II. L'EXERCICE, PAR L'ETAT, DE SA MISSION D'ACTIONNAIRE RESTE MARQUÉ PAR CERTAINES SPÉCIFICITÉS

A. L'ETAT, UN ACTIONNAIRE AU PORTEFEUILLE TRÈS DIVERSIFIÉ

1. L'évolution du portefeuille de l'Etat actionnaire pour l'exercice 2008

A coté de la quête d'une « bonne gouvernance », sur laquelle votre rapporteur pour avis reviendra par la suite, il revient à l'Etat actionnaire de valoriser les participations qu'il détient. Dans ce cadre, l'agence de participations de l'Etat (APE) doit assurer la réussite des opérations sur le capital décidées par le Gouvernement.

Cette agence doit donc jouer un rôle important de veille, d'analyse et de proposition, en recommandant régulièrement au ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, des opérations sur le capital des entreprises de son périmètre, lorsqu'elle les juge patrimonialement et industriellement opportunes, au regard de la valorisation de ces entreprises par le marché ou de leurs perspectives à moyen terme notamment.

A cet égard, votre rapporteur pour avis observe que le portefeuille des participations de l'Etat est très hétérogène car il comporte des entités de natures et de tailles très différentes (sociétés cotées et non cotées ; sociétés et établissements publics...). C'est aussi à l'APE qu'il revient le soin de le faire connaître et de le promouvoir auprès des investisseurs, dont certains sont déjà coactionnaires avec l'Etat ou ont vocation à le devenir.

L'exercice comptable 2008 a été marqué par des évolutions significatives :

- la fusion entre Gaz de France et Suez devenue effective le 22 juillet 2008 ;

- la création, en avril 2008, de la société Audiovisuel Extérieur, holding ayant vocation à regrouper l'essentiel des participations publiques dans les sociétés de l'audiovisuel extérieur (RFI, France 24 et TV5 Monde) ;

- la transformation, en société anonyme, de l'aéroport régional de Nice en juin 2008 (la transformation des aéroports régionaux de Toulouse, Bordeaux et Lyon étant intervenue en 2007) ;

- la prise de participation, le 7 novembre 2008, de 33,34 % dans le capital de STX France (ex Chantiers de l'Atlantique). Votre rapporteur pour avis souligne à cet égard que la Commission européenne 7 ( * ) a confirmé qu'il s'agissait d'un investissement avisé ;

- la cession par l'Etat, en décembre 2008, de 8 % du capital d'Aéroports de Paris, soit 530,4 millions d'euros, pour sceller l'alliance de ce dernier avec Schiphol Group, le gestionnaire de l'aéroport d'Amsterdam ;

- l'intervention en faveur de la filière automobile dans le cadre du « Pacte automobile » avec notamment des prêts aux constructeurs automobiles (Renault, PSA et Renault Trucks filiale du groupe AB Volvo) à hauteur de 6,25 milliards d'euros, sans prise de participation de l'Etat. Des contreparties ont été exigées : développement de technologies et modèles propres, mise en place de relations partenariales avec l'ensemble des fournisseurs, restrictions sur les conditions de rémunération des dirigeants ;

- la cession par l'Etat de la totalité de sa participation (30 %) dans Enercal pour un montant de 29,9 millions d'euros ;

- les mesures décidées par le Gouvernement dans le cadre de la crise financière. Il s'agit d'abord de la création de la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE), dont il est l'unique actionnaire en application de l'article 6 de la loi n°2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificatives pour le financement de l'économie 8 ( * ) . A ce jour, la SPPE a souscrit pour 19,75 milliards de titres émis par les grandes banques françaises (BNPP, Société Générale, Crédit Mutuel, Crédit Agricole, le nouvel organe central BPCE). Par ailleurs, la SPPE détient la participation décidée par l'Etat de 5,7 % au capital de Dexia dans le cadre de l'augmentation de capital réalisée le 3 octobre 2008, à laquelle elle a participé à hauteur de 1 milliard d'euros. Il s'agit ensuite de la mise en place du Fonds stratégique d'investissement 9 ( * ) , société anonyme détenue à 51 % par la Caisse des Dépôts.

Les comptes combinés, dont les entités du périmètre de l'APE sont mentionnées dans le tableau suivant, offrent une bonne vision d'ensemble de la situation économique et financière de celles-ci. Le périmètre de combinaison 2008 porte ainsi sur 55 entités contre 51 en 2007 .

