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Table des matières



Dépôt d'un rapport

Loi de programmation militaire (Suite)

Article 2 (Suite)

Questions d'actualité

Sanction des rémunérations excessives

M. Jean-Pierre Fourcade

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Épidémie de grippe A

M. Jean Milhau

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Fracture télévisuelle

M. Yves Détraigne

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Situation de l'audiovisuel

M. David Assouline

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

Indépendance du Parquet

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Grenelle de la mer

Mme Monique Papon

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Élection présidentielle et répressions en Iran

Mme Dominique Voynet

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Prime à la casse

M. Jackie Pierre

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Incarcération de Clotilde Reiss

Mme Brigitte Bout

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Réforme de la taxe professionnelle

M. Jean-Claude Frécon

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Discours de M. le Président du Sénat

Hommage à une délégation taïwanaise

Rappel au Règlement

Déclaration du Gouvernement sur l'orientation des finances publiques

Décision du Conseil constitutionnel

Loi de programmation militaire (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 2 (Suite)

Article 4

Article 5

Article 8

Article 9

Article 10

Article 11

Article additionnel

Article 12

Article 13

Article 14

Article 16 bis (nouveau)

Article 16 sexies (nouveau)

Vote sur l'ensemble




SÉANCE

du jeudi 16 juillet 2009

6e séance de la session extraordinaire 2008-2009

présidence de M. Roger Romani,vice-président

Secrétaires : M. François Fortassin, M. Philippe Nachbar.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un rapport

M. le président.  - Monsieur le président du Sénat a reçu de Mme Marianne Lévy-Rosenwald, présidente du conseil de surveillance du Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le rapport d'activité pour 2008 de ce fonds, établi en application de l'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Loi de programmation militaire (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.

Article 2 (Suite)

L'amendement n°48 n'est pas soutenu.

M. le président.  - Amendement n°129, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Dans le troisième alinéa du rapport annexé, supprimer les mots :

à la dissuasion,

Mme Michelle Demessine.  - Les crédits considérables affectés chaque année à notre armement nucléaire -soit 23 % des crédits d'équipement de nos forces pour 2009- sont cohérents avec la priorité proclamée en faveur de la dissuasion stratégique, dont nous admettons qu'il faille maintenir la crédibilité, mais votre politique va au-delà du principe de stricte suffisance puisque vous continuez à développer ces armements. C'est pourquoi nous sommes opposés à la construction d'un quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) et aux missiles M51 qui l'équiperont en 2010.

Inadaptée aux menaces diffusées multiformes qui ont succédé à l'existence d'un ennemi potentiel clairement identifié, la dissuasion nucléaire n'assure plus, en 2009, la clé de voûte de notre sécurité. Ainsi, les armes nucléaires sont inefficaces contre le terrorisme.

L'armement nucléaire ne doit donc plus être une priorité de la loi de programmation.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, rapporteur.  - A une large majorité, la commission estime que la dissuasion nucléaire reste fondamentale dans un monde où existent des arsenaux considérables et où certains pays tentent de se doter d'armes balistiques.

Ce constat n'empêche pas la France de prendre des initiatives en faveur du désarmement. Je citerai le démantèlement en toute clarté de nos missiles sol-sol et la réduction du format de nos capacités aériennes.

La priorité dont bénéficie la dissuasion de stricte suffisance ne fait pas obstacle à la lutte contre la prolifération nucléaire par la voie diplomatique.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - Notre politique accorde une place essentielle à la dissuasion nucléaire. Je propose de repousser l'amendement qui en prend le contre-pied.

L'amendement n°129 n'est pas adopté.

L'amendement n°49 n'est pas soutenu, non plus que les amendements n°s50, 13 rectifié, 14 rectifié, 15 rectifié, 16 rectifié, 17 rectifié, 52 et 18 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°128, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Après le premier membre de phrase du septième alinéa du 1.1 du rapport annexé, insérer un membre de phrase ainsi rédigé :

elles se feront prioritairement dans un cadre multinational et autorisé par les Nations unies ;

Mme Michelle Demessine.  - Le rapport annexé manque de précision sur le cadre de nos interventions militaires à l'étranger : il fait référence à certains principes techniques inscrits dans le Livre blanc mais sans aborder la légitimité des opérations, alors que seul un cadre précis et clair éviterait la dérive transformant nos troupes en corps expéditionnaire engagé dans les combats illégitimes et incertains.

Nous estimons que seules sont légitimes des actions tendant à rétablir la paix, à s'interposer entre les belligérants et à protéger nos ressortissants en cas d'urgence. Elles doivent donc procéder d'un mandat donné par la seule institution multilatérale privilégiant les solutions politiques et pacifiques : l'ONU. Les insuffisances de cette grande institution justifient que l'on modernise le Conseil de sécurité afin qu'il reflète le monde d'aujourd'hui.

A l'inverse, nous sommes totalement opposés à la participation des troupes françaises aux opérations de l'Otan, qui découle, comme en Afghanistan, d'un alignement pur et simple sur les intérêts américains.

Nous proposons que le rapport annexé fasse clairement référence à un mandat du conseil de sécurité de l'ONU pour l'envoi de troupes françaises à l'étranger.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Sur le fond, on peut accepter que les Nations unies énoncent les principes directeurs de nos interventions mais les décisions du Conseil de sécurité ne sont pas les seules sources de la légalité internationale puisque l'article 51 de la Charte des Nations unies reconnaît la légitime défense. S'ajoutent les conséquences de nos accords et de nos alliances militaires. Avis défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - L'amendement est inutile puisque le Conseil de sécurité est, en tout état de cause, la seule institution pouvant légitimer une intervention conduite aux fins de stabilisation.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je voterai l'amendement, qui rejoint celui que j'avais déposé.

Contrairement à ce que dit M. le ministre, la France est parfois intervenue hors du cadre des Nations unies : les bombardements de la Yougoslavie en 1999 se sont déroulés hors de la légalité internationale, même si l'ONU est intervenue par la suite.

Il y a certes plusieurs sources de droit international mais elles ne sont pas de même niveau. Laisser nos alliances nous entraîner dans des interventions décidées sans autorisation des Nations unies pose problème.

L'amendement n°128 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

Dans l'avant dernier alinéa du 1.1 du rapport annexé, supprimer les mots :

et recevoir le soutien de la Nation.

Mme Dominique Voynet.  - Malgré les modifications constitutionnelles, la Nation ne peut guère se prononcer sur les opérations militaires à l'étranger, en vertu du tabou institué en 1958 sur le domaine réservé du Président de la République.

Dans une telle hypothèse, l'article 35 de la Constitution impose que le Parlement en soit informé dans un délai de trois jours. Il peut alors en débattre sans vote, son autorisation n'étant requise que dans les quatre mois.

Depuis des années, les Opex sont devenues plus complexes, plus longues et plus coûteuses. Au nom de la France, on met en péril la vie de centaines d'hommes et de femmes. De telles décisions doivent être prises avec l'assentiment du peuple.

Mais la formule retenue est ambiguë et semble faire référence non à l'autorisation formelle du Parlement mais à une vague adhésion de l'opinion.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - La représentation nationale est la voix de la nation et elle est amenée à se prononcer sur les Opex. Avis défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Je m'étonne des propos des sénateurs de l'opposition. Ils ne cessent de dire que le Président de la République est omnipotent mais je leur rappelle qu'il est le chef des armées : il est bien normal qu'il s'implique dans les affaires militaires.

L'amendement sous-entend que l'on pourrait mener une politique de défense sans le soutien de la nation. C'est pourtant la condition de son efficacité, comme le souligne le cinquième paragraphe du rapport annexe.

Le rôle du Parlement dans la conduite des Opex a été renforcé, puisqu'il en est tenu informé et qu'il se prononce par un vote sur leur prolongation. Vous l'avez compris : ce n'est pas un vain mot que de requérir le soutien de la nation. Avis défavorable.

L'amendement n°53 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°93, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le septième alinéa du 1.1 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :

Ces engagements devront respecter la Charte de l'Organisation des Nations Unies.

M. André Vantomme.  - Les opérations militaires extérieures de la France doivent respecter la Charte de l'Organisation des nations unies. Notre amendement vise à confirmer nos choix antérieurs, à réparer un oubli et à conforter le rôle de l'ONU dans la préservation de la sécurité internationale : la France adresserait ainsi un message aux autres nations pour les dissuader de faire cavalier seul et de se lancer dans des aventures militaires.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Nous nous sommes déjà expliqués sur ce point. Avis défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Même avis.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°93, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Compléter le 1.1 du rapport annexé par un alinéa ainsi rédigé :

Les institutions d'une gouvernance mondiale peinant à se mettre en place pour répondre aux défis relatifs à ce nouveau contexte, la France doit prendre en conséquence les initiatives permettant d'encourager le développement des fonctions de médiation et de prévention au sein de l'Union européenne.

Mme Dominique Voynet.  - Le rapport annexé élargit le concept de « stratégie de sécurité nationale » qui ne se résume plus à l'effort de défense. C'est difficile à admettre si cela conduit à accroître les pouvoirs du Président de la République mais c'est légitime si l'on considère que l'intelligence économique, la garantie de la sécurité des approvisionnements en énergie et en matières premières, les actions de prévention des conflits contribuent à notre sécurité. Comme cela est rappelé dans le rapport, le monde est devenu plus instable et plus imprévisible, et les évolutions de notre environnement peuvent être brutales. Tous les pays de la planète sont liés entre eux par le développement des technologies de l'information et des moyens de transports, les économies et les cultures s'interpénètrent, ce qui augmente les risques de propagation systémique des crises. Une crise financière aux États-Unis a eu dans le monde entier les effets économiques et sociaux que l'on sait. L'apparition d'un virus informatique fait craindre une contamination généralisée et celle d'un virus bien réel, comme le H1N1, une pandémie. Les conflits qui se déroulent à l'autre bout de la planète ont des conséquences jusque dans nos collectivités.

Nous avons donc besoin d'une gouvernance mondiale pour anticiper et circonscrire les crises.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Le rôle de l'Union européenne dans notre politique de défense est réaffirmé dans une autre partie du texte. D'ailleurs, nous ne voyons pas très bien ce que désignent les termes « fonctions de médiation et de prévention ». Avis défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Ce n'est pas le rôle de la loi de programmation militaire que de définir les modalités de la gouvernance mondiale. Avis défavorable.

L'amendement n°51 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi.

A la fin de la seconde phrase du premier alinéa du 1.2 du rapport annexé, remplacer les mots :

l'Union européenne, les Nations Unies et l'Alliance atlantique

par les mots :

les Nations Unies ainsi que les obligations qui découlent de notre appartenance à l'Union européenne et à l'Alliance atlantique

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Cet amendement n'est pas purement rédactionnel : il vise à distinguer les résolutions de l'ONU des obligations qui découlent de notre appartenance à l'Union européenne et à l'Alliance atlantique. Les unes et les autres peuvent entrer en conflit : M. le ministre ne m'a pas répondu sur le bombardement de la Yougoslavie dans lequel nous avons été entraînés par Mme Albright, qui cherchait à justifier l'existence de l'organisation militaire intégrée de l'Otan dix ans après la chute du mur de Berlin.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Tenons-nous en à la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale. Avis défavorable.

L'amendement n°19 rectifié n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°95, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le premier alinéa du 1.2.1 du rapport annexé par les mots :

destinée à protéger et défendre les populations et les territoires de l'Union européenne.

M. Daniel Reiner.  - Après l'échec de la Communauté européenne de défense en 1954 et des tentatives de consolidation de l'UEO dans les années 1980, la fin de l'affrontement des deux blocs et le traité de Maastricht ont remis sur la table le dossier de l'Europe de la défense. Le sommet franco-britannique de Saint-Malo, en décembre 1998, et le Conseil européen de Laeken, trois ans plus tard, ont fait avancer les choses.

Certes, la défense et la sécurité extérieure demeurent de la compétence des États. Mais les crises des années 1990 ont montré qu'ils ne pouvaient plus mener seuls de politique crédible en la matière. Suite au sommet de Saint-Malo, l'Union européenne s'est dotée en juin 1999 de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Le traité de Lisbonne, dans son article 42.2, dispose qu'il appartient aux États de « définir progressivement une politique de défense commune ».

Il n'est pas choquant que la représentation nationale définisse les ambitions de cette politique. Certes, comme l'a dit M. le ministre de la défense devant les députés, la France ne peut concevoir seule l'Europe de la défense. Mais rien n'empêche le Parlement de préciser que son principal objectif doit être la sécurité des États membres et de leur population, non l'expansion : il vaut mieux rappeler certaines évidences. D'ailleurs, même si l'Union a vocation à participer à la gestion des crises et au maintien de la sécurité internationale, la protection des Européens doit passer avant tout.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - M. le ministre l'a dit à l'Assemblée nationale : il n'appartient pas à la France de définir les objectifs de la politique européenne de sécurité et de défense. Cet amendement n'est qu'un voeu pieux. Avis défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Il est évident que la politique européenne de défense vise à protéger les peuples et les territoires européens. L'alinéa que l'amendement tend à modifier...

M. Daniel Reiner.  - A compléter.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - ...reflète les dispositions des traités européens. Avis défavorable.

Mme Dominique Voynet.  - Ce débat prend une allure curieuse : il semble que les sénateurs de l'opposition soient seuls disposés à faire valoir des arguments et des propositions. J'attends un minimum de bonne foi de la part de M. le président de la commission et de M. le ministre. Ils nous rétorquent que la France n'a pas à dicter ses instructions à l'Union européenne ; mais le paragraphe 1.2.1 du rapport énonce bien des objectifs : l'Union « doit s'affirmer comme un acteur majeur de la gestion des crises », elle « devra être en mesure de conduire simultanément deux à trois opérations de maintien ou de rétablissement de la paix », etc. M. le ministre a même accepté, à l'Assemblée nationale, un amendement disposant que « la France fera des propositions à ses partenaires afin de développer un esprit de défense européen ». J'ai pris soin de reprendre ce genre de formulation : il s'agit de prendre des initiatives, non de donner aux autres des instructions.

Je ne vois pas la solidité de l'objection selon laquelle cet amendement serait trop « autoritaire » alors même que tout ce paragraphe est rédigé sur ce ton.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Je n'admets pas vos remarques sur notre bonne ou notre mauvaise foi. Nous n'avons pas la même conception de la défense nationale. C'est tout !

L'amendement n°95 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°54, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Au début du troisième alinéa du 1.2.1 du rapport annexé, ajouter les mots :

Conformément à la décision du Conseil européen d'Helsinki,

Mme Dominique Voynet.  - Cet amendement précise d'où vient l'affirmation selon laquelle une force européenne de 60 000 hommes doit être développée. La décision avait été prise au sommet de Saint-Malo en 1998 par Tony Blair et Jacques Chirac, puis confirmée en 1999 lors du Conseil européen d'Helsinki. Ce chiffre de 60 000 ne sort pas d'un chapeau, il a été validé par nos partenaires européens.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Amendement à la fois lapidaire et inutile. Il propose une référence au Conseil européen d'Helsinki mais oublie qu'il y a eu depuis lors d'autres jalons importants dans la PESD. Il faudrait aussi citer le Conseil de Bucarest, en décembre dernier, qui a assigné un niveau d'ambition très précis à l'UE dans de nombreux domaines. Avis défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Nous pensons, en toute bonne foi, qu'il n'est pas nécessaire d'être exhaustif et d'énumérer tous les conseils européens. Avis défavorable.

L'amendement n°54 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°97, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le troisième alinéa du 1.2.1 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :

La France propose la création d'une cellule de planification et de commandement européenne autonome.

M. Didier Boulaud.  - Est-ce que les dispositions du traité de Lisbonne -clause de solidarité et d'assistance mutuelle, coopération structurée permanente- permettront à la PESD de franchir un nouveau cap et à l'Union de renforcer ses capacités de défense et de gestion de crise ? C'est souhaitable. Un Livre blanc européen permettrait de bien définir tous les enjeux ; avoir fait un Livre blanc franco-français était une erreur et une occasion manquée. Bien entendu, il faut mutualiser certains moyens opérationnels mais, surtout, il faut travailler à la montée en puissance des capacités européennes de planification et de conduite d'opérations.

Les problèmes que rencontre la défense européenne, ce sont les problèmes de l'Europe elle-même : manque d'identité européenne, donc manque de volonté d'une politique extérieure commune, donc pas de financement d'une défense commune. Ceux qui ont la volonté de construire l'Europe de la défense n'ont pas assez d'argent. Ceux qui ont de l'argent n'ont pas la volonté de la construire. La France doit contribuer à casser ce cercle vicieux.

Cette situation évoluera. Toutefois, nous réaffirmons que la défense européenne ne se construira que dans l'Union européenne et non pas à l'extérieur, ni dans l'Otan ni ailleurs. La réintégration de la France dans le commandement intégré de l'Organisation ne doit pas signifier l'abandon d'une politique de sécurité et de défense au sein de l'Union européenne dotée de moyens propres lui permettant l'autonomie de décision et, le cas échéant, l'autonomie d'action.

Nicolas Sarkozy avait garanti que la réintégration dans le commandement intégré de l'Otan serait liée à l'approfondissement de la politique européenne de sécurité et de défense. Or la Grande-Bretagne est obstinément opposée à cette politique. La réintégration pleine et entière dans l'Otan a donc été prématurée, elle ne reposait que sur la seule volonté de Nicolas Sarkozy de s'aligner sur Georges Bush.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Si l'on attendait le ralliement de la Grande-Bretagne ou de chacun de nos 26 partenaires à nos thèses, on attendrait longtemps, ce qui est contradictoire avec votre hâte de voir se concrétiser une politique commune. Le problème n'est pas tant de créer une cellule de planification et de conduite d'opérations, qui existe déjà au sein de l'état-major européen, que de la renforcer. C'est pourquoi le rapport annexé a repris les termes qui avaient été proposés au cours de la présidence française et été agréés par le Conseil européen de décembre à Bucarest, lequel a adopté une définition très précise du nombre, de la nature et du volume des opérations que l'Union devra être en mesure de planifier et de conduire simultanément. La rédaction du rapport annexé est satisfaisante puisqu'elle indique que « les capacités européennes de planification et de conduite d'opérations, militaires et civiles, monteront en puissance » en se référant au niveau d'ambition de l'Union. L'amendement est donc satisfait par le texte actuel. Retrait sinon rejet.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Même argumentation. La rédaction actuelle est satisfaisante. La France prendra les initiatives nécessaires pour réaliser l'objectif de « montée en puissance » mais le problème est de convaincre tous nos partenaires. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Les propos de M. Boulaud sur la politique du Président de la République m'ont choqué. Tous ceux qui connaissent l'état des discussions au sein de l'Europe élargie savent bien que l'idée d'une cellule autonome sera récusée, notamment par ceux qui ont voulu entrer dans l'Otan, la Pologne ou la Roumanie par exemple. Cet amendement démolirait toute une politique qui consiste à réintégrer le commandement militaire de l'Organisation tout en recherchant la mise en place d'unités européennes. Nous ne voterons pas cet amendement provocateur. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

M. Didier Boulaud.  - Je vous remercie, monsieur Fourcade. Pour la première fois depuis hier, un sénateur de la majorité aborde enfin un problème au fond, le souci des autres étant de faire passer ce texte à la va-vite et de le voter conforme.

Ce n'est pas moi qui ai fait des promesses aux Français, disant que la mise en place de la PESD serait la condition sine qua non de notre retour au commandement intégré de l'Otan. Ce n'est pas moi, c'est Nicolas Sarkozy. Il s'était engagé explicitement et fermement.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Vous ne pouvez nous reprocher d'examiner ce texte à la va-vite ! Ces amendements, vous en avez déjà longuement débattu en commission et, ici, vous y revenez avec les mêmes arguments. C'est de l'obstruction...

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Je vous remercie, monsieur Boulaud, de nous donner l'occasion de vider notre querelle sur l'existence, ou la non-existence, de la PESD. D'après vous, elle n'existe pas et nous aurions conclu un marché de dupes en réintégrant pleinement l'Otan. C'est inexact d'affirmer qu'il n'y a pas même l'embryon d'une PESD. Depuis le sommet de Bucarest, elle a fait de grands progrès. Il y a un grand nombre de programmes d'armement communs et il existe une agence européenne de l'armement déjà très efficace, par exemple dans les domaines des hélicoptères ou des satellites.

Par ailleurs, vous n'avez pas écouté ce qu'a dit M. Boutant sur l'action de l'Union dans la lutte contre la piraterie maritime.

La force d'intervention européenne sous commandement d'un amiral anglais a obtenu des résultats non négligeables dans la lutte contre la piraterie maritime. Prétendre que rien n'est fait en ce qui concerne la politique européenne de sécurité et de défense, c'est pousser le trait un peu loin ! De même, 21 opérations extérieures ont été menées, et la dernière au Tchad avec l'Eufor a été particulièrement efficace.

Ayant l'occasion de rencontrer régulièrement les présidents des commissions de défense de l'Union, j'ai constaté qu'un certain nombre de pays qui, au départ, étaient assez réfractaires à l'idée d'une politique européenne de sécurité et de défense, sont maintenant d'accord pour en établir une. Ainsi, la Pologne a participé à l'Eufor et l'Irlande, pays neutre qui n'appartient pas à l'Otan, y a également joué un rôle déterminant puisque le commandant de l'Eufor était un général de division irlandais.

Enfin, les Russes légitiment notre politique européenne de sécurité et de défense : très récemment, le chef d'état major de l'armée de l'air française a rencontré son homologue russe qui lui a dit sa satisfaction d'avoir participé à l'Eufor, ce qu'il n'aurait pas fait si cette opération avait été menée par l'Otan.

Certes, il faut encore aller de l'avant, mais je me réjouis de voir que l'initiative du Président de la République porte ses fruits. Il est capital pour l'Union qu'il y ait un pôle européen de sécurité et de défense qui, au sein même de l'Otan, puisse équilibrer la puissance américaine.

Alors, de grâce, ne dites pas que rien n'a été fait, car c'est une contrevérité. (Applaudissements à droite)

Mme Dominique Voynet.  - Je n'ai pas compris si M. le ministre regrette que le débat ait eu lieu en commission ou ici. (Exclamations à droite) Pour ma part, j'estime qu'il doit avoir lieu en commission et en séance publique.

M. le président de la commission a rappelé un point important sur lequel nous sommes tous d'accord : il est en effet capital que l'Europe se dote d'une politique étrangère de sécurité et de défense. Il nous a reproché d'avoir dressé la liste des conseils européens qui avaient contribué à sa mise en place...

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Non, de ne pas l'avoir fait !

Mme Dominique Voynet.  - Vous avez cédé à la tentation de rappeler toutes les opérations qui témoignent de son existence : personne ne dit qu'il n'y a pas de politique étrangère de sécurité et de défense européennes...

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Mais si !

Mme Dominique Voynet.  - En revanche, la création d'une cellule de planification et de commandement européenne autonome est indispensable. D'ailleurs, le Président de la République en avait fait un objectif majeur de la présidence de l'Union. Il faut donc que cet objectif figure dans la loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

L'amendement n°97 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse.

Compléter la deuxième phrase du quatrième alinéa du 1.2.1 du rapport annexé par les mots :

qu'il faudra doter des moyens d'action propres à le rendre opérationnel 

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Nous devons marquer notre volonté d'avancer : toutes les opérations extérieures dont il a été question sont méritoires, mais elles ne suffisent pas à manifester l'existence d'une politique européenne de sécurité et de défense. Je rappelle à M. de Rohan qu'en 1900 une coalition européenne menée par le maréchal allemand von Waldersee, prenait Pékin et saccageait le Palais d'été. Nous ne voulons pas en revenir à ces excès coupables et condamnables, mais nous voulons que l'Europe dispose d'un état major consistant pour se défendre, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Je rends hommage aux convictions européennes de M. Chevènement et j'aurais aimé être favorable à son amendement. J'ai tout lieu de connaître l'épisode auquel il a fait allusion : mon grand-père a d'ailleurs participé à la guerre des Boxers et il est revenu de Pékin avec quelques souvenirs... Il y a effectivement eu une coopération militaire à cette époque.

Comme les arguments qu'il a utilisés sont ceux de Mme Voynet, je ne puis être favorable à cette étrange coalition ni à son amendement.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Je remercie M. Chevènement d'enrichir le débat par ces rappels historiques. Je partage ses objectifs mais il n'est pas possible d'adopter son amendement car nous devons au préalable avoir convaincu la totalité de nos partenaires européens, ce qui est parfois difficile.

M. Daniel Reiner.  - Vous nous faites un faux procès : nous n'avons jamais prétendu que la politique européenne de sécurité et de défense n'existait pas ! En revanche, la multiplication des opérations ne fait pas une politique : encore faut-il la conduire de manière autonome. Nous ne voulons pas être les sous-traitants de l'Otan. C'est pourquoi nous avons besoin de moyens opérationnels et d'une cellule de planification et de commandement autonome. M. Chevènement était aux commandes au moment où la première brigade franco-allemande a été créée, ce qui était l'amorce de la politique actuelle. Avec ce texte, nous avons l'occasion de faire mieux. Saisissons cette chance !

L'amendement n°20 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°55, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Compléter l'avant dernier alinéa du 1.2.1 du rapport annexé, par les mots :

, et prendre en conséquence des initiatives pour développer ses capacités de médiation et d'intervention pacifique.

Mme Dominique Voynet.  - Je veux revenir sur ce qu'a dit M. de Rohan me concernant : nous sommes tous égaux, mais certains ici semblent plus égaux que les autres puisque, si j'en crois les propos de M. le rapporteur, un amendement présenté par son ami Jean-Pierre Chevènement ne serait pas acceptable parce que j'aurais pu en partager l'objectif.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Je disais simplement qu'il s'agissait d'une étrange conjonction !

Mme Dominique Voynet.  - Cela va loin ! Je ne sais si vous avez maîtrisé vos propos, mais c'est assez inquiétant. J'espère que le compte-rendu rendra compte fidèlement de cet échange et ne procèdera pas à une réécriture émolliente.

M. Michel Charasse.  - Le compte-rendu est intégral, ce qui n'arrange pas toujours certains...

Mme Dominique Voynet.  - J'en reviens à l'amendement : à l'entendre, M. le rapporteur ne voit pas très bien ce que recouvrent les fonctions de médiation et de prévention : il va certainement faire de la peine à Gisèle Gautier et à d'autres sénateurs qui contribuent aux travaux de la Coordination internationale de la décennie pour la paix, initiative de l'ONU soutenue par des parlementaires de tous bords. Nous devrions nous garder de plaider dans certaines instances pour la paix et la prévention des conflits et, dans d'autres, de prétendre que nous ne voyons pas à quoi ces concepts renvoient.

Il convient donc de préciser que notre pays prendra des initiatives pour développer les capacités de médiation et d'intervention pacifique car le rôle d'une politique de sécurité et de défense est autant de prévenir les conflits que de les circonscrire. Il est donc primordial de favoriser l'émergence d'une culture de la paix fondée sur les principes de liberté, de justice, de démocratie et de tolérance. Nous devons donc développer toutes les opportunités de négociation et de dialogue entre les peuples et leurs représentants en nous appuyant sur l'ONU et ses différentes institutions. La France pourrait même militer auprès de l'ONU pour que soit créée une agence spécialisée dans la médiation et la prévention. Les ONG font un travail remarquable sur le terrain. : pour protéger la paix, il est indispensable d'amplifier, de relayer et d'institutionnaliser ces actions.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Je tiens à rassurer Mme Voynet : les comptes-rendus dans cette maison ne sont absolument pas émollients. J'assume totalement mes propos : j'avais innocemment fait remarquer qu'il y avait une convergence entre votre amendement et celui de M. Chevènement et que ce fait était suffisamment rare pour être souligné.

Je suis défavorable à cet amendement pour des raisons déjà exposées.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Ce projet de loi évoque largement la fonction stratégique de la prévention. Cet amendement est donc satisfait : avis défavorable.

Mme Dominique Voynet.  - Je n'avais pas compris que c'était M. Chevènement que vous souhaitiez taquiner : j'avoue que c'est tentant. Il est suffisamment rare que nos points de vue convergent pour que le Gouvernement et la commission dressent l'oreille et portent une attention particulière à nos propositions.

L'amendement n°55 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°130, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du 1.2.2. du rapport annexé :

La rénovation des concepts stratégiques de l'Otan ne peut se concevoir que dans la perspective de l'élaboration d'une politique européenne de sécurité de défense.

Mme Michelle Demessine.  - Depuis la dissolution du Pacte de Varsovie, l'Otan tente d'élaborer de nouveaux concepts stratégiques ; l'alliance défensive se trouve en effet privée du seul adversaire qu'elle avait identifié. Les nouveaux risques qu'elle désigne, les nouvelles menaces, sont conformes aux conceptions américaines. L'objectif est de transformer l'Otan en une alliance globale, tous azimuts, au périmètre toujours croissant, une instance susceptible de se substituer à l'ONU en cas de défaillance de celle-ci. La nomination d'un officier général français au commandement de la transformation à Norfolk ne changera pas grand-chose.

Nombre de pays et de peuples voient du reste cette organisation comme un bras armé au service d'un interventionnisme hégémonique. Et la PESD peine à s'élaborer, contrairement à ce qu'affirme le président de la commission. La présidence française de l'Union n'a pas tenu ses promesses, aucun progrès décisif n'a été enregistré en matière de défense, ni création d'un état-major permanent, ni création d'une agence européenne d'armement. La politique européenne doit s'émanciper de l'Otan, et non devenir le sous-traitant de celle-ci. Elle doit privilégier la prévention des crises, l'apaisement des conflits, le respect du droit international et des résolutions de l'ONU.

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi.

I. - Dans la première phrase du premier alinéa du 1.2.2 du rapport annexé, remplacer les mots :

ira de pair avec

par le mot :

implique

II. - Dans la deuxième phrase du même alinéa, remplacer les mots :

elles sont

par les mots :

elles doivent être

III. - Rédiger comme suit la dernière phrase du même alinéa :

Le renforcement de la politique de sécurité et de défense commune est la condition de rénovation de l'Otan.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Nous répétons ce que disait déjà le président Kennedy il y a cinquante ans : l'Alliance atlantique doit reposer sur deux piliers. La rénovation de l'Alliance implique la constitution d'une défense européenne. Les deux « doivent » être complémentaires -cela ne va pas de soi ! Nos amendements sont le fruit d'une démarche solide, réaliste, qui nous avait d'ailleurs été « vendue » par le Président de la République mais n'a pas été concrétisée. Je me rallie à la rédaction proposée par Mme Demessine, de bon sens, modérée et meilleure que la mienne.

L'amendement n°21rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°56, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.

I. - A la première phrase du premier alinéa du 1.2.2 du rapport annexé, remplacer les mots :

qui ira de pair avec

par le mot :

impliquant

II. - Rédiger comme suit la deuxième phrase du même alinéa :

L'Otan et l'Union Européenne, complémentaires, sont toutes deux nécessaires face aux menaces et aux crises.

III. - Rédiger comme suit la dernière phrase du même alinéa :

Le renforcement de la politique de sécurité et de défense commune est la condition de la rénovation de l'Otan.

Mme Dominique Voynet.  - En approuvant le rapport annexé à l'article 2, vous avez validé la stratégie définie dans le Livre blanc. Comment croire pourtant que la rénovation de la relation transatlantique pourrait favoriser une relation équilibrée, entre la PESD et l'Otan d'une part, entre l'Otan et les pays non membres d'autre part ? Un concept stratégique n'est pertinent que s'il est adapté aux situations à venir -changement climatique, tensions sur les ressources énergétiques, monde multipolaire, terrorisme radical- et pas seulement issu des crispations du passé et de la guerre froide.

Le commandement intégré favoriserait l'émergence d'une véritable défense européenne, clame-t-on. Or ce n'est pas la position originale de la France qui l'a freinée mais la résistance de nos partenaires européens, persuadés que l'Otan leur offre une protection suffisante et soucieux de maintenir une relation privilégiée avec les États-Unis.

Le retour dans le commandement intégré risque d'entraver la prévention des conflits, la réponse diplomatique plutôt que militaire. La France doit continuer à militer pour le développement d'une défense européenne afin d'être en mesure de répondre aux défis à venir et d'oeuvrer pour la prévention et la médiation, non pour des solutions alimentant l'idée d'un choc des civilisations.

La défense européenne est un moyen incontournable de consolider la relation transatlantique. Je me rallie à la position de M. Chevènement, au risque de vous faire craindre des fraternités suspectes...

M. Didier Boulaud.  - Elles n'existent pas à droite !

Mme Dominique Voynet.  - Et je soutiens la rédaction de Mme Demessine.

L'amendement n°56 est retiré.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Le renforcement des capacités européennes de défense ne peut qu'être bénéfique. Des signes ont été donnés, déjà, et la révision des postes de commandement, la nomination du général Abrial sont la marque d'un rééquilibrage. Les Européens deviennent plus volontaires en matière de défense. La PESD et l'Otan sont complémentaires. Nous ne savons pas ce que sera demain la politique européenne de défense, nous l'espérons consistante mais une chose est sûre : si elle apparaissait comme une politique de substitution, pire, comme une politique antagoniste par rapport à l'Otan, elle ne verrait jamais le jour.

Mme Michelle Demessine.  - Restons un sous-traitant, donc.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Depuis 1949, le parti communiste nous chante la même chanson, « US go home ». Vous avez toujours été hostiles à l'Otan. Vous avez, madame Demessine, le mérite de la constance. Tel n'est pas le cas de M. Chevènement qui a, comme ministre de la défense, participé à un grand nombre de conseils de l'Otan (M. Jean-Pierre Chevènement s'étonne) ; il a donc accepté l'Otan. Vous réduisez en outre la question de la relation transatlantique à la seule PESD. Et la révision des concepts stratégiques ? Et l'allégement des structures demandé par la France et les États-Unis ? Vos amendements ne les prennent pas en compte. Défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Je vous sais sincère, madame Demessine, lorsque vous affirmez que la présidence française de l'Union n'a pas été un succès.

M. Didier Boulaud.  - Nous parlons de la défense.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Mais tous nos partenaires ont souligné l'engagement et la détermination du Président de la République. Et un officier général français -actuellement chef d'état-major de l'armée de l'air, un professionnel de grande qualité- a été nommé à une fonction stratégique au sein de l'Otan. Renforcer la PESD, renforcer l'Otan, ce sont là deux aspects d'une même démarche, tous deux nécessaires à notre sécurité et à notre action sur la scène internationale. Rejet.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Il me faut rappeler à M. de Rohan qu'à l'époque où j'exerçais cette fonction, le ministre de la défense français ne siégeait pas au conseil des ministres de l'Alliance atlantique. C'est seulement au début des années 90 que François Mitterrand a interrompu cette politique d'abstention. Mais j'ai entretenu de bonnes relations avec mon homologue de Washington, M. Carlucci, et j'ai aussi tenté de convaincre M. Cheney, en octobre 1990, de ne pas briser l'échine de l'Irak car cela ne pouvait que renforcer du même coup le poids de l'Iran dans la région. A cette date, je pouvais encore espérer que le bon sens l'emporterait. Hélas, ce ne fut pas le cas.

L'amendement n°130 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°96, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après la deuxième phrase du premier alinéa du 1.2.2 du rapport annexé, insérer une phrase ainsi rédigée :

Toutefois, la politique européenne de sécurité et de défense commune est autonome.

M. Jacques Berthou.  - L'Union européenne n'est pas de même nature que l'Otan et il importe d'affirmer l'autonomie de la PESD. La nouvelle politique conduite par le Président de la République nous place à la remorque de l'Alliance atlantique. L'Union européenne doit-elle être tributaire de la rénovation de l'Otan ?

L'amendement vise à préserver une politique européenne autonome. Celle de la France, originale et volontaire, a permis à la défense européenne de grandir. L'Union européenne n'est pas une entité militaire, il ne doit pas y avoir de confusion. Privée de moyens autonomes, la politique européenne de sécurité et de défense ne sera toujours qu'un appendice de l'Otan. Sans rejeter les complémentarités, on doit donc tenir compte des différences entre les États-Unis et l'Europe : la politique européenne de sécurité et de défense doit être autonome pour exister.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - L'autonomie de l'Union européenne résulte des traités et les opérations qu'elle a menées l'ont été volontairement. Cet ajout n'apporte rien à l'ambition affirmée dans le rapport annexé. Vingt-et-un membres de l'Union appartenant à l'Otan, il doit y avoir compatibilité entre les deux.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Cela va de soi. Il y a autonomie et complémentarité avec l'Otan.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le débat doit donner l'occasion d'un échange approfondi. Cet amendement est de bon sens. Les États-Unis souhaitent-ils une politique européenne de défense vraiment autonome ? Il suffit de lire L'Amérique face au monde, publié l'an dernier, pour constater que MM. Brzezinski et Scowscroft souhaitent un meilleur partage du fardeau mais pas une défense autonome qui ferait de l'ombre à leur pays. C'est dit tout à fait clairement. Le mot complémentaire ne doit pas prêter à confusion, nous visons un partage des responsabilités.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Il faut, en effet, préciser les choses. Les États-Unis et nous-mêmes considérons que certains pays n'assument pas leurs responsabilités. Le parapluie américain leur suffit et ils n'inscrivent pas de dépenses militaires à leur budget. Nous souhaitons donc, nous aussi, un meilleur partage du fardeau. Les États-Unis accepteraient-ils ou non une Europe de la défense ? Je rappelle qu'à Bucarest, le président Bush s'est prononcé favorablement, et la présente administration l'a confirmé. Ce ne sont pas les États-Unis qui s'opposent à la politique européenne de sécurité et de défense, mais les Vingt-sept qui sont pusillanimes : le vrai débat est au sein de l'Europe mais la position de la France ne souffre d'aucune ambiguïté.

L'amendement n°96 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

I. - Dans le second alinéa du 1.2.2 du rapport annexé, remplacer les mots :

s'effectue

par les mots :

ne peut s'effectuer que

II. - Dans le même alinéa, après les mots :

principes suivants :

insérer les mots :

autonomie de nos concepts doctrinaux ;

M. Jean-Pierre Chevènement.  - La pensée précède l'action. C'est ainsi que nous avons refusé de participer à l'invasion de l'Irak parce nous pensions qu'il n'y avait pas d'armes de destruction massive et que l'on n'apporte pas la démocratie à la tête des missiles. Nous avons une doctrine autonome et nous devons préserver cette autonomie de pensée. Tout le reste en découle.

M. le président.  - Amendement identique n°57, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Mme Dominique Voynet.  - Cet amendement jumeau se situe dans le prolongement de ceux que j'ai défendus pour une politique européenne de sécurité et de défense complémentaire mais autonome dans ses fondements.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - L'autonomie de nos conceptions doctrinales est clairement posée et la France ne peut jamais être contrainte à participer à la moindre opération.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Le Livre blanc le souligne, l'engagement de la France dans l'Otan n'altère pas son autonomie qui apparaît dans sa liberté de décider l'engagement. Rejet.

Les amendements identiques nos22 rectifié et 57 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°58, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

Au début du 1.2.3 du rapport annexé, ajouter deux alinéas ainsi rédigés :

La France prendra des initiatives permettant de relancer un processus coordonné de réduction du nombre de têtes nucléaires et de démantèlement des arsenaux nucléaires. Elle participera activement aux efforts de réduction et de maîtrise des armements dans l'optique d'un désarmement général et complet.

La France veillera notamment à l'universalisation du traité de non prolifération et à celle du traité international d'interdiction des essais nucléaires. Elle soumettra, à la conférence d'examen du Traité de non prolifération de 2010 et lors des réunions préparatoires, des propositions pour renforcer le régime de non-prolifération.

Mme Dominique Voynet.  - Ces deux aliénas soulignent la nécessité pour notre pays de prendre des initiatives afin de réduire le nombre de têtes nucléaires et de veiller à la non-prolifération. La France a déjà pris sa part de ce chantier, mais on peut aller plus loin. Les menaces ont évolué depuis l'élaboration de la doctrine de dissuasion nucléaire. Dans la perspective de la conférence d'examen du traité de non-prolifération nucléaire, et comme l'a préconisé le président américain à Prague, le désarmement complet reste à l'ordre du jour. Il faut donc l'envisager plus concrètement. Le traité de non-prolifération date de 1969 mais la France en bafoue ouvertement l'article 6 qui engage chacune des parties à poursuivre de bonne foi et de manière effective le désarmement nucléaire, sous contrôle international strict et efficace. Pour y parvenir, nous devons montrer notre volonté de réduire notre propre arsenal et de développer la coopération internationale.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Cet amendement est largement satisfait par le plan d'action européen de désarmement initié par le Président de la République pendant la présidence française, transmis au secrétaire général de l'ONU et largement diffusé en vue de la conférence d'examen de 2010. Ce plan est plus complet que l'amendement puisqu'il insiste sur le futur traité. Enfin, la référence à un processus coordonné de réduction des têtes nucléaires n'est guère appropriée quand les États-Unis et la Russie possèdent 95 % des stocks et que les autres arsenaux sont sans commune mesure. Je vous renvoie aux propos extrêmement pertinents qu'a tenus hier M. Chevènement sur ce sujet...

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Il n'a pas échappé à Mme Voynet que la France est exemplaire en matière de désarmement nucléaire. Oui, elle a été le premier État à signer et à ratifier le traité d'interdiction complète des essais : elle est le premier État à avoir réduit des installations de production de matière fissile et démantelé ses missiles sol-sol, le premier aussi à avoir réduit d'un tiers ses sous-marins nucléaires lanceurs d'engin. A Cherbourg, le 21 mars 2008, le Président de la République a annoncé en outre une réduction d'un tiers de la composante aéroportée en matière d'armement nucléaire. Oui, la France est exemplaire et nous rejetons cet amendement inutile.

Mme Dominique Voynet.  - Puisque M. le ministre a légitimement rappelé les efforts déployés par notre pays pour donner le bon exemple en matière de dénucléarisation, je ne vois pas pourquoi nous renoncerions à expliciter dans la loi notre volonté de poursuivre ces efforts alors que le texte insiste, parfois de manière redondante, sur certains points secondaires. De plus, l'amendement est rédigé de manière raisonnable de façon à être adopté par l'Assemblée. Je le maintiens donc.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

I. - Rédiger comme suit la première phrase du 1.2.3 du rapport annexé :

La France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, entend agir pour faire respecter les principes du droit international, dont le premier est l'autodétermination des peuples et pour soutenir les résolutions de l'Organisation des Nations Unies.

II. - Au début de la troisième phrase, supprimer les mots :

Membre permanent du Conseil de sécurité,

III. - Dans la quatrième phrase, remplacer les mots :

s'engage à ce titre en faveur d'

par le mot :

soutient

IV. - Compléter la même phrase par les mots :

sans nuire à son bon fonctionnement qui implique un plafonnement du nombre de ses membres

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Rappelons clairement, et non au détour d'une phrase, que la France est membre permanent du Conseil de sécurité de l'Otan et qu'elle agit, à ce titre, pour faire respecter les principes du droit international, au premier rang desquels celui d'autodétermination des peuples, et pour faire appliquer les résolutions de l'ONU, plutôt que d'écrire que « le multilatéralisme est au coeur de la politique de la France ». Le multilatéralisme n'est pas une politique mais une méthode ; le soutien au droit international en revanche en est une.

Ensuite, pour assurer le bon fonctionnement de l'ONU, il faut limiter le nombre des membres de son Conseil de sécurité. A 20, le Conseil sera difficile à gouverner ; à 25, il sera ingouvernable... Que se passera-t-il si l'on ouvre la porte à toutes les demandes ? L'Allemagne veut en faire partie, soit ; mais l'Italie aussi. La France soutient le Brésil, mais le Mexique et l'Argentine sont également candidats. Deux pays africains seraient inclus dans la liste des membres permanents, mais lesquels ? La Chine ne veut pas du Japon, de l'Inde non plus, semble-t-il. L'affaire est très compliquée. Aussi, tenons-nous en au bon sens et plafonnons le nombre des membres permanents.

Le sous-amendement n°137 n'est pas défendu.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Également. Monsieur le ministre, quels que soient ses défauts et ses difficultés, la voie du multilatéralisme est la plus légitime et la plus prometteuse. Le multilatéralisme est un principe fondateur de notre politique de défense sur lequel il n'est pas opportun de revenir.

L'amendement n°23 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

Rédiger comme suit le troisième alinéa du 1.3 du rapport annexé :

La dissuasion a pour fonction d'empêcher une agression d'origine étatique contre les intérêts vitaux de la nation, d'où qu'elle vienne et quelle qu'en soit la forme. Longtemps fondée sur l'accumulation d'armes de destruction massive, notamment nucléaires, elle pose des problèmes insurmontables dans un monde multipolaire, notamment en termes de prolifération. Sa fonction et ses modalités doivent être profondément revues, afin de prévenir les conflits avant qu'ils n'éclatent, au niveau de l'Union européenne et des Nations unies.

Mme Dominique Voynet.  - La stratégie de dissuasion nucléaire, l'une des cinq grandes fonctions stratégiques définies par le Livre blanc, se justifiait dans le contexte de la guerre froide face à un ennemi potentiel identifié. Les réalités géopolitiques et les menaces qui pèsent aujourd'hui sur les États démocratiques ayant changé, elle se révèle inefficace, sans compter qu'elle présente de graves inconvénients au premier rang desquels la prolifération. Son coût élevé compromet également le développement des forces d'interposition et de maintien de la paix, ainsi que la contribution française à l'Europe de la défense.

Ensuite, le terme renvoie, à la suite d'un usage galvaudé, à une dissuasion strictement nucléaire. Issu du latin dissuasio -action de dissuader, de détourner-, dérivé du verbe dissuadere -déconseiller, dissuader, détourner-... (M. André Dulait ironise)

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Oh la la !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Ce n'est pas un débat !

Mme Dominique Voynet.  - ...le terme de dissuasion signifie prévenir un acte en persuadant l'acteur concerné que les coûts d'une telle action excèdent ses bénéfices ; coûts directs dans le cas de la dissuasion par interdiction ou indirects dans celui de la dissuasion par représailles. La conceptualisation de cette notion remonte à la naissance de la criminologie moderne et aux travaux des philosophes Cesare Beccaria et, surtout, ceux de Jeremy Bentham et à sa doctrine de l'utilité sociale de la peine (marques d'impatience à droite) qui le conduisit à proposer le terme de determent -la punition comme moyen de décourager le crime-, resté en usage courant dans la langue anglaise jusque dans les années 1950.

Cet amendement vise donc à supprimer un terme souvent utilisé de manière particulièrement restrictive.

M. le président.  - Amendement n°127, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit le troisième alinéa du 1.3 du rapport annexé :

La dissuasion a pour fonction d'empêcher une agression d'origine stratégique contre les intérêts vitaux du pays. Dans le monde multipolaire qui est le nôtre, la prolifération nucléaire ne permet pas de prévoir l'origine d'une agression. Il est impératif de changer notre doctrine d'emploi de l'arme nucléaire et de ne l'utiliser qu'après avoir épuisé, dans les instances internationales, toutes les possibilités de prévention d'un conflit.

