II. LA DÉCENTRALISATION DU RMI DOIT ÊTRE UNE CHANCE POUR L'INSERTION

Votre rapporteur tient à rappeler, à titre liminaire, que le RMI reste et doit rester une prestation de solidarité nationale : son montant, son barème et ses conditions d'attribution restent fixés par l'Etat. Comme toutes les prestations d'aide sociale légales, il constitue une obligation pour la collectivité publique et un droit pour l'individu , conformément au principe fixé par l' article L. 111-1 du code de l'action sociale et des familles : « toute personne résidant en France bénéficie, si elle remplit les conditions légales d'attribution, des formes d'aide sociale telles qu'elles sont définies par le présent code ».

La décentralisation ne remet pas en cause ce droit objectif. Elle vise simplement à en améliorer la mise en oeuvre, en rapprochant sa gestion et celle, indissociable, du dispositif d'insertion des bénéficiaires. Votre rapporteur estime en effet que cette réforme est une chance pour l'insertion, qui a été la grande absente du RMI depuis sa création.

A. LE PROJET DE LOI S'INSCRIT DANS UNE DÉMARCHE DE REDYNAMISATION DES ACTIONS D'INSERTION

La décentralisation du RMI constitue la première application de la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République qui dispose que les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences susceptibles de mieux être mises en oeuvre à leur échelon.

L'objectif de cette décentralisation est de renforcer la cohérence d'un dispositif aujourd'hui partagé, à titre principal, entre l'Etat et le département. En clarifiant les responsabilités de chacun, elle vise également à renforcer l'efficacité des politiques d'insertion, en mobilisant chaque acteur sur ce qu'il sait réellement faire.

Le projet de loi fait le choix de confier au département, en même temps que le pilotage de l'insertion, la gestion de l'allocation de l'allocation elle-même. Le pari qui est fait est celui de la responsabilité : responsable des allocations versées, le département l'est aussi de l'amélioration de l'insertion et donc de la sortie des bénéficiaires du dispositif.

1. La décentralisation de l'allocation elle-même : le défi de la responsabilité

a) Les conditions du transfert au président du conseil général de la gestion de l'allocation

La décentralisation de l'allocation elle-même comporte deux aspects : le transfert au président du conseil général de l'ensemble des décisions individuelles relatives à l'allocation et celui du pilotage du dispositif d'instruction des demandes.

La décentralisation des décisions individuelles relatives au RMI

S'agissant de l'attribution, de la prorogation, du renouvellement, de la suspension ou de la radiation bénéfice de l'allocation, le président du conseil général devient désormais seul compétent, sous réserve de l'avis de la CLI pour les décisions de suspension de l'allocation.

Le transfert au président du conseil général des pouvoirs en matière de décisions individuelles ne soulève en lui-même pas de question particulière : il s'inscrit dans la logique de la décentralisation et se conforme principe selon lequel « décide qui paye ».

Votre rapporteur s'interroge en revanche sur les raisons du régime dérogatoire dans les départements d'outre-mer : en effet, dans ces départements, les décisions individuelles ne sont pas transférées au président du conseil général mais à l'agence départementale d'insertion.

Si l'exception consistant à unifier le pilotage de l'insertion au profit de l'agence se justifie, du fait de l'organisation particulière du dispositif d'insertion dans ces départements, et notamment en raison du rôle de l'agence dans la mise des contrats d'insertions par l'activité (CIA) spécifiques aux DOM, elle paraît moins évidemment fondée concernant la décentralisation de l'allocation elle-même.

Le projet de loi ne tire d'ailleurs pas toutes les conséquences de cette particularité ultramarine, notamment en ce qui concerne le financement de l'allocation.

Toutefois, considérant que la navette sur le projet de loi de programme pour l'outre-mer, qui ratifie le statut des agences départementales d'insertion, se poursuit, votre rapporteur n'a pas voulu anticiper sur ses conclusions. Il estime en effet qu'il revient de préférence à ce texte, de portée plus générale, sur l'outre-mer de préciser les adaptations nécessaires à la mise en oeuvre de la décentralisation du RMI dans ces départements .

