3. Les réseaux ambitions réussite

La relance de l'éducation prioritaire formalisée dans la circulaire n° 2006-058 du 30 mars 2006 a conduit à abandonner la politique de zonage au profit de la constitution de réseaux d'établissements fédérés autour d'un projet commun. Les réseaux « ambition réussite » (RAR), qui concentrent les plus grandes difficultés, sont arrêtés annuellement au niveau national, tandis que les réseaux de réussite scolaire relèvent de la compétence académique.

À la rentrée 2008, les RAR sont articulés autour de 254 collèges têtes de réseau autour desquels s'agrègent des écoles élémentaires partenaires, afin de suivre les élèves tout au long du parcours scolaire pour les accompagner jusqu'à la maîtrise du socle commun à la fin de la 3 e . Près d'un collégien sur vingt, soit 118 000 collégiens, est scolarisé dans un collège RAR et 393 500 fréquentent un collège RRS.

CARACTÉRISTIQUES DES ÉLÈVES DES RÉSEAUX AMBITION RÉUSSITE ET DES RÉSEAUX DE RÉUSSITE SCOLAIRE

Ces élèves sont très massivement d'origine sociale défavorisée : 75 % des élèves des collèges RAR de la métropole et des DOM et 57,4 % des collégiens des réseaux de réussite scolaire ont des parents ouvriers ou inactifs, contre 35,2 % dans les établissements hors éducation prioritaire.

Beaucoup d'entre eux ont un fort retard scolaire : 29,8 % des élèves issus des écoles RAR et 23,8 % de ceux issus des écoles RRS sont en retard à l'entrée en sixième contre 14,1 % ailleurs.

En fin de CM2, les élèves de RAR ont de moins bonnes performances que les élèves du secteur public hors éducation prioritaire mais ne se différencient pas des élèves de RRS, si l'on tient compte des erreurs liées à l'échantillonnage.

En revanche, en fin de 3 e , en français comme en mathématiques, les élèves des RAR maîtrisent nettement moins bien les compétences de base que les autres. Par exemple, si 50,6 % des élèves de 3 e des collèges RAR maîtrisent les compétences de base en français en 2009, ils sont 68 % dans les écoles RRS et 81,6 % ailleurs dans le secteur public.

Le diplôme national du brevet (DNB) comprend un examen écrit de trois épreuves (français, mathématiques et histoire - géographie - éducation civique). A la session 2008, 42,9 % des élèves des collèges RAR et 58,4 % des élèves des RRS ont obtenu plus de 10 sur 20 aux épreuves écrites, contre 69,9 % ailleurs. Cependant, en prenant en compte le contrôle en cours de formation, les écarts diminuent : 67,1 % des élèves des RAR et 73,6 % des élèves des RRS ont obtenu leur DNB contre 82,5 % ailleurs.

À l'issue de la 3 e , un élève a 86 chances sur 100 d'arriver au second cycle, qu'il soit scolarisé dans un collège ambition réussite ou non. Cependant, les élèves des collèges RAR sont plus souvent orientés vers la voie professionnelle : c'est le cas de 44 % des élèves scolarisés dans un collège RAR contre 24 % hors éducation prioritaire.

À l'issue de leur Seconde générale et technologique, 25 % des élèves qui ont effectué leur 3 e dans un collège RAR redoublent contre 16 % de ceux qui ont effectué leur 3 e dans un collège situé hors éducation prioritaire. Le taux de redoublement est aussi plus élevé à l'issue de la Seconde professionnelle (7 % contre 4,5 %).

De plus, ils sont plus souvent orientés en filière technologique : 37 % des élèves de Seconde générale et technologique qui ont effectué leur 3 e dans un collège situé en RAR poursuivent dans une Première générale et 26 % dans une Première technologique. Ces pourcentages s'élèvent respectivement à 58 % et 18 % pour les lycéens qui ont effectué leur 3 e dans un collège situé hors éducation prioritaire.

