Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décès d'un ancien sénateur

Polynésie française

Dépôt d'un rapport

Déclaration d'urgence

Modification de votes

Questions orales

Sécurité et entretien du Champ de Mars

Défense incendie

Le coût des grands prédateurs

Eaux pluviales

Isolation phonique des autoroutes

Urbanisme et zonage

Fret ferroviaire

Soutien à la filière veau

Agrément et assermentation des policiers municipaux

Financement des écoles privées

Secours à personnes

Accueil des enfants handicapés hors du temps scolaire

CAP emploi

Imprimerie de l'armée de terre

Vente du tabac entre la métropole et les DOM

Taxe professionnelle et finances des collectivités locales

Numéros de téléphone surtaxés

ACMO

Eloge funèbre de Jacques Baudot

Commission d'enquête sur EADS (Demande de discussion immédiate)

Dépôt d'un rapport

Organismes extraparlementaires (Candidatures)

Brevets européens

Discussion générale

Organismes extraparlementaires (Nominations)

Brevets européens (Suite)

Discussion générale (Suite)

Commission d'enquête sur EADS




SÉANCE

du mardi 9 octobre 2007

5e séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président. - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Georges Dagonia, qui fut sénateur de la Guadeloupe de 1977 à 1986.

Polynésie française

M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Président de l'Assemblée de la Polynésie française, par lettre en date du 26 septembre 2007, le rapport et l'avis de cette assemblée sur les projets de loi autorisant la ratification des Traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur les droits d'auteur et sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes

Acte est donné de cette communication.

Dépôt d'un rapport

M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 22 de la loi du 4 août 1994, le rapport sur l'emploi de la langue française.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Déclaration d'urgence

M. le président. - Par lettre en date du 5 octobre 2007, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le Président du Sénat qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier.

Modification de votes

M. André Lardeux. - Le procès-verbal de la séance précédente indique que, sur l'amendement n°203, je me suis abstenu, alors que je souhaitais voter contre. Il est aussi indiqué que j'ai voté l'ensemble du projet de loi alors que je souhaitais m'abstenir

M. le président. - Acte est donné de ces rectifications.

Questions orales

M. le président. - L'ordre du jour appelle dix-huit questions orales au gouvernement.

Sécurité et entretien du Champ de Mars

M. Yves Pozzo di Borgo. - Le VIIème arrondissement, dont je suis l'élu, connaît des problèmes de sécurité bien spécifiques, liés à la présence de certains lieux historiques tels que le Champ de Mars et de différents lieux de pouvoir. La concentration de bâtiments officiels, Hôtel Matignon, ministères importants, dont le vôtre, monsieur le ministre, imposent soit une garde statique soit une protection particulière importante, surtout avec le plan Vigipirate, et la moindre manifestation donne lieu au déploiement d'un arsenal impressionnant de forces de l'ordre : pas moins de dix cars de CRS pour quinze sans-papiers devant l'Assemblée nationale !

Cet état de fait a de lourdes conséquences pour la population de l'arrondissement : interdictions de stationner, mise en fourrière réglée obligatoirement en liquide, risques évidents, stationnement ininterrompu de véhicules de gendarmerie et de police, accès de certaines rues interdits.

Tout cela mobilise beaucoup de militaires et de fonctionnaires et a un coût pour l'Intérieur. Ne pourrait-on reconsidérer la paranoïa permanente qui affecte cet arrondissement, réviser le système de protection des points dits sensibles du Vllème arrondissement et redéployer le nombre important de militaires et de fonctionnaires pour les occuper à des tâches de proximité.

Le Champ de Mars est un lieu très sollicité pour des manifestations nationales et sportives, proche de surcroît de la Tour Eiffel dont je suis administrateur. Je sais bien que la gestion du Champ de Mars est de la compétence du maire de Paris, mais l'État ne peut fermer les yeux sur ce problème de sécurité. De plus, depuis l'arrêté de messidor an VIII, c'est le Préfet de police de Paris qui exerce les pouvoirs de police municipale du maire de Paris. C'est une anomalie à laquelle on devrait mettre fin, pour que la Ville de Paris revienne dans le droit commun des collectivités locales. Je déposerai prochainement une proposition de loi en ce sens.

Malgré les efforts de la préfecture de police, le Champ de Mars est devenu un lieu d'insécurité où sont commis 80 % des délits commis dans l'arrondissement -lequel est grand comme une ville telle que Cannes ou Colmar. C'est un lieu où, en juin, des milliers d'étudiants fêtent la fin de leurs examens, d'où des problèmes d'alcool, de bouteilles cassées et j'en passe. Hier encore, un directeur d'école me confiait ses inquiétudes devant la présence de dealers venant proposer de la drogue aux enfants. Les riverains se mobilisent contre cette situation et une pétition a déjà réuni plusieurs milliers de signatures.

Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour que le Champ de Mars retrouve son rayonnement et redevienne un lieu paisible et agréable à fréquenter ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État, porte-parole du gouvernement. - Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme Alliot-Marie qui inaugure le Salon international de la police et de la sécurité, ce qui me donne le plaisir de vous transmettre sa réponse.

Depuis 2002, les conditions de protection des points sensibles ont été redéfinies et le nombre des gardes statiques est en forte diminution. Le ministère de l'Intérieur a en effet décidé de privilégier les gardes « dynamiques ». C'est dans cette optique que l'Unité mobile d'intervention et de protection a été créée, à l'initiative du Préfet de police. Cette unité privilégie notamment les itinéraires aléatoires, le recueil d'informations stratégiques auprès des services de sécurité présents sur les sites protégés et la mobilisation rapide de forces de renfort. Cette redéfinition a permis une rationalisation des effectifs. Il serait toutefois difficile de diminuer beaucoup plus le nombre des gardes statiques dans cette zone sensible, en particulier dans le contexte du plan Vigipirate .

D'autre part, la mise en place des barriérages est essentielle lors des fréquentes manifestations revendicatives ou des rassemblements spontanés. Leur absence pourrait affecter la sécurité de certains édifices. Les forces de l'ordre ont toutefois reçu l'instruction d'ôter rapidement ces barrières à l'issue de chaque manifestation afin de limiter la gêne occasionnée aux riverains.

Enfin, comme vous le savez, le maire de Paris est seul habilité à gérer le Champ de Mars, espace municipal. Aussi, la Préfecture de Police ne peut en aucun cas délivrer d'autorisation pour l'organisation d'événements sans un accord explicite du maire de Paris. Lorsque des manifestations à caractère revendicatif sont organisées à Paris, sur le Champ de Mars ou dans un autre quartier, la Préfecture de Police est informée par simple déclaration et elle en informe alors systématiquement la mairie de Paris.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Merci de cette réponse, mais peut-être faudrait-il reconsidérer le dispositif de sécurité concernant le Champ de Mars qui est un lieu « lourd », où, notamment, le maire aime à multiplier les évènements festifs.

Défense incendie

M. Bernard Murat. - Du Champ de mars, nous allons passer à la Corrèze et aux problèmes des territoires ruraux.

M. Yves Pozzo di Borgo. - Le Champ de mars est aussi un territoire rural ! (Sourires).

M. Bernard Murat. - Les projets de réforme de la réglementation relative à la défense incendie, visant à abroger les anciens textes, en particulier la circulaire du 10 décembre 1951, n'ont pas encore abouti.

Un groupe de travail technique, sous l'égide de la direction de la défense et de la sécurité civile, définit les axes d'une réforme. De nouvelles règles s'appliqueront à trois niveaux : un cadre national, un règlement départemental -en liaison avec l'organisation du SDIS- et un schéma communal ou intercommunal de défense incendie.

En mars dernier, un décret en Conseil d'État et un guide méthodologique ont été annoncés, qui doivent préciser les rôles respectifs des communes, des intercommunalités et du SDIS. Ces deux documents devaient être soumis à l'avis des parties concernées, dont l'association des maires de France, et entrer en vigueur fin 2007. Cette réforme est très attendue, par les élus locaux, les SDIS et les services chargés de l'instruction des permis de construire. Où en sommes-nous ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État, porte-parole du Gouvernement. - Sachant, monsieur Murat, que vous êtes l'un des meilleurs experts de cette réglementation, je vais tâcher d'être précis ! D'autant plus que nous avons le Massif central en commun.

Le Gouvernement s'est engagé, lors de la discussion de la loi de modernisation de la sécurité civile en 2004, à réformer des règles devenues obsolètes, celles de l'approvisionnement en eau des communes au profit des SDIS ou de l'examen des permis de construire. Il s'agit là d'une réforme complexe, la troisième tentative en trente ans, les deux précédentes n'ayant pas abouti.

Il y faut de la méthode et de la concertation. Nous prévoyons, comme vous l'avez rappelé, la définition de règles à trois niveaux. National, d'abord, sous la forme d'un décret fixant les grands principes, pluralité des approvisionnements, mode d'évaluation des besoins,... et d'un arrêté interministériel. Au niveau départemental, un règlement sera établi en liaison avec le SDIS, le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques permettant de déterminer les besoins en eau d'extinction. La réalité des ressources en eau mobilisable sera désormais prise en compte. Enfin, au niveau communal ou intercommunal, le schéma de défense incendie informera les maires sur les risques couverts et les nouveaux moyens à mettre en oeuvre en cas de développement de l'urbanisation locale.

Les textes nationaux seront soumis dans le courant de ce mois à l'avis des acteurs concernés : Association des maires de France, ministères concernés, fédération nationale des collectivités concédantes, régies, conférence nationale des SDIS, afin que le dispositif soit prêt à la fin de l'année. Le Gouvernement privilégie cependant une concertation approfondie et recherchera l'adhésion de tous.

M. Bernard Murat. - Monsieur le ministre, élu du Massif central, je sais que vous êtes sensible à ce problème. N'importe lequel de nos territoires doit avoir le même niveau de défense incendie que nos grandes villes. Lorsqu'une entreprise souhaite s'implanter dans la zone d'activité d'une petite commune rurale, le maire n'a pas toujours les moyens de financer les infrastructures de sécurité nécessaires et l'entrepreneur jette alors son dévolu sur une plus grande ville...

C'est une question non négligeable pour l'aménagement du territoire et je suis heureux que ce dossier, sur lequel je me bats depuis des années et qui ne peut qu'intéresser le Sénat, trouve bientôt un heureux dénouement.

Le coût des grands prédateurs

M. Gérard Bailly. - Pourrions-nous faire le point sur le coût du maintien des prédateurs tels que le loup, l'ours ou le lynx dans nos montagnes ? Tout récemment, 400 moutons, en Savoie, se sont jetés dans un ravin, effrayés par les loups. Et la première attaque vient d'avoir lieu dans mon département, le Jura, provoquant la mort de 23 agneaux. De tels événements suscitent le découragement, l'incompréhension et le désarroi des éleveurs ovins. M. Fortassin et moi-même sommes chargés par la commission des affaires économiques d'un rapport sur l'élevage ovin. Et je me rends compte, dans toutes les régions de France concernées par la production ovine, des problèmes immenses causés par les prédateurs !

Il me paraît donc urgent de faire le point sur l'emploi des deniers publics utilisés pour leur introduction ou leur maintien dans les zones montagneuses. L'élevage ovin est très souvent le dernier rempart avant la friche, il contribue à l'entretien des alpages -contre le feu par exemple- et maintient une population en montagne. J'ai vu la détresse des éleveurs des Alpes-maritimes qui n'ont pas eu d'eau pendant deux mois...

M. le président. - Cinq !

M. Gérard Bailly. - Pourriez-vous, monsieur le ministre, m'indiquer la situation exacte par espèce et par nature des dépenses et le nombre d'agents affectés, dans les différentes administrations, à ce dossier ? Peut-être faut-il choisir entre prédateurs et éleveurs. Ces derniers sont découragés : j'en ai vu pleurer !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Les grands carnivores que vous évoquez sont protégés par la Convention de Berne et par des directives communautaires et nationales. Ils participent de la biodiversité à la préservation de laquelle un groupe de travail a été consacré dans la cadre du « Grenelle de l'environnement ».

La protection ou la restauration de ces espèces répond donc aux obligations internationales de la France et à ses engagements en faveur de la biodiversité.

Mais la présence des grands prédateurs a un impact sur les activités humaines et le Gouvernement a pris les mesures d'accompagnement qui s'imposaient. Le suivi efficace des populations, par exemple -une très forte demande des élus locaux- favorise la gestion des effectifs, par espèce. Un soutien est apporté aux élevages confrontés à la prédation. En outre, l'animation pastorale et le soutien au gardiennage des troupeaux participent pleinement à la création d'emplois locaux. L'indemnisation des prédations permet de compenser les dégâts subis. Les mesures d'information et de communication complètent ces actions.

L'ensemble a coûté environ 6,3 millions d'euros en 2006, dont 30 % dans les Pyrénées et 70 % dans l'arc alpin. Le suivi des espèces représente environ 11 % de la dépense, l'aide au pastoralisme 70 %, l'indemnisation des dégâts 13 % et les actions d'informations et de développement local, 6 %.

Qui s'occupe de cette question ? Les ministères de l'Ecologie et de l'Agriculture ainsi que des établissements publics comme l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, les parcs nationaux en leur qualité de gestionnaires d'espaces protégés. Certains parcs naturels régionaux ont pu également s'impliquer dans les démarches d'accompagnement des activités en présence de loups. Les agents sont une quarantaine sur l'aire de répartition des trois espèces, dont les trois quarts dans les Alpes. D'un point de vue comptable, ces données ne relèvent pas seulement de la stricte conservation des espèces et s'inscrivent dans une perspective plus large de développement durable et de soutien aux activités humaines compatibles avec la protection de la nature.

M. Gérard Bailly. - Je vous remercie pour ces précisions. On verra dans les prochaines semaines ce qu'il en sera des données budgétaires. En quelques années, nous avons déjà perdu 20 000 éleveurs et un million de brebis ; il faut agir !

Eaux pluviales

M. Louis Souvet. - M. Doublet, souffrant, m'a demandé de lire sa question.

La loi du 30 décembre 2006 a créé un crédit d'impôt en faveur de la récupération des eaux pluviales. Un arrêté interministériel du 4 mai dernier a précisé les caractéristiques techniques des équipements de récupération des eaux pluviales ouvrant droit au crédit d'impôt, limité au 31 décembre 2009. Cet arrêté concerne uniquement l'utilisation de l'eau de pluie pour des usages extérieurs à l'habitation. Mais un second arrêté est en cours de rédaction qui porte sur les conditions d'usage de l'eau de pluie dans les bâtiments raccordés au réseau public de distribution d'eau potable, ce qui m'inquiète beaucoup plus.

Le risque sanitaire est en effet très important, autant pour le propriétaire que pour le gestionnaire du service d'eau potable. Malgré les nombreuses prescriptions prévues, il existera toujours des risques sur l'origine de l'eau et sur le renvoi d'eau pluviale dans le réseau public. Il faudrait que le dispositif de séparation des deux réseaux soit mieux précisé et que le texte rappelle clairement que les eaux usées domestiques rejetées dans le réseau d'assainissement feront partie de l'assiette de calcul de la redevance d'assainissement. La mission de contrôle du système de récupération des eaux pluviales pour un usage à l'intérieur de l'habitation prendra beaucoup de temps et exigera du service une grande compétence technique et une lourde responsabilité.

Les inquiétudes suscitées par la récupération des eaux de pluie sont justifiées par la multiplication des forages privés, lesquels ne font pas l'objet de la déclaration réglementaire en mairie et sont à l'origine de plusieurs contaminations. En outre, les volumes ainsi utilisés échappent à la redevance d'assainissement. Je m'interroge sur l'intérêt économique pour un propriétaire de réaliser et d'entretenir un système de récupération des eaux de pluie pour un usage limité aux installations sanitaires, comparé à une utilisation du réseau public. L'eau de pluie pouvant être récupérée pour les installations sanitaires représente 30 % du volume consommé par un foyer. Cela peut déséquilibrer gravement le budget des services et entraîner une augmentation de la redevance pour les autres consommateurs.

Pouvez-vous me donner votre sentiment sur l'utilité de la mise en place d'un dispositif administratif et juridique complexe, et m'assurer que le texte sera complété dans le sens que nous souhaitons ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transportrs. - M. Doublet m'a en effet indiqué qu'il était souffrant et ne pouvait venir ce matin.

La période de validité du crédit d'impôt étant limitée au 31 décembre 2009, un arrêté a été pris le 4 mai 2007 afin de ne pas pénaliser les contribuables. Il se rapporte au seul crédit d'impôt pour des équipements de collecte des eaux de pluie pour un usage extérieur. Un second texte, en cours de rédaction avec le ministère de la santé, précisera les usages autorisés de l'eau de pluie dans l'habitation et modifiera en ce sens l'arrêté « crédit d'impôt ». Il sera proposé pour les immeubles d'habitation d'ouvrir l'utilisation aux toilettes et au nettoyage des sols.

Le conseil supérieur d'hygiène publique de France, par un avis de septembre 2006, a préconisé d'interdire l'utilisation de l'eau de pluie pour le lavage du linge. L'utilisation d'eau non potable sera interdite dans un certain nombre d'immeubles, tels que les hôpitaux ou les crèches. L'utilisation de l'eau de pluie par les industriels devrait être soumise à une instruction individuelle. Les utilisateurs auront l'obligation de se déclarer à la mairie, qui diffusera l'information auprès des services d'eau et d'assainissement.

La loi sur l'eau et les milieux aquatiques a autorisé les services d'eau potable à procéder à des contrôles des installations intérieures des utilisateurs de ressources alternatives.

Les connexions physiques entre réseaux de distribution d'eau de pluie et réseaux de distribution d'eau potable seront interdites, à l'exception de la surverse du réseau de distribution d'eau potable vers celui d'eau de pluie.

Pour ce qui est du prix de l'eau, il est nécessaire de rester vigilant de façon à ne pas rompre la solidarité entre tous les consommateurs, afin que les plus démunis puissent profiter du même service public et dans des conditions socialement acceptables. La réglementation prévoit déjà la possibilité de percevoir la redevance assainissement sur les volumes transitant par le réseau de collecte des eaux usées. Un compteur qui totalisera l'eau de pluie utilisée dans les toilettes sera obligatoirement installé.

Le projet de texte sur l'utilisation de l'eau de pluie dans les immeubles devrait être proposé au comité national de l'eau à l'automne.

M. Louis Souvet. - Le risque d'intrusion de l'eau de pluie dans le réseau communal n'est pas nul, je l'ai constaté dans ma commune : une vanne a été entrouverte et, quand on a arrosé le terrain de football, l'eau est entrée dans le réseau communal.

M. le Président. - La secrétaire d'État à l'environnement n'est pas là. Je comprends qu'un ministre d'État ne vienne pas ; d'un secrétaire d'État, ce n'est pas admissible. (Applaudissements)

Isolation phonique des autoroutes

M. Louis Souvet. - Mon intervention ne se situera pas dans le registre du classique « tout sauf dans mon jardin », « oui aux énergies renouvelables mais pas question de vivre auprès d'un parc éolien ». J'ai, moi-même, à gérer ces réactions.

Il s'agit simplement d'évoquer l'intérêt général. L'amélioration des corridors de transport au sein de l'espace national et communautaire, qui requiert la mise à deux fois trois voies d'un tronçon autoroutier, doit aussi respecter la qualité des loisirs pratiqués autour d'une base nautique. Le problème est général car l'accroissement du volume de la circulation posera le même problème au niveau national. L'occasion nous est donc donnée, à travers un cas concret, d'améliorer les règles, de les actualiser.

Pour l'heure, ne sont concernées par la protection phonique que les zones d'habitat, les utilisateurs de zones de loisirs sont oubliés, alors que, par définition, ils viennent chercher le calme. Avec les progrès technologiques, on peut s'attendre à une réduction du bruit des moteurs, mais, sur une autoroute, c'est le bruit du contact des pneus sur la chaussée qui domine. Il est vrai que les revêtements routiers et autoroutiers font l'objet de recherches constantes mais se posera toujours la question de la tenue dans le temps de l'enrobé.

Va-t-on aligner la protection phonique des usagers de campings et de zones de loisirs sur celle des zones d'habitat, où les normes sont de soixante décibels de jour et cinquante-cinq décibels de nuit ? Un mur isolant diminue le bruit d'environ vingt-cinq décibels. On pourrait même envisager des normes plus contraignantes puisque, selon la Direction générale de la santé, un niveau de bruit de cinquante-cinq décibels constitue une gêne sérieuse le jour et en soirée.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Je vous prie d'excuser Mme Kosciusko-Morizet qui m'a prié de vous répondre que la politique de limitation des nuisances sonores suit quatre lignes directrices : le classement des voies bruyantes et la définition des secteurs où l'isolation doit être renforcée ; la prise en compte en amont des nuisances ; le traitement des « points noirs » ; enfin l'évaluation et la prévention du bruit. Les constructeurs ont l'obligation de prendre les dispositions propres à limiter les nuisances en application du principe d'antériorité ; la protection des bâtiments existants doit en outre être assurée en cas de modification d'une infrastructure existante ou d'aménagement d'une nouvelle infrastructure. Le décret du 9 janvier 1995 impose aux maîtres d'ouvrage de prendre les dispositions nécessaires afin que les nuisances sonores soient limitées à un niveau compatible avec les modes d'occupation ou d'utilisation normaux des bâtiments ou des espaces ; il fixe également des limites nationales que la contribution sonore de l'infrastructure ne saurait dépasser -pour les habitations seulement, il est vrai. Cela dit, les maîtres d'ouvrage peuvent retenir des objectifs plus exigeants et rechercher pour les atteindre des participations financières.

De nouvelles obligations résultent en outre des articles 572 et suivants du code de l'environnement, à la suite de la transposition de la directive européenne de juin 2002. Peuvent ainsi être définies des zones calmes, notamment en agglomération, et des espaces remarquables ou dont la faible exposition au bruit doit être préservée.

Il va de soi que le Grenelle de l'environnement traitera des nuisances sonores. De nouvelles mesures seront certainement proposées à cette occasion. J'attirerai l'attention de ma collègue sur le point spécifique que vous avez évoqué.

