II. LES RÉGIMES DE LA FONCTION PUBLIQUE : UNE RÉFORME NÉCESSAIRE ET ACCEPTABLE

La dérive attendue des régimes 20 ( * ) de la fonction publique rend leur réforme impérative : d'après le premier rapport du Conseil d'orientation des retraites (2001), à droit constant, l'augmentation du besoin de financement des régimes de la fonction publique ressortirait à 28 milliards d'euros en 2020, soit 1,3 % du produit intérieur brut. La nécessité d'infléchir cette contrainte économique a principalement motivé l'allongement de la durée de cotisation, qui constitue l'élément central de la réforme des régimes des fonctionnaires.

A cet effet, les mesures envisagées visent à recueillir une approbation aussi large que possible :

- le niveau des pensions pour une carrière complète est maintenu ;

- ces mesures établissent une nouvelle équité vis à vis des autre régimes ;

- leur application doit s'effectuer avec une grande progressivité.

Plus généralement, la réforme s'inscrit, à l'instar de celle du régime général, dans la perspective d'une consolidation des régimes de retraite par répartition . En outre, la création d'un régime complémentaire assis sur les primes comble une des principales lacunes du système actuel.

A la contrainte économique, s'est ajoutée une contrainte juridique, résultant de l'applicabilité dans l'ordre juridique interne du principe de droit communautaire de l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes. Les pensions servies par les régimes de retraite des fonctionnaires constituent, en effet, des rémunérations pour l'application de ce principe. Là encore, le consentement de tous a été recherché : les modifications envisagées consistent à étendre aux hommes des avantages familiaux modernisés, dont le niveau demeure substantiel.

Enfin, les autres mesures contenues dans le titre III « Dispositions relatives aux régimes de la fonction publique » du présent projet de loi visent notamment à offrir plus de souplesse au régime actuel, dans le sens d'une plus grande liberté des choix individuels, mais aussi, parfois, d'une plus grande responsabilité individuelle quant à leurs conséquences financières, ce dont la collectivité ne saurait se plaindre.

Il est à noter que la réforme concerne les trois fonctions publiques (de l'Etat, territoriale et hospitalière) dont les régimes sont très proches.

A. UN NIVEAU DES PENSIONS POUR UNE CARRIÈRE COMPLÈTE MAINTENU, EN CONTREPARTIE D'UN ALLONGEMENT PROGRESSIF DE LA DURÉE DE COTISATION

1. L'allongement progressif de la durée de cotisation, dispositif central de la réforme

Le pourcentage maximal de liquidation demeure inchangé à 75 % mais la durée de cotisation est portée de 150 trimestres (soit 37 années et demie) en 2003, à 160 trimestres 21 ( * ) (soit 40 années) en 2008, par l'article 32 du présent projet de loi. Ultérieurement, pour les régimes de la fonction publique, mais aussi pour le régime général et les régimes alignés, l'objectif est de stabiliser le rapport entre la durée d'assurance et l'espérance de vie à la retraite. Dans cette perspective, la durée de cotisation devrait être portée, de 2008 à 2012, à 41 années, sous réserve de l'évolution des conditions démographiques, économiques et sociales. Ensuite, la stabilisation du rapport précité commanderait une augmentation progressive de la durée de cotisation, jusqu'à 41 années et trois trimestres en 2020 ( supra ).

Toutefois, cet allongement ne serait pas de nature, à lui seul, à infléchir les comportements en matière de départ à la retraite , et ne suffirait pas, ainsi, à modérer significativement la progression des dépenses de retraite de la fonction publique.

A cet égard, notre collègue Gérard Braun, rapporteur spécial des crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a récemment noté 22 ( * ) dans le cadre d'une réflexion prospective sur la réforme des retraites de la fonction publique : « Rien (...) ne permet d'affirmer que l'âge moyen des départs à la retraite serait retardé à mesure qu'augmenterait la durée de cotisation pour bénéficier d'une retraite à taux plein, s'il n'est pas pris parallèlement des mesures qui créeraient un effet de seuil pénalisant les retraites anticipées, à l'instar du régime général.

