II. FACILITER L'ACCÈS AUX FINANCEMENTS : LE PROBLÈME-CLÉ DE LA CROISSANCE DES PME

La faible taille des PME françaises et leur difficulté à « grandir » dans les années qui suivent leur création sont identifiées, depuis plusieurs années, comme des éléments d'explication centraux du faible potentiel de croissance de la France et de la détérioration de sa compétitivité . Les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) à croissance rapide jouent en effet un rôle essentiel dans le renouvellement du tissu productif et, par conséquent, dans la diffusion de l'innovation et du progrès technique. Par ailleurs, seules les plus grosses PME disposent des capacités humaines, organisationnelles et financières indispensables pour se projeter sur les marchés internationaux.

C'est la raison pour laquelle la politique de soutien aux PME s'est fixée comme priorité de créer les conditions leur permettant de croître plus rapidement. Cela passe évidemment par des modifications de l'environnement règlementaire et notamment par le lissage des effets de seuil induits par le code du travail. Néanmoins, il y a désormais un consensus assez large pour considérer que le principal goulet d'étranglement de la croissance des PME françaises est avant tout lié aux difficultés d'accès aux financements externes , qu'ils soient bancaires ou de marché, de court ou de long terme.

Il semble que la crise économique ait accéléré cette prise de conscience et l'engagement des pouvoirs publics dans ce domaine. Votre rapporteur pour avis constate en effet que, depuis un peu plus d'un an, des actions fortes ont été mises en oeuvre pour faciliter l'accès des PME aux financements, aussi bien au niveau de la trésorerie et du financement du cycle d'exploitation que des investissements matériels et immatériels. Certaines de ces mesures sont des réponses conjoncturelles à la crise économique, mais d'autres s'inscrivent dans une réforme structurelle des conditions de financement des PME.

A. DES RÉPONSES CONJONCTURELLES AUX DIFFICULTÉS DE TRÉSORERIE DES PME PENDANT LA CRISE

Dans le contexte du « credit crunch » qui a marqué la fin de l'année 2008 et le premier semestre 2009, les pouvoirs publics ont veillé à ce que les entreprises ne se retrouvent pas subitement privées de liquidité, ce qui aurait fortement amplifié le processus de propagation de la crise financière vers la sphère réelle par un phénomène de défaillances en cascade :

- dès le 2 octobre 2008, annonce d'un plan PME destiné à mobiliser 22 milliards d'euros de crédits en faveur des PME via la réallocation d'une partie de l'épargne règlementée et l'augmentation des capacités d'intervention d'OSEO ;

- le 4 décembre 2008, annonce d'un plan de relance de l'économie dont les dispositions, précisées dans trois lois de finances rectificatives (décembre 2008 ; février et avril 2009) successives, concernent pour une large part les conditions de financement des PME.

1. Le règlement anticipé de certaines dettes de l'Etat

La loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 comporte plusieurs mesures fortes en faveur de la trésorerie des entreprises, qu'il s'agisse du versement anticipé du crédit d'impôt recherche (CIR), de la mensualisation du remboursement de la TVA ou encore du remboursement anticipé des reports en arrière de déficits d'impôts sur les sociétés (IS).

À travers ces dispositifs, en 2009, l'Etat a prévu de rembourser par anticipation 9,2 milliards d'euros de dettes aux entreprises (3,8 au titre du versement anticipé du CIR, 1,8 au titre du remboursement anticipé de reports en arrière d'IS et 3,6 au titre de la mensualisation des remboursements de la TVA). L'exécution de ces trois mesures fiscales s'est traduite par un dépassement de 25 % par rapport aux prévisions initiales, essentiellement du fait au succès du remboursement anticipé de reports en arrière d'IS, les reversements aux entreprises atteignant finalement 11,5 milliards d'euros.