M. Louis Souvet. - Je vous remercie. Il est nécessaire de revoir la protection des zones où les gens viennent chercher calme et repos. Quand une voie routière passe de deux fois deux voies à deux fois trois voies, le bruit ne peut qu'augmenter avec la vitesse. Or, les maîtres d'ouvrage refusent aujourd'hui de prendre les dispositions qui s'imposent.

Urbanisme et zonage

M. Bernard Piras. - Le droit applicable aujourd'hui aux constructions situées dans les zones non urbaines des communes pose problème. Si les bâtiments sont destinés à l'agriculture, ils sont classés en zone A ; sont classés de façon particulière les bâtiments agricoles qui, par leur intérêt architectural ou patrimonial, peuvent changer de destination ; enfin, les bâtiments se trouvant dans des espaces naturels à protéger sont classés en zone N. Mais rien n'est prévu pour les constructions existantes non destinées à l'agriculture et situées en zone naturelle. Des milliers de logements sont concernés dans la Drôme ; ils sont classés par défaut en zone A alors qu'ils n'ont aucun lien avec l'agriculture et ne peuvent dès lors être aménagés ni étendus.

Pour remédier à cette situation, des communes ont créé dans leurs PLU des microzones N pour les bâtiments concernés ; mais le tribunal administratif de Grenoble a jugé ces opérations illégales. Les services de l'État refusent désormais tout microzonage, ce qui place les élus dans une impasse et risque d'inciter à ne pas déclarer les travaux.

Quelles mesures le gouvernement entend-il prendre pour combler cette lacune juridique ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - L'article R 123-7 du code de l'urbanisme limite l'autorisation de construction sur les terres agricoles. Comment traiter les parcelles non agricoles situées dans ces zones ? Le décret du 27 mars 2001 n'interdit pas l'aménagement de constructions existantes, sans toutefois l'autoriser de manière générale en zone A. Aux termes de l'article R.123, les PLU peuvent, de façon strictement encadrée, instituer des zones naturelles où des constructions non agricoles peuvent être autorisées ; la création de microzones N au sein des zones A est donc possible.

Un contentieux est toutefois en cours, comme vous l'avez rappelé ; la cour administrative d'appel de Lyon est saisie, le Conseil d'État le sera peut-être : la jurisprudence n'est donc pas fixée. En attendant, je confirme la lecture que fait le gouvernement : la création de microzones N en zone A est légale. Nous verrons ce qu'il en sera lorsque toutes les juridictions se seront prononcées.

M. Bernard Piras. - Je vous remercie. Il ne faudrait pas que ce dossier reste bloqué encore deux ou trois ans. Le gouvernement doit donner des instructions aux DDE pour qu'elles cessent de refuser les microzonages.

M. le président. - Les DDE devraient être plus attentives aux remarques des parlementaires...

Fret ferroviaire

Mme Marie-France Beaufils. - Le nouveau directeur du fret à la SNCF voulait « rendre le sourire » à ses clients. Les chargeurs que j'ai rencontrés rient jaune aujourd'hui ! Les PME sont pénalisées, qui vont subir « la disparition des wagons isolés », alors que le gouvernement dit vouloir les aider.

L'entreprise de logistique Geodis, installée à Saint-Pierre-des-Corps, a rénové son embranchement et négocié un nouveau contrat avec son fournisseur allemand ; mais la gare de triage va fermer ! Je partage l'indignation des clients de la SNCF ; si l'on considère la carte de restructuration du fret, seule la grande région Est est préservée. Quid de l'Ouest et du dynamisme de ses PME ? Veut-on sa désindustrialisation ? La colère gronde, celle des salariés, des chargeurs, des citoyens ! Un moratoire est indispensable.

La gare de triage de Saint-Pierre-des-Corps pourrait devenir le grand hub stratégique qui fait aujourd'hui défaut, alors que la région parisienne est saturée.

Entre 2004 et 2006, 1,5 million de camions supplémentaires ont emprunté les autoroutes françaises. Avec la fermeture d'une soixantaine de gares dans la région Centre, l'Indre-et-Loire devra faire face à 26 000 camions supplémentaires.

Les difficultés actuelles du fret ferroviaire sont le résultat de l'insuffisance de nos infrastructures. L'audit d'un cabinet suisse a montré, il y a peu, que nous devions nous engager résolument dans une politique de rénovation des lignes.

Comment accepter que l'on ferme massivement des gares, sans attendre les conclusions du Grenelle de l'environnement, alors que le Président de la République a pris l'engagement d'augmenter le fret non routier de 25 % en cinq ans ? Monsieur le ministre, pouvez-vous obtenir de la SNCF qu'elle décide un moratoire et s'engage à trouver des solutions adaptées aux entreprises ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. - Madame Beaufils, je vous remercie d'avoir rappelé les engagements du Président de la République en faveur de l'intermodalité et du développement des transports maritime, fluvial et ferroviaire.

En France, le fret ferroviaire se porte mal tandis qu'il gagne chaque année des parts de marché chez nos voisins européens, y compris au Royaume-Uni qui a procédé à une réforme dont nous avons tant moqué la brutalité. La situation n'a cessé en France de se détériorer, quelle que le soit la majorité au Gouvernement. (M. René-Pierre Signé le conteste) M. Gayssot lui-même a dû en rabattre.

Nos difficultés ne sont pas liées à un problème d'infrastructure, mais de fonctionnement. Avec la libéralisation du secteur ferroviaire depuis 2006 et l'apparition de cinq opérateurs privés, on ne peut exiger de la SNCF qu'elle tracte des wagons à perte. Si l'on veut, comme l'avait prédit Louis Armand, que le rail qui a survécu au XXème siècle devienne le transport de l'avenir, les compagnies françaises doivent privilégier le transport massifié comme leurs homologues européennes. La Deutsche Bahn s'est déjà lancée dans une telle politique : 50 % du trafic est assuré par le rail à Hambourg, le premier port d'Europe, contre à peine 10 % au Havre et des trains relieront bientôt l'Allemagne à la Russie et la Chine !

J'en viens maintenant au transport en wagon isolé. En nous inspirant du modèle américain des short lines et de l'exemple allemand, nous militons pour qu'il soit pris en charge par des opérateurs ferroviaires de proximité. (On s'exclame sur les bancs socialistes où l'on parle de privatisation) Ces opérateurs, issus du regroupement d'acteurs tels que les chambres de commerce, les coopératives agricoles, les ports ou encore les collectivités, décident de mettre leurs moyens en commun pour assurer le fret ferroviaire sur de courtes distances. Un premier opérateur, Proxirail, devrait voir le jour dans la région Centre. Une solution analogue pourrait être trouvée à Saint-Pierre-des-Corps.

Un wagon non estampillé SNCF sur le rail est toujours préférable à un camion supplémentaire sur la route !

M. René-Pierre Signé. - Donc, en toute logique, vous fermez des gares !

Mme Marie-France Beaufils. - Monsieur le ministre, la SNCF a annoncé la fermeture des gares pour le 30 novembre 2007 et Proxirail ne sera en service qu'au premier trimestre 2008, d'où l'urgence de prendre un moratoire...

De plus, la solution des opérateurs de proximité n'est pas adaptée à la situation de Saint-Pierre-des-Corps où il s'agit de couvrir de longues distances. L'exemple de Geodis le montre bien : il s'agissait d'un projet reliant le réseau français au réseau allemand.

Nous buttons toujours sur le problème des infrastructures. Le Royaume-Uni a réussi sa reconversion parce qu'il a consenti un effort financier important pour la rénovation des voies et des matériels. Le journal Les Echos notait dans un article récent que la mise en place de Proxirail exigeait la remise à niveau de 600 kilomètres de voirie dans le Centre.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. - Le contrat de projet avec la région Centre prévoit des engagements financiers importants de l'État pour la rénovation des voies de fret autours de Tours, Orléans et Blois, voies pour lesquelles les normes de sécurité sont moins strictes que pour le transport de voyageurs. S'agissant de Geodis, il s'agit d'abord d'une affaire interne à la SNCF puisque Geodis est une filière de la SNCF. Laissons les entreprises la régler.

Enfin, pour la région Centre, il est prévu d'électrifier les voies de Tours à Vierzon et nous proposerons, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, de développer une nouvelle autoroute ferroviaire Est-Ouest, reliant la région nantaise et Saint-Nazaire à Lyon. Ce qui renforcera l'importance de Saint-Pierre-des-Corps, ce centre historique du trafic ferroviaire.

Soutien à la filière veau

M. Bernard Cazeau. - Monsieur le ministre, lors d'une récente visite en Dordogne, vous avez annoncé que 8 millions seraient consacrés au soutien de la filière veau de boucherie. De l'avis des professionnels, c'est très insuffisant. Les entreprises d'intégration, telle Sobeval, connaissent des pertes sévères qui se répercutent sur les éleveurs. Le cercle vicieux est connu : un aliment laitier plus cher, un coût de production majoré, des prix de vente peu flexibles du fait de la grande distribution et donc des pertes qui menacent aujourd'hui des centaines d'exploitations agricoles et, à terme, notre capacité à produire. Les nouveaux produits pour l'engraissement des veaux, qu'on nous présente comme une solution, ne sont pas encore au point. Le découragement est grand parmi les éleveurs des filières intégrées dont les charges augmentent à mesure que le prix des produits chute.

La situation exige donc une action forte des pouvoirs publics. Faudra-t-il attendre la pénurie, comme cela a été le cas pour les céréales et le lait, pour que l'on songe à préserver notre capacité de production ? Monsieur le ministre, quelles dispositions prendrez-vous pour redonner confiance à cette communauté agricole ?

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. - Lors de ma visite dans votre département, j'ai mesuré la grande inquiétude, la désespérance même des éleveurs de veaux de boucherie, ainsi que le volontarisme et le professionnalisme des entreprises de transformation. Ce secteur, ancré dans un territoire, est confronté à un déséquilibre récurrent entre offre et demande et au renchérissement des coûts de production, qui affecte également d'autres filières comme celles du porc et de la volaille.

Dans des conditions budgétaires difficiles, la concertation entre professionnels et administration a permis d'aboutir à une proposition tenant compte des difficultés des éleveurs : j'ai ainsi annoncé le 21 août un plan de soutien de 7,8 millions d'euros, dont 1,5 million d'allègements de charges, qui prévoit une adaptation du nombre de places dans les exploitations, une compensation des pertes de marges pour les entreprises de transformation, des moyens financiers sécurisés via l'Office de l'élevage et un effort accru de recherche et de promotion. En juin, nous avons également obtenu au niveau communautaire que la dénomination veau soit réservée aux seuls bovins de moins de huit mois.

Je reconnais le caractère conjoncturel de ces mesures. Nous travaillons à des réponses plus structurelles. Nous n'avons pas les outils adaptés pour faire face aux crises climatiques, sanitaires -comme actuellement la fièvre catarrhale ovine- et économiques que nous devons affronter. Dans le cadre des discussions qui s'ouvrent sur le bilan de la PAC et l'après-2013, je vais travailler à améliorer nos outils de prévention et de mutualisation des risques. J'espère que le Sénat s'associera à ces travaux.

M. Bernard Cazeau. - Vous reconnaissez que cette action conjoncturelle est insuffisante. Je ne mésestime pas la qualité du travail que vous pouvez mener pour résoudre les crises qui touchent l'ensemble de la profession agricole, mais il faudrait au moins quinze millions pour aider ce secteur qui connaît de grandes difficulté, tant au niveau national que périgourdin. Ce sont des milliers d'entreprises agricoles et industrielles qui risquent de disparaître. Je souhaite que vous puissiez annoncer prochainement une augmentation de cette aide.

Agrément et assermentation des policiers municipaux

M. Christian Demuynck. - Une fois recruté par le maire, un agent de police municipale doit être agrémenté par le préfet, qui contrôle sa moralité et son honorabilité -ce qui prend entre cinq et sept mois. Dans ma ville de Neuilly-Plaisance, un fonctionnaire recruté en mai n'est toujours pas agrémenté ! Il lui faut ensuite être agrémenté par le tribunal de grande instance, ce qui prend environ six mois, avant l'assermentation devant le tribunal d'instance -ce qui ne prend que quelques semaines. S'il entre dans une police où le port d'arme est autorisé, il faut compter quelques semaines supplémentaires. Ne pourrait-on réduire ces délais, afin que les policiers municipaux soient opérationnels plus rapidement ?

M. Michel Barnier, ministre. - Mme Alliot-Marie vous prie d'excuser son absence, et me charge de vous répondre. La question de l'agrémentation des policiers municipaux est essentielle pour le bon fonctionnement de la police municipale, qui concourt à la sécurité dans notre pays. L'accès à cette fonction, qui entraîne l'exercice d'une prérogative de puissance publique, exige le contrôle préalable de la moralité de l'agent, notamment à travers la connaissance de ses antécédents judiciaires. Mme Alliot-Marie est favorable à une simplification de ces procédures, qui peuvent en effet poser des difficultés aux maires : l'article L 412-49 du code des communes sera modifié afin que les agents soient agrées par le procureur de la République dès leur succès au concours d'entrée, et continuent à bénéficier de cet agrément, indépendamment de leur affectation géographique. Le Parlement sera saisi prochainement de cette réforme, qui est très attendue par les maires.

M. Christian Demuynck. - J'espère que cette question sera réglée rapidement.

M. le président. - Dans la deuxième ville de France, la police municipale n'est pas armée, et cesse son activité à 21 heures. Elle ne peut être armée sans un effort de formation supplémentaire. Sans compter qu'en cas de bavure, on ne traite pas la police nationale et la police municipale sur le même pied ! Il faudrait plus d'équité.

M. Christian Demuynck. - Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. - J'en ferai part à Mme Alliot-Marie.

Financement des écoles privées

M. Michel Teston. - La circulaire d'application de l'article 89 de la loi du 13 août 2004 étend au financement des écoles privées sous contrat les procédures qui régissent la répartition entre les communes des dépenses de fonctionnement des écoles publiques. Désormais, toute commune où il n'y a pas d'école privée devra financer la scolarisation d'un enfant dans une école privée d'une autre commune. S'agissant d'une école publique, la commune de résidence n'est pourtant tenue de contribuer financièrement que si le maire a donné son accord à cette scolarisation...

Les dispositions de l'article 89 risquent de ruiner les efforts de nombreux élus pour maintenir un service public de qualité sur leur territoire et de conduire à la disparition de nombreuses écoles publiques, avec des conséquences particulièrement dommageables dans les zones rurales. Aussi, je vous demande de reconsidérer l'article 89 de la loi du 13 août 2004 lors de cette session parlementaire et, dans l'attente, de ne pas mettre en application la circulaire.

M. Christian Demuynck. - Très bonne question.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. - J'ai eu l'occasion de répondre à votre collègue M. Houel sur ce sujet difficile lors de la séance de questions d'actualité. Vous pouvez difficilement demander au gouvernement de ne pas appliquer une loi votée par le Parlement, même si je comprends certaines de vos réticences. L'article 89 a été introduit sur proposition sénatoriale.

M. Christian Demuynck. - Exactement.

M. Xavier Darcos, ministre. - Cette transposition pour l'enseignement privé de règles existant pour le public doit reposer sur le dialogue entre les communes intéressées. Cela est valable pour le public comme pour le privé. Ce n'est qu'en cas de désaccord entre communes que l'intervention du préfet peut être requise.

L'article 89, tout comme la circulaire, ont été guidés par un principe d'équité : équité à l'égard des communes, qui ne sauraient payer plus pour le privé que pour le public ; équité à l'égard des familles, qui ont droit à ce que leur liberté de choix soit pleinement respectée.

La circulaire de décembre 2005 a été annulée pour de simples raisons de forme.

Nous avons soumis le texte de la nouvelle version à l'Association des maires de France, ce qui a permis de retirer certaines dépenses de la liste figurant en annexe. Moins oppressante, cette circulaire s'appliquera dans un esprit de mutuelle compréhension et de conciliation entre l'équilibre des finances publiques et de respect des décisions des familles, les sans doute très rares conflits faisant l'objet d'arbitrages par le préfet.

M. Michel Teston. - Selon les explications de M. Charasse, son amendement ne concernait que les communes qui n'ont pas ou plus d'école publique. Mais la rédaction n'était pas très explicite et l'article 89 de la loi du 13 août 2004 a une portée très générale. Il en résulte une disparité de traitement entre les communes (M. Courteau le confirme) car le maire est consulté s'il s'agit d'une école publique mais non s'il s'agit d'une école privée, sa commune étant obligée dans ce cas de participer au financement de la scolarité. Le Gouvernement va-t-il déposer une proposition de modification de l'article 89 ? Deux voies s'ouvrent à lui, soit le compléter par un alinéa stipulant que « les dispositions du présent article ne s'appliquent qu'aux communes qui n'ont pas ou plus d'école publique », soit substituer les mots « les dispositions de l'article L 212-8 du Code de l'éducation sont applicables », aux mots « les trois premiers alinéas de l'article L 212-8 du Code de l'éducation sont applicables ». (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Secours à personnes

M. Philippe Madrelle. - Bien avant que le dernier congrès des sapeurs pompiers ne dresse un bilan alarmiste, j'avais été alerté par des élus ruraux du sud-Gironde. Un dramatique incendie a coûté la vie à quatre personnes mais ce drame ne doit pas être utilisé pour discréditer l'organisation des secours incendie : je redis notre indéfectible attachement aux pompiers dont nous savons l'engagement. Il n'en est pas moins urgent de réorganiser les services de sécurité civile. Le Président de la République vient d'ailleurs de souhaiter l'expérimentation d'une coopération. La centralisation des appels au 15 entraîne des délais supplémentaires et la rigidité du système apparaît antinomique de la nécessaire réactivité des secours : des corrections sont urgentes.

Le Conseil national de sécurité civile avait retenu les secours à la personne comme thème de ses travaux. Nous voulons maintenant assurer un traitement équitable à tous les citoyens ce qui suppose qu'on n'applique pas mécaniquement les même règles aux secteurs ruraux, qui manquent de médecins pendant les vacances et les week-ends. Il faut refuser la concurrence et chercher les plus values. Les services d'urgence travaillent bien, je l'ai vu récemment à La Réole, mais une réorganisation est urgente.

M. le président. - Mme Létard qui va vous répondre après avoir siégé parmi nous est ici comme chez elle.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. - Merci, monsieur le président.

Les secours à la personne ont représenté en 2006 70 % de l'activité des SDIS soit 2,5 millions d'interventions (+ 7 %). Ils impliquent une relation permanente avec les SAMU car la médicalisation a permis de réduire de 30 % la mortalité des urgences vitales.

L'objectif commun est de mieux s'organiser, de mutualiser les moyens pour être plus opérationnel. Comme l'a annoncé le Président de la République le 29 septembre, nous allons revoir l'organisation des secours sans querelles de chapelle mais en assurant la coordination. Dès 2008, les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques seront rapprochés des schémas régionaux pour l'organisation des urgences médicales. La réception des appels au 15 et au 18 sera revue en mettant à profit les technologies informatiques et les outils de radiocommunication numérique seront expérimentés. Une évaluation de la nouvelle réponse graduée interviendra dès 2009.

En tout point du territoire, nos concitoyens bénéficient d'un système de secours efficace : je rends hommage aux sapeurs pompiers et au personnel des SAMU. Mme Alliot-Marie s'engage à adapter ce dispositif.

M. Philippe Madrelle. - Je vous remercie de cette réponse encourageante. La rigidité n'améliore pas les choses ; il faut en finir avec les procédures trop compliquées.

Accueil des enfants handicapés hors du temps scolaire

M. Georges Mouly. - Je suis heureux de la présence de Mme Létard à qui j'aurai sans doute l'occasion de poser de nombreuses questions.

La loi handicap du 11 février 2005 privilégie l'accueil des enfants souffrant de handicaps en milieu ordinaire et le Gouvernement vient de renforcer les moyens d'accompagnement. Cependant, le dispositif va monter en puissance et la réflexion sur l'épanouissement des enfants handicapés a déjà souligné la difficulté de concilier temps scolaire et rythme familial tout en respectant la spécificité du handicap, ce qui suppose une formation du personnel. M. Darcos a annoncé des mesures spécifiques, et les auxiliaires de vie scolaire récemment recrutés recevront les soixante heures de formation initiale prévue par la loi de 2003.

Une convention nationale devrait être signée prochainement, pour intégrer la question du handicap dans la formation des maîtres en IUFM. Ne faudrait-il pas intégrer aussi des modules spécifiques dans la préparation au BAFA et autres diplômes d'animation ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. - Merci d'avoir souligné les efforts particuliers, dès cette rentrée scolaire,  pour l'intégration des élèves handicapés en milieu ordinaire : 2 700 postes d'assistants de vie scolaire en plus, 200 unités pédagogiques d'intégration et 1 250 places supplémentaires en Services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD).

Comme vous, je souhaite que les enfants handicapés se voient offrir la possibilité de participer aux activités périscolaires et extrascolaires proposées à tous les enfants : c'est une question de justice et d'égalité des chances. Leur accueil suppose effectivement que les animateurs soient formés ou, tout au moins, que quelqu'un connaissant l'enfant puisse participer avec lui aux activités.

Le ministère de la Jeunesse et des Sports met en place une politique de formation des animateurs et moniteurs depuis plusieurs années. La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) finance 300 postes d'animateurs sportifs spécialisés dans les fédérations Handisport et Sport adapté ; des modules de formation à l'accueil des personnes handicapées sont dispensés aux moniteurs qui le souhaitent, sur la base du volontariat.

Dès 2001, les ministères de la Jeunesse et des Sports et de la Solidarité ont recommandé l'accueil des enfants handicapés en centres de loisir ou de vacances. Le guide méthodologique à l'attention des formateurs intervenant au cours des sessions de formation au BAFA, édité en 2003, prévoit une sensibilisation des futurs animateurs à l'accueil des enfants handicapés.

Il est souhaitable d'aller plus loin. Je me rapprocherai de Mme Bachelot pour examiner la possibilité d'inclure un module de formation sur le handicap au sein des formations au BAFA. Il devrait en être de même pour les enseignants, les architectes, les autres métiers du bâtiment ou encore les gestionnaires des ressources humaines.