Mme Michelle Demessine.  - Le premier chapitre du rapport annexé propose une définition trop générale de la dissuasion nucléaire. Sa fonction première serait « d'empêcher une agression d'origine étatique contre nos intérêts vitaux ». Soit, mais qu'entend-on par « intérêts vitaux » ? La sécurité de nos approvisionnements énergétiques ? La question est d'importance quand les accords de défense avec l'émirat d'Abu Dhabi, récemment signés, pourraient nous conduire à en faire usage si d'aventure l'Iran s'avisait d'entraver la circulation maritime dans le golfe arabo-persique. Il faut adapter notre doctrine de la dissuasion nucléaire, telle qu'elle a été élaborée au temps de la guerre froide, aux réalités d'aujourd'hui, en écrivant que la France s'engage à ne l'utiliser qu'en dernier recours.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Nous sommes pour la dissuasion nucléaire, les auteurs de ces amendements sont contre, donc défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Ces amendements, contraires à toute notre politique de défense, doivent être rejetés. Il appartient au rapport annexé à la LPM de modifier la doctrine de la dissuasion nucléaire qui relève du Président de la République.

Mme Dominique Voynet.  - C'est un peu court !

J'ai volontairement laissé de côté les arguments éthiques qui suffisent, aux yeux d'un grand nombre de nos concitoyens, à disqualifier le recours à l'arme nucléaire pour m'en tenir à des arguments compatibles avec votre raisonnement : une arme utilisée en dernier recours qui n'a pas vocation à être utilisée. Est-ce que cette arme coûteuse, « proliférante », nous protège des menaces terroristes, économiques ou informatiques et garantit notre approvisionnement énergétique ? A cette question sérieuse, vous ne répondez pas. Est-il justifié de dépenser des sommes aussi considérables en courant le danger de générer de nouveaux risques ? Je pense, notamment, au risque de prolifération, de mésusage lié à la circulation et à la vente des cerveaux qui disposent des moyens de doter d'autres États, d'autres forces ou d'autres groupes terroristes de l'arme nucléaire. Vous fuyez la discussion, j'attends des réponses !

M. François Trucy.  - Utopiste !

Mme Dominique Voynet.  - J'entends qu'on me lance le terme d'utopiste du côté droit de l'hémicycle comme une insulte, mais je m'en honore ! (M. François Trucy proteste) Qui aurait dit, il y a trente ans, que les moyens consacrés à la dissuasion nucléaire auraient été autant réduits ? Est-il si dangereux, si difficile de s'interroger sur cette arme, aussi efficace que la ligne Maginot en son temps ? Ce n'est pas un scandale que de poser la question quand on sait le nombre de milliards qui lui est consacré chaque année !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Madame Voynet, nous avons tout de même le droit de ne pas être d'accord avec vous !

Mme Dominique Voynet.  - Votre argumentation est pathétique !

M. le président.  - Chers collègues, évitons les interpellations pour en revenir à un débat serein...

Mme Dominique Voynet.  - Il n'y a pas de débat !

M. le président.  - ...et laissez le président faire avancer la discussion.

L'amendement n°59 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°127.

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse.

A la fin de la seconde phrase du dernier alinéa du 1.3 du rapport annexé, remplacer les mots :

de l'Atlantique au golfe arabo-persique à l'océan Indien

par les mots :

du continent européen à l'Afrique, à l'arc de crise s'étendant de l'Atlantique à l'ouest de l'Afrique jusqu'à l'océan Indien, et à l'Asie

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je propose une autre définition des zones critiques pour la sécurité de la France en me fondant sur une logique d'intérêt national : d'abord, l'Europe où la France est située, puis l'Afrique où vivent la plupart des peuples francophones avant l'arc de crise s'étendant de l'Atlantique à l'ouest de l'Afrique jusqu'à l'océan Indien et, enfin, la lointaine Asie, cette zone vers laquelle se déplace le centre de gravité du monde qui, je le souhaite, saura résoudre pacifiquement ses conflits. La France ne doit pas s'engager dans des conflits qui la dépassent, comme elle le fait aujourd'hui. Cet ordre de priorité est différent de celui du Livre blanc qui, je le rappelle, n'a fait l'objet d'aucun vote. Or, en adoptant cette loi de programmation militaire, nous adoptons le Livre blanc qui, M. Morin l'a rappelé, est notre « feuille de route ».

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Défavorable. L'arc de crise décrit dans le Livre blanc est bien le lieu où se situent la plupart des conflits actuels.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°24 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

I. - Dans l'intitulé du 1.4 du rapport annexé, supprimer les mots :

et contrats

II.  - Dans la première phrase du premier alinéa du 1.4 du rapport annexé, supprimer les mots :

et en contrats

Mme Dominique Voynet.  - Il est défendu.

L'amendement n° 60, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

Supprimer le quatrième alinéa du 1.4 du rapport annexé.

Mme Dominique Voynet.  - Compte tenu de la richesse des arguments que m'oppose le Gouvernement sur le nucléaire, je n'insisterai pas. Le milliard concerné regarde les moyens mis à disposition de la sûreté nucléaire pour la maintenance d'équipements très coûteux et d'utilisation très improbable. Cela m'est l'occasion de revenir sur un amendement que vous n'aurez pas le plaisir de lire, puisque la commission des finances lui a opposé l'article 40 : il ne réduisait pourtant pas les moyens affectés à la dissuasion mais prévoyait de les affecter au démantèlement des sites et au recyclage des matières pouvant l'être. Le fait qu'on m'ait opposé l'article 40 montre bien que ce démantèlement entraînera des dépenses supplémentaires et je voulais insister sur le coût extravagant du démantèlement des armes anciennes, qui n'est pas suffisamment pris en compte : nous le verrons lorsque nous en viendrons à la question du retour à l'herbe des anciens équipements nucléaires.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Je m'en suis déjà expliqué. (Mme Dominique Voynet s'exclame) La dissuasion est l'axe le plus fort de notre politique de défense. Rejet.

L'amendement n°61 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi.

Dans le cinquième alinéa du 1.4 du rapport annexé, remplacer les mots :

en deux

par les mots :

plusieurs

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le rapport annexé prévoit, au titre de la prévention, que seuls deux points d'appui seront maintenus sur les façades occidentale et orientale de l'Afrique. D'un côté, ce sera, bien sûr, Djibouti, mais de l'autre ? Sera-ce Dakar ? Sera-ce Abidjan ? Port-Gentil ? Je ne parle pas du Tchad ni de la République centrafricaine, puisque nous n'y avons pas de base permanente. Ne conserver qu'un seul point d'appui sur la façade occidentale ne nous donnera pas les moyens d'exercer nos responsabilités vis-à-vis des jeunes régimes de ces riches et vastes régions où le problème de la construction de l'État est loin d'être résolu. Quant à l'Afrique centrale, y disposer d'une base me paraîtrait relever du simple bon sens.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - La rationalisation de nos forces permanentes est indispensable. La concentration sur deux bases, en Afrique, est un choix raisonnable, d'autant que nous créons une base dans les Émirats arabes unis. J'ajoute que nous avons signé avec les pays d'Afrique des accords de défense qui prévoient notre intervention en cas de menace. C'est bien ce que nous avons fait au Tchad, avec l'opération Épervier noir.

Notre politique consiste, avec l'appui de l'Union européenne, à développer nos capacités de maintien de la paix dans le cadre de l'Union africaine et des organisations régionales. Gardons-nous de nous exposer au reproche de néocolonialisme.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement souscrit à l'argumentation du rapporteur. Défavorable.

L'amendement n°25 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Dans la première phrase du dixième alinéa du 1.4 du rapport annexé, après les mots :

sécurité internationale

insérer les mots :

dans le cadre des résolutions du conseil de sécurité des Nations unies

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Les opérations de stabilisation doivent se placer dans le cadre des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, ou, le cas échéant, de la légitime défense de l'article 51. Je m'en suis déjà expliqué.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°26 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

A la fin de l'avant-dernier alinéa du 2.1.1.2 du rapport annexé, supprimer les mots :

A 400M et Atlantique 2

Mme Dominique Voynet.  - L'A400M revêt une importance cruciale pour notre politique de défense et notre stratégie industrielle. Sept nations, 180 appareils, 145 millions d'euros par avion livré : c'est considérable.

Le retard du programme est susceptible d'avoir des répercussions sur la capacité opérationnelle des forces armées européennes en général, et françaises en particulier, mais aussi les champions industriels de l'Europe de la défense que sont la société EADS et sa filiale Airbus.

Ce retard est estimé à quatre ans pour la première livraison. Il pourrait, dans le pire des cas, conduire à l'abandon pur et simple du programme, si j'en crois les propos récents du PDG d'EADS.

Le sauvetage du programme coûterait, selon les chiffres qui circulent dans les milieux aéronautiques, entre 7 et 8 milliards d'euros aux contribuables des pays concernés. Pour les Français, la facture pourrait se situer entre 2 et 2,5 milliards supplémentaires.

Les ministres de la défense des pays partenaires n'ont dégagé, le 22 juin à Séville, qu'un compromis a minima sur l'avenir de l'avion et se sont accordés un mois de réflexion supplémentaire : rien qui présage un bel avenir.

Je précise que cet amendement n'est pas de défiance mais de réalisme.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Il donnerait pourtant des arguments à ceux qui veulent se retirer du programme. La commission souhaite, au contraire, que ce programme, essentiel à nos industries aéronautiques et à l'indépendance de notre pays, puisse être mené à son terme. J'ajoute qu'il n'y a aucune raison de supprimer la référence à l'Atlantique 2. Défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Pour rassurer Mme Voynet, je puis lui indiquer que M. Morin réunira ses homologues le 24 juillet pour préparer un avenir plus radieux, comme elle le souhaite, à un programme essentiel à bien des égards.

Le retard de calendrier n'exclut pas une première livraison avant 2014 : nous y travaillons.

M. Jacques Gautier.  - Nous avons abordé cette question dans la discussion générale. Tout laisse à penser qu'avec les engagements du ministre, de l'État et le moratoire, nous resterons dans le créneau de 2013 pour la première livraison. Il serait d'autant plus fou d'y renoncer que le trou dans nos capacités pose problème.

L'amendement n°62 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°27 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Après le 2.1.2 du rapport annexé, insérer un 2.1.2 bis ainsi rédigé :

2.1.2 bis L'action diplomatique

Le renseignement doit nourrir les actions de prévention des conflits qui incombent à la diplomatie.

Le sous-amendement n°134 n'est pas soutenu.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - L'action diplomatique a un rôle particulier à jouer dans la prévention, « notamment », ainsi que M. Charasse a souhaité le préciser par sous-amendement : je souscris volontiers à cette formule et rectifie mon amendement en ce sens. C'est pour moi l'occasion de rappeler à M. de Rohan que le fait d'avoir des forces pré-positionnées fait aussi partie de notre action de prévention : les interventions qu'il a évoquées tout à l'heure ne sont que de réaction.

On a eu tendance, par le passé, à oublier le rôle de la diplomatie : il convient de le marquer, y compris dans le Livre blanc sur la défense.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - La fonction de connaissance et d'anticipation nous fournit les outils d'aide à la décision, y compris dans le domaine diplomatique. Rejet.

L'amendement n°27 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°63, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

Supprimer le 2.2 du rapport annexé.

Mme Dominique Voynet.  - Tout ce chapitre confond la dissuasion nucléaire et la dissuasion tout court, dont vous donnez une définition bornée, je veux dire trop limitative.

M. le président.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Compléter la dernière phrase du 2.2.1 du rapport annexé par les mots :

dont, hors situation de crise, seulement une centaine sont opérationnelles

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Il m'arrive de ne pas avoir la même opinion que Mme Voynet. En l'espèce, j'estime qu'il faut maintenir une dissuasion crédible, calibrée à un niveau de stricte suffisance dans un univers caractérisé par de nombreuses menaces, où la mondialisation libérale a modifié le jeu des grandes puissances.

Pourquoi écrire que notre arsenal nucléaire comportera moins de 300 têtes ? Ce nombre sera immédiatement comparé aux accords de Moscou et aux accords Start. Le récent arrangement conclu entre MM. Obama et Medvedev évoque le passage d'une fourchette comprise entre 1 700 et 2 200 têtes nucléaires opérationnelles à une fourchette comprise entre 1 500 et 1 650 têtes. La réduction est modeste ! En ajoutant les stocks stratégiques et les armes tactiques, on aboutirait à des chiffres bien plus élevés.

Je m'exprime dans l'intérêt de la France : il faut mentionner ou bien 300 têtes en comparaison avec les quelque 10 000 détenues au total par la Russie et les États-Unis d'Amérique, ou bien 100 têtes opérationnelles comparées aux 1 500 à 1 750 que ces États déploieront.

L'amendement sera balayé, mais il mérite de nourrir votre réflexion.

M. Josselin de Rohan, président de la commission.  - Mme Voynet chante toujours la même chanson, car l'insuccès ne la rebute pas. Avis défavorable.

M. Chevènement a posé une question pertinente. En effet, le chiffre mentionné par le Président de la République inclut la totalité des stocks, alors que les montants pris en compte par les États-Unis et la Russie se limitent aux têtes opérationnelles. Notre collègue a raison de ne pas vouloir grossir l'ampleur de nos armes nucléaires, mais la rédaction qu'il propose introduirait une contradiction avec le discours du chef de l'État sur la posture de dissuasion de la France.

Malgré un sentiment partagé sur le fond, je formule un avis défavorable à cet amendement, dont je ne balaye nullement l'argumentation.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Nous devons rappeler à Mme Voynet l'importance de la dissuasion pour notre défense.

A M. Chevènement, je réponds qu'il ne me paraît pas souhaitable d'inscrire dans la loi une telle précision. La phrase figurant dans le rapport annexé se suffit à elle-même.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - La majorité ne peut rester silencieuse face à l'amendement n°63, qui tend à supprimer tout un pan de notre défense.

Ceux d'entre nous qui ont participé à une session de l'assemblée générale des Nations unies ou assisté à une réunion du Conseil de sécurité savent que la force de dissuasion justifie le statut de membre permanent de la France au Conseil de sécurité. Nous nous opposons fortement à la suppression du chapitre consacré à la dissuasion.

L'amendement présenté par M. Chevènement s'explique, mais je crois inopportun d'inscrire une telle précision dans une loi de programmation.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Ayant participé à une session de l'assemblée générale des Nations unies, puis à des travaux de l'Union de l'Europe occidentale (UEO), je confirme l'assise fondamentale conférée à notre pays par sa dissuasion nucléaire. Mme Voynet devrait faire le voyage !

Le groupe centriste s'associe aux propos tenus par M. Fourcade au nom du groupe UMP.

Mme Dominique Voynet.  - M. Fourcade s'insurge que je présente des amendements dans le but de faire réfléchir. Mais c'est aussi mon rôle ! Je n'ai d'ailleurs pas tenté de le convaincre.

La France est membre permanent du Conseil de sécurité pour des raisons qui remontent à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Son rayonnement lui est conféré par l'histoire, car notre pays n'a jamais transigé avec les droits humains, ni avec les valeurs fondamentales issues de la Révolution française.

Notre appartenance permanente au Con eil de sécurité serait justifiée par la dissuasion nucléaire ? Mais personne n'aurait l'idée folle d'attribuer un poste de membre permanent au Pakistan !

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - À l'Inde, si !

Mme Dominique Voynet.  - Ce pays est peuplé par un milliard d'habitants.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - C'est une puissance nucléaire !

Mme Dominique Voynet.  - Comme d'autres, il s'est doté de l'arme nucléaire parce que personne n'a osé s'y opposer, ni sortir le traité de non-prolifération des ornières où il s'est enlisé. Envisagez-vous d'accorder un poste permanent au Conseil de sécurité à tous ces pays qui jouent avec le feu ? Bien sûr que non !

L'amendement n°63 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°28 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi.

Dans le dernier alinéa du 2.2.2.2. du rapport annexé, remplacer les mots :

Multi Role Tanker and Transport (MRTT)

par les mots :

ravitailleur transporteur polyvalent (RTP en français, MRTT en anglais)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le ministre de la défense s'est exprimé hier en termes que je n'ai pas compris : il a évoqué une loi bottom-up, puisque il a parlé de down, après des mots que je n'ai pas distingués.

L'invasion de la langue anglo-américaine est fâcheuse. Il vaut mieux mentionner un « avion ravitailleur transporteur polyvalent » plutôt qu'un multi role tanker and transport. Pour les matériels terrestres, on utilise bien le français : pensez au Petit porteur terrestre (PPT). Prendre les airs ne justifie pas le recours à l'anglais. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - L'armée de l'air utilise un nombre considérable de termes anglais, pour des raisons qui remontent à des temps immémoriaux. Espérons que lorsque cet appareil européen entrera en service, nous trouvons une appellation différente pour le MRTT.

Avis défavorable, bien que je partage la préoccupation de M. Chevènement fasse à l'envahissement du franglais.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Je fais la guerre à mes services pour combattre l'usage du terme anglais, mais l'appellation MRTP est universellement consacrée.

Il faut la maintenir, en attendant que l'on trouve un terme bien de chez nous.

L'amendement n°29 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Je suis d'accord avec M. de Rohan, qui est breton alors que je suis corse, et je félicite M. Chevènement pour sa défense du français.

M. Josselin de Rohan, rapporteur. - Et pour la défense de la France en français !

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Dans le deuxième alinéa du 2.3.1 du rapport annexé, remplacer les mots :

autour de deux pôles, un sur chaque façade, atlantique et orientale

par les mots :

sur plusieurs pôles

M. Jean-Pierre Chevènement.  - J'en reviens à la façade occidentale de l'Afrique, où je souhaite que nos forces soient pré-positionnées sur plusieurs pôles, pour des raisons de stabilité mais aussi de prévention afin de mieux soutenir les nouveaux États d'Afrique centrale.

L'amendement n°30 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°132, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit le premier alinéa du 2.3.2 du rapport annexé :

La liste des accords de défense a été rendue publique. Le Parlement sera désormais informé de la conclusion et des orientations de ces accords. Le texte de tous les accords de défense sera communiqué aux commissions parlementaires permanentes en charge de la défense et des affaires étrangères.

Mme Michelle Demessine.  - La révision constitutionnelle de 2008 s'est limitée à prévoir l'information du Parlement sur les interventions militaires à l'étranger et à soumettre leur prolongation à un vote. Mais à l'avenir, nos opérations extérieures pourraient aussi résulter d'accords de défense ou de coopération militaire avec des pays tiers. Le Parlement doit être informé du contenu de ces accords pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause.

Hélas, nous n'en sommes pas là. Dans son discours du Cap, le Président de la République s'est engagé à publier tous nos accords de défense, en particulier ceux signés avec les pays d'Afrique. C'est un progrès vers plus de transparence. Depuis quelque temps, la liste des accords est en effet rendue publique, et ceux qui ont été passés récemment avec le Togo, le Cameroun et les Émirats arabes unis ont été publiés au Journal officiel.

Reste à informer le Parlement sur leur contenu. Une information complète et précise aurait permis d'éviter, lors de la conclusion du récent accord avec Abu Dhabi, les soupçons portant sur un éventuel engagement nucléaire automatique de la France. Il faut bien sûr garantir un certain niveau de confidentialité. En attendant de légiférer sur cette question, nous souhaitons faire inscrire dans le rapport annexé que les commissions parlementaires compétentes des deux assemblées doivent avoir connaissance du contenu intégral des accords de défense.

M. le président.  - Amendement n°85, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le premier alinéa du 2.3.2 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :

Le texte de tous les accords de défense sera communiqué aux commissions parlementaires permanentes en charge de la défense et des affaires étrangères.

M. André Vantomme.  - Parmi les mesures censées renforcer les pouvoirs du Parlement, le Président de la République a annoncé que celui-ci serait tenu informé des accords liant la France à des pays tiers, notamment dans les domaines de la défense et du maintien de l'ordre.

Pour que le Parlement soit doté d'un véritable pouvoir de contrôle, il doit disposer d'informations complètes et précises. M. le ministre de la défense s'est engagé, lors de l'examen en commission de ce texte à l'Assemblée nationale en avril dernier, à informer les parlementaires des conclusions des discussions en cours sur l'ensemble des accords. « S'il fallait mettre en oeuvre un accord de défense, a-t-il dit, il appartiendrait au Gouvernement d'indiquer à la commission de la défense le contenu de cet accord ou d'en révéler la clause secrète. »

Or la rédaction du projet de loi est ambiguë. Elle prévoit que « le Parlement sera désormais informé de la conclusion et des orientations de ces accords » : nous souhaitons connaître le texte des accords et pas seulement leurs « orientations » !

En revanche, nous approuvons l'abrogation des conventions ou des clauses relatives aux possibilités d'intervention de la France dans des missions de maintien de l'ordre, figurant dans certains accords bilatéraux. Il était temps !

L'implantation militaire française permanente inaugurée à Abu Dhabi à la demande des autorités émiriennes regroupe une base navale, une base aérienne et un camp d'entraînement. Un premier accord de défense avait été signé en 1995, mais l'accord du 26 mai 2009 va plus loin : selon Le Figaro dans son édition du 15 juin, les clauses secrètes de l'accord obligent la France à défendre les sept Émirats arabes unis par « tous les moyens militaires dont elle dispose » -c'est-à-dire éventuellement par l'arme nucléaire. C'est une clause plus contraignante que l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord, d'une portée incalculable pour la sécurité de la France ! Il est inadmissible que la représentation nationale en soit informée par voie de presse.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - La liste des accords est désormais rendu publique, ce qu'aucun gouvernement de droite ou de gauche n'avait fait auparavant. Le Parlement se voit reconnaître un droit d'information sur la conclusion et les orientations des accords.

Si certains d'entre eux seront soumis à une procédure d'approbation parlementaire classique, d'autres ne le seront peut-être pas. Il faut laisser à l'exécutif une certaine latitude, car les questions diplomatiques sont sensibles.

Je souhaite que M. le ministre nous explique comment le Parlement sera tenu informé. Je me prononcerai après avoir entendu sa réponse.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - La Constitution définit la répartition des compétences entre les pouvoirs exécutif et législatif : il revient au premier de négocier les conventions internationales et les accords de défense et au second d'autoriser leur ratification conformément aux articles 52 et 53. Le rapport annexé précise que la liste des accords de défense a été rendue publique et que le Parlement sera désormais tenu informé de leur conclusion et de leurs orientations.

Les députés sont ainsi parvenus à un juste équilibre entre le droit du Parlement à l'information et la liberté d'initiative de l'exécutif. Les parlementaires auront connaissance du texte même des accords car le Gouvernement privilégiera la procédure de ratification législative, notamment dans le cas des conventions passées récemment avec le Togo, le Cameroun et les Émirats arabes unis. Avis défavorable.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Ces explications sont parfaitement claires. Avis défavorable.

L'amendement n°132 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°85.

M. le président.  - Amendement n°64, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après le 2.3.2 du rapport annexé, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

2.3.2 bis La lutte contre la corruption

La France apportera sa contribution à la mise en place d'une gouvernance mondiale à même de prévenir les conflits, de lutter contre le blanchiment d'argent, le transfert de technologies dangereuses et la vente illégale d'armes.

Mme Dominique Voynet.  - La corruption, qui peut être le fait des gouvernements, des entreprises ou même des habitants, fausse les décisions et rend impuissantes les politiques publiques. Lorsqu'elle aboutit au détournement de fonds publics au profit d'intérêts privés, elle entrave les initiatives en faveur du développement. Les ressources sont ainsi confisquées par un petit nombre de gens, l'inégalité des revenus s'accroît et la capacité du Gouvernement à agir pour le bien des citoyens s'en trouve réduite. La Banque mondiale a établi une nette corrélation entre le niveau de l'indice de perception de la corruption et celui de l'indice de développement humain. La corruption engendre donc la pauvreté.

L'extrême précarité exacerbe les tensions et les conflits. Il faut s'attaquer à la corruption qui gangrène la démocratie de nombreux pays, affame les citoyens et provoque des tueries. Cela doit faire partie de notre politique de prévention des conflits.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - La corruption, c'est très mal, mais c'est un sujet tout à fait étranger à notre débat. Avis défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - La lutte contre la corruption fait partie des objectifs prioritaires du Gouvernement, mais ce n'est pas le rôle de ce projet de loi que de définir les modalités de la gouvernance mondiale. Avis défavorable.

Mme Dominique Voynet.  - L'amendement peut paraître hors de propos, mais le paragraphe suivant est consacré à la lutte contre les trafics : c'est le même sujet !

L'amendement n°64 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°31 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Avant le premier alinéa du 2.3.4. du rapport annexé, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

La France participera activement aux efforts de réduction et de maîtrise des armements dans l'optique d'un désarmement  général et complet. Elle veillera notamment à l'universalisation du traité de non prolifération et à celle du traité international d'interdiction des essais nucléaires. Elle s'engagera ainsi résolument dans la négociation d'un nouveau traité interdisant la production de matières fissiles à usage militaire. Il convient de marquer les objectifs définis par la France et l'Union européenne en matière de désarmement.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Il convient de rappeler l'objectif ultime fixé par l'article 6 du Traité de non-prolifération (TNP) : « un désarmement général et complet » et pas seulement le désarmement nucléaire. Il faut aussi rappeler les axes essentiels de la stratégie de la France et de l'Union européenne en matière de désarmement. Le président Obama a annoncé l'intention des États-Unis de ratifier le TNP : encore faut-il qu'il trouve 67 voix au Sénat pour le faire. Ensuite, il faudra faire ratifier ce traité par la Chine... Avec l'interdiction des essais nucléaires, on empêche la modernisation des armes ; avec l'interdiction de la production des matières fissiles, on empêche le développement quantitatif des arsenaux.

Le sous-amendement n°135 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°131, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Après le premier alinéa du 2.3.4 du rapport annexé, insérer un alinéa ainsi rédigé :

La France se conformera pleinement à l'objectif fixé par l'article 6 du Traité de non-prolifération nucléaire de désarmement général et complet. Elle prendra des initiatives pour relancer le processus engagé qu'elle soumettra à la prochaine conférence de réexamen du TNP. Elle agira tout particulièrement pour aboutir à mettre en place un régime international efficace de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et des matériels connexes.

Mme Michelle Demessine.  - Votre politique de développement des armes nucléaires, qui ne se contente pas de les moderniser et de respecter le principe de stricte suffisance, est contradictoire avec la volonté affichée dans le rapport annexé de lutter contre leur prolifération. En réalité, vous incitez à la course aux armements. Prévenir la prolifération en renforçant le régime international de maîtrise des armements, le contrôle des exportations et le renseignement, c'est nécessaire mais pas suffisant. La prévention seule, sans initiatives diplomatiques fortes, est peu efficace. La réduction des arsenaux des puissances nucléaires reconnues par le TNP n'a pas, à elle seule, valeur d'exemple : bien que les stocks américains et russes aient été réduits de trois quart environ depuis vingt ans, l'impact à été faible sur la volonté de pays comme la Corée du nord, l'Inde, le Pakistan ou Israël de se constituer de l'arme nucléaire. Mais la voie des discussions multilatérales reste la seule possible. Puisque nous affirmons notre volonté de désarmement, il faut multiplier les actes concrets comme la réduction d'un tiers de notre composante nucléaire aérienne ou le démantèlement de nos usines de production de matière fissile de Marcoule et de Pierrelatte. Notre pays doit agir pour rendre un jour possible l'objectif fixé par l'article 6 du TNP : un désarment général et complet. Il faut nous mettre au diapason des récents engagements pris par les présidents russe et américain et faire d'ambitieuses propositions pour relancer le processus de désarmement lors du prochain réexamen du TNP. Il faut aboutir un jour à un régime international de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, de leurs vecteurs et de leurs matériels connexes.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Nous avons déjà évoqué le plan que l'Union européenne a proposé en matière de désarmement et de non-prolifération. Il constitue pour les mois à venir, et notamment en vue de la conférence d'examen du TNP, le cadre de référence de la politique française. C'est pourquoi ces amendements n'apparaissent pas indispensables.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - La rédaction du rapport annexé sur l'effort de maîtrise des armements nucléaires n'appelle pas de précisions supplémentaires. Avis défavorable.

L'amendement n°31 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°131.

M. le président.  - Amendement n°32 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi.

Supprimer la dernière phrase du 2.4.1.2 du rapport annexé.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Il s'agit des partenariats public-privé. La politique industrielle de défense doit rester sous le contrôle de la puissance publique. On ne doit pas préjuger dans un texte de loi de dispositions pratiques qui peuvent nuire à la sécurité de nos transmissions militaires.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui est le premier d'une série qui supprime toute référence aux partenariats public-privé. Sans les rendre systématiques, on ne peut éliminer a priori des partenariats qui peuvent se révéler intéressants.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - La nécessaire maîtrise des dépenses publiques impose de rechercher de nouveaux financements. De tels partenariats seraient entourés de garanties conservant à la puissance publique la maîtrise des opérations. Avis défavorable.

L'amendement n°32 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°33 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi.

Compléter le quatrième alinéa du 2.4.3.1 du rapport annexé par les mots :

indépendamment du programme de défense anti missiles américain

M. Jean-Pierre Chevènement.  - La coopération européenne concernant le programme de détection et d'alerte avancée ne doit pas se confondre avec la politique de défense anti-missiles américaine que nous nous ne maîtrisons pas et dont le déploiement peut nuire à nos intérêts de sécurité. Compte tenu du délai de réaction de vingt minutes, se couler dans le programme américain, c'est se mettre à la merci du président des États-Unis. Le programme de détection et d'alerte avancée doit rester sous contrôle européen et français.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Si la France a décidé d'investir dans une capacité de détection et d'alerte avancée, c'est bien pour disposer d'une autonomie d'appréciation et pour ne pas dépendre exclusivement du renseignement fourni par un autre pays. C'est la justification même de ce programme que nous ouvrons à la coopération d'autres pays européens. S'agissant de la défense anti-missile, spécifiquement visée par l'amendement, le débat sera certainement appelé à se poursuivre dans les années à venir. Nous ignorons aujourd'hui les suites qui seront données au projet d'implantation d'éléments du système américain en Europe, de même que nous ignorons si des développements interviendront au sein de l'Otan ou si la Russie, comme elle l'avait demandé à une certaine époque, sera un jour associée à une défense anti-missile couvrant le continent européen. Il est donc prématuré de préconiser ou d'exclure tel ou tel schéma. Le texte actuel est clair, puisqu'il vise à doter la France d'une capacité autonome quoi qu'il arrive et, le cas échéant, en coopération européenne. Avis défavorable

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - L'acquisition d'une capacité de détection et d'alerte avancée repose sur des moyens indépendants élaborés avec nos partenaires européens. Avis défavorable à cette précision inutile.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Je suis de l'avis du rapporteur et du Gouvernement mais j'aimerais que le ministre réponde à une question que j'ai posée hier : pourquoi le projet Spirale n'est-il pas intégré dans cette loi ? C'est un programme important, susceptible de donner à l'Europe les lunettes qu'elle n'a pas.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Les études en amont et l'exploitation des informations collectées par les deux microsatellites Spirale seront accélérées de façon que la conception et la réalisation des radars et satellites débutent, au plus tard, en 2012, que les radars de très longue portée entrent en service aux environs de 2015 et que le premier satellite soit opérationnel en 2019.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Le programme Spirale est bien mentionné dans le rapport de la commission !

M. Daniel Reiner.  - Et figure en toutes lettres dans le rapport annexé...

L'amendement n°33 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°65, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

Dans la première phrase du premier alinéa du 2.4.4 du rapport annexé, remplacer les mots :

les flux migratoires illégaux

par les mots :

la piraterie maritime

Mme Dominique Voynet.  - Si l'on peut élever au rang de risque majeur les catastrophes naturelles ou le narcotrafic dans les DOM-COM, la question des flux migratoires illégaux est toute autre. Les clandestins ne menacent pas nos côtes : ils sont le plus souvent des victimes qui fuient la misère et ils se retrouvent otages de passeurs qui les obligent à payer des sommes considérables et qui parfois s'en débarrassent comme de vulgaires colis, sans égard pour leur vie.

L'extrême hétérogénéité qui caractérise la migration clandestine ne permet pas de trancher le débat sur la dimension exclusivement humanitaire ou criminelle du phénomène qui nécessite de mener des politiques concertées avec les pays d'origine. Le moyen le plus efficace de combattre les migrations illégales est d'en traiter les causes dans ces pays en augmentant l'aide au développement.

Au contraire, la piraterie maritime, elle, ne souffre d'aucun doute. Elle a démontré l'importance des enjeux de sûreté maritime. Plus de 90 % du commerce mondial transite par la mer : l'économie mondiale est désormais étroitement liée à la maîtrise du milieu marin et sous-marin. Il y a là un enjeu stratégique essentiel souvent sous-évalué en France.

Face à cette menace, notre pays doit favoriser la mise en place de moyens propres à empêcher que de nouveaux enlèvements ou prises d'otages ne se produisent.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Lutter contre les flux migratoires illégaux, c'est lutter contre les trafiquants et les négriers qui prélèvent des sommes extraordinaires sur ces malheureux et qui exposent leurs vies sur les océans. Nos forces armées ont le devoir de s'opposer à ce genre de trafics. (Marques d'approbation à droite) Puisque vous aimez beaucoup la morale, madame Voynet, vous devriez approuver ce combat ! En outre, au sein des immigrants illégaux peuvent se dissimuler des gens qui porteront atteinte à la sécurité nationale. C'est une raison supplémentaire pour être vigilant.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - En tant que maire, j'ai accueilli ces malheureux. (Mme Dominique Voynet se récrie) Vous n'êtes pas la seule à parler de solidarité ! Cette valeur n'est ni de droite ni de gauche, mais elle est propre à la démocratie : nous pouvons donc la partager. Il est de notre devoir de lutter contre ces flux migratoires qui constituent un risque majeur pour la stabilité de nos départements et de nos communautés d'outre-mer. On ne peut passer sous silence ce phénomène, d'où mon avis défavorable.

Mme Dominique Voynet.  - On est en train de tout confondre : l'irritation qu'éprouve M. de Rohan à mon égard nuit à la clarté de son jugement ! (Rires à droite) Personne ne nie que la traite des êtres humains soit criminelle. Mais on est ici dans un article qui traite des risques majeurs.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - C'en est un !

Mme Dominique Voynet.  - Le narcotrafic et le trafic des armes sont des risques majeurs.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Le trafic des hommes aussi !

Mme Dominique Voynet.  - La piraterie maritime aussi. La détresse des êtres humains, ce n'est pas un risque mais une responsabilité morale de notre pays. Si vous vous sentez agressé lorsque je vous fais remarquer que nous devons accueillir les personnes victimes de cette traite, je me demande s'il est encore possible de débattre entre nous !

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Je vous accuse de sophisme !

M. Robert del Picchia.  - Je vis depuis quarante ans à l'étranger et je connais tous ces problèmes d'immigration clandestine. La commission des affaires européennes m'a confié diverses missions sur le sujet. Récemment, avec votre collègue Boumediene-Thiery, nous nous sommes rendus dans divers pays et, la semaine dernière, nous étions à Calais : les passeurs font payer à ces pauvres âmes entre 5 000 et 15 000 euros ! Quand les immigrés ne peuvent pas payer, ils s'en prennent à leurs familles restées au pays ou à eux-mêmes, en Grande-Bretagne ! Des maffias existent. Demandez à Mme Boumediene-Thiery de vous dire ce qu'elle a vu dans la jungle à Calais.

Mme Dominique Voynet.  - J'y suis allée aussi !

M. Robert del Picchia.  - Les Anglais nous demandent d'intervenir car ils craignent l'éventuelle entrée de terroristes sur leur sol, comme cela se faisait durant la Guerre froide où des espions se mêlaient à ceux qui franchissaient clandestinement les frontières.

L'amendement n°65 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°98, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le second alinéa du 2.4.4 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :

Cette diminution des effectifs devra faire l'objet d'une étude d'impact préalable soulignant les avantages et les inconvénients de la mesure proposée.

M. Bernard Piras.  - A la recherche d'économies tous azimuts, le Gouvernement se trouve souvent en contradiction : ainsi en va-t-il de la réorganisation du dispositif de souveraineté dans les départements et collectivités d'outre-mer. Les missions sur place devenant plus importantes, il va falloir accroître la capacité de projection régionale dans les Antilles, en Guyane, à La Réunion et en Nouvelle-Calédonie. Parallèlement, le ministère annonce que les effectifs militaires diminueront de 40 % d'ici 2011 !

Nous demandons donc que cette diminution des effectifs fasse l'objet d'une étude d'impact préalable.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Cette précision n'est pas indispensable car toutes les mesures de réorganisation font l'objet d'études préalables approfondies.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Le retrait des forces armées ne se fera qu'après transfert de missions de service public à d'autres administrations. En outre, les moyens du service militaire adapté seront renforcés. Cet amendement est donc inutile.

L'amendement n°98 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi.

Supprimer le dernier alinéa du 2.5.1.8 du rapport annexé.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Cet amendement est proche de celui que j'ai déjà défendu. Je veux néanmoins marquer mes réticences, ma réluctance, comme dirait M. Morin (sourires), à l'égard de la généralisation des partenariats public-privé dans le domaine de la transmission satellitaire : c'est le bon sens que de rappeler que dans des domaines très protégés, la puissance publique doit maîtriser la politique industrielle de défense.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Même avis : nous faisons ce que les Britanniques ont instauré depuis longtemps avec ces partenariats.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Ils ont aussi brûlé Jeanne d'Arc ! (Sourires)

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Vous avez rappelé l'histoire, monsieur Chevènement ! Permettez-moi de faire référence à ce qui se fait de bien près de chez nous !

M. Didier Boulaud.  - Les Britanniques ont aussi été en Irak !

L'amendement n°34 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°66, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

Compléter la première phrase du deuxième alinéa du 2.5.2.1 du rapport annexé par les mots :

, en concertation avec nos partenaires européens, dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense

Mme Dominique Voynet.  - Je me suis, moi aussi, rendue à Calais pour voir les malheureux qui se trouvent dans la jungle, monsieur del Picchia. Il faut avoir beaucoup d'imagination pour y voir d'éventuels terroristes ! Il s'agit le plus souvent de très jeunes gens qui, grâce aux associations, ont des repas chauds et peuvent prendre une douche. Certains ont perdu la vie en s'accrochant aux essieux des camions ou des trains. Le risque terroriste est plus le fait de réseaux organisés, disposant de moyens financiers importants : il est probable que les terroristes circulent plus entre la France et l'Angleterre en costume-cravate que dans les conditions de précarité absolue que connaissent les malheureux de Calais.

J'en viens à mon amendement : il est paradoxal de parler d'un second porte-avions sans une concertation préalable avec les États impliqués dans la défense européenne. La capacité militaire française doit être mise en commun avec celle des autres États membres. Comme d'autres projets importants se font dans le cadre d'une coopération européenne, pourquoi en irait-il autrement avec le second porte-avions ?

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - La France étudie systématiquement les possibilités de coopération européenne avant le lancement de tout programme d'armement. S'agissant du porte-avions, des études communes avec les Britanniques ont déjà été menées. Il n'y a que deux pays européens à disposer de porte-avions : si la France renonçait à construire un deuxième porte-avions, l'Europe ne le ferait pas à sa place. Avis défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - La France se concertera bien sûr avec ses partenaires sur le second porte-avions et toutes les coopérations seront explorées -des études ont déjà été conduites avec nos amis britanniques.

L'amendement n°66 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°35 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer le premier alinéa du 3.1.1 du rapport annexé.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Nous ne savons pas ce qui peut se passer, n'arrêtons pas un chiffre si précis des effectifs en 2014.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Un tel texte a précisément pour objet de programmer les effectifs à venir, afin qu'ils ne soient pas tributaires des budgets annuels, et de prévoir une réallocation des crédits en faveur des équipements. Défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - La baisse des effectifs est partie intégrante de cette loi de programmation militaire. Défavorable.

L'amendement n°35 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°36 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi.

Dans le premier alinéa du 3.1.2 du rapport annexé, remplacer les mots :

de 88 000 personnes

par les mots :

d'au moins 88 000 personnes

M. Jean-Pierre Chevènement.  - C'est un amendement à la marge. Mais faut-il prévoir un effectif de 88 000 personnes dans l'armée de terre à la fin de la période sachant que les reconversions seront difficiles, notamment dans la fonction publique où un départ à la retraite sur deux ne sera pas remplacé. Donnons un peu de souplesse au mécanisme.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - C'est la force opérationnelle qui sera de 88 000 hommes, pour un total de 131 000 dans l'armée de terre. Nous ne souhaitons pas augmenter les effectifs militaires. Défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Le chiffre de 88 000 est cohérent avec nos objectifs et nos moyens, il n'a pas à être réévalué.

L'amendement n°36 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°67, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

Supprimer le sixième alinéa du 3.1.2 du rapport annexé.

Mme Dominique Voynet.  - La France a renoncé aux essais nucléaires réels mais pas au développement d'armes nucléaires. L'arsenal nucléaire maritime comporte déjà une belle panoplie. Il ne me semble pas raisonnable de poursuivre dans cette voie. Barracuda est le programme naval le plus cher jamais lancé en France, il dépasse le coût des 17 frégates multi-missions ou des deux porte-avions. Seul le programme des sous-marins lanceurs d'engins peut lui être comparé. Il faut aussi prendre en compte l'adaptation de la base de l'Ile Longue et la modernisation de la force océanique stratégique...

M. le président.  - Amendement n°68, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

Supprimer le septième alinéa du 3.1.2 du rapport annexé.

Mme Dominique Voynet.  - Même chose.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Vous remettez en cause la dissuasion nucléaire. Avis défavorable aux deux amendements.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Défavorable, l'arsenal maritime fait partie du dispositif de dissuasion.

L'amendement n°67 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°68.

M. le président.  - Amendement n°69, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

Compléter l'avant-dernier alinéa du 3.4.1. du rapport annexé par les mots :

, ainsi que l'acquisition de compétences linguistiques, historiques et culturelles

Mme Dominique Voynet.  - La mobilité est inhérente à la carrière militaire. Les militaires que nous avons auditionnés ont insisté sur la nécessité d'une compréhension intime de la culture des pays où ils se rendent en opération.

L'amendement n°69, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°70, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

Au début du dernier alinéa du 3.4.1 du rapport annexé, supprimer les mots :

Pour répondre à ces objectifs de valorisation,

Mme Dominique Voynet.  - Il est défendu.

L'amendement n°70, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°99, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le dernier alinéa du 3.4.3 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :

L'État veille à ce que les moyens consacrés à l'accompagnement social des réductions d'emploi évoluent de manière équilibrée et adaptée.

M. Bernard Piras.  - Il y a là une condition de bon accomplissement, pour une réforme qui exige des sacrifices. L'État doit adresser au personnel un message clair.

M. Josselin de Rohan.  - Défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Le paragraphe 3.5.2 du rapport annexé mentionne les montants de 123 millions d'euros en 2009, 146 en 2010, 149 en 2011 pour le plan d'accompagnement. Rejet.

L'amendement n°99 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°71, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

Compléter l'intitulé du 3.4.3.1 du rapport annexé par les mots :

, représentant la diversité de la population

Mme Dominique Voynet.  - L'armée a longtemps été un creuset républicain qui fondait ensemble toutes les classes sociales et qui aidait à dépasser les préjugés socioculturels. La France a fait appel à l'Afrique et à d'autres continents pour défendre son territoire hexagonal. Le recrutement doit demeurer diversifié, à l'image de notre pays, pour que l'armée continue à porter les valeurs de la République.

M. Christian Cambon.  - Assistez au défilé du 14 juillet ! Ces propos sont ridicules.

L'amendement n°71, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°73, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

Dans le premier alinéa du 3.4.3.1 du rapport annexé, après le mot :

élevé

insérer les mots :

et diversifié

et après le mot :

garantir

insérer les mots :

le respect des valeurs humaines et républicaines,

Mme Dominique Voynet.  - En quoi est-il ridicule d'insister sur un recrutement diversifié qui donnera à l'armée sa crédibilité auprès des jeunes ? L'histoire jugera, monsieur Cambon, qui de vous ou de moi est ridicule, mais je vous saurais gré de ravaler vos épithètes dégradantes. Vous n'avez guère parlé ce matin et quand vous prenez la parole, c'est pour insulter un collègue !

L'amendement n°73 est dans la lignée du n°71.

M. Josselin de Rohan.  - Défavorable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Défavorable, notre armée est à l'image de la population française et elle porte en elle les valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs UMP)

L'amendement n°73 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°100, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le 3.4.3.2 du rapport annexé par un alinéa ainsi rédigé :

Le Gouvernement présentera chaque année au Parlement un rapport sur la reconversion des personnels de la défense.

M. Michel Boutant.  - Il convient de veiller à la bonne marche, région par région, de la reconversion du personnel. Le Parlement doit en être informé.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Le rapport annuel relatif à l'exécution de la loi de programmation suffit. Vous êtes nouveau parmi nous, cher collègue : sachez que le nombre de rapports demandés par des parlementaires est à peu près égal à celui de leurs voeux pieux.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Le rapport sur l'exécution rend cet amendement inutile.

L'amendement n°100 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°101, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la première phrase du deuxième alinéa du 3.5.1 du rapport annexé, remplacer les mots :

d'environ 90 bases

par les mots :

d'un certain nombre de bases

M. Didier Boulaud.  - Le nombre des rapports demandés par des parlementaires est sans doute significatif mais la loi de programmation en prévoit aussi.

Ce fut le cas de la précédente, sur proposition du gouvernement de l'époque, qui n'a jamais respecté son engagement. La « piété » des parlementaires serait moindre si le Gouvernement remettait les rapports qu'il promet.

Le ministre a déjà annoncé que le nombre de bases serait réduit de 90 à 70, voire moins. Nous lui facilitons la tâche en mettant le texte en accord avec des propos qu'il a encore confirmés hier.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Il est inopportun de supprimer tout ordre de grandeur.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. - Pour bien connaître les restructurations de défense, je dirais que le nombre de bases sera probablement inférieur à 90. Je conclus donc au rejet de l'amendement.

M. Didier Boulaud.  - Il n'y aura pas 90 bases mais 70, et probablement moins, a dit le ministre, qui est absent aujourd'hui. Pourquoi s'entêter à maintenir ce chiffre de 90 ? Ce texte est d'ores et déjà caduc.

L'amendement n°101 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°102, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le 3.5.3 du rapport annexé, par un alinéa ainsi rédigé :

Le Gouvernement présentera chaque année au Parlement un rapport sur le dispositif d'accompagnement territorial, exposant notamment les efforts accomplis en matière de contrats de redynamisation de sites de défense et de plans locaux de redynamisation.

M. Daniel Reiner.  - Les territoires les plus touchés bénéficieront d'une aide directe et de mesures fiscales ; des sommes importantes sont envisagées. Il faut suivre cela attentivement. La Lorraine a connu de nombreux plans qui n'ont pas toujours produit les résultats escomptés. C'est pourquoi j'ajoute à la piété qui consiste à être informé convenablement du suivi de ces mesures -cela part d'un bon sentiment.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Le rapport n'est pas escamoté : le projet en prévoit bien un. Avis défavorable à cet ajout qui n'apporte rien.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Nous partageons cet avis.

M. Daniel Reiner.  - Nous aimerions que le ministre nous confirme explicitement que le rapport d'évaluation comprendra des informations.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Je le confirme.

L'amendement n°102 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°75, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Compléter le deuxième alinéa du 3.5.4 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :

Dans le respect du droit commun, les sites affectés seront dépollués par le ministère de la défense, ou la vente sera amputée du prix de la dépollution.

Mme Dominique Voynet.  - Cet amendement a le même objet que ceux que je défendrai à l'article 9. Il corrige un manque évident tant il y a d'exemples de sites militaires cédés ou en attente de cession sans que l'État ait exercé ses responsabilités sanitaire et environnementale. Il est temps de concrétiser les grands discours par des actions déterminées et efficaces.