Votre rapporteur pour avis se félicite que cette politique en faveur de la trésorerie des entreprises, qui était a priori ciblée sur 2009, soit partiellement reconduite par le projet de loi de finances pour 2010 avec la prolongation d'un an du remboursement anticipé du crédit d'impôt recherche. Cette mesure devrait porter sur un volume de 2,5 milliards d'euros. Il convient en effet de démanteler progressivement les mesures d'aide d'urgence à la trésorerie dans un contexte économique qui, bien qu'il soit moins défavorable que l'année passée, n'en demeure pas moins encore très difficile.

La loi du 4 février 2009 de finances rectificatives pour 2009 a elle-aussi comporté une mesure forte en faveur de la trésorerie des PME, à savoir l'augmentation exceptionnelle (de 5 à 20 %), du niveau des avances versées par l'État à ses fournisseurs, pour tous les marchés publics de l'État conclus en 2009, d'un montant de 20 000 à 5 millions d'euros hors taxes. 500 millions d'euros ont été versés aux entreprises en 2009 grâce à cette mesure.

2. Un renforcement des capacités d'intervention d'OSEO

Dans un premier temps, le plan PME d'octobre 2008 a mis OSEO en capacité de prendre 5 milliards d'euros de risques supplémentaires sur les crédits accordés aux PME :

- 2 milliards d'euros au titre des garanties « classiques » accordées 13 ( * ) par OSEO sur les prêts délivrés par les banques commerciales ;

- 1 milliard d'euros au titre d'une garantie spécifique sur les prêts à court terme mise en oeuvre via un nouveau fonds de garantie (Fonds de renforcement de la trésorerie) qui procède à la conversion des financements de court terme en financements à moyen et long terme ;

- 2 milliards d'euros au titre du cofinancement des investissements grâce à l'augmentation de 50 % (de 4 à 6 milliards) de l'enveloppe mise à disposition à cet effet par la Caisse des Dépôts.

Dans le cadre du Plan de relance de l'économie, la loi du 4 février 2009 précitée a augmenté la capacité de financement d'OSEO, à hauteur de 3 milliards d'euros supplémentaires, par l'octroi d'une dotation majorée de 200 millions d'euros. Cela a permis :

- l'extension du champ d'intervention d'OSEO-Garantie aux entreprises de taille intermédiaire (ETI), en plus des PME ;

- le renforcement des moyens d'intervention d'OSEO-Garantie dans le domaine de la trésorerie (doublement des capacités du Fonds de renforcement de la trésorerie et mis en place d'un fonds « lignes de crédit confirmées »).

Au total, ces mesures ont placé OSEO en position de prendre, potentiellement, jusqu'à 8 milliards d'euros de risques supplémentaires pour soutenir l'accès au crédit des entreprises dans un contexte de crise économique . Au 30 septembre 2009, 491 millions d'euros ont été effectivement versés par l'Etat à OSEO, lui permettant ainsi d'apporter sa garantie à plus de 13 000 entreprises (12 725 PME et 403 ETI) pour des opérations de prêts se montant à près de 2,8 milliards d'euros (1,9 milliard dans le cadre du fonds de renforcement de la trésorerie et 0,9 milliard d'euros pour le fonds « lignes de crédit confirmées »).

Votre rapporteur pour avis se demande si ces dispositions d'accompagnement des PME ne mériteraient pas d'être pérennisées . Les difficultés de financement du cycle d'exploitation sont en effet structurelles pour les PME et cela se traduit par un handicap à leur développement. Les comparaisons internationales montrent en effet que, par rapport à leurs concurrentes étrangères, les PME françaises conservent une fraction plus importante de leurs bénéfices sous forme liquide, tout simplement parce qu'elles ont du mal à garantir le financement bancaire de leurs besoins en trésorerie. La « stérilisation » des bénéfices sous forme liquide se fait donc au détriment de l'auto-investissement : ce dernier est insuffisant non pas du fait d'un manque de rentabilité des PME, mais à cause d'une perte en ligne dans la chaîne profit / investissement. Les difficultés de financement de la trésorerie non seulement en temps de crise mais aussi en temps normal impactent donc directement et négativement le potentiel de croissance des PME .