A l'occasion de la préparation du plan « Métiers » prévu par la loi du 11 février 2005, je vais passer en revue l'ensemble des formations et certifications professionnelles, pour repérer ceux des métiers où la sensibilisation à la question du handicap est indispensable.

M. Georges Mouly. - Merci pour cette réponse, j'en profite pour vous dire ma grande satisfaction de vous voir au gouvernement... La rentrée scolaire témoigne de l'effort du gouvernement, j'espère que vous aurez les moyens de tenir vos engagements !

CAP emploi

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Je m'inquiète de voir diminuer, en Ile-de-France, le nombre de structures qui aident l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés. La loi de février 2005, en modifiant la prise en compte des travailleurs handicapés dans les effectifs des entreprises, a créé une incitation à leur embauche. En augmentant la contribution des entreprises, elle a accru mécaniquement les moyens confiés à l'agence de gestion des fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).

Or, l'Agefiph lance un appel d'offres pour réduire, notamment en Ile-de-France, le nombre de CAP emploi. Ces organismes de placement spécialisés, créés en 1976, jouent un rôle essentiel pour la préparation, l'accompagnement et le placement des travailleurs handicapés. Ils interviennent dans le cadre d'une délégation de service public et sont un partenaire privilégié des entreprises.

L'Agefiph fait une interprétation erronée de la loi en estimant de sa seule responsabilité d'organiser le conventionnement des CAP emploi. Comme le rappelait notre commission des affaires sociales en examinant la loi de février 2005, le législateur a souhaité que l'Etat conserve la responsabilité de ce conventionnement. Madame le ministre, qu'en est-il ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. - Comme vous, je suis attachée à l'existence des CAP emploi : ils accompagnent chaque année plus de 80 000 personnes handicapées et contribuent au placement de 45 000 d'entre elles. La loi leur confie la compétence de préparer, d'accompagner vers l'emploi et de placer les travailleurs handicapés en milieu ordinaire de travail. Ils ne sont donc pas des prestataires auxquels l'Agefiph aurait loisir de recourir pour exercer une de ses propres missions. Ce sont des partenaires au financement desquels la loi impose à l'Agefiph de contribuer. Il est indispensable de s'assurer de la qualité de leurs prestations. C'est pourquoi la loi a prévu un conventionnement, une évaluation régulière, ainsi que la possibilité de mettre fin au conventionnement.

La loi ne dit pas explicitement quelle est l'autorité responsable du conventionnement. Vous avez raison : c'est l'Etat, lequel est cependant libre de déléguer cette compétence tout en gardant le contrôle de la procédure.

Il intervient de deux manières dans ce conventionnement. D'abord par un rôle d'orientation et d'impulsion de la politique en faveur des CAP emploi, à travers la définition de leur offre de service nationale : un protocole national a été signé en janvier 2007 avec l'Agefiph et les CAP emploi. Ensuite, en cosignant chaque convention avec les CAP emploi, l'Agefiph étant également cosignataire comme financeur.

L'Etat a choisi de déléguer le suivi des conventions à l'Agefiph et à son réseau régional : l'association s'assure du respect de l'offre de service élaborée avec l'Etat, à travers une procédure d'audit dont les conclusions seront rendues à la fin de l'année. Quand l'audit préconise de changer l'opérateur, l'Agefiph sélectionne un nouveau prestataire, et l'Etat participe à ce choix en signant la convention.

L'Etat est mobilisé dans le pilotage du réseau CAP emploi et je veillerai à ce qu'il le reste, en demandant aux services déconcentrés de participer aux comités de pilotage régionaux qui instruisent les décisions de conventionnement.

Le recours à l'appel d'offres ne me paraît pas contestable pour sélectionner un nouvel opérateur en cas de défaillance du précédent. A l'inverse, on déstabiliserait le réseau si l'on devait renouveler les conventionnements par appel d'offres tous les trois ans, en empêchant la constitution d'une véritable expertise professionnelle.

L'Ile-de-France est dans une situation particulière : pour des raisons historiques, elle compte dix-sept CAP emploi pour huit départements. La taille des bassins d'emploi peut justifier un nombre plus important de CAP emploi, mais cela n'interdit pas de vouloir en optimiser la répartition. Le travail engagé en ce sens depuis 2004 n'a donné lieu qu'à une seule fusion. L'Agefiph, en accord avec ses autorités de tutelle, a donc décidé de définir elle-même un schéma régional d'implantation et de lancer un appel d'offre pour sélectionner les structures répondant aux orientations de ce schéma.

Si la démarche est légitime, l'Agefiph est allée trop vite en fixant un schéma qui ne compte qu'un CAP emploi par département, sans même attendre les résultats de l'audit qu'elle a elle-même lancé. On risque effectivement de supprimer des structures qui rendent de réels services.

Il est plus prudent de prendre connaissance des résultats de l'audit puis de définir un schéma d'implantation des CAP emploi avec l'Agefiph, le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, chargé de sa tutelle, et les organismes de placement spécialisés concernés. Ces démarches accomplies, l'appel d'offre pourrait être réactivé, sur des bases plus saines.

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Merci pour cette réponse très complète. Je proposerai une réunion aux CAP emploi d'Ile-de-France, pour la leur transmettre et les rassurer.

Imprimerie de l'armée de terre

M. René-Pierre Signé. - Les gouvernements passent, les problèmes demeurent, en particulier pour l'établissement d'imprimerie de l'Armée de terre (EIAT) implantée à Château-Chinon.

Avec la suppression du service obligatoire et la réduction des effectifs militaires, le travail d'impression a été réduit et les mutations du personnel, maintenant civil, sont plus difficiles à obtenir. Une étude en cours -mais qui date, il est vrai de plusieurs mois- évoque diverses options assez peu favorables : attendre le départ en retraite de la majorité du personnel et envisager une fermeture à moyen terme, constater la carence d'encadrement et fermer l'établissement plus rapidement, regrouper à Saint-Etienne l'EIAT de Château-Chinon avec l'EDIACAT. Pourtant il semble que le taux d'encadrement se soit amélioré, que l'activité de l'EIAT se soit consolidée et, donc, qu'il devienne possible de sauver l'établissement. Une confirmation de votre part serait la bienvenue.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. - II est vrai que, dans le cadre d'une étude d'ensemble sur les fonctions de soutien et d'impression, nous examinons la situation de l'EIAT. A la fin de 2005, ces tâches occupaient 41 ateliers et 1 000 agents dont 200 militaires. On compte 8 établissements pour l'Armée de l'air, 4 pour la Marine, 17 pour l'Armée de terre, 3 pour la Gendarmerie, 8 pour le Secrétariat général à l'administration, et un pour le Service de santé.

L'établissement de Château-Chinon, créé en 1982 occupe 80 personnes, dont 17 administratifs et 14 personnes affectées aux tâches de soutien. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, j'ai lancé une étude visant à vérifier si on peut faire aussi bien, ou mieux, pour moins cher et à éviter les doublons au sein des armées. La situation de l'établissement de Château-Chinon sera examinée dans le cadre de cette étude qui se prolongera jusqu'en mars. Comme à tant d'autres interlocuteurs je ne peux que vous donner rendez-vous à l'issue de ces travaux. Ce n'est que fin mars que nous déterminerons le nouveau plan d'organisation des forces de soutien et que nous nous prononcerons, notamment, sur le sort de l'EIAT de Château-Chinon.

M. René-Pierre Signé. - Votre réponse ne me surprend pas mais m'inquiète, même s'il n'est pas de crainte sans espoir. Je crains que la mutualisation et la réorganisation envisagées ne soient défavorables aux établissements modestes et enclavés dans le rural profond. Sans vouloir vous faire pleurer sur Château-Chinon, je vous invite à considérer que cette petite ville a déjà subi des séismes et traumatismes industriels et que la disparition de l'EIAT lui porterait un coup supplémentaire. Je vous demande, monsieur le ministre, de mesurer la situation qui en résulterait.

M. Hervé Morin, ministre. - Je ne vous apporte de message ni positif, ni négatif. Nous sommes en train d'examiner la totalité de la situation et, lorsque nous en aurons fini, alors, je pourrai vous répondre. Bien entendu, cette étude prend en compte tous les éléments, y compris ceux que vous me signalez.

Vente du tabac entre la métropole et les DOM

Mme Anne-Marie Payet. - L'article L.3511-3 du Code de santé publique interdit la vente promotionnelle du tabac, parce que contraire aux objectifs de santé publique. Or, tout voyageur français quittant le territoire métropolitain pour aller dans un département d'outre-mer peut se procurer dans les boutiques hors taxe des aéroports, des produits de tabac à un prix défiant toute concurrence. En 2004, 480 000 passagers sont arrivés à La Réunion. Sachant que 30 % des Français sont fumeurs, ce sont près de trois millions de paquets qui sont acquis à un prix promotionnel, puisque la moyenne est de deux cartouches par acheteur. Ce chiffre est encore en dessous de la réalité puisque mon calcul ne concerne pas les Antilles, mais seulement La Réunion, et uniquement pour les voyages depuis la métropole.

Dans un souci de cohérence avec la politique de santé publique, il serait opportun d'interdire, lors de vols entre la métropole et les DOM, la vente de tabac à prix promotionnel dans les boutiques hors taxe des aéroports, comme c'est déjà le cas pour toute autre destination de l'Union européenne.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. - Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Lagarde et de M. Woerth, tous deux retenus à l'Assemblée nationale.

Les voyageurs en provenance ou à destination des départements d'outre-mer peuvent effectivement acheter en exonération de droits et taxes des produits du tabac dans les limites de franchises quantitatives fixées par les directives communautaires. Dans les échanges avec les pays de l'Union européenne, les DOM sont considérés comme pays tiers. Par exemple, pour les cigarettes, les franchises sont fixées à 200 unités soit une cartouche. Au-delà, le voyageur à destination d'un DOM doit acquitter le droit de consommation sur les cigarettes, l'octroi de mer et/ou la TVA ce qui peut mettre le paquet de cigarettes à un prix supérieur à celui commercialisé en France et à la Réunion où la fiscalité en vigueur est identique à celle de la métropole.

La vente considérée à un prix de nature promotionnelle ne s'applique pas au cas évoqué, sauf à remettre en cause le système des duty free et la réglementation communautaire des échanges entre l'Union européenne et les pays tiers. Je ne puis donner une réponse plus favorable à votre question sans risquer de mettre en cause le principe même des duty free.

Mme Anne-Marie Payet. - Je ne veux pas remettre en cause le système des duty free puisque je ne parle que du tabac. Chez nous, les buralistes n'ont même pas besoin de licence pour en vendre, on peut en trouver dans de nombreux commerces et dans les distributeurs automatiques, ce qui est interdit en métropole. J'espère qu'on mettra fin à toutes ces dérives commerciales à La Réunion où l'on compte chaque année 500 décès dus au tabac, soit dix fois plus que de tués sur la route.

Taxe professionnelle et finances des collectivités locales

Mme Catherine Procaccia. - Les collectivités locales constatent qu'elles supportent l'essentiel de l'effort financier consécutif à la réforme de la taxe professionnelle, même si le principe de la compensation est respecté. Les différents rapports publiés à l'occasion du 25ème anniversaire de la loi du 2 mars 1982 et de la mise en oeuvre progressive de « l'Acte II de la décentralisation », ont établi que les finances des collectivités sont saines, mais de plus en plus contraintes par des facteurs exogènes qui progressent plus vite que la richesse nationale.

Alors que la taxe professionnelle représente 50 % de leurs ressources fiscales, l'article 85 de la loi de finances pour 2006 a réformé cette taxe. Pour les entreprises, son dégrèvement pour investissements nouveaux entrant dans le champ des amortissements dégressifs est pérennisé à hauteur de 100 % la première année, 2/3 la deuxième année et 1/3 la troisième année. Les entreprises bénéficient également d'un plafonnement à hauteur de 3,5 % de leur valeur ajoutée. Soit un allégement total de 2,7 milliards d'euros en 2007 et de 3,4 milliards en 2008.

Pour les collectivités territoriales et leurs groupements, la partie du plafonnement imputable aux hausses des taux votées est mise à leur charge. Un mécanisme de réfaction peut s'appliquer en fonction de la situation de la collectivité.

Cet allégement de la fiscalité directe locale, qui profite à l'activité économique, est en partie compensé par l'État.

De récents rapports critiquent la fiscalité locale actuelle, notamment la part grandissante des compensations par l'État d'exonérations et de dégrèvements. Quelles sont les pistes de réflexion pour une future réforme ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. - Mme Lagarde a hier été chargée par le Président de la République et le Premier ministre d'animer une revue générale des prélèvements obligatoires afin de proposer d'ici le printemps prochain des mesures de réforme.

Déjà, dans le passé, la taxe professionnelle a été plafonnée à 3,5 % de la valeur ajoutée. Le financement du plafonnement est partagé entre I'Etat, les collectivités territoriales et les Epci à fiscalité propre, la plus grande partie étant prise en charge par l'Etat, sur la base d'une cotisation déterminée en retenant un taux de référence actualisé, ou le taux de l'année d'imposition s'il est inférieur. La charge supplémentaire du dégrèvement résultant d'une augmentation de taux décidée par les collectivités territoriales est financée par elles. Leur participation au financement du dégrèvement au titre du plafonnement s'apprécie donc annuellement -avec des mécanismes d'atténuation spécifique.

Cette réforme était indispensable pour mettre fin aux surimpositions qui pesaient sur la compétitivité des entreprises et pour rendre à la taxe professionnelle son caractère d'impôt local. Nous avons atteint un juste équilibre quant aux charges et responsabilités pesant sur les collectivités, l'Etat et les contribuables.

S'agissant de la fiscalité locale en général, nous devons moderniser les valeurs locatives puisque la révision prévue par la loi de 1990 n'a jamais été mise en oeuvre par crainte de transferts entre contribuables et entre collectivités : les valeurs de 1961 pour le non-bâti, de 1970 pour le bâti, sont toujours en vigueur ! Aussi, dans la revue générale des prélèvements obligatoires et en étroite concertation avec les élus locaux, un assouplissement du mode d'actualisation des valeurs locatives et une plus grande participation des élus locaux dans la détermination de ces valeurs seront envisagés.

Pour rendre plus visible le lien entre la collectivité territoriale et le contribuable local, nous entendons éviter les superpositions d'autorités ayant un pouvoir de taux sur une assiette donnée ; assurer à chaque collectivité territoriale une diversification suffisante de ses ressources fiscales ; supprimer à terme toute interposition de l'Etat entre les collectivités et les contribuables ; limiter les transferts entre collectivités.

La rénovation de la fiscalité locale est un chantier difficile mais essentiel. Soyez assurée de la détermination du Gouvernement à aboutir, en étroite collaboration avec les élus locaux. C'est l'engagement qui a été pris par le Premier ministre lors de l'installation de la Conférence nationale des exécutifs. Les décisions interviendront au printemps prochain.

M. Roland Courteau. - Après les municipales...

Mme Catherine Procaccia. - Ma question était à la fois prémonitoire et prématurée... La réflexion me semble toutefois aller dans le bon sens. Mais nous avons des inquiétudes pour l'avenir : comment lancer des projets si nous ignorons ce que seront demain nos sources de financement ? Les élus apprécieront d'être associés par vos services à la réflexion qui sera menée.

Numéros de téléphone surtaxés

M. Roland Courteau. - Les numéros de téléphone surtaxés se sont multipliés ces dernières années. Alors qu'ils avaient été mis en place pour rémunérer les fournisseurs de service à faible valeur ajoutée, aujourd'hui, cette pratique s'est généralisée. Certaines entreprises, des banques, des assurances, des cliniques même, ou encore Air France y ont recours sans véritable service en échange.

Plus grave encore, les numéros surtaxés se sont propagés jusque dans les caisses d'allocations familiales, la SNCF, le Centre impôts services, Allo service public, SOS cartes volées... Les tarifs varient de 12 centimes la minute à 45 centimes et plus, à comparer aux 2 ou 3 centimes la minute au tarif normal. Une simple demande de document a coûté 8 euros à une personne lors d'un appel vers un numéro surtaxé. L'addition est plus lourde encore pour les appels passés depuis un téléphone portable, car s'ajoute une autre taxe, variable selon l'opérateur. Or, 30 % des appels sont effectués depuis des mobiles. Les personnes de condition modeste qui ont besoin de joindre des organismes sociaux sont les plus touchées.

De plus, concernant les services publics, cela revient à faire payer l'impôt deux fois, au contribuable d'abord, à l'usager ensuite. La loi que nous avons votée, dite « de confiance dans l'économie numérique » prévoit un décret en Conseil d'Etat pour déterminer chaque année les numéros accessibles gratuitement depuis les téléphones fixes ou mobiles. Trois ans après, on attend toujours...

Aucun cadre juridique n'autorise pourtant les administrations et services publics à faire participer l'usager au financement des structures d'accueil téléphonique. Mais on n'a même pas le choix, le numéro géographique n'étant bien sûr plus communiqué. Le site internet Geonumbers.com rendait publics les numéros géographiques non surtaxés : il a dû fermer, sous les pressions -il est aisé de deviner d'où elles provenaient. Le gouvernement entend-il légaliser les démarches comme celle de Geonumbers.com ? Une pétition circule, qui atteindra les 100 000 signatures d'ici novembre. Quelles sont vos intentions ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. - Votre question est parfaitement fondée. Nous avons organisé, Luc Chatel et moi, à Bercy le 25 septembre dernier, une table ronde consacrée aux relations entre les consommateurs et les opérateurs de téléphone. Un projet de loi « concurrence et protection du consommateur » sera bientôt élaboré.

Les numéros commençant par 08 recouvrent une grande diversité de services pour lesquels le surcoût est généralement justifié.

Il ne s'agit donc pas de remettre en cause l'existence des numéros surtaxés, qui constituent un moyen de règlement efficace pour des prestations épisodiques d'un montant limité.

Nous avons procédé à un audit de modernisation sur l'accueil à distance dans les administrations. Le rapport d'audit met en évidence la diversité des pratiques des administrations, certains appels pouvant être surtaxés quand d'autres sont facturés au prix d'une communication locale. Il recommande un abaissement général du coût des appels vers les administrations, qui pourrait passer par le recours à des numéros en 09, moins coûteux.

Le ministre du budget a décidé de mettre en oeuvre cette recommandation et a donné instruction pour que les appels des usagers aux services placés sous son autorité soient tarifés au prix d'une communication locale. Cette mesure importante concerne 1,3 million d'appels par an. Éric Woerth, qui est en charge de la réforme de l'État, a en outre demandé que soit évalué l'impact de la généralisation de cette mesure à l'ensemble des ministères.

Le rapport d'audit a identifié une série de difficultés qui compliquent l'application littérale de l'article 55 de la loi de 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

La gratuité totale de l'accès aux services est porteuse d'effets pervers : nombreux appels non pertinents, inutilement réitérés ou abusivement prolongés. Le coût de mise en oeuvre serait de 80 millions pour les trois principaux organismes de protection sociale.

Les rapporteurs envisagent donc soit de modifier cet article 55, soit de publier un décret d'application ne concernant qu'un nombre très limité d'organismes, comme ceux répondant à un critère de « détresse sociale ». Le Gouvernement étudie ces propositions, sachant qu'il existe d'autres moyens d'assurer la gratuité ou le plafonnement du coût des appels pour certains publics. On pourrait envisager que certains usagers aient la possibilité d'appeler en PCV grâce à un code d'identification personnel ou que des lignes spécifiques moins coûteuses, leur soient ouvertes.

La question des services après-vente des opérateurs de communications électroniques a été abordée lors de la rencontre du 25 septembre avec les consommateurs et les opérateurs, que j'ai coprésidée avec Luc Chatel. À cette occasion, nous avons indiqué l'intention du Gouvernement de légiférer sur ce point dans le cadre du projet de loi sur la concurrence et les droits du consommateur. L'interdiction qui pourrait être faite aux opérateurs de communications électroniques de recourir à des numéros surtaxés pour leurs services après-vente fait partie de possibilités à l'étude. Un client n'a pas à supporter des surcoûts pour faire valoir une réclamation lorsque le service auquel il a souscrit n'est pas rendu. C'est le sens d'une décision récente du Tribunal de grande instance de Paris, qui indique que le professionnel « ne saurait faire supporter à son client le coût des moyens mis en oeuvre pour satisfaire son obligation de résultat, qu'il doit donc en conséquence supporter le coût des frais de communication avec la hotline ».

La quasi-totalité des opérateurs de communications électroniques, s'ils ne l'ont déjà fait, vont très prochainement mettre en place la gratuité des temps d'attente pour les appels à destination de leur hotline. Le Gouvernement entend confirmer la gratuité du temps d'attente pour ces appels dans le cadre du projet de loi sur la concurrence et les droits du consommateur.

M. Roland Courteau. - Nous avons pris acte de vos engagements et serons attentifs à l'évolution de la situation.

ACMO

M. José Balarello. - Les collectivités Iocales, quelle que soit leur taille, sont tenues de nommer un ou plusieurs agents chargés de la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité. Les missions de ces agents, appelés ACMO, sont déterminées à l'article 4-1 du décret du 10 juin 1985. Elles consistent à assister et conseiller l'autorité territoriale dans la mise en oeuvre des règles de sécurité et d'hygiène au travail, améliorer l'organisation et l'environnement du travail, faire progresser la connaissance des problèmes de sécurité et veiller à l'observation des prescriptions législatives et réglementaires. Afin de leur permettre d'acquérir et d'actualiser leurs connaissances dans ce domaine, les ACMO reçoivent, en application de l'article 4-2 du décret et de l'arrêté du 3 mai 2002, une formation préalable à leur prise de fonction d'un minimum de trois jours et une formation continue. Ces textes et la circulaire du 9 octobre 2001 ont également transposé en droit français, la directive du 12 juin 1989, dont l'article 7 précise que dans chaque collectivité territoriale une personne doit s'occuper de la prévention des risques et de la sécurité.