La maîtrise du dispositif d'instruction

Le projet de loi donne également aux départements la possibilité d'organiser librement le dispositif d'instruction des demandes d'allocation. Le département peut ainsi :

- ouvrir aux CAF et aux caisses de MSA volontaires, à travers des procédures d'agrément, la possibilité d'instruire les demandes de RMI ;

- déléguer aux CAF et aux caisses de MSA certaines décisions individuelles relatives à l'allocation. Le champ de cette délégation est plus large qu'actuellement et doit permettre d'accélérer le traitement des dossiers.

Il reste que la participation des CAF et des caisses de MSA à ces deux aspects de l'instruction administrative qui sortent de leur domaine traditionnel de compétence donne une acuité nouvelle à la question de la compensation aux caisses des frais de gestion de l'allocation . Les conventions qui seront passées entre les départements et les caisses au titre de leur participation à l'instruction et à la prise de décision devront sans doute prévoir une rémunération de leurs services.

b) L'enjeu financier : « le grand flou »

Pourtant essentiels, les aspects financiers de la décentralisation du RMI ne sont guère abordés par le texte qui ne les évoque qu'à deux reprises pour renvoyer, soit à la loi de finances, soit au décret, les conditions de leur réalisation.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a néanmoins précisé, en substance, devant votre commission que cette décentralisation s'inscrivait dans les principes posés par la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 : en contrepartie d'une compétence nouvelle (RMA) et d'une compétence transférée (RMI), les départements percevront une fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP).

L'étude d'impact précise que « le transfert des crédits (...) sera basé sur la dépense réelle en 2003 » . Cette dernière n'est pas encore connue mais, d'après les informations dont dispose votre rapporteur, elle serait sensiblement supérieure aux montants évalués en loi de finances initiale.

Prévisions dépenses de RMI en 2003

(en milliards d'euros)

LFI

4,46

Estimation DGAS

4,845

A ce montant, il conviendra d'ajouter afin de préciser la dépense engagée par l'Etat au titre du RMI pour 2003 :

- les crédits nécessaires au paiement de la « prime de Noël » si le Gouvernement entend la pérenniser ;

- les crédits correspondant aux personnels chargés de la gestion administrative du RMI dans les administrations centrales et déconcentrées.

Enfin, les crédits nécessaires à la mise en oeuvre du RMA devront faire l'objet d'une juste et préalable compensation.

L'impact financier de la décentralisation du RMI ne saurait être mesuré à long terme, dépendant à la fois de l'évolution des déterminants naturels de la recette et de la dépense (croissance économique, marché de l'emploi, marché des hydrocarbures, etc.).

Pour mémoire, un différentiel annuel moyen de deux points dégrade « les termes de l'échange » de 20 % au bout de 10 ans.

Si le RMI avait été décentralisé en 1993...

Tout au plus, votre rapporteur peut-il réaffirmer ici que toute modification intentionnelle des termes de l'échange - l'Etat conservant le pouvoir de détermination des paramètres de la recette et de la dépense - devra faire l'objet d'une compensation (« coup de pouce » à la revalorisation du RMI, modification du taux et de l'assiette de la TIPP, etc.).

c) Les relations financières entre les départements et les caisses : l'importance de la neutralité

L'instauration de relations financières entre la sécurité sociale et les collectivités locales est rendue inéluctable par le maintien des CAF (et des caisses de MSA) comme organismes payeurs du RMI. Le législateur doit avant tout s'assurer que ces relations nouvelles seront préservées des frictions récurrentes opposant aujourd'hui la CNAF et l'Etat quant à la gestion de cette prestation.

Une convention liera le département et la CAF afin de préciser les modalités de remboursement des prestations versées. En l'absence de signature de cette dernière, les départements verseront, chaque mois, une somme représentant un douzième des dépenses engagées l'année précédente. Ces relations devront respecter la plus grande neutralité pour les finances sociales et locales. Le projet de loi prévoit dans les grandes lignes ce principe mais ne résout pas deux questions :

- l'articulation de ce nouveau schéma financier avec le principe posé par l'article L. 225-1 du code de la sécurité sociale d'unité de trésorerie du régime général ;

- la mise en oeuvre concrète de la neutralité financière d'une part pour l'ACOSS qui, sans être partie aux conventions, pourrait se trouver en position de réaliser une avance de trésorerie, et d'autre part pour l'ensemble des intervenants dans le régime transitoire de « versements par douzièmes » ;

En précisant leur portée 12 ( * ) , votre commission souhaite lever ces difficultés.

* 12 cf. commentaire de l'article 14

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