PÉRIMÈTRE DE COMBINAISON DES COMPTES DE L'EXERCICE 2008

Défense

Infrastructures de transport

Énergie

Transport

Intégration globale

DCI

DCNS

GIAT/NEXTER

SNPE

SOGEADE

SOGEPA

TSA

Mise en équivalence

EADS - 15,20 %

SAFRAN - 39,26 %

THALES - 27,57 %

Intégration globale

AÉROPORT DE BORDEAUX

AÉROPORTS DE LA CÔTE D'AZUR

AÉROPORTS DE LYON

AÉROPORTS DE PARIS (ADP)

AÉROPORT DE TOULOUSE-BLAGNAC

ATMB

SFTRF

GRAND PORT MARITIME DE BORDEAUX

GRAND PORT MARITIME DE DUNKERQUE

GRAND PORT MARITIME DU HAVRE

GRAND PORT MARITIME DE MARSEILLE

GRAND PORT MARITIME DE NANTES-SAINT- NAZAIRE

GRAND PORT MARITIME DE ROUEN

RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE

Intégration globale

AREVA

EDF

GAZ DE FRANCE
(six premiers mois 2008)

Mise en équivalence

GDF SUEZ
(six derniers mois 2008) - 35,66 %

Intégration globale

RATP

SNCF

Mise en équivalence

AIR FRANCE KLM
- 15,96 %

Médias

Intégration globale

ARTE

AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR DE LA FRANCE (AEF)

FRANCE TÉLÉVISIONS

RFI

RADIO FRANCE

Autres

Intégration globale

BRGM

LA FRANÇAISE DES JEUX

IMPRIMERIE NATIONALE

LFB

LA MONNAIE DE PARIS

SIG

SIMAR

SIDR

SOVAFIM

Mise en équivalence

RENAULT - 15,48 %

SEMMARIS - 33,34 %

Entités en fin d'activité-défaisance

Finances

Services

Intégration globale

CHARBONNAGES DE FRANCE (CDF)

ENTREPRISE MINIÈRE ET CHIMIQUE (EMC)

EPFR

SGGP

ÉRAP

Intégration globale

SPPE

Intégration globale

LA POSTE

Mise en équivalence

FRANCE TÉLÉCOM
- 26,75 %

FSI

Mise en équivalence

FSI - 49 %

Source : APE.

A partir des chiffres fournis par l'APE, on observe que le total du bilan combiné augmente de 3,8 milliards d'euros 10 ( * ) entre 2007 et 2008, passant de 535 à près de 539 milliards d'euros . Cette hausse s'explique par la progression de l'actif non courant, en particulier des immobilisations, l'entrée de la SPPE dans le périmètre ayant pour effet d'augmenter l'actif financier, mais est en partie compensée par une baisse du portefeuille de titres de l'activité bancaire de La Poste. Le chiffre d'affaires 2008 s'établit toutefois à 148,3 milliards d'euros contre 151,5 en 2007 , avec en particulier des baisses de chiffre d'affaires enregistrées dans les secteurs de la défense et des médias. Le résultat opérationnel 2008 atteint 22,6 milliards d'euros contre 19,5 en 2007 . La marge opérationnelle, qui rapporte le résultat opérationnel au chiffre d'affaires, est ainsi de 15,2 % en 2008 contre 12,9 % en 2007.

S'agissant plus précisément des sociétés cotées, votre rapporteur pour avis constate que le bilan est en demi-teinte. En effet, la valeur des participations de l'Etat dans les entreprises cotées en bourse a chuté passant de 128,5 à 104,6 milliards d'euros entre septembre 2008 et septembre 2009. Le périmètre des actions détenues par l'Etat comprend un portefeuille de douze sociétés : Aéroports de Paris, Air France-KLM, CNP Assurances, Dexia, EADS, EDF, France Télécom, GDF Suez, Renault, Safran, Thales, Thomson. Entre 2008 et 2009, la valeur de marché de ce portefeuille a donc diminué de 24 milliards d'euros dont 6 milliards sont liés à un effet volume (entrée de Dexia dans le portefeuille le 3 octobre 2008, versement de dividende en actions par France Télécom et GDF Suez, apport de 13,5 % de France Télécom et 8 % d'ADP au FSI le 15 juillet 2009) et 18 milliards à un effet prix (chute de l'action).

Votre rapporteur pour avis observe d'ailleurs que ce portefeuille ne représente plus « que » 14,8 % de la capitalisation du CAC 40 au 15 septembre 2009, contre 17 % au 15 septembre 2008. Toutefois, si la crise a fait chuter la valeur du portefeuille de l'Etat, on notera que ses dividendes résistent.