Cette mission dévolue aux ACMO étant réglementaire et obligatoire, elle justifie le versement d'une nouvelle bonification indiciaire. Il serait donc équitable de compléter le décret du 3 juillet 2006 afin d'allouer à ces agents une nouvelle bonification indiciaire de 25 points majorés.

Je pose cette question en tant que président du centre de gestion de la fonction publique territoriale.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Les décrets du 3 juillet 2006 ont réformé le dispositif territorial de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) institué par le décret du 24 juillet 1991, afin de permettre le maintien de la NBI prévue pour certains fonctionnaires de l'État dont les compétences sont transférées aux collectivités locales et, d'autre part, de se conformer à la jurisprudence du Conseil d'État qui demande que l'attribution de la NBI soit fonction des missions exercées et non de l'appartenance à un grade ou à un cadre d'emplois.

Cette refonte a été élaborée à l'issue d'un travail de concertation au sein d'un groupe spécialisé du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Elle n'avait pas pour objet d'actualiser la liste des emplois susceptibles de bénéficier de la NBI.

C'est pourquoi le Gouvernement, conscient qu'une telle actualisation était rendue nécessaire par l'évolution des métiers au sein de la fonction publique territoriale, a confié une tâche d'évaluation au même groupe spécialisé du CSFPT, en vue de définir de nouveaux emplois pouvant bénéficier de la NBI.

Les représentants du personnel au sein de cette instance ont émis plusieurs propositions, notamment que les agents chargés de la mise en oeuvre des règles d'hygiène et de sécurité bénéficient d'une NBI. Compte tenu de l'impact financier des diverses propositions des représentants du personnel, il appartiendra au collège des employeurs territoriaux de décider si ces propositions doivent figurer dans le rapport qu'adoptera le CSFPT en séance plénière. Une concertation interministérielle sera ensuite engagée sur la base de ces propositions.

Nous attendons ce rapport avant de nous prononcer.

M. José Balarello. - Merci de ces précisions.

La séance est suspendue à midi quarante-cinq.

La séance reprend à 16h 35.

présidence de M. Christian Poncelet

Eloge funèbre de Jacques Baudot

(Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

M. le président. - C'est avec beaucoup d'émotion et de tristesse que nous avons appris la mort, le 21 juin dernier, de notre collègue Jacques Baudot, sénateur de Meurthe-et-Moselle.

Après un long et douloureux combat contre un mal implacable, Jacques Baudot a rendu son dernier souffle avec le courage et la sérénité que nous lui connaissions. Depuis la suspension de nos travaux, en février, il eut à subir les derniers tourments d'une maladie devenue implacable, qui l'a terrassé.

C'est à Nancy en 1936 que Jacques Baudot vit le jour. C'est dans cette cité, à laquelle il s'identifiera toute sa vie, qu'il fit ses études primaires, secondaires puis universitaires. Docteur en chirurgie dentaire, diplômé de la Faculté de médecine de Nancy, il complète sa formation par un doctorat de 3ème cycle en sciences odontologiques. C'est dans la cité des Ducs de Lorraine qu'il exerce, durant plus de trente années, son activité professionnelle.

Praticien habile et estimé, il avait une connaissance intime de Nancy, de ses quartiers, mais surtout de ses habitants. Sa notoriété était grande, mais elle n'avait rien de tapageuse. Elle s'est forgée au fil des années au cours desquelles, attentif à chacun, Jacques Baudot prodiguait avec élégance et délicatesse les soins de son art, tout en étant à l'écoute de ses patients dont il avait ainsi acquis une connaissance intime.

« Le caractère, c'est la destinée ». Cet aphorisme, Jacques Baudot l'a plus que personne illustré. Affable, ouvert aux autres, consensuel, dévoué, maniant l'humour comme pour mieux savoir prendre du recul, le regard pénétrant, tous ces traits, qui caractérisaient Jacques Baudot, allaient enrichir sa réputation professionnelle et personnelle.

Une telle personnalité ne pouvait passer inaperçue des édiles nancéens. C'est ainsi, tout naturellement, que notre ancien collègue Marcel Martin allait le pressentir pour accéder au conseil municipal de sa ville natale lors des élections de 1971. La personnalité de Jacques Baudot y fit aussitôt merveille. Il s'impliqua de plus en plus dans la vie de sa cité, tout en maintenant sa pratique professionnelle, qu'il jugeait consubstantielle à son équilibre.

En 1979, il fut élu, pour la première fois, conseiller général du canton de Nancy Sud. Il allait constamment être renouvelé dans ce mandat jusqu'en 2004, date à laquelle il renonça à se représenter. De 1988 à 1998, Jacques Baudot allait présider l'assemblée départementale, y apportant toute la richesse de son tempérament, la force de ses engagements, mais veillant constamment à trouver des solutions consensuelles pour le plus grand bénéfice de son département. Il élargit son horizon électoral à la région de Lorraine quand, en 1986, il fut élu au conseil régional. Il en fut vice-président de 1988 à 1992. Il quitta à regret ce mandat pour faire, en 1992, son entrée au Sénat.

Fort de l'expérience acquise durant vingt-deux ans, au conseil municipal, au conseil général puis au conseil régional, Jacques Baudot nous fit bénéficier, durant quinze ans, d'une présence et d'un travail assidus. Dans l'exercice de son mandat national, il allait notamment manifester son intérêt pour les questions touchant à la Défense et plus particulièrement au monde combattant.

Membre de la commission des affaires économiques, puis de la commission des finances, il allait se révéler un rapporteur spécial du budget des anciens combattants et victimes de guerre particulièrement éclairé et actif. L'Officier de réserve s'était complètement et personnellement impliqué dans ces questions qui lui tenaient à coeur.

Au cours de ses interventions dans cet hémicycle, il allait inlassablement plaider pour l'amélioration de la condition des anciens combattants de toutes les guerres. Il vit avec joie l'attribution de la Légion d'Honneur aux derniers survivants de la Grande guerre, l'amélioration des retraites, la « décristallisation » des pensions pour les vétérans des anciennes colonies, pour ne citer que quelques unes de ses interventions. Jusqu'à son dernier souffle, il oeuvra pour que notre pays accorde une juste indemnisation aux incorporés de force, les « malgré nous ». En septembre 2006, en dépit d'un état de santé déclinant, il se rendit en Algérie pour visiter les nécropoles militaires françaises et faire un rapport remarqué et émouvant sur l'état d'abandon de nombre d'entre elles. Avec Jacques Baudot, le monde combattant a perdu un avocat compétent, fidèle et zélé.

Mais Jacques Baudot n'était pas l'homme à s'en tenir à un seul pôle d'intérêt. Tout au long de son mandat sénatorial, il déposera nombre de propositions de loi qui témoignent par elles-mêmes de l'étendue de ses préoccupations. Qu'il s'agisse du mode d'élection des sénateurs, des transports -dont le TGV Est, pour lequel il s'est fortement impliqué- des questions concernant les collectivités locales bien sûr, mais aussi le droit des personnes -notamment l'institution du mariage, à laquelle il vouait un très fort attachement-, ou encore la défense des enfants, lui qui avait relancé, avec le Président Valéry Giscard d'Estaing, l'association Allo Enfance Maltraitée, aux destinées de laquelle il présida de 1994 à 1998.

Homme du centre, Jacques Baudot appartint au MRP puis au Centre démocrate et à l'UDF. Il avait rejoint l'UMP lors de sa création. Mais, en 2005, lors de la campagne sur le traité constitutionnel, à l'adoption duquel il s'était farouchement opposé, il rejoignait le mouvement « Debout la République » dont il devint l'un des animateurs aux côtés de Nicolas Dupont-Aignan. Cet homme aux fortes convictions européennes assumait avec force ce qui pouvait passer, aux yeux de certains, pour paradoxal. L'estime de ses pairs n'en fut pas affectée pour autant, ni celle de ses compatriotes.

La foule émue et recueillie rassemblée dans l'église Saint-Joseph de Nancy -au coeur de ce beau quartier qu'il chérissait tant- a montré la force et l'intensité des liens qui l'unissaient au peuple de Lorraine. L'homme qui avait été à l'origine de tant de fêtes, de tant de manifestations joyeuses, en sa qualité de président du comité des fêtes de la ville et du comité des foires et salons internationaux de Nancy, rassemblait pour la première fois autour de lui un cortège attristé : ses concitoyens honoraient la mémoire d'un homme généreux, soucieux du bien commun, attentif aux détresses humaines, mais qui savait aussi être un meneur d'hommes et, sur bien des questions, un visionnaire.

J'eus l'honneur d'exprimer devant sa dépouille mortelle l'émotion du Sénat et de son Président, mais aussi de l'ami et du voisin. En effet, il aimait venir dans les Vosges pratiquer la pêche et ou se promener en forêt. Peut-être y trouvait-il des lieux propices à la réflexion, dans un cadre pastoral préservé. Sans doute y puisait-il des instants de détente et aussi de plénitude. Car cet homme de la ville, qui était aussi un amoureux de la nature et des animaux, aimait à se ressourcer au bord d'un ruisseau ou le long d'un sentier. Ainsi fut Jacques Baudot.

A ses collègues du groupe de l'UMP, j'exprime ma très vive sympathie. Aux membres de la commission des finances, qui perdent en lui un rapporteur spécial distingué, j'adresse mes plus sincères condoléances. A sa famille, à son épouse, à son fils et à ses deux filles, à ses proches frappés par la douleur d'une séparation prématurée, j'exprime la compassion du Sénat tout entier. Qu'ils soient assurés que le Palais du Luxembourg gardera longtemps la mémoire de Jacques Baudot.

Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. - Le gouvernement tient à s'associer à l'hommage que le Sénat rend aujourd'hui à Jacques Baudot, sénateur de Meurthe-et-Moselle. En le frappant, la mort a emporté un homme dont la carrière particulièrement riche dit mieux qu'aucun discours l'esprit de service qui l'animait.

Dentiste de profession, Jacques Baudot s'est très vite engagé en politique, devenant à 34 ans conseiller municipal de Nancy. Doté d'une considérable énergie, il continuera à exercer sa profession en parallèle de ses activités politiques, alors même qu'il devient conseiller général de Nancy-Sud, vice-président du conseil régional puis, à partir de 1988, président du conseil général de Meurthe-et-Moselle.

Ce n'est qu'en 1992, quand il est élu sénateur de Meurthe-et-Moselle, que Jacques Baudot se consacre à plein temps à ses mandats, sans d'ailleurs qu'à aucun moment la poursuite de son activité professionnelle ait pu donner l'impression qu'il négligeait ses devoirs d'élu.

Dés le début de sa carrière en politique, Jacques Baudot fera preuve d'un engagement inlassable au service de ses concitoyens. Il ne se ménageait pas quand il s'agissait de se battre pour sa chère ville de Nancy et le département de Meurthe-et-Moselle qu'il connaissait mieux que personne. En plus de trente années de vie publique, il avait acquis une connaissance intime de cette terre qui venait s'ajouter à la profonde affection qu'en tant qu'enfant du pays, il lui portait naturellement. De nombreux témoignages prouvent que cette affection d'un élu pour ses concitoyens était réciproque.

Ceux qui, comme moi, ont connu le sénateur Baudot se souviennent d'un homme toujours élégant et plein d'humour, au regard franc et chaleureux. Chacun savait en l'entendant qu'il parlait avec son coeur, préférant toujours la vérité de sa pensée aux calculs.

Tout élu a l'ambition et la vocation d'améliorer le monde dans lequel il vit. Plus qu'aucun autre, le sénateur Baudot aura été un humaniste engagé dans cette lutte au service des autres. C'est dans cet esprit qu'il a relancé et développé l'association Allô Enfance Maltraitée dont il assura la direction entre 1994 et 1998, qu'il a lutté pour la protection du monde rural ou encore qu'il a plaidé pour que l'on remédie à l'état de déréliction des cimetières français d'Algérie.

Conservant toujours une attention toute particulière pour sa région, Jacques Baudot ne manquera jamais une occasion de soutenir la Lorraine et d'en développer les activités. Elu local conscient que le dynamisme économique d'un territoire est la clé de bien des problèmes, il s'employa avec talent à promouvoir la Foire de Nancy, et la transforma en une manifestation commerciale de tout premier plan.

Jacques Baudot était aussi un homme de conviction qui n'hésitait pas à s'opposer lorsque ses valeurs paraissaient menacées. Sans dogmatisme, mais avec fermeté, il savait alors entrer dans un dialogue franc et débattre avec ses adversaires : divers réunions de groupe me reviennent en mémoire. Avec sa disparition, le Sénat perd une de ses plus remarquables figures et l'État un de ses plus dignes serviteurs.

À sa famille, son épouse, à ses enfants, à ses collègues de la commission des finances, à ses collègues du groupe UMP et à tous ses amis du Sénat, j'exprime, au nom du gouvernement, nos condoléances très sincères.

En signe de deuil, la séance est suspendue à 16 h 55.

présidence de M. Christian Poncelet

La séance reprend à 17h 15.

Commission d'enquête sur EADS (Demande de discussion immédiate)

M. le président. - En application de l'article 30 du Règlement, M. Jean-Pierre Bel et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat demandent la discussion immédiate de la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Bel et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle de l'État vis-à-vis du groupe EADS en 2006. Conformément au souhait de Mme Borvo Cohen-Seat, je note que le groupe CRC a déposé une proposition de résolution allant dans le même sens.

La demande de M. Jean-Pierre Bel et de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat est signée par au moins trente sénateurs.

Conformément au quatrième alinéa de l'article 30 du Règlement, il va être procédé à l'appel nominal des signataires.

Il est procédé à l'appel nominal.

La présence d'au moins trente signataires ayant été constatée, il va être procédé à l'affichage de la demande de discussion immédiate sur laquelle le Sénat sera appelé à statuer conformément à l'article 30 du Règlement au cours de la présente séance, après l'expiration du délai minimum d'une heure et après la fin de l'examen du dernier texte inscrit par priorité à l'ordre du jour.

La demande va être communiquée sur le champ au gouvernement.

Dépôt d'un rapport

M. le président. - J'ai reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 41 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, le rapport sur le bilan de cette loi et des mesures en faveur du littoral.

Acte est donné du dépôt de ce rapport qui sera transmis à la commission des affaires économiques.

Organismes extraparlementaires (Candidatures)

M. le président. - Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes exatraparlementaires.

La commission des affaires économiques a fait connaître qu'elle propose la candidature de MM. François Gerbaud et Daniel Reiner pour siéger comme membre titulaire et membre suppléant au sein du Conseil supérieur de l'aviation marchande ; de M. Jacques Blanc pour siéger au sein du Conseil d'administration de l'Établissement public des parcs nationaux de France ; de MM. Bruno Retailleau et Pierre Hérisson, pour siéger au sein de la commission du dividende numérique.

Par ailleurs, la commission des affaires culturelles a fait connaître qu'elle propose la candidature de MM. Louis de Broissia et David Assouline pour siéger au sein de la commission du dividende numérique.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Brevets européens

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance des brevets européens.

Discussion générale

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. - L'accord de Londres suscite des débats passionnés depuis plusieurs années. Malgré les rapports de MM. Vianès et Grignon en 2001 et celui de votre délégation à l'Union européenne, nous avions jusqu'alors repoussé sa ratification, ce qui avait empêché une mise en oeuvre complète de la stratégie de Lisbonne, stratégie que la France aura à coeur de relancer lorsqu'elle accédera à la présidence de l'Union le 1er juillet 2008.

Contrairement à ce que l'on craint souvent, cet accord de Londres, qui porte mal son nom puisqu'il a été négocié à Paris en 1999, (M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement s'exclame) représente une chance pour la langue française et la meilleure parade au « tout anglais ». En effet, le régime linguistique des dépôts de brevets en Europe est simplifié au bénéfice de l'allemand, de l'anglais et du français. Il sécurise la possibilité pour toute entreprise de déposer ses brevets dans ces trois langues. Les entreprises françaises pourront donc continuer de déposer leurs brevets en français à l'INPI, comme elles le font aujourd'hui à 90 %. La partie juridique du brevet -c'est-à-dire les revendications qui définissent la portée de la protection de l'invention devant le juge et à l'égard des tiers- sera toujours traduite en français, contrairement à la partie technique du brevet, dénommée description, de telle sorte qu'un brevet déposé en français sera valable sur les territoires de langue anglaise et allemande. Autrement dit, l'accord fait du français une des trois langues de l'innovation en Europe. En outre, d'après les estimations de M. Grignon, 300 millions pourront être économisés au bénéfice des entreprises françaises.

II n'y a aucun risque que les brevets européens soient seulement libellés en anglais, j'y insiste. Le choix entre les trois langues est possible pour les seules parties techniques du brevet, c'est-à-dire les schémas et légendes.

Ces parties techniques sont peu rédigées et n'ont pas de réelle portée juridique. Ce sont les revendications, toujours disponibles en français, qui feront apparaître de nouveaux termes. Le français sera présent dans toutes les banques de données recensant les nouveaux procédés et les nouvelles découvertes. En cas de litige, le protocole de Londres impose une traduction intégrale du brevet, aux frais du titulaire du brevet. En septembre 2006, le Conseil constitutionnel a conclu que l'accord de Londres est compatible avec l'article 2 de la Constitution, qui dispose que la langue de la République est le français.

Il faut stimuler l'innovation et l'emploi en France. Aujourd'hui, seule une PME sur quatre dépose des brevets en France ; le brevet européen coûte quatre à cinq fois plus cher qu'aux Etats-Unis, trois fois plus cher qu'au Japon. Et ce alors que le dépôt d'un brevet se traduit par le doublement de l'emploi dans les cinq ans.

C'est pourquoi l'Académie des sciences et des technologies, les associations d'inventeurs, la Confédération générale des PME et le Mouvement européen des entreprises françaises demandent la ratification de cet accord. Ceux qui s'y opposent ne déposent pas de brevet, ne pratiquent pas la propriété intellectuelle, et ne font pas de différence entre revendications et descriptions.

Refuser de ratifier le protocole de Londres serait maintenir un verrou illusoire puisque les descriptions en français ne sont que très peu consultées. Il n'y aurait pas davantage de risque de contrefaçon puisque celle-ci ne peut être démontrée que sur la base des revendications, toujours disponibles en français. En revanche, un refus qui bloquerait l'entrée en vigueur d'un accord que nous avons négocié à notre avantage conduirait de fait les treize pays qui ont engagé ou terminé la procédure de ratification à négocier entre eux un régime tout anglais.

Le nombre de brevets déposés en allemand auprès de l'Office européen des brevets est trois à quatre fois supérieur à celui des brevets déposés en français, et pourtant l'Allemagne a ratifié le protocole de Londres sans hésitation. La ratification du protocole de Londres serait un puissant levier pour stimuler l'innovation. Certes, il n'est pas encore ratifié par tous les États-membres, mais ayons confiance en notre capacité d'entraînement sur nos partenaire !

Les enjeux européens de cette ratification sont importants.

M. Hubert Haenel, rapporteur de la commission des affaires étrangères. - Tout à fait.

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. - Nous avons essayé depuis 2000, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, de définir une politique coordonnée des brevets au niveau européen. Les discussions sont gelées depuis 2004. L'annonce de la ratification du protocole de Londres par la France coïncide avec la relance des discussions sous présidence portugaise. Nous aurons bientôt une juridiction communautaire alliant efficacité et proximité. Aujourd'hui un même brevet peut être maintenu en vigueur dans un pays et invalidé dans un autre : un brevet communautaire ayant les mêmes effets juridiques dans tous les pays membres mettra fin à cette insécurité juridique. On peut espérer que le nouveau Traité, qui devrait être signé d'ici la fin de l'année, encouragera les uns et les autres à « communautariser » l'accord de Londres et à l'intégrer dans le brevet communautaire.

M. Hubert Haenel, rapporteur. - Tout à fait.

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Nous avons le choix entre préserver de faux semblants ou conduire une politique offensive en faveur de nos PME. Notre véritable objectif est de faciliter le dépôt des brevets par les entreprises, non de faciliter les traductions. Nous souhaitons que nos entreprises innovent et que leurs inventions soient connues à l'étranger, que la France devienne une terre de dépôt de brevets. La France peut être à l'avant-garde de l'innovation. En ratifiant le protocole de Londres, nous adressons un message fort à nos partenaires européens. Une langue est vivante lorsque le pays qui la pratique fait preuve de son dynamisme : c'est en ayant des entreprises fortes sur le plan international que l'on défendra le mieux le français.

Nous vous appelons à approuver ce projet de loi de ratification, important non seulement pour notre influence économique, mais également pour notre rayonnement scientifique et culturel. (Applaudissements au centre et sur la plupart des bancs à droite)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. - Au terme de sept années de débats, l'heure est venue pour le gouvernement de soumettre à votre approbation le projet de loi de ratification de l'accord de Londres. Je veux tout d'abord saluer le travail du président Haenel, rapporteur de la commission des affaires étrangères, ainsi que des rapporteurs des deux commissions saisies pour avis. L'accord de Londres conforte le statut des trois langues officielles de l'Office européen des brevets, dont le français, et garantit que les entreprises pourront déposer leurs brevets dans ces mêmes trois langues. Surtout, il permet aux déposants de ne pas traduire la partie technique du brevet dans toutes les langues des trente-deux États parties à la Convention sur le brevet européen.

La ratification de cet accord favorisera l'innovation, cette différence qui assure la compétitivité de notre économie, qui nous permet de conquérir de nouveaux marchés à travers la création de nouveaux produits, de nouveaux services. Le progrès technologique est devenu le moteur de la croissance, des gains de productivité et de l'élévation des niveaux de vie à long terme. Un pays qui n'innove pas verra, dans les années à venir, sa croissance diminuer. La propriété intellectuelle constitue désormais le fondement économique et juridique de l'innovation. Levier du développement des entreprises et de la création des emplois, elle protège et valorise les avantages compétitifs des entreprises innovantes.

Le projet de loi de lutte contre la contrefaçon, qui vise à assurer une meilleure sécurité juridique aux entreprises, vient d'être adopté au Sénat et à l'Assemblée nationale dans un large consensus. Les débats ont bien montré que lutter contre la contrefaçon n'est rien d'autre que favoriser l'effort de recherche et d'innovation de notre pays.