Le fort d'Aubervilliers a été cédé en 1973 à l'agence foncière et technique de la région parisienne mais les travaux d'assainissement n'ont été entrepris qu'en 1999. En décembre 2005, j'avais interrogé M. Perben, ministre en charge de la dépollution, qui m'avait répondu que les déchets de décontamination seraient totalement enlevés en 2006. Cela a pris trois ans de plus et le dernier fût est parti il y a moins d'un an. Pourtant, l'émotion est forte sur place où l'on a constaté de nombreux cas de cancer : 24 pathologies thyroïdiennes ont été recensées parmi le personnel d'une école voisine et 3 cas de cancer infantiles. Or le site a hébergé des activités de recherche. Les élus locaux ont dû à chaque instant interpeller l'État pour obtenir une dépollution. Il n'est pas déraisonnable de penser que ce site contient encore de nombreux déchets. Il faut affirmer une volonté de restaurer la qualité environnementale et sanitaire : ces sites doivent être dépollués -nous y reviendrons.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Puisque nous aurons un débat là-dessus à l'article 9, Mme Voynet aurait pu faire l'économie de cet amendement d'autant plus inutile que le coût de dépollution est déjà défalqué du prix de cession lorsqu'elle n'a pas été déjà réalisée.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Je connais bien ce dossier pour l'avoir traité dans mes fonctions antérieures. La Défense a été exemplaire : nous cédons à l'euro symbolique des sites magnifiques après dépollution -je pense en particulier à un site en plein coeur d'Arras. Le reproche que vous nous adressez ne se justifie plus. Nous cédons les terrains aux élus locaux.

M. Didier Boulaud.  - Moi j'ai dû payer, il y a dix ans. Vous me remboursez ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Vous avez, madame, siégé au gouvernement et vous savez le rôle de Bercy. Cette démarche a suscité bon nombre de débats et nous la menons grâce au soutien du Président de la République qui a voulu que les communes ne soient pas doublement pénalisées par le départ d'un régiment et par la vente du site militaire.

Mme Dominique Voynet.  - J'ai en effet été en charge de certains de ces dossiers. La volonté d'être exemplaire l'est rarement, tout simplement parce que le diagnostic environnemental n'a pas été fait. La dépollution excède parfois la valeur patrimoniale des terrains, ce qui est le cas à Aubervilliers. Ne le prenez pas pour une critique mais pour une invitation à régler le problème à l'avenir.

L'amendement n°75 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 13 heures.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.

Sanction des rémunérations excessives

M. Jean-Pierre Fourcade .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Madame la ministre de l'économie, au moment où vous recevez le secrétaire américain au Trésor, nous apprenons la remontée des cours de bourse de certaines banques américaines et la publication de résultats supérieurs aux attentes. D'un côté, nous nous réjouissons de l'amélioration de la situation du secteur financier aux États-Unis et en Europe. L'action rapide et efficace que vous avez menée a permis de sauver certains établissements, de rassurer les épargnants et de soutenir le financement de l'activité des entreprises. De l'autre, nous nous interrogeons sur les bénéfices et les bonus conséquents annoncés par certaines grandes banques d'investissement américaines, celles-là même qui sont largement responsables de la crise financière. (Marques d'approbation sur les bancs socialistes)

La France a imposé des conditions et des règles claires en matière de soutien de l'État, intégrant les problèmes de la rémunération des dirigeants, et elle plaide en faveur de la régulation du secteur financier. Comment faire en sorte que les règles et les pratiques de ce secteur soient mieux harmonisées entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et la zone euro ? Comment y renforcer la régulation et améliorer la gouvernance, aux plans européen et mondial ?

Madame la ministre, vos conversations avec vos partenaires américains vous permettent-elles de penser que le bon sens va enfin triompher des mauvaises habitudes ? (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Effectivement, le Premier ministre a reçu ce matin Timothy Geithner, secrétaire américain au Trésor, qui a ensuite participé à une réunion technique dans mes bureaux.

La tentation est grande, pour les acteurs du secteur bancaire, de revenir à leurs vieilles habitudes. Nous devons les en empêcher. Des principes ont été posés en ce sens à Washington, lors de la réunion du G20 du 15 novembre dernier, suivis de décisions prises à Londres le 2 avril, d'après une initiative franco-allemande. Nous avons réussi, notamment, à convaincre nos partenaires de l'utilité des mesures contracycliques destinées à éviter l'accélération de la crise, que les rémunérations avec bonus garantis favorisent. Lors de la prochaine réunion du G20 de Pittsburgh, les 24 et 25 septembre prochain, nous ferons un état des lieux des mesures engagées. J'ai rappelé ce matin à Timothy Geithner la nécessité de faire cause commune sur cette question.

J'ai été satisfaite d'apprendre que la Commission européenne a proposé de modifier certaines directives, dont la directive Capital Requirements, afin de sanctionner les politiques de rémunérations de nature à accélérer la crise et d'imposer des mécanismes prenant en compte la performance -avec éventuellement un remboursement des bonus. Nous serons extrêmement vigilants sur leur application. (Marques de scepticisme sur les bancs socialistes ; applaudissements à droite et au centre)

Épidémie de grippe A

M. Jean Milhau .  - Mme la ministre de la santé a annoncé hier l'achat par la France de 94 millions de doses de vaccins, pour un milliard d'euros, auprès de trois laboratoires pharmaceutiques. Ces chiffres démontrent que la propagation du virus pour le dernier trimestre représente une menace bien réelle pour la population française, contrairement aux déclarations rassurantes entendues jusqu'ici. Malgré la déclaration de pandémie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la France maintient son niveau d'alerte compte tenu du faible nombre de cas avérés de grippe A dans notre pays.

Or tout porte à croire que la pandémie est très sous-estimée. L'Institut de veille sanitaire (InVS) a indiqué hier que, sur 628 cas identifiés, 481 sont confirmés et 147 probables. Quel crédit accorder à ces chiffres ? Selon une revue médicale britannique, le nombre de cas de grippe A ainsi que la mortalité seraient bien supérieurs aux statistiques officielles. Faute de précautions suffisantes et adaptées à la réalité, les risques de voir s'étendre la pandémie augmentent. Plus grave, l'absence de données fiables retarde la prise en compte de la mutation du virus.

Nous sommes seulement à quelques semaines des premiers rhumes automnaux. Comment notre pays entend-il remporter la course de vitesse qui s'engage entre propagation du virus et mise à disposition du vaccin ? Pour gagner du temps, envisagez-vous de mettre sur le marché un vaccin qui n'aurait pas été évalué selon les protocoles en vigueur ? Enfin, pourquoi ne pas admettre que la grippe A est une pandémie très largement sous-estimée dans notre pays ?

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. - Le passage à la phase 6, décidé par l'OMS, signifie que le monde est bien confronté à une pandémie, le Gouvernement ne le conteste pas. Depuis le début de la pandémie, notre pays a recensé environ 600 cas, principalement importés, sans aucun décès lié à la maladie. L'efficacité du dispositif retenu s'est vérifiée récemment à Megève.

Nous avons pris trois mesures. Premièrement, le dispositif de protection et de vaccination est activé. La France dispose d'un milliard de masques anti-projections, de 723 millions de masques de protection, de 33 millions de traitements antiviraux ; 94 millions de doses de vaccins ont été commandées, sachant qu'il faudra parfois deux vaccinations.

Nous adaptons notre dispositif sanitaire. Il a été décidé hier que les malades seraient pris en charge par la médecine libérale dès le 23 juillet. Les préfets ont reçu dès aujourd'hui des instructions.

Enfin, nous mobilisons les acteurs de proximité. A la demande du Président de la République, j'ai réuni hier tous les préfets de département et de zone. Je leur ai demandé de s'assurer que les plans de continuité d'activité sont dès à présent opérationnels et de prendre contact avec les élus locaux, à commencer par les maires.

Nous ne devons pas inquiéter inutilement la population mais nous lui devons la vérité. C'est en agissant ensemble, en mobilisant l'État, les collectivités locales, les entreprises, la société civile que l'on apportera une réponse efficace à une pandémie bien réelle. (Applaudissements à droite)

Fracture télévisuelle

M. Yves Détraigne .  - Ma question s'adresse au ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire. (Exclamations allègres et applaudissements à droite et au centre)

L'extinction du signal analogique et le passage au tout numérique risque d'entraîner, pour plus d'un million de ruraux, la suppression pure et simple de la télévision. La loi du 5 mars 2007 impose aux chaînes historiques une couverture TNT obligatoire pour 95 % de la population au niveau national et pour 91 % seulement par département. Seuls 1 626 réémetteurs vont être mis aux normes TNT ; ils seront 2 000 à ne pas être équipés pour diffuser le numérique. Ce sont plusieurs centaines de milliers d'habitants, dans une quarantaine de départements, qui devront donc soit passer par le câble, l'ADSL ou le satellite, soit financer, au travers de leur commune, la mise aux normes TNT du réémetteur local. Ils seront condamnés à une double peine : payer la redevance pour un service qui aura disparu ou financer le maintien de ce service !

Or les communes concernées n'ont pas de réseau câblé, attendent souvent encore l'ADSL, ou le reçoivent à un débit insuffisant, et se trouvent souvent dans des secteurs protégés où les paraboles satellitaires sont interdites !

Le service public en milieu rural risque de reculer encore. Qu'entend faire le Gouvernement pour que le passage au tout numérique n'amplifie pas la fracture territoriale ? (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite)

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire .  - (« Ah ! » à droite) Le Gouvernement partage vos préoccupations, que je fais volontiers miennes : elles ont trait au développement de tous nos territoires et au bien-être des populations.

La loi de 2007 prévoit la couverture de 95 % de la population. Sachant que la desserte est quasi-intégrale en zone urbaine, il y avait là un risque de fracture territoriale. Le CSA est donc allé plus loin, en exigeant que soient desservis 91 % de la population de chaque département. Le Sénat aura l'occasion d'inscrire cette excellente règle dans la loi dès la semaine prochaine.

Ce taux de 91 % n'est pas un recul, sachant que la couverture analogique n'est pas intégrale. L'objectif du Gouvernement est de parvenir le plus rapidement possible à une couverture homogène.

La loi prévoit un fonds destiné à aider les ménages modestes à s'équiper en télévision numérique et en paraboles. Pas question d'accepter une nouvelle fracture numérique ! La mission qui m'a été confiée est d'éviter l'accumulation des handicaps. La « double peine » que vous évoquez sera au coeur de réflexions que nous mènerons avec Mme Kosciusko-Morizet.

Preuve de la mobilisation du Gouvernement, le Premier ministre présidera la semaine prochaine le Conseil du numérique ; les décisions prises à cette occasion vous seront communiquées. (Applaudissements à droite et au centre)

Situation de l'audiovisuel

M. David Assouline .  - Ma question s'adresse à Frédéric Mitterrand, homme de culture, de toutes les cultures, dont j'attends une réponse sincère et non conventionnelle. (Exclamations à droite)

Monsieur le ministre, vous qui avez soutenu une grève au CNC en octobre 2001, en tant que président de la commission d'avance sur recettes, comprenez-vous les salariés de RFI qui ont cessé le travail pendant deux mois pour protester contre une brutale restructuration ? Le personnel n'a toujours pas été entendu : six programmes en langue étrangère et 20 % des postes doivent toujours disparaître. Ancien directeur des programmes de TV5 Monde, ce formidable outil de promotion de la francophonie, serez-vous sensible au sort réservé par la majorité à l'AFP, promise à la privatisation ?

Vous qui dénonciez, en 1990, dans un geste fort, en direct devant plus de huit millions de téléspectateurs, la paupérisation du service public, laisserez-vous résorber les 50 millions d'euros de déficit qu'aura accumulés France Télévisions en 2010 par la suppression de 500 emplois sur 900 départs en retraite d'ici à 2012 ?

Vous qui avez quitté TF1 avec fracas en 1988, en affirmant, avec des mots d'une rare violence -« Ils n'aiment ni les Noirs, ni les Arabes, ni les pédés, ni les gens de gauche, autant dire que je n'avais pas beaucoup d'avenir. »-, pouvez- vous nous assurer qu'aujourd'hui, ministre, vous vous engagez à agir pour que le service public reste un lieu de diversité et d'indépendance et non pas un lieu voué à encenser, d'abord et toujours, le Président Sarkozy ? (Protestations à droite) Allez-vous fermer les yeux devant la véritable catastrophe démocratique que constitue la mise sous tutelle politique de notre télévision et de notre radio publiques et qu'illustre la scandaleuse et complaisante valorisation du Président de la République sur les antennes audiovisuelles les 13 et 14 juillet, alors que l'opposition n'avait pas le droit à la parole ? (Vives apostrophes à droite) Agirez-vous pour garantir la pérennité des éditions locales de France 3, auxquelles les Français sont très attachés, et l'indépendance des rédactions nationales des antennes de France Télévisions ? (Applaudissements à gauche)

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.   - Première observation sur votre question à épisodes, bâtie sur des citations datant de ma « carrière » antérieure : vous n'avez pas tout à fait la même personne face à vous (applaudissements sur les bancs UMP) et vos citations sont sorties de leur contexte. Je suis cependant très sensible à votre volonté de reconstituer un destin dans son intégralité : vous savez combien ce genre d'inspiration m'est cher. (On apprécie à droite)

La réforme en cours à RFI ne vise pas, comme vous semblez le soupçonner, à éteindre une chaîne à laquelle les Français sont très attachés mais à la redéployer. Certaines zones de diffusion méritent, de fait, un redéploiement, notamment celles qui usent de langues vernaculaires comme l'haoussa ou le swahili, encore insuffisamment pratiquées. En revanche, RFI, au travers de ses émissions en langue arabe, collabore plus intensivement avec France 24 et TV5.

La réforme, qui entérine en effet la réduction de 206 emplois, passera, conformément à ce que nous avons toujours essayé de faire, par un plan le plus juste possible. J'ajoute que 34 nouveaux emplois ont été dégagés pour accompagner l'adaptation de RFI au numérique.

La vérité est que cette chaîne a été trop longtemps laissée à l'abandon et que, comme toujours en pareil cas, ce sont les salariés qui payent la facture. (Applaudissements à droite)

Quant à mon appui au service public, il est constant. J'y ai très longtemps travaillé...

M. le président.  - Il est temps de conclure.

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - La réponse à votre question vous a été donnée hier soir avec la diffusion, grâce à la suppression de la publicité en prime time, de La Traviata, qui a rencontré un succès éclatant. (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

Indépendance du Parquet

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat .  - Ma question porte sur les rapports entre l'exécutif et la justice. Marc Robert, procureur de Riom, a été muté d'office à la Cour de cassation. Alors que le Conseil supérieur de la magistrature avait donné un avis défavorable, le 23 juin, un décret du Président de la République procédait à sa nomination « vu l'avis du Conseil supérieur de la magistrature du 4 juin 2009 » ! Or, le 4 juin, madame Dati, alors garde des sceaux, avait retiré sa proposition de mutation de l'ordre du jour. Monsieur Ouart, conseiller du Président de la République, était cependant intervenu contre ce retrait.

Les conditions de cette mutation suscitent beaucoup d'émoi. En effet, le décret de nomination est notoirement irrégulier, puisque l'avis du CSM doit être explicite. Or, il est intervenu sans que cet avis soit rendu. M. Robert lui-même conteste la légalité du décret. Il a saisi le Conseil d'État et les syndicats de magistrats se sont joints à sa requête.

Cette affaire est une atteinte extrêmement grave à l'institution judiciaire et au principe de séparation des pouvoirs. Je m'inquiète de la multiplication des interventions de l'exécutif auprès des magistrats du Parquet. L'injonction de Mme la garde des sceaux à celui de Paris de faire appel, alors qu'il ne l'envisageait pas, dans l'affaire Fofana, n'est pas faite pour rassurer. Votre politique interventionniste ouvre la voie à toutes les dérives. Entendez-vous donc faire appel de toutes les décisions de justice qui ne seraient pas conformes aux réquisitions des avocats généraux ? Sinon, sur quels critères déciderez-vous ? Alors que ces affaires interviennent en plein débat sur la suppression du juge d'instruction et alors qu'a été présenté en conseil des ministres un projet de loi organique réformant le CSM, qu'entendez-vous faire pour sortir de la crise que vous avez-vous-même provoquée ? (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG et sur certains bancs socialistes)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés .  - Je remercie Mme Borvo Cohen-Seat de sa double question qui me permet de rappeler que dans l'affaire Robert, j'ai, dès ma prise de fonctions, reçu les présidents des trois formations du CSM et celui de la formation du Parquet pour leur dire ma volonté de travailler en toute transparence, en toute confiance, dans le respect des institutions et de la Constitution.

Hier, le CSM s'est réuni, en ma présence et celle de ses trois membres qui s'étaient retirés à la suite de l'affaire : voilà bien la première marque de la confiance retrouvée. Je leur ai dit que dès lors que le Conseil d'État avait été saisi, c'est à lui seul désormais qu'il revenait de se prononcer.

Oui, j'ai demandé qu'appel soit interjeté dans l'affaire Fofana. Mes critères ? Ce sont et ce seront toujours les mêmes : l'intérêt de la société et la paix publique. Lorsque j'ai constaté que les condamnations prononcées conduiraient à ceci que dans quelques mois, quelques-uns des participants les plus engagés dans ce crime pourraient se retrouver libres dans le quartier même où se sont déroulés les faits, il m'a semblé qu'un problème se posait, qui n'avait pas été envisagé. Je ne juge pas à la place de la Cour mais je demande que l'on réexamine les choses à la lumière de ce problème.

M. Yannick Bodin.  - Supprimez donc les jurés, pendant que vous y êtes !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Je connais bien les quartiers, je sais ce qui s'y passe. Je suis préoccupée par la banalisation de la violence. Remettre très tôt en liberté des personnes qui ont commis de tels actes de barbarie serait envoyer un signal très négatif. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Il faut éviter que, n'ayant plus confiance en la justice, les victimes ne soient tentées de se faire justice elles-mêmes. J'ai demandé au procureur général de faire appel, pour ces raisons et pour sauvegarder la paix publique. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

Grenelle de la mer

Mme Monique Papon .  - Ma question porte sur le Grenelle de la mer, lancé en avril.

L'importance des enjeux maritimes exige une stratégie nationale pour le développement durable de la mer et du littoral.

Constitués dans la continuité de la concertation mise en place par le ministère au cours des deux dernières années, des groupes de travail ont abouti à des tables rondes finales réunissant les cinq collèges du Grenelle de la mer.

Des Grenelle de la mer régionaux ont eu lieu dans 18 régions de l'hexagone, dont 10 littorales. Ce fut notamment le cas en juin à Pornic.

Le Grenelle de la mer a achevé hier sa troisième étape, celle de la négociation et les arbitrages collectifs avec les tables rondes finales. Aujourd'hui, le Président de la République s'est rendu au Havre pour présenter la politique maritime de notre pays. (Marques d'ironie sur les bancs socialistes)

Pourrions-nous être éclairés sur cette étape décisive, sur les avancées majeures auxquelles aboutissent ces mois de débats et sur la poursuite de ce projet indispensable à l'avenir de notre planète ? (Applaudissements à droite)

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Nous étions ce matin au Havre avec M. Borloo, M. Le Maire et M. Bussereau pour entendre le Président de la République présenter ses ambitions pour la politique maritime de la France. Notre pays doit corriger l'oubli de son destin maritime. Songez qu'il n'y a pas d'ambassadeur de France auprès de l'Organisation maritime internationale ! (Sur les bancs socialistes, on suggère de nommer un ancien ministre)

Notre pays possède le deuxième domaine public maritime au monde, équivalant à vingt fois la surface de ces terres. Or, la mer dispose d'un considérable potentiel énergétique et alimentaire, auquel s'ajoute sa contribution à la biodiversité.

Le Président de la République a fait siennes les conclusions du Grenelle de la mer, qui s'est achevé hier, notamment la nécessité de protéger la mer pour que les pêcheurs puissent y exercer leur activité. C'est pourquoi 20 % de nos eaux seront classés « eaux protégées ». C'est pourquoi les pêcheurs seront les premières sentinelles de la mer. M. Le Maire a chargé M. Le Pensec d'une mission sur les conditions de la pêche en haute mer.

Le Président de la République a confirmé que la France jouerait un rôle de premier plan pour l'essor de l'énergie maritime, qui pourrait produire 6 000 mégawatts à l'horizon 2020, soit l'équivalent de 3 000 éoliennes.

Le Président de la République a redéfini l'action de l'État en mer, avec des garde-côtes à la française qui devront combattre la pollution. C'est une rupture avec la politique traditionnelle, puisque la haute mer sera considérée comme un bien commun de l'humanité, non comme une zone de non-droit.

Tous les acteurs du Grenelle de la mer ont décidé de se parler ; tous souhaitent poursuivre ce processus au sein de comités opérationnels du futur conseil interministériel de la mer.

Il est temps que la France prenne la mesure de l'immense potentiel d'avenir que lui apporte son domaine maritime, le deuxième au monde ! (Applaudissements à droite)

Élection présidentielle et répressions en Iran

Mme Dominique Voynet .  - Les électeurs iraniens ont massivement participé à l'élection présidentielle du 12 juin, dont le vainqueur proclamé est Mahmoud Ahmadinedjad, soutenu par les fractions les plus conservatrices de la république islamique. Après un simulacre de recomptages, les soupçons de fraude massive ont été écartés sans ménagement par le Guide suprême, malgré les nombreuses observations directes.

Soutenus par la volonté populaire, les candidats réformateurs ont fermement contesté le pouvoir. Pendant des semaines, le peuple iranien a manifesté son indignation dans les rues de Téhéran et dans les grandes villes iraniennes. « Où est mon vote ? » : tel était le cri de ralliement des manifestants, qui refusaient de voir piétiner le suffrage universel, seule soupape de liberté tolérée par le régime.

Des manifestants ont été blessés ou tués ; des opposants ont été arrêtés et maltraités. La répression brutale touche les Iraniens, mais aussi les journalistes et touristes étrangers, ce dont témoigne l'arrestation arbitraire et révoltante de Clotilde Reiss, l'étudiante française détenue depuis quinze jours.

Rien ne sera plus comme avant car les fraudes ont privé le régime de sa légitimité démocratique, l'appui apporté par le guide suprême Ali Khamenei l'ayant ensuite privé de sa légitimité religieuse.

Que fera la France dans les prochaines semaines ? Reconnaîtra-t-elle que le Président iranien n'a pas été élu ? Exigera-t-elle la libération inconditionnelle des personnes arrêtées, comme l'y invitent ce matin des dizaines de militants, d'artistes et d'intellectuels solidaires du peuple iranien ?

A cette question, j'en ajouterai une autre, plus complexe.

Puisque nous sommes d'accord, du moins je l'espère, pour repousser toute guerre de civilisation -conception erronée de l'histoire-, puisque nous voulons renforcer les relations d'amitié entre Orient et Occident, puisque nous aspirons à construire des passerelles entre les peuples de traditions judéo-chrétienne et arabo-musulmane, puisque tout cela doit s'incarner sans naïveté dans des options stratégiques, pourquoi la France reste-t-elle réticente à envisager l'adhésion à l'Union européenne d'un grand pays de culture et d'histoire musulmanes à qui nous n'avons rien à reprocher, sinon, justement d'être musulman ? (Exclamations à droite)

M. Dominique Braye.  - Mélangeons, mélangeons tout.

Mme Dominique Voynet.  - Est-ce la meilleure façon d'honorer l'islam laïcisé, démocratique et pluraliste souhaité par le peuple iranien ? (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes .  - Vous avez posé au moins deux questions, sans grand rapport entre elles.

D'abord, vous avez rappelé la répression tragique et multiple des manifestations qui ont eu lieu juste après la proclamation officielle des résultats. Les opposants sont descendus dans la rue par centaines de milliers.

Il y a en effet eu des arrestations et beaucoup de morts.

Et puis il y a Clotilde Reiss : cette jeune française qui enseignait à l'université d'Ispahan a été arrêtée le 1er juillet et elle est encore détenue. Ce n'est pas acceptable : l'Europe a mené une action concertée mais, en dépit d'une visite de notre ambassadeur et une deuxième visite prévue samedi prochain, des contacts téléphoniques qui nous rassurent sur son état physique et psychique, nous ne pouvons accepter que cette innocente soit emprisonnée (applaudissements à droite) et nous faisons tout, avec le G8 et l'Europe, pour obtenir sa libération.

Les Vingt-sept ont convoqué les ambassadeurs d'Iran dans leurs pays respectifs et nous réagirons violemment à chaque fois que nous le pourrons, mais il ne faut pas non plus que le gouvernement iranien se ferme.

Vous estimez aussi, madame Voynet, qu'il ne faut pas reconnaître le régime issu des urnes. Je crains que ce ne soit pas le premier qui, se maintenant, doive être reconnu. Il y a eu une contestation et nous l'avons ressentie presque physiquement, avec amitié pour le peuple iranien. Mais si les autorités proclament l'élection de ce président, il serait contreproductif que d'aller seul dans le sens contraire.

En revanche, il convient de soutenir ce mouvement, de multiplier les contacts avec lui et de s'opposer à ce qui se passe en matière atomique. Nous avons maintenu les contacts directs et maintes fois rencontré les dirigeants iraniens. Je téléphone tous les deux jours à mon homologue pour faire pression afin que Mme Reiss soit libérée.

Quant à votre autre question...

M. le président.  - Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Bernard Kouchner, ministre.  - C'est ce que je fais ! (Applaudissements à droite)

Prime à la casse

M. Jackie Pierre .  - (Applaudissements à droite) En décembre 2008, dans le cadre du plan de relance de l'économie française, des mesures spécifiques ont été prises pour aider le secteur automobile particulièrement touché. Ainsi, une prime à la casse de 1 000 euros pour l'achat d'un véhicule neuf émettant moins de 160 grammes de C02 a été instaurée, dispositif le plus populaire du plan de relance et prévu jusqu'à la fin de l'année.

Pour assurer l'avenir de notre outil industriel automobile et préserver ce secteur stratégique pour notre économie et nos emplois, un pacte automobile a également été prévu dans le collectif budgétaire de mars.

Le ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance et le ministre de l'industrie viennent d'annoncer que la prime à la casse ne pourrait être maintenue indéfiniment. Nos voisins allemands font de même, Berlin ayant exclu d'étendre ce dispositif. Certains journaux titrent déjà sur une fin trop rapide de la prime en rappelant les effets dommageables de l'arrêt de la « Balladurette » et de la « Jupette ». En outre, les déclarations de nos ministres ont suscité de nombreuses réactions chez les constructeurs mais aussi chez les sous-traitants, nombreux dans les Vosges, ainsi que dans les réseaux de ventes automobiles.

Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quel est le premier bilan de ce dispositif, sachant qu'il a été conçu pour soutenir l'activité, écouler les stocks et faire repartir la production ? D'autre part, pouvez-vous nous préciser dans quel délai et suivant quelles modalités vous envisagez sa suppression ? (Applaudissements à droite)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Le bilan de la prime à la casse est positif car nous voulions que la production de cette année se maintienne par rapport à celle de 2008. Or, nous constatons au premier semestre une progression de 0,2 % de la commercialisation des véhicules : l'objectif est donc atteint, et même dépassé, puisque nous avions prévu d'affecter à cette mesure 220 millions. Compte tenu du succès de la prime à la casse, il en coûtera vraisemblablement 390 millions au budget de l'État. Pour nos entreprises, c'est une bonne nouvelle, à tel point que certains constructeurs ont réengagé la production. Ainsi, les chaînes de fabrications de petits véhicules de PSA se sont remises à tourner en deux-huit et Renault a été contraint, et c'est heureux, de rapatrier à Flins une partie des chaînes de petits véhicules fabriqués en Slovénie.

Nous devons maintenant éviter que la fin du dispositif ne provoque les mêmes conséquences que précédemment : la sortie brutale avait entraîné une chute des ventes de 20 %. Il avait fallu attendre trois ans pour revenir à la production antérieure. Nous examinons divers scénarios pour une sortie en sifflet de ce mécanisme à partir de 2010. Nous tiendrons bien évidemment compte de nos finances publiques et de la situation économique, car ce secteur industriel doit être soutenu. (Applaudissements à droite et au centre)

Incarcération de Clotilde Reiss

Mme Brigitte Bout .  - (Applaudissements à droite) Depuis plus d'un mois, le peuple iranien connaît une situation dramatique. Les règles élémentaires de la démocratie, comme le respect des droits de l'homme, y sont bafouées.

Le 23 juin, des ressortissants britanniques en poste diplomatique à Téhéran ont été expulsés du territoire iranien.

Depuis le 1er juillet, une Française, Clotilde Reiss, depuis cinq mois lectrice de français à l'université technique d'Ispahan, est accusée à tort d'espionnage. Elle est retenue par les autorités iraniennes, lesquelles sont en passe d'en faire un symbole face à l'Occident.

Cette jeune femme, originaire de la région Nord-Pas-de-Calais et qui a été élève de l'Institut d'études politiques de Lille, doit savoir que ses compatriotes la soutiennent.

Pour la deuxième fois en dix jours, vous vous êtes entretenu, monsieur le ministre, avec votre homologue iranien au sujet de Clotilde Reiss. Quelle est la situation de cette jeune Française, qui n'est en rien impliquée dans les faits dont on l'accuse et qui mérite de recouvrer la liberté ? (Applaudissements à droite)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes .  - Plusieurs fois au téléphone et une fois de visu, notre ambassadeur s'est entretenu avec Mme Clotilde Reiss, dont vous avez bien raison de réclamer la libération immédiate puisqu'elle est innocente. Elle se trouve dans une prison épouvantable...

Voix sur les bancs socialistes.  - Comme en France !

M. Bernard Kouchner, ministre.  - ...qui s'appelle Evin, avec plusieurs codétenues avec lesquelles elle s'entretient en persan puisqu'elle parle couramment cette langue depuis longtemps. Nous l'avons trouvée résistante, vive et désireuse de recouvrer sa liberté.

Nous faisons tout, juridiquement, pour répondre aux cinq chefs d'accusation, dont celui, invraisemblable, d'espionnage. Cette jeune femme, qui n'a pas 24 ans, était en Iran depuis cinq mois, y faisait son travail et a simplement pris des photographies sur son téléphone portable, qu'elle a envoyées à un ami français à Téhéran. Cette accusation est ridicule.

Oui, nous sommes témoins d'un mouvement promis, je le crois, à un avenir au sein du peuple iranien. Oui, nous constatons au sommet de la hiérarchie chiite des dissensions majeures, pour la première fois depuis trente ans. Aujourd'hui, nous avons appris l'arrestation, ou le licenciement, ou le limogeage, je ne sais comment qualifier la chose, du patron de l'organisation iranienne de l'énergie atomique, M. Aghazadeh. On lui reproche d'avoir fait savoir au peuple iranien quelles questions l'Agence internationale de l'énergie atomique posait au gouvernement iranien.

Nous sommes en contact plusieurs fois par jour avec notre ambassade, et plus précisément avec ceux qui travaillent sur le dossier de notre compatriote. Sa libération interviendra, je l'espère, au plus vite. (Applaudissements à droite)

Réforme de la taxe professionnelle

M. Jean-Claude Frécon .  - Ma question s'adresse au Premier ministre.

M. Didier Boulaud.  - Il est déjà parti !

M. Jean-Claude Frécon.  - Le Gouvernement devait présenter la semaine dernière la réforme de la taxe professionnelle. Cette annonce a été repoussée, dans l'attente des derniers arbitrages. Il est urgent de jouer franc-jeu avec les collectivités territoriales qui élaborent déjà leurs projets pour 2010. Elles ont largement contribué à la mise en oeuvre du plan de relance. Elles ne peuvent rester plus longtemps dans l'incertitude. Vous leur devez, ainsi qu'à nos concitoyens, des réponses claires !

Tenu par la promesse électorale du candidat Sarkozy au Medef, le Gouvernement veut coûte que coûte supprimer la taxe professionnelle, en dépit de la conjoncture économique, en dépit de l'état déplorable des finances publiques. Le rapporteur général de notre commission des finances lui-même vous demande d'attendre des jours meilleurs...

Les socialistes sont favorables à une réforme de la taxe professionnelle ambitieuse pour le développement des territoires et des entreprises et à l'instauration d'un véritable impôt économique local dynamique -à l'opposé de ce que vous proposez. Outre la contribution sur la valeur ajoutée, qui ne représente que la moitié du montant de la perte de recettes fiscales, vous prévoyez de transférer aux collectivités territoriales des morceaux d'impôts nationaux et des dotations sur lesquelles elles n'auront aucune marge de manoeuvre.

M. Didier Guillaume.  - Eh oui !

M. Jean-Claude Frécon.  - En proposant une réforme uniquement axée sur la taxe professionnelle, vous faites l'impasse sur une réforme globale de la fiscalité locale, et notamment des impôts ménages. Pourtant, nous savons tous que la suppression de cette taxe aura pour conséquence inéluctable la hausse des impôts payés directement par nos concitoyens. (« C'est ce que veut le Gouvernement ! » sur les bancs socialistes) Cette réforme aura un coût important pour l'État et il faudra bien le combler. Nous refusons que la taxe carbone serve de palliatif budgétaire. Du reste, sur ce point, vos ministres ne sont pas unanimes.

Ne jugez-vous pas dangereux de maintenir une telle réforme, incomplète et inadaptée ? Privées de visibilité, les collectivités feront moins de projets, moins d'investissement. Quel scénario leur proposerez-vous ? Après les avoir fortement sollicitées pour le plan de relance, oserez-vous porter un coup d'arrêt à leur investissement ? Profiterez-vous de la période estivale pour les asphyxier ? (Applaudissements à gauche)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - Vous êtes trop bon spécialiste de ces questions pour ignorer qu'en France, l'investissement public et privé est insuffisant. Le Président de la République s'est engagé, devant le pays et non auprès du Medef, à stimuler l'investissement, et donc à éliminer la part de la taxe professionnelle assise sur les équipements et biens mobiliers, c'est-à-dire sur l'investissement productif. Tous les gouvernements en parlent depuis vingt ans ; chacun s'accorde à estimer qu'une taxe sur l'investissement productif n'est pas un bon impôt. On l'a même qualifié d'imbécile !

Nous avons engagé tout un processus. J'ai reçu à trois reprises en séance plénière toutes les associations représentant les collectivités locales, toutes catégories confondues. J'ai rencontré par trois fois les représentants des entreprises. Nous travaillons ensemble, en partageant l'information. La taxe professionnelle est une ressource importante pour les collectivités et nous savons que cette réforme fondamentale pour les entreprises, l'économie, l'emploi ne pourra aboutir que dans la concertation.

Je vais continuer d'appliquer cette méthode, comme je l'ai fait depuis le 5 février dernier, en poursuivant quatre objectifs : supprimer la taxe professionnelle sur les investissements productifs, maintenir un lien étroit entre les entreprises et les territoires, maintenir l'autonomie des collectivités locales, maintenir les financements de celles-ci par niveau de collectivités. A quoi s'ajoute une réflexion sur la reliaison des taux, indispensable pour parvenir à une fiscalité équilibrée. Dans la prochaine loi de finances, je vous soumettrai un projet qui répondra à ces objectifs. J'espère que nous les poursuivrons tous ensemble. (Applaudissements à droite)

Discours de M. le Président du Sénat

M. le président.  - Il y a un peu plus de neuf mois, je traçais devant vous un nouveau cap pour le Sénat. Cette ambition collective devait pour moi s'articuler autour de deux idées, le retour du politique et l'image de notre assemblée.

Notre action collective a été intense. Faut-il s'en féliciter ? Nous avons battu cette année le record du nombre de jours, 124, et d'heures, 950, de séance publique depuis le début de la Ve République. Le plafond de 120 jours de séance a été dépassé.

Du nombre habituel de 5 500 amendements, on est passé au chiffre de 11 000, dont 3 000 en commission depuis le 1er mars ; 94 % des amendements adoptés par notre Assemblée ont été retenus par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs UMP) Parallèlement, le temps de contrôle en séance publique a triplé depuis mars, sous l'effet de nos nouvelles possibilités en matière d'ordre du jour.

Au-delà de chiffres, qui ne semblent pas éloignés d'un point de rupture, c'est la qualité de notre bilan législatif qui importe. Le Sénat a imposé sa marque : au cours de 106 heures de débat, il a, avec sa commission des affaires sociales, contribué à modifier de manière équilibrée l'efficacité de la gestion de nos hôpitaux publics (murmures dubitatifs à gauche) ; il a confirmé son engagement en faveur des libertés publiques et de la défense de la vie privée, avec sa commission des lois dans la loi pénitentiaire, ainsi que par un rapport remarqué sur le numérique ; il a, avec sa commission des finances, mis en exergue l'effort nécessaire en faveur des PME et de la fiscalité environnementale ; il a, avec sa commission de la culture, réussi à imposer un financement pérenne de la télévision publique, ce qui n'était pas évident... Il a, avec sa commission de l'économie, maintenu le principe de 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants.

Voix sur les bancs socialistes.  - Merci l'opposition !

M. le président.  - Avec sa commission des affaires étrangères, il a mis en oeuvre sur le dossier sensible du Moyen-Orient les tandems de rapporteurs majorité-opposition que j'appelais de mes voeux.

Les trois secteurs privilégiés d'intervention que je vous avais invités à partager, le 14 octobre, ont fait l'objet de missions communes d'information : celle sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales a permis au Sénat de jouer tout son rôle dans la réflexion sur les réformes annoncées -et ce n'est pas fini ; celle sur l'outre-mer a amorcé une oeuvre de longue haleine, que nous poursuivrons ; celle sur la crise financière a pris la forme originale et sans précédent d'un groupe de contact paritaire avec les députés. Il nous faut continuer à oser des initiatives inédites. Une quatrième mission réfléchira aux possibilités d'insertion de notre jeunesse, car il s'agit là d'un défi majeur.

Nous avons donné un sens quotidien aux vertus de la collégialité qui contribuent tant à la noblesse de la politique. Ensemble, au sein de notre Bureau, nous avons institué une gouvernance refondée ; transparence, responsabilité à l'égard des deniers publics et collégialité ont été les mots clefs de notre action. Nous nous sommes attachés à l'auto-réforme en renforçant nos contrôles internes, mais aussi en recourant à des expertises extérieures : audit annuel sur le Musée du Luxembourg, analyse de notre politique de communication, étude de l'adéquation de nos moyens à nos missions. Nous nous sommes recentrés sur notre coeur de métier, la loi, le contrôle et la prospective. Ensemble, nous avons commencé à faire évoluer nos méthodes de travail.

L'esprit de dialogue a prévalu au sein du groupe chargé de l'élaboration de notre Règlement, sous l'égide de MM. Hyest et Frimat. Préférant les équilibres négociés aux solutions imposées, nous avons fait le pari de l'intelligence collective. Nous avons recherché une meilleure maîtrise de notre temps pour une plus grande lisibilité et un intérêt accru de nos débats aux yeux de nos concitoyens. Nous avons voulu que cette démarche n'affecte pas le droit d'amendement mais qu'elle renforce la dimension politique de nos travaux. Je souhaite que ce choix pragmatique serve la démocratie parlementaire.

Le rôle accru de la Conférence des Présidents, où les décisions sont désormais prises à la proportionnelle des groupes, devient une évidence. Nous avons cherché un moyen pour que les propositions de loi de l'opposition soient effectivement discutées. Le Sénat a très concrètement accompagné la présidence française de l'Union européenne avec sa commission des affaires européennes et en prenant le relais des initiatives lancées par les présidents Poncelet et Accoyer.

Il nous faudra confirmer cet état d'esprit de concertation et franchir ensemble une nouvelle étape dans l'organisation de notre travail législatif, mieux lier le travail en commission et en séance publique...

Mme Fabienne Keller.  - Ah oui !

M. le président. - ...et gérer le temps, qui nous est compté. Il faudra aussi mieux équilibrer le rôle législatif du Sénat et sa mission de contrôle.

Le Sénat n'a pas attendu la révision constitutionnelle pour faire du contrôle une de ses priorités permanentes. Il a su le faire par des moyens de plus en plus diversifiés et il devra continuer à valoriser cette spécificité dans un contexte d'accroissement de ses missions.

Ensemble, nous devons coordonner le rôle d'impulsion de nos groupes avec l'expertise et l'espace de dialogue propre à nos commissions, en veillant à ce que les délégations trouvent toute leur place dans la concertation. Quel lieu peut nous le permettre mieux que la Conférence des Présidents ?

Nous pourrons ainsi mieux renforcer notre communication sur l'essentiel et gagner la bataille de l'image. Nous devons veiller à conforter les modes de communication sur le travail sénatorial. Notre Bureau a ouvert la voie ce matin ; il y faudra la contribution de chacun.

Dans un monde marqué par la crise, le Sénat doit être le passeur entre le vécu quotidien dans les territoires et les décisions prises au niveau national. Son rapport au temps et aux territoires en fait le lieu naturel de réflexion sur l'avenir lorsque les événements obligent à repenser l'économie et la société, à sortir des habitudes. Son rôle n'est pas à sens unique : il ne s'agit pas uniquement de nous faire les interprètes des attentes et des angoisses de nos concitoyens mais aussi de les éclairer. Les 343 sénateurs sont les passeurs de l'intelligence territoriale !

Je rends hommage aux fonctionnaires, aux collaborateurs des groupes et aux assistants parlementaires. Ils ont su, au prix d'un investissement personnel, faire preuve de conscience professionnelle, d'une adaptation et d'une inventivité que je salue. J'associe à ces remerciements Public Sénat, son ancien et son nouveau présidents, les correspondants de la presse accrédités au Sénat et tous ceux qui ont bien voulu rendre compte de ce nous nous efforçons de faire ensemble ici. Je souhaite que nous continuions à jouer collectif dans le respect des convictions et des engagements de chacun. Si nous y parvenons, plus personne ne pourra demander « à quoi sert le Sénat ? ». J'ai envie de vous faire partager cette conviction.

Encore quelques jours et nous pourrons prendre quelques semaines de repos amplement méritées. Je vous les souhaite, suivant la formule de M. Frécon, estivales et revigorantes. (Applaudissements à droite et au centre ainsi que sur quelques bancs socialistes)

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.  - (« Ha ! » sur de nombreux bancs à droite) Monsieur le président du Sénat, j'ai écouté votre propos avec toute l'attention que requiert son importance. Il dresse en effet un bilan, trace des perspectives et, à quelques jours près, j'aurais pu me reconnaître parmi les acteurs de ce travail. (Sourires) Je le ressens d'autant plus au moment de m'adresser au nom du Gouvernement à mes anciens collègues, qui tiennent une grande place dans mon coeur. (Applaudissements à droite et au centre) Je remercie du fond du coeur tous les sénateurs, sur quelque banc qu'ils siègent...

M. Roland du Luart.  - Des fauteuils ! (Sourires)

M. Henri de Raincourt, ministre.  - Depuis longtemps, j'apprécie la qualité du travail mené ici, le sens du dialogue et de l'écoute, le respect entre nous. Chacun a sa sensibilité mais sur l'idéal, rien ne nous sépare : seuls les voies et les moyens enrichissent la démocratie par la divergence des points de vue.

Je voudrais aussi publiquement vous remercier, monsieur le président. Je sais votre passion pour cette maison et le travail qui s'y accomplit, pour que le Sénat remplisse pleinement son rôle au service de la République. Avec les membres du Sénat et leurs collaborateurs, vous avez engagé un changement et une réforme dont l'ambition est de mettre le Sénat aux avant-postes de la République.

Je remercie également les présidents de groupe -je n'ai pas oublié la difficulté de leur fonction- et les présidents de commission, tous les commissaires, ainsi que les fonctionnaires du Sénat.

Nous venons de vivre une session inédite. Depuis le printemps se met en place la réforme constitutionnelle votée par le Congrès en juillet 2008. Le Parlement, et singulièrement le Sénat, ont su répondre présents dans la crise financière, économique et sociale que nous traversons. Si les deux ne sont pas liés, ils ont permis au Sénat de montrer un nouveau visage en cette période de transition : toujours attaché à l'approfondissement du travail, il déploie une réactivité par rapport aux événements.

A propos de la révision constitutionnelle, je citerai la loi organique et, comme vous, monsieur le président, la réforme du Règlement. L'enjeu est de faire du Parlement, conformément à la volonté du Président de la République, du Premier ministre et du gouvernement d'alors, une caisse de résonance en temps réel, autant que faire se peut, des problèmes de notre société afin d'abolir ce décalage entre une situation et son traitement au Parlement, souvent ressenti par nos concitoyens comme une distance, contraire à notre conception de la démocratie en ce début du XXIe siècle. En cette période de rodage, Parlement et Gouvernement doivent imaginer de nouvelles méthodes de travail, se faire confiance afin que l'hémicycle soit le coeur du débat républicain. Le Sénat, j'ai quelques raisons de le savoir, s'est engagé avec efficacité dans cette entreprise. Même s'il reste quelques ajustements à effectuer, je sais que nous y parviendrons, forts de cette relation de confiance.

Je veux pour preuve de la réactivité du Parlement, et singulièrement du Sénat, par rapport à la crise, les délais très brefs dans lesquels le plan de sauvetage des banques, le plan de relance ou encore les nécessaires dispositions sur le logement ont été examinés après qu'ils ont été arrêtés à l'échelon national. Le Parlement s'est montré très en phase avec ces nouvelles mesures pour qu'elles trouvent à s'appliquer au plus vite. La session ordinaire a été effectivement dense, avec l'adoption de textes très importants tels que la loi hôpital, la loi sur l'outre-mer et toutes les lois économiques qui ont fait l'objet d'un travail approfondi dans cette maison, travail que je salue. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel est sur le point de valider la loi hôpital, manière de rendre hommage à votre commission des affaires sociales.

Point de nature à soulever votre enthousiasme : l'ardeur réformatrice du Gouvernement ne s'éteint pas avec la session ordinaire ! (Exclamations à droite) On le mesure à cette session extraordinaire et le Gouvernement a l'intention d'inscrire à l'ordre du jour du Sénat, dès l'automne, des projets de loi de grande portée tels que le Grenelle II, le texte sur la formation professionnelle ou encore celui sur un sujet qui donnera lieu au Sénat à un débat passionnant et éclairant, l'indispensable réforme des collectivités territoriales, sans parler de la loi de finances et de la loi de financement. Voilà les textes sur notre table de travail ! En attendant, bonnes vacances pour un retour en pleine forme à la rentrée !

Monsieur le Président, à la question « à quoi sert le Sénat ? », je réponds : « Il sert à la République ! Et c'est déjà formidable ! ». (Applaudissements à droite et au centre ainsi que sur quelques bancs socialistes)

La séance, suspendue à 16 h 20, reprend à 16 h 35.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

Hommage à une délégation taïwanaise

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) J'ai le grand plaisir de saluer la présence dans nos tribunes d'une délégation du groupe d'amitié parlementaire Taïwan-France conduite par sa présidente, Mme Li-Huan Yang, et accompagnée par notre collègue, Mme Monique Papon, présidente du groupe d'information et d'échanges Sénat-république de Chine-Taïwan.

Nous sommes très sensibles à l'intérêt et à la sympathie témoignés ainsi à notre institution. Je lui souhaite la plus cordiale bienvenue et je forme des voeux pour que son séjour en France contribue à améliorer les liens qui nous unissent. Je fais confiance, pour cela, à Mme Monique Papon. (Applaudissements)

Rappel au Règlement

M. Thierry Foucaud.  - Alors même que nous allons débattre de l'orientation des finances publiques, on nous annonce une nouvelle réduction du taux de rémunération du livret A, qui passera de 1,75 à 1,25 % dès le 1er août. En appliquant la formule prévue par le code monétaire et financier, qui conduit à réduire au quart de point la rémunération du livret A, le Gouvernement prétend adresser un bon signe à l'épargne populaire.

