Article 6
(art. 9-1 de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945)
Suppression de l'obligation de détention d'un titre de séjour
pour les ressortissants communautaires

Le présent article tend à supprimer l'obligation de détention d'un titre de séjour pour les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou de l'espace économique européen quelles que soient les raisons de leur séjour en France. Il modifie à cette fin l'article 9-1 de l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945. Cette mesure répond à un double objectif de simplification administrative et de renforcement de la libre circulation .

D'ores et déjà, les ressortissants étrangers relevant du droit communautaire ainsi que les membres de leur famille quelle que soit leur nationalité jouissent d'un droit au séjour privilégié . Ils entrent en France sous couvert d'un simple document d'identité et peuvent séjourner en France trois mois sans condition. Lorsque le séjour est d'une durée supérieure à trois mois, le décret n°94-211 du 11 mars 1994 et l'ordonnance précitée, reprenant les textes communautaires, distinguent selon la nature du séjour.

Les personnes exerçant une activité professionnelle 40( * ) en France sont mises en possession d'une carte de séjour valable dix ans. A partir du premier renouvellement, elles reçoivent une carte à validité permanente, sous réserve de réciprocité. Ces titres de séjour sont attribués et renouvelés automatiquement.

Les étudiants 41( * ) reçoivent une carte de séjour dont la durée de validité ne peut excéder un an et qui est renouvelée annuellement aussi longtemps que les conditions de ressources sont satisfaites. Une simple déclaration sur l'honneur suffit.

Les non actifs 42( * ) , pensionnés et retraités, à condition de disposer de ressources suffisantes et de justifier d'une couverture maladie, reçoivent un titre de séjour valable cinq ans.

Les membres de sa famille sont eux mis automatiquement en possession d'une carte de séjour de même durée que le ressortissant de l'Union européenne ou de l'espace économique européen qu'ils sont venus rejoindre.

Il convient de souligner que le défaut de titre de séjour n'est pas un délit et ne peut justifier à lui seul une mesure d'éloignement du territoire . La carte de séjour « Communauté européenne » a surtout une fonction d'identification et de constatation de la présence en France.

Cette reconnaissance du droit au séjour, reposant historiquement sur l'article 48-3 du traité de Rome de 1957 qui garantit la faculté « de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des Etats membres », a cessé d'être cantonnée à sa simple dimension économique à la suite de l'adoption du traité sur l'Union européenne. L'article 8A de ce traité, devenu l'article 18 du TCE, consacre en effet une citoyenneté de l'Union et un droit de séjour pour les personnes qui ne travaillent pas. Accompagnant ce changement de nature, le législateur français est allé au delà des prescriptions communautaires minimales. La loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile (RESEDA) a en effet porté de cinq à dix ans la durée de validité du titre de séjour délivré aux travailleurs communautaires lors de la première délivrance et l'a rendu permanente à l'occasion de son renouvellement, sous réserve de réciprocité. Ce titre permanent symbolise cette nouvelle citoyenneté européenne. Il est actuellement délivré aux ressortissants allemands, autrichiens, britanniques, danois, finlandais et néerlandais.

La loi RESEDA a permis également d'importantes simplifications administratives, les renouvellements de titre étant plus espacés dans le temps. 239 000 titres étaient délivrés à des ressortissants communautaires en 1997 contre 120 000 en 2002 soit une diminution de près de 50% alors que dans le même temps le nombre de ressortissants communautaires titulaires d'une autorisation de séjour ne baissait que de 6% (1 260 629 en 1997 contre 1 183 543 en 2002).

Néanmoins, la charge de travail représentée par ces 120 000 titres délivrés reste lourde et la procédure est complexe tant pour les intéressés que pour les services. En outre, l'intégration croissante de l'espace communautaire et la proposition en cours de discussion d'une nouvelle directive relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres (référence 2001/0111 COD) invitent à faciliter encore les règles de séjour pour les ressortissants communautaires et de l'Espace économique européen .

L'article 6 du projet de loi, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, tend donc à supprimer l'obligation de détenir un titre de séjour. Les dernières discussions sur la proposition de directive précitée vont d'ailleurs dans ce sens. Il n'est plus fait de distinction à ce niveau entre les ressortissants selon qu'ils sont actifs ou non. Ils sont avant toute chose citoyen européen .

Le projet de loi préserve néanmoins la possibilité de se voir délivrer un titre de séjour, sous réserve d'absence de menace pour l'ordre public. Un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions de délivrance de ces titres. Ces conditions sont actuellement fixées par le décret du 11 mars 1994 modifié mais elles devraient être assouplies, notamment dans la perspective de l'adoption prochaine du projet de directive européenne précitée. Ce projet prévoit notamment que tout citoyen de l'Union qui aura résidé légalement de façon continue pendant quatre ans sur le territoire de l'Etat membre d'accueil aura le droit de séjour permanent sur son territoire.

Enfin, le projet de loi maintient l'obligation de détenir un titre de séjour pour les ressortissants des nouveaux Etats membres de l'Union européenne, qui désirent exercer en France une activité économique, dans le cas uniquement où le traité d'adhésion de ces pays ménage la possibilité d'une période transitoire avant la pleine application du principe de libre circulation des travailleurs. Ces périodes transitoires varient entre deux et sept ans à compter de l'entrée du pays dans l'Union, c'est-à-dire en principe le 1 er mai 2004. Chypre et Malte ne sont pas concernés par ces dispositifs.

Concernant les membres de la famille d'un ressortissant de la Communauté européenne, eux-mêmes ressortissants d'Etats tiers, ils restent soumis à l'obligation de détention d'un titre de séjour . Comme l'indique l'étude d'impact du projet de loi, « pour des raisons de sécurité juridique, la carte de séjour justifie à la fois du bénéfice du droit communautaire et du lien familial qui a ouvert le droit de séjour au profit de ces personnes, ce que ne permet pas la présentation d'un document d'identité ou de voyage » . Les conditions de délivrance de leurs titres sont pratiquement identiques à celles de leur membre de famille ressortissant communautaire. La prochaine directive en cours de discussion prévoit néanmoins quelques différences.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 sans modification .

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