Le protocole de Londres accroîtra la compétitivité de nos entreprises en favorisant, à moindre coût, l'accès au brevet européen.

La Chine, cinquième pays en matière de recherche et développement, n'innove pas parce que la défense des droits de propriété intellectuelle y est mal assurée. En présentant ce projet, j'ai donc le sentiment de contribuer à faire de la lutte pour l'innovation un combat gagnant pour notre pays.

La loi contre la contrefaçon développe un environnement juridique favorable à la recherche. Je vous engage à ratifier le protocole de Londres pour les mêmes raisons. Le coût des brevets fait obstacle à leur dépôt et constitue un frein à la création d'emploi. Les entreprises réaliseront sur la traduction une économie de 25 à 30 %, ce qui facilitera la commercialisation de leurs produits sur le marché européen : il ne faut donc pas craindre un effet d'aubaine théorique pour les multinationales mais favoriser un accroissement de la capacité de nos PME grâce à une stratégie commerciale offensive.

L'accord de Londres permet aux entreprises d'exercer pleinement leur activité de veille. Les traductions intégrales ne sont aujourd'hui disponibles qu'après cinq à sept ans ; les abrégés de brevet le seront en français vingt-et-un mois après leur dépôt à l'INPI. Nos PME ne seront pas désavantagées par rapport à leurs concurrents.

Les pratiques de dépôt sont maintenues : 90 % des brevets sont aujourd'hui déposés à l'INPI, la moitié faisant l'objet d'une protection européenne.

Cette ratification, enfin, est cohérente avec les mesures déjà engagées contre la contrefaçon et en matière fiscale en faveur des PME afin de ne pas maintenir des charges dissuasives sur les brevets.

Oui, je vous engage à ratifier cette convention, qui, en favorisant l'innovation, nous donnera un point de croissance supplémentaire. (Applaudissements au centre et sur la plupart des bancs à droite)

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Je veux vous parler avec franchise de ce protocole qui fait du français l'une des trois langues de l'innovation. Ne laissons pas passer cette chance qui sera sans doute la dernière -déjà, lors de la négociation, des voix se sont élevées en faveur du tout--anglais et ne serions-nous pas, demain, acculés à de douloureuses concessions ?

Ce protocole, même s'il est fort mal nommé, offre une occasion unique de franchir un nouveau pas, telle est la conviction que je partage avec les présidents et les rapporteurs de vos commissions. Je me réjouis que le Sénat puisse s'appuyer sur leurs analyses car tous ceux qui ont eu à en connaître les partagent. Lorsque la commission des finances de l'Assemblée nationale a adopté l'amendement Fourgous, le Gouvernement a souhaité offrir à chacun le temps de la réflexion. L'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, le Conseil constitutionnel se sont depuis prononcés en faveur de la ratification.

L'accord sera bénéfique pour la langue française et pour le rayonnement de notre pays. Des inquiétudes se sont fait jour mais concrètement, avec le protocole, les revendications de brevets devront être rédigées en allemand, en anglais ou en français, ce qui offre une garantie essentielle pour les déposants francophones puisque les revendications définissent la portée du brevet et que des revendications mal rédigées, ce sont des inventions mal protégées. La partie fondamentale du brevet sera donc rédigée en français. Le protocole, en effet, n'autorise pas les déposants à choisir une des trois langues, il oblige à rédiger les revendications dans chacune d'elles. Il ne s'agit donc nullement d'un paravent pudique au tout-anglais. Le choix sera possible pour les schémas et les légendes mais ils sont peu rédigés et sans réelle portée juridique.

Le protocole ne menace pas le français, il en fait l'une des trois langues officielles de l'innovation en Europe. C'est ce qu'a reconnu le Conseil constitutionnel.

A ceux qui ne sont pas encore convaincus, je veux dire que le protocole est favorable à la recherche française qui profitera de la stimulation de l'innovation. Le temps n'est plus où il suffisait de suivre les pays innovants. Nous rivalisons désormais avec la Chine, l'Inde et tous les pays émergents qui ont compris que de l'intelligence naît la prospérité. La France, pays des Lumières, n'a rien à craindre de la compétition du talent et de l'audace. Pour peu qu'elle s'engage, elle tiendra son rang. Mais nos découvreurs en ont-ils les moyens lorsqu'il leur faut traduire un brevet en 23 langues ? Certains trouveront ces considérations déplacées mais une PME innovante ne peut se développer sans le brevet qu'elle a déposé et sur lequel elle peut emprunter -les États-Unis l'ont bien compris, qui modifient leur système de brevets. Raison de plus pour ratifier le protocole et pour former nos doctorants au dépôt de brevet. Je souhaite que plus de mastères de droit de la propriété intellectuelle préparent nos cabinets d'avocats à la concurrence allemande et américaine.

Vingt-six mille euros, c'est une somme énorme pour une jeune entreprise. Il n'y pas de risque que des entreprises de taille mondiale inondent l'Europe de brevets -elles auraient déjà pu le faire. Le seul risque est celui qu'une absence de ratification ferait courir à nos entreprises.

Car grâce à ce protocole, nous allons aider nos inventeurs à faire valoir à moindre frais le fruit de leur intelligence. Aujourd'hui, seule une PME européenne sur quatre dépose un brevet au cours de sa vie, alors que c'est le cas d'une PME américaine sur deux. Voilà le secret de la croissance américaine et du rayonnement technologique des États-Unis. Il n'a rien de mystérieux, il n'est pas hors de notre portée, il nous suffit de le vouloir pour le partager.

C'est l'objet même de la stratégie de Lisbonne, au coeur de laquelle prennent place les discussions sur le brevet communautaire. Mais elles ne progresseront pas si la France ne ratifie pas le protocole de Londres. Car le brevet communautaire sera délivré par l'Office européen des brevets et ne sera pas autre chose qu'un brevet européen qui concernera l'ensemble du territoire de l'Union : il garantira ainsi une protection uniforme des fruits de la recherche et de l'innovation dans tous les pays de l'Union. Le brevet communautaire ne se substituera donc pas au brevet européen : ce sont deux systèmes enchâssés, ou greffés l'un sur l'autre. Si nous voulons avancer sur le brevet communautaire, nous devrons améliorer le fonctionnement du brevet européen, notamment en le rendant plus accessible. C'est l'objet même du protocole de Londres.

C'est pourquoi je vous demande d'autoriser le Gouvernement à le ratifier, parce que les Français ne comprendraient pas que la Haute assemblée hésite un instant à faire ce pas essentiel vers la société de la connaissance et de l'innovation. Et nos grands organismes de recherche ne le comprendraient pas non plus car, ce pas, c'est le CNRS, c'est l'INSERM, c'est le CEA, c'est l'IFP qui nous invitent à le faire.

Ce sera un pas décisif, mais ce ne sera pas le seul. Le Gouvernement s'est engagé, avec votre soutien, dans la construction de cette nouvelle société, fondée sur le savoir et l'intelligence. II l'a fait en refondant le crédit impôt recherche, qui soutiendra désormais l'effort des entreprises innovantes dont nous bénéficions tous. II l'a fait en refondant les universités autour de ces deux valeurs cardinales que sont la liberté et la responsabilité, afin de donner à notre enseignement supérieur les moyens de rayonner sans réserve. Et c'est dans cette nouvelle université que pourront se développer demain les jeunes entreprises universitaires qui recevront des pouvoirs publics le même soutien que celui qu'ils apportent aux jeunes entreprises innovantes. Ce sont toutes ces nouvelles entreprises qui feront la croissance future de notre économie. C'est à elles que s'adresse le protocole de Londres, et à toutes les sociétés innovantes qui feront le choix demain de s'installer en France où elles trouveront des universités fortes, une recherche dynamique et des talents prêts à les rejoindre. Elles y trouveront des pouvoirs publics mobilisés pour les aider à grandir. Voilà l'enjeu : renforcer l'attraction qu'exerce l'Europe sur les inventeurs de demain en ratifiant le protocole de Londres, c'est se donner toutes les chances de les voir s'établir en France, dans un pays où ils bénéficieront d'un environnement intellectuel et scientifique exceptionnel ainsi que de l'aide dont ils ont besoin.

La France a aujourd'hui tous les atouts pour s'imposer dans la compétition mondiale de l'intelligence. Alors ne refusons pas de livrer cette bataille, ne décidons pas de tout perdre alors que nous pourrions tout gagner. Car en nous retirant sans livrer bataille, nous ferions le sacrifice de ce que nous avons de plus précieux : notre langue. C'est en effet le rayonnement d'une culture qui fait le rayonnement de sa langue, et non l'inverse. Nous venons d'en avoir un très bel exemple, puisque la télévision chinoise vient de créer une chaîne d'information continue intégralement diffusée en français. La Chine ne l'a pas fait par amour de la langue française, elle l'a fait parce qu'elle reconnaissait la vitalité de la culture française et de toutes les cultures francophones, et elle l'a fait au nom d'une conviction simple : pour faire rayonner la culture chinoise, il est bon, aussi, de lui permettre de se faire entendre en langue française.

II ne suffit donc pas d'aimer et de défendre le français pour le faire vivre, il faut aussi l'illustrer : chercher, créer, inventer et diffuser nos découvertes à travers le monde. Car c'est le prestige international de la recherche française qui attirera demain dans notre pays les jeunes scientifiques étrangers qui y apprendront tout naturellement le français.

Permettez-moi, à cette occasion et à titre d'illustration, de féliciter encore Albert Fert, professeur à l'université Paris XI, à qui le prix Nobel de physique a été décerné ce matin. ((Applaudissements). Voilà comment notre recherche se fait connaître à l'étranger ! Et c'est ainsi, qu'en retour, les scientifiques étrangers noueront avec la France et avec sa langue des liens qui les rendront plus fortes encore. C'est ainsi que la culture française rayonnera, à travers le talent de ces étrangers, qui la choisiront comme l'a choisie hier une toute jeune Polonaise nommée Marie Curie ou ce jeune Irlandais appelé Samuel Beckett, et comme la choisissent aujourd'hui des écrivains aussi prometteurs que Jonathan Little ou Nancy Huston.

Voilà pourquoi nous avons le devoir de donner à l'intelligence française les moyens de s'illustrer encore. Voilà pourquoi nous devons ratifier le protocole de Londres : pour ne pas laisser s'éteindre la voix de la France. Tout simplement. (Applaudissements sur la plupart des bancs à droite d'où montent des « Bravo ! »).

présidence de Mme Michèle André,vice-présidente

M. Hubert Haenel, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Depuis sept ans, le Protocole de Londres suscite des débats t passionnés dans notre pays parce qu'il touche à des sujets sensibles, comme la compétitivité de nos entreprises et de nos centres de recherche ou l'usage du français comme langue scientifique et technique.

Le Sénat a eu l'occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur ces enjeux. Dès juin 2001, notre collègue Francis Grignon, dans un rapport sur la « stratégie du brevet d'invention », présenté au nom de notre commission des affaires économiques, s'était prononcé pour la ratification, tout en considérant qu'elle devrait s'accompagner de mesures complémentaires relatives à la veille technologique, à la sécurité juridique et à la situation des traducteurs. Il faut aussi mentionner les travaux de notre collègue Richard Yung, qui connaît très bien ce dossier.

Le Premier ministre m'avait confié, le 3 avril 2006, une mission de réflexion sur l'avenir du brevet en Europe et j'avais constitué, au sein de notre Délégation pour l'Union européenne, un groupe de travail composé de huit sénateurs issus de l'ensemble des groupes politiques. Dans ce cadre, nous avons procédé à vingt-six auditions, nous nous sommes rendus à Bruxelles pour rencontrer les autorités communautaires et les représentants de nos principaux partenaires. J'ai écouté sans a priori les arguments des uns et des autres, dans un esprit de respect des positions de chacun. La principale conclusion de nos travaux était qu'il était indispensable que la France clarifie sa position à l'égard du Protocole de Londres -improprement appelé ainsi puisqu'il a été négocié à Paris de bout en bout.... En n'affichant pas clairement sa position et en cultivant l'ambiguïté depuis sept ans, la France apparait en effet, aux yeux de nos partenaires, comme le principal responsable du blocage de toute évolution du système des brevets en Europe puisque l'entrée en vigueur de ce protocole, signé par treize États et ratifié par neuf d'entre eux -dont l'Allemagne et le Royaum-Uni- est actuellement suspendue à sa ratification par notre pays. C'est pourquoi, qu'on soit favorable ou non à ce protocole, il faut se féliciter du débat d'aujourd'hui, le Parlement étant le lieu privilégié du débat et de la décision politiques.

Face aux nombreux lobbies qui nous submergent depuis quelques semaines, je rappellerai simplement que l'unique objet de cet accord est d'alléger les exigences en matière de traduction afin de réduire le coût du brevet européen. Pour ce faire, il prévoit que, dorénavant, la « description » -c'est-à-dire la partie technique du brevet- ne fera plus l'objet de traduction dans les langues officielles des pays désignés. En revanche, les revendications -c'est-à-dire la partie essentielle et juridiquement opposable du brevet- fera toujours l'objet d'une traduction dans les trois langues officielles de l'Organisation européenne.

Le premier enjeu est d'ordre juridique. Certains avaient estimé que ce protocole était contraire à l'article 2 de la Constitution, selon lequel « la langue de la République est le français ». Mais la décision du Conseil constitutionnel du 28 septembre 2006, qui a conclu à l'absence d'obstacle constitutionnel, a levé toute ambiguïté sur ce point.

L'autre impératif de réforme du système de brevet est le renforcement de sa sécurité juridique qui, selon certains, était fragilisée par ce protocole. A cela on peut faire deux objections. D'une part, sur le territoire national, les revendications seront disponibles en français : or elles constituent la partie essentielle et juridiquement opposable du brevet. D'autre part, en cas de litige devant le juge, le titulaire du brevet devra obligatoirement fournir une traduction française de l'intégralité du brevet.

Au-delà, le principal reproche adressé à ce protocole tient au fait qu'il constituerait une menace pour la place de notre langue Il est vrai que près de 70 % des demandes de brevets européens sont déposées en anglais, contre 25 % en allemand et 5 % en français. Mais, en réalité, le protocole conforte la place privilégiée de notre langue qui restera l'une des trois langues officielles de l'Office européen des brevets. De plus, avec ce protocole, les brevets européens délivrés en français pourront prendre effet au Royaume-Uni et en Allemagne, qui constituent les principaux marchés européens, sans traduction des descriptions, ce qui n'est pas possible actuellement.

La ratification incitera-t-elle les entreprises françaises à déposer directement leurs demandes de brevets en anglais ? Je ne le pense pas parce que les déposants français privilégient à 90 % la voie nationale pour le dépôt des brevets avant extension au niveau européen, notamment parce qu'elle est beaucoup moins coûteuse. Or, ces demandes se font obligatoirement en français.

En revanche, en l'absence de ratification par la France, il existe un réel risque de passage au « tout anglais » en matière de brevets dans la mesure où, lors de la Conférence de Paris, des États comme la Suisse et la Suède proposaient l'abandon de toute exigence de traduction dès lors que le brevet serait disponible en anglais.

Le risque n'est pas que le français perde sa place de langue officielle à l'Office européen des brevets : cela exigerait une révision de la convention de Munich et la France devrait en être d'accord. Le risque est plutôt que soit conclu, en lieu et place de l'accord de Londres, un nouvel accord facultatif dans lequel les États parties renonceraient à toute traduction dès lors que la demande serait déposée en anglais. Voilà qui serait lourd de conséquences, y compris et surtout pour le brevet communautaire.

Sur le plan économique, on escompte du protocole de Londres une diminution du coût du brevet européen, trois fois supérieur au coût du brevet américain ou japonais. La diminution sera réelle, mais de quelle ampleur ? Les estimations varient entre 15 et 45 %. L'impact dépendra en réalité de toute une série de paramètres, taille du fascicule de brevet présenté, nombre d'États qui ratifieront l'accord de Londres, etc. Nombre d'industriels estiment en tout cas que l'accord infléchira la politique de dépôt de brevets de nos entreprises.

Enfin, la capacité de veille technologique ne devrait pas être affectée : elle intervient au stade de la publication de la demande et non à la délivrance du brevet, plusieurs années après. Le taux de consultation des traductions en français des brevets européens délivrés est d'ailleurs inférieur à 2 %.

Pour la commission des affaires étrangères, l'analyse en termes de risques et d'opportunités plaide en faveur de la ratification. Comme l'a bien dit Mme Tasca, il faut « prendre un pari positif ». (L'intéressée le confirme) Pour autant, à nos yeux, le Gouvernement doit prendre des mesures d'accompagnement telles que celles proposées par les rapporteurs Francis Grignon et Jean-Léonce Dupont. La commission des affaires étrangères viendra en appui des deux autres.

M. Jean-Pierre Raffarin. - Cela nous rassure !

M. Jacques Valade. - C'est une garantie !

M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. - Surtout, et c'est le point essentiel, la ratification du protocole relancera le dossier du brevet communautaire, complémentaire et non concurrent du brevet européen. Les deux répondent à des besoins différents. Le communautaire aurait l'intérêt d'être un titre unitaire et autonome -le brevet européen est quant à lui un faisceau de titres nationaux. Après plusieurs tentatives infructueuses dans le passé, la Commission européenne a relancé ce projet en présentant, parallèlement à la stratégie de Lisbonne, une proposition de règlement en août 2000. Ce texte a donné lieu en mars 2003 à un accord politique portant sur le régime linguistique, le système juridictionnel, le rôle des offices nationaux et la répartition des taxes. Toutefois, depuis 2004, les négociations sont bloquées. Le premier obstacle, qui porte sur l'architecture du futur système juridictionnel des brevets, est en voie d'être levé. Le second, qui tient au régime linguistique du brevet communautaire, pourrait disparaître si la France ratifiait le protocole de Londres. Le régime linguistique qui figure dans cet accord pourrait alors être appliqué au brevet communautaire. La place privilégiée du français serait confortée, aux côtés de l'anglais et de l'allemand. Bref, la ratification relancerait la négociation sur le brevet communautaire : songeons-y aussi, dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre 2008. Le brevet communautaire reste en effet un objectif essentiel pour la recherche, la compétitivité et la croissance en Europe.

Votre commission des affaires étrangères vous recommande d'adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur la plupart des bancs à droite, au centre et sur les bancs socialistes)

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur de la commission des affaires culturelles. - La tâche des rapporteurs s'est avérée délicate, à cause des passions que déclenche ce texte et de la diversité -voire du caractère contradictoire- des chiffres avancés par les uns et les autres. Je me suis efforcé à une analyse équilibrée de l'impact du protocole sur l'usage de la langue française et sur la recherche publique.

Détaillons les situations qui coexisteront à l'issue de la ratification -en tenant compte aussi des États parties à la convention de Munich mais non au protocole. Il y aura donc non pas deux mais trois cas de figure.

D'abord, des États parties au protocole de Londres ayant pour langue officielle l'une des trois langues officielles de l'OEB : la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Autriche, la Suisse, la Belgique, le Luxembourg, le Lichtenstein et Monaco. Ils renoncent aux exigences de l'article 65, paragraphe 1, de la convention de Munich, qui les autorise à conditionner la validité d'un brevet européen sur leur territoire à l'existence d'une traduction intégrale dans leur langue officielle. Toutefois, les revendications devront toujours être disponibles dans les trois langues officielles.

Ensuite, des États parties au protocole de Londres n'ayant pas pour langue officielle l'une des trois reconnues par l'OEB. Ils renoncent également aux exigences de l'article 65 et devront désigner l'une des trois langues officielles comme langue de brevet valable sur leur territoire. Ils conservent le droit d'exiger une traduction des revendications si le brevet européen n'a pas été délivré ou traduit dans la langue officielle de l'OEB qu'ils ont prescrite.

Il y a enfin le cas des États parties à la convention de Munich mais non à l'accord de Londres : ces pays continuent à bénéficier de l'article 65 et donc d'une traduction intégrale.

J'en viens aux enjeux du protocole en termes de recherche publique et de diversité linguistique. Une partie des professionnels s'inquiète encore des conséquences de la ratification. Pour la première fois en France, des textes rédigés dans une langue autre que celle « de la République » auraient une valeur juridique. Le volume de brevets diffusés en langue anglaise en France augmenterait. Le risque existerait d'une perte de fonctionnalité de la langue française dans un domaine stratégique, l'innovation scientifique et technique. L'accord porterait préjudice aux déposants qui n'ont pas les moyens d'effectuer une veille technologique en anglais. La baisse du coût des brevets sera d'une ampleur incertaine. Les déposants français resteraient contraints d'effectuer une traduction intégrale en anglais et en allemand s'ils souhaitent que leur invention soit protégée dans les États ayant opté pour l'une de ces langues... et une traduction dans les langues des États parties à la convention mais pas au protocole...

A ces critiques, plusieurs réponses. Sur la constitutionnalité, d'abord : le Conseil d'État en septembre 2000 a estimé que la France pouvait signer l'accord sans révision préalable de la Constitution ; et pour le Conseil constitutionnel -en 2006- l'accord ne méconnaît pas la disposition selon laquelle « la langue de la République est le français ».

Ensuite, il faut regarder la réalité linguistique en face : la convention de Munich s'est déjà traduite par une augmentation continue des dépôts en anglais et la veille économique et technologique s'effectue dans cette langue, les traductions intervenant en moyenne cinq ans après un dépôt de brevet. Le protocole confirmera le statut de la langue française, qu'il consacre comme l'une des trois langues officielles de l'OEB. En outre, le brevet européen pourra toujours être intégralement délivré par l'OEB en français et les revendications devront toujours être disponibles dans les trois langues officielles. L'accord ne conduira pas à l'abandon du français comme langue de premier dépôt par les entreprises françaises. Aujourd'hui, 90 % des déposants français utilisent la voie nationale pour leur premier dépôt et environ 60 % de ces demandes nationales font ensuite l'objet d'une extension européenne. L'une des raisons réside dans un coût inférieur, d'autant plus que l'INPI facture à un coût réduit la recherche des antériorités. La proportion d'inventions françaises dont le premier dépôt est effectué auprès de l'INPI est pourtant en constante diminution.