Un an après l'adoption d'une loi de modernisation de l'économie qui a banalisé le livret A, et dont on ne sait pas ce que sont devenues les promesses de croissance, la rémunération de ce produit d'épargne populaire est réduite pour la deuxième fois. Nul doute que cette opération ne vise à créer un appel d'air vers le produit appelé à connaître un certain succès cet automne : l'emprunt Sarkozy, dont nous ne connaissons ni le montant ni la rémunération. Nul doute que les banques vont vite trouver ainsi de quoi réorienter l'épargne des ménages, et celle de leurs clients et déposants ! Une telle mise en cause de l'équilibre de nombreuses opérations de construction ou de réhabilitation de logements est pourtant porteuse de récession économique.

Le Gouvernement est bien plus pressé de réduire le taux du livret A, dont le rendement est inférieur à la progression du CAC 40 pour les trois dernières séances boursières, qu'à légiférer sur les stock-options et la rémunération des dirigeants des banques ou à lutter contre une spéculation financière et une fraude fiscale qui grèvent lourdement le budget de l'État. Et, en recourant immodérément aux bons du Trésor sur formule, il propose à certains épargnants de quoi réaliser rapidement de fructueux placements. Cela méritait d'être souligné aujourd'hui, où nous nous préoccupons des finances publiques.

M. le président.  - Je vous donne acte de ce rappel au Règlement.

Déclaration du Gouvernement sur l'orientation des finances publiques

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'orientation des finances publiques pour 2010.

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.  - Avec la crise, la mission régulatrice de l'État vient de prendre une vigueur nouvelle. Jamais la politique budgétaire n'a été autant au coeur du débat public, jamais elle n'a été autant sollicitée.

Le séisme économique mondial que nous traversons comporte un risque, mais il peut devenir une chance. Le risque est celui de la multiplication des crises, en gigogne, et, avec cet enchaînement diffus et dangereux, celui du développement d'une mentalité de retrait, d'une défausse du souci collectif sur les générations futures. La chance, c'est de comprendre que cette période, avec son lot de bouleversements, peut être l'occasion de moderniser la France afin que notre pays conquière une puissance économique digne de ses talents.

Les choix budgétaires que nous poserons dans les semaines, les mois et les années qui viennent peuvent être fondateurs, et nous sommes fermement décidés à préparer l'avenir et à utiliser cette période difficile pour préserver et préparer notre pays. Préparer l'avenir, c'est d'abord sortir de la crise. C'est aussi amplifier la lutte contre nos déficits structurels, poursuivre nos efforts pour faire de la France une démocratie financière moderne et identifier les domaines stratégiques dans lesquels nous devons investir pour mettre notre pays à l'heure du monde.

En matière budgétaire, il serait aussi irresponsable d'en appeler à une politique de resserrement immédiat qu'à un assouplissement permanent. Notre crédibilité va reposer sur notre capacité à savoir dépenser dans les secteurs qui permettront à la France de conforter sa place dans le concert des nations les plus performantes, tout en tenant le cap de la raison économique. Durant trente-cinq ans, nous avons produit du déficit. Si nous voulons rester crédibles, nous ne pouvons plus nous permettre le moindre relâchement dans notre volonté de maîtriser les dépenses publiques. Dépenser à bon escient, au bon endroit, tout en restant rigoureux et responsables vis-à-vis des générations futures, ce n'est pas, pour nous, hors d'atteinte.

Pour assainir nos finances publiques, il nous faut faire des choix précis et concrets dans les politiques et la gestion publiques. Il ne s'agit pas de procéder à un simple élagage aléatoire qui cumulerait tous les inconvénients : faible efficacité budgétaire et paralysie décourageante pour les administrations. De vrais choix : voilà qui nous ramène à la politique dans sa fonction et sa pratique véritables. Dès 2007, j'ai privilégié les dépenses d'avenir dans la construction du budget. Aujourd'hui, c'est l'ensemble de la dépense publique que nous voulons tourner vers l'avenir.

Je commencerai par un point sur l'année en cours. Si vous ne deviez en conserver qu'une idée, c'est que, si les déficits se creusent, c'est en raison du coût de la crise et du prix de la relance. Le déficit public atteindra de 7 à 7,5 points de PIB en 2009. Cette dégradation d'un peu moins de 4 points d'une année sur l'autre s'explique par la facture de la crise, sous l'action conjuguée de l'énorme baisse des recettes et des mesures de relance. Notre prévision, identique à celle de l'Insee, d'une baisse de 3 % est de près de 5 % en deçà de la croissance potentielle. En temps normal, l'effet de la baisse de l'activité se traduirait par une hausse des déficits d'un peu moins de 2,5 points de PIB.

En fait, la baisse est de quatre points : nous ne sommes pas en temps normal et les recettes fiscales se replient plus vite que le PIB. Les recettes d'impôt sur les sociétés sont passées de 50 à moins de 25 milliards en un an ! Cette sur-réaction à la baisse explique un peu moins d'un point de déficit. L'impôt sur les sociétés pâtit ainsi de la baisse des résultats d'exploitation des sociétés mais aussi de celle des résultats financiers. Nombre d'entreprises ont passé des provisions pour dépréciation de leur portefeuille de participations financières, ce qui réduit leur résultat fiscal.

A ce jeu de stabilisateurs automatiques s'ajoute le coût budgétaire des mesures de relance. Les dépenses ordinaires, « hors crise », sont toutefois parfaitement maîtrisées, comme l'a souligné le président Arthuis hier. Hors mesures de relance, elles sont contenues au niveau voté par le Parlement. Pour la première fois depuis 1997, l'Ondam sera quasi respecté.

Le déficit « hors crise » représente un peu plus de 40 milliards et le déficit de crise environ 85 milliards. Environ 15 milliards ne pèsent pas sur le déficit maastrichtien, notamment les prêts au secteur automobile ou les fonds versés au Fonds stratégique d'investissement. Le déficit du régime général de la sécurité sociale est de l'ordre de 20 milliards, dont 10 sont imputables à la crise.

En comparaison, l'Espagne prévoit 9,5 points de PIB de déficit ; selon l'OCDE, les États-Unis passeraient à plus de 10 points, le Royaume-Uni à plus de 12. Même le déficit allemand se dégrade au même rythme que le nôtre !

En 2010, les recettes de l'État devraient se rétablir avec le retour - modeste- de la croissance et l'amorce d'un retour de recettes d'impôt sur les sociétés. Les dépenses de relance seraient ramenées à 3,5 milliards. Les dépenses « hors relance » respecteront la norme « zéro volume », malgré la baisse de l'inflation.

La loi de programmation des finances publiques a permis de nous concentrer sur les budgets les plus concernés par la crise. Plusieurs budgets ont même été revus à la hausse : l'emploi, mais aussi un certain nombre de dotations sociales, ainsi que le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, car nous sommes relativement moins touchés que nos partenaires. A l'inverse, la baisse de l'inflation réduit certaines dépenses comme les pensions ou les charges de la dette, ou encore la défense qui fait l'objet d'une programmation en euros constants. La baisse des taux d'intérêt a également allégé la charge de la dette. Pour la plupart des autres budgets, les modifications ont été marginales par rapport à la loi de programmation, qui reste une boussole.

Nous poursuivons le non-remplacement d'un départ sur deux, la réduction d'effectifs atteignant 34 000 équivalents temps plein.

Cette amélioration du déficit budgétaire sera toutefois compensée par la poursuite de la dégradation des comptes sociaux, le recul de la masse salariale de 0,5 % en 2010 pesant sur les recettes. Au total, le déficit s'établirait à nouveau entre 7 et 7,5 points de PIB. C'est la traduction du rôle d'amortisseur social de la politique budgétaire. Selon l'Insee, le pouvoir d'achat des transferts sociaux augmenterait de 4,8 % en 2009 -deux fois la moyenne de ces vingt-cinq dernières années. De quoi mettre fin aux disputes entre tenants de la relance par la consommation et ceux de la relance par l'investissement !

Cette dynamique des transferts, c'est notre système social qui joue à plein pendant la crise. Une société avancée se doit d'être solidaire : apporter plus de justice sociale à ceux qui sont touchés par la crise, c'est un devoir autant qu'un bénéfice pour le pays. Plus de justice sociale, c'est l'augmentation du minimum vieillesse et de l'allocation adultes handicapés, la prime exceptionnelle de fin d'année, la prime de solidarité active et, bien sûr, le RSA.

Parmi les autres urgences, il y a le soutien à l'investissement et à la trésorerie des entreprises. Avec M. Devedjian, nous avons mis en marche le plan de relance. Peu de pays ont agi aussi vite et aussi fort. Ce plan n'est d'ailleurs guère critiqué : le FMI et l'OCDE en saluent le ciblage et le calibrage.

La question est plutôt la préparation de l'après-crise. Le calendrier de la reprise est incertain. Quelle en sera la force après une telle récession ? Comment évolueront les prix d'actifs ? Qu'escompter comme croissance potentielle au lendemain d'une telle bourrasque ? Le potentiel de croissance de la France et du monde était surévalué. Il y avait un excès de demande dû à des bulles d'endettement. Nous avons donc révisé à la baisse l'évaluation de la croissance potentielle, à environ 1,75 %. Faut-il dire que le terrain perdu dans la crise ne se reconquerra jamais ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Hélas...

M. Eric Woerth, ministre.  - Notre situation n'est pas celle des Anglais. Nous avons moins d'endettement des ménages, moins de prêts risqués, moins de bulle immobilière ; notre secteur financier n'est pas surdimensionné par rapport au reste de notre économie ; enfin, par le jeu des stabilisateurs économiques, du chômage partiel, nous avons mieux conservé notre « capital humain ». Cela prendra du temps mais nous faisons tout pour reconquérir le terrain perdu.

Le Conseil européen des 18 et 19 juin a intégré cette incertitude : le redressement des finances publiques doit se faire au rythme de la reprise. La politique budgétaire devra rester souple et réactive. A vouloir consolider trop tôt au milieu des années 90, et en relevant son taux de TVA, le Japon a tué sa croissance pour dix ans...

Telles sont les grandes orientations de l'après-crise que le Président de la République a indiquées devant le Congrès, et que le Premier ministre a précisées lors du récent séminaire gouvernemental.

Première condition pour assainir les finances publiques : les mesures de relance doivent être temporaires. Le Gouvernement s'y est engagé. Deuxième condition : la hausse des prélèvements obligatoires est exclue. Avec un taux de prélèvements de 43 % -contre 37 en Allemagne et au Royaume-Uni, voire moins de 30 aux États-Unis-, une telle hausse serait tout bonnement inenvisageable, sous peine d'obérer notre compétitivité et notre croissance potentielle et de peser in fine sur la soutenabilité des finances publiques.

Le Président de la République a défini une stratégie en trois axes pour nos finances publiques : sécuriser les recettes ; réduire le poids de la dépense courante ; investir massivement dans les projets d'avenir. Tous doivent être poursuivis avec la même ardeur.

Afin de compenser les pertes de recettes dues à la dégradation de l'activité, le surcroît de recettes qui interviendra au rythme de la reprise sera intégralement consacré à la réduction du déficit.

Deuxièmement, la lutte contre les déficits doit être poursuivie. Depuis deux ans, tout est mis en oeuvre pour infléchir la dépense courante. Le Président de la République nous appelle à mettre les bouchées doubles. La dépense courante, ce ne sont pas seulement les gommes et les crayons, mais aussi les dépenses d'intervention, ou celles des opérateurs. L'année dernière, nous avons contenu la dépense publique à moins de 1 % en euros constants, mais il faut aller plus loin. Avec l'aide du Parlement, dans la lignée des états généraux de la dépense publique, toutes les dépenses inutiles seront identifiées ; la réforme de l'administration sera poursuivie, et en particulier le non-remplacement d'un départ sur deux ; la réforme des collectivités locales sera menée à bien ; toutes les options envisageables pour la réforme des retraites seront examinées, avec des décisions dès la mi-2010.

La maîtrise des dépenses de santé sera amplifiée : compte tenu de la baisse de l'inflation, l'Ondam peut être ramené à 3 % dès 2010. Avec Mme Bachelot, nous y travaillerons pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Les niches sociales feront l'objet d'un examen systématique. Leur montant global s'élève à 42 milliards : 33 milliards d'exonérations de cotisations sociales, 9 milliards d'exemptions d'assiette diverses. Depuis deux ans, nous avons agi sur deux leviers en rationalisant plusieurs dispositifs d'exonérations peu efficients et en mettant à contribution les stock-options, les parachutes dorés ainsi que l'intéressement et la participation, pour le financement de la sécurité sociale. J'entends poursuivre et accentuer cette action en 2010, notamment par une action sur les retraites chapeaux.

Je conduirai, dans les mois à venir, un examen critique des dépenses fiscales. Nous avons déjà réduit certaines niches spécifiques et instauré le plafonnement global. Je souhaite poursuivre dans ces deux voies : continuer de questionner certains dispositifs dont la pertinence et l'efficacité ne sont pas avérées ; réfléchir aussi à une manière plus transversale de réduire le poids de la dépense fiscale globale. Aucune niche prise isolément n'est illégitime mais le dédale qu'elles constituent devient difficilement gérable pour les finances publiques. Il faut donc, là aussi, redoubler d'effort.

Troisième pilier de notre stratégie : réorienter la dépense publique vers des projets d'avenir. Le débat s'est curieusement focalisé sur les modalités de l'emprunt. Mais l'emprunt n'est que le moyen, le but est bien le redéploiement de nos dépenses vers les projets d'avenir. Oui, ces projets seront financés par un emprunt dédié. Il ne pourra financer que des projets d'avenir prioritaires clairement identifiées. MM. Juppé et Rocard y travaillent. Aucune fongibilité ne sera possible avec le financement de la dépense courante, pour laquelle l'objectif est le retour à l'équilibre. Il faudra apporter la preuve de l'intérêt de ces dépenses et de leur rendement pour les générations futures. Ce processus pourrait débuter soit par une loi de finances rectificative soit, le cas échéant, par un débat d'orientation budgétaire, début 2010.

Que doit-on entendre par dépenses d'avenir ? Cela peut être des engagements financiers pour soutenir des entreprises dans des secteurs de pointe, des investissements physiques dans de nouvelles technologies, ou encore certains investissements en capital humain, comme l'enseignement supérieur ou la recherche. Mais à mon sens, des dépenses, même d'avenir, qui se renouvellent chaque année ont vocation à être financées par des recettes qui se renouvellent également : l'emprunt ne doit financer que des dépenses non récurrentes.

Pour être efficace, il faut faire des choix. Il faudra donc hiérarchiser nos priorités. A la demande du Premier ministre, la consultation nationale devra déboucher dans la première semaine de novembre. Les projets devront apporter la preuve qu'ils ont une rentabilité financière et socio-économique élevée et devront associer le plus possible des cofinanceurs pour démultiplier les efforts de l'État.

Mon objectif reste une progression de l'ensemble des dépenses publiques limitée à 1 % par an en volume. A l'horizon 2011, on peut miser sur une reprise de la croissance plus forte et des recettes plus dynamiques lors de la reprise de l'activité. L'impôt sur les sociétés pourrait ainsi, après les 20 à 25 milliards de 2009, retrouver son niveau de 2007, à 50 milliards : ce serait déjà plus d'un point de PIB retrouvé.

Entre la maitrise de la dépense et ce dynamisme des recettes, on peut espérer une amélioration du déficit public de l'ordre de 2 points de PIB en deux ans, à moitié par les recettes et à moitié par la dépense -20 milliards au titre de sa maîtrise. Nous irons plus vite si la reprise est plus forte. Mais l'important est bien de marquer une inflexion forte par la dépense.

Le retour à 3 points de PIB de déficit en 2012 ne saurait être atteint sans un fort rebond de la croissance, sur lequel on ne peut se fonder dans un débat d'orientation budgétaire.

La dette atteindrait 88 points de PIB à l'horizon 2012. C'est un niveau important mais qui resterait encore inférieur à celui que connaissent déjà plusieurs de nos partenaires. Nous ne renonçons pas pour autant au pacte de stabilité : nous en conservons l'esprit. La quasi-totalité des pays européens sont confrontés à cette situation. Même l'Allemagne a annoncé qu'elle ne pourrait revenir sous les 3 points de PIB de déficit qu'au mieux en 2013, voire 2014.

Mme Nicole Bricq.  - Belle consolation !

M. Eric Woerth, ministre.  - Nous restons donc fidèles à nos choix. Si le renouveau de l'État doit passe aussi par une logique conjoncturelle, notre devoir d'anticipation reste entier. La priorité reste de poursuivre la modernisation de l'État et de reconvertir le modèle économique français. Ce sont les réformes d'aujourd'hui qui créeront la croissance de demain et le pouvoir d'achat d'après-demain. (Ironie à gauche)

Que plus d'un euro sur deux de richesses produites dans ce pays continue d'aller à la sphère publique est impossible. Revenir sous les 50 points de PIB de dépenses publiques, c'est trouver environ 60 milliards d'économies, soit l'ampleur de notre déficit structurel. Maitriser la dépense est bien la voie pour réduire durablement nos déficits. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Je m'exprime devant vous tout à la fois en remplacement du rapporteur général et comme président de la commission des finances. Soyez rassurés, je n'abuserai pas pour autant de mon temps de parole. (Sourires)

Cette séance nous permet de débattre, conformément à ce que prévoit la Lolf, des grandes orientations de nos finances publiques, et je m'en réjouis. Elle nous permet d'entendre les contributions tant de la commission des affaires sociales que de la commission des finances, et de débattre avec le ministre chargé de l'ensemble des comptes publics, sur la base du rapport à nous transmis sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques.

Cependant, je n'ai pas retrouvé, dans le rapport du Gouvernement, la description des grandes orientations de notre politique économique et budgétaire au regard des engagements européens de la France que prévoyait la Lolf. Mais ce n'est peut-être pas plus mal car même si la France fait toujours l'objet d'une procédure pour déficit excessif, de tels développements auraient pu paraître artificiels, voire irréels.

Au vu des chiffres, on est saisi de vertige : un déficit des administrations publiques à 7 ou 7,5 % du PIB, deux fois plus que le maximum autorisé par nos engagements européens, 3 points de plus que l'objectif que nous avons voté en février dans la loi de programmation des finances publiques ; pour l'État, un déficit de l'ordre de 130 milliards en 2009 et 2010, contre 56 en 2008. Côté recettes, le produit de l'impôt sur les sociétés, qui représente théoriquement un cinquième des ressources fiscales annuelles de l'État, sera divisé par deux. Dernier chiffre, enfin, qui illustre la profondeur de la crise : 20 milliards de déficit pour le régime général de la sécurité sociale, alors même que 27 milliards ont été transférés à la Cades l'an dernier.

Dans la tourmente, il nous faut un cap, au-delà de la préparation des textes financiers de l'automne. Nous devons évaluer ce que sera l'impact de la crise une fois l'onde de choc passée et décider d'une conduite.

Pour ma part, mes réflexions vont toujours aux deux mêmes sujets. Avec la crise, notre pays s'appauvrit. Comment inverser la tendance et retrouver compétitivité et attractivité ? Deuxième constat : le poids de la dette risque d'asphyxier nos finances publiques. Comment retrouver des marges de manoeuvre ?

La thématique de la dette a beaucoup occupé nos travaux préparatoires. Mais lorsque son montant dépasse les 1 000 milliards d'euros, lorsque la perspective d'une France qui vivrait durablement avec un endettement stabilisé autour de 100 % du PIB n'est plus scénario de science-fiction, il est légitime que les parlementaires s'intéressent de plus près à son mode de financement. Face à « l'insoutenable légèreté de la dette publique » -pour parler comme notre rapporteur général, lecteur de Kundera-, dette qui atteint des sommets sans que cela provoque la moindre tension sur le niveau des dépenses, il est normal que nous recherchions les instruments d'une meilleure pédagogie sur les conséquences de l'endettement. Ces préoccupations, les membres de la commission des finances les partagent largement, bien au-delà des limites de la majorité sénatoriale.

Sans refaire notre débat sur la loi de règlement, je veux réaffirmer ma conviction qu'il faut assumer les conséquences de ses choix. Nous avons fait le choix collectif -et ce, depuis 1975 et le dernier budget présenté en équilibre par un ministre des finances, notre collègue Jean-Pierre Fourcade-, nous avons fait le choix collectif de dépenser chaque année un montant supérieur à celui des recettes. J'ai la faiblesse de penser que les termes du débat sont un peu faussés. Notre système de financement de la dette favorise la préférence pour le présent et anesthésie l'opinion en repoussant l'heure des vraies décisions.

Or, les décisions seront d'autant plus dures à prendre qu'elles seront plus tardives. Il faut donc intégrer dans le budget de l'État l'amortissement du capital de sa dette, à raison, par exemple, de 2 % par an.

La loi de finances rectificative pour 2007 a révélé le service annexe de la dette de la SNCF. En effet, le gouvernement précédent avait placé la dette de cette entreprise publique dans une structure qui n'apparaissait nulle part. En contrepartie de ce tour de passe-passe, l'État devait verser chaque année 677 millions d'euros, soit 400 millions au titre des intérêts et 277 millions pour amortir le capital. En 2007, vous avez fait ce qu'il fallait : l'État a repris la dette de la SNCF. La décision était sage, mais les 277 millions liés à l'amortissement du capital ont disparu ! C'est dire combien ces procédés sont anesthésiants.

Monsieur le ministre, je vous remercie pour l'engagement que vous avez pris hier d'informer le Parlement sur le financement de l'État car si la représentation nationale a conquis ses galons en matière de gestion budgétaire, elle reste confinée dans un rôle marginal dès qu'on aborde le financement de la dette.

La Lolf a posé les premiers jalons avec un vote sur le tableau de financement et sur la variation de la dette à plus d'un an, mais quelle est la portée effective du vote ? Sur le site internet de l'agence France Trésor, la rubrique « textes de référence » mentionne notamment les articles de la Lolf concernant cette agence. Les articles 10, 19, 22, 25 et 26 y figurent mais pas l'article 34, relatif au vote du Parlement sur l'autorisation d'emprunt et le plafond de la dette. Oubli ou acte manqué ? Le rapporteur général, qui a lu Kundera, aurait peut-être parlé de « plaisanterie »... Au-delà de l'anecdote, il faut remédier au déséquilibre institutionnel que ferait apparaître une éventuelle contradiction entre l'intérêt financier du pays -servi avec talent par l'agence France Trésor qui privilégie le financement à moins d'un an- et le vote de la représentation nationale sur la variation de la dette à plus d'un an. Votre proposition va dans le bon sens.

L'obsession de la lutte contre l'endettement n'a rien d'une lubie : elle provient de la conscience aiguë des menaces que la dette fait peser sur notre modèle social et sur les dépenses d'investissement, indispensables à notre avenir. Lorsque le produit de l'impôt sur le revenu ne suffit plus à payer la charge de la dette, on peut s'inquiéter sur notre capacité à relever les défis.

Or, ils sont immenses car la crise suscite des dommages irréparables : selon la commission des finances, la France pourrait perdre 5 points de PIB. Le Gouvernement a ramené de 2,2 % à 1,75 % son estimation du taux de croissance potentiel. Nos perspectives de croissance sont inférieures à la moyenne de la zone euro. Alors qu'elle subit en 2009 une récession deux fois plus sévère que la nôtre, l'Allemagne devrait retrouver le chemin de la croissance dès 2010.

Après la crise, notre pays ne sera plus le même qu'autrefois : des industries auront disparu, le chômage sera plus élevé, la population sera plus âgée, certains comportements économiques auront peut-être changé. La France sait s'accommoder des mutations profondes, à condition d'y voir clair sur la voie à suivre et de prendre les décisions structurelles permettant de reconstituer le potentiel de croissance.

Nous devrons prendre des décisions courageuses dans quatre domaines.

La maîtrise des dépenses publiques vient en premier. Le Gouvernement confirme qu'il tiendra bon et stabilisera les dépenses en volume, dans le cadre d'enveloppes pluriannuelles qui donnent de la visibilité aux gestionnaires. Il envisage de ne pas remplacer la moitié des départs de fonctionnaires à la retraite et annonce une deuxième phase de la révision générale des politiques publiques. Je forme le voeu qu'elle soit très ambitieuse car notre endettement impose de stabiliser les dépenses non en volume mais en valeur. Seule une réforme administrative profonde pourra y parvenir si nous voulons conserver un service public de qualité. En l'état, le besoin de financement des administrations publiques resterait compris entre 5 % et 7 % du PIB à l'horizon 2012.

En période de récession, il faut avant tout obtenir que la machine économique fonctionne. Le plan de soutien au financement de l'économie assure ainsi que les crédits continuent à être distribués. La relance budgétaire a des effets positifs lorsqu'elle prend la forme de dépenses non récurrentes, et à condition de financer des infrastructures permettant de redresser le taux de croissance potentielle. Le plan de relance engagé l'année dernière produira ses effets en 2009 et 2010, avant que l'emprunt national ne prenne le relais. La commission des finances estime que cet emprunt n'aura de sens que s'il concrétise la volonté de la Nation, avec un taux d'intérêt légèrement inférieur aux conditions du marché.

Le deuxième domaine appelant une action structurelle est la réforme territoriale, qui nous occupera cet automne. Je souhaite qu'elle s'accompagne d'une réforme de l'État déconcentré. A ce sujet, j'attire votre attention sur la 13e proposition du rapport Balladur, qui préconise de supprimer des services déconcentrés dans les domaines où les compétences ont été transférées aux collectivités territoriales.

Sur le plan économique, il est impératif de préserver la capacité d'investissement des collectivités territoriales. Lorsque nous avons entendu le ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, j'ai cru comprendre qu'il préconisait de pérenniser en quelque sorte le versement anticipé des attributions au titre du fonds de compensation de la TVA. Réalisant les trois quarts de l'investissement public, les collectivités territoriales participent indubitablement à la relance. En 2009, elles ont perçu les versements du FCTVA au titre des années 2007 et 2008 ; en 2010, elles pourraient toucher les sommes afférant aux exercices 2009 et 2010.

La protection forme le troisième domaine appelant une action résolue. Mme Dini et M. Vasselle en parleront mieux que moi. La commission des finances aborde dans son rapport le déficit de la branche vieillesse, les effets attendus de la réforme hospitalière et la prise en charge de la dépendance, mais il ne faut pas occulter le fait que les cotisations sociales, véritable droits de douane inversés, fragilisent nos efforts pour améliorer la compétitivité des petites et moyennes entreprises. Cela ne doit pas durer ! Il n'est pas inévitable que le financement de la protection sociale gêne la compétitivité de notre pays.

J'en viens au quatrième domaine que je souhaitais évoquer, le plus important car c'est de lui que dépend notre capacité à endiguer la spirale de la dette : les prélèvements obligatoires. Notre pays dispose de nombreux atouts, reconnus par les agences de notation qui soulignent la diversification de son économie et le rôle mondial de ses grandes entreprises. Mais il est aussi l'un des « champions » européens quant au poids des prélèvements obligatoires, après la Suède, le Danemark et la Belgique.

Au-delà du niveau des prélèvements, nous devons restaurer la cohérence de notre système fiscal. La commission des finances réfléchit à un triptyque permettant de revoir totalement l'impôt sur le revenu, l'impôt sur la fortune et le bouclier fiscal.

Plus largement, le financement de nos choix collectifs doit s'adapter à leur évolution. A cet égard, je salue le travail du groupe animé par Mme Keller au sein de la commission des finances, dont le rapport doit servir de base à notre réflexion sur la fiscalité écologique. L'idée de sécurisation des recettes fait son chemin, sans être encore une règle absolue, ce qui fait le bonheur des restaurateurs, alors que, pour ma part, je regrette le passage à 5,5. Cette règle devra s'appliquer lorsque nous réformerons la taxe professionnelle.

A terme, nous devrions mettre fin à la distinction entre les impôts acquittés par les entreprises et ceux qui pèseraient sur les ménages car ceux-ci subissent toujours in fine le poids de la fiscalité.

Il faut donc s'en tenir à cette ligne si l'on veut éviter la poursuite des délocalisations, qui rendrait bien difficile le rétablissement de notre potentiel de croissance. Il faut que le débat ait lieu devant l'opinion publique afin que nous puissions réformer en profondeur et faire émerger des solutions d'avenir.

Nous retrouverons tous ces sujets à l'automne, en particulier lors du débat sur les prélèvements obligatoires et lors de la première partie du projet de loi de finances. Je voulais les évoquer car la stratégie économique de notre pays, dont les finances publiques constituent une composante importante, doit être globale. En dépenses comme en recettes, l'heure n'est plus aux rustines et aux colmatages, elle est aux décisions qui engagent l'avenir.

Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous vouliez que la France sorte plus grande et plus forte de la crise qui l'affecte depuis plus d'un an. Nous aussi, et c'est pourquoi nous devons faire preuve de pédagogie afin que le pays se prépare aux réformes. Pour qu'elles aboutissent, il faudra du courage et de la justice. (Applaudissements sur divers bancs au centre et à droite)

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Le débat d'orientation des finances publiques prend place cette année dans un contexte particulièrement préoccupant pour les finances sociales. Ma première intervention dans cet hémicycle, en tant que présidente de la commission des affaires sociales, sera donc empreinte d'une certaine gravité. Notre débat d'aujourd'hui me paraît en effet crucial : il s'agit de déterminer les meilleures orientations possibles pour nos finances publiques et sociales, compte tenu d'une situation extrêmement dégradée, avec 20 milliards de déficit pour le régime général en 2009 et 30 milliards pour 2010, et des perspectives encore très incertaines pour les années suivantes.

Certes, la crise explique une partie de nos difficultés, mais une dégradation d'une telle ampleur est inédite pour notre pays. Elle signifie que, n'ayant pas réussi à résorber un déficit d'environ 10 milliards par an depuis 2004, nous devrons bientôt faire face à un socle de déficit annuel de l'ordre de 30 milliards. Il s'agit d'un changement d'échelle sans précédent pour nos comptes sociaux. Ni les discours, ni les recettes du passé ne permettront d'y porter remède. Il y a pourtant urgence car notre système de protection sociale ne pourra survivre à de telles dérives.

Nous l'avons souvent dit dans cet hémicycle, en particulier à l'occasion de ce rendez-vous annuel sur les perspectives des finances publiques : il faut cesser de reporter les dépenses d'aujourd'hui sur les générations de demain.

M. Jean-Jacques Jégou.  - Eh oui !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission.  - Or, nous n'avons jamais dépassé le stade de l'incantation et jamais traduit par de réelles mesures d'assainissement ce que nous pensions être un engagement. Nous ne pouvons plus nous contenter de décisions ponctuelles, que ce soit pour nous permettre de revenir à l'équilibre ou, plus encore, pour faire face à l'enjeu du vieillissement de la population. Or, celui-ci est bien réel : en matière de retraite, de santé et de dépendance, il pourrait se traduire par au moins 3 points de PIB de dépenses supplémentaires d'ici à 2050.

Je vais vous présenter les principaux éléments du diagnostic établi par notre commission. Alain Vasselle, notre nouveau rapporteur général, vous décrira les conditions que notre commission des affaires sociales estime indispensables pour parvenir à un vrai retour à l'équilibre.

La commission des comptes de la sécurité sociale a rendu ses chiffres pour 2008 : le déficit du régime général s'est finalement élevé à 10,2 milliards, en phase avec les dernières prévisions. Les recettes de la sécurité sociale sont restées relativement dynamiques, le ralentissement économique n'ayant commencé à produire ses effets qu'en toute fin d'année. La branche maladie a poursuivi son redressement avec un déficit ramené à 4,4 milliards alors qu'il atteignait 11,6 milliards en 2004. Sa division par quatre en quatre ans est un résultat d'autant plus positif que les dépenses de santé progressent à un rythme toujours supérieur à celui de la richesse nationale.

En revanche, la branche vieillesse a vu son déficit se creuser pour atteindre 5,6 milliards sous l'effet du départ à la retraite des générations du baby-boom et de la poursuite des retraites anticipées pour carrière longue.

Pour 2009, la situation est tout autre puisque le déficit du régime général devrait doubler et s'établir à 20,1 milliards. Si l'on ajoute le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), ce montant pourrait même atteindre 22,2 milliards. L'essentiel de cette évolution est dû à l'arrêt brutal de la croissance des recettes alors que celles-ci progressaient régulièrement au cours des dernières années : les cotisations sociales devraient ainsi stagner en 2009 et les recettes de CSG diminuer.

Ce constat a suscité deux réflexions : la première, pour rappeler notre scepticisme sur les hypothèses économiques très volontaristes qui sous-tendaient la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Ainsi, elle tablait sur une croissance de la masse salariale de 2,75 %. Or, elle devrait se contracter de 1,25 %. Il y aurait donc au moins 4 points d'écart entre la prévision et la réalité, ce qui naturellement bouleverse les équilibres initiaux.

En second lieu, pourquoi ne pas avoir présenté un projet de loi de financement rectificatif ? N'aurait-il pas été justifié de demander au Parlement de prendre acte, à défaut de mesure correctrice, de la caducité totale des équilibres votés en fin d'année dernière ? D'autant que, dans le même temps, pas moins de deux collectifs budgétaires ont été votés.

Ces pertes de recettes font s'effondrer les comptes de chacune des branches qui, désormais, affichent toutes un déficit, malgré une croissance des dépenses relativement maîtrisée. La maladie pourrait ainsi connaître un déficit de 9,4 milliards, la vieillesse de 7,7 milliards, la famille de 2,6 milliards et les accidents du travail-maladies professionnelles de 300 millions.

Pour la maladie, le comité d'alerte du 29 mai n'a pas constaté de dérapage de l'Ondam mais seulement un dépassement de l'ordre de 300 à 500 millions. Notre commission estime que tout doit être fait pour corriger cette situation et revenir à un respect strict de l'Ondam pour 2009.

Pour la vieillesse, les charges liées aux départs à la retraite anticipée ont été maîtrisées, du fait d'un meilleur encadrement de cette mesure. En revanche, le FSV, qui avait retrouvé une situation excédentaire en 2007 et 2008, renoue avec un déficit massif en 2009 sous l'effet de l'augmentation du chômage et du transfert d'une partie de ses ressources vers la Cades.

Alain Vasselle vous fera part de notre position sur ces « tuyauteries » qui, si elles apportent une solution à un instant donné, sont rarement de bonnes réponses à moyen terme.

Pour 2010, nous disposons de trop peu d'éléments. Les premières prévisions font état d'un déficit du régime général d'environ 30 milliards. C'est évidemment considérable, sans précédent et très inquiétant.

Ce rapide rappel des comptes sociaux montre l'ampleur des difficultés à résoudre et donne la mesure du chemin qu'il va falloir parcourir pour non pas revenir à l'équilibre mais déjà simplement stabiliser nos déficits. A cet égard, monsieur le ministre, nous regrettons que le document préparatoire au débat d'aujourd'hui soit aussi peu précis sur les finances sociales. Vous ne nous donnez toujours pas la trajectoire pluriannuelle détaillée pour l'évolution de l'Ondam, comme le prévoit pourtant la loi organique relative aux lois de financement. C'est dommage car la définition d'objectifs clairs, que tous pourraient s'approprier, est indispensable. Vous nous apportez néanmoins l'assurance que la nouvelle discipline issue de la loi de programmation des finances publiques en matière de recettes et de niches sociales sera respectée. Nous le souhaitons vivement car elle est nécessaire et réclamée depuis longtemps par notre commission.

Notre commission des affaires sociales fait régulièrement des propositions raisonnables et concrètes et celles-ci ont trop souvent été écartées par le Gouvernement. Ainsi en a-t-il été, il y a trois ans, lorsque nous avons proposé de taxer les stock-options ou, il y a deux ans, lorsque nous voulions instaurer une flat tax sur les niches sociales. Dans les deux cas, vous nous avez contraints à revenir sur ces dispositions pour, un an plus tard, les proposer vous-même dans les lois de financement. En attendant, nous avons perdu une année.

Notre rapporteur général va vous présenter un certain nombre de mesures. Je souhaite que vous les reteniez dans le cadre de la préparation de la loi de financement pour 2010.

En outre, il est indispensable que le Parlement soit pleinement informé en matière de finances sociales. A cet égard, je renouvelle des demandes plusieurs fois formulées par notre commission : un chiffrage précis de l'impact de toutes les mesures nouvelles que vous envisagez et un cadrage pluriannuel plus étayé avec des scénarios d'évolution plus solidement établis à partir d'hypothèses crédibles et différenciées. Nous devons disposer d'éléments aussi transparents et précis que ceux qui sont désormais disponibles en matière de loi de finances.

En 2010, des décisions majeures, peut-être douloureuses, devront être prises pour inverser les tendances actuelles et permettre une stabilisation de nos déficits puis, nous l'espérons, un retour à l'équilibre de nos comptes sociaux. Nous ne pouvons plus repousser encore les échéances. Je souhaite que les décisions du Gouvernement, et cela dès la prochaine loi de financement, traitent réellement et en profondeur l'ensemble des questions qu'Alain Vasselle et moi-même évoquons aujourd'hui devant vous. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Comme vient de le dire à l'instant M. le président du Sénat et comme a bien voulu le faire également M. le ministre, me voilà élevé à une fonction un peu plus solennelle, celle de rapporteur général de la commission des affaires sociale pour la loi de financement sociale. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Jacques Jégou.  - Promotion méritée !

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Je ne peux que m'en réjouir mais les propos que je vais tenir ne vont pas pour autant changer, quitte à décevoir certains et à surprendre d'autres.

Le fond de mes observations sera de même nature que les années passées. Le propos aura seulement un caractère un peu plus solennel et je tiens à remercier le Président du Sénat d'avoir, grâce à la réforme du Règlement, permis à la commission des affaires sociales de montrer que la commission des finances n'est pas la seule à être animée par un souci de rigueur.

M. Dominique Braye.  - Toutes les commissions le sont !

M. Alain Vasselle rapporteur général.  - Il y a moins d'un an, nous espérions encore un retour à l'équilibre des comptes sociaux d'ici 2012. Or le régime général sera en déficit de 20 milliards d'euros fin 2009 et en 2010, peut-être de 30 milliards. Sans réforme structurelle, nous atteindrons fin 2011 un chiffre qui nous glace : 80 milliards d'euros de déficit cumulé.

Cette dégradation massive est due à la crise économique, mais si la sécurité sociale avait affronté celle-ci sans un handicap de 10 milliards d'euros, les choses auraient été différentes. Nous risquons de payer cher notre retard à engager les réformes indispensables. Le retour à la croissance au niveau d'avant la crise stabiliserait tout au plus le niveau du déficit, autour de 30 milliards d'euros. Or, si la sécurité sociale a pu supporter depuis 2003 un déficit de 10 milliards d'euros par an, elle ne résistera pas à un déficit de 30 milliards.

La pérennité du système est menacée. Il faut agir sans attendre, sans compter sur le seul retour à la croissance. Et d'abord, monsieur le ministre, présenter des hypothèses économiques réalistes : la loi de financement pour 2009 était caduque sitôt que votée, bien que vous ayez, en cours d'examen, corrigé certaines hypothèses pour vous rapprocher de la réalité.

On a transféré des ressources du FSV à la Cades ; le fonds qui avait renoué avec les excédents se retrouvera en déficit cette année. M. Fillon, alors ministre des affaires sociales, avait fait le pari que nous pourrions transférer, à partir de 2009, 10 milliards d'euros de cotisations chômage vers le risque vieillesse. La crise est passée par là, balayant cette idée.

Inspirons-nous de certains pays, qui retiennent sagement des hypothèses pessimistes. Le danger de la situation actuelle, c'est le découragement des acteurs -pourquoi, dans ce gouffre de déficit, s'acharner pour économiser 100 millions d'euros ?- et le gonflement de la dette sociale, restée jusqu'alors maîtrisée et qui aurait dû être éteinte en 2021. Que se passera-t-il si le déficit atteint 50 milliards en 2010, alors que la Cades vient de reprendre 27 milliards ? Vous dites, monsieur le ministre, qu'aucune nouvelle reprise de dette ne sera décidée dans l'immédiat et que l'Acoss a les moyens de faire face aux besoins de trésorerie pour 2009 et 2010. Mais la situation sera intenable avant longtemps.

L'Acoss a essentiellement deux sources de financement : la CDC et l'émission de billets de trésorerie. L'Acoss et la CDC négocient un avenant à leur convention de 2006 : la CDC ne prêterait à l'Acoss, aux conditions prédéterminées, qu'à hauteur de 25 milliards d'euros et ne pourrait en tout état de cause pas dépasser 31 milliards. L'Acoss peut émettre jusqu'à 11,5 milliards d'euros, mais elle ne place jamais plus de 5 milliards sur les marchés. A certains moments, l'État lui-même achète des billets de trésorerie. Le plafond, porté à 18,9 milliards d'euros par le Parlement pour 2009, va être relevé de 10 milliards par décret. Mais si l'an prochain, aucune reprise de dette n'est intervenue, le besoin de trésorerie sera de 60 milliards environ. Quelles solutions envisagez-vous ? L'État ou d'autres entités publiques pourraient-ils se porter acquéreurs de billets de trésorerie ? Il est essentiel d'affirmer clairement l'engagement de l'État vis-à-vis de l'Acoss pour éviter que sa crédibilité sur les marchés soit remise en cause. Quoi qu'il en soit, il faudra bien trouver une solution pérenne, soit la reprise de la dette par l'État, soit la création d'une caisse chargée de porter la dette de crise ; soit enfin la reprise par la Cades.

La reprise par l'État mettrait fin au cantonnement de la dette sociale, scrupuleusement respecté jusqu'à présent ; le transfert à la Cades pose le problème des ressources ou de la durée de vie de la caisse. Celle-ci doit achever sa mission autour de 2021. Plus on approche de cette date et plus les transferts devront être compensés par des recettes importantes, afin que le remboursement soit achevé dans les délais prévus. Plus on attendra, plus le coût de la reprise sera élevé...

Pourrons-nous éviter un débat sur une prolongation de la durée de vie de la Cades ? Le risque serait alors très grand d'abandonner toute perspective d'extinction de la dette et de reporter celle-ci sur les générations futures. Quel est l'état des réflexions du Gouvernement ?

Face à cette situation sans précédent, que faire ? Quoi que nous décidions, il faut le mettre en oeuvre tout de suite. Ce que nous ne ferons pas maintenant coûtera plus cher plus tard. La priorité, c'est d'accroître les ressources de la sécurité sociale, qui devront, après la crise, être plus dynamiques que les dépenses. Évaluons les exonérations de charges, certes compensées mais pas à l'euro près. Élargissons l'assiette des cotisations en limitant les niches sociale qui causent une perte de recettes potentielles de 9,4 milliards d'euros. Quelques progrès ont été accomplis, taxation des stock-options, création du forfait social de 2 %. Je souligne qu'en ces matières, les propositions du Sénat, qui avaient d'abord rencontré l'hostilité du Gouvernement, ont fini par être acceptées par lui, une fois reprises sous forme d'amendement à l'Assemblée nationale : nous ne désespérons pas d'être à nouveau suivis, hélas avec un peu de retard.

Nous pouvons aller plus loin en élargissant l'assiette du forfait social, en relevant le taux de ce forfait, en relevant le taux spécifique applicable aux stock-options et aux actions gratuites, en révisant la taxation des indemnités de rupture et des retraites chapeau. Il faudra aussi respecter les nouvelles règles, inscrites dans la loi de programmation des finances publiques. Toute création ou extension de niche fiscale ou sociale doit être compensée par la suppression ou la diminution d'une autre niche pour un montant équivalent.

Il sera inévitable de mobiliser des ressources nouvelles si l'on veut éviter que les déficits demeurent à des niveaux redoutables. Il ne serait pas choquant de taxer davantage les alcools forts. La commission des affaires sociales avait aussi proposé la taxation des produits gras ou sucrés.

Une partie de la contribution climat énergie devrait revenir à l'assurance maladie. Nous ne nous disputerons pas avec la commission des finances sur le partage de cette taxe mais il est légitime de rappeler qu'elle a pour objet de revenir sur des pratiques nuisibles à la santé.

On ne pourra pas non plus échapper à une réflexion sur la CSG, avec ses quatre barèmes et ses exonérations.

Enfin, le rendez-vous de 2008 sur les retraites a été manqué. Souhaitons que celui de 2010 ne le soit pas. Des efforts ont certes été accomplis en faveur des seniors et des plus modestes mais la pénibilité est restée en suspens, de même que la hausse des cotisations vieillesse. En 1960, la France comptait quatre actifs pour un retraité ; le rapport s'établit aujourd'hui à 1,43. Le rendez-vous de 2010 ne doit pas être l'occasion de reporter les réformes structurelles à 2012 -M. Leclerc y reviendra bientôt. Le report de l'âge légal de la retraite impose un changement de mentalité des entreprises sur l'emploi des seniors et ne règlera pas tout. Une réflexion globale est nécessaire.

Un mot encore du régime de retraite des exploitants agricoles. Ce volet doit être traité dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Comment maîtriser des dépenses de santé qui ont tendance à croître plus vite que la richesse nationale ? Il faudra faire preuve de plus de volontarisme. Les progrès sont insuffisants sur les normes de déficit et d'importantes marges de manoeuvre, des gisements de productivité demeurent à l'hôpital. Nous venons de voter la loi hôpital que Mme Bachelot-Narquin a défendue avec ténacité. On nous a présenté les ARS comme la solution miracle mais les ARH n'ont pas montré toute leur pertinence. J'espère enfin que la ministre avancera sur la convergence et que les études complémentaires seront menées suivant un calendrier précis. Mais le projet de loi de financement de la sécurité sociale sera l'occasion de préciser les solutions à retenir pour l'avenir de notre système de protection sociale. (Applaudissements à droite et au centre)

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture.  - En concentrant mon propos sur des dépenses inéluctables, j'ai bien conscience de ne pas être tout à fait dans l'esprit de ce débat mais, rassurez-vous, je ne dispose que de cinq minutes... (Sourires)

Notre politique culturelle extérieure d'abord. Elle est aujourd'hui illisible. Dans un rapport d'information commun aux commissions des affaires étrangères et de la culture, adopté à l'unanimité des deux commissions, nous avons formulé dix propositions opérationnelles afin de réunir les conditions d'un sursaut de notre diplomatie culturelle. Nous souhaitons un document budgétaire unique et un seul opérateur afin de sanctuariser les moyens du réseau et d'éviter qu'il serve de variable d'ajustement. Compte tenu de la baisse sans précédent de ses crédits, le réseau, en profonde restructuration, navigue à vue ; il est démobilisé. Cette baisse n'est-elle pas surprenante au moment où nos partenaires intensifient au contraire leur effort ? Au-delà d'un certain seuil, les diminutions de crédit sont contreproductives car ce qui reste n'est plus efficace. L'ouverture de 40 millions de crédits annoncée début 2009 apparaît insuffisante et les réformes annoncées par M. Kouchner en mars 2009 seraient compromises sans un effort financier substantiel.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Ce n'est pas possible ! Il n'y a pas d'argent !

