’ils devraient au contraire susciter beaucoup d’intérêt parmi les chercheurs, n’ont en effet pas convaincu le jury qui a décidé de rechercher une nouvelle formule plus attractive.
Je le répète ; je suis attaché à la multiplication des échanges entre le monde universitaire et le monde politique. Le devenir des institutions dans une réflexion qui s’appuie sur les principes fondamentaux de la Vème République doit nourrir ces échanges aujourd’hui, c’est essentiel, j’en suis convaincu.
J’ai aussi accueilli favorablement la proposition de M. le Questeur Jean-Léonce DUPONT, retenue par le jury et prochainement soumise au Bureau, de réformer le second volet de l’aide à la recherche qui se présentait sous la forme de contrats doctoraux afin de les transformer en bourses de recherche ce qui permettra au Sénat d’aider un doctorant chaque année et non plus un doctorant tous les deux ans.
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Il me revient maintenant le plaisir de remettre officiellement les Prix qui ont été attribués, le 10 mai dernier, à nos deux lauréats, M. Arnaud DURANTHON et Mme Lucie SPONCHIADO.
Ils ont été choisis parmi trente-huit candidats. La sélection a été difficile et les lauréats que nous célébrons aujourd’hui n’en ont que plus de mérite.
Même si contrairement aux années précédentes, le palmarès de cette année ne comporte pas d’ouvrage portant stricto sensu sur le droit parlementaire, c’est que les années se suivent mais ne se ressemblent pas….
Je reste néanmoins convaincu que l’étude du droit parlementaire est une spécialité juridique noble, qui devrait susciter plus de vocations - les universitaires ici présents qui en sont, j’imagine, bien convaincus - ont mission de faire partager ce point de vue à leurs étudiants.
Un dernier point mérite d’être souligné : menées à bien, l’une à Toulouse, et l’autre à Paris, les thèses primées aujourd’hui témoignent d’un certain équilibre territorial….
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M. Arnaud DURANTHON vous avez soutenu votre thèse intitulée : Subsidiarité et collectivités territoriales - Étude sur la subsidiarisation des rapports entre État et collectivités en droit public français, dirigée par M. Philippe RAIMBAULT le 2 décembre 2015, et avez obtenu les félicitations à l’unanimité ainsi qu’une autorisation de publication en l’état.
En vous attribuant le Prix du Sénat, le jury a non seulement récompensé un travail d’érudition remarquable, mais également une recherche approfondie dans un domaine qui constitue à l’évidence l’un des principaux centres d’intérêt de notre Institution.
Cette thèse se propose en effet d’étudier « les rapports entre l’État et les collectivités locales, envisagés sous l’angle de l’action administrative locale, c’est-à-dire au plus proche de la concrétisation du droit ».
Le jury a relevé la difficulté de consacrer une telle étude à un concept aussi mouvant et malléable que celui de subsidiarité, qui apparait comme le point d’équilibre entre centralisation et décentralisation. Votre propos consiste à mettre en évidence le processus de « subsidiarisation », autrement dit un renforcement progressif du principe de subsidiarité, dans les rapports entre l’État et les collectivités territoriales.
Votre analyse de l’évolution de la clause de compétence générale comme fondement de compétence est particulièrement intéressante, puisque vous montrez qu’elle est antérieure à son écriture juridique et qu’elle fonde la spécificité des collectivités au regard des autres personnes publiques par leur vocation sociale. Selon vous, cette clause repose sur une dynamique de laquelle l’État est étranger mais qui traduit une coopération au service de l’intérêt général.
Le jury a souligné la rigueur de vos démonstrations et leur originalité ainsi que la perspective comparatiste et pluridisciplinaire dans laquelle s’inscrit votre travail.
Cette transversalité et la hauteur de vue qui en résulte constituent des traits distinctifs de cette thèse, ouverte aux sciences sociales, et dans laquelle le droit n’est pas conçu comme une simple norme, mais comme le produit d’une histoire et d’un rapport de forces à un moment donné. Dépassant largement le champ du droit positif, votre thèse constitue un apport doctrinal essentiel.
Je remarque qu’en étudiant la nature du pouvoir réglementaire local, vous rejoignez les préoccupations exprimées dans les rapports sénatoriaux les plus récents et dans les débats qui se sont déroulés dans notre enceinte sur l’évolution du droit des collectivités territoriales. Le Sénat, depuis 2008, a en effet conduit une réflexion permanente sur la réforme territoriale, ouvrant la voie à une redéfinition des rapports entre l’État unitaire et les collectivités territoriales, à travers de nombreuses missions d’information rassemblant les parlementaires de tous les horizons politiques, et dont les principales conclusions ont été publiées en 2009 (« Faire confiance à l'intelligence territoriale ») et en 2013 (« Des territoires responsables pour une République efficace »). Je vois là des possibilités de rapprochements fructueux entre la recherche universitaire et la demande d’expertise indépendante qui émane du Parlement.