« Sans ces mesures, il peut être affirmé qu'un allongement de la durée de cotisation requise pour une retraite à taux plein ne se trouverait pas intégralement reporté sur la durée effective de cotisation. Il est même probable que l'impact en serait fortement réduit, tant la variable comportementale est importante. (...)

« Ainsi, un simple allongement de la période de cotisation de 37 ans et demi à 40 ans ne suffirait pas à modérer significativement la dérive du régime de l'Etat (...).

Il en concluait à la nécessité d'instaurer un système de décote pour les fonctionnaires : « Autant le mécanisme [de décote] existant dans le régime général peut sembler sévère 23 ( * ) , autant l'absence de décote dans le régime de l'Etat ressortit à une indulgence coûteuse 24 ( * ) . Une réflexion consolidée sur le mécanisme de la décote serait donc (...) porteuse d'efficacité (...). Une autre mesure légitime et propre à retarder les départs consisterait, parallèlement à la mise en place d'un mécanisme de décote, à instaurer une surcote suffisamment incitative .

« La généralisation d'un système de décote et de surcote calibré afin d'en assurer la neutralité financière pour les régimes de retraite permettrait en revanche d'assouplir les conditions concernant l'âge de départ ».

Cet appel à l'instauration 25 ( * ) d'une décote et d'une surcote dans le régime de l'Etat, transposable aux autres régimes de la fonction publique, a été entendu.

Ainsi, l'article 32 du présent projet de loi prévoit, lorsque la durée d'assurance est inférieure au nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum de la pension, soit 160 trimestres 26 ( * ) , d'appliquer un coefficient de minoration (décote) de 1,25 % par trimestre manquant au montant de la pension liquidée, dans la limite de 20 trimestres.

Réciproquement, le même article instaure un mécanisme de surcote afin d'encourager la poursuite de l'activité des fonctionnaires civils ayant atteint l'âge de 60 ans, et dont la durée d'assurance est suffisante pour obtenir le pourcentage de liquidation maximum (160 trimestres requis en 2008). Ainsi, il est prévu un coefficient de majoration (surcote), fixé à 0,75 % par trimestre supplémentaire, dans la limite de 20 trimestres.

En revanche, l'assiette du calcul demeure inchangée, égale au traitement correspondant à l'indice effectivement détenu depuis six mois (il avait été envisagé, dans un premier temps, de se baser sur les trois dernières années).

Ainsi le pourcentage maximal de liquidation et l'assiette du calcul étant reconduits, le niveau des pensions pour une carrière complète est maintenu.

2. Une application très progressive

L'allongement de la durée de cotisation de 37 ans et demi à 40 ans s'effectuera progressivement de 2003 à 2008 (article 45), tandis que le décote montera progressivement en puissance de 2006 à 2020, accompagnant puis relayant l'allongement de la durée de cotisation, la décote étant négligeable les premières années compte tenu de la lenteur de sa montée en puissance.

Ainsi, force est de constater que la réforme, dont le coeur est constitué par le couplage de l'allongement de la durée de cotisation et de l'instauration de la décote, s'effectuera avec une progressivité suffisante pour modifier les comportements sans jamais « surprendre » les fonctionnaires : plus ils sont avancés dans leur carrière, plus les modalités de liquidation de leurs pensions suivront des règles proches de celles actuellement en vigueur.

* 20 Le régime de l'Etat (qui ne fait pas l'objet d'une individualisation juridique) pour les fonctionnaires de l'Etat, et la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) pour les agents relevant des fonctions publiques territoriale et hospitalière.

* 21 A l'issue de la période transitoire (2004-2008) instaurée par l'article 45 du présent projet de loi.

* 22 Rapport spécial (n° 68 -Tome III - annexe 21) sur les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat pour 2003.

* 23 Le rapport [pensions actualisées/cotisations actualisées] diminue avec l'application de la décote, mécanisme dont le régime général tire donc profit.

* 24 Le rapport [pensions actualisées / cotisations actualisées] augmente avec le nombre d'annuités manquantes, au détriment des régimes des fonctionnaires.

* 25 Le premier rapport du Conseil d'orientation des retraites (2001) en avait fait une piste privilégiée pour assurer l'égalité entre les régimes.

* 26 A l'issue de la période transitoire instaurée par l'article 45 du présent projet de loi, soit en 2008.

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