Source : ministère de l'éducation nationale

Dès leur création, à la rentrée 2006, les collèges RAR se sont vu attribuer 23 % d'heures d'enseignement par élève en plus par rapport aux autres collèges. Cet effort se traduit notamment par un taux d'encadrement plus favorable que dans les autres établissements publics. Par rapport aux établissements situés hors éducation prioritaire, les enseignants des collèges RAR sont plus jeunes et ont pris leur poste dans l'établissement depuis moins longtemps Ces différences n'apparaissent pas pour les personnels administratifs, techniques, ouvriers et de santé (ATOS), qui sont nettement moins jeunes que les enseignants, que le collège soit RAR ou non.

Précédemment alerté des conséquences de l'assouplissement de la carte scolaire sur les effectifs des collèges RAR par notre collègue Alain Dufaut, sénateur de Vaucluse, qui posait le 17 décembre 2008 une question orale à ce sujet, votre rapporteur a accueilli avec une certaine inquiétude les conclusions de l'enquête menée par la Cour des comptes sur la saisine de la commission des finances du Sénat.

Redoutant l'apparition de « ghettos scolaires » nés de l'augmentation de 28 % des dérogations en 2008, la Cour a souligné que : « les effectifs des collèges ont évolué de façon fortement différenciée selon les établissements : certains ont pu enregistrer des pertes d'effectifs allant jusqu'à 10 % alors que d'autres connaissaient des progressions allant jusqu'à 23 %. Particulièrement, sur les 254 collèges « ambition réussite », 186 établissements ont perdu des élèves, ce qui s'est traduit par une plus grande concentration dans ces collèges des facteurs d'inégalités contre lesquels doit lutter la politique d'éducation prioritaire. » 4 ( * )

Interrogés par votre rapporteur sur la situation à la rentrée 2009, les services du ministère de l'éducation nationale lui ont transmis les éléments d'information suivants. L'ensemble des collèges RAR ont fait l'objet en 2009 de 6 258 demandes pour éviter le collège du secteur à l'entrée en 6 e et de 2 203 pour y entrer par dérogation. 63 % des demandes pour éviter un collège RAR et 79 % des demandes visant à y être affecté ont été satisfaites. L'ensemble des collèges RAR perd ainsi 2 113 élèves, soit 8,2 % de l'effectif prévisionnel de 6 e pour l'année 2009-2010. La moitié des collèges RAR perd plus de 6,1 % de leurs effectifs de 6 e du seul fait des mesures d'assouplissement de la carte scolaire, en dehors de toute autre cause, en particulier démographique. 32 collèges en RAR perdent plus de 25 % de leurs effectifs en 6 e . Cette hémorragie conduit parfois dans certains cas à la fermeture de l'établissement.

Il est d'autant plus important de préserver les effectifs des RAR qu'après trois ans d'existence, les résultats sont plutôt encourageants . La proportion d'élèves entrant en 6 e en 2008 avec au moins une année de retard de retard a diminué. Surtout, l'écart entre le taux de réussite au brevet en RAR et hors éducation prioritaire s'est réduit de 2,8 points. En outre, il convient de noter qu'à rebours de la tendance générale, 54 collèges, soit 20 % d'entre eux, gagnent des élèves à l'entrée en 6 e .

Votre rapporteur souhaite donc que soit conduite une réflexion approfondie sur les facteurs d'attractivité des établissements appartenant à un même bassin de population. Sur cette base, une diversification adéquate de l'offre de formation entre les collèges devrait permettre d'enrayer la ségrégation territoriale et sociale en cours. En effet, la mixité sociale peut être reconquise en proposant plus d'enseignements innovants et valorisés dans les RAR, que ce soient des langues rares, des sections de sport-études ou des ateliers artistiques par exemple.

Cette enquête devrait constituer un volet complémentaire de l'évaluation générale des effets de la scolarisation en RAR sur les performances des élèves, évaluation sans laquelle ni le législateur, ni l'administration ne seront en mesure d'adapter le système aux besoins.

* 4 Cour des comptes , L'articulation entre les dispositifs de la politique de la ville er de l'éducation prioritaire dans les quartiers sensibles, Enquête réalisée à la demande de la commission des finances du Sénat, septembre 2009, p. 21.

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