2. Les limites des dispositifs existants

Depuis le début des années 1990, la politique en faveur du logement des personnes défavorisées s'est articulée autour de deux axes complémentaires :

- accroître l'offre de logement en faveur des personnes exclues du logement ;

Cet effort a pris plusieurs formes : construction de logements d'hébergement d'urgence, construction de logements d'insertion, réquisition, mise en place de l'aide au logement temporaire (ALT) pour permettre aux associations de disposer d'un parc plus important, mise en oeuvre des baux à réhabilitation avec le soutien de l'ANAH...

- favoriser l'accès et le maintien dans le logement des ménages défavorisés.

Cette fonction est très largement attribuée aux fonds de solidarité pour le logement (FSL).

Ces fonds sont destinés à aider les ménages défavorisés à se maintenir dans des logements locatifs, en cas d'impayés, à accéder à un logement locatif par des aides telles que cautions, prêts, garanties et subventions, ainsi qu'à assurer la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement social lié au logement (ASLL) nécessaires à l'accès et au maintien dans un logement.

Pourtant, en dépit de l'effort budgétaire consenti et de la forte implication des collectivités locales, les dispositions mises en place n'ont pas permis d'apporter de solutions définitives.

a) Les difficultés d'une offre adaptée

L'objectif de la politique de mise en place d'une offre adaptée est le rétablissement d'un véritable parcours d'insertion résidentiel. Le logement d'urgence ne doit être qu'un lieu de passage transitoire vers le logement d'insertion, puis vers le parc social normal.

Logements d'urgence et logements d'insertion

Les dénominations de " logements d'urgence " et de " logements d'insertion " ne correspondent ni à de nouveaux produits financiers, ni à des produits physiques spécifiques.

Les logements d'urgence sont destinés à accueillir des personnes ou des familles sans domicile fixe ou brutalement confrontées à une absence de logement. Ils doivent leur permettre de séjourner, selon les cas, quelques semaines ou quelques mois dans un véritable logement meublé pour répondre aux besoins essentiels des familles. Ce court séjour doit être complété par un accompagnement social, voire sanitaire, de nature à permettre la définition d'un projet d'insertion.

Ces logements ont généralement le statut de meublé ou de résidence sociale. Il peut s'agir de logements mis à disposition par l'Etat, par les entreprises publiques ou par d'autres partenaires.

Les logements d'insertion ont vocation à recevoir, pour quelques mois ou quelques semestres, des ménages ayant besoin d'un accompagnement social pour retrouver une situation et un logement plus stables. Ces logements pourront notamment servir à faciliter la sortie d'hébergements collectifs ou de logements d'urgence.

Sauf dans le cas des résidences sociales dans lesquelles les occupants disposent d'un titre de résident, les logements d'insertion sont en général loués à une association, à un centre communal d'action sociale (CCAS) ou à un organisme intermédiaire ayant en charge de les sous-louer.

Dans les deux types de logement, une offre de relogement définitif, correspondant aux besoins et aux possibilités des familles, doit être proposée aux locataires dans un délai qui est fonction du projet d'insertion préalablement défini et de l'évolution de la situation familiale.

Or, il semble que, si l'offre d'urgence s'est effectivement accrue, le développement des logements d'insertion soit plus difficile.

Il existe actuellement 15.000 places d'hébergements d'urgence, auxquelles il faut ajouter les 30.000 places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS).

A cet égard, votre commission tient à rappeler l'impact très positif du plan d'urgence lancé par le précédent gouvernement en juillet 1995 . 9.000 logements ou places d'hébergement d'urgence ont ainsi été réalisés d'août 1995 à décembre 1996. En revanche, en 1997, seules 221 ont été financées.

L'aide au logement temporaire a notamment permis un meilleur accueil d'urgence. Le nombre de logements et de places mobilisées grâce à l'ALT a sensiblement augmenté.