M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture.  - L'enseignement agricole ensuite. L'an dernier, nous nous étions entendus après des discussions longues mais fructueuses sur une augmentation de 38 millions du programme 143. Ce geste s'est pourtant révélé insuffisant car il ne comportait aucun emploi et la situation de l'enseignement agricole public s'est dégradée. Il a fallu un mouvement d'ampleur dans les lycées agricoles pour que, prenant la mesure du problème, on rétablisse 132 équivalents temps plein et que l'on débloque 90 000 heures supplémentaires. Cela doit permettre d'apaiser les tensions mais les acquis du budget 2009 représentent un étiage pour l'enseignement agricole. Toute suppression d'emploi dans le public ou tout report de charge dans le privé aggraverait le problème. L'enseignement agricole, s'il est mal considéré à Paris, fait pourtant l'unanimité dans les régions parce qu'il fait merveille pour la remédiation comme pour l'insertion durable des jeunes. C'est de l'argent bien placé.

L'entretien du patrimoine monumental a reçu 100 millions dans le cadre du plan de relance. Ces engagements se poursuivront-ils en 2010 ? Depuis la loi de 2001 sur l'archéologie préventive, de fortes tensions se sont fait jour et nous en avons régulièrement débattu. Le dispositif expérimental des contrats d'exploitation ne vaut que pour les fouilles et ne résout pas les conditions du diagnostic. Or le rendement de la redevance d'archéologie préventive conditionne les moyens d'intervention de l'Inrap ainsi que la mutualisation du coût des fouilles. Le Parlement a déjà décidé une hausse progressive du taux de la redevance pour un rendement de 20 millions en année pleine et prévu une subvention exceptionnelle de ce montant pour 2009. Cependant, entre la suppression de la subvention du ministère de la culture et la non-reconduction des crédits du plan de relance, les moyens de l'archéologie préventive vont reculer de 15 millions. Il faut sortir définitivement de ce débat par un financement pérenne. La réforme de la taxe locale d'équipement devrait être l'occasion d'une révision de l'assiette de la redevance d'archéologie préventive. Il faut lever ce frein à la réalisation des travaux inscrits au plan de relance.

L'audiovisuel enfin. L'an dernier, nous avons garanti un financement pérenne de 450 millions à l'audiovisuel public. Or il semble que ces sommes ne soient pas versées, faute de réponse de la Commission européenne. Qu'en est-il ? Quant à l'audiovisuel privé, une taxe devait compenser l'effet d'aubaine que représentait la suppression de la publicité sur les chaînes publiques mais le marché publicitaire s'est effondré. La loi de finances apportera-t-elle des adaptations ? Notre commission est attachée à l'équilibre de l'audiovisuel. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Thierry Foucaud.  - Nous abordons un nouveau volet du triptyque des finances publiques avec ce débat d'orientation qui s'ouvre sous des auspices contraints. Rien ne change : ni vos orientations, ni la norme de progression de la dépense publique, ni le choix des recettes fiscales. Le paquet fiscal continuera à s'appliquer malgré la sensible détérioration des finances publiques.

Pour tenir la norme de dépenses, pas de surprises ! Encore une fois, vous recourez à une saignée d'emplois publics et à une judicieuse compression des dépenses sociales pour financer la dette publique, ce poids mort dans les comptes publics qui fait obstacle à toute politique de réduction des déficits, à toute politique fiscale et budgétaire originale... Cette dette, dont s'inquiètent quelques collègues de la majorité, représente un bon placement pour une certaine épargne, et pas toujours celle des ménages les plus modestes et des PME. Parmi les manières de faire croître et embellir la dette publique, la vôtre consiste à gager le coût des réductions de recettes fiscales par l'émission de nouveaux titres de dette publique ; ce qui ne contribue pas au développement économique et social de la Nation puisque les initiatives privées, libérées de l'impôt, ne se substituent pas à l'intervention publique. Si vous réalisiez les infrastructures de transport nécessaires pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre et favoriser le développement harmonieux de nos territoires, si vous renforciez l'équipement éducatif, développiez le logement social ou assuriez l'égal accès aux soins, cette politique pourrait se comprendre. Mais ce n'est pas le cas. Nous nous endettons pour payer la facture des cadeaux fiscaux (M. Jean-Pierre Fourcade s'exclame) et l'importation de la récession américaine à cause d'entreprises françaises de moins en moins responsabilisées. En un mot, se développe un mal-endettement de l'État.

Il en va de même pour la sécurité sociale, victime d'une sensible réduction de ses recettes du fait de l'accroissement du chômage et du choix fait, en dépit du bon sens, de satisfaire les revendications corporatistes des syndicats de médecins. Les prestations servies par l'assurance vieillesse et l'assurance maladie continuent de diminuer, ce qui n'a pas empêché la Cour des comptes de refuser de valider leurs comptes au motif de leur insincérité.

Le budget et la loi de financement pour 2010 sont bâtis sur le même principe, qui consiste à demander toujours plus aux ménages modestes pour moins de service en retour, mais le cadre est d'autant plus contraint que la prévision de croissance de 0,5 %, qui relève de l'incantation, est déjà consommée. De fait, il faudra supporter les effets du paquet fiscal de 2007, la réduction de la TVA sur la restauration et la réforme de la taxe professionnelle. En revanche, la création d'une taxe carbone est annoncée. Nous sommes contre, car elle va taxer une consommation qui l'est déjà fortement plutôt que l'entreprise, lieu de la création de richesses. La Tipp, principale composante de la fiscalité environnementale qui rapporte aujourd'hui environ 50 milliards, ne sert aucunement la cause écologique : elle est reversée au budget général ou aux collectivités territoriales pour financer les charges transférées. Nous voulons rénover notre système de prélèvements fiscaux, remettre en cause le bien-fondé du transfert des compétences depuis la décentralisation à la sauce Raffarin mais prévoir le transfert d'autres recettes fiscales pour favoriser cette éventuelle prise en charge. Pourquoi ne pas faire ce choix, nécessaire au retour à l'équilibre budgétaire, dès 2010 ? Pourquoi ne pas affecter la Tipp à un fonds d'investissement écologique ? La création de la taxe carbone semble avoir pour seul but de compenser la réforme de la taxe professionnelle et pour seule conséquence l'augmentation du prix de l'essence et du chauffage, qui pénalisera les plus modestes.

L'état des lieux est particulièrement préoccupant avec un déficit de 125 à 130 milliards en 2009 et, selon le document annexé à ce texte, de 7 à 7,5 points de PIB en 2010 et de 5,5 % en 2012, soit un déficit bien supérieur aux limites autorisées et une dette publique proche des 90 % du PIB ! Une telle situation justifie le lancement d'un emprunt obligatoire pour les entreprises comme pour les ménages les plus aisés, à l'instar de l'emprunt obligatoire lancé parle gouvernement Mauroy en 1983 en soumettant un projet de loi d'habilitation, dont le rapporteur, Maurice Blin, avait obtenu le rejet par le Sénat de l'époque, à la différence près que cet emprunt serait assorti d'un taux actuariel quasi nul et non de 11 % comme cela avait le cas en 1983 pour tenir compte de l'inflation. La question de la dette des entreprises publiques, de nouveau d'actualité avec la controverse sur EDF, mérite également réflexion. Pour qu'elles puissent développer leur activité, pourquoi ne pas engager une vaste opération d'échange de titres de dette, transformant la dette des entreprises publiques en dette complémentaire de l'État ? Enfin, il est plus que temps que la Banque centrale européenne, plutôt que de délivrer des bons et des mauvais points aux élèves de la classe euro, souscrive un emprunt pour aider les États à financer les dépenses d'infrastructure et d'équipement nécessaires à la cohésion du projet européen -je pense, notamment, au ferroviaire et à l'économie numérique. Que M. Trichet mette enfin au service des États de l'Union les moyens d'un développement économique peu coûteux !

Revue générale de la dépense fiscale, mise en question des choix opérés depuis 2007, emprunt obligatoire et gestion active de la dette publique, voici quelques-unes des orientations que nous préconisons. En matière de sécurité sociale, plutôt que de gloser sur l'allongement de la durée nécessaire pour ouvrir droit à la retraite ou sur la faiblesse du taux d'emploi des seniors, reconnaissons que les comptes sociaux sont dans le rouge. Ils souffrent, particulièrement ceux de l'assurance chômage, de l'insuffisance des recettes liée à la dégradation économique. Quelles réponses le Gouvernement a-t-il apportées ? Il a fait adopter une loi sur l'hôpital qui entraînera la dégradation du service rendu pour des économies de bout de chandelle et tente, via le texte sur la formation professionnelle, de faire main basse sur l'argent des salariés pour financer son propre désengagement en matière de préservation de l'emploi productif ! Il faut s'attendre au pire avec un gouvernement qui a créé un fonds de soutien au secteur automobile qui paie les plans sociaux et un fonds stratégique d'investissement qui alimente les opérations spéculatives sur quelques entreprises ! Dans le champ de la protection sociale, il est temps de s'interroger une bonne fois pour toutes sur les effets pervers des politiques d'allégement de cotisations sociales et de sanctionner les médecins qui refusent les bénéficiaires de la CMU.

Par avance, nous regrettons que les choix désastreux faits depuis 2007 soient maintenus ! (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG et sur quelques bancs socialistes)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Les finances publiques, sujet complexe et technique, prennent, avec la crise économique, une dimension politique internationale. Depuis plus de six mois, les débats budgétaires se succèdent et pas moins de quatre collectifs ont été adoptés. Difficile de bâtir le budget pour 2010 alors que les comptes n'ont jamais été aussi dégradés et que nous avons une faible visibilité à court, moyen et long termes.

Pour la première fois depuis 1945, notre pays devrait connaître cette année une croissance négative de 3 %. Espérons qu'elle se hissera à 0,5 % en 2010. Les marges de manoeuvre du prochain exercice budgétaire seront donc quasi inexistantes. De plus, à la crise conjoncturelle se juxtapose une crise structurelle où un État boursouflé est incapable de s'adapter au contexte mondial tout en gérant une société conservatrice.

La cause principale de la crise, c'est un endettement accéléré sur les dix dernières années. Notre rapporteur général a employé l'image poétique d'un « monde étrange des déficits sans pleurs ». Troisième État le plus endetté de la zone euro, avec une dette publique qui risque de se stabiliser à près de 100 points de PIB et un déficit public supérieur à 7 points de PIB, voilà ce qui me semble plus approprié pour décrire la réalité...

Le plan de relance est judicieusement axé sur les investissements mais quand bénéficierons-nous d'un retour sur ceux-ci ? Ce plan est essentiellement orienté sur l'année 2009 : les résultats en seront-ils plus rapidement perceptibles ? Nous connaissons, monsieur le ministre, la difficulté de votre tâche. Votre choix de privilégier l'investissement fut de toute évidence le bon. La consommation se tient en raison des garde-fous sociaux et des allocations allouées aux ménages les plus fragiles, qui ont permis à une majorité d'entre eux de ne pas sombrer dans un découragement contagieux. Les ménages font face à la crise car, avec un taux d'épargne de 15 %, la France constitue une exception dans l'économie mondiale. La TVA de la consommation, qui représente 61 % de cette recette, résiste donc bien.

Il n'en est pas de même pour les recettes générées par l'activité économique. Pour maintenir celle-ci, vous avez garanti les dépôts des ménages et incité les banques à maintenir des lignes de crédit aux entreprises. Mais ces dernières perdent leur compétitivité et suppriment des emplois. L'impôt sur les sociétés a baissé de plus de 50 % en un an et les investissements de 9,4 % en 2009. L'achat d'un logement neuf par les ménages a diminué d'un tiers.

La situation financière des collectivités est en dégradation constante : fin 2008, leur déficit a atteint 7,5 milliards d'euros avec un endettement global de 113 milliards, qui augmente d'autant l'endettement de la France. Selon le premier président de la Cour des comptes, la dette des administrations publiques locales représente environ 10 % de la dette publique. En 2008, les dépenses des collectivités territoriales ont augmenté et les recettes de fonctionnement se sont tassées. Les pertes sont d'autant plus importantes que le ralentissement de l'activité immobilière a fortement réduit les droits de mutation, de 30 à 40 % dans certains départements. Quelle sera la situation en 2009 ? L'activité sur le marché immobilier restant faible, les droits de mutation le seront tout autant. Les dépenses sociales, qui concernent au premier plan les départements, exploseront. La prochaine réforme de la taxe professionnelle doit impérativement être compensée pour les collectivités territoriales. Le Sénat doit jouer son rôle en ce sens. L'État se chargera de la compensation mais cela implique de trouver de nouvelles ressources évolutives.

Dans ce contexte, la question centrale reste donc celle des recettes fiscales dont il faut relancer la dynamique sans alourdir l'impôt. Les gisements de ressources sont peu nombreux et le plus important reste celui des niches fiscales, qui sont plus de 400 et génèrent un manque à gagner de 50 à 70 milliards. Un grand pas a été franchi dans la loi de finances pour 2009 en en plafonnant certaines. Cette piste doit être poursuivie : peut-on imaginer que d'ici la fin de la législature, on en récupère 50 % ?

Pour ce qui est de la fonction publique, l'économie estimée du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux est d'environ un milliard d'euros par an. Selon le Président de la République, l'État en France dépense à ce titre 150 milliards de plus que l'Allemagne sans que les citoyens s'en trouvent mieux servis.

Toutefois, nous ne sommes pas un îlot de déficit dans un monde prospère : les déficits publics aux États-Unis s'élèvent à 10 et 13 % de leur PIB et l'épargne des ménages y est nulle, comme en Grande-Bretagne où l'épargne des entreprises est souvent négative. Avec La Fontaine, je dirai : « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés ». Ce paysage cataclysmique touche tous les acteurs économiques mais demain, ces chiffres peuvent être inversés. Soyons optimistes : imaginons qu'en 2012 la crise soit derrière nous. Les carnets de commandes des entreprises sont remplis, l'immobilier est relancé, les Français consomment. Mais qu'en est-il de l'État ? Comment fera-t-il face à une dette qui dépassera sans doute 80 % du PIB et une charge induite augmentant en proportion ?

Le budget prépare l'avenir, mais pas uniquement à court terme. Monsieur le ministre, comment préparez-vous la sortie de crise ? Quand pouvons-nous escompter réintégrer les critères de Maastricht ? Y aura-t-il une action concertée des pays de la zone euro ? Une initiative européenne ? Les décisions actuelles ne peuvent se résumer à un sauve-qui-peut, elles s'inscrivent dans le temps. Suivons le conseil de Raymond Barre : « Un avenir, cela se façonne, un avenir, cela se veut. » Demain se prépare aujourd'hui : cette certitude est partagée par les membres du groupe RDSE. (Applaudissements à droite et au centre)

M. François Marc.  - Que nous réserve l'année 2010 sur le plan économique et financier ? Vos pronostics, monsieur le ministre, ne sont pas faits pour nous rassurer. Vous avez évoqué un taux de croissance terriblement comprimé, et nous serions moins réactifs que l'Allemagne. Le déficit serait de 130 milliards en 2009 et 2010, auxquels il faut ajouter les 30 milliards manquant aux comptes sociaux. La dette publique s'élèverait aujourd'hui à 70 % du PIB, pour atteindre bientôt 80 %, voire 100 %, et même 130 % en 2020. Le président de la commission des finances nous a parlé de vertige, d'asphyxie, et a remarqué combien le Gouvernement anesthésie l'opinion. Nous partageons cette façon de voir, même si nous voulons aller plus loin dans l'analyse des responsabilités politiques.

La crise systémique apparue dans la sphère bancaire frappe désormais tous les secteurs économiques, et notre inquiétude porte particulièrement sur le pouvoir d'achat et le chômage. Sans oublier la question vitale de l'environnement et du climat qui impose de placer les politiques publiques sous le signe du développement durable, mais peut-on parler de développement durable lorsqu'on laisse filer l'endettement comme le fait le Gouvernement ?

C'est donc dans une situation tendue à l'extrême que s'inscrit la préparation du budget 2010. Le rapporteur général du budget parle d'une « France en état d'apesanteur financière ». Or, malgré les risques qui pèsent sur l'avenir, le Gouvernement lance des réformes hasardeuses dont l'impréparation le dispute à la démagogie. Ainsi de la réforme territoriale, qui doit renforcer le poids du parti présidentiel, et de la suppression de la taxe professionnelle, qui conduira à l'étouffement financier des collectivités locales. Désarçonné par la crise, le Gouvernement abuse des effets d'annonce, tel le « grand emprunt » annoncé à Versailles par le chef de l'État sans réflexion préalable. Faute d'en avoir clairement expliqué le sens, le Gouvernement l'a déjà rendu impopulaire pour 82 % de nos concitoyens.

La situation économique et financière sera très difficile en France en 2010, comme dans la plupart des autres grands pays... Les marges de manoeuvre seront très étroites : raison de plus pour appliquer la bonne politique au bon moment. Et je suis inquiet, comme beaucoup de mes collègues sénateurs de tous bords, car la politique de recettes conduite en France depuis 2002 mène le pays à la catastrophe ! Monsieur le ministre, vous vous trompez lourdement dans votre politique fiscale. J'aimerais vous convaincre d'en changer car l'état calamiteux de nos finances publiques n'est pas fondamentalement dû à la crise mais à votre mauvaise politique des recettes. La Cour des comptes ne dit pas autre chose. Selon son rapport sur l'exécution du budget 2008, la dégradation des comptes publics n'a été provoquée qu'à la marge par la crise, qui représente seulement 4 milliards de moins-values fiscales alors que le Gouvernement a accordé 7,8 milliards de nouveaux cadeaux fiscaux.

Cumulés à ceux des années précédentes, cela porte le total des divers cadeaux fiscaux à 92,2 milliards : un chiffre qui donne froid dans le dos !

Cette stratégie était déjà celle des gouvernements Raffarin et Villepin. A peine nommée, Mme Lagarde appelait de ses voeux un plan de rigueur -avant d'être tancée par l'Élysée. M. Fillon eût beau indiquer que les caisses étaient vides et la France « en faillite », il applique les consignes de l'Élysée, accentuant les choix de ses prédécesseurs. La loi Tepa et son paquet fiscal ont coûté 3,3 milliards en 2008, avec leurs mesures dispendieuses qui méprisent le principe de progressivité de l'impôt. Ajoutez des restitutions d'impôt sur les sociétés et de TVA, pour 9,5 milliards, et vous obtenez une situation explosive.

Dans son rapport de juin 2009, la Cour des comptes évoque « un mouvement ancien d'allégements fiscaux ». La baisse des impôts de l'État, depuis quatre ans, a coûté 39 milliards en 2009. Quant à la baisse de la TVA sur la restauration, elle coûtera 2,5 milliards.

M. Michel Sergent.  - Et oui !

M. François Marc.  - M. Séguin estimait urgent de trouver 70 milliards d'économies pour endiguer le déficit structurel. Ces 39 milliards y contribueraient utilement ! Au nombre de 483, les niches fiscales représentent 73 milliards et entraînent une perte de recettes de 3,8 % du PIB. Malgré des critiques unanimes, une quinzaine de nouvelles niches sont créées chaque année. Le total est de 112 milliards : effrayant !

Si encore cette politique était efficace, et non pas purement idéologique... Et pourtant, que de discours ! Il fallait moderniser l'État impotent, baisser les prélèvements pour « libérer les énergies », attirer les investisseurs... La politique fiscale et sociale de la France était un fardeau, il fallait mettre fin à l'exode des capitaux par une fiscalité attrayante... Cette promesse de M. Sarkozy devant l'université d'été du Medef en 2007 est le péché originel ! Les baisses d'impôt devaient relancer la croissance ; aujourd'hui, notre taux de croissance est passé sous la moyenne européenne. Les « contribuables à fort potentiel économique » -les riches- préfèrent la rente à l'investissement productif. Comme le titrait un journal économique, même les riches ont le blues ! Vous prétendiez rendre à la France sa compétitivité, retenir les investisseurs mais, selon le cabinet Ernst & Young, la fiscalité ne dissuade pas les investisseurs dans leur choix de lieu d'implantation ! Pourtant, malgré la situation catastrophique, le Gouvernement poursuit sa politique...

En vingt-cinq ans, la dette n'a cessé de croître -à l'exception d'une courte embellie de 1997 à 2002. Elle devrait atteindre 90 % du PIB en 2010, 130 % en 2020. Le remboursement des intérêts équivaut au produit de l'impôt sur le revenu. Ce n'est plus un effet boule de neige mais un risque d'avalanche ! D'autant que cet endettement ne s'est pas traduit par des investissements dans les secteurs stratégiques... Enfin, l'État est obligé de se financer sur les marchés.

Cette situation est intenable. Il faudra tôt ou tard relever les prélèvements obligatoires et réduire les dépenses. Deux scenarii s'offrent à vous : abroger les privilèges consentis à quelques-uns ou lancer un plan de rigueur en cassant le service public et la protection sociale. A nos yeux, il est urgent de revenir à l'idéal républicain de solidarité en réhabilitant l'impôt progressif. Monsieur le ministre, vous devez immédiatement changer de cap pour ne pas entrer dans l'histoire comme le ministre de la banqueroute ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Fourcade.  - En cette période de crise profonde, il est d'autant plus nécessaire de définir une ligne claire pour nos finances publiques que 2009 verra un recul historique du PNB, un déficit frôlant les 7 % et un endettement record. Le ministre a précisé les perspectives pour l'année prochaine. N'en déplaise à M. Marc, le Président de la République a reconnu à Versailles que la France avait un problème de finances publiques.

Mme Nicole Bricq.  - Il était temps !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Il a distingué le mauvais déficit, le déficit conjoncturel auquel il faudra consacrer l'intégralité des recettes de la croissance, et celui qui finance les dépenses d'avenir. L'emprunt annoncé ne pourra simplement s'additionner à la dette existante : il devra marquer une rupture.

On ne peut laisser dériver plus longtemps nos finances publiques. Il faut un signal fort dès 2010.

Pourquoi réduire le déficit des finances publiques ? D'abord, les déficits de l'État et de la sécurité sociale entraînent un endettement dont la charge financière atteint 50 milliards. Déjà lourde quand les taux de crédit sont faibles, cette charge devient insupportable s'ils augmentent. En outre, près de 10 % de la dette de l'État est portée par des obligations du Trésor indexées sur l'inflation. Nous en avons mesuré les conséquences en 2008...

Ensuite, ce déficit chronique détériore nos relations avec nos partenaires de l'euro et risque de remettre en cause l'euro lui-même. Pour l'heure, le marché financier international accueille nos emprunts, mais la Cour des comptes souligne le risque d'explosion de la dette : on a vu que les marchés peuvent se fermer sans préavis !

Enfin, cette situation crée un décalage avec l'Allemagne alors que le couple franco-allemand est le moteur de l'Europe. Le gouvernement allemand vient de s'engager courageusement, à la veille des élections, dans une réduction programmée de son déficit budgétaire. Nous ne pouvons ajouter un grand emprunt national à la dette actuelle sans entamer, nous aussi, une telle démarche, préalable à une stabilisation de l'endettement.

Comment amorcer la réduction du déficit budgétaire dès 2010 ? Je ne sous-estime pas les efforts entrepris depuis le début de la crise : réduction courageuse des effectifs de la fonction publique, maîtrise de la croissance des dépenses de l'État, révision générale des politiques publiques, diversification des modalités de financement du Trésor.

Je n'aurai garde de proposer des impôts supplémentaires, à l'exception de la contribution climat énergie. Mais je suis quelque peu perturbé, alors que l'on nous dit que tout le monde doit participer à l'effort, que seuls les travailleurs privés d'emploi et les jeunes, qui sont dans l'impossibilité d'en trouver, supportent les conséquences de la crise. Leurs concitoyens se contentent de les observer, parfois avec compassion, souvent avec indifférence. Comme si le retour attendu de la croissance en 2011 devait les dispenser de tout effort.

Le déficit public dépassera 6 % du PIB en 2012. Il faut engager dès à présent le processus qui permettra de le réduire, en s'inspirant de ce qu'ont fait nos voisins d'outre-Rhin qui entendent passer de 7 % en 2009 à 4 % en 2012, en taillant dans les dépenses inutiles.

Trois secteurs doivent faire l'objet d'une attention particulière. Les dégrèvements, qui représentent 90 milliards, dont 73 pour l'État et 17 pour les collectivités locales ; les dépenses fiscales, qui atteignent 69 milliards, auxquels s'ajoutent les quelque 40 milliards d'allégement de charges sociales. Voilà qui représente au total une masse de l'ordre de 200 milliards, à mettre en regard de l'objectif d'économie de 20 milliards en 2010, soit un point de PIB.

Les exemples sont nombreux. On peut suspendre certains programmes d'allégements fiscaux. (Mme Nicole Bricq manifeste son intérêt) Je pense au programme épargne, qui représente une moins-value de 5,8 milliards en 2008. Je pense à un relèvement des exonérations de cotisations sociales à 1,4 ou 1,3 Smic, qui représenterait une économie de 6,7 milliards. Je ne reviens pas sur la question du financement de la dette par l'emprunt à court terme, que nous avons abordée avec la loi de règlement. (M. Jean Arthuis, président de la commission, approuve) On pourrait également songer à faire porter l'emprunt nouveau par la Caisse de la dette publique, qui s'en trouverait utilement occupée, en assurant son amortissement par la nouvelle contribution énergie climat.

Dégrèvements, niches fiscales, niches sociales : c'est un point de PIB gagné en 2011, alors que les ressources fiscales retrouveront plus de solidité. Bien entendu, monsieur le ministre, et vous nous avez rassurés, si vous persévérez en matière de dépenses, avec des plafonds pour chaque administration, nous gagnerons un point en 2011, un point en 2012, et reviendrons peut-être, bien que nul ne puisse préjuger de la conjoncture, aux 3 % en 2013. Nous devons cet effort, qui donnera un signal à nos partenaires et engagera notre endettement sur la voie de la stabilité.

Croyez bien qu'avec le président de la commission des finances et ses membres, nous apporterons notre contribution en regardant de près toutes les sources d'économie possibles. (M. Jean Arthuis, président de la commission, le confirme)

J'ai été, ainsi que le président Arthuis a bien voulu le rappeler, le dernier ministre des finances à présenter un budget en équilibre, en 1975. La dette publique était alors passée de 9 % à 13 % du PIB, et je me suis fait vertement tancer par le président de la commission des finances d'alors, Fernand Icart, qui trouvait cela inacceptable. Les temps ont bien changé !

Sans vouloir sous-estimer la qualité de votre travail ni l'honnêteté avec laquelle vous vous attelez au sujet, je vous dis clairement que je ne pourrai pas voter le budget 2010 s'il ne marque pas le début de la réduction du déficit. D'autres collègues pensent comme moi, le moment est venu d'agir, nous ne pouvons plus nous laisser dériver ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Nicole Bricq. - Chiche ! On vous le rappellera !

M. François Rebsamen.  - En écoutant M. Fourcade, j'avais envie de lui dire : cessez donc, alors, de voter chaque jour des mesures qui diminuent nos recettes fiscales...

Nous débattons de l'avenir de nos finances publiques, en cette session extraordinaire qui est devenue notre ordinaire, sans connaître les conséquences budgétaires des décisions des conseillers du Président de la République -et peut-être vous-même, monsieur le ministre, ne les connaissez pas encore. C'est le tonneau des Danaïdes.

Il y a à peine sept mois, alors que nous élaborions un projet de loi de finances pour 2009, le Président de la République annonçait un plan de relance aux conséquences forcément bien réelles pour les finances publiques. Aujourd'hui, nous débattons des orientations à donner aux finances publiques pour l'année 2010 alors même que les modalités de la révision de la fiscalité locale ne sont pas actées et que l'on ne sait rien du projet de grand emprunt annoncé en grande pompe, à Versailles, par Nicolas Sarkozy. Le président de la Cour des comptes lui-même, lors de son audition le 24 juin, avouait manquer de toute information quant au montant, aux modalités ou à la destination de cet emprunt, dont le Président de la République, là n'est pas le moindre des paradoxes, avait vigoureusement écarté l'idée quelques mois seulement auparavant...

Les Français, et cela réjouira le président Arthuis, sont beaucoup plus informés qu'on ne le pense, si l'on en croit le baromètre BVA-Les-Échos, sur l'état de nos finances publiques : 55 % d'entre eux ne soutiennent pas le lancement d'un grand emprunt en 2010 pour financer les dépenses dites d'avenir.

Mme Nicole Bricq. - Diversion !

M. François Rebsamen. - La communication politique du Président de la République et du Gouvernement a beau se déployer comme jamais, nous savons bien que depuis plusieurs années, la baisse de la fiscalité au profit des ménages les plus aisés -grâce à la multiplication des niches fiscales-, conjuguée à de nouvelles mesures comme le taux réduit de TVA pour la restauration ou la suppression annoncée de la taxe professionnelle, diminue les ressources fiscales de l'État, accentuant l'effet de ciseau entre recettes et dépenses. Le premier président de la Cour des comptes estimait ainsi que les ressources publiques ont été diminuées de près de 10 milliards d'euros avec la loi Tepa et le dégrèvement de la taxe professionnelle.

Aujourd'hui, alors même que la crise sévit et que le taux de chômage enfle, les collectivités locales assument, aux côtés de l'État, un double rôle d'investisseur public et d'amortisseur social. Il y a un an à peine, le Gouvernement ne cessait de montrer du doigt les collectivités pour leurs dépenses, les accusant d'être responsables des déficits. Et voilà qu'avec la crise, il redécouvre le caractère vertueux de leurs dépenses d'investissement -73 % de l'investissement public - et signe avec près de 20 000 d'entre elles un pacte de relance. On peut regretter, d'ailleurs, qu'aucune mesure d'encouragement n'ait bénéficié aux EPCI, qui sont bien souvent les relais de l'investissement public local de nos communes. Pire, nos EPCI à taxe professionnelle unique, nos départements et nos régions apprennent de la bouche du Président de la République que la taxe professionnelle sera supprimée fin 2009, sans que l'on sache en rien par quoi elle sera remplacée. Avouez qu'il y a de quoi inquiéter les excellents gestionnaires que sont souvent les élus locaux.

Alors que les collectivités locales ont besoin de visibilité pour poursuivre des investissements utiles aux Français, c'est risquer la rupture du pacte de confiance qui doit les unir à l'État. Et je ne parle pas de la volonté présidentielle de diviser par deux le nombre d'élus départementaux et régionaux, qui ajoute à la confusion.

Quand on sait l'excellente opinion que nos concitoyens ont de leurs élus, on souhaite bien du plaisir à ceux qui porteront une réforme dictée par un électoralisme teinté de populisme. Les collectivités gèrent mieux que l'État. Elles investissent davantage qu'il ne l'avait fait dans les compétences transférées -songeons aux lycées, aux TER. C'est vers elles que se tournent, en dernier recours, les Français quand tout va mal. Les fonds d'aide des conseils généraux, les secours des centres communaux d'action sociale jouent bien ce rôle d'amortisseur social.

Comment peut-on songer à supprimer la taxe professionnelle sans jeter les bases d'une fiscalité locale plus juste, d'une véritable autonomie fiscale ? La croissance des dépenses locales, plus forte que celles de l'État en raison de transferts mal compensés, déplace la pression fiscale de l'État vers les collectivités. Se pose donc la question de la réforme des impôts locaux attendue depuis des années.

Lorsque je vous avais interrogé sur la réforme des bases, vous m'aviez renvoyé à la suppression de la taxe professionnelle. Où on est la concertation engagée sur ces sujets ?

Le Gouvernement impose une norme de croissance de l'enveloppe globale qui pèse lourdement sur la dotation globale de financement (DGF), mais se défausse de ses responsabilités en matière de péréquation, en accordant à celle-ci une attention dérisoire par rapport à celle dont a bénéficié la baisse de la TVA sur la restauration.

Les collectivités territoriales ont besoin de recettes dynamiques et de prévisibilité financière. Il est donc temps que le Gouvernement cesse de considérer leur budget comme variable d'ajustement du budget de l'État. A défaut, nous devons choisir entre augmenter les impôts locaux et mettre en panne les investissements. Dans ces conditions, comment rétablir la confiance ?

Ne pas aggraver la situation pour 2009 relève du bon sens ; l'améliorer serait conforme à l'intérêt national.

Le Gouvernement devrait comprendre que la concertation est un bienfait car au lieu de travailler plus pour gagner plus, les Français devront bientôt payer plus pour rembourser plus ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Le groupe socialiste ne dispose plus que de neuf minutes.

M. Jean-Jacques Jégou.  - Le premier président de la Cour des comptes a présenté devant la commission des finances des perspectives inquiétantes pour les finances publiques, les finances sociales, la croissance de demain et la sortie de crise.

Ce débat permet de nous assurer que la politique budgétaire prépare la sortie de crise, la croissance et la situation à long terme de nos finances publiques.

Nous vivons certes la pire crise économique depuis la Libération mais la situation des comptes publics était déjà dégradée. La Cour des comptes a constaté une accélération des déficits depuis 2007. Celui de l'État s'est aggravé en 2007 malgré une croissance de 2,3 % ; il a augmenté de 47 % en 2008. Nous devrions donc regarder courageusement nos insuffisances : nous payons aujourd'hui le laxisme budgétaire des gouvernements successifs depuis des années. Entrant dans la crise avec des comptes dégradés, la France n'a pu consacrer au plan de relance autant de moyens que ses voisins.

Nul ne sait aujourd'hui ce que sera l'économie mondiale en 2010 mais je pense à une sortie de crise lente. L'hypothèse de 0,5 % retenue par le Gouvernement pour le budget de 2010 doit inciter à la prudence quant aux recettes fiscales de l'année prochaine, sachant qu'elles ont déjà reculé de 20 % au 30 avril par rapport à la même période en 2008. En revanche, le niveau des dépenses reste stable en volume.

Notre débat se déroule dans un contexte incertain : où en est la suppression de la taxe professionnelle, qu'il faudra bien compenser ? Quid de la taxe carbone, qu'un membre éminent du Gouvernement veut déjà rembourser aux Français sous forme de « chèques verts » ? Avec de telles incertitudes, il est illusoire d'imaginer réduire le déficit.

En effet, Philippe Séguin a fait une description alarmiste, mais réaliste, des comptes de l'État, avec un déficit budgétaire frisant les 140 milliards d'euros, soit 7,5 % du PIB, et une dette de 1 327 milliards, soit 80 % du PIB, fin 2010.

La situation des comptes sociaux est tout aussi préoccupante, avec 25 à 30 milliards de déficits prévus pour 2009, alors que l'aggravation du chômage réduira les recettes et augmentera les dépenses. Il ne s'agit malheureusement pas d'un déficit conjoncturel mais bien d'une insuffisance structurelle de recettes. Mme Dini et le rapporteur général de la commission des affaires sociales, M. Vasselle, l'ont clairement montré.

Mme Nathalie Goulet.  - Hélas !

M. Jean-Jacques Jégou.  - En 2008, la dette publique brute de la France a progressé de 10 %, pour culminer à 1 327 milliards, soit 20 600 euros par habitant et 47 400 par actif. La charge d'intérêts atteint 54,6 milliards d'euros, soit 850 euros par habitant et 1 950 euros par actif.

En matière de déficit, la France fait moins bien que ses partenaires européens avec 3,4 % du PIB contre 1,5 %. Elle est aussi le seul pays de la zone euro dont les dépenses publiques aient excédé 50 % du PIB en 2008. Enfin, elle est devenue le quatrième État le plus endetté de la zone euro par rapport à son PIB, alors que nous occupions la huitième place en 2004. A ce stade, on abandonne toute idée de retour à l'équilibre en 2012. Même l'objectif des 3 % est hors d'atteinte. La crise transforme l'économie française en machine à fabriquer de l'endettement : avec une dette publique totale atteignant 1 413 milliards d'euros, soit 72,9 % du PIB, l'endettement atteint des proportions abyssales. Hormis en temps de guerre, nos finances publiques n'ont jamais été aussi dégradées.

Mais la situation pourrait vite devenir catastrophique, puisque l'endettement pourrait atteindre 100 % du PIB en 2018 à en croire la Cour des comptes.

A ce rythme, nous devrons peut-être examiner dans quelques années un projet de loi tendant à combattre le surendettement de l'État...

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Jean-Jacques Jégou.  - En outre, le recours à l'endettement de court terme rend la France très vulnérable à une hausse des taux d'intérêt. Notre pays pourrait alors perdre sa crédibilité. Gardons ces chiffres à l'esprit en examinant le grand emprunt.

Comment ne pas être inquiet en entendant le Président de la République préconiser devant le Congrès réuni à Versailles de s'endetter davantage pour résoudre le problème de la dette, c'est-à-dire de combler le trou en le creusant davantage ? On nous dit que le grand emprunt financera « les priorités nationales », mais il aura pour effet mécanique d'augmenter immédiatement la dette et la charge de ses intérêts.

Le chef de l'État a évoqué la « grave question des déficits de nos finances publiques » mais son discours à Versailles a donné le sentiment que le désendettement n'était plus une priorité du Gouvernement et que la crise autorisait à rouvrir les vannes de la dépense. Je crains que l'idée de grand emprunt national n'ait fait sauter un verrou psychologique. C'est très dommageable car nombre de nos concitoyens pensent qu'on peut dépenser sans compter. En submergeant la digue des 3 % de déficit, la crise a accrédité cette idée.

J'avais pourtant eu le sentiment, notamment depuis la dernière campagne présidentielle, que plusieurs candidats -un en particulier- avaient placé l'envolée de la dette publique au premier rang des préoccupations nationales. Beaucoup de nos concitoyens avaient pris conscience de la situation. Sans parler d'un « parti de la dette », chacun prenait conscience que les générations futures hériteraient d'une ardoise de plus en plus lourde. J'ai peur que la crise et le grand emprunt n'anéantissent nos efforts en ce sens.

L'idée que leurs enfants et petits-enfants devront régler nos dépenses inquiète beaucoup de Français, mais le Président de la République propose qu'un emprunt prépare l'avenir du pays. Je ne suis pas sûr que les générations futures aient à s'en réjouir, car elles devront rembourser. Cette fuite en avant finit par devenir anxiogène : plusieurs économistes ont montré que la hausse de la dette incitait les gens à mettre de l'argent de côté en vue d'inéluctables hausses d'impôts. Si c'était le cas, que resterait-il à la France pour alimenter sa croissance, notre balance commerciale étant déséquilibrée ?

Pour justifier le recours à l'emprunt, le chef de l'État explique : « Chaque fois que l'on a fait la politique de la rigueur, on s'est retrouvé à la sortie avec moins de croissance, plus d'impôts, plus de déficits, plus de dépenses ». Mais si les déficits et la dette créaient de la croissance et permettaient de combattre le chômage, on le saurait ! La France est le seul de tous les pays industrialisés à ne pas avoir connu un seul excédent budgétaire depuis le milieu des années 1970. Son addiction au déficit ne lui a pas épargné une croissance nettement plus faible et un chômage bien plus élevé que la moyenne.

Et puis, il faut rappeler une réalité qui semble oubliée depuis le discours de Versailles : avec plus de 150 milliards d'euros levés par an sur les marchés, la France fait le grand emprunt tous les jours !

Je ne suis pas sûr qu'un nouvel emprunt prépare l'avenir. Cette idée est politiquement habile, mais est-elle économiquement raisonnable dans un État chroniquement surendetté ? L'État peut emprunter à un coût très faible des montants très élevés sur les marchés financiers, alors que l'emprunt auprès du public est coûteux sauf s'il est proposé à des conditions moins bonnes, ce qui ne le rendrait guère attractif. Bref, cet emprunt coûtera cher aux finances publiques et aux contribuables, tout en reportant une partie du financement sur les générations futures.

Je crains que cette opération ne nous fasse passer du « travailler plus pour gagner plus » à la deuxième phase du quinquennat : « emprunter plus pour dépenser plus ».

En effet, malgré votre rigueur que je salue, monsieur le ministre, je m'interroge sur l'affectation des sommes empruntées -on parle de 80 à 100 milliards. Il est particulièrement délicat de définir les dépenses d'avenir, ce « bon déficit » selon la distinction désormais établie. Pour moi, qu'il soit bon ou mauvais, le déficit s'aggrave et la dette augmente ! Aujourd'hui, le chef de l'État, le Premier ministre, le conseiller du président inspirateur du grand emprunt, la ministre de l'économie et vous-même essayez d'en établir une liste exhaustive et limitative. N'est-il pas surprenant de décider un emprunt avant de savoir à quoi il servira ?

Surtout, les finances publiques sont indivisibles et l'emprunt, comme les autres ressources de l'État, contribuera à financer l'ensemble des dépenses publiques, sauf à instituer un suivi spécifique.

On ne peut qu'approuver la volonté d'investir dans l'innovation, la recherche et développement qui prépare l'économie de demain, surtout quand on sait que l'État, du fait de son appauvrissement, n'investit que 20 milliards. Mais je ne suis pas sûr que les sommes empruntées iront spécifiquement à ces investissements d'avenir. J'en veux pour preuve le récent rapport de l'OCDE sur la part de l'innovation dans les plans de relance face à la crise. II montre que le plan de relance français ne consacre que 46 millions à la recherche et développement et 4,7 milliards aux ponts et aux routes. La France fait figure de mauvais élève là où la Finlande et la Corée du sud sont en haut du classement. Ne risque-t-on pas de poursuivre dans la même voie ?

Je serai donc particulièrement attentif, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative début 2010, sur les conditions de l'emprunt, et notamment sur son coût pour les finances publiques.

C'est pourquoi plusieurs de nos collègues, et non des moindres, les deux rapporteurs généraux notamment, doutant de l'opportunité de ce grand emprunt, proposent un emprunt obligatoire. Un tel projet devrait faire au moins l'objet d'un examen attentif. Peut-être est-ce de leur part une façon habile de contourner le bouclier fiscal ? Si c'était l'objectif, la proposition me paraîtrait alors intéressante.

On ne peut accepter l'idée de grand emprunt que dans une seule perspective : le financement des réformes structurelles qui seront nécessaires pour enrayer le dérapage chronique des finances publiques. Les réformes structurelles apportent des gains à long terme, même si leur coût budgétaire est initialement élevé. Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, un tel emprunt permettrait d'annoncer des priorités claires, d'en estimer les coûts et les bénéfices attendus et d'ancrer ainsi les réformes. Nous ne pourrons accepter cet emprunt que si les réformes et les investissements sont identifiés, chiffrés et s'ils sont créateurs de richesses.

Dans ce contexte, un tel niveau de déficit public n'est pas rattrapable par le seul effet de la reprise de la croissance économique en 2011 : même avec un rythme annuel de 2 à 2,5 % par an, le déficit public en 2012 serait encore de 5,5 % du PIB, soit toujours un niveau très élevé au regard des engagements européens et de la capacité de financement de notre pays. Nous devons donc engager le redressement durable de nos finances publiques, comme le demande le FMI. Cela nécessite des efforts d'une tout autre ampleur, notamment en matière de réforme de l'État, que ceux réalisés jusqu'à présent. Nous devons tous en avoir conscience.

Tout d'abord, nous devrons maîtriser et réduire nos dépenses publiques. Nous devrons tenir en 2010 les dépenses courantes, dont certaines augmenteront du fait de la crise, comme les dépenses sociales et les dépenses de la mission « Emploi ». Cependant, cette politique n'est pas suffisante car la RGPP ne permettra d'économiser que 7 milliards alors que l'objectif initial était de 20 milliards. Ensuite, parce que même en serrant à fond la vis des économies budgétaires, jamais l'État ne pourra réduire en deux ans ses dépenses en volume de 60 milliards alors que les charges financières de la dette vont grossir chaque année de 4 à 5 milliards, sous l'effet de la remontée inévitable des taux.

Il me semble enfin inutile de maîtriser les dépenses publiques si dans le même temps, on multiplie les dispositifs d'exonérations fiscales. Si nos comptes publics se dégradent, c'est aussi parce que les ressources de l'État diminuent.

Mme Nicole Bricq.  - Eh oui !

M. Jean-Jacques Jégou.  - Le rapport Pébereau préconisait de ne pas diminuer le niveau global des prélèvements obligatoires pendant la phase de retour à l'équilibre.

Ensuite, nous devons sécuriser nos recettes. S'il faut éviter d'augmenter les prélèvements obligatoires, au moins ne réduisons pas les ressources fiscales ! La conjoncture ne nous permet pas des allégements d'impôts. Il convient donc de garantir pendant cette période nos recettes, c'est-à-dire éviter de nouvelles baisses d'impôts, comme celles de 2007 du paquet fiscal que nous payons très cher aujourd'hui, ainsi que de nouvelles dépenses fiscales ou crédits d'impôts comme nous l'avons malheureusement fait ces dernières années. Sans les allégements de ces dernières années, les recettes fiscales auraient progressé de 2,7 % alors qu'elles ont diminué de 0,5 %. En moyenne, chaque année depuis 2003, ce sont quatorze mesures supplémentaires de dépenses fiscales qui ont été créées. En 2008, elles représentaient 27 % des dépenses du budget et atteignaient 73 milliards. Cette politique est à la longue suicidaire pour nos finances publiques. C'est pourquoi j'ai refusé d'approuver la baisse de la TVA sur la restauration et je reviendrai à la charge lors du projet de loi de finances pour 2010 car elle est économiquement inefficace et purement électoraliste.

Toute nouvelle dépense fiscale devra être compensée à due proportion par la réduction d'autres dépenses, ce qui n'a malheureusement pas été fait pour la baisse de la TVA dans la restauration ou la réforme de la taxe professionnelle. De nombreux progrès restent donc à accomplir dans ce domaine.

Nous devrons aussi revoir l'ensemble des niches fiscales et sociales qui se sont accumulées ces dernières années. On en compte aujourd'hui 400 qui représentent un manque à gagner estimé entre 50 et 70 milliards. Lors de la loi de finances de l'année dernière, nous avons commencé à travailler sur le plafonnement des niches fiscales, mais nous devons aller plus loin. Il faut examiner l'ensemble des dispositifs, évaluer leur efficacité et leur pertinence.

En ne réduisant pas son déficit structurel et en multipliant les dettes de crise et les emprunts, la France ne prépare pas la sortie de crise. C'est le devoir du Gouvernement et du Parlement que de la préparer.

On peut effectivement retarder le moment de la facture, mais on ne saurait la faire disparaître. Pour les Français, le réveil risque d'être douloureux après 2012 car ce sont eux qui paieront. Comme l'a dit le premier président de la Cour des comptes, le report des réformes indispensables impliquerait des ajustements encore plus douloureux. Il leur faudrait alors « payer plus pour rembourser plus » ! (Applaudissements au centre et sur certains bancs socialistes)

M. Dominique Leclerc.  - En tant que rapporteur du projet de loi de financement pour la branche vieillesse, le débat d'orientation des finances publiques m'offre l'occasion de faire le point. Or, la situation financière de cette branche est très préoccupante. En dépit de la réforme de 2003, son déficit n'a en effet cessé de se creuser depuis quatre ans, passant de 1,9 milliard en 2005 à 5,6 milliards en 2008. La branche vieillesse est aujourd'hui la plus déficitaire des quatre branches de la sécurité sociale.

Cette dégradation continue des comptes ne s'explique pas seulement par les facteurs démographiques tels que l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby-boom et l'augmentation de l'espérance de vie. Elle résulte aussi de la montée en charge du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue, instauré par la loi du 21 août 2003. Depuis sa mise en oeuvre, 560 000 retraites anticipées ont été accordées par le régime général. Cette mesure a coûté sans cesse davantage à la Cnav pour atteindre 2,4 milliards en 2008, soit trois fois plus qu'on ne le prévoyait il y cinq ans. Fort heureusement, l'année 2009 devrait marquer une diminution des départs anticipés en raison des nouvelles conditions d'éligibilité au dispositif. Pour la première fois, le coût du dispositif pour le régime général diminuerait, ce qui expliquerait pour une modeste part le ralentissement de la croissance des charges de la Cnav. Pour autant, cette tendance n'empêcherait pas le déficit de la branche vieillesse de continuer à se creuser, puisqu'il atteindrait 7,7 milliards cette année.