3. Une réponse aux défaillances de l'assurance-crédit

Le crédit interentreprises est la composante principale du financement de court terme des entreprises, puisqu'on estime qu'il représente plus de quatre fois le montant des financements bancaires de court terme. Dans ce cadre, plus de 20 000 entreprises en France ont recours à une couverture assurantielle contre la défaillance des clients auxquels elles accordent des délais de paiement. Or, avec la crise, les assureurs-crédits ont dû faire face à la fois à des difficultés de refinancement accrues et à une forte hausse des risques de défaillance des entreprises couvertes. Dans ces conditions, le marché de l'assurance-crédit a eu tendance à fonctionner de manière malthusienne en refusant la couverture de certains risques. D'où l'intervention des pouvoirs publics pour pallier un marché assurantiel défaillant à travers trois dispositifs de complément d'assurance qui bénéficient aux PME et aux ETI.

- Le complément d'assurance-crédit public ( CAP ) a été mis en place dès le mois de décembre 2008. Une entreprise A peut y recourir lorsque son assureur-crédit diminue l'encours garanti sur une entreprise B cliente de A, ou lorsque A ne parvient pas à obtenir une couverture complète sur un crédit accordé à B. Les entreprises assurées peuvent accéder au CAP moyennant finances (à un tarif spécifique, correspondant au risque couvert par l'État, plus élevé que le risque standard). C'est la Caisse centrale de réassurance, en s'appuyant sur la garantie de l'État, qui assure la gestion de ces couvertures-crédits complémentaires.

- Le dispositif CAP+ a été mis en place par la loi du 20 avril 2009 de finances rectificatives pour 2009 qui a créé à cette fin un Fonds de sécurisation du crédit interentreprises doté de 200 millions d'euros. Il étend la couverture-crédit aux cas où un assureur crédit annule totalement la couverture sur un client ou refuse totalement d'accorder une nouvelle couverture 14 ( * ) .

- Annoncés par le Premier ministre le 17 septembre 2009, les dispositifs CAP export et CAP export + sont appelés à jouer un rôle analogue aux deux dispositifs précédents mais dans le cas des crédits interentreprises avec des clients situés à l'étranger.

4. La mise en place d'une médiation du crédit

Dans le cadre du plan PME a été mise en place une médiation du crédit, confiée par le Président de la République à M. René Ricol, président d'honneur du Conseil supérieur de l'Ordre des experts comptables, avec l'objectif de débloquer les situations où les banques refusent des demandes de prêts aux entreprises ou leur suppriment leurs facilités de trésorerie. Le dispositif comprend un échelon national (le Comité exécutif de la médiation) qui pilote des échelons opérationnels au niveau départemental (comptoirs de médiation départementaux dirigés par les directeurs départementaux de la Banque de France et réseaux de « tiers de confiance », désignés dans chaque département au sein des réseaux professionnels 15 ( * ) ).

Ce dispositif, pérennisé jusqu'à décembre 2010 suite à l'accord signé le 27 juillet entre la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, le gouverneur de la Banque de France et les dirigeants d'établissements bancaires, a connu un important succès. Entre fin 2008 et fin octobre 2009, la médiation a en effet permis de définir une solution de financement dans 64,2 % des 14 634 dossiers éligibles traités, ce qui correspond à un encours de crédit de 3,13 milliards d'euros.

* 13 Garantie sur les financements relatifs à la création, la transmission, l'innovation ou l'exportation.

* 14 Un amendement du gouvernement au projet de loi de finances pour 2010 a été adopté par l'Assemblée nationale pour prolonger les dispositifs CAP et CAP+ jusqu'au 31 décembre 2010.

* 15 Chambres de commerce et d'industrie, chambres des métiers et de l'artisanat, MEDEF, CGPME, UPA, APCE et réseaux professionnels d'accompagnement à la création/reprise d'entreprises, Union Nationale des Professions Libérales, Experts comptables.

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