Logements et chambres bénéficiant de l'ALT

(en nombre de mois d'occupation)

 

oct. 1993 à sept. 1994

oct. 1994 à sept. 1995

oct. 1995 à sept. 1996

Occupation d'une chambre

22.890

45.924

63.323

Occupation d'un logement

8.151

24.087

41.353

Source : DGUHC

En revanche, le nombre de logements d'insertion financé à l'aide de financements très sociaux est resté très inférieur aux prévisions.

Trois types de produits ont successivement été mis en place. De 1990 à 1993, le PLA d'insertion (PLA-I) a permis le financement d'opérations d'acquisition de logements anciens avec ou sans travaux. De 1994 à 1997, le PLA très social (PLA-TS) reprenait les caractéristiques du PLA-I mais permettait également la construction de logements neufs. En 1998, le Gouvernement a réformé les PLA-TS en distinguant les PLA à loyer minoré (PLA-LM) pour les ménages ayant des difficultés économiques et les PLA d'intégration (PLA-I) pour les ménages cumulant difficultés économiques et financières. Seuls ces nouveaux PLA-I peuvent être considérés comme destinés au financement de logements d'insertion.

Financement des PLA " sociaux "

 

PLA-I

PLA-TS

 

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Nombre de logements prévus

10.000

10.000

10.000

10.000

20.000

28.000

20.000

30.000

Nombre de logements effectivement financés

5.075

6.334

7.016

6.908

11.708

15.481

11.419

11.783

Source : DGUHC

Fin 1997, il existait 75.000 logements financés par des PLA " sociaux ".

Mais ces logements ne sont pas forcément affectés aux personnes les plus en difficulté, effectivement exclues du logement. Ils peuvent être également attribués aux familles les plus modestes, sans pour autant que ces logements soient transitoires ou que les familles aient besoin d'un accompagnement social. Il est donc difficile d'estimer, parmi ces logements, la proportion relevant effectivement de la stricte définition du logement d'insertion. Toujours est-il que seuls 1.054 PLA-I ont été financés pendant les neuf premiers mois de 1998.

b) Les limites des FSL

Le FSL s'est progressivement affirmé comme l'instrument privilégié d'aide au logement des plus défavorisés.

Les aides financées par les FSL sont ainsi passées de 709 millions de francs en 1993 à 1.106 millions de francs en 1997.

Dépenses des fonds de solidarité logement depuis 1993

(en millions de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

Aides au maintien

296,5

337,7

336,8

339,9

359,9

Aides à l'accès dans les lieux

196,0

247,0

321,2

382,3

406,0

Paiement de garanties

9,6

17,4

22,4

30,4

41,5

ASLL (1)

124,2

148,0

171,0

202,4

245,0

Gestion locative

-

-

8,4

10,6

19,8

Subventions aux associations

7,0

15,9

20,1

30,2

34,3

Fonctionnement

55,0

72,2

80,2

98,7

117,9

Dépenses totales

709,2

846,1

965,6

1.099,7

1.230,6

dont aides (2)

633,5

766,2

880,4

996,1

1.106,5

(1) Accompagnement social lié au logement.

(2) Total des dépenses des FSL non compris les frais de fonctionnement et les dépenses diverses.

Source : secrétariat d'Etat au logement

L'augmentation des dépenses des FSL se fait parallèlement à celle du nombre de ménages aidés. Selon une estimation du secrétariat d'Etat au logement, plus de 200.000 personnes ont bénéficié du soutien des FSL en 1996, l'aide moyenne étant de 6.617 francs pour le maintien dans le logement et de 3.187 francs pour l'accès au logement.