L'aggravation des comptes est d'autant plus inquiétante que les projections font état d'une dégradation financière accrue des régimes de retraite à l'horizon 2020-2050, principalement due au choc démographique. Notre système de retraite devra donc faire face à un besoin de financement croissant, estimé à 25 milliards en 2020 et à plus de 68 milliards en 2050.

Malgré la nécessité et l'urgence du retour à l'équilibre des comptes de la branche vieillesse, le rendez-vous 2008 n'a absolument pas résolu le problème du financement des retraites. Certes, il y a bien eu quelques avancées sur l'emploi des seniors ou la solidarité envers les retraités les plus modestes, mais des questions essentielles restent en suspens : le dossier de la pénibilité est bloqué et la hausse des cotisations vieillesse qui devait être compensée par une baisse des cotisations chômage a été reportée sine die.

Comme le Président de la République s'y est engagé devant le Congrès, le bilan d'étape 2010 devra absolument déboucher sur des solutions pérennes à même de garantir la viabilité financière des régimes de retraite. Il ne doit pas être un rendez-vous manqué comme l'a été celui de 2008.

Les différents instruments de pilotage sont bien connus. Jusqu'à présent, le levier privilégié a été l'augmentation de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Celle-ci sera portée à 41 annuités en 2012. Ne faudra-t-il pas la porter à 42 ans, voire plus ? Une telle réforme nécessite cependant de surmonter l'obstacle du dossier de la pénibilité. Les syndicats n'accepteront pas l'augmentation de la durée de cotisation si, parallèlement, la pénibilité au travail n'est pas prise en compte.

Une autre piste, de plus en plus évoquée, est le report de l'âge légal de départ en retraite qui, en France, a été abaissé à 60 ans en 1983. Ce qui, à l'époque, a été vécu comme un progrès social entre aujourd'hui en contradiction avec les évolutions démographiques. Alors que l'espérance de vie ne cesse d'augmenter, la période consacrée au travail au cours d'une vie est de moins en moins longue ! La logique voudrait donc que l'âge légal de départ en retraite soit repoussé, comme l'ont fait plusieurs de nos voisins. Mais l'utilisation de ce levier se heurte, en France, à un obstacle de taille : le taux d'emploi des seniors, l'un des plus bas des pays développés puisqu'il se situe à 38 %. Retarder l'âge de la retraite sans favoriser le maintien dans l'emploi des seniors aboutirait en effet à créer des demandeurs d'emplois supplémentaires.

En outre, l'augmentation de l'âge de la retraite ne peut, à elle seule, résoudre le problème du financement des régimes de retraite. Pour le régime général, le report à 62 ans n'apporterait que 6,6 milliards en 2020 alors que 13 milliards sont nécessaires et seulement 5,7 milliards alors que 46 milliards seront indispensables en 2050. Il s'agirait en définitive d'une mesure de court terme.

C'est pourquoi nous devons réfléchir à d'autres modes de gestion de l'assurance vieillesse. Le pilotage actuel des régimes de retraite ne pourra en effet enrayer le mouvement de dégradation de la situation financière de la branche vieillesse ni proposer de solution solide face au défi démographique à l'échéance des années 2020-2050.

Une réforme de type structurel ou systémique, seule à même d'assurer la survie de notre système de retraite, est donc indispensable. Un rapport du COR sur ce sujet, commandé par le Parlement à l'initiative de la commission des affaires sociales du Sénat, sera rendu au début de l'année prochaine. Il sera l'occasion d'engager enfin un vaste débat public sur l'avenir des retraites.

Si ce soir, je n'ai évoqué que la branche vieillesse, l'évolution des pensions civiles et militaires connaît depuis quelques années une dérive d'environ 6 à 8 %. Leur poids devient aussi très lourd pour le budget de l'État, mais nous aurons l'occasion d'en parler dans les prochains mois. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Christiane Demontès.  - Il y a quelques jours à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous avez affirmé que tous les efforts du Gouvernement avaient un seul but, préparer l'avenir. Mais la situation actuelle est catastrophique, « dramatique » estime notre rapporteur aux comptes sociaux. Il ne s'agit plus d'une aggravation du trou de la sécurité sociale, il y a un changement d'échelle. Or cet état de fait préexistait à la crise. Tout n'est pas « la faute à la crise ». Du reste, M. Vasselle l'a dit également, sans un déficit structurel de 10 milliards d'euros, la sécurité sociale aurait fait face dans de meilleures conditions.

M. François Marc.  - Eh oui.

Mme Christiane Demontès.  - La Cour des comptes évalue à 4 milliards sur 14 la part de la dégradation liée à la crise économique. Le reste est dû à vos mesures fiscales et sociales. Lorsque vous avez défiscalisé les heures supplémentaires, j'avais pronostiqué un déficit de 20 milliards d'euros en 2009. Le secrétaire d'État à l'emploi était dubitatif, mais nous y sommes. Le déficit est historique, par son volume comme par la façon dont il a été organisé et programmé. Il en va des comptes sociaux comme des comptes de l'État. Le Gouvernement prévoyait une hausse de la masse salariale de 3,5 % cette année, 4,6 % les années suivantes. Nous en sommes bien loin. En revanche, le nombre des demandeurs d'emploi a augmenté de 18 %.

Le Gouvernement n'a pas voulu relever le taux de la CRDS et c'est donc l'Acoss qui portera la dette -et les générations futures qui seront pénalisées. Mais la majorité persiste à s'en remettre au seul viatique qui vaille à ses yeux : la réduction des dépenses. Augmentation du forfait hospitalier, déremboursements massifs, franchise médicale... Et vous avez culpabilisé les assurés sociaux, puis les malades, notamment les plus modestes. Tout ceci aura des conséquences lourdes sur la santé publique. Voyez l'évolution du « panier de soins » de l'Aide médicale d'État ! Comment s'étonner que notre pays soit descendu de la première à la onzième place mondiale pour la qualité de son système de santé ? Voilà votre bilan !

Pour 2009, le déficit prévu de la branche vieillesse était de 5 milliards d'euros. Il sera en fait de 7,7 milliards, avec un FSV déficitaire de 2,1 milliards. Cela traduit l'échec de la réforme Fillon de 2003. Peu vous importe, vous maintenez le cap... Vous évoquez un départ à la retraite à 67 ans puis rectifiez le tir en parlant de 43 années de cotisations. Mais le taux d'emploi des 55-64 ans n'est que de 38 %, contre 70 % en Suède par exemple ! Si le comportement des employeurs ne se modifie pas, vos propositions aboutiront à une chute brutale du montant des retraites !

L'Unedic se retrouve dans le rouge et sa situation empirera l'an prochain. Vous affirmiez, il y a un an, que la baisse du nombre de demandeurs d'emploi autoriserait une baisse des cotisations chômage et une hausse des cotisations retraite. N'est-il pas temps de reconsidérer tout cela et au moins de conclure les négociations sur la pénibilité, que le patronat bloque avec votre assentiment depuis 2003 ? Il ne suffit pas de rappeler à Versailles que le programme du Conseil national de la Résistance entendait « assurer une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ». Il faut passer aux actes.

La branche maladie devrait atteindre un déficit record de 9,4 milliards pour 2009, en augmentation de 120 % par rapport à 2008. Que prévoyez-vous ? Ferez-vous de nouvelles coupes budgétaires sur des critères purement comptables, sans tenir compte des besoins sanitaires ? Allez-vous choisir de nouveaux boucs émissaires, comme les sont ces jours-ci les salariés en arrêt de travail ? Vous instaurez le culte de la défiance au plus haut niveau de l'État. Mieux aurait valu augmenter le numerus clausus et le nombre de médecins du travail. Mais vous n'avez que faire des conditions de travail... Les référentiels de la Cnam montreront cependant quelles sont les pathologies les plus fréquentes dans le monde du travail. Les transports sanitaires représentent une dépense en croissance rapide : ne voyez-vous là aucun lien avec les fermetures d'hôpitaux et de services ?

Cette situation appelle un sursaut, d'autant que, comme le souligne notre rapporteur général des comptes sociaux, « le retour de la croissance au niveau d'avant la crise permettrait seulement de stabiliser le déficit à son niveau d'après crise, soit 30 milliards d'euros ». On ne résorbera pas facilement les déficits massifs, sinon « par une croissance des recettes durablement plus forte que la croissance des dépenses ». Or, vous ne dites rien d'une augmentation des salaires qui améliorerait les recettes de la sécurité sociale, vous n'envisagez aucune hausse de la taxation sur les stock-options. Rien sur les fonds spéculatifs, rien sur les 6 milliards de la défiscalisation des heures supplémentaires. Et surtout, aucune réorientation de votre sacro-sainte politique d'exonération de cotisations sociales.

Pourtant, la Cour des comptes a souvent dénoncé le manque d'efficacité des exonérations pour la création d'emplois. Liez-les directement à la politique salariale et de l'emploi des entreprises ! Les sommes en jeu sont colossales, plus du double du déficit de notre sécurité sociale. Pourquoi ne vous attaquez-vous pas aux niches fiscales, « obsolètes, injustes et inefficaces » selon la Cour des comptes ? Appliquez aussi le principe d'universalité de la CSG ! Et modifiez enfin l'assiette de cotisations afin de refléter plus justement le rapport capital-travail car aujourd'hui, le financement de la protection sociale repose aux deux tiers sur les revenus du travail.

La dépense publique devrait être utilisée pour atténuer les conséquences des décisions prises par le secteur privé. Malheureusement, le Gouvernement réduit l'effort. C'est une faute politique, qui sera lourde de conséquences. Il faut redéfinir et réorienter la politique fiscale, la politique de l'emploi. La justice sociale et l'efficience économique le commandent. (Applaudissements à gauche)

M. Serge Dassault.  - Je veux m'interroger sur les raisons de la crise. Certes, il y a la crise mondiale, la faillite de nombreuses banques, sur laquelle nous n'avons pas de prise. Mais il y a aussi les contraintes que les divers gouvernements, en particulier socialistes, nous ont imposées et qui paralysent les entreprises et la vie économique. La hausse des coûts de production n'est pas seulement due à la raréfaction du crédit, mais aussi à la chute de compétitivité qui résulte de politiques démagogiques. Que de mesures sociales décidées sans souci de leur financement ni de leur impact sur l'économie ! Il faudrait tout de même tenir compte des recettes avant d'envisager des dépenses. Certes, il est agréable de partir à la retraite, de travailler moins. Mais finalement, il en résulte une aggravation considérable de la situation des comptes publics car on finance ces opérations sociales par le déficit budgétaire. C'est un jeu dangereux. Les 35 heures demeurent la durée légale du travail, les coûts de production s'en ressentent. On ne peut travailler moins que ceux qui font beaucoup plus que nous et à des prix beaucoup moins élevés.

Il est agréable de partir en vacances et d'avoir des jours fériés, mais les charges sur les salaires sont trop lourdes. Il faut surtout qu'il y ait des gens en activité pour financer les retraites, car nous sommes incapables de payer les retraites à 60 ans : il y a de moins en moins d'actifs et de plus en plus d'inactifs.

Les conflits sociaux, trop nombreux, paralysent la production et nuisent autant aux salariés qu'aux entreprises qui perdent leurs clients. Compte tenu de l'évolution très préoccupante de nos finances, il conviendrait de rendre leur compétitivité aux entreprises dès maintenant et de réunir pour cela un consensus social en mettant à égalité la réserve de participation et les dividendes.

M. François Marc.  - La règle des trois tiers ?

M. Serge Dassault.  - Il faut que les syndicats cessent de pousser les salariés à des grèves qui n'ont jamais rien résolu : pas plus qu'une procession religieuse a jamais fait tomber la pluie, une grève n'a fait tomber les euros. (Rires)

Le bon sens voudrait aussi qu'on limite dans le temps les dépenses de fonctionnement. Elles s'additionnent parce qu'on en décide de nouvelles sans s'interroger sur les précédentes. Or seule leur diminution permettra de réduire le déficit. Il faudrait commencer tout de suite, mais on ne le fait pas, et réserver les emprunts nouveaux aux investissements d'avenir qui accroissent la production de richesses.

Notre système capitaliste a montré ses limites avec la spéculation des détenteurs d'actions de sociétés anonymes sans noyau dur, qui revendent les titres pour encaisser leur plus-value sans se soucier de l'avenir de la société. Pour éviter cela, il faudrait obliger les acquéreurs d'actions à les conserver pendant cinq ans -et cela ne coûterait rien. Évitons de pénaliser les actionnaires des sociétés familiales : ils sont de moins en moins nombreux et quand ils s'expatrient, ils privent la France de leurs capitaux et de leurs talents.

Voilà des propositions de réformes pour aller plus loin dans l'action courageuse du Président de la République. Rien n'est simple, des résistances se manifestent car la France est conservatrice. Il ne faut pas renoncer. Rien ne peut se faire sans consensus, sans union. Ne masquons pas la gravité de la situation et ne laissons pas croire que tout va bien, que cela s'arrangera. Le Canada a su le faire il y a quinze ans et il a retrouvé un budget en équilibre, voire bénéficiaire.

M. François Marc.  - Sans diminuer les impôts !

M. Serge Dassault.  - Rien ne nous empêche d'en faire autant. A condition de savoir ce que nous voulons ! (Applaudissements à droite)

M. Eric Woerth, ministre.  - Non, monsieur Dassault, nous n'embellissons pas la situation : nous ne la sous-estimons nullement. M. Arthuis nous a désigné les défis qui nous attendent. Je souscris à son appel à voir au-delà du court terme. Oui, il faut ajouter de la transparence dans la levée de l'emprunt et je partage vos préoccupations sur la dette mais il est inexact de dire que l'impôt sur le revenu ne couvre plus la charge de la dette : la différence reste de 8 milliards. C'est vrai dès que l'on considère l'ensemble de la dette publique, mais pas pour l'État.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Vous êtes le ministre des comptes publics.

Mme Christiane Demontès.  - Tout va bien...

M. Eric Woerth, ministre.  - Pour maîtriser la dette, nous devons mettre l'accent sur la maîtrise de la dépense, il n'y a pas d'autre solution. Les recettes augmenteront avec la reprise et les dépenses doivent être réversibles. S'il n'y a pas rupture totale, c'est que nous devons accompagner la sortie de crise, ce qui passe par la formation professionnelle, par l'aide à l'emploi et par le Fiso.

Certains estiment que les 7 à 8 milliards dégagés par la RGPP ne sont pas suffisants. Mais ce n'est qu'une évaluation à court terme car la RGPP, c'est beaucoup plus : cette politique ne transforme-t-elle pas en profondeur les appréciations des administrations ? Elle doit maintenant rebondir. Nous lançons une deuxième phase qui englobera les politiques d'intervention. La RGPP, c'est la qualité du service par une plus juste affectation des moyens de l'État : on est tout près d'une logique d'évaluation.

Vous préconisez de passer au zéro valeur. On n'en est pas très loin hors charge de la dette et des retraites. Il est compliqué d'atteindre le zéro valeur pour l'ensemble de la dépense publique en raison du rythme d'évolution des dépenses sur les organismes de sécurité sociale, qui reste important quoique maîtrisé.

La réforme territoriale est indispensable. Les structures de l'État suivront le mouvement. Nous devons donner vie au comité Balladur. Nous sommes là au coeur des préoccupations des Français.

Je sais votre préoccupation constante pour le financement de la sécurité sociale. Quoique rapporteur général, M. Vasselle n'a pas changé de conceptions. Une bonne information du Parlement sur les finances sociales est un point essentiel. Ne nous racontons pas d'histoires ; ayons un débat responsable et constatons que le niveau d'information a été sensiblement rehaussé. Mme la présidente Dini regrette, si j'ai bien compris, l'absence de projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. Cependant, on ne vote pas sur un budget mais sur un objectif de dépenses ; on n'a pas besoin de le modifier, il suffit de constater. On remet d'ailleurs les choses à l'équerre et une partie de chaque projet est consacrée à l'exercice en cours. La démarche est construite et cohérente. Nous aurons l'occasion d'en débattre de nouveau. Nous donnons une information sur la trajectoire des dépenses et la loi de programmation pluriannuelle ne concerne pas que l'État.

La loi de programmation pluriannuelle concerne bien l'ensemble des finances publiques puisqu'elle est l'occasion de chiffrer l'Ondam, l'évolution des risques concernés ainsi que les sous-objectifs de l'Ondam, le secteur médico-social, l'hôpital et la médecine de ville. Certes, ces indications sont exprimées en pourcentage mais elles permettent une utile information.

Concernant le financement de la dette de la sécurité sociale, sujet longuement évoqué par M. Jégou ainsi que par M. Vasselle...

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Sujet important !

M. Eric Woerth, ministre.  - Pour 2009, votre commission a été saisie pour information d'un projet de décret en conseil des ministres qui relève le plafond d'emprunt de l'Acoss de 18,9 à 29 milliards. En outre, l'Acoss a conclu avec la Caisse des dépôts et consignations un avenant à la convention financière qui redéfinit les conditions tarifaires des emprunts auprès de la Caisse. Pour 2010, la pire solution serait de faire reprendre la dette sociale par l'État parce qu'il n'y aurait pas de retour en arrière possible.

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Tout à fait d'accord !

M. Eric Woerth, ministre.  - Ce serait contraire à toutes les orientations qui se sont dégagés des débats de ces dernières années.

Augmenter la durée de vie de la Cades serait également irresponsable car cela signifierait que l'on pourrait la prolonger indéfiniment. Augmenter la CRDS ou toute autre forme de taxe n'est pas la politique du Gouvernement, cette option est exclue.

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Ah !

M. Eric Woerth, ministre.  - Quant à créer une caisse particulière, monsieur Fourcade, alimentée par la contribution climat énergie, je n'y suis pas favorable. Je me bats pour que les revenus de cette contribution, dans un premier temps, finance tout ou partie de la réforme de cette taxe absurde qu'est la taxe professionnelle.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Impossible !

M. Eric Woerth, ministre.  - Il faudra faire des choix. Nous proposons de laisser à l'Acoss une quarantaine de milliards en moyenne à financer. D'accord, c'est transitoire, cela ne peut pas durer. Une mission de l'inspection générale des finances examine les différentes modalités de cette opération -augmenter les billets de trésorerie sur les marchés, laisser d'autres acteurs publics acheter des billets de trésorerie de l'Acoss à condition que la dette soit cantonnée- modalités qui seront soumises au Parlement le moment venu. Cette proposition, quoique transitoire, a le mérite de la clarté. Nous trouverons d'autres sources de financement après la sortie de crise. Aujourd'hui, un financement spécifique via l'Acoss présente l'avantage de constituer une opération neutre pour l'État et, de surcroît, à des taux inférieurs au financement de la Cades.

J'en viens à la préservation des recettes fiscales, messieurs Fourcade et Dassault, il est difficile de réduire les 23 milliards d'aides à l'emploi. Madame Demontès, 10 des 23 niches sociales sont le résultat des 35 heures, il faut l'assumer ! (Murmures à gauche) Ensuite, réduire les niches sociales, cela signifie augmenter mécaniquement les charges sociales et réduire notre capacité à créer de l'emploi. Prenons garde à la cohérence de notre politique.

Concernant les retraites, évoquées par MM. Vasselle et Leclerc, le Président de la République a annoncé une réforme structurelle dès 2010. Madame Demontès, l'exercice de la dénonciation est certes intéressant, mais où sont vos propositions ? Le parti socialiste est un parti démocratique de gouvernement, qu'il soumette ses idées !

Mme Michèle André.  - En l'occurrence, c'est vous qui polémiquez !

M. Eric Woerth, ministre.  - Nous explorerons toutes les solutions.

Monsieur Legendre, votre intervention détonait quelque peu.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Certes !

M. Eric Woerth, ministre.  - Personne n'oserait affirmer dans cet hémicycle que les affaires culturelles ne sont pas importantes mais notre logique de la moindre dépense se fait sentir dans tous les domaines, y compris ceux de notre politique culturelle à l'étranger, de l'entretien du patrimoine monumental et du financement de l'archéologie préventive. Certes, 20 millions avaient été dégagés, mais à titre exceptionnel. J'appelle chacun à mesurer que la diminution du rythme des dépenses concerne tous les domaines. Si l'on avait retenu une évolution nulle en valeur, le niveau de réduction serait même supérieur.

Monsieur Foucaud, sans partager votre analyse sur le système fiscal, je pense que nous nous attaquons à ses défauts. Pour preuve, la réforme de la taxe professionnelle, dont on parle depuis vingt ans, et la fiscalité verte.

Monsieur Montesquiou, pour façonner l'avenir, il faut avoir confiance, rester lucide et, sans raconter des histoires aux Français, leur dire que notre pays a de l'avenir. Nous aurons un débat sur les dépenses d'avenir à partir des propositions de MM. Rocard et Juppé, dépenses d'avenir qui méritent un emprunt à condition de ne pas oublier, monsieur Fourcade l'a souligné, l'équilibre des dépenses de fonctionnement et l'affectation des ressources supplémentaires au remboursement de la dette.

Monsieur Marc, vos préconisations sont parfois artificielles et vos solutions contreproductives. La loi Tepa et le dispositif sur les heures supplémentaires produisent de la valeur, j'en suis intimement convaincu.

Monsieur Rebsamen, en temps de crise, les collectivités territoriales comme l'État et les acteurs privés doivent faire avec une certaine imprévisibilité budgétaire. Je sais la difficulté en tant que maire.

Monsieur Jégou, il ne s'agit pas d'un grand emprunt mais d'une modalité de financement des dépenses d'avenir. Nous serons rigoureux sur la définition des dépenses d'avenir.

Madame Demontès, surtout concernant les retraites, mieux vaut être dans la proposition que dans la dénonciation. (Applaudissements à droite)

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

Acte est donné de cette communication.

La séance est suspendue à 20 h 30.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance reprend à 22 h 30.

Loi de programmation militaire (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 2 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n°77 au sein de l'article 2.

L'amendement n°77 n'est pas défendu, non plus que les amendements nos78, 79, 37 rectifié et 76.

M. le président.  - Amendement n°103, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

A la fin de la dernière phrase du premier alinéa du 5.1 du rapport annexé, remplacer les mots :

notamment grâce au suivi et à l'actualisation des orientations du Livre blanc comme à l'information concernant les accords de défense

par les mots :

après débat, le Parlement vote le Livre blanc. Le texte de tous les accords de défense sera communiqué aux commissions parlementaires permanentes en charge de la défense et des affaires étrangères

M. Didier Boulaud.  - Foin de l'hypocrisie : donnons enfin au Parlement les moyens de contrôler non seulement les opérations extérieures mais l'ensemble de la politique de défense, en l'associant à la définition de la stratégie de sécurité et en soumettant à son accord d'éventuelles modifications du Livre blanc.

M. Josselin de Rohan, rapporteur de la commission des affaires étrangères.  - Nous nous sommes expliqués sur le vote du Livre blanc et la transmission du texte des accords de défense. Avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre de la défense.  - Même avis.

L'amendement n°103 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°104, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

A la fin du deuxième alinéa du 5.1 du rapport annexé, remplacer les mots :

aux exercices

par les mots :

à toutes les évolutions de la carte des implantations militaires et des plans de stationnement des forces

M. Didier Boulaud.  - C'est une exigence élémentaire que les élus, qui sont proches de la population, soient associés aux décisions sur l'évolution de la carte militaire, susceptibles de nuire gravement aux économies locales. Le lien entre les citoyens et l'institution militaire s'en trouverait renforcé.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - L'amendement n'a pas sa place dans un paragraphe relatif aux plans locaux de protection. Les élus locaux ont été consultés sur l'évolution du plan de stationnement, mais on ne peut subordonner toute évolution des implantations militaires à leur aval.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis.

M. Didier Boulaud.  - M. le président de la commission prétend que l'amendement n'a pas sa place dans cet article. Mais le rapport annexé est un véritable fourre-tout ! Je m'étonne que la commission trouve hors de propos cette disposition qui vise à associer les élus locaux aux évolutions de notre défense.

L'amendement n°104 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°74, présenté par Mmes Voynet, Blandin, Boumediene-Thiery, MM. Desessard et Muller.

Compléter le deuxième alinéa du 5.1 du rapport annexé par les mots :

et informés, sans que puisse leur être opposé le principe de secret défense, du mouvement de troupes sur le territoire de leur commune

Mme Dominique Voynet.  - Je me trouve pénalisée pour avoir eu deux minutes de retard. Il grêle et, dans mon souci de l'intérêt général, j'ai pris le temps de fermer les fenêtres du troisième étage du bâtiment de la rue de Vaugirard... (Mme Brigitte Bout applaudit) Cela vous a privés d'entendre la défense des amendements nos77 et 78, qui étaient pour moi l'occasion de rappeler à M. de Rohan notre désaccord profond sur la dissuasion nucléaire.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Il ne m'avait pas échappé !

Mme Dominique Voynet.  - Quant à l'amendement n°79, relatif au laser mégajoule et au supercalculateur Tera... -(M. André Dulait manifeste son impatience) Je dispose de trois minutes, monsieur Dulait !- ...aujourd'hui utilisés à des fins exclusivement militaires, il indiquait qu'ils peuvent aussi avoir des applications civiles.

L'amendement n°76 était inspiré par l'idée qu'il ne faut pas encourager les exportations d'armes.

L'amendement n°74 concerne un sujet dont on parle rarement. Les maires sont responsables de la sécurité dans leur commune. Or ils ne sont pas toujours avisés des activités militaires qui se déroulent sur leur territoire ni des convois qui y transitent. Le matériel, les munitions et les déchets peuvent provoquer des accidents. Les maires doivent donc être informés des mouvements de troupes et de matériel qui ont lieu dans leur commune.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Les autorités militaires informent le plus souvent les maires des mouvements de troupes inhabituels ou importants. Mais il ne paraît pas souhaitable d'imposer aux armées une obligation d'information qui ne pèse pas sur d'autres secteurs d'activité. Avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre. - Même avis.

L'amendement n°74 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°39 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse.

Dans la première phrase du dernier alinéa du 5.1 du rapport annexé, remplacer les mots :

deviendront des conseillers de sécurité nationale et leur formation sera renforcée

par les mots :

verront leur formation renforcée

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le projet de loi substitue aux anciens correspondants de défense des « conseillers de sécurité nationale ». Pourtant, la défense et la politique de sécurité, malgré leurs liens, ne doivent pas être confondues. Cette assimilation risque de mettre à mal le consensus national sur la défense.

Je n'ai guère d'illusions sur le sort de cet amendement, mais vous regretterez ce choix !

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Nous aurons l'occasion de débattre de ce sujet quand nous aborderons l'article 5. Tout comme la commission s'est opposée aux amendements de M. Chevènement à l'article 5 tendant à supprimer les références à la sécurité nationale, elle est défavorable à celui-ci.

M. Hervé Morin, ministre.  - Ce débat a déjà eu lieu. Avis défavorable.

L'amendement n°39 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°38 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi.

Dans la première phrase du second alinéa du 5.2 du rapport annexé, remplacer les mots :

volontariat de la sécurité nationale

par les mots :

volontariat de la défense nationale

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je répète que la confusion établie entre la défense et la sécurité nationale nuira à l'esprit de défense de la nation.

L'amendement n° 38 rectifié, rejeté par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°105, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le sixième alinéa du 6 du rapport annexé par une phrase ainsi rédigée :

Un décret d'avance d'un montant de 245 millions d'euros permettra de faire la jonction avec ces futures recettes exceptionnelles.

M. Didier Boulaud.  - Suite au dépôt de cet amendement, le Gouvernement a publié un décret d'avance d'un montant de 245 millions d'euros. Nous avons donc été bien inspirés ! L'amendement est devenu sans objet, et nous le retirons.

M. le président.  - Vous voyez que le Gouvernement est très réactif à vos propositions !

L'amendement n°105 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°106, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Remplacer le 7 du rapport annexé par un alinéa ainsi rédigé :

Un projet de loi relatif à la réforme de l'ordonnance de 1959 et à l'organisation des pouvoirs publics dans le domaine de la défense sera présenté au Parlement à l'ouverture de la prochaine session ordinaire 2009-2010.

M. Daniel Reiner.  - Le paragraphe 7 du rapport annexé concerne les suites du Livre blanc et le suivi de la loi ; il y est question en particulier du conseil de défense et de sécurité nationale et de la réforme de l'ordonnance de 1959.

Nous avons déjà exprimé le souhait que le Livre blanc fasse l'objet d'un véritable débat parlementaire et que l'ordonnance de 1959 soit réformée par la voie législative normale. Mais ce projet de loi consacre la prééminence du chef de l'État dans les affaires de sécurité, de défense et de renseignement. « Le pouvoir d'un seul, même consacré pour un temps par le consentement général, insulte le peuple des citoyens ; (...) l'abus ne réside pas dans l'usage qu'il fait de son pouvoir, mais dans la nature même de ce pouvoir » : voilà ce qu'écrivait François Mitterrand dans Le coup d'Etat permanent. (M. Josselin de Rohan, rapporteur, ironise sur cette référence)

Notre amendement tend à replacer le Parlement au centre du débat démocratique sur l'organisation des pouvoirs publics dans le domaine de la défense.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Indépendamment de la question de la recevabilité de cet amendement qui tend à imposer au Gouvernement de déposer un projet de loi, la commission est défavorable à la remise en cause de la réforme de l'organisation des pouvoirs publics prévue par l'article 5, qui comprend en particulier la création d'un conseil de défense et de sécurité nationale.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°106 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté, ainsi que le rapport annexé.

L'article 3 est adopté.

Article 4

I. - Le plafond d'emplois de la mission Défense, à périmètre constant 2008, exprimé en milliers d'équivalents temps plein travaillé, évoluera de la façon suivante de 2009 à 2014 :

2009

2010

2011

2012

2013

2014

314,2

306,2

298,5

291,0

283,5

276,0

Ce plafond inclut les emplois relatifs aux activités retracées dans les comptes de commerce.

II. - Les réductions nettes d'effectifs exprimés en équivalents temps plein seront les suivantes :

2009

2010

2011

2012

2013

2014

- 7 999

- 7 926

- 7 577

- 7 462

- 7 462

- 7 462

M. le président.  - Amendement n°126, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Demessine.  - L'article 4 illustre dans toute sa sécheresse législative et budgétaire l'application quasi mécanique de la révision générale des politiques publiques dans le domaine de la défense. Le Gouvernement cherche à faire des économies en diminuant drastiquement les effectifs civils et militaires. Sans doute faut-il réduire certaines dépenses pour financer les programmes, améliorer l'équipement de nos forces et revaloriser la condition militaire. Mais ce que prévoit le projet de loi, c'est le plus grand plan social du pays qui concernera 75 % des emplois liés à l'administration, au soutien des forces et au personnel civil et 25 % des emplois touchant directement aux capacités opérationnelles, à quoi s'ajoutera la disparition de 16 000 emplois due à l'externalisation de certains services.

Sur le terrain, les économies escomptées ne seront pas faciles à réaliser ; le ministre vient d'ailleurs de réviser à la baisse le nombre de bases prévues. Vos objectifs de suppressions d'emplois sont irréalistes en période de crise. L'incitation financière au départ et les possibilités de reclassement dans les autres fonctions publiques ne sont pas à la hauteur.

L'avenir est tout aussi sombre pour les personnels civils des industries de défense dont les effectifs, passés de 145 à 72 000 en douze ans, vont subir une nouvelle saignée. Les fermetures se succèdent, à l'instar de Giat Industries, sans réelles possibilités de reclassement ; les salariés et les collectivités en supportent le coût. D'ailleurs, les mesures d'encouragement au départ volontaire des ouvriers de l'État n'anticipent-elles pas sur l'abandon de la maîtrise publique ? Nous refusons ces suppressions.

M. le président.  - Amendement identique n°82, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Didier Boulaud.  - Je regrette que nous n'ayons pu nous exprimer sur l'article 3 -que nous n'avons pas voté- car il est bien le seul à relever effectivement de la programmation...

La déflation des effectifs -non concertée avec les élus locaux- aura de graves conséquences pour les personnels civils et militaires. Vous lancez un emprunt pour soutenir l'investissement stratégique, et donc la création d'emplois, mais, dans le même temps, vous supprimez 54 000 emplois d'ici 2015, sachant que le reclassement des personnels sera difficile en période de crise.

Selon le modèle de la RGPP, imposé par le Président de la République, les suppressions de postes doivent permettre des économies qui seront reversées au budget de l'équipement. Cela reste à prouver.

Quel sera le coût réel de cette déflation des effectifs, son coût social en cette période de chômage ? La défense nationale est aussi composée de moyens humains ! Le Gouvernement prévoit désormais 639 000 chômeurs supplémentaires en 2009. Au rythme actuel, ils seront 820 000... On comprend l'inquiétude des personnels !

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - La commission ne peut qu'être défavorable à la suppression de la programmation des effectifs.

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous en avons déjà débattu : avis défavorable.

L'amendement n°126, identique à l'amendement n°82, n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Article 5

Le code de la défense est ainsi modifié :

1° L'article L. 1111-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-1. - La stratégie de sécurité nationale a pour objet d'identifier l'ensemble des menaces et des risques susceptibles d'affecter la vie de la Nation, notamment en ce qui concerne la protection de la population, l'intégrité du territoire et la permanence des institutions de la République et de déterminer les réponses que les pouvoirs publics doivent y apporter.

« L'ensemble des politiques publiques concourt à la sécurité nationale.

« La politique de défense a pour objet d'assurer l'intégrité du territoire et la protection de la population contre les agressions armées. Elle contribue à la lutte contre les autres menaces susceptibles de mettre en cause la sécurité nationale. Elle pourvoit au respect des alliances, des traités et des accords internationaux et participe, dans le cadre des traités européens en vigueur, à la politique européenne de sécurité et de défense commune. » ;

2° Aux articles L. 1111-3, L. 1122-1 et L. 1321-2, la référence au : « conseil de défense » est remplacée par la référence au : « conseil de défense et de sécurité nationale » ;

3° Le deuxième alinéa de l'article L. 1111-3 est ainsi rédigé : 

« Les décisions en matière de direction générale de la défense et de direction politique et stratégique de la réponse aux crises majeures sont arrêtées en conseil de défense et de sécurité nationale. » ;

4° L'article L. 1111-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « de », le mot : « la » est supprimé ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les orientations en matière de renseignement sont arrêtées en conseil national du renseignement, formation spécialisée du conseil de défense et de sécurité nationale.» ;

5° L'article L. 1121-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1121-1. - Le conseil de défense et de sécurité nationale, de même que ses formations restreintes ou spécialisées, notamment le conseil national du renseignement, sont présidés par le Président de la République, qui peut se faire suppléer par le Premier ministre. » ;

6° L'article L. 1121-2 est abrogé ;

7° L'article L. 1131-1 est ainsi modifié :

a) Au début de l'article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement en matière de sécurité nationale. » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le Premier ministre prépare et coordonne l'action des pouvoirs publics en cas de crise majeure. Il coordonne l'action gouvernementale en matière d'intelligence économique. » ;

8° A l'article L. 1141-1, après le mot : « responsable », sont insérés les mots : « , sous l'autorité du Premier ministre, » et les mots : « de la défense » sont remplacés par les mots : « de défense et de sécurité nationale » ;

9° Le chapitre II du titre IV est ainsi rédigé :

« CHAPITRE II

« Dispositions particulières à certains ministres

« Section 1

« Défense

« Art. L. 1142-1. - Le ministre de la défense est responsable de la préparation et de la mise en oeuvre de la politique de défense. Il est en particulier chargé de l'infrastructure militaire comme de l'organisation, de la gestion, de la mise en condition d'emploi et de la mobilisation des forces armées.

« Il a autorité sur les armées et leurs services. Il veille à ce que les armées disposent des moyens nécessaires à leur entretien, leur équipement et leur entraînement. Il est responsable de leur sécurité.

« Il est également chargé :

« - de la prospective de défense ;

« - du renseignement extérieur et du renseignement d'intérêt militaire ;

« - de l'anticipation et du suivi des crises intéressant la défense ;

« - de la politique industrielle et de recherche et de la politique sociale propres au secteur de la défense.

« Il contribue à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique d'exportation des équipements de défense.

« En matière de communication, de transports, et pour la répartition des ressources générales, le ministre de la défense dispose, dès la mise en garde définie à l'article L. 2141-1, d'un droit de priorité.

« Section 2

« Intérieur

« Art. L. 1142-2. - Le ministre de l'intérieur est responsable de la préparation et de l'exécution des politiques de sécurité intérieure et de sécurité civile qui concourent à la défense et à la sécurité nationale et il est, à ce titre, sur le territoire de la République, responsable de l'ordre public, de la protection des personnes et des biens ainsi que de la sauvegarde des installations et ressources d'intérêt général.

« A ce titre :

« 1° Il est chargé de l'anticipation et du suivi des crises susceptibles d'affecter la sécurité intérieure et la sécurité civile ;

« 2° Il contribue à la planification interministérielle en matière de sécurité nationale. Il prépare les plans à dominante d'ordre public, de protection et de sécurité civiles ;

« 3° Il assure la conduite opérationnelle des crises ;

« 4° Il s'assure de la transposition et de l'application de l'ensemble de la planification gouvernementale par les représentants de l'État dans les zones de défense et de sécurité, les départements et les collectivités d'outre-mer ;

« 5° Il est responsable du renseignement intérieur, sans préjudice des compétences des ministres chargés de l'économie et du budget.

« En matière de sécurité économique, sous réserve des compétences du ministre de la défense dans le domaine de l'armement, le ministre de l'intérieur assure la protection du patrimoine matériel et immatériel de l'économie française.

« Son action s'exerce sur le territoire en liaison avec les autorités militaires en s'appuyant sur le représentant de l'État dans les zones de défense et de sécurité.

« Section 3

« Économie et budget

« Art. L. 1142-3. - Le ministre chargé de l'économie est responsable de la préparation et de l'exécution de la politique de sécurité économique. Il prend les mesures de sa compétence garantissant la continuité de l'activité économique en cas de crise majeure et assure la protection des intérêts économiques de la Nation.

« Il oriente l'action des ministres responsables de la production, de l'approvisionnement et de l'utilisation des ressources nécessaires à la défense et à la sécurité nationale.

« Conjointement avec le ministre chargé du budget, il assure la surveillance des flux financiers.

« Art. L. 1142-4. - Le ministre chargé du budget contribue à la défense et à la sécurité nationale, notamment par l'action des services placés sous son autorité en matière de contrôle douanier.

« Art. L. 1142-5. - Le ministre chargé de l'économie et le ministre chargé du budget arrêtent les mesures d'ordre financier que nécessite la conduite de la guerre.

« Section 4

« Affaires étrangères

« Art. L. 1142-6. - Le ministre des affaires étrangères traduit, dans l'action diplomatique au niveau européen et au niveau international, les priorités de la stratégie de sécurité nationale et de la politique de défense.

« Il anime la coopération de défense et de sécurité.

« Il coordonne la gestion des crises extérieures ainsi que la planification civile de celles-ci avec le concours de l'ensemble des ministères et des services de l'État concernés.

« Il continue d'exercer ses attributions en matière d'action à l'étranger dans les cas prévus à l'article L. 1111-2.

« Section 5

« Justice

« Art. L. 1142-7. - Le ministre de la justice assure en toutes circonstances la continuité de l'activité pénale ainsi que l'exécution des peines.

« Il concourt, par la mise en oeuvre de l'action publique et l'entraide judiciaire internationale, à la lutte contre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.

« Section 6

« Autres ministres

« Art. L. 1142-8. - Le ministre chargé de la santé est responsable de l'organisation et de la préparation du système de santé et des moyens sanitaires nécessaires à la connaissance des menaces sanitaires graves, à leur prévention, à la protection de la population contre ces dernières, ainsi qu'à la prise en charge des victimes.

« Il contribue à la planification interministérielle en matière de défense et de sécurité nationale en ce qui concerne son volet sanitaire.

« Art. L. 1142-9. - Les ministres chargés de l'environnement, des transports, de l'énergie et de l'industrie sont responsables, chacun en ce qui le concerne, en matière de maîtrise des risques naturels et technologiques, de transports, de production et d'approvisionnements énergétiques ainsi que d'infrastructures, de la satisfaction des besoins de la défense et de la sécurité nationale et, en toutes circonstances, de la continuité des services. »

M. André Vantomme.  - Pour la première fois depuis longtemps, la gendarmerie nationale ne relève plus de la loi de programmation militaire, la primauté du ministère de l'intérieur l'ayant emporté sur celle de la défense. La dualité des forces de police était une garantie républicaine, un garde-fou. Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur menace son existence même : il sera tentant de regrouper l'organisation de la sécurité et les moyens afférents...

Habitués à servir dans la loyauté républicaine, les gendarmes retiendront leur amertume. Mais, même si la loi de programmation militaire les ignore, il ne sera pas dit qu'il n'y avait pas de sénateurs pour leur adresser un message de sympathie et de respect. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Didier Boulaud.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement n°83, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Bernard Piras.  - Sur le site du ministère de la défense, on lit qu'une loi de programmation militaire est « l'acte solennel par lequel le Parlement, sur proposition du Gouvernement, consacre l'adhésion de la Nation à la constitution de l'instrument militaire de la politique de défense » et que « la programmation pluriannuelle des crédits permet de planifier l'acquisition des équipements nécessaires à l'accomplissement des missions des armées. » Que vient faire cet article 5, qui bouleverse l'organisation des pouvoirs publics en matière de défense et de sécurité ? Il modifie le code de la défense suivant les orientations du Livre blanc, concentre les pouvoirs autour du Président de la République. L'adoption du concept américain de « sécurité nationale » conduit à restreindre le rôle du Premier ministre et du ministre de la défense au profit du ministre de l'intérieur, dont les compétences sont étendues en situation de « crises majeures » -notion qui reste à définir. Sera-t-on tenté d'employer différemment les forces armées en cas de crise intérieure ? Cela devrait faire réagir le RPR !

Ce chapitre mérite un débat ad hoc, d'autant qu'il modifie l'ordonnance de 1959, au coeur du consensus national sur la défense. Au lieu de chercher à faire adopter, sans débat, les préconisations du Livre blanc du Président, le Gouvernement devrait déposer un projet de loi sur la nouvelle organisation. La Constitution n'est pas modifiée mais sa pratique le sera. D'ailleurs, les parlementaires socialistes membres de la commission de rédaction du Livre blanc avaient démissionné pour protester contre l'ingérence du Président de la République dans ses travaux. Je vous mets en garde. Je sais que vous êtes tenus à un vote conforme, mais le sujet mérite débat !

M. le président.  - Amendement identique n°125, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG

Mme Michelle Demessine.  - Cet article 5 réorganise les pouvoirs publics pour les adapter à la stratégie dite de « sécurité nationale ». On est loin de l'objet d'une loi de programmation militaire ! Mais celle-ci comprend également « diverses dispositions concernant la défense »...

La notion de « sécurité nationale », importée des États-Unis, inspire également la réflexion de l'Otan. Je doute néanmoins qu'elle corresponde à la vision française des risques et des menaces contre nos intérêts nationaux.

Nous sommes opposés aux modifications institutionnelles qu'elle implique, ainsi qu'à la concentration des pouvoirs qu'elle entraîne. La défense nationale devient un sous-ensemble de la sécurité. Les pouvoirs sont concentrés dans les mains du Président de la République : en matière de sécurité, tout remonte à lui et tout procède de lui. L'article 5 remplace ainsi l'actuel conseil de défense et le conseil de sécurité intérieure par un seul organisme.

Son champ de compétence sera très étendu puisqu'il couvrira toutes les questions politiques ayant trait à la défense et à la sécurité nationale. Ce nouveau conseil, présidé par le chef de l'État, se déclinera en formations spécialisées, toujours placées sous sa tutelle, en particulier en matière de renseignement. On mesure l'étendue du contrôle présidentiel. Pourquoi, d'ailleurs, parler au futur étant donné qu'une fois encore, on nous demande de sanctionner un fait accompli puisque nous débattons d'un organisme qui existe déjà, le Conseil national du renseignement étant en place, avec son coordinateur. Nous ne pouvons approuver un tel déséquilibre institutionnel.

M. Didier Boulaud.  - C'est ce qu'on appelle la monocratie.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - La commission ne souhaite pas voir modifier l'article 5 tel qu'elle l'a approuvé et émettra donc un avis défavorable sur l'ensemble des amendements à cet article qui actualise, sans les bouleverser, les dispositions sur l'organisation des pouvoirs publics en matière de défense datant de l'ordonnance de 1959.

On argue que la notion de sécurité nationale bouleverserait profondément notre conception politique sur cette question. Mais le Livre blanc stipule bien que notre stratégie de sécurité nationale prend en compte « tous les phénomènes, risques, menaces susceptibles de porter atteinte à la vie de la nation, quelle que soit leur nature, militaire ou non, quelle que soit leur origine, intérieure ou extérieure ». Il prend acte ainsi du fait qu'il n'y a plus de séparation tranchée entre sécurité intérieure et extérieure et que ceux qui entendent la mettre en péril n'usent plus de moyens classiques mais de modes opératoires destinés au contraire à contourner ces moyens. Il est donc nécessaire d'avoir une vision plus globale. C'est bien ce qu'attendent nos concitoyens, qui ne se soucient pas de savoir si les moyens destinés à assurer leur protection relèvent de la défense ou de la sécurité.

J'ajoute que la sécurité nationale ne se confond pas avec la sécurité intérieure. L'action de nos forces de police et de gendarmerie ne relève en rien de la sécurité nationale. Il n'y a pas de confusion possible.

A l'inverse, les moyens importants consacrés à la fonction connaissance et anticipation participent de la sécurité nationale au sens large. Tel est le cas du renseignement.

Je m'étonne, enfin, du trouble que suscite l'association des mots défense et sécurité alors que depuis des années, on parle de politique européenne de défense et de sécurité sans que personne s'en émeuve.

Autre argument : l'article entraînerait une concentration excessive des pouvoirs dans les mains du Président de la République. Mais la Constitution, sur ce point, n'a pas changé. Aux termes de l'article 5, le Président de la République est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités. Tout ce qui touche à la défense et à la sécurité nationale le place donc dans une situation différente de celle qui est la sienne dans les autres domaines. Il est le chef des armées et préside, aux termes de l'article 15, les conseils de défense. L'élection au suffrage universel a renforcé sa responsabilité. Quant au Premier ministre, il est précisé qu'il est étroitement associé. Il n'y a pas lieu de voir là une quelconque dérive. Le conseil national du renseignement remplace le comité interministériel dont chacun s'accorde à penser qu'il ne jouait pas parfaitement son rôle. La coordination du renseignement, avec la mission confiée à l'ambassadeur Bajolet, est donc positive et l'inscription de ce conseil dans la loi est utile. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous avons abordé cette question a de multiples reprises. Il est heureux que le Gouvernement soit en cohérence avec le Livre blanc : c'est bien la moindre des choses. J'ai déjà dit, en répondant à M. Chevènement, que le Conseil national du renseignement assure une coordination nécessaire. Qu'existe un Conseil de défense et de sécurité nationale ne change en rien la responsabilité du Président de la République, éminente en ce domaine sous toutes les majorités. Il était, enfin, de bon sens de réviser une ordonnance vieille de cinquante ans.

M. Didier Boulaud.  - Il n'y aurait donc pas concentration des pouvoirs à l'Élysée ? Je dis que oui, et dans tous les domaines. J'ai lu aujourd'hui même dans un hebdomadaire que la flotte des avions du Gouvernement, gérée jusqu'à présent par Matignon, le sera désormais directement par l'Élysée. C'est dire jusqu'où vont les choses !