Les activités de veille, qui portent plutôt sur les revendications, ne seront pas remises en cause. L'INPI assure toujours la traduction de tous les résumés des demandes de brevets européens publiés qui désignent la France, plus de 40 000 en 2007.

Le lexique des termes scientifiques, qui compte 150 000 mots, reste dans les trois langues officielles, et c'est essentiel : le statut de langue scientifique s'acquiert avant tout par cette voie. Et ne sont-ce pas avant tout les chercheurs, dans leurs laboratoires, qui mettent un nom sur leurs inventions ? Les secteurs dans lesquels la terminologie scientifique française est la plus riche, comme le nucléaire ou les transports, sont ceux où notre pays a su être à la pointe de la recherche et de l'innovation.

En matière de traductions, le Protocole de Londres devrait permettre aux organismes publics de recherche de réaliser des économies non négligeables. Leur coût est cependant difficile à évaluer, car il dépend de nombreux paramètres -taux de change du dollar, longueur et complexité technique du texte à traduire, nombre de traducteurs assermentés, urgence de la traduction...

L'évaluation des économies susceptibles d'être réalisées dépend du mode de calcul : 20 % si l'on prend en compte le coût intégral du brevet pendant toute sa durée de vie ; 40 % si l'on impute les coûts de traduction à l'investissement initial lié au dépôt du brevet. Or, c'est bien le montant de cet investissement qui peut être rédhibitoire pour un déposant potentiel. C'est pourquoi il semble pertinent de retenir les évaluations du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, situées dans une fourchette de 35 % à 45 %. L'économie potentielle moyenne par brevet déposé serait ainsi de 1 566 euros. L'économie potentielle annuelle réalisée par les organismes de recherche sous tutelle du ministère serait d'au moins 1,1 million et de 0,5 million pour les universités.

Si les avis des membres de la commission des affaires culturelles, qui ont longuement et ardemment débattu de ces sujets, étaient partagés, les avantages du dispositif proposé ont néanmoins fait pencher la balance.

Nous pouvons regretter l'érosion de l'usage de la langue française dans le domaine scientifique. Comme en témoigne le président Valade, lui-même ancien chercheur, l'anglais est de plus en plus systématiquement utilisé dans les colloques internationaux et les publications. Mais le Protocole de Londres ne changera sans doute pas grand-chose à cet état de fait. Battons-nous plutôt sur le terrain de la création et de l'innovation. Le rayonnement de notre langue et de notre culture passe par le développement d'une recherche d'excellence.

Il nous paraît donc temps de procéder à la ratification du Protocole de Londres, et de lever ainsi l'épée de Damoclès qui pesait sur notre pays. Mais votre commission a souhaité, parallèlement, proposer des mesures d'accompagnement pour en maximiser les effets positifs et en atténuer les inconvénients.

Nous souhaitons, madame et monsieur le ministre, un engagement devant la représentation nationale, afin que nos propositions soient suivies d'effet. Pour leur volet européen, la prochaine présidence française de l'Union devrait vous en donner l'opportunité.

Nous plaidons tout d'abord pour un renforcement de la sécurité juridique qu'offrent les traductions, d'autant plus nécessaire que la description du brevet ne sera plus traduite et que la langue de délivrance du brevet faisant foi, les traductions n'engagent pas ceux qui les fournissent. S'il est vrai que l'article L. 614-10 du code de la propriété intellectuelle permet une protection partielle des tiers, reste que la qualité des traductions demeure notoirement insuffisante. L'exemple que je me propose de vous lire sera suffisamment éloquent : « 45 degrés reinforcing fibre nappe fixe au moyen un fixing grille sous forme un double-double-layered continu bande, consisting of paquet fibre étendre parallèle à côté i un l'autre sans intervalle, caractériser par fait que un simple-single-layered préfabriquer ovale bande... »

M. Hubert Haenel, rapporteur. - Your English is perfect !

M. Ivan Renar. - On croirait entendre Maurice Chevalier. (Sourires)

M. Jean-Léonce Dupont. - Derrière une traduction insuffisante et même malicieuse dans une stratégie de défense, un vrai défi reste à relever, celui de la localisation des centres de recherche sur le territoire national. Elle passe par une réelle priorité donnée à la recherche et par la poursuite de la modernisation de notre système de recherche engagé depuis quelques années et dont le plus ardent défenseur est aujourd'hui notre ministre.

Mme Catherine Tasca. - Jugeons sur les résultats.

M. Jean-Léonce Dupont. - Il nous faut aussi faire de la traduction abrégée des brevets dans les meilleurs délais une mission pérenne de l'INPI, inscrite dans ses statuts et, dans un pays qui manque d'une vraie culture du brevet, inciter les écoles d'ingénieurs et les universités à mieux former les jeunes dans les domaines de la veille technologique, des dépôts et de la valorisation des brevets. Nous devons aussi poursuivre le combat pour la diversité linguistique, ainsi que l'a toujours préconisé notre commission, notamment au travers des travaux de notre collègue Jacques Legendre.

Les pouvoirs publics doivent veiller à la pleine application de la loi Toubon. J'insiste sur la nécessité de défendre nos exigences quant à l'information, en français, du consommateur, dont les événements dramatiques récents ont montré l'utilité vitale. Cette exigence va aussi dans le sens de la défense de notre langue. (M. Legendre applaudit.) Je rappelle en outre qu'en 2004, le Sénat a adopté une proposition de loi de M. Marini qui tend à apporter quelques compléments utiles et pratiques à la loi de 1994. Nous demandons qu'elle soit inscrite sans tarder à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

La lutte en faveur du plurilinguisme dans les enceintes internationales et en défense de la place du français dans les institutions européennes doit être inlassablement poursuivie.

Il conviendra, enfin, d'accompagner les professions menacées. Un certain nombre de traducteurs seront nécessairement touchés par l'application du Protocole. Des actions de formation devraient être encouragées et le problème de leur financement étudié par les ministères concernés. La position du principal syndicat de traducteurs a considérablement évolué. Il est aujourd'hui convaincu de la nécessité, pour la profession, de s'adapter. Il est également conscient de l'existence de nouvelles opportunités pour ceux qui sauront développer et faire reconnaître leur spécialisation.

Ratifier l'accord de Londres et mettre en oeuvre, parallèlement, les mesures d'accompagnement qui s'imposent : telle est la position de votre commission. (Applaudissements à droite et au centre. M. Yung applaudit aussi)

M. Francis Grignon, rapporteur pour avis. - Sept ans depuis la conclusion de l'accord de Londres, sept ans durant lesquels cet accord technique aura assurément connu excès d'honneur et indignité. Pourtant, ses enjeux linguistiques ne doivent pas faire oublier que la première finalité du brevet est avant tout, économique. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques a tenu à se saisir pour avis de ce texte.

Le brevet n'est rien d'autre qu'un titre de propriété industrielle qui déplace la « frontière technologique » et qui constitue, à ce titre, un actif essentiel dans notre « économie de l'immatériel », pour reprendre le titre de votre excellent rapport, monsieur le ministre. La Commission européenne, qui a voulu quantifier la valeur des brevets et leur impact sur l'innovation et la croissance, évalue la « prime au brevet » globale, pour les États-membres qu'elle a étudiés, à plus d'un point de PIB au cours de la période 2000-2002.

Innover, dans nos économies, devient le seul moyen de croître. Or, le brevet constitue un double vecteur d'innovation : il y incite en octroyant un monopole d'exploitation temporaire à l'inventeur ; il aide à sa diffusion en exigeant la publication de l'invention. C'est à l'aune de ces deux critères que doit s'apprécier l'efficacité économique de l'aménagement proposé par l'accord de Londres.

Le constat est connu, je l'avais déjà dressé en 2001 au nom de la commission des affaires économiques : la faible propension de nos entreprises à breveter a tendance à se dégrader. En 2003, la France ne détenait que 4 % des brevets « triadiques » c'est-à-dire déposés auprès des trois offices de brevets européen, japonais et américain.

Parmi les freins au dépôt, le coût du brevet apparaît comme l'un des obstacles majeurs pour nos entreprises innovantes. Selon l'INPI, ce motif serait à l'origine de 40 % des renoncements. De fait, le dépôt d'un brevet en Europe est en moyenne deux à trois fois plus coûteux qu'au Japon ou aux États-Unis. Les plus petites de nos entreprises en sont particulièrement pénalisées. Seuls 12 % des brevets déposés en France le sont par des PME.

L'incitation à innover, qui repose sur l'assurance de pouvoir tirer bénéfice de l'innovation, s'en trouve réduite et la compétitivité de nos entreprises affectée. C'est avec cette situation dommageable qu'il faut en finir au plus vite. Tel est l'objet de l'accord de Londres.

Il évitera aux entreprises françaises de devoir traduire leurs brevets dans la langue de chaque pays dans lequel il est opposable, ce qui devenait de plus en plus coûteux avec l'élargissement de l'Union européenne. Aucun État partie ne pourra exiger la traduction des descriptions techniques. Celles-ci ne créent pas de droit mais servent à interpréter les revendications, qui forment la partie dure du brevet et demeureront disponibles dans l'une des trois langues officielles de l'Office européen des brevets. En cas de litige, une traduction intégrale de l'ensemble du brevet pourra être exigée, aux frais de son titulaire, par l'État concerné.

Cet accord permettra d'abaisser de 30 % le coût d'un brevet et apportera à nos entreprises une simplification appréciable. Ces économies devraient atteindre 300 millions à l'échelle de l'Union, autant d'argent à réinvestir pour faire plus de R&D, déposer plus de brevets ou étendre le champ géographique de la protection demandée. Autant de gagné pour la croissance et pour la lutte contre la contrefaçon. Aux rabat-joie, je ferai valoir que la réduction des coûts a un effet multiplicateur plus important pour les entreprises européennes et françaises qui brevettent prioritairement sur leur propre marché que pour les entreprises américaines ou japonaises.

Mais permettez-moi d'insister aussi sur ce que ne change pas le protocole de Londres. La procédure reste la même pour une entreprise française jusqu'à la délivrance du brevet. Elle bénéficie donc toujours du confort de mener la procédure en français, de bout en bout, grâce à la consécration du français comme langue de travail de l'Office européen des brevets. Il reste possible d'innover en français ! C'est essentiel pour la localisation des centres de recherche et c'est un point apprécié de nos entreprises, qui déposent d'abord en France leurs demandes de brevets, dans 90 % des cas. C'est aussi vrai pour nos grands groupes. Renault, premier déposant de demandes de brevets français en langue française, a toujours déposé en France les inventions développées en France et décidé ensuite des extensions à l'étranger, au vu du rapport de recherche que l'INPI sous-traite à l'OEB.

Pourquoi continuer à déposer d'abord en France après l'accord de Londres, alors qu'un dépôt direct en anglais permettrait d'obtenir et un brevet européen et un brevet américain ? Parce que c'est plus rapide et moins coûteux, et donne une année supplémentaire de confidentialité.

L'accord de Londres ne changera pas les conditions de la veille technologique pour nos entreprises. D'ores et déjà, une entreprise innovante ne peut se permettre d'attendre la traduction fournie seulement à la délivrance du brevet, soit 4 à 6 ans après le dépôt de la demande, pour s'informer du contenu du brevet. Si elle veut exercer une veille efficace, elle doit guetter les publications de demande de brevets, qui interviennent un an et demi après leur dépôt, même si cette publication se fait en anglais ou en allemand. Il n'y a d'ailleurs pas plus de 2 % des traductions de brevet européen en français à être consultées auprès de l'INPI ; cela relativise l'utilité des traductions intégrales à la délivrance du brevet, traductions que supprime l'accord de Londres, et cela prouve que la veille technologique s'exerce en amont de la délivrance, dans le tronçon de la vie du brevet que n'affecte nullement le protocole de Londres. C'est justement dans la foulée de sa publication que l'INPI met à disposition un abrégé en français de la demande de brevet.

J'espère vous avoir convaincus du bénéfice économique direct qui résulterait d'une ratification du protocole de Londres. Je voudrais aussi attirer votre attention sur l'effet de levier qu'elle aurait. En facilitant le recours au brevet, cet accord insufflera une nouvelle dynamique en matière de propriété industrielle, ce qui signifie meilleure protection de nos entreprises face à la contrefaçon mais aussi plus grande incitation à l'effort d'innovation. À ce titre, je crois indispensable de renforcer le rôle d'accompagnement de l'INPI auprès des PME pour les amener à effectuer leur premier dépôt de brevet. L'expérience des pré-diagnostics est concluante et doit encore être étendue.

En termes politiques, la ratification de l'accord de Londres aura un effet d'entraînement. De nouvelles adhésions à l'accord pourraient amplifier encore la diminution attendue des coûts de traduction. La ratification française devrait faire avancer le projet de juridiction unifiée pour les brevets européens, qui mettra fin à la duplication coûteuse de procédures parallèles et à l'incertitude juridique qui en découle. À plus long terme, le projet d'un brevet communautaire pourrait se débloquer. Dans cette perspective, le modèle linguistique de l'accord de Londres, qui place le français au même rang que l'allemand et l'anglais, sera une référence précieuse.

La commission des affaires économiques s'est prononcée à l'unanimité en faveur de ce projet de loi de ratification. (Applaudissements au centre et à droite)

Organismes extraparlementaires (Nominations)

Mme la Présidente. - La commission des affaires culturelles et la commission des affaires économiques ont proposé des candidatures pour plusieurs organismes extraparlementaires. La Présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement. En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :

- MM. Gerbaud et Reiner, membre titulaire et membre suppléant du Conseil supérieur de l'aviation marchande ;

- M. Jacques Blanc, membre du Conseil d'administration de l'Établissement public des parcs nationaux de France ;

- MM. Retailleau, Hérisson, de Broissia et Assouline, membres de la commission du dividende numérique.

Brevets européens (Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Christian Gaudin. - Nous sommes appelés à nous prononcer sur la ratification du protocole de Londres, question dont nous débattons depuis plus de sept ans. Je le déclare sans ambages, je suis favorable à cette ratification, pour des raisons diplomatiques, linguistiques, économiques.

C'est la France qui a souhaité engager des négociations afin d'alléger le coût du brevet européen et a organisé la conférence intergouvernementale qui a débouché sur la signature de cet accord en juin 2001. Alors que la position française est encore fragile sur la scène européenne, même si nous sommes de retour grâce au Président Sarkozy, il serait dangereux de mettre en jeu cette crédibilité renaissante. Pour l'Européen que je suis, cette considération seule emporte l'adhésion, d'autant plus que l'application du protocole est aujourd'hui bloquée par la France : si nous refusons aujourd'hui cet accord, il ne sera jamais appliqué, alors que onze pays l'on ratifié.

La ratification du protocole par la France confortera le statut du français en tant que langue officielle dans le système européen des brevets : il restera, avec l'anglais et l'allemand, l'une des trois langues officielles de l'Office européen des brevets. Les brevets européens délivrés en français pourront prendre effet au Royaume-Uni et en Allemagne sans traduction des descriptions. La ratification permettra aux entreprises françaises de faire respecter leurs brevets européens rédigés en français, au Royaume-Uni et en Allemagne, qui constituent des marchés importants, sans avoir besoin d'en traduire les annexes techniques. Il paraît difficile de craindre un appauvrissement significatif du français comme langue technique, dès lors que l'exigence de traduction des revendications demeure. En outre, si nous ne ratifions pas le protocole de Londres, la tentation sera grande, pour les pays qui l'ont déjà ratifié, de s'accorder entre eux sur un régime plus favorable à l'anglais.

Le protocole réduira le coût de dépôt des brevets. Le brevet européen est en effet rédhibitoire pour de nombreux chercheurs, entreprises technologiques et PME, lesquelles représentent moins du quart des dépôts de brevets effectués en France par des entreprises françaises. Le brevet coûte en effet quatre à cinq fois plus cher qu'un brevet américain et trois fois plus cher qu'un brevet japonais, à cause de l'obligation de fournir des traductions dans toutes les langues des pays où la protection est revendiquée.

Les opposants à la ratification estiment que la renonciation à la traduction en français des descriptions des brevets délivrés en anglais ou en allemand restreindrait l'accès de nos entreprises à cette source de connaissances indispensables pour qu'une économie demeure innovante et concurrentielle. Cet argument ne me paraît pas pertinent : la veille technologique intervient le plus en amont possible. Les entreprises innovantes et les organismes de recherche de tous les pays européens doivent donc, dès à présent, maîtriser les trois langues officielles de l'Office européen des brevets, et donc le français, pour assurer une veille technologique performante. En outre, l'Institut national de la propriété industrielle traduit en français un résumé de toutes les demandes de brevets européens qui désignent la France, soit près de 40 000 en 2007. Cet abrégé est fourni par l'INPI dans les trois mois suivant la publication de la demande. Les entreprises, et en particulier les PME, les centres de recherche et les laboratoires français peuvent ainsi assurer une veille technologique performante directement en français.

Le projet de loi de finances double l'enveloppe dont bénéficieront les entreprises innovantes au titre du crédit impôt recherche. Elles pourront ainsi mieux faire face aux coûts de protection de la propriété industrielle.

Je voudrais insister sur la nécessité de développer une culture du brevet en France, à l'image de ce qui se pratique en Allemagne et aux États-Unis, où l'on considère moins les brevets comme des outils de recherche que comme des actifs de l'entreprise. Selon l'INPI, la France représente 18 % des dépenses de recherche et développement en Europe, mais 15 % seulement des dépôts de brevets, contre 42 % pour l'Allemagne. Il est donc indispensable d'enseigner le droit de la propriété intellectuelle en France et d'accompagner la dynamique de la propriété industrielle. La culture du brevet facilite la défense face à la contrefaçon et entraîne dans un mouvement d'innovation et de création. Il faut donc développer l'action de l'INPI auprès des plus petites de nos entreprises.

La recherche doit être une véritable priorité pour faire de notre économie une économie de la connaissance. L'attribution aujourd'hui du premier prix Nobel de physique depuis dix ans à un chercheur français, M. Albert Fert, est une preuve éclatante de la vitalité de la recherche française.

M. Jacques Valade, président de la commission. - C'est vrai !

M. Christian Gaudin. - Enfin, après cette ratification du protocole de Londres, nous devrons reprendre les négociations du brevet communautaire en levant le blocage sur les questions linguistiques et en s'appuyant sur l'Office européen du brevet.

Je souhaite que la France, lors de sa présidence au deuxième semestre 2008, se lance vigoureusement dans cette voie. C'est pourquoi, au nom du groupe de l'UC-UDF, je soutiens, sans plus attendre, la ratification du protocole de Londres. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Bizet. - Nous allons discuter, enfin, oserais-je dire, du projet de loi de ratification du protocole de Londres. II s'agit de modifier le régime linguistique du brevet européen afin d'en simplifier la délivrance et d'inciter nos entreprises à déposer davantage de brevets.

Les enjeux pour notre pays et pour l'Europe sont considérables en matière de développement de la recherche, d'innovation et d'accroissement de la compétitivité. Nous sommes ainsi au coeur de la stratégie de Lisbonne et je me réjouis que la France, grâce à la présidence de l'Union au deuxième semestre 2008, puisse donner une nouvelle impulsion à ce processus pour encourager l'évolution technologique de notre pays.

La ratification de ce protocole confortera aussi le statut international du français, celui-ci devenant la langue de l'innovation. Or, à ce jour et malgré l'importance de ces enjeux, ce texte, signé par la France en juin 2001, n'a toujours pas été ratifié par le Parlement. Cet accord est pourtant dû à la France qui avait réuni, en juin 1999, une conférence intergouvernementale des États-membres de l'Organisation européenne des brevets (OEB). C'est paradoxalement dans notre pays que les plus grandes réticences se sont fait jour et que les plus grandes batailles d'arguments linguistiques, juridiques, économiques ou scientifiques ont été menées sur les conséquences d'une ratification.

Afin d'évaluer la portée des différents arguments, des travaux ont été réalisés ces dernières années, notamment au sein de notre Haute assemblée par la Délégation à l'Union européenne. A chaque fois, la conclusion était la même : le protocole de Londres devait être ratifié et entrer en vigueur au plus vite. II semble que ce long préalable a eu l'avantage d'éclairer la représentation nationale et le gouvernement puisque nous sommes enfin saisis de cette ratification.

Sans revenir en détail sur l'accord de Londres, je souhaite au nom du groupe UMP préciser quelques points importants. A ce jour, treize États sont partie à l'accord de Londres et neuf d'entre eux ont achevé leur procédure d`adhésion ou de ratification. Or l'article 6 du protocole de Londres soumet son entrée en vigueur à la ratification par au moins huit États-membres dont les trois pays dans lesquels le plus grand nombre de brevets européens a pris effet en 1999, à savoir l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France. En conséquence, l'entrée en vigueur du protocole de Londres est actuellement suspendue à sa ratification par la France. Or, ce protocole amende l'article 65 de la Convention sur les brevets de 1973 afin d'éviter la traduction des descriptions, c'est-à-dire la partie technique du brevet, soit en moyenne dix-sept pages sur vingt. C'est déjà le choix qu'avaient fait les États-membres de l'Union dans le cadre des négociations sur le brevet communautaire. En revanche, la partie juridique du brevet, qui définit la portée du monopole d'exploitation, c'est-à-dire les revendications, doit toujours être traduite en français, ainsi qu'en anglais et en allemand. Il s'agit d'une obligation découlant de l'article 14 de la Convention sur les brevets européens de 1973, qui reste inchangé, ce qui veut dire que la partie essentielle du brevet, qui est aussi la seule à être entièrement rédigée, sera toujours systématiquement disponible en français. Le français, avec l'allemand et l'anglais, devient donc une des trois seules langues dans lesquelles les innovations seront désormais revendiquées en Europe. Il est donc inexact de prétendre que le protocole de Londres signe la mort de notre langue puisqu'il devient une des trois langues de l'innovation en Europe.