2. Une politique de dividende pragmatique en 2009

Le total des dividendes issus d'une activité économique qui seront perçus par l'Etat actionnaire en 2009 devrait s'établir à 4,9 milliards d'euros contre 5,6 milliards en 2008 11 ( * ) . Après une hausse ininterrompue des dividendes perçus par l'Etat actionnaire depuis 2003, la tendance s'est inversée en 2009, comme le montre le tableau ci-dessous.

DIVIDENDES PERÇUS PAR L'ETAT ACTIONNAIRE (EN MD€ PAR EXERCICE BUDGÉTAIRE)

Exercice budgétaire N

2003

2004

2005

2006

2007 (*)

2008 (*)

Prévision 2009 (*)

Dividendes

0,9

1,2

1,4

2,9

4,8

5,6

4,9

Résultat net part du groupe exercice comptable N-1

3,9

7,4

12,4

13,2

19,9

23,7

Taux de distribution (Hors impact RFF et CDF)

30,8 %

18,9 %

23,4 %

36,4 %

40,3 %

20,7 %

(59 %)

(*) Y compris acomptes sur dividende.

Source : APE.

Cette tendance traduit le pragmatisme de l'Etat qui a accepté de recevoir des dividendes sous forme d'actions de certaines entreprises qui souhaitaient préserver leur trésorerie et leurs fonds propres. Certaines entreprises du portefeuille de l'APE ont en effet proposé à leurs actionnaires la possibilité de percevoir une partie de leur dividende en actions de l'entreprise nouvellement émises. Les assemblées générales de France Télécom et GDF Suez ont ainsi voté une telle possibilité pour une partie de leurs dividendes respectifs au titre de l'exercice 2008. L'Etat, actionnaire de référence des deux entreprises, avait annoncé en amont de ces assemblées son engagement à choisir l'option d'un versement en actions dans les deux cas. Ces deux opérations se sont révélées être des succès, témoignant de la confiance des actionnaires des deux groupes dans leurs stratégies respectives. En effet, des actionnaires représentant plus de la moitié du capital de France Télécom et 68 % du capital de GDF Suez ont opté pour un versement en actions d'une partie du dividende. Ainsi, l'Etat a perçu 625 millions d'euros de dividendes sous forme d'actions GDF Suez et 242 millions sous forme d'actions France Télécom.

Malgré la baisse en valeur des dividendes, le taux de distribution est quant à lui de l'ordre de 60 % contre 40,3 % en 2008 . Si l'APE indique qu'il s'agit d'un taux de distribution « en ligne avec le taux de distribution du résultat 2008 observé sur le CAC 40 », ce qui tend d'ailleurs a prouvé que l'Etat se comporte comme un actionnaire « tout à fait normal », votre rapporteur pour avis tient à souligner qu'il s'agit aussi d'un niveau record, puisque ce taux de distribution n'a jamais été atteint depuis la création de l'APE en 2003, et qu'il est en décalage avec la volonté affichée du Président de la République , M. Nicolas Sarkozy, de minorer la rémunération des actionnaires, au profit de l'investissement et des salariés. Pour 2010, la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, Mme Christine Lagarde a annoncé que « l'Etat privilégiera les liquidités » alors que celui-ci table par ailleurs sur un nouveau recul des dividendes.

* 7 Par courrier du 12 juin 2009, elle a ainsi informé les autorités françaises, qu'elle ne poursuivrait pas son enquête confirmant ainsi implicitement l'absence d'éléments « d'aide d'Etat » dans cette prise de participation.

* 8 La SPPE intervient dans le cadre du plan français en faveur des banques en souscrivant des titres émis par les établissements de crédit et constitutifs de fonds propres réglementaires pour ceux-ci, dans la limite d'un plafond de 40 milliards d'euros. En application de la loi susvisée, les financements levés par la SPPE peuvent bénéficier de la garantie de l'Etat. Ce dispositif, qui a été approuvé par la Commission européenne, est réservé aux banques saines qui respectent les exigences prudentielles fixées par la Commission bancaire. Il vise à préserver la capacité de prêt des banques, et donc à pallier temporairement les difficultés de ces banques à maintenir leur niveau de fonds propres du fait de la faiblesse de leurs résultats et des besoins en fonds propres supplémentaires liés à l'augmentation des risques de défaut des emprunteurs, dans un contexte de dégradation de la conjoncture économique.

* 9 Le FSI fait l'objet d'un développement particulier de votre rapporteur pour avis dans le III du présent rapport.

* 10 Hors effet de l'opération GDF-Suez.

* 11 Recettes budgétaires imputées sur la ligne 2116 des recettes non fiscales de l'Etat (provenant d'entreprises non financières). Elles incluent les dividendes versés en N au titre de l'exercice comptable N-1 ainsi que les éventuels acomptes sur dividendes versés au titre de l'exercice comptable N.

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