Nous ne sommes pas contre la création d'un conseil national du renseignement. Ce que nous contestons, ce n'est ni sa mise en place, ni son rôle, mais son rattachement à la présidence de la République, où il sera placé sous l'autorité du secrétaire général de l'Élysée. Le rôle du Premier ministre, dites-vous, est éminent ? Je dis, moi, que c'est le rôle du secrétaire général de l'Élysée qui l'est devenu. Certaines mauvaises langues vont même jusqu'à dire que le Gouvernement a changé de rive, pour aborder au 55 bis rue Saint-Honoré. Y compris le ministère de la défense.

Les amendements identiques nos83 et n°125 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°84, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit cet article :

Le Gouvernement déposera, à l'ouverture de la prochaine session ordinaire 2009-2010, un projet de loi sur l'organisation des pouvoirs publics en matière de défense.

M. Michel Boutant.  - Les nombreuses modifications contenues à cet article imposent un débat en profondeur. On assiste à une concentration inédite des pouvoirs autour du Président de la République. Les rôles du Premier ministre et du ministre de la défense sont diminués ; le concept de sécurité nationale, mal défini et imprécis, prend la place de celui de défense nationale.

En revanche, le ministre de l'intérieur voit son champ de compétences élargi et hérite d'une force à statut militaire, la gendarmerie. La « sécurité nationale » sonne comme une nouvelle déclinaison de la « sécurité intérieure ». On crée de fait une zone commune, sans frontières nettes, où la politique de défense et la sécurité intérieure se confondent. Un vrai débat s'impose.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Au début du premier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article L. 1111-1 du code de la défense, remplacer les mots :

La stratégie de sécurité nationale a

par les mots :

Les stratégies de défense et de sécurité nationales ont

M. Jean-Pierre Chevènement.  - L'idée d'une stratégie de sécurité nationale, englobant défense et sécurité intérieure, procède d'une doctrine fort peu nationale : elle nous vient directement d'Amérique. Elle pourrait donner lieu à d'inquiétantes dérives, à un glissement de la notion d'ennemi vers celle d'ennemi intérieur. N'a-t-on plus le droit, en République, d'être contestataire ? Gardons-nous d'incriminer de simples attitudes.

Une telle confusion nous met à la remorque d'une politique chère à M. Bush, qui entendait « mener la guerre au terrorisme ». Irak, Iran, Afghanistan, Pakistan : sommes-nous en rien consultés sur les changements d'orientation de la politique américaine ?

Et quelle nécessité de ce Conseil de sécurité nationale et de défense ? Il n'était en rien interdit, dans les conseils de défense, d'inviter le ministre de l'intérieur.

Méfions-nous d'une conception qui se révèlera peu opérationnelle et pleine de risque.

M. le président.  - Amendement identique n°124, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Au début du premier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article L. 1111-1 du code de la défense, remplacer les mots :

La stratégie de sécurité nationale a

par les mots :

Les stratégies de défense et de sécurité nationale ont

Mme Michelle Demessine.  - Cet article entretient la confusion entre des notions et domaines différents.

Il réduit la notion de défense nationale à une simple composante de la sécurité nationale. Dans ce cadre, tout peut devenir une menace : la prolifération nucléaire et les attentats terroristes bien sûr, mais aussi les attaques informatiques ou les difficultés d'accès aux ressources naturelles. Faudra-t-il mettre sur ce même plan les pandémies et les catastrophes naturelles ?

Quand tout devient une menace, il est difficile de hiérarchiser l'action. Surtout, des menaces aussi multiformes peuvent provenir de partout, même de l'intérieur, voire de certaines catégories de la population ! (M. le ministre manifeste son indignation)

Pour éviter des dérives dangereuses pour la République et la démocratie, il faut distinguer clairement la sécurité et la défense nationales. (On approuve sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Amendement n°91, présenté par M. Boulaud et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Au début du premier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article L. 1111-1 du code de la défense, remplacer les mots :

La stratégie de sécurité nationale

par les mots :

La stratégie de défense

M. André Vantomme.  - Il a déjà été dit que cet article opérait une concentration inédite des pouvoirs au profit du Président de la République, le Premier ministre et le ministre de la défense étant marginalisés par la redistribution des pouvoirs inspirée de la « sécurité nationale », un concept américain vague que nous avions critiqué lors de la présentation du Livre blanc.

Celui-ci devrait être discuté et voté par le Parlement, afin d'avoir une vision globale de la défense et de la sécurité dans un cadre européen.

La sécurité nationale semble n'être qu'un nouvel habillage de la sécurité intérieure, qu'il ne faut pas confondre avec la défense sauf à créer une zone commune mal définie où les deux paraissent fusionnées.

L'article 15 de la Constitution dispose : « Le Président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et comités supérieurs de la défense nationale. » Il n'est question ni de sécurité nationale, ni de « conseil de défense et de sécurité nationale ». Les modifications proposées par le Gouvernement conduiront-elles à une nouvelle révision constitutionnelle ? (Sourires)

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Chevènement.

Dans première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article L. 1111-1 du code de la défense, après les mots :

l'intégrité

insérer les mots :

et l'indépendance

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Avec cette rédaction, la politique de défense devra certes assurer l'intégrité du territoire, mais aussi l'indépendance -donc la souveraineté- de la France.

Ce rappel est particulièrement opportun après la réintégration de l'organisation militaire intégrée de l'Otan et l'adoption du concept de sécurité nationale, car la France aura de la peine à faire entendre sa voix dans ce contexte. Or, je souhaite qu'elle puisse continuer à le faire, même lorsqu'elle paraît isolée, comme ce fut le cas en 2003 avant l'invasion de l'Irak.

Avant de présenter mes autres amendements, je souhaite qu'un vote intervienne sur celui-ci, qui est très différent. (M. le président, M. le rapporteur et M. le ministre l'acceptent)

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - J'ai déjà exprimé un avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Moi aussi.

L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Supprimer le 2° de cet article.

Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Dans le second alinéa du 3° de cet article, supprimer les mots :

et de sécurité

Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

À la fin du second alinéa du b du 4° de cet article, supprimer les mots :

et de sécurité

Amendement n°6 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Dans le texte proposé par le 5° de cet article pour l'article L. 1121-1 du code de la défense, supprimer les mots :

et de sécurité nationale

Amendement n°7 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

A la fin du second alinéa du a du 7° de cet article, remplacer les mots :

de sécurité nationale

par les mots :

de défense et de sécurité nationales

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Tous ces amendements ont pour objet de rétablir la distinction entre la défense et la sécurité nationales, car il ne faut pas confondre les militaires et les policiers : leurs métiers sont très différents.

Certes, le ministre de l'intérieur est vigilant à propos du terrorisme et des filières de recrutement, mais ces sujets l'occupent fort peu.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Supprimer le 8° de cet article.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Chaque ministre est actuellement responsable des missions de défense nationale incombant à son département. Étendre cette obligation à l'ensemble de la sécurité nationale introduirait une confusion incroyable !

M. le président.  - Amendement n°9 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Dans le premier alinéa du texte proposé par le 9° de cet article pour l'article L. 1142-2 du code de la défense, remplacer le mot :

nationale

par le mot :

nationales

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Amendement de coordination.

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après le premier alinéa du texte proposé par le 9° de cet article pour l'article L. 1142-6 du code de la défense, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il assure une veille permettant d'identifier les foyers de tensions potentielles et de mobiliser les outils de prévention des conflits dans un cadre multilatéral.

Mme Dominique Voynet.  - J'ai déjà souligné le rôle que le ministère des affaires étrangères pouvait jouer pour repérer les conflits à venir et les prévenir dans un cadre multilatéral.

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Rédiger ainsi le second alinéa du texte proposé par le 9° de cet article pour l'article L. 1142-7 du code de la défense :

« Il concourt, par la mise en oeuvre de l'action publique et l'entraide judiciaire internationale, à la lutte contre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation, contre la corruption et le blanchiment d'argent sale.

Mme Dominique Voynet.  - La corruption freine le développement, le déploiement des politiques publiques, l'essor de la démocratie mais nous ne sommes pas naïfs au point de croire que nos démocraties en soient exemptes, alors que les échanges économiques se déroulent à l'échelle internationale et que la dérégulation financière triomphe. Outre la mise en oeuvre de l'entraide judiciaire, le ministère de la justice doit lutter contre la corruption et la délinquance financière.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - J'ai déjà donné un avis défavorable à l'ensemble des amendements en discussion sur cet article.

M. Hervé Morin, ministre.  - Moi aussi.

L'amendement n°84 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos5 rectifié, 124, 91, 3 rectifié, 2 rectifié, 1 rectifié, 6 rectifié, 7 rectifié, 8 rectifié, 9 rectifié, 43 et 44

Mme Nathalie Goulet.  - En commission, je me suis prononcée contre l'article 5, que je ne voterai pas en raison de la confusion entre sécurité et défense. La fusion entre la police et la gendarmerie n'a pas encore été soumise aux députés.

La confusion des genres a déjà fait ses preuves un certain 16 juillet !

L'article 5 est adopté.

L'article 6 est adopté.

L'article 7 demeure supprimé.

Article 8

Le III de l'article 73 de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière est ainsi rédigé :

« III. - Jusqu'au 31 décembre 2014, par dérogation aux dispositions de l'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les immeubles affectés au ministère de la défense peuvent être remis au service chargé des domaines en vue d'une cession sans que ces immeubles soient reconnus comme définitivement inutiles à l'État. »

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par M. Boutant et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Michel Boutant.  - Cet article est en apparence secondaire par rapport au reste du projet de loi de programmation. Il s'agit en effet de la simple prorogation d'un régime dérogatoire dont bénéficient depuis le 1er janvier 1987 les immeubles appartenant au ministère de la défense au moment de leur cession par l'État. Mais ne convient-il pas de s'interroger sur la pertinence d'un dispositif qui permet au ministère de la défense de contourner un système qui s'impose pourtant à l'ensemble des autres administrations ?

Le code général de la propriété des personnes publiques prévoit en effet que lorsqu'un ministère souhaite vendre un immeuble dont il n'a plus besoin, il doit proposer aux autres services de l'État ledit immeuble avant de pouvoir procéder à la vente. Ce n'est que lorsque l'immeuble est reconnu inutile par tous les services de l'État que le ministère peut le remettre aux Domaines afin qu'ils procèdent à la vente.

En 1986, le législateur a jugé cette procédure trop longue et a estimé que la spécificité des immeubles détenus par le ministère de la défense devait l'autoriser à déroger à ces règles et à pouvoir remettre ces immeubles aux Domaines sans consulter au préalable les autres services de l'État. Cette dérogation était toutefois limitée à vingt-deux ans.

C'est cette dérogation que l'article 8 prolonge car, à compter du 1er janvier 2010, le ministère de la défense serait de nouveau soumis au droit commun des ventes d'immeubles par l'État, au moment même où la réorganisation du ministère va le conduire à libérer de très nombreuses emprises.

Le Gouvernement estime que, pour assurer au mieux la reconversion des sites concernés, il est indispensable de prolonger ce régime dérogatoire. Une bonne gestion des biens publics imposerait pourtant une concertation avec les autres administrations avant la cession d'immeubles appartenant à votre ministère, monsieur le ministre.

Au vu de certaines mésaventures intervenues ces dernières années, notamment le rachat par l'État du bâtiment de l'Imprimerie nationale pour 376 millions après l'avoir vendu 85 millions quelques années auparavant, il conviendrait que chaque cession d'immeuble soit mûrement pesée, car la vente précipitée d'un immeuble appartenant à l'État ne rapporte rien à ce dernier et risque même de lui coûter très cher.

C'est pourquoi nous refusons de prolonger ce système dérogatoire.

M. le président.  - Amendement n°86, présenté par M. Boutant et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'est envisagée la cession d'immeubles affectés au ministère de la défense et compris dans un site ayant fait l'objet d'une décision de restructuration prise par le ministre de la défense, les organismes d'habitation à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation doivent être préalablement consultés par le service chargé des domaines sur les projets de cession, afin de leur permettre de soumettre une proposition d'acquisition. Un décret détermine les modalités de cette consultation et les conditions d'examen des propositions d'acquisition auxquelles elle donne lieu. »

M. Michel Boutant.  - Si cet article n'est pas supprimé, il convient de le compléter par cet amendement.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - La commission souhaite le maintient de l'article 8 : elle est donc défavorable à l'amendement n°87.

Sur l'amendement n°86, le ministère de la défense à déjà pris des contacts pour transformer certains sites qu'il souhaite vendre en logements sociaux, notamment à Paris. En revanche, de nombreux bâtiments ne sont pas adaptés à une reconversion en logements. La commission estime que la consultation systématique n'est pas appropriée. En outre, cette disposition serait contraire au code des domaines, qui prévoit déjà une procédure de publicité, ainsi qu'aux dispositions spécifiques relatives aux cessions à l'euro symbolique : avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Le ministère souhaite pouvoir céder rapidement ses immeubles. Compte tenu de l'hétérogénéité de son parc, l'idée de consulter l'ensemble des services de l'État nous ferait perdre un temps précieux, notamment pour la reconversion des sites : je suis donc défavorable à l'amendement n°87.

En ce qui concerne l'amendement n°86, à chaque fois qu'une collectivité souhaite construire des logements sociaux, nous sommes les premiers à accéder à sa demande. Chaque ville a d'ailleurs un droit de priorité et de préemption pour faire du logement social là où elle le souhaite : avis défavorable.

L'amendement n°87 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°86.

L'article 8 est adopté.

Article 9

Le deuxième alinéa de l'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :

1° Les mots : « au préalable » sont supprimés ;

2° Les mots : « confier au futur acquéreur le soin d'y faire procéder » sont remplacés par les mots : « subordonner la cession à l'exécution, dans le cadre de la réglementation applicable, par l'acquéreur, de ces mesures ou de ces travaux, ».

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Supprimer cet article

Amendement n°46, présenté par Mme Voynet et les membres du groupe socialiste et apparentés.

I. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le délai dans lequel l'État est tenu de procéder à la dépollution et à la remise en bon état de ces immeubles, dans le cas où ils ne seraient plus utilisés et dans l'attente de leur cession, est fixé par décret. ».

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Dominique Voynet.  - Cet amendement et le suivant ont fait l'objet d'une assez longue discussion en commission mais je n'ai pas été convaincue par les arguments de M. le ministre. La rédaction ambiguë de cet article en est en partie responsable.

Depuis 2007, le Président de la République et le Gouvernement se sont lancés dans une campagne de communication très efficace sur les questions environnementales, affichant des ambitions louables. Mais le Grenelle de l'environnement n'est pas encore voté qu'on l'érige déjà en texte sacré. Pourtant, le plan de relance de l'économie fait la part belle aux transports routiers.

Le secteur de la défense permettrait pourtant d'agir en faveur de l'environnement, notamment à l'occasion du démembrement d'infrastructures ou de la reconversion de l'arsenal militaire.

Hélas, il n'en est rien : cet article est l'antithèse même de ce que prétend être le Grenelle de l'environnement puisqu'il subordonne la cession d'un site à l'exécution, par l'acquéreur, des travaux de dépollution. Vous m'avez dit en commission, monsieur le ministre, que l'État ne fuyait pas ses responsabilités en se dédouanant des nuisances et des pollutions commises du fait de ses activités. Rien ne dit pourtant que l'État devra déduire du coût de cession du site le coût de la remise en état du site, qui excède souvent sa valeur même.

On court là le risque que les anciens sites militaires demeurent des sites pollués et non traités, portant atteinte à la santé des riverains.

Je veux évoquer le cas du polygone d'expérimentation de Pontfaverger-Moronvilliers qui est rattaché au CEA. A côté de ce polygone, plusieurs centaines de tonnes d'obus de la première guerre mondiale ont été stockées sans protection. En 1958, les premiers essais nucléaires ont été réalisés. Plus tard encore ont eu lieu des expériences de détonique et d'explosions chimiques avec des matériaux inertes. Alors que la fermeture du site est annoncée, comment envisage-t-on sa dépollution ? Le maire de la commune est très inquiet.

En décembre 2007, vous avez adressé, monsieur le ministre, le plan d'action environnement du ministère de la défense aux directeurs de l'administration centrale du ministère. Ce plan prévoit que chaque année, « le ministère préparera un bilan environnemental de ses activités, portant notamment sur ses rejets gazeux et liquides, ses productions de déchets, ses consommations d'énergies et d'eau, ainsi qu'un bilan carbone ». A ma connaissance, rien n'a été publié, notamment sur la remise en état des sites militaires.

Mon premier amendement vise à revenir au régime commun et mon second amendement fixe une échéance pour la remise en état de ces sites.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Lors de l'examen du texte en commission, le ministre nous a donné des exemples très concrets de blocages que l'article 9 permettra de lever, sans remettre en cause l'obligation légale de dépollution. Je suis donc défavorable à l'amendement n°45.

L'amendement n°46 est contraire à l'article 9 puisqu'il impose à l'État la dépollution préalable avant cession alors qu'il s'agit de permettre à l'acquéreur d'exécuter les travaux de dépollution.

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous sommes encore aujourd'hui propriétaires de terrains qui datent des plans de restructuration de MM. Joxe et Léotard car l'État n'a pas de quoi financer les travaux de dépollution. Ce dispositif devrait faire l'unanimité puisque, sous le contrôle de l'État, nous permettons à l'acquéreur de procéder à la dépollution pour reconvertir le site le plus rapidement possible. Si le coût des travaux coûte plus cher que le site, l'État prendra à sa charge le différentiel. Cela permettra à de nombreux élus de procéder à des reconversions.

A La Londe, dans le Var, mon ministère possède 14 hectares en plein centre-ville. Le maire souhaite se débarrasser de cette verrue : avec cet article, il pourra lancer des travaux de dépollution.

Mme Dominique Voynet.  - Nous avons effectivement eu cette discussion en commission mais je ne suis toujours pas convaincue.

M. Hervé Morin, ministre.  - Je n'y arriverai jamais !

Mme Dominique Voynet.  - Je souhaitais en effet qu'il soit précisé que le prix de vente serait amputé de celui de la remise en état du site...

M. Hervé Morin, ministre.  - C'est ce que je viens de dire !

Mme Dominique Voynet.  - Certes, mais l'article reste muet ! Lorsqu'un site est cédé à l'euro symbolique, il n'est pas prévu que l'État finance en partie la dépollution. Les communes seront donc soumises à une sorte de pression pour qu'elles fassent, à la place de l'État, ce qu'il n'a pas les moyens de faire ! Tous les gouvernements se sont effectivement heurtés à la même difficulté, mais une commune confrontée à une verrue n'aura guerre le choix : elle héritera du site pollué et devra s'en débrouiller ; c'est un cadeau empoisonné que vous leur faites.

De nombreux sites ont été utilisés par l'armée sans diagnostic préalable et ces terrains d'entraînement, de manoeuvre, n'ont à ma connaissance fait l'objet d'aucun bilan sérieux en matière de pollution.

L'amendement n°45 n'est pas adopté, non plus que le n°46.

L'article 9 est adopté.

Article 10

I. - Les cinquième à neuvième alinéas de l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n°2001-1276 du 28 décembre 2001) sont ainsi rédigés :

« Le transfert au secteur privé des filiales créées en application de l'alinéa précédent est autorisé dans les conditions prévues au titre III de la loi n°86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations. Les I à III de l'article 10 de la même loi sont applicables aux filiales transférées au secteur privé.

« Lorsque l'entreprise nationale apporte ou transfère l'une de ses activités à une société dont l'entreprise nationale détient, directement ou indirectement, la majorité du capital et des droits de vote, les ouvriers de l'État affectés à cette activité sont mis à la disposition de cette société dès la réalisation de l'apport ou du transfert. Les ouvriers de l'État affectés aux activités apportées ou transférées dans les conditions définies au présent alinéa bénéficient alors des droits reconnus aux salariés par les articles 6 à 28, 37, 40-1 et 40-2 de la loi n°83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public dès lors que celle-ci s'applique à ladite société, les ouvriers de l'État étant pris en compte dans le calcul des effectifs de la société. Ils sont à ce titre électeurs et éligibles au conseil d'administration ou au conseil de surveillance de cette société.

« Lorsque l'entreprise nationale apporte ou transfère l'une de ses activités à une société dont l'entreprise nationale détient, directement ou indirectement, moins de la moitié et plus du tiers du capital et des droits de vote, les ouvriers de l'État affectés à cette activité sont mis à la disposition de cette société dès la réalisation de l'apport ou du transfert.

« Les ouvriers de l'État affectés aux activités apportées ou transférées en application des dispositions prévues aux deux alinéas précédents bénéficient, au sein des sociétés à la disposition desquelles ils sont mis, des droits reconnus aux salariés par les titres Ier à V du livre III de la deuxième partie du code du travail ainsi que par le titre Ier du livre VI de la quatrième partie du même code.

« En dehors des cas d'apport ou de transfert d'activités à des filiales visés au sixième alinéa du présent article, les ouvriers de l'État mis à la disposition de l'entreprise nationale peuvent, sur leur demande et avec l'accord de l'entreprise nationale, être mis à la disposition de toute société dont au moins un tiers du capital et des droits de vote est détenu, directement ou indirectement, par l'entreprise nationale, ou de tout groupement auquel participe l'entreprise nationale. Ils bénéficient des droits reconnus aux salariés énoncés dans le précédent alinéa. Lorsqu'ils sont mis à la disposition d'une société dont l'entreprise nationale détient, directement ou indirectement, la majorité du capital et des droits de vote, ils bénéficient des droits reconnus aux salariés par les articles 6 à 28, 37, 40-1 et 40-2 de la loi n°83-675 du 26 juillet 1983 précitée dès lors que celle-ci s'applique à ladite société, les ouvriers de l'État étant pris en compte dans le calcul des effectifs de la société. A ce titre, ils sont alors électeurs et éligibles au conseil d'administration ou au conseil de surveillance de cette société. »

II. - Le dixième alinéa de l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 précitée est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les fonctionnaires et les militaires détachés auprès de l'entreprise nationale et employés à une activité transférée à une société dont l'entreprise nationale détient, directement ou indirectement, au moins un tiers du capital et des droits de vote, sont détachés auprès de cette société dès la réalisation du transfert.

« En dehors des cas de transfert d'activité à des filiales visés à l'alinéa précédent, les fonctionnaires et les militaires détachés auprès de l'entreprise nationale peuvent, à leur demande et avec l'accord de l'entreprise nationale, être détachés dans une société dont au moins un tiers du capital et des droits de vote est détenu, directement ou indirectement, par l'entreprise nationale ou de tout groupement auquel participe l'entreprise nationale. »

M. Jean-Pierre Godefroy.  - L'année 2009 est à marquer d'une pierre noire pour le ministère de la défense, affecté à la fois par les propositions du Livre blanc et par la RGPP. Certaines évolutions sont certes nécessaires, mais nous ne partageons pas votre volonté d'externaliser les activités industrielles et de soutien -en supprimant au passage 54 000 emplois. Cela revient à démanteler l'outil de défense. DCNS n'échappe pas à la règle et doit revenir dans le droit commun des privatisations. J'étais hostile dès 2001 au changement de statut et j'ai réitéré mon opposition en 2004. Vous affirmiez alors que la création de filiales ne comportait aucun risque, le législateur ayant prévu des garde-fous. Ceux-ci vous semblent désormais des obstacles... Le rapporteur d'alors, M. Yves Fréville, jugeait les protections suffisantes, garanties par le recours au législateur au-delà de certains seuils. Le législateur vous semble aujourd'hui un obstacle.

Vous entendez gommer tout signe d'appartenance de DCNS au secteur public. Mais tous ceux d'entre vous qui avez jugé utile de prévoir en 2004 des dérogations au droit commun des privatisations lorsque les opérations de filialisation étaient assorties de transferts d'actifs se déjugent aujourd'hui en acceptant les dispositions de l'article 10. Les risques que vous évoquiez alors auraient-ils disparu ?

Je suis favorable à des coopérations industrielles ponctuelles, dans le respect du patrimoine et des missions de chacun. En 2004, les privatisations-filialisations ont ouvert la boîte de Pandore. C'est l'unicité de DCNS ainsi que son avenir qui ont été remis en cause. Depuis l'entrée de Thalès à son capital, la stratégie du groupe est claire : se recentrer sur l'ingénierie et le commerce, externaliser les moyens de production. Ce n'est pas là la politique industrielle dont notre pays a urgemment besoin. Voyez les déboires des chantiers civils qui sont allés trop loin dans l'externalisation. Dans le secteur électronique, on a inventé les entreprises sans salariés...

Monsieur le ministre, lors de l'examen du projet de budget pour 2009, je vous avais interrogé sur le projet industriel de DCNS et vous aviez été embarrassé pour me répondre. Vous le serez encore aujourd'hui. Le contrat État-entreprise est arrivé à échéance en 2008, aucun autre n'a pris le relais. Du reste, ce contrat n'a pas été respecté, pas plus que l'engagement du Gouvernement de transmettre au Parlement chaque année un rapport sur les perspectives d'activité et les fonds propres de la société. Nous sommes inquiets car l'article supprime l'un des derniers contrôles que pouvait exercer le Parlement.

Ce qui m'inquiète aussi, c'est le sort fait aux personnels de tout statut. Vous voulez, précisément, faire sauter les verrous administratifs pour mettre à disposition les agents dans les filiales minoritaires. Le retour chez DCNS sera possible... si des postes se libèrent. La mobilité accrue rompra le lien entre les salariés, modifiera les contrats de travail et les accords collectifs. Il n'y aura pas de retour car le but est l'extinction du statut des ouvriers d'État. Cet article est à rapprocher de l'article 29 du projet de loi sur la mobilité et le parcours professionnel dans la fonction publique, que vous avez fait adopter en catimini à l'Assemblée nationale le 3 juillet dernier. Externaliser certaines missions du ministère en mettant du personnel civil ou militaire à disposition d'entreprises privées, c'est remettre en cause le statut des catégories concernées. Quant au volontariat, nous verrons une nouvelle fois la semaine prochaine, à propos du travail dominical, en quel sens il faut l'entendre.

Une fois la mission externalisée, le ministère n'a plus besoin des compétences mises à disposition ; en cas de difficultés de l'entreprise, ne restera que la solution du chômage.

Monsieur le ministre, vous vous êtes réjoui d'avoir redonné vie à l'École des mousses. J'aurais aimé que vous rendiez vie aux écoles des apprentis de la Marine, écoles républicaines du mérite mais qui avaient pour grave défaut de former des ouvriers d'État à statut et des ingénieurs des constructions navales militaires ! (Applaudissements à gauche)

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Comme vous, monsieur Godefroy, j'ai dans mon département un établissement de DCN. En 2001, quand vous vous êtes opposé au changement de statut proposé par le ministre Alain Richard, la situation était catastrophique. Ce service de l'État fonctionnait très mal.

M. Robert del Picchia.  - Il ne fonctionnait pas du tout.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Le plan de charge étant vide, les collectivités locales, la région Bretagne notamment, ont dû fournir du travail et ont financé des plates-formes pétrolières, comme si telle était la vocation de DCN...

M. Robert del Picchia.  - ...Et des collectivités territoriales !

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - MM. Sauter et Richard ont transformé le service en société anonyme détenue à 100 % par l'État. Je crois aux histoires qui réussissent et ce changement de statut a permis à DCN de se lancer sur des marchés très concurrentiels, d'y démontrer l'excellence de ses ouvriers et de ses ingénieurs. Le plan de charge s'est étoffé, DCN a beaucoup vendu et exporté -par exemple des sous-marins au Brésil.

La deuxième étape consiste à favoriser les regroupements et les synergies. DCN a pu acheter Thalès Naval, diversifiant ainsi sa gamme de produits ; réciproquement, Thalès est entré au capital de DCN, où l'État domine -tout est sous contrôle. Mais quand DCN veut créer des filiales communes avec d'autres groupes, elle ne peut le faire dans les mêmes conditions que les autres. Si nous voulons une Europe de la défense, il faut pouvoir nouer des partenariats. L'État disposera d'une golden share afin de contrôler l'activité de toutes les filiales, même minoritaires. Il n'y a pas de démantèlement et la formule n'a que des avantages. Le processus initié en 2001 par M. Richard doit être mené à son terme, c'est pourquoi je serai défavorable à tous les amendements à cet article. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Ma circonscription, j'ose à peine l'avouer, ne compte pas d'établissement de DCNS... Quand on crée une filiale minoritaire, on n'en est plus le patron. M. le président de la commission évoque une golden share, je ne l'ai vue nulle part. Pour quel objet devons-nous créer ces filiales : pour nous défaire des sous-marins à propulsion classique ? (On se récrie au banc des commissions) Pour entrer dans un consortium à dominante anglo-saxonne ou allemande ? Monsieur le ministre, quelle politique industrielle voulez-vous mener ?

M. Didier Boulaud.  - Aucune !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - M. Tchuruk a inventé les entreprises sans salariés ; il fut un grand spécialiste de l'externalisation.

Il a si bien réussi dans ce fleuron de notre industrie qu'était Alcatel Alsthom qu'on s'y est passé de ses services. (Sourires à gauche) Ce précédent explique notre réticence sur des filiales minoritaires avec on ne sait qui pour faire on ne sait quoi. Si une alliance se propose, présentez un dossier au Parlement, les faits parleront d'eux-mêmes.

M. Didier Boulaud.  - Le meccano ?

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Où est le démantèlement s'il s'agit de créer une filiale minoritaire avec Veolia Environnement pour enlever les ordures ménagères des bases françaises ?

M. Bernard Piras.  - Il n'y a pas que ça !

M. le président.  - Amendement identique n°88, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - En 2001, quel qu'ait été mon avis personnel, le gouvernement de gauche avait pris la précaution judicieuse de prévoir que l'État conserverait 100 % du capital. Le changement de statut a-t-il permis d'entrer sur de nouveaux marchés ? Je crois que c'est plutôt la compétence des employés et ingénieurs, la qualité du travail fourni qui ont permis de gagner les contrats passés depuis 2001. Le Pakistan, l'Inde ont apprécié des sous-marins bien faits. Quant aux plates-formes pétrolières, ça a été un leurre. J'ai bien vu une tentative à Brest, mais ce n'était pas la solution, qu'une entreprise implantée à Cherbourg aurait aimé à l'époque offrir.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Cela a coûté cher à la Bretagne !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Ce qui est dangereux, c'est que progressivement, le capital industriel de DCNS va disparaître, son coeur de métier, comme on aime à dire, ceux qui fabriquent et pas seulement ceux qui vendent. Nous serons dépendants d'autres, nous aurons perdu notre capacité de fabrication.

M. Jacques Gautier.  - Trois minutes !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - On sait bien comment vous voulez faire des assemblages. Mais la DCNS reste indispensable. Cela méritait bien cinq secondes de plus pour le dire, mais peut-être cela vous gêne-t-il de l'entendre ?

M. le président.  - Amendement identique n°123, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

M. Michel Billout.  - Il y a en effet des débats dont il faut prendre le temps et des chats qu'il faut appeler des chats. Sous prétexte de donner à DCNS les moyens de se développer, vous l'entraînez dans le droit commun des privatisations et autorisez les filiales minoritaires tout en modifiant les règles de mise à disposition des ouvriers d'État et des fonctionnaires. Nous entrons bien dans un processus rampant de changement de statut de cette société d'intérêt stratégique national. Cette souplesse dans la cession de branches d'activité annonce un démantèlement que facilitera la mobilité accrue de toutes les catégories de personnel. Ceux-ci et leurs syndicats s'inquiètent légitimement de voir ainsi la rentabilité prévaloir sur la production industrielle. DCNS peut déjà créer des filiales minoritaires pour rassurer des partenaires réticents. C'est le cas en Asie du sud-est ou en Italie. Je me méfie d'autant plus que l'information régulière prévue en 2001 n'a jamais été fournie.

M. Didier Boulaud.  - Évidemment !

M. Michel Billout.  - Vous pratiquez une politique au coup par coup au niveau européen. Je ne vois pas en quoi la cession de branches d'activité assurera la préservation de nos bases industrielles et technologiques, je perçois au contraire un danger pour la maîtrise de secteurs stratégiques. (« Très bien ! » à gauche)

M. Hervé Morin, ministre.  - Si M. Richard a massacré les crédits d'équipement de la défense (marques d'indignation sur les bancs socialistes), il a à son actif la belle réforme du changement de statut de DCN en société anonyme. Nous sommes aujourd'hui dans la même logique et je suis très heureux de porter la continuité d'une réforme engagée par le Gouvernement Jospin. Elle a permis que DCNS devienne la grande entreprise dont nous avions besoin. Les Européens sont en rivalité sur tous les marchés alors que nous connaissons le niveau de leurs crédits militaires comparés à leur grand concurrent. Grâce à cette évolution statutaire, DCNS pourra former un pôle majeur de l'industrie militaire en Europe et passer des accords avec des entreprises européennes, comme nous l'avons fait avec l'italienne Finmeccanica pour construire un acteur décisif en matière de torpilles.

M. Didier Boulaud.  - Alors, il ne s'agit pas seulement d'ordures ?

M. Hervé Morin, ministre.  - De même, pourquoi DCNS ne participerait-elle pas à la déconstruction de matériel naval, pour laquelle nous avons prévue 100 millions et que vous voudriez accueillir à Cherbourg ?

M. Jean-Pierre Godefroy.  - On peut le faire !

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous ne faisons que poursuivre une évolution nécessaire. On a tellement tergiversé pour Giat qu'il a failli disparaître. Heureusement, l'industrie d'armement terrestre renaît de ses cendres. DCNS a quatre années de chiffre d'affaires en commande. Combien d'entreprises européennes ont-elles aujourd'hui des programmes à dix ou quinze ans ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pas grâce au changement de statut !

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous en ferons le pivot de la reconstruction européenne. (« Très bien ! » à droite)

M. Didier Boulaud.  - On en reparlera !

Les amendements identiques nos10 rectifié, 88 et 123 ne sont pas adoptés.

L'article 10 est adopté.

Article 11

I. - L'article 3 de la loi n°70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et substances explosives est ainsi modifié :

1° A la première phrase du premier alinéa, les mots : « nationale » et « et dont l'État détiendra la majorité du capital social » sont supprimés ;

2° Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le transfert au secteur privé des filiales constituées ou acquises par la société mentionnée au premier alinéa est autorisé dans les conditions prévues par la loi n°86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations.

« Les I à III de l'article 10 de la même loi sont applicables aux filiales transférées au secteur privé en application de l'alinéa précédent. »

II. - La liste annexée à la loi n°93-923 du 19 juillet 1993 de privatisation est complétée par un alinéa ainsi rédigé :

« SNPE ».

M. Xavier Pintat.  - Privatiser la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) et ses filiales est une opération qui va nous engager durablement. Elle nécessite des garanties et il y faut l'expliquer pour qu'elle réussisse. J'avais déposé en commission un amendement la retardant d'un an mais j'ai accepté de le retirer à la demande du président...

M. Didier Boulaud.  - Lequel ?

M. Xavier Pintat.  - ...pour permettre l'application rapide de la loi de programmation militaire. Le contexte économique et social est essentiel et la base aquitaine est fragile. Pouvez-vous, monsieur le ministre, renouveler les engagements que vous avez pris ? Pour que la réforme réussisse, elle doit être partagée. Prenons le temps de faire la clarté sur une solution globale.

M. Hervé Morin, ministre.  - Ma réponse vaudra pour les amendements de suppression. Vous savez, pour suivre ce dossier de près, que la situation de la SNPE rappelait celle de Giat.

Cette entreprise connaît des pertes chroniques d'environ 10 % sur un chiffre d'affaires de 350 millions. Les seuls bénéfices enregistrés ces dernières années étaient liés à la cession d'actifs, et non à l'activité de production. Nous voulons reprendre le projet Hérakles d'Alain Richard...

M. Didier Boulaud.  - Eh bien !

M. Hervé Morin, ministre.  - ...qui consiste à réorganiser la SNPE autour de Safran pour la propulsion solide. Monsieur Pintat, je vous transmettrai un tableau montrant que neuf transferts de responsabilité interviennent entre les sociétés productrices dans la propulsion du M51 depuis le début jusqu'à l'achèvement de la construction de ce missile.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Est-ce bien raisonnable ?

M. Hervé Morin, ministre.  - Ce document n'a rien de secret et M. Pintat est un parlementaire et, donc, un homme responsable.

M. Robert del Picchia.  - Très bien !

M. Hervé Morin, ministre.  - Nous allons mener cette réorganisation avec le souci de préserver les activités majeures comme celle de la propulsion solide à Saint-Médard-en-Jalles, de construire un pôle munitionnaire, qui nous manque, soit avec Nexter -j'ai rencontré les industriels ce midi pour leur indiquer les orientations de l'État-, soit avec les partenaires européens d'Eurenco. Concernant les activités civiles, nous avons également engagé des discussions avec les producteurs. Enfin, pas moins de 40 millions ont été investis dans le site de Sorgues, preuve que l'État veut consolider l'entreprise, et non la liquider. Soyez assurés que l'activité de Safran et de SNPE à Saint-Médard-en-Jalles sera consolidée par les évolutions en cours. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat en doute)

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Charasse.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - En somme, c'est une question de philosophie. Pour moi, l'industrie de défense doit rester autant que possible sous le contrôle de la puissance publique. La SNPE est constituée de quatre filiales, dont une entreprise chimique, la SNPE Matériaux Énergétiques, que vous voulez fusionner avec un mécanicien privé, Safran. Je ne vois pas quelle synergie industrielle va dégager ce rapprochement entre une entreprise chimique et un fabricant de tuyères ! Je veux bien regarder votre tableau (un huissier transmet ledit tableau à M. Chevènement) mais je ne suis pas certain de le comprendre immédiatement... Un mécanicien est un mécanicien, un chimiste est un chimiste... (Sourires) Je ne comprends pas dans ce tableau complexe ce qui conduit à cette fusion et à cette privatisation.

M. Didier Boulaud.  - Pourquoi Safran ?

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Vous avez parlé de pôle « munitionnaire ». (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame) Savez-vous qu'on reprochait sous l'Ancien régime aux munitionnaires de s'enrichir aux dépens de la puissance royale ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est exactement ce qui va se passer !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Nous ne sommes pas à l'abri de surprises stratégiques. Ce pôle fera de très bonnes affaires, mais est-ce bien raisonnable ?

M. Hervé Morin, ministre.  - A qui Nexter appartient-il ?

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je ne connais pas précisément la composition de son capital...

M. Hervé Morin, ministre.  - Des capitaux publics à 100 % !

M. Didier Boulaud.  - Où est passé Manurhin ?

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Certes, mais la privatisation signifie que l'État ne reste pas propriétaire... Vous nous engagez dans un processus où les différentes filiales de la SNPE telles qu'Isochem ou encore Bergerac NC vont être privatisées. Il y a suffisamment de chômeurs et notre industrie connaît assez de difficultés pour ne pas se lancer, en sus, dans une telle opération ! Je suis défavorable à la privatisation, vous l'aurez compris. Maintenant, je vais essayer de comprendre votre tableau... (Sourires)

M. le président.  - Amendement identique n°89, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Daniel Reiner.  - Élu de Dordogne où sont installés des établissements de la SNPE, M. Cazeau est particulièrement attaché à cet amendement. Cet article 11 autorise le transfert au secteur privé de la société SNPE, de ses actifs et de sa filiale SNPE Matériaux Énergétiques (SME), nécessaires à la fabrication des propergols, utilisés comme carburant aussi bien pour les moteurs à propulsion solide des missiles balistiques de la force stratégique -programme M51- que pour ceux des lanceurs spatiaux civils -programme Ariane 5. Les actifs de SNPE et de la SME nécessaires à la recherche dans le domaine des poudres, explosifs et propergols à usage civil ou militaire, sont également inclus dans ce périmètre.

S'il est évident que la production de la SNPE est stratégique, la nécessité de privatiser l'entreprise l'est moins. Monsieur le ministre, j'ai écouté votre réponse à M. Pintat. Je note, d'ailleurs, que les parlementaires reçoivent un traitement différent selon les bancs sur lesquels ils siègent. Lors de la discussion générale, M. Cazeau n'a pas obtenu de telles informations.

M. Didier Boulaud.  - Eh oui !

M. Daniel Reiner.  - Vous préconisez un rapprochement avec Safran, mais d'autres motoristes utilisent le carburant en question. Pourquoi Safran et pas un autre ?

Nous voudrions donc obtenir des précisions sur la nature de votre projet industriel et l'avenir des salariés, sachant qu'une privatisation est irréversible. Nous ne sommes pas opposés au projet par principe mais nous manquons d'informations. En attendant, supprimons l'article 11.

M. le président.  - Amendement identique n°122, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

M. Michel Billout.  - L'article vise à privatiser la SNPE, ainsi que sa filiale SME, dont l'État est encore actionnaire à 99,9 %. La SME est une entreprise hautement stratégique aux plans militaire et industriel, MM. Chevènement et Reiner l'ont souligné. La privatiser signifie que la fabrication du propergol serait assurée par le groupe aéronautique Safran. Sous couvert de créer un pôle français de carburants utilisés par nos forces de dissuasion nucléaire et nos lanceurs spatiaux, vous vous apprêtez, en fait, à céder ce secteur à un groupe dans lequel les intérêts privés américains, la société General Electric, sont loin d'être négligeables. Nous refusons que des intérêts privés étrangers pèsent sur des secteurs aussi décisifs pour la sécurité nationale qui, pour nous, a encore un sens. De plus, le manque de clarté du projet gouvernemental suscite l'inquiétude des salariés.

M. le président.  - L'amendement n°133 de M. Milon n'est pas défendu.

M. Didier Boulaud.  - Je le reprends.

M. le président.  - C'est impossible, son unique auteur n'est pas là.

M. Didier Boulaud.  - Comment l'ont-ils fait taire ?

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - La commission approuve le principe de la privatisation de la SNPE dont il appartiendra au Gouvernement de fixer le calendrier et les modalités. Je ne vois aucune raison de conserver dans le giron de l'État des activités de chimie civile ou des entreprises de vernis pour peinture ! Les branches de la propulsion ainsi que de la poudre et des explosifs, qui présentent un intérêt stratégiques, doivent, en revanche, être préservées durablement. Il n'y a pas lieu de redouter les conséquences sur la dissuasion de l'adossement de l'activité de propulsion à un grand groupe privé de défense. Tous les grands groupes privés de défense français contribuent à la dissuasion sans que celle-ci en ait jamais souffert. Cette religion des entreprises publiques de défense est contestable : l'industrie de défense de la première puissance militaire du monde, les États-Unis, est presque entièrement privée, elle l'est complètement dans le cas de la Suède social-démocrate depuis cinquante ans ! (Protestations à gauche) Il n'y a donc rien à craindre. En outre, l'État dispose d'une large gamme de moyens de contrôle, notamment sa présence au capital, sa situation de client et de financeur de la recherche. Avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Également.

L'amendement n°11 rectifié, identique aux amendements nos89 et 122, n'est pas adopté.

L'article 11 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°90, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présentera tous les deux ans au Parlement, un rapport sur les orientations de la politique industrielle dans le domaine de la défense et sur la situation de l'emploi dans ce secteur. Ce rapport fera l'objet d'un débat au Parlement.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Monsieur le ministre, la DCNS a obtenu un plan de charge sur quatre ans, sans filiale minoritaire ; preuve qu'un autre fonctionnement est possible...

Pour débattre de notre politique industrielle de défense, sur laquelle le Gouvernement ne semble pas avoir de vision d'ensemble comme le montrent les privatisations au coup par coup, le Parlement devrait disposer d'un rapport qui retracerait également la situation de l'emploi, élément-clé d'une technologie performante.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par les paragraphes 499 et 500 du rapport annexé aux termes desquels le rapport annuel sur la loi de programmation présentera les grandes orientations de la politique industrielle de défense. Retrait, sinon défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - En tant qu'ancien et, peut-être, futur parlementaire, je veux dire à M. Godefroy que je ne comprends pas l'idée consistant à demander au Gouvernement des rapports ! Dans une démocratie qui fonctionne, c'est le Parlement qui exerce sa mission de contrôle en produisant des rapports.

Quel sens cela a-t-il de demander au Gouvernement de faire le panégyrique de sa propre politique ? (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - On ne peut faire autrement, monsieur le ministre. Le rapport sur DCNS, prévu par la loi, ne nous a jamais été remis.

M. Hervé Morin, ministre.  - Cela prouve bien l'inutilité de ce genre de dispositions !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - C'est en enfreignant vos obligations que vous nous incitez à vous demander des rapports.

L'amendement n°90 n'est pas adopté.

Article 12

I. - Après l'article 56-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 56-4 ainsi rédigé :

« Art. 56-4. - I. - Lorsqu'une perquisition est envisagée dans un lieu précisément identifié, abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale, la perquisition ne peut être réalisée que par un magistrat en présence du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Ce dernier peut être représenté par un membre de la commission ou par des délégués, dûment habilités au secret de la défense nationale, qu'il désigne selon des modalités déterminées par décret en Conseil d'État. Le président ou son représentant peut être assisté de toute personne habilitée à cet effet.

« La liste des lieux visés à l'alinéa précédent est établie de façon précise et limitative par arrêté du Premier ministre. Cette liste, régulièrement actualisée, est communiquée à la Commission consultative du secret de la défense nationale ainsi qu'au ministre de la justice, qui la rendent accessible aux magistrats de façon sécurisée. Le magistrat vérifie si le lieu dans lequel il souhaite effectuer une perquisition figure sur cette liste.

« Les conditions de délimitation des lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale sont déterminées par décret en Conseil d'État.

« Le fait de dissimuler dans les lieux visés à l'alinéa précédent des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers non classifiés, en tentant de les faire bénéficier de la protection attachée au secret de la défense nationale, expose son auteur aux sanctions prévues à l'article 434-4 du code pénal.

« La perquisition ne peut être effectuée qu'en vertu d'une décision écrite du magistrat qui indique au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale les informations utiles à l'accomplissement de sa mission. Le président de la commission ou son représentant se transporte sur les lieux sans délai. Au commencement de la perquisition, le magistrat porte à la connaissance du président de la commission ou de son représentant, ainsi qu'à celle du chef d'établissement ou de son délégué, ou du responsable du lieu, la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition, son objet et les lieux visés par cette perquisition.

« Seul le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, son représentant et, s'il y a lieu, les personnes qui l'assistent peuvent prendre connaissance d'éléments classifiés découverts sur les lieux. Le magistrat ne peut saisir, parmi les éléments classifiés, que ceux relatifs aux infractions sur lesquelles portent les investigations. Si les nécessités de l'enquête justifient que les éléments classifiés soient saisis en original, des copies sont laissées à leur détenteur.

« Chaque élément classifié saisi est, après inventaire par le président de la commission consultative, placé sous scellé. Les scellés sont remis au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale qui en devient gardien. Les opérations relatives aux éléments classifiés saisis ainsi que l'inventaire de ces éléments font l'objet d'un procès-verbal qui n'est pas joint au dossier de la procédure et qui est conservé par le président de la commission consultative.

« La déclassification et la communication des éléments mentionnés dans l'inventaire relèvent de la procédure prévue par les articles L. 2312-4 et suivants du code de la défense.