Nous devons donc ratifier ce protocole parce qu'il consacre le français à parité avec l'allemand et l'anglais comme une des trois langues officielles de l'Office européen du brevet, qui réunit aujourd'hui trente-deux États et examine plus de 200 000 demandes par an. Le statut de la langue française à I'OEB est très envié par nos partenaires, notamment espagnols et italiens, qui contestent le fonctionnement trilingue de l'Europe des brevets. Il y a là un enjeu essentiel pour le statut scientifique du français car, concrètement, cela signifie que le dépôt de brevets en français suffit à conférer un titre de propriété sur la majeure partie du marché européen. C'est pourquoi il est vital pour l'avenir de la francophonie que cet accord soit rapidement ratifié. D'ailleurs, il est frappant de constater que nos amis francophones plaident pour la ratification car ils souhaitent bénéficier de la protection de brevets déposés en langue française. (M. le ministre approuve)

J'en viens à la place de nos chercheurs et de nos entreprises sur le marché européen des brevets. Le constat actuel est hélas peu satisfaisant puisque la langue de dépôt est l'anglais dans 70 % des cas, l'allemand dans 25 % et le français dans à peine 5 % des cas. Protocole de Londres ou pas, cela fait bien longtemps que nos entreprises et nos chercheurs sont obligés de suivre les dépôts de brevets en anglais et en allemand. Prétendre le contraire révèle une méconnaissance inquiétante des réalités scientifiques et économiques. Il faut donc tout faire pour accroître la proportion de brevets déposés en français. Le coût du dépôt d'un brevet est un frein majeur pour les PME. La simplification du brevet européen, en diminuant le nombre de traductions obligatoires, en réduira le montant de près de 40 %. Les premiers bénéficiaires en seront les petites entreprises puisque le simple fait de déposer en langue française leur garantira la protection de leurs inventions sur le marché européen.

Du point de vue juridique, il n`existe aucune ambiguïté sur la conformité du protocole de Londres à notre Constitution depuis la décision rendue en ce sens par le Conseil constitutionnel le 28 septembre 2006. Pour tous les brevets déposés en Europe, la partie dénommée « revendications » qui définit le champ de la propriété industrielle, sera obligatoirement traduite en français ce qui garantit la possibilité pour nos entreprises de se tenir au courant des innovations de leurs concurrents. En cas de litige, la traduction de l'intégralité du brevet restera obligatoire devant le juge français.

En outre, la simplification du brevet européen doit s'inscrire dans le cadre plus vaste d'une politique ambitieuse de soutien à la recherche et à l'innovation, dans le prolongement des mesures déjà prises, telles que le crédit impôt recherche ou la gratuité du premier brevet. II est plus que jamais indispensable de développer en France une culture de la propriété industrielle car nos entreprises investissent moins que leurs concurrentes étrangères en cette matière. Mme Pécresse l'a d'ailleurs rappelé tout à l'heure. Le dépôt et l'exploitation d'un brevet par une PME se traduit dans les cinq ans par une augmentation très forte du chiffre d'affaires et la création de nombreux emplois.

J'en viens à un point essentiel : le brevet communautaire. La ratification de l'accord de Londres ne doit pas marquer l'abandon de ce brevet. Nos partenaires ayant eu satisfaction sur le brevet européen, on pourrait imaginer qu'ils ne soient plus guère incités à accepter des compromis sur le dossier du brevet communautaire. II ne faut pourtant en aucun cas opposer ces deux brevets qui sont complémentaires puisqu'ils répondent à des besoins différents. Certaines entreprises, qui ont besoin d'une protection sur tout le territoire de l'Union, choisiront le brevet communautaire alors que d'autres, qui n'ont besoin de se protéger que sur quelques États, choisiront le brevet européen. En tout état de cause, il convient d'organiser la coexistence des deux systèmes de brevets en Europe. Nous demandons donc au gouvernement de relancer le brevet communautaire afin d'imbriquer les deux systèmes. Un compromis est souhaitable, la France étant en position de force avec la ratification de l'accord de Londres.

La très grande majorité du groupe UMP votera la ratification du protocole de Londres, assortie de ses recommandations concernant le brevet communautaire, afin que la France puisse faire entendre sa voix, dans l'intérêt des chercheurs et donc des entreprises. (Applaudissements à droite)

M. Hubert Haenel, rapporteur. - Bravo !

M. Jacques Legendre. - Il en fallait un ! Nous avons entendu trois ministres puis cinq orateurs nous dire, avec enthousiasme, qu'il fallait ratifier le protocole de Londres. On nous a dit que cette question faisait débat, mais personne n'a fait entendre sa voix. C'est étrange !

M. Ivan Renar. - Il n'y a eu qu'un seul son de cloche !

M. Jacques Legendre. - Je vais essayer de corriger cette impression en étant celui qui n'est pas d'accord. Mais j'ai fait du chemin pour en arriver là car, au départ, j'ai vu plutôt d'un bon oeil ce projet de ratification. Qui peut s'opposer aux dépôts de brevets par des entreprises françaises ? Nous voulons tous que nos entreprises innovent et puissent se protéger en France et dans les autres pays européens. Chacun connaît mon engagement en faveur de la francophonie et jamais je ne me serais opposé à la traduction de brevets en français. C'est une simple question de bon sens. J'ai donc examiné ce projet un peu compliqué pour qui n'est pas de la partie.

Ceux qui ont pris la parole, avant moi, ont rappelé les arguments en faveur de cette ratification, mais certains, comme le rapporteur de la commission des affaires culturelles, ont aussi voulu rappeler les réserves de ceux qui s'y opposent.

Il n'y a pas lieu de marquer autant d'enthousiasme pour l'accord de Londres.

Sur le plan économique, celui-ci ne profitera pas à l'ensemble des entreprises, et surtout, il ne traite pas le problème de la protection des brevets européens contre le dépôt en grappe de brevets par les États-Unis ou le Japon.

D'autre part, contrairement à ce que certains ont avancé, il ne représente pas forcément un pas vers la création du brevet communautaire sur laquelle nous travaillons depuis plus de trente ans, car certains pays se contenteront de cette solution de mi-parcours. D'ailleurs, un de nos anciens collègues, M. Maurice Ulrich, qui a suivi les négociations sur le brevet communautaire depuis de longues années, se demandait, dans une lettre adressée au rapporteur du projet de loi de l'Assemblée nationale, si le coût de la traduction -5 000 sur 20 000 euros en moyenne- décourageait réellement le dépôt de brevet et proposait une autre solution sans risque pour notre langue : déclarer les dépenses d'obtention du brevet éligibles à la prime de recherche.

J'en viens maintenant aux dangers que ce texte fait peser sur l'usage du français. Je n'éprouve, pas plus que vous, de plaisir à lire les revendications des brevets. En revanche, si nous voulons que le français, dont on sait quel fut autrefois le rayonnement, reste parlé au XXIème siècle, il doit être une langue de modernité. Autrement dit, il faut continuer de défendre son usage dans les domaines de l'économique, des brevets ou encore des transports. Sans cela, il sera vite réduit à l'état de dialecte provincial, utilisé dans le seul cercle familial. Malheureusement, nous cédons de plus en plus de terrain. Il y a quelques mois, je m'étais inquiété auprès du secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie que la toute nouvelle École d'économie de Paris se présente comme la Paris School of Economics. On m'avait répondu qu'il ne s'agissait plus de lutter contre l'usage de la langue anglaise que tout le monde sait prédominant, mais de défendre l'approche française des sciences économiques...

Cet été, lors de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, un haut responsable africain me disait : « J'ai été formé à Paris et je suis heureux de vous accueillir. Mais ne vous faites pas d'illusions : dans vingt ans, chez nous, on enseignera l'anglais. » Savez-vous pourquoi ? Parce que le français ne leur permettra plus d'accéder à la modernité dans son entier. L'adoption de ce texte ne représente pas, n'en déplaise à certains, un grand jour pour la francophonie car il instaure en réalité une inégalité entre les trois langues européennes : beaucoup d'anglais, un peu d'allemand, un zeste de français...

Bref, il n'y a vraiment pas de quoi lancer des cocoricos. Pour la première fois, et malgré les décisions prises par le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel, nous renoncerions au principe posé à l'article 2 de la Constitution selon lequel le français est la langue de la République en acceptant que des textes, qui ont force juridique sur notre territoire, soient rédigés en allemand ou en anglais. Le phénomène est inquiétant. Les avocats le savent bien, eux qui constatent que l'usage de l'anglais va de pair avec la progression de la common law, comme il existe un lien étroit entre français et droit romano-germanique. A l'heure où nous allons prendre une décision grave, je veux citer cette phrase d'un ancien Président de la République, ce grand modernisateur et homme d'une grande culture que fut Georges Pompidou : « Si nous reculons sur notre langue, nous serons emportés » ! (M. Jean-René Lecerf applaudit. On applaudit également sur les bancs CRC)

M. Richard Yung. - Le débat sur la ratification de l'accord de Londres est passionné depuis sa naissance, c'est-à-dire depuis la réunion d'une conférence intergouvernementale à Paris en 1999 à l'initiative de M. Christian Pierret. Premier et seul socialiste après dix orateurs, vous me permettrez d'exposer notre point de vue. C'est en décembre 2006 que notre groupe avait déposé une proposition de loi autorisant sa ratification qui n'a malheureusement pas abouti.

La question qui suscite légitimement le plus de controverses, est celle de la place de la langue française. L'accord confirme que le système européen des brevets retient trois langues, l'anglais, l'allemand et le français -ce qui est le cas depuis 1973. Corollaire, on n'acceptera pas d'autre langue, d'où les réclamations légitimes des Espagnols et des Portugais, dont la langue est d'usage international, ou encore des Italiens, dont l'industrie est puissante, qui s'étonnent d'être exclus.

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Exact !

M. Richard Yung. - C'est là la principale raison à l'échec du brevet communautaire. Cet accord répond en quelque sorte à leurs revendications. Bien sûr, nous aurions pu imaginer une traduction des brevets dans les vingt-deux langues des États-parties de l'accord de Londres, mais cela aurait signifié la mort du système européen des brevets.

C'est un avantage pour les déposants français, puisque le brevet sera valable dans tous les pays ayant ratifié l'accord. Quant aux autres, ils recevront de moins en moins de demandes, car, à moins d'avoir un intérêt particulier pour un marché donné, qui voudra se donner le mal de fournir des traductions ? Partant, ils ne percevront pas les taxes annuelles qui sont leur principale recette en la matière. Je pense qu'ils y viendront très rapidement...

Monsieur Legendre, je pense aussi être un bon Français. Oui, il faut défendre notre langue. Mais ces traductions sont inutiles, et inutilisées, car elles arrivent trop tard : cinq ans après le dépôt de la demande, soit l'équivalent d'un cycle complet en matière de technologie ! En outre, souvent sous-traitées à des étudiants payés au lance-pierre, elles sont généralement peu exploitables, d'autant que les revendications sont elles-mêmes rédigées par les déposants de façon à être peu compréhensibles, à la manière d'Alan Greenspan, qui aimait dire : « Si vous m'avez compris, c'est que je me suis mal exprimé » (Sourires). Par conséquent, moins d'un pour cent des traductions sont consultées. Ce n'est pas défendre notre langue efficacement que d'entasser des piles de papiers dans les sous-sols de l'INPI. Le fond du problème, c'est l'insuffisance des dépôts français : 17 000 par an, contre 50 000 pour l'Allemagne et 25 à 30 000 pour le Royaume-Uni. J'interpelle le gouvernement : pour corriger nos handicaps, il faut développer en France une politique d'innovation, de recherche et développement pour les PME, grâce à des mesures fiscales et un effort de formation. Le génie français n'est pas inférieur au génie allemand ! Il faut également une politique plus forte en matière d'information scientifique et technique, domaine où l'anglais est prépondérant.

Comme mesure d'accompagnement, nous proposons tout d'abord que les abrégés, qui permettent déjà une première approche, soient traduits le plus rapidement possible. La traduction des revendications devrait être publiée au moment du dépôt, et non au bout de cinq ans. Deuxièmement, il faut répondre aux préoccupations des deux à trois cents traducteurs qui vivent de la traduction des brevets : l'organisation d'une table ronde sur ces sujets permettrait d'accompagner la modernisation de la profession, sur le modèle de celle du conseil en brevet, qui a su se développer en prenant une dimension européenne. Enfin, il faudrait demander à l'OEB et à la Commission européenne de mettre en ligne leurs bases de données de terminologies.

Dans le système européen des brevets, les traductions coûtent 700 millions d'euros : c'est une sorte d'impôt sur ses entreprises innovantes que l'Europe se paie à elle-même, et qui n'est pas utilisé pour autre chose. Le coût d'une traduction pour un brevet moyen s'élève à 7 000 euros. Pour une PME innovante qui dépose une dizaine de brevets, cela représente beaucoup d'argent. Or ce sont ces PME-là qui auront du succès à l'exportation, et qu'il faut aider.

Prétendre que cet accord entraînera une invasion des brevets américains et japonais est une conception du passé. Plus il y a de technologies accessibles, mieux c'est : c'est de l'investissement et de l'emploi ! On ne va pas ériger des barrières autour de l'Europe !

Le brevet européen a été un immense succès : 200 000 dépôts par an, 7 000 agents, dont 1 500 Français, rappelons-le. D'une qualité reconnue, il a servi de base à l'harmonisation européenne et mondiale. Mais le système, qui n'a pas évolué depuis 1973, bute sur le problème des coûts -outre les traductions, il y a les taxes annuelles, pour plus d'un milliard d'euros, versées par l'industrie pour faire vivre les brevets- et sur celui des juridictions. La bonne réponse serait le brevet communautaire, mais là encore se pose le problème des langues : quid de l'espagnol, du portugais, et des autres ? Le protocole de Londres contourne la difficulté en jetant un pont entre brevet européen et brevet communautaire. Sur ce modèle, on pourrait imaginer un brevet communautaire ouvert à ceux qui le souhaitent uniquement... C'est une piste pour avancer.

Il s'agit d'investissement, d'emploi, de recherche et développement. Nous devons répondre au risque du tout anglais. Ce texte représente une occasion unique : le groupe socialiste le soutiendra. (Applaudissements sur les bancs socialistes, UC-UDF et sur certains bancs UMP)

M. Ivan Renar. - J'ai apprécié les rapports, même si je n'en partage pas les conclusions et je voudrais d'abord évoquer cette bonne façon de construire l'Europe que représentent les travaux de deux physiciens, le Français Fert et l'Allemand Peter Gruenberg, qui ont révolutionné, par la miniaturisation, la technique du disque dur et qui viennent de recevoir le prix Nobel. Voilà qui peut nous rassembler, avant que le vote ne nous divise.

On nous chante les bienfaits de ce protocole de Londres. Mais si ces bienfaits sont aussi certains, pourquoi avoir attendu sept ans pour le ratifier ? Pourtant les enjeux scientifiques, technologiques et industriels sont énormes, les enjeux culturels, linguistiques et politiques aussi.

Le protocole de Londres vise à alléger les obligations de traduction dans le système du brevet européen en levant l'obligation de traduire intégralement en français les brevets d'invention déposés sur notre territoire. Comment croire que lever une telle obligation renforcerait la place du français, qui certes, resterait langue officielle du régime des brevets en Europe mais au prix du sacrifice de son usage ?

En effet, ce protocole propose de limiter cette traduction aux seules revendications, la partie où le déposant délimite l'étendue de la protection qu'il demande. Donc de supprimer la traduction en français de la partie descriptive des brevets européens, pourtant essentielle à leur compréhension La description est en effet tout aussi importante que les revendications puisqu'elle constitue la contrepartie de l'exclusivité d'exploitation conférée par le brevet. Le gouvernement ne prend pas la mesure de l'importance du brevet dans la compétition économique de notre temps, et reflète ainsi, hélas, une longue tradition française d'incompréhension à la fois des problèmes des PME et du brevet d'invention. Quant aux pays signataires du protocole dont la langue n'est ni l'allemand, ni l'anglais, ni le français, ils devront choisir l'une de celles-ci pour déposer. Du fait de la fréquence des dépôts concomitants aux États-Unis et en Asie, l'anglais sera plébiscité, renforçant ainsi son hégémonie. Alors que c'est la France des Lumières qui a jeté les fondements de la propriété intellectuelle, on s'apprête à marginaliser notre propre langue au nom de la compétitivité de l'Europe. Au risque que l'Europe perde un peu plus son âme en se livrant au tout-anglais et en renonçant au plurilinguisme qui fait sa richesse et son originalité.

Quant aux économies recherchées, elles ne seront même pas au rendez-vous car cet accord entraînera au contraire un coût supplémentaire pour les PME-PMI, puisque 93 % des brevets européens sont déposés en allemand ou en anglais et n'auront plus à être traduits en français. Les PME devront multiplier les traductions indispensables pour comprendre ce que font leurs concurrents mais aussi pour se prémunir des effets de l'insécurité juridique. A cet égard, l'enjeu de la traduction des brevets européens ne peut être dissocié de la transposition de la directive anti-contrefaçon actuellement en débat. Il faut connaître et comprendre les brevets des concurrents, donc leur description, pour ne pas encourir le risque d'être accusé de contrefaçon. L'innovation deviendra plus onéreuse pour les PME qui devront traduire en français les brevets étrangers jusque là disponibles aux frais des déposants. Les grands groupes n'auront pas ces difficultés car ils ont les moyens de disposer en interne de services brevets anglophones et de pratiquer une veille technologique en anglais.

L'accès à une information technique complète et fiable est pourtant indispensable comme le prouve les surirradiations de l'hôpital d'Épinal, dues à la mauvaise compréhension d'un logiciel anglais non traduit. Il ne s'agit pas seulement de sécurité mais aussi de conditions de travail, La langue nationale est bien le premier outil de travail et doit le rester.

Les seuls gagnants seront donc les grands groupes économiques et financiers, qui déposent en masse des milliers de brevets, mais les gains qu'elles réaliseront se feront au détriment des PME-PMI qui devront traduire ces milliers de brevets à leur place, et, de surcroît, chacune de leur côté ! D'autant qu'il faudra toujours traduire dans les langues des États n'ayant pas adhéré à l'accord. En outre, en cas de litige, le déposant était contraint de financer la traduction de la description dans la langue de la juridiction nationale saisie.

Le texte est donc injuste et contre-productif. Ratifier le protocole de Londres, c'est apporter une réponse inefficace à un réel problème : les entreprises françaises ne déposent pas assez de brevets. Si on veut y remédier, il est avant tout indispensable de former les petites et moyennes entreprises aux enjeux de la propriété industrielle, pour la conquête des marchés, de favoriser une culture de l'action commerciale qui est aujourd'hui insuffisante et de s'engager plus résolument dans la recherche-développement. Il faut investir massivement dans la recherche publique, tout en renforçant le soutien de l'État aux entreprises, et prioritairement aux PME engagées dans la R&D. C'est en intervenant dans ces domaines stratégiques que la part des brevets déposés en français pourra dépasser le modeste seuil des 7 % d'aujourd'hui.

Mais avec la montée en puissance de l'économie de l'immatériel, il est également indispensable de mettre des garde-fous à la pernicieuse tendance qui consiste à breveter la connaissance plutôt que l'innovation. La protection de la propriété intellectuelle ne doit pas être asservie aux seuls intérêts financiers. Certes l'argent est lui-même devenu une langue que certains pratiquent de façon exclusive, incapables de comprendre les autres langues et les sacrifiant sans sourciller sur l'autel de la rentabilité à court terme.

Enfin, comment comprendre que la France qui a ratifié la convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelle ne soutienne pas le plurilinguisme ? Je suis d'accord avec Umberto Eco : « la seule véritable langue de l'Europe est la traduction ! » Il ne s'agit pas de défendre de façon bornée la langue française mais bien toutes les langues européennes D'ailleurs, une vingtaine d'États européens a refusé de signer ce protocole, la Belgique, l'Italie, l'Espagne, la Finlande, la Grèce, le Portugal, etc... Cet accord divise l'Europe au lieu de l'unir dans sa diversité.

II s'agit bien de défendre toutes les langues face à la domination de l'anglais, qui n'est pas une fatalité, mais aussi de promouvoir la francophonie. Les pays francophones nous observent, eux qui ont fait le choix du français, et ils ne comprendraient pas que la France ne défende pas sa langue chez elle. Ils attendent de la France qu'elle se conduise en « bonne mère » et non en marâtre. Ils ont noté la contradiction et songent au personnage de Prévert qui, ayant offert un bouquet à la femme aimée, la regarde apprêter les fleurs avant de les plonger dans l'eau et lui dit : « Tu prétends aimer les fleurs et tu leur coupe la queue, alors quand tu dis que tu m'aimes, j'ai un peu peur » (Sourires).

Le protocole de Londres constitue une véritable menace pour la langue française. Car n'en doutons pas, le français disparaîtra des bases de données mondiales et sera éliminé de la langue scientifique de demain. La Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle considère que la ratification conduirait à terme à renoncer à la réflexion en français dans les sciences et les techniques. Je ne suis pas pour le français über alles, à l'exclusion de toutes les autres langues, mais, face à l'hégémonie du tout-anglais, il est indispensable de défendre le pluralisme. Le protocole de Londres n'obéit qu'à des calculs financiers qui en occultent les conséquences culturelles et politiques pour la France et pour les autres peuples européens. Promouvoir la diversité culturelle et linguistique, c'est aussi favoriser l'apprentissage de l'allemand, du polonais, de l'italien, du hongrois dans l'ensemble de l'enseignement scolaire européen. Le langage construit la pensée. Tout comme nous refusons la pensée unique, nous ne voulons pas d'une langue unique.

La langue est un puissant élément d'identification, c'est un outil de communication, mais aussi de domination, Des centaines de dialectes et de langues ont déjà disparu et cela s'accélère de par le monde, appauvrissant le patrimoine humain d'autant de visions du monde. C'est pire que les bibliothèques et les livres que l'on brûle dans le roman d'anticipation de Ray Bradbury, Fahrenheit 451, car c'est la transmission orale même des langues que l'on condamne.