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Cette année le jury a également décidé d’attribuer un Prix spécial décerné à la thèse de Mme Lucie SPONCHIADO portant sur : La compétence de nomination du Président de la Cinquième République soutenue le 8 juillet 2015 à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne. Rédigée sous la direction de M. Michel VERPEAUX, votre thèse a obtenu la mention très honorable avec les félicitations du jury décernées à l’unanimité.
Selon l’expression consacrée, le jury a distingué « une grande thèse », caractérisée par un style limpide et alerte, une démonstration claire, une remarquable recherche qui renouvelle profondément la réflexion sur le sujet traité.
Cette thèse intéresse directement la vie politique française et porte un éclairage inédit sur la procédure d’avis parlementaire à laquelle certaines nominations sont désormais soumises en vertu de l’article 13 alinéa 5 de la Constitution.
Elle peut être résumée de la manière suivante : la compétence de nomination du Président de la République est une compétence formelle qui s’est transformée en un pouvoir de nomination « capté » par le Chef de l’État contribuant ainsi à la présidentialisation du système politique. C’est, selon vous, cette mutation qui explique en grande partie l’inefficacité des contrôles s’exerçant sur les nominations du Président de la République.
Cette dernière affirmation, sans doute un peu excessive est heureusement nuancée par des développements plus précis.
Le premier bilan de la procédure parlementaire de contrôle des nominations prévue à l’article 13, alinéa 5, de la Constitution est d’autant plus instructif qu’il s’agissait là de réaliser une analyse délicate, et que vous avez travaillé « à chaud » sur une réforme très récente.
Vous me permettrez de trouver un peu hâtif et sévère votre jugement ou à tout le moins prématuré : le contrôle parlementaire des nominations est une compétence nouvelle du Parlement, elle est encore en devenir, et son existence même constitue un progrès. Il ne s’agit pas d’un contrôle formel puisque des propositions de nomination ont déjà été rejetées, à deux reprises, par des commissions parlementaires. En juin 2015, la commission des affaires économiques du Sénat a repoussé la candidature de M. Christian Dubreuil à la direction générale de l’Office national des forêts, mais elle fut finalement validée car acceptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. En décembre 2008, les deux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat ont rendu un avis négatif sur le candidat proposé par le Président de la République à la présidence du Haut conseil des biotechnologies. L’effet dissuasif a déjà eu l’occasion de jouer. De plus, cette nouvelle procédure de contrôle contribue au renforcement du Sénat, en particulier par « la prédominance du nombre de sénateurs susceptibles de voter et votant effectivement ». Il me semble ainsi que l’on peut être raisonnablement optimiste sur l’efficacité de ce nouveau mécanisme de contrôle parlementaire des nominations.
Mais c’est le propre d’une véritable thèse que d’ouvrir le débat et de permettre la confrontation des points de vue, et vous voyez que le Sénat a l’esprit ouvert puisqu’il vous a distinguée…
À l’évidence, il s’agit d’une thèse d’idées argumentée et qui comporte un engagement personnel fort. En mettant à disposition les entretiens menés avec dix acteurs majeurs du processus de nomination (dont notre ancien collègue Michel CHARASSE), vous avez en outre constitué une source d’information passionnante, qualifiée par certains de « véritable leçon de vie institutionnelle ».
Je suis persuadé que votre thèse fera référence et, à ce titre, il était pleinement justifié qu’elle soit récompensée par le Prix spécial. En outre, je forme le vœu que vous puissiez continuer à vous intéresser au droit parlementaire et à suivre toutes les réformes que nous sommes en train de mettre en œuvre pour améliorer nos méthodes de travail.
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Je souhaite que ces brèves évocations aient suscité l’envie de consulter les thèses primées, en précisant que dans l’attente de leur publication chez DALLOZ prévue pour le début de l’année 2017, elles sont bien évidemment disponibles à la Bibliothèque du Sénat.
Je suis convaincu que ce palmarès marque tout l’intérêt que porte le Sénat au monde de la recherche universitaire.
Je félicite une nouvelle fois les auteurs des thèses distinguées par le jury, je salue la présence ce soir de directeurs de recherche et de membres éminents des universités et je remercie bien entendu tous ceux qui ont répondu à notre invitation, Sénatrices, Sénateurs, ainsi que parents et amis des lauréats.
Nous sommes très heureux d’entourer dans ce moment de convivialité les lauréats qui pendant de longues années ont travaillé sans relâche leur sujet, avec le soutien, j’en suis sûr de leur proche entourage.
J’invite M. le Président BÉRIT-DÉBAT et M. le Questeur Jean-Léonce DUPONT à me rejoindre pour remettre :
- le Premier prix à M. Arnaud DURANTHON, pour sa thèse Subsidiarité et collectivités territoriales - Étude sur la subsidiarisation des rapports entre État et collectivités en droit public français,
- le Prix spécial du jury à Mme Lucie SPONCHIADO pour sa thèse sur : La compétence de nomination du Président de la Cinquième République.