Evolution du nombre de ménages aidés par les FSL de 1992 à 1996

(en nombre de ménages)

 

1992

1993

1994

1995

1996

Aides au maintien*

42.00

47.360

53.700

55.140

56.020

Aides à l'accès**

38.500

63.000

88.000

112.750

130.415

Total aides au maintien et à l'accès (paiements de garantie exclus)

80.500

110.360

141.700

167.890

186.435

Paiements de garantie

-

2.770

3.975

6.040

7.500

ASLL***

18.000

30.000

38.860

42.900

50.440

* prêt ou subvention Source : DGUHC

** prêt, subvention, garantie octroyée

*** accompagnement social lié au logement

Mais le succès des FSL témoigne paradoxalement de la persistance, voire de l'aggravation, des difficultés d'accès et de maintien dans le logement.

En outre, la montée en charge très rapide des FSL ne s'est pas faite sans l'apparition d'un certain nombre de difficultés qui, sans remettre en cause l'action des FSL, peuvent parfois en limiter l'efficacité.


Ces difficultés, mises en évidence par le comité de pilotage de l'évaluation de la loi du 31 mai 1990 visant la mise en oeuvre du droit au logement 8( * ) , sont les suivantes.

Des tensions sur le financement des FSL

En dépit de la croissance des financements accordés, de nombreux FSL rencontrent des difficultés certaines pour faire face à leurs dépenses. Ils peuvent être alors conduits à restreindre leurs actions.

Evolution des financements des FSL

(en millions de francs)

 

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997*

Etat

150

171

177

208

328

249

275

Conseils généraux

164

187

183

210

322

265

301

Financeurs volontaires

73

93

94

139

134

139

131

dont :

 
 
 
 
 
 
 

CAF

31

33

36

59

50

48

50

Communes et groupements

11

24

26

31

37

40

37

Organismes HLM et SEM

18

29

25

38

35

38

44

Total

387

451

454

557

784

653

707

* Estimation Source : DGUHC

Une coordination parfois insuffisante avec les autres dispositifs

La création des FSL n'a pas empêché que se maintiennent ou se créent d'autres fonds ou d'autres structures fonctionnant en parallèle et de manière pas toujours coordonnée : fonds d'aide aux accédants en difficulté, fonds d'aide au paiement des charges, fonds associatifs, commission de surendettement, fonds d'aide aux jeunes...

La superposition de ces différents dispositifs réduit la cohérence de l'action en faveur du logement des plus défavorisés.

De plus, l'articulation des FSL avec les caisses d'allocations familiales qui gèrent les aides personnelles au logement et avec les instances judiciaires qui se prononcent sur les expulsions reste souvent insuffisante.

Des difficultés persistantes d'accès aux FSL

Le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées observe, dans son dernier rapport précité, que " beaucoup de ménages ne connaissent pas l'existence du FSL et n'y ont pas d'accès direct ".

Il existe en effet une certaine opacité de l'intervention du FSL. Dans de nombreux départements, il n'y a pas de possibilité de saisine directe du FSL par les ménages. Dans d'autres, la saisine directe existe mais les ménages mal informés n'y ont pas recours.

En outre, la contrainte financière qui pèse sur les FSL les amène souvent à en restreindre l'accès. Le comité de pilotage estime ainsi que " les FSL oscillent entre deux positions contradictoires : prendre en compte le plus grand nombre de personnes en difficulté de logement pour accompagner le mouvement de banalisation de la précarité, ou resserrer l'intervention publique sur les ménages les plus défavorisés pour garantir leur droit au logement. L'élargissement du nombre des ménages aidés pourrait conduire à une dilution et une perte d'efficacité des aides, une trop grande spécialisation pourrait contribuer à exclure des ménages pour lesquels les aides ont un effet solvabilisateur certain ".

Un rôle préventif insuffisant

L'aggravation des difficultés d'accès au logement conduit les FSL à concentrer l'essentiel de leur action sur le traitement des situations les plus dégradées. Cette action, certes nécessaire, se fait pourtant souvent au détriment du travail de prévention.

Ce rôle de prévention est indispensable car, en l'état actuel des choses, les FSL accordent des aides à des familles qui, faute d'une solvabilisation dans la durée, vont de rechute en rechute, sans véritable espoir d'assainir un jour leur situation.

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