Et n'est-il pas regrettable de s'attaquer aux traductions, donc aux langues, alors que le coût du brevet européen résulte surtout des lourdes taxes prélevées par l'OEB qui est la première barrière à l'accès au brevet européen pour les PME. Cet office, pour ne pas sacrifier ses revenus, a inspiré à certains États l'idée de sacrifier les traductions, qui ne représentent pourtant en moyenne que 10 % du coût du brevet, contre 75 % en taxes et 15 % en procédures. C'est sur ces taxes et frais abusifs que doit prioritairement porter la réforme.

Puisqu'il est question de mieux soutenir la recherche et l'innovation française pourquoi ne pas avoir, plutôt, l'ambition de créer sur Internet une immense base de traduction des données scientifiques et techniques d'avenir ? Google a mis en ligne, gratuitement, tous les brevets américains et a annoncé qu'il continuera avec les autres brevets, notamment européens. C'est là une occasion exceptionnelle de rendre les brevets accessibles en français, gratuitement, au monde entier.

De plus, indépendamment des initiatives privées, il est souhaitable que les traductions des brevets européens en français existant ou à venir, soient mises en ligne également par un organisme d'intérêt public tel que l'Institut national de la propriété industrielle. A l'ère de la révolution numérique, c'est une mission légitime

Pour aller plus loin, pourquoi ne pas créer un service public européen des brevets qui respecterait chacune des langues des pays adhérents à l'Union ? De nombreux États ont adopté la monnaie commune ; à plus ou moins long terme, le besoin d'une langue commune se manifestera. Et pourquoi pas ? Mais une langue commune ne sera acceptable par les peuples que si chacune des langues des pays adhérents à l'Union ne se sent pas menacée, mais au contraire respectée. Et à la condition que l'on accepte que la traduction demeure une des langues vivantes de l'Europe; c'est-à-dire une langue au service de toutes et reconnaissant à chacune le droit de s'affirmer et de se développer à égalité avec les autres.

Aucune étude ne permet de mesurer les conséquences de ce protocole, rien ne démontre qu'il sera source d'économies et encore moins qu'il favorisera le dépôt de brevets en français, C'est même l'inverse qui risque de se produire avec au contraire une insécurité juridique accrue, sans parler des conséquences négatives sur l'emploi dans le secteur de la traduction. Alberto Moravia disait des langues qu'elles sont « les merveilles de l'Europe ». Ratifier un accord au seul nom de la rentabilité économique en ignorant les aspects éthiques et culturels liés au patrimoine linguistique européen est un non sens politique. Ce n'est pas la meilleure façon de construire l'Europe, et encore moins de respecter ses peuples. Au nom de la diversité linguistique, je vous demande de ne pas voter la ratification. (Applaudissements sur les bancs CRC.).

M. Aymeri de Montesquiou. - Le protocole de Londres a donné lieu à un débat passionnant. Depuis sept ans, la bataille est acharnée et les analyses aussi fouillées que contradictoires. A l'Assemblée nationale, des opinions diverses se sont exprimées au sein de chaque groupe.

Et les arguments sont souvent réversibles ! Là où certains voient une chance unique pour le français comme langue scientifique, d'autres affirment que le protocole sonne le glas de notre langue. En réalité, il conserve les trois langues de l'OEB et tout État pourra exiger la traduction des revendications dans sa langue. La partie essentielle des brevets, la seule à être entièrement rédigée, sera toujours disponible en français. Certaines s'inquiètent de voir que des brevets en anglais auraient demain force juridique dans notre pays : mais cette crainte est vaine, puisque les revendications seront nécessairement rédigées en français. Quant aux annexes techniques, leur traduction sera exigée en cas d'action en justice ; et ce, aux frais du déposant. L'utilisation du français est garantie.

Le français devient avec l'allemand et l'anglais l'une des trois seules langues dans lesquelles les innovations seront désormais revendiquées en Europe. Nous agirions contre nos intérêts en refusant de ratifier ce protocole ! L'Allemagne l'a bien compris et elle a ratifié. Et si l'Espagne et l'Italie ne signent pas, c'est qu'elles regrettent l'absence de leurs langues prestigieuses dans la liste officielle. La défense de notre langue est un combat, mais ne choisissons pas le mauvais terrain pour le mener ! Déplorons plutôt que de grandes entreprises françaises tiennent leur conseil d'administration en anglais, imposent l'usage de cette langue à leurs employés et déposent leurs brevets directement en anglais. Le secrétaire général de la francophonie, M. Abdou Diouf, appelle notre pays à défendre le français avec autant de conviction que les autres membres de l'organisation internationale de la francophonie (OIF). Pas moins de 55 pays ont choisi de se regrouper sous la bannière de l'OIF ; or ; pour certains de nos hauts responsables, vanter l'importance du français revient à faire preuve d'une nostalgie incompatible avec la modernité...

L'entrée en vigueur du protocole de Londres scelle l'utilisation obligatoire du français. Mais la place du français dans la recherche et l'innovation dépend avant tout de notre effort en la matière, de l'aide à nos PME, de la valorisation de la recherche publique.

Autre sujet de débat : le coût du brevet et l'impact sur le nombre de dépôts. Pour les uns, le protocole de Londres réduira le coût du brevet européen et incitera les PME à déposer davantage de brevets. Pour les autres, le coût des brevets est un "faux prétexte" et, pire encore, le coût de la traduction pèsera sur les PME, qui devront traduire par leurs propres moyens les textes subtils des grandes entreprises qui déposent des milliers de brevets. Les mêmes dénoncent un possible effet d'aubaine pour nos concurrents, qui n'auront plus à assumer une traduction en français. Je crois pour ma part que le protocole exprime une conception offensive de la croissance économique et de la compétitivité. La recherche et l'innovation sont les clés de la croissance et de l'emploi. N'oublions pas que chaque année, la Chine « produit » deux millions de diplômés « bac plus cinq » et d'ingénieurs... Chacun déplore le retard français : une PME sur quatre dépose un brevet au cours de son existence, contre une sur deux aux États-Unis et 55 % au Japon. Il y a là un défi -et non pas un challenge ! Ne nous abritons pas derrière une rassurante ligne Maginot, menons l'offensive économique à travers les brevets. Et arrêtons d'accuser les autres du faible nombre de nos dépôts.

La France a réduit la taxation des brevets de 55 %. Mais il y a encore du chemin à parcourir. Un brevet coûte 30 000 euros environ ; c'est beaucoup pour une PME ou pour une entreprise en création qui doit déposer et protéger son innovation. En limitant le coût de la traduction et donc le coût total du brevet européen, le protocole de Londres va favoriser les chercheurs et les PME soutenues par le CNRS, l'Académie des sciences, l'Académie des technologies, la CGPME. C'est indispensable et conforme aux objectifs de Lisbonne.

La France est attendue sur ce texte. Les brevets en langue française représentent aujourd'hui 7 % de l'ensemble en Europe, contre 18 % pour l'allemand et 75 % pour l'anglais. Cette part pourrait s'éroder encore au cours des prochaines années si nous ne donnons pas, de manière définitive, publique et forte, une place au français comme langue technologique, scientifique, comme langue de la bataille économique. C'est la situation actuelle qui fragilise le français ; la ratification des accords de Londres le renforcera. Je voterai pour ce texte, comme la majorité du groupe RDSE. Un certain nombre de mes collègues, dont MM. Seillier et Alfonsi, n'ont pas été convaincus par le protocole et voteront contre la ratification. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d'État. - Le débat, je le vois, est largement consensuel. Que le français devienne l'une des trois langues officielles est une avancée considérable pour nous... tandis que les Espagnols et les Italiens sont préoccupés. Mais je souhaite répondre aux critiques de M. Renar et de M. Legendre.

Monsieur Renar, je suis, comme vous, admirateur de François Truffaut et d'Alberto Moravia, mais je n'aboutis pas aux mêmes conclusions que vous et je ne dirai rien sur Prévert. (Sourires) J'estime que le protocole de Londres est important pour conforter au plan international le modèle européen du dépôt de brevet. Or l'Europe devra, dans les négociations internationales, faire valoir sa procédure et la sécurité juridique qui l'entoure. Il faut pour cela ratifier Londres ! Le protocole améliore aussi -M. Yung l'a dit- l'attrait de l'Europe comme puissance scientifique, technologique, intellectuelle, comme le veut la stratégie de Lisbonne... Et pour occuper les marchés européens, rien ne vaut un brevet européen.

N'oublions pas les économies de traduction réalisées -de 30 à 40 %- et le statut préservé de la langue française pour les revendications. L'OEB a enregistré 150 000 mots nouveaux qui seront traduits dans les trois langues officielles. Sur EurActiv, 73 % des articles figurent en français contre 30 % il y a quelques années. Nous avons donc raison d'avoir une politique active en faveur de la francophonie.

Le Conseil d'État comme le Conseil constitutionnel se sont prononcés sur la « langue de la République ». Je précise aussi que la loi Toubon demeure en vigueur pour toutes les notices techniques, cela dit pour apaiser certaines craintes.

Quelles mesures d'accompagnement proposons-nous ? L'INPI proposera une labellisation de ses traductions, afin que la profession de traducteur ait une meilleure visibilité. Les ingénieurs des brevets recevront également une formation spécifique.

La proposition de loi Marini ? Nous l'étudierons et en mesurerons l'impact sur les entreprises.

L'accompagnement fiscal ? Le crédit impôt recherche sera élargi et deviendra, dans le cadre de l'OCDE, le dispositif principal de soutien à la recherche pour un montant de 2,7 milliards. On va supprimer la différence de traitement entre concession et cession de brevet et un abattement annuel est prévu qui doit aboutir à une exonération de plus-value huit ans après la réalisation de l'apport.

L'aide aux PME ? M. Novelli a prévu une baisse de 50 % des frais de dépôt les concernant. L'INPI va doubler le nombre de ses prédiagnostics. Nous allons rationaliser les tribunaux compétents pour les contentieux relatifs à la propriété intellectuelle et à la contrefaçon dont le Sénat a récemment débattu.

Les chercheurs publics seront sensibilisés aux brevets. Comptez sur moi pour faciliter l'accès en ligne des données terminologiques. J'ajoute, s'agissant de la sécurité juridique, que le texte français fera toujours foi conformément à l'article L614-10. Le Gouvernement s'engage à donner à l'INPI des instructions fermes pour le maintien de la production des abrégés dans les trois mois après la demande de brevet. Telles sont les mesures d'accompagnement que Mme Pécresse et M. Novelli souhaitent présenter.

Je dirai en conclusion que la ratification de ce texte fait partie d'une stratégie de relance européenne, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. Nous comptons sur son effet d'entraînement vers une juridiction européenne des brevets, dont les effets linguistiques ne peuvent que nous convenir. Ce sera une priorité de la présidence française. Nous ferons en sorte que la ratification porte les fruits que nous en attendons.

À la demande de la commission et du groupe CRC, l'article unique du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la Présidente. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 315
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages exprimés 157
Pour l'adoption 280
Contre 33

Le Sénat a adopté.

Le projet de loi autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance de brevets européens est adopté selon la procédure simplifiée.

présidence de M. Christian Poncelet

Commission d'enquête sur EADS

M. le président. - Je rappelle au Sénat qu'en application de l'article 30, alinéas 1 et 4, du Règlement du Sénat, M. Jean-Pierre Bel et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ont demandé la discussion immédiate de la proposition de résolution de M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle de l'État vis-à-vis du groupe EADS en 2006.

Le délai prévu par l'article 30, alinéa 2, du Règlement est expiré et le Sénat a terminé l'examen de l'ordre du jour prioritaire. En conséquence, je vais l'appeler à statuer sur la demande de discussion immédiate. Je rappelle qu'en application de l'alinéa 6 de l'article 30 du Règlement, le débat engagé sur cette demande ne peut jamais porter sur le fond. Ont seuls droit à la parole l'auteur de la demande, un orateur contre, le président ou le rapporteur de la commission, le Gouvernement. Aucune explication de vote n'est admise.

M. Jean-Pierre Bel. - Nous venons de déposer avec l'ensemble des sénateurs socialistes, Verts et apparentés, CRC, une résolution pour la constitution d'une commission d'enquête parlementaire sur le rôle de l'État en tant qu'actionnaire indirect d'EADS en 2006. Il s'agit là d'une affaire d'une grande importance, qui justifie une mobilisation immédiate de la représentation nationale. La semaine dernière, l'Autorité des marchés financiers a transmis au Parquet un document accablant sur l'éventuelle réalisation d'un délit d'initié massif concernant les actionnaires principaux et les dirigeants d'EADS en 2006.

Notre objectif est ailleurs. Alors que l'on parle beaucoup de renforcer, à l'occasion de la réforme des institutions, les pouvoirs de contrôle du Parlement, comment refuser à la représentation nationale d'exercer ce pouvoir au travers d'une commission d'enquête, comme le prévoit notre droit parlementaire ? N'est-il pas normal, dans un souci de vérité et de transparence, de contrôler la manière dont l'État s'est comporté comme actionnaire d'EADS ? La situation n'est-t-elle pas apparue suffisamment grave à la commission des finances pour qu'elle souhaite entendre Thierry Breton ?

M. Daniel Reiner. - Il ne savait rien !

M.Jean-Pierre Bel. - Nous avions déjà déposé une demande de commission d'enquête en décembre 2006, à la suite des retards de livraison de l'A 380 , des difficultés financières et industrielles d'Airbus et de l'annonce du plan Power 8 visant à supprimer plusieurs milliers d'emplois. Le groupe CRC avait fait de même. Pour justifier son refus, la commission des affaires économiques avait alors invoqué l'argument de l'exclusivité de la compétence judiciaire. Il n'est pas question de cela aujourd'hui.

Il est bien des points obscurs. Le Gouvernement, a-t-il laissé la Sogead vendre les titres du groupe Lagardère alors qu'il était au fait des évolutions du cours de l'action à prévoir, compte tenu de la situation de l'entreprise ?

Thierry Breton, a confirmé ici même vendredi dernier que les services du ministère avaient reçu de l'Agence des participations de l'État une note du 20 janvier 2006 parfaitement explicite à ce sujet, qui aurait dû l'amener à s'interroger sur la suite des opérations.

Au vu de l'acquisition par la CDC des actions de la société Lagardère, on ne peut s'empêcher de penser à la formule bien connue : privatisation des profits et socialisation les pertes. N'a-t-on pas joué là avec l'intérêt général et l'intérêt de l'entreprise ?

C'est notre responsabilité d'élus de poser certaines questions : comment l'État a-t-il pu laisser faire, ignorer une opération d'une telle ampleur et oublier son obligation de vigilance et de précaution ? A-t-il, de près ou de loin, accompagné le rachat par la CDC, le 18 mars 2006, d'une partie des actions du groupe Lagardère dans EADS ? Quelle connaissance du dossier ont eu les ministres de l'intérieur et de la défense?

Nous demandons que le Sénat dans le cadre de sa mission de contrôle, puisse enquêter sur le rôle de l'État dans la cession des titres EADS en 2006, notamment en mettant en lumière les raisons pour lesquelles il a laissé Arnaud Lagardère vendre ses titres à la CDC dans un contexte qu'il ne pouvait pas ne pas connaître ; sur les conditions dans lesquelles l'État, ses représentants, notamment la Sogead et ses services, ont joué le rôle d'actionnaires indirects ; sur l'implication des ministères concernés, qui doit permettre de déterminer si les intérêts de notre pays ont, ou n'ont pas été préservés.

Mener ces investigations dans le cadre d'une commission d'enquête permettrait à l'opposition d'être partie au pouvoir d'investigation du Parlement, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Le Sénat s'honorerait d'une initiative allant dans le sens de la transparence, de la démocratie et du souhait de voir renforcés les pouvoirs du Parlement. (Applaudissements à gauche)

M. le président. - Aucun orateur ne demandant la parole pour s'exprimer contre la résolution, (Plusieurs voix à gauche : « On les comprend ! ») j'invite le président de la commission des finances à répondre.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Reconnaissons que le Sénat, au vu des circonstances, a été très réactif. A la suite de la communication par la presse du contenu du pré-rapport de l'Autorité des marchés financiers (AMF), les feux de l'actualité se sont braqués sur EADS, mercredi 3 octobre, une suspicion de délit d'initié pesant sur plus de mille de ses cadres qui auraient tenté de réaliser leurs stock options pour bénéficier du cours le plus élevé de l'action. Dès jeudi matin, la commission des finances a pensé devoir entendre Thierry Breton, ministre des finances de l'époque, qui a fait connaître qu'il avait l'intention de revenir de Harvard, où il enseigne, et s'est mis à notre disposition dès le vendredi 4 octobre. Nous avons organisé une audition à laquelle étaient également invités M. Lajeunesse, directeur général de l'Agence des participations de l'État (APE) à l'époque des faits, son actuel directeur, M. Bezard, ainsi que le directeur adjoint chargé des participations de l'État au cabinet de M. Breton. A ces auditions, ouvertes au public, ont participé les représentants des différentes formations siégeant au Sénat. Demain matin, la commission des finances entendra le directeur général de la CDC, son directeur financier, qui l'était déjà à l'hiver 2005-2006, ainsi que le nouveau président de son conseil de surveillance, M. Bouvard. Notre rapporteur général était aujourd'hui à Bercy pour y recueillir des documents et Mme Lagarde m'en a également transmis pour préparer notre audition de demain. Nous sommes donc en phase avec notre activité de contrôle... (On le conteste à gauche)

M. Jean-Marc Todeschini. - Petits contrôles entre amis...

M. Jean Arthuis, président de la commission. - ... et nous assurons pleinement les prérogatives que nous confère l'article 57 de la loi organique.

Il s'agit d'un dossier difficile. Vous connaissez les dispositions du pacte d'actionnaire scellé en 1999-2000, qui a confié à l'État un rôle marginal. Les modes opératoires sont donc complexes ; c'est sur eux que nous essayons de faire la lumière.

Il est vrai que je m'étonne, comme vous, qu'il ait fallu dix-huit mois pour avoir connaissance du pré-rapport, mais M. Bel a rappelé qu'il nous revient de ne pas interférer avec les prérogatives de l'AMF. En revanche, notre rôle est de comprendre ce qu'a été la gouvernance publique. Vous savez comme moi qu'une note du directeur général de l'APE en date du 20 janvier 2006 suggère au ministre la cession d'une partie des titres de l'État parce qu'il pense alors que l'on est en haut du cycle et sait que Daimler-Benz et Lagardère envisagent une cession de parts. Le ministre refuse, considérant qu'il s'agit d'investissements de long terme, et qu'il ne faut pas laisser EADS en vol. Étonnamment, deux mois plus tard, la CDC se porte acquéreur des titres vendus par Lagardère.

M. Jean-Marc Todeschini. - Copains et coquins !

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Le contexte est délicat. L'opération est montée par Ixis, ancienne filiale de la CDC, et prend la forme d'une émission d'obligations remboursables en actions, dont la CDC devient propriétaire en trois échéances. Il est clair que dès le 20 janvier, sont recherchées les conditions optimales pour échapper à l'impôt sur les plus values. (On le confirme à gauche)

J'estime qu'il importe au plus haut point de dresser une muraille de Chine entre ces investigations, collégiales, sur un possible scandale financier et le groupe : pensons à ses salariés. (Protestations à gauche)

Reconnaissez que nous avons été prompts à réagir quand les conclusions d'une commission d'enquête ne sont disponibles, bien souvent, qu'après six mois. C'est pourquoi je ne pense pas opportun de voter votre résolution. (Nouvelle protestations à gauche. Applaudissements à droite)

A la demande du groupe socialiste, la demande de discussion immédiate est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 126
Contre 197

Le Sénat n'a pas adopté. (Exclamations à gauche)

M. Jean-Marc Todeschini. - Et vous voulez rénover le Parlement !

M. Jean-Pierre Bel. - J'aimerais savoir si le groupe RDSE a voté ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Un groupe absent n'a pas pu voter !

M. le président. - Il apparaît que le groupe RDSE a voté. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs)

M. Jean-Pierre Bel. - Pour la deuxième fois, on a fait participer à un scrutin public un groupe totalement absent. La première fois, c'est lorsqu'on a fait voter, en son absence, le groupe UC-UDF sur la réglementation des tarifs de l'électricité ; aujourd'hui, c'est le tour du RDSE alors que l'affaire sur laquelle nous nous prononcions est grave.

C'est inadmissible, au moment où il est question d'améliorer le fonctionnement démocratique de nos assemblées, de donner une place à l'opposition et de restaurer la crédibilité de nos décisions. J'émets donc une très vive protestation et j'attends des explications. (Applaudissements à gauche)

M. le président. - Je vous rappelle que j'ai demandé à ce qu'une Conférence des Présidents élargie se prononce sur nos méthodes de votation. De surcroît, je n'ai pas la possibilité de savoir qui a voté.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Il n'y a que deux solutions : ou bien nous déclarons la nullité du scrutin, puisqu'un groupe absent a voté, ou bien nous réunissons... une commission d'enquête ! (Sourires).

M. le président. - Je demanderai au président du groupe RDSE s'il a confié à un membre de cette assemblée le soin de voter pour son groupe.

M. Jean-Pierre Bel. - C'est bien ce qui s'est passé !

(Mmes Demessine et Le Texier, secrétaires du bureau, contestent la validité du scrutin.)

Prochaine séance, mercredi 10 octobre 2007 à 15 heures.

La séance est levée à 20 h 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 10 octobre 2007

Séance publique

A QUINZE HEURES

1. Projet de loi (n° 205, 2005-2006) relatif à la violation des embargos et autres mesures restrictives.

Rapport (n° 6, 2007-2008) de M. Jacques Peyrat, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu :

- de M. Alain Vasselle une proposition de loi tendant à instaurer dans le code de la route le principe d'un examen de la vue préalable à la délivrance du permis de conduire des véhicules à moteur.

- de MM. Francis Grignon, Hubert Haenel, Philippe Richert, Philippe Leroy, Mmes Fabienne Keller, Catherine Troendle et Esther Sittler, une proposition de loi relative à la journée de solidarité dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

- de M. le Président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la simplification du droit.

- de M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le rôle de l'État vis-à-vis du Groupe EADS en 2006.