« II. - Lorsqu'à l'occasion d'une perquisition, un lieu se révèle abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale, le magistrat présent sur le lieu ou immédiatement avisé par l'officier de police judiciaire en informe le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Les éléments classifiés sont placés sous scellés, sans en prendre connaissance, par le magistrat ou l'officier de police judiciaire qui les a découverts, puis sont remis ou transmis, par tout moyen en conformité avec la réglementation applicable aux secrets de la défense nationale, au président de la commission afin qu'il en assure la garde. Les opérations relatives aux éléments classifiés font l'objet d'un procès-verbal qui n'est pas joint au dossier de la procédure. La déclassification et la communication des éléments ainsi placés sous scellés relèvent de la procédure prévue par les articles L. 2312-4 et suivants du code de la défense.

« III. - Lorsqu'une perquisition est envisagée dans un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale dans les conditions définies à l'article 413-9-1 du code pénal, elle ne peut être réalisée que par un magistrat en présence du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Ce dernier peut être représenté par un membre de la commission et être assisté de toute personne habilitée à cet effet.

« Le magistrat vérifie auprès de la Commission consultative du secret de la défense nationale si le lieu dans lequel il souhaite effectuer une perquisition fait l'objet d'une mesure de classification.

« La perquisition ne peut être effectuée qu'en vertu d'une décision écrite et motivée qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci, ainsi que le lieu visé par la perquisition. Le magistrat transmet cette décision au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Il la porte, au commencement de la perquisition, à la connaissance du chef d'établissement ou de son délégué, ou du responsable du lieu.

« La perquisition doit être précédée d'une décision de déclassification temporaire du lieu aux fins de perquisition et ne peut être entreprise que dans les limites de la déclassification ainsi décidée. A cette fin, le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, saisi par la décision du magistrat mentionnée à l'alinéa précédent, fait connaître sans délai son avis à l'autorité administrative compétente sur la déclassification temporaire, totale ou partielle, du lieu aux fins de perquisition. L'autorité administrative fait connaître sa décision sans délai. La déclassification prononcée par l'autorité administrative ne vaut que pour le temps des opérations. En cas de déclassification partielle, la perquisition ne peut être réalisée que dans la partie des lieux qui fait l'objet de la décision de déclassification de l'autorité administrative.

« La perquisition se poursuit dans les conditions prévues aux sixième alinéa et suivants du I.

« IV. - Les dispositions du présent article sont édictées à peine de nullité. »

I bis (nouveau). - Au premier alinéa de l'article 57 du même code, le mot : « précédent » est remplacé par la référence : « 56 ».

II. - Au quatrième alinéa de l'article 96 du même code, les références : «, 56-1, 56-2 et 56-3 » sont remplacées par le mot et les références : « et 56-1 à 56-4 ».

Mme Virginie Klès.  - Cet article 12 a déjà fait couler beaucoup d'encre, et il continuera à le faire. D'autres que moi se sont insurgés contre ces dispositions adoptées avant même d'avoir été débattues, et qui n'ont d'ailleurs nullement leur place dans une loi de programmation. Je ne rappellerai pas les vifs échanges qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale ni l'opposition de sa commission de lois, preuve, s'il en était besoin, de l'absence de consensus.

Le projet de loi prévoit d'étendre la protection du secret défense à des lieux qui deviendront ainsi inaccessibles à la justice. Le contexte judiciaire n'est pas anodin : la perquisition à l'Élysée dans l'affaire Borel, celle qui eut lieu au siège de la DGSE dans l'affaire Clearstream et l'instruction de l'affaire des frégates de Taïwan ont incité le Gouvernement à édicter de nouvelles normes. Lors de son audition devant la commission des affaires étrangères le 1er juillet, M. le ministre a déclaré que cette initiative législative découlait de l'avis émis par la plus haute juridiction française, le Conseil d'État. C'est pour le moins contestable : le Conseil ne prévoyait pas de classifier des lieux mais de « permettre le recueil d'éléments utiles à la manifestation de la vérité sans enfreindre les dispositions du code pénal qui interdisent à toute personne non habilitée, y compris aux magistrats, de prendre connaissance d'éléments classifiés ». A cette fin, il suggérait d'étendre les compétences de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), non de son seul président. Un président en cacherait-il un autre ?

Le résultat auquel les députés sont parvenus n'est pas satisfaisant. Le rapport de la section française de l'association Tranparency International note que le projet de loi, au lieu de restreindre le champ du secret défense ou de mieux le définir, l'étend de manière très imprécise. Rappelons que la convention de l'OCDE ratifiée en 2001 interdit de recourir au secret défense pour protéger des faits de corruption. L'équilibre entre l'impératif de sécurité nationale et la nécessité d'un contrôle démocratique de l'exécutif est gravement mis en cause.

Plusieurs questions restent pendantes. La classification des lieux doit être soumise à des critères très restrictifs : lesquels ? La liste ne comprendrait pas plus de 19 sites à caractère technique ou opérationnel, mais comment seront-ils délimités ? Qui reverra cette liste ? Quels seront les tenants et les aboutissants de l'arrêté du Premier ministre ? Cette décision entre-t-elle dans le champ de ses attributions constitutionnelles ? Sera-t-il lié par l'avis de la CCSDN, et non de son seul Président ?

L'article 12 ne sécurise pas assez les opérations de perquisition. De l'avis même du rapporteur, l'Assemblée nationale n'est parvenue qu'à « un équilibre globalement satisfaisant ». Mais le diable se cache dans les détails. La création d'une incrimination pénale visant toute personne qui utiliserait les lieux classifiés en vue de rendre plus difficile la communication à un magistrat de documents n'ayant aucun rapport avec le secret de la défense nationale ne suffit pas à nous rassurer.

La discrétion nécessaire à l'efficacité et à la sécurité des perquisitions sera rendue impossible par l'obligation d'information préalable. Ces nouvelles règles compromettent d'ailleurs le secret de l'instruction, en un domaine où les affaires sont particulièrement sensibles et le risque de fuite élevé.

On veut nous faire croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes parce que le Premier ministre devra rendre publique sa décision de classification. Mais la liste restera très générale et doublée d'une annexe elle-même classifiée...

Refuser d'amender ce texte au motif que son examen a pris beaucoup de retard et que toute modification relancerait la navette parlementaire est indigne des législateurs que nous sommes ! A qui la faute si le texte a pris du retard ? Qui tente d'empêcher la lutte contre la corruption ?

Vous l'aurez compris : je m'opposerai à l'article 12 et à l'ensemble du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Robert Badinter.  - Très bien !

M. le président.  - Amendement n°121, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il y a urgence, nous dit-on. Eh bien, il aurait été judicieux, pour gagner du temps, de s'interdire d'inclure dans le projet de loi de programmation cet article 12 qui n'a rien à y faire !

« Naturellement, je lèverai le secret défense sur tout document que nous demandera la justice. Il n'y a pas d'autre façon de faire la vérité » : ainsi s'exprimait le Président de la République le 7 juillet dernier à propos de l'assassinat en 1996 des moines de Tibhirine. Et pourtant, ce projet de loi étend considérablement le champ du secret défense, restreignant ainsi les pouvoirs d'enquête du juge d'instruction.

Le projet de loi initial était très inquiétant ; le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale n'avait pas caché son désaccord. La rédaction actuelle est, parait-il, le fruit d'un compromis mais elle reste très dangereuse et vise à empêcher la justice de faire toute la lumière sur des faits ou des événements qui embarrassent le pouvoir. Dans le cas d'une perquisition réalisée dans un lieu précisément identifié et abritant des éléments couverts par le secret défense, plusieurs problèmes se posent. Le juge d'instruction devra être accompagné du président ou d'un délégué de la CCSDN ; il devra lui indiquer la nature de l'infraction, les raisons justifiant la perquisition, son objet et les lieux visés par cette perquisition. Une autorité administrative aura donc connaissance d'informations relevant d'une instruction judiciaire, ce qui lui donnera un pouvoir de contrôle a priori sur la pertinence de la perquisition. Le déséquilibre demeure entre les impératifs de protection des intérêts de la nation et de recherche des auteurs d'infractions pénales. En outre ces informations sont théoriquement protégées par le secret de l'instruction ; cette procédure augmente les risques de fuites, déjà élevés dans ces affaires très sensibles. Enfin, la liste de ces lieux sera fixée par le Premier ministre sans même que la CCSDN puisse donner son avis.

C'est dans le cas d'une perquisition dans un lieu classé au titre du secret défense que les entraves à la justice sont les plus graves. Le projet de loi initial créait de véritables zones de non-droit, inaccessibles à la justice ; la rédaction retenue par l'Assemblée nationale ne nous rassure guère. Dans ce cas, le magistrat devra également transmettre au président de la Commission consultative les raisons justifiant la perquisition, son objet, le lieu visé, la nature de l'infraction, etc. En outre, la perquisition devra être précédée de la déclassification des lieux par la Commission consultative et ne pourra avoir lieu que dans les limites de la déclassification. Elle sera donc soumise à l'avis d'une autorité administrative, ce qui constitue une entrave au cours de la justice et une atteinte au principe de séparation des pouvoirs.

Nous demandons donc la suppression de cet article.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis.

M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Nul ne peut contester notre volonté de débattre : nous nous sommes déjà expliqués à ce sujet lors de la discussion de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous ne nous avez pas convaincus !

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Quelle est la situation sur le terrain ? Lorsqu'un juge d'instruction se rend dans un lieu sensible et s'en voit refuser l'entrée, s'expose-t-il à des poursuites ? Je n'en sais rien : le droit est incertain sur ce point. S'il entre néanmoins, risque-t-il une condamnation ? Sans doute, s'il pénètre dans d'un lieu où le seul fait de voir un secret caractérise le délit de compromission. Ainsi, c'est l'incertitude du droit qui sanctuarise certains lieux.

Contrairement à ce que vous dites, l'avis du Conseil d'État fait expressément référence à ce genre de situation, précisant qu'il incombe au juge d'instruction par « nécessité impérieuse », lorsqu'il envisage de pénétrer dans une telle zone, d'éviter tout risque de compromission du secret de la défense nationale « qui pourrait résulter du seul fait de sa présence dans cette zone ».

L'article 13 reproduit cet avis en négatif. Il dispose que « seuls peuvent faire l'objet d'une classification au titre du secret de la défense nationale les lieux auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations ou des activités qu'ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d'un secret de la défense nationale ». Voilà une définition tout à fait claire.

Au cours de mes auditions, certains m'ont fait part de leurs réserves, au premier chef le syndicat de la magistrature. Mais nul ne conteste que ces lieux sensibles méritent d'être protégés : ni l'association des juges d'instruction, ni l'union syndicale des magistrats, ni le barreau.

J'ai été séduit hier par une expression de M. Badinter, qui disait que le secret défense ne devait pas s'exercer aux dépens du secret des affaires.

Mais le secret des correspondances, auquel fait référence l'avis du Conseil d'État, n'handicape-t-il pas parfois la recherche des secrets des affaires, quand le juge d'instruction s'entend dire par un avocat que toute correspondance est soumise au secret professionnel ?

Faut-il moins protéger le secret de la défense ? L'équilibre proposé est globalement satisfaisant, je l'ai dit, car il n'y a pas un seul modèle pour toutes les nations. Cet équilibre est-il constitutionnel ? En toute hypothèse, c'est une avancée de l'état de droit, modeste mais non négligeable. Libre aux parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel ; mieux, depuis la révision constitutionnelle, cette faculté est ouverte à tout citoyen ! Attendez-vous à savoir -comme disait une journaliste politique de jadis- que dans les temps qui vont venir, les avocats des victimes s'en saisiront en cas de problème lors d'une perquisition ! Bref, il n'y a pas lieu d'accepter les amendements proposés à cet article. (Applaudissements à droite)

L'amendement n°121 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Après le mot :

précédent

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 56-4 du code de la procédure pénale :

comporte la Direction générale de la sécurité intérieure, la Direction de la coopération et des relations internationales, la Direction du renseignement militaire, la Direction de la protection et de la sécurité de la défense, les cabinets du Président de la République, du Premier ministre, des ministres de la défense et de l'intérieur.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le Gouvernement comprend-il lui-même son texte ? C'est une usine à gaz, qui ne relève en rien d'une loi de programmation mais de la procédure pénale. Le Gouvernement ne confondrait-il pas documents classifiés et lieux secrets ? (M. le ministre fait signe que non) J'admets qu'un juge d'instruction ne puisse saisir n'importe quel document lors d'une perquisition à la DGSE ou à la DCRI. Le faire escorter du président de la CCSDN ne me paraît pas monstrueux, dès lors que le secret de la perquisition est préservé.

Mais ne serait-il pas plus simple de fixer dès maintenant la liste des lieux qui font l'objet d'une protection spéciale, au lieu de s'en remettre à un décret en Conseil d'État, peu confidentiel ? On parle de 19 lieux, dont une entreprise aérospatiale... Bref, la confusion règne ! Mon amendement définit les lieux méritant une protection spéciale. Dans son sous-amendement, M. Charasse ajoutait la Direction générale des douanes, Tracfin, et, pour faire bonne mesure, nombre de services du ministère de l'économie et des finances.

Le sous-amendement n°136 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°116, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter la première phrase du deuxième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article 56-4 du code de procédure pénale par les mots :

sur avis conforme de la Commission consultative du secret de la défense nationale

M. Robert Badinter.  - J'ai retrouvé le talent du rapporteur pour avis, mais je crains de ne pas être d'accord avec lui sur l'interprétation de l'avis du Conseil d'État. L'imagination est le propre du vrai juriste, certes, mais je vous défie de trouver dans cet avis du Conseil d'État l'invitation à sanctifier des lieux pour protéger les magistrats ! Sa préoccupation était que les dispositions du code pénal sur l'appréhension de secrets et leur communication à des tiers soient résolues par le régime des perquisitions.

On a créé deux types de locaux protégés : les lieux qui abritent des documents relevant du secret de la défense nationale et les sanctuaires, qui sont les lieux classifiés. La première catégorie est très large : la loi -qui sera votée conforme- cite ainsi des services administratifs sensibles ou encore des locaux d'entreprises privées ; bref, un très large éventail de lieux.

On a beaucoup chanté les louanges, à juste titre, de la CCSDN, innovation essentielle de la loi de 1998. Il faut aller au-delà. Le Premier ministre suit presque toujours les avis de la commission, dit-on ? Pour éviter toute ambigüité, prévoyons donc que ces avis soient conformes ! Nous recherchons le consensus.

L'autorité administrative indépendante a été créée pour éviter l'arbitraire, inévitable quand la raison d'État se fait pressante : augmentons donc ses pouvoirs.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Robert Badinter.  - Deux systèmes existent dans les cinq puissances militaires européennes : en Allemagne, en Angleterre et en Espagne, ce sont les magistrats ou les autorités indépendantes qui décident de ce qui est classé. La France est seule, avec sa voisine latine, à prévoir que le Premier ministre -ou le Président du Conseil, M. Berlusconi- décide s'il y a lieu d'étendre le bouclier du secret de la défense nationale !

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°12 rectifié, bien trop restrictif. L'Assemblée nationale prévoit une liste précise et limitative.

Défavorable à l'amendement n°116 : si son avis s'impose, la CCSDN cesse d'être consultative ! La liste résulte d'éléments objectifs. Sont visés les lieux où sont entreposés des documents classifiés : on voit mal comment la commission consultative empêcherait le ministre de la défense ou les administrations de disposer de documents classifiés.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Une telle extension des missions de la CCSDN empièterait sur la compétence de l'État. Surtout, elle modifierait l'équilibre du texte. Pourquoi alors ne pas obliger le juge à informer la CCSDN sur la raison de son inspection avant la visite du lieu ? On conduit la commission à cogérer l'instruction ! Nous ne sommes pas mûrs pour cette évolution.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°116.

M. le président.  - Amendement n°40 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Supprimer les quatrième et cinquième alinéas du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 56-4 du code de procédure pénale.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Dès lors que la loi définit des lieux, pas besoin de décret. Vous voyez que l'amendement est de simplification.

L'amendement n°40 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°41 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi, Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde, MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

I. - Supprimer les III et IV du texte proposé par le I de cet article pour l'article 56-4 du code de procédure pénale.

II. - Supprimer les I bis et II de cet article.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Toujours la simplification. Les procédures prévues ici n'ont plus lieu d'être.

M. le président.  - Amendement n°115, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le III du texte proposé par le I de cet article pour l'article 56-4 du code de procédure pénale.

M. Robert Badinter.  - Nous abordons le coeur du système, dans ce qu'il a de plus choquant. Jamais le Conseil d'État n'a évoqué la création de lieux classifiés où l'on ne pourrait plus pénétrer sans une décision préalable de déclassification. Comment cette décision sera-t-elle prise ? Par qui ? Dès lors que l'avis de la CCSDN reste consultatif, cette décision sera prise par le ministre. Le pouvoir politique pourra donc décider de rendre des lieux inaccessibles aux magistrats. Que faites-vous de la mission constitutionnelle de la justice, qui est la recherche de la vérité ? Je vous renvoie aux observations du président de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous poser une simple question. Vous avez dit hier que la liste pourrait faire l'objet d'un recours devant une juridiction administrative. Pouvez-vous préciser votre pensée ? Pensez-vous sérieusement qu'un arrêté du ministre pourra être soumis, a posteriori, au contrôle du Conseil d'État ? Par qui ? Par ceux auxquels il aurait fait grief ? Par le maire de la commune ? A supposer qu'un juge d'instruction demande une déclassification et qu'on la lui refuse, ce magistrat pourra-t-il saisir le Conseil d'État, qui pourra lui-même annuler le refus de déclassification du Premier ministre ? Je serais fort intéressé d'entendre votre réponse, car le président Warsmann n'a pas manqué de rappeler le principe qui veut que le juge administratif et le juge judiciaire n'aillent pas très loin dans ces matières.

M. le président.  - Amendement n°117, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Au début de la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa du III du texte proposé par le I de cet article pour l'article 56-4 du code de procédure pénale, après les mots :

A cette fin,

supprimer les mots :

le président de

M. Robert Badinter.  - Cet amendement de repli prévoit que, lors de la demande de déclassification temporaire, la CCSDN formule son avis collégialement et non par la voix de son seul président.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Défavorable aux amendements n°41 et n°115. Contrairement à ce que l'on entend beaucoup dire ici, il existe déjà des lieux dans lesquels le seul fait de pénétrer donne accès à la connaissance d'éléments classifiés. Le Conseil d'État l'a rappelé.

La liste qui sera établie de ces lieux sera limitative, on a parlé de 19 sites. Et il sera désormais permis au juge de perquisitionner, ce qui est aujourd'hui inenvisageable.

Défavorable au n°117. Prévoir une décision collégiale contrevient à l'objectif de rapidité. On demande déjà au président de se rendre sur les lieux sans délai, et il faudrait attendre que le collège rende son avis ?

M. Hervé Morin, ministre. - C'est faire une grave erreur, monsieur Badinter, que de parler de sanctuarisation de certains lieux. Tout au contraire, ce texte permet au juge d'y accéder, ce qui ne lui est pas possible aujourd'hui.

M. André Vantomme.  - Mais de tels lieux n'existent pas !

M. Hervé Morin, ministre.  - Ils existent. Essayez donc d'aller à la direction des applications militaires, à Bruyères-le-Châtel. Un magistrat qui s'y introduirait serait passible du délit de compromission, comme le militaire à l'entrée ou le personnel de la DGA qui lui aurait permis d'y pénétrer. Et la procédure engagée par le magistrat serait frappée de nullité puisque le magistrat ne serait pas passé par la CCSDN.

Comprenez qu'au lieu de fermer des sites, on les ouvre.

Quant à votre question sur le recours, je ne suis pas membre du Conseil d'État mais j'ai enseigné le droit administratif, et il me reste quelques souvenirs. La liste publiée au Journal officiel -à moins que le Conseil ne considère qu'il s'agit d'un acte de gouvernement, ce dont je doute au vu de la jurisprudence- pourra bien évidemment faire l'objet de recours.

L'amendement n°41 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°115 n'est pas adopté.

L'amendement n°117 n'est pas adopté.

A la demande du groupe socialiste et apparentés et du groupe CRC-SPG, l'article 12 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 183
Contre 154

Le Sénat a adopté.

Article 13

I. - Les articles 413-9 à 413-11 du code pénal sont ainsi modifiés :

1° A chaque alinéa de l'article 413-9, le mot : « renseignements, » est supprimé et, après le mot : « documents, », sont insérés les mots : « informations, réseaux informatiques, » et aux deux premiers alinéas de l'article 413-10 ainsi qu'aux 1° à 3° de l'article 413-11, le mot : « renseignement, » est supprimé et, après le mot : « document », sont insérés les mots : « , information, réseau informatique » ;

2° Au premier alinéa de l'article 413-9, le mot : « protection » est remplacé par le mot : « classification » et sont ajoutés les mots : « ou leur accès » ;

3° Au deuxième alinéa de l'article 413-9, après le mot : « divulgation », sont insérés les mots : « ou auxquels l'accès » ;

4° Au premier alinéa de l'article 413-10, après les mots : « reproduire, soit », sont insérés les mots : « d'en donner l'accès à une personne non qualifiée ou » ;

5° Au deuxième alinéa de l'article 413-10, après le mot : « laissé », sont insérés les mots : « accéder à, » ;

6° Au 1° de l'article 413-11, après le mot : « possession », sont insérés les mots : «, accéder à, ou prendre connaissance ».

II. - Après les articles 413-9, 413-10 et 413-11 du même code, sont insérés respectivement les articles 413-9-1, 413-10-1 et 413-11-1 ainsi rédigés :

« Art. 413-9-1. - Seuls peuvent faire l'objet d'une classification au titre du secret de la défense nationale les lieux auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations ou des activités qu'ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d'un secret de la défense nationale.

« La décision de classification est prise pour une durée de cinq ans par arrêté du Premier ministre, publié au Journal officiel, après avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale.

« Les conditions d'application du présent article, notamment les conditions de classification des lieux, sont déterminées par décret en Conseil d'État. »

« Art. 413-10-1. - Est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende le fait, par toute personne responsable, soit par état ou profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire ou permanente, d'un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale d'en avoir permis l'accès à une personne non qualifiée.

« Est puni des mêmes peines le fait, par toute personne qualifiée, de porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée un élément relatif à la nature des installations ou des activités qu'un tel lieu abrite.

« Lorsque la personne responsable a agi par imprudence ou négligence, l'infraction est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende. »

« Art. 413-11-1. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait, par toute personne non qualifiée :

« 1° D'accéder à un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale ;

« 2° De porter à la connaissance du public ou d'une personne non qualifiée un élément relatif à la nature des installations ou des activités qu'un tel lieu abrite ;

« 3° (Supprimé) »

III (nouveau). - Après le 5° de l'article 322-3 du code pénal, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Lorsqu'elle est commise à l'encontre d'un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale. »

M. le président.  - Amendement n°120, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous avez un problème avec la séparation des pouvoirs : il n'est pas indifférent d'en passer par la loi ou par le décret. Cette distinction devrait être claire pour tous.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous êtes un prestidigitateur mais le Conseil d'État n'impose nullement de déterminer ainsi les lieux.

Le dispositif proposé est parfaitement opaque. Ainsi, nous n'avons aucune idée quant aux conditions de classification, ni quant au nombre des lieux concernés. Le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale a dit qu'il ne serait pas étonné qu'il y en ait une centaine si l'exécutif peut agir à sa guise. (M. Jean-Jacques Hyest s'exclame) D'où vient le chiffre de 19 cités ici ? Lesquels ? Comment ? Pourquoi ? L'opacité est totale !

Ce projet de loi exprime une culture du secret d'État, particulièrement malvenue lorsque l'État devra s'expliquer sur ses choix antérieurs, dans un contexte où le juge d'instruction aura disparu. L'indépendance de la justice sera pour une autre fois !

Vous ne devriez pas vous obstiner de la sorte.

L'amendement n°120, repoussé par la commission le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°114, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer les II et III de cet article.

M. Robert Badinter.  - Je ne me suis déjà largement expliqué sur l'avis conforme de la CCSDN.

M. le président.  - Amendement n°113, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 413-9-1 du code pénal, après le mot :

avis

insérer le mot :

conforme

M. Robert Badinter.  - C'est le même sujet.

M. le président.  - Amendement n°112, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le texte proposé par le II de cet article pour l'article 413-11-1 du code pénal, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. 413-11-2. - Le fait de dissimuler dans des lieux classifiés au titre du secret défense des procédés, objets, documents, informations, réseaux informatiques, données informatisées ou fichiers non classifiés, en tentant de les faire bénéficier de la protection attachée au secret de la défense nationale, expose son auteur aux sanctions prévues à l'article 434-4 du code pénal. »

M. Robert Badinter.  - Nous voulons combler un curieux manque dans la rédaction du projet de loi, qui sanctionne le fait de dissimuler des documents non classifiés dans des lieux susceptibles d'accueillir des secrets de la défense nationale mais ne comporte aucune sanction en cas de dissimulation dans les lieux classifiés, autrement plus sensibles ! Ce qui vaut pour les uns doit valoir pour les autres.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - La commission est défavorable aux amendements nos114 et 113, conséquences des amendements nos115 et 117 déjà repoussés à l'article 12.

D'autre part, l'amendement n°112 est inutile car les règles de perquisition sont identiques dans les deux catégories de lieux envisagés.

M. Hervé Morin, ministre.  - En effet, les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale s'appliquent dans les lieux spécifiquement destinés à abriter les secrets de la défense nationale et dans les endroits susceptibles de les abriter.

M. Robert Badinter.  - L'analogie ne vaut pas en droit pénal !

M. Hervé Morin, ministre.  - Mais les travaux préparatoires éclaireront les juges.

L'amendement n°114 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos113 et 112.

L'article 13 est adopté.

Article 14

Le code de la défense est ainsi modifié :

1° L'article L. 2312-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale, ou son représentant, membre de la commission, est chargé de donner, à la suite d'une demande d'un magistrat, un avis sur la déclassification temporaire aux fins de perquisition de lieux ayant fait l'objet d'une classification. » ;

2° L'article L. 2312-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un magistrat, dans le cadre d'une procédure engagée devant lui, peut demander la déclassification temporaire aux fins de perquisition de lieux protégés au titre du secret de la défense nationale au président de la commission. Celui-ci est saisi et fait connaître son avis à l'autorité administrative en charge de la classification dans les conditions prévues par l'article 56-4 du code de procédure pénale. » ;

2° bis (nouveau) Au deuxième alinéa de l'article L. 2312-5, après les mots : « information classifiée », sont insérés les mots : « et d'accéder à tout lieu classifié » ;

3° Après le troisième alinéa de l'article L. 2312-5, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'accomplissement de sa mission, la commission ou, sur délégation de celle-ci, son président, est habilitée, nonobstant les dispositions des articles 56 et 97 du code de procédure pénale, à procéder à l'ouverture des scellés des éléments classifiés qui lui sont remis. La commission en fait mention dans son procès-verbal de séance. Les documents sont restitués à l'autorité administrative par la commission lors de la transmission de son avis. » ;

4° Après l'article L. 2312-7, il est inséré un article L. 2312-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2312-7-1. - L'avis du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale sur la déclassification d'un lieu aux fins de perquisition, dont le sens peut être favorable, favorable à la déclassification partielle ou défavorable, prend en considération les éléments mentionnés au premier alinéa de l'article L. 2312-7. »

M. le président.  - Amendement n°119, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

L'amendement de coordination n°119, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°111, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit le début du second alinéa du 1° de cet article :

La Commission consultative du secret de la défense nationale est chargée de donner...

M. Robert Badinter.  - Amendement de coordination. J'ai déjà évoqué la nécessité que la CCSDN se prononce collégialement pour toute demande de déclassification.

M. le président.  - Amendement n°110, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le 1° de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Les 2° et 3° de l'article L. 2312-2 sont ainsi rédigés :

« 2° Deux députés, désignés pour la durée de la législature par le président de l'Assemblée nationale ;

« 3° Deux sénateurs, désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat, par le président du Sénat. »

M. Robert Badinter.  - Nous abordons la composition de la CCSDN. Comme pour la Cnil, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), le CSA et la Halde, la représentation parlementaire doit au moins être aussi nombreuse que les personnalités désignées par le Président de la République.

M. le président.  - Amendement n°109, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - A la fin de la première phrase du second alinéa du 2° de cet article, remplacer les mots :

au président de la commission

par les mots :

à la commission

II - Au début de la seconde phrase du même alinéa, remplacer les mots :

Celui-ci est saisi

par les mots :

Celle-ci est saisie

M. Robert Badinter.  - La CCSDN doit se prononcer de façon collégiale. Je m'en suis déjà expliqué.

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Par cohérence, la commission est défavorable à l'amendement n°111.

L'amendement n°110 est identique à une disposition repoussée par l'Assemblée nationale, qui préfère un effectif restreint. Le président de la CCSDN partage cette opinion. Avis défavorable.

Enfin, avis défavorable sur l'amendement n°109.

M. Hervé Morin, ministre.  - Même avis défavorable sur ces trois amendements.

M. François Pillet, rapporteur pour avis.  - Si nous acceptions la modification de la composition de la CCSDN, nous la transformerions en instance politique. Actuellement siègent trois magistrats et deux parlementaires. Si nous augmentions le nombre de parlementaires, nous enverrions un signal négatif aux magistrats qui n'auraient plus la majorité au sein de cet organisme.

L'amendement n°111 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos110 et 109.

L'article 14 est adopté.

L'article 15 est adopté, ainsi que l'article 16.

Article 16 bis (nouveau)

Pour les immeubles ou parties d'immeubles domaniaux mis à la disposition du ministère de la défense et dont la liste est fixée par un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre chargé du domaine, la durée du délai prévu à l'article L. 2141-2 du code général de la propriété des personnes publiques est fixée à six ans.

Mme Virginie Klès.  - Cet article concerne le patrimoine immobilier. Ces dispositions n'ont pas grand-chose à faire dans un texte consacré à la programmation militaire mais elles me donnent l'occasion de revenir sur un sujet que j'avais déjà évoqué lors de l'examen du texte sur la gendarmerie nationale, à l'occasion du nouvel article du code de la défense relatif au logement des gendarmes en casernes : ma question était restée sans réponse.

Vous nous avez annoncé hier, monsieur le ministre, que la gendarmerie ne concerne plus votre ministère. Pour autant, les locaux restent occupés par des militaires. Pour certains, la question est sans importance puisque dès lors que le casernement comprend plus de 40 gendarmes, l'État prend en charge les travaux. II en va tout autrement pour les élus des territoires ruraux auxquels la maîtrise d'ouvrage et le portage financier de ces dossiers sont délégués. Ces élus doivent se battre pour préserver le maillage territorial de ce service public essentiel et faire face à de lourdes dépenses incomplètement compensées par l'État. Pour ne pas grever budgets et capacités d'emprunt de ces collectivités locales, il ne faut plus subordonner le versement de la subvention d'État à une maîtrise d'ouvrage effective par une collectivité mais permettre le recours à une maîtrise d'ouvrage déléguée. Le partenariat public-privé, dont l'État ne se prive pas en matière de programmation militaire, devrait être envisagé, mais du fait du retard pris par la Lopsi II, cette faculté ne peut plus être mise en oeuvre. Depuis 2007, les autorisations de programme d'une durée limitée à deux ans tombent, sauf si les collectivités acceptent la maîtrise d'ouvrage déléguée et les coûts élevés attachés à ce montage juridico-financier.

Une solution transitoire serait envisageable : la prolongation du délai de l'autorisation de programme du ministère de l'intérieur jusqu'au vote de la Lopsi II. C'était le sens d'un amendement que j'avais déposé mais qui a malheureusement été frappé de l'article 40 pour des raisons d'ailleurs obscures. Cette disposition ne serait pourtant que justice. Je vous remercie, monsieur le ministre, de me dire ce que vous envisagez de mettre en oeuvre pour rester aux côtés des collectivités comme des gendarmes, qui appartiennent encore à l'armée dont vous êtes le ministre de tutelle, à moins que vous n'ayez définitivement décidé de les abandonner en vous en débarrassant sur le ministère de l'intérieur. (Exclamations à droite) Quelle que soit l'heure, il convient de se préoccuper du sort des gendarmes !

Je veux également revenir sur la politique quelque peu déroutante en matière de gestion du patrimoine immobilier du ministère de la défense. Le ministère irait même jusqu'à mettre en vente ses monuments aux morts... Sans doute une rumeur sans fondement ! (M. Robert del Picchia s'exclame)

En ce vue du regroupement des états-majors des trois armes dans le quartier de Balard, où se trouve déjà l'armée de l'air, la Marine quitterait le prestigieux hôtel qu'elle occupe, depuis 1792, place de la Concorde, l'armée de terre abandonnerait le boulevard Saint-Germain tandis que l'hôtel de Brienne, rue Saint-Dominique, deviendrait un lieu de réception. Ces lieux sont chargés d'histoire : on brade bien légèrement le patrimoine de l'État !

Un Pentagone à la française, pourquoi pas, si le fonctionnement de nos armées en est amélioré. Cet immeuble, ou cette citadelle, sera-t-il un site administratif banalisé, un centre de commandement ou un site à vocation opérationnelle ? On ne construit ni au même endroit, ni de la même façon, ni selon les mêmes normes, ni avec la même organisation l'un ou l'autre des ces équipements. Or, ces variables ne semblent ni maîtrisées, ni même identifiées par les promoteurs du projet. La proximité de la Seine, de l'héliport et d'un habitat dense sont autant de contraintes dont nul ne sait si elles sont rédhibitoires.

M. le président.  - Veuillez conclure !

Mme Virginie Klès.  - Le ministère de la défense compte sur la vente d'une partie de son riche patrimoine immobilier pour financer ce projet censé bénéficier d'une manne de 1,6 milliard. La crise n'arrange pas les choses mais, depuis de nombreuses années, le produit des ventes d'immeubles est très inférieur aux prévisions. Et ce n'est pas en mettant à la charge des acquéreurs la dépollution des sites que cette tendance va s'inverser !

M. le président.  - Il est temps de conclure !

Mme Virginie Klès.  - Quand on compte sur des recettes immobilières pour financer un projet, il est bon de gérer ce dossier en professionnel et non en amateur plus ou moins éclairé.

Les gendarmes et les militaires seront contents de savoir que vous préférez faire respecter le règlement plutôt que de leur consacrer quelques secondes supplémentaires ! (Applaudissements socialistes)

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - C'est indigne !

L'article 16 bis est adopté.

L'article 16 ter est adopté, ainsi que les articles 16 quater et 16 quinquies.

Article 16 sexies (nouveau)

Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les mesures d'adaptation de la législation liées au transfert des attributions de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale à d'autres services du ministère de la défense, à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, à l'Institution nationale des invalides et à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale.

L'ordonnance devra être prise au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi. Le projet de loi de ratification de l'ordonnance devra être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du neuvième mois suivant la publication de la présente loi.

M. le président.  - Amendement n°118, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

M. Michel Billout.  - Cet article, introduit par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, lui permet de prendre par ordonnances les mesures liées au démantèlement de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale dont les missions seront confiées à d'autres services du ministère de la défense, comme l'Office national des anciens combattants, l'Institut national des invalides et la Caisse nationale militaire de sécurité sociale. Cet article poursuit l'entreprise de sape du droit imprescriptible à réparation des anciens combattants et victimes de guerre.

La RGPP a déjà conduit à la suppression des directions interdépartementales des anciens combattants entraînant une refonte totale des tâches des services départementaux. Les services déconcentrés de l'Onac sont en train d'être réorganisés en services départementaux de proximité : ils comprendront trois agents pour assurer l'accueil, les renseignements, l'instruction des dossiers d'action sociale et la relation avec les partenaires. On peut douter que les délais de traitement des dossiers seront réduits... Ce « COM 2 » prévoit également des externalisations de tâches et des transferts vers des fondations. En d'autres termes, certains secteurs d'activité vont être transférés au privé, comme les maisons de retraite de l'Onac et les écoles de réinsertion professionnelle, sans parler de l'entretien et la gestion des nécropoles et des lieux de mémoire.

Nous sommes bien loin de ce qu'écrivait le Président de la République à l'Union fédérale des anciens combattants en avril 2007 : « La reconnaissance de la Nation, c'est également la garantie de l'existence des droits spécifiques des anciens combattants, tels qu'ils sont inscrits dans le code des anciens combattants et victimes de guerre, et un budget qui leur est consacré. Je n'ai pas l'intention de revenir sur l'ensemble du droit existant ». C'est pourtant bien ce qui se passe depuis l'élection présidentielle.

Non seulement, chaque année, le budget des anciens combattants et victimes de guerre se réduit comme peau de chagrin, mais des décisions insidieuses sont prises qui restreignent les droits des anciens combattants et de leurs veuves. Parmi les plus récentes, l'assujettissement des maisons de retraite de l'Onac à la taxe foncière, ce qui majorera les prix de journée, ou le refus de considérer comme ressortissantes de l'Onac certaines veuves d'anciens combattants en leur déniant le droit de faire valoir l'attestation à titre posthume selon laquelle leur défunt mari aurait pu bénéficier de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation de son vivant !

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Le contexte a radicalement évolué depuis la mise en place de l'administration des pensions qui date de la première guerre mondiale. Il est nécessaire de simplifier et de rationnaliser ces structures : avis défavorable.

L'amendement n°118, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 16 sexies est adopté.

L'article 17 est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Robert del Picchia.  - Nous venons de terminer l'examen de ce projet de loi de programmation militaire dont les enjeux sont majeurs pour l'avenir de nos armées.

Au nom du groupe UMP, je tiens à remercier les rapporteurs et le président de la commission des affaires étrangères et de la défense pour leur excellent travail et le ministre pour ses explications.

Cette loi de programmation militaire présente plusieurs novations.

Sur le plan financier, nous saluons l'augmentation des crédits ainsi que les recettes exceptionnelles générées par les restructurations engagées par le ministère dans le cadre de la RGPP.

En cette période de crise, nous nous félicitons de la sincérité budgétaire et de la crédibilité financière de cette loi de programmation militaire.

Le groupe UMP se félicite de la cohérence du volet législatif. La loi pallie le vide législatif relatif au secret défense auquel l'autorité judiciaire était confrontée. En plus de la traditionnelle adaptation de notre outil de défense, cette loi traduit notre volonté de protéger nos concitoyens sur le territoire national et à l'étranger.

Le groupe UMP, dans sa totalité, votera le texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le groupe du RDSE déplore les conditions de ce débat et le vote bloqué imposé à notre assemblée. Une nette majorité au sein du RDSE, 15 sur 17 membres, a voté contre l'article 12. Ce qui nous pose problème, c'est la confusion entre un texte de programmation et l'application des principes de ce Livre blanc dont M. Morin nous dit qu'il constitue sa feuille de route. Finalement, 4 sénateurs RDSE voteront tout de même pour ce projet de loi, prenant en considération avant tout les objectifs et les moyens accordés aux armées ; d'autres seront plus réservés et réticents, 7 d'entre nous s'abstenant et 6 votant contre en raison de la philosophie du Livre blanc, en rupture avec l'indépendance nationale et promouvant la doctrine de la sécurité nationale, après la réintégration de l'organisation militaire de l'Otan. Mais tous, nous reconnaissons certains aspects positifs à ce projet de loi.

Mme Michelle Demessine.  - Le débat a été tronqué car il n'y a pas eu de véritable discussion, les sénateurs de la majorité ayant subi les pressions de l'Élysée et accepté de voter conforme. Spectacle dérisoire mais dangereux pour la démocratie, le ministre ne s'est pas donné la peine de répondre à nos arguments, contrairement au rapporteur et au rapporteur pour avis qui ont été d'une grande courtoisie.

Notre opposition demeure, sur les conceptions stratégiques comme sur les moyens. La logique comptable de la RGPP imprime sa marque. La réintégration dans l'Otan sans condition a été imposée par le Président de la République ; le Livre blanc élabore le concept de « sécurité nationale », qui n'est pas compatible avec le modèle républicain. Le Président de la République concentre désormais tous les pouvoirs, provoquant un déséquilibre institutionnel. Le secret défense est étendu à des lieux. Encore une mesure dangereuse pour la démocratie et qui n'a pas sa place dans une loi de programmation.

Comment les dépenses militaires seront-elles financées ? Par des suppressions d'emplois et des cessions immobilières et de fréquences hertziennes. Nous déplorons aussi le manque de perspectives cohérentes tracées pour la politique industrielle. Enfin, nous sommes hostiles à la privatisation de DCNS et SNPE. Nous ne pouvons que voter contre.

M. Didier Boulaud.  - Le débat a apporté quelques précisions utiles, non sur le texte mais sur la capacité du Gouvernement à imposer ses points de vue à sa très docile majorité. Après les avoir fait lanterner des mois durant, il demande aux sénateurs de voter au canon le texte des députés, eux-mêmes pilotés par l'Élysée. Deux courageux sénateurs UMP ont rédigé deux amendements, l'un retiré, l'autre non défendu. L'histoire a connu un Sénat conservateur ; voici le temps du Sénat conformiste, qui se plie à voter conforme sans barguigner. Notre assemblée doit être un lieu de débat, non le théâtre d'ombres d'une majorité trop sûre et dominatrice !

La forme est peu démocratique et risque d'alimenter la méfiance des citoyens à l'égard de nos institutions. Sur le fond, nous n'avons pas été entendus, le vote conforme ayant été décidé a priori. Nous ne voterons pas ce texte parce que certaines de ses mesures, issues du Livre blanc, sont contestables. Je songe bien sûr à la réintégration dans le commandement de l'Otan. Nous ne sommes pas non plus favorables au concept de sécurité nationale, qui supprime la frontière entre défense nationale et sécurité intérieure. Le Président de la République a tout le pouvoir, sur le renseignement comme sur les forces de l'ordre.

M. Badinter a dit ce qu'il fallait penser du secret défense : les plus éminents juristes de la droite n'ont-ils aucun doute à ce sujet ? Ont-ils voté ces articles sans un pincement au coeur ? Le projet de loi n'est pas non plus sincère dans son architecture budgétaire. Le ministre a dit hier : « il n'y a pas de vie sans aléas ». Mais point de hasard ici : des événements très prévisibles vont mettre à bas ce texte, surévaluation des recettes exceptionnelles de cessions d'actifs, dont on n'a pas tiré encore un euro, sous-évaluation du plan social, sous-évaluation du coût des Opex et programmes d'équipement mal calibrés. La crise économique va aggraver les problèmes sociaux et budgétaires : vous serez ensevelis sous une montagne de dette et de déficit. Nous avons salué le professionnalisme de nos militaires et leur capacité d'adaptation. Mais bientôt, la déception va les gagner, lorsque se sera déchiré le voile des promesses non tenues. Je vous donne rendez-vous lors du prochain débat budgétaire... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Josselin de Rohan, rapporteur.  - Merci aux commissions des lois et des finances, pour leurs éclairages précieux, merci à tous ceux qui ont participé à ce débat, vivant et riche. Le Président de la République a pris un engagement exceptionnel et il maintient un effort considérable en faveur de la défense. En période de crise, il aurait pu avoir la tentation d'utiliser, comme dans des temps pas si éloignés, le budget de la défense comme variable d'ajustement. Il n'en est rien : 186 milliards d'euros consacrés essentiellement à l'équipement, c'est une novation heureuse. Nos armées en sont conscientes.

C'est au Président de la République qu'il revient naturellement de donner les orientations et de veiller à ce que tous travaillent dans le même sens.

Les cloisonnements seront corrigés grâce aux réformes organiques, qui n'augmentent pas les pouvoirs du Président de la République mais les redéfinissent.

Il nous appartiendra de contrôler l'exécution de cette loi de programmation en veillant à ce que chaque année, le budget en retienne fidèlement les orientations. Nous serons très vigilants car il s'agit de donner à ceux qui exposent leur vie sur des théâtres d'opérations extérieurs les moyens de se défendre et d'accomplir leur mission. Nous leur faisons confiance pour employer au mieux les crédits que nous venons de voter ; nous leur témoignons estime et reconnaissance. Ils accomplissent un effort d'adaptation difficile, et parfois douloureux ; nous admirons leur discipline et leur sens de la République. Au-delà des clivages, ce sont eux que nous avons tous en tête parce que nous partageons la conviction que la France, pour demeurer forte et respectée, doit disposer de forces bien équipées et confiantes en leur avenir. (Applaudissements à droite)

M. Hervé Morin, ministre.  - Je remercie les sénateurs de la majorité, qui ont soutenu le texte, et ceux de l'opposition, qui ont participé au débat. Cette loi de programmation est le résultat d'un énorme travail mené depuis deux ans, commencé par un état des lieux et poursuivi jusqu'à la révolution copernicienne des structures du ministère. Trois chiffres la résument : 372 milliards sur douze ans, 186 milliards sur la durée de la loi et 18 milliards en 2009, soit 3 milliards supplémentaires par rapport à l'annuité 2007. En dépit des difficultés budgétaires du pays, la défense reste une priorité majeure pour le Président de la République, le Gouvernement et la majorité car une défense qui ne se modernise pas, qui ne s'adapte pas aux nouvelles menaces, est en danger. Nous voulons permettre à la France de rester un grand pays au service de ses valeurs. (Applaudissements à droite)

A la demande du groupe socialiste, l'ensemble du projet est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 331
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l'adoption 186
Contre 145

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à droite)

Prochaine séance, lundi 20 juillet 2009, à 16 heures.

La séance est levée à 2 h 10.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du lundi 20 juillet 2009

Séance publique

A SEIZE HEURES ET LE SOIR

1. Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital (n°247, 2008-2009).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de commission des finances (n°520, 2008-2009).

Texte de la commission (n°521, 2008-2009).

2. Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des États-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (Procédure accélérée) (n°451, 2008-2009).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de commission des finances (n°522, 2008-2009).

Texte de la commission (n°523, 2008-2009).

3. Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus (Procédure accélérée) (n°452, 2008-2009).

Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de commission des finances (n°523, 2008-2009).

Texte de la commission (n°524, 2008-2009).

4. Projet de loi autorisant la ratification de l'accord entre l'Irlande, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume d'Espagne, la République italienne, la République portugaise, la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, établissant un centre opérationnel d'analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants (n°333, 2008-2009).

Rapport de M. Jacques Gautier, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°528, 2008-2009).

Texte de la commission (n°529, 2008-2009).

5. Projet de loi autorisant l'approbation de la convention de partenariat entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (n°334, 2008-2009).

Rapport de M. Robert del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°538, 2008-2009).

Texte de la commission (n°539, 2008-2009).

6. Projet de loi autorisant l'approbation du protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la Méditerranée (n°390, 2008-2009).

Rapport de M. Jacques Blanc, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°526, 2008-2009).

Texte de la commission (n°527, 2008-2009).

7. Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le conseil des ministres de la République d'Albanie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n°315, 2008-2009).

Rapport de M. Didier Boulaud, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°494, 2008-2009).

Texte de la commission (n°495, 2008-2009).

8. Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne visant à compléter l'accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (n°391, 2008-2009).

Rapport de M. Jean Milhau, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°496, 2008-2009).

Texte de la commission (n°497, 2008-2009).

9. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de la Francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la Francophonie à Paris (n°356, 2008-2009).

Rapport de Mme Catherine Tasca, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n°540, 2008-2009).

Texte de la commission (n°541, 2008-2009).

10. Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental (n°515, 2008-2009).

Rapport de M. Jean-Pierre Vial, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°535, 2008-2009).

Texte de la commission (n°536, 2008-2009).

11. Proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique, présentée par M. Xavier Pintat (n°394, 2008-2009).

Rapport de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n°559, 2008-2009).

Texte de la commission (n°560, 2008-2009).