Article 35 A (nouveau)
(art. 21-2 du code civil)
Modification des
conditions nécessaires à l'acquisition
de la
nationalité française par le conjoint
étranger
Cet
article tend à modifier l'article 21-2 du code civil afin de
redéfinir les critères à remplir par un ressortissant
étranger conjoint de Français désireux d'acquérir
la nationalité française par déclaration.
1. Le droit en vigueur
Le mariage n'exerce de plein droit aucun effet sur la
nationalité
209(
*
)
.
Toutefois, issu de
la loi n° 98-170 du 16 mars 1998
,
l'article 21-2 actuel du code civil prévoit que
l'étranger ou apatride qui contracte mariage
210(
*
)
avec un conjoint de
nationalité française peut, après un
délai
d'un an à compter du mariage
,
acquérir la
nationalité française par déclaration
à
condition qu'à la date de cette déclaration
211(
*
)
, la communauté de vie n'ait
pas cessé entre les époux et que le conjoint français ait
conservé sa nationalité.
Ce délai d'un an de mariage est supprimé lorsque naît,
avant ou après le mariage, un enfant dont la filiation est
établie à l'égard des deux conjoints, si les conditions
relatives à la communauté de vie et à la
nationalité du conjoint français sont satisfaites
212(
*
)
.
Le principe d'acquisition de la nationalité française du conjoint
par déclaration est «
clairement inspiré d'une
conception de la nationalité privilégiant les
éléments du statut personnel et de la volonté
individuelle, au détriment du lien de droit public établi entre
l'Etat et la personne
»
213(
*
)
.
Les déclarations prévues à l'article 21-2 du code
civil dérogent sur certains points au régime de droit commun des
déclarations de nationalité. Reçues par le juge d'instance
ou par les consuls après enquête sur la communauté de vie,
la dignité et l'assimilation des intéressés, elles sont
enregistrées par le ministre chargé des naturalisations
(ministre des affaires sociales).
Il est délivré un
récépissé à l'intéressé
après remise des pièces nécessaires à la
recevabilité
214(
*
)
de leur
dossier.
La personne concernée acquiert la nationalité française
à la date à laquelle la déclaration a été
souscrite
215(
*
)
.
Le ministre peut refuser l'enregistrement des déclarations ne
satisfaisant pas aux conditions légales
, au plus tard
un an
(au lieu de six mois dans le droit commun)
après la date de
délivrance du récépissé (1.103 en 1998 ; 1.876
en 2002)
.
Sa décision motivée et notifiée au déclarant peut
être contestée par ce dernier devant le tribunal de grande
instance
216(
*
)
.
L'enregistrement de la déclaration de nationalité peut
être contesté par le ministère public en cas de fraude ou
de mensonge dans un délai de deux ans à compter de leur
découverte
, la cessation de la communauté de vie entre les
deux époux dans les
douze mois
suivant l'enregistrement
constituant une présomption de fraude.
Par ailleurs, le Gouvernement peut s'opposer, par décret en Conseil
d'Etat, pour indignité ou défaut d'assimilation, à
l'acquisition de la nationalité française par le conjoint
étranger dans un délai d'un an à compter de la date du
récépissé précité
ou, si
l'enregistrement a été refusé, à compter du jour
où la décision judiciaire admettant la régularité
de la déclaration est passée en force de chose jugée.
En cas d'opposition, l'intéressé est réputé n'avoir
jamais acquis la nationalité française
217(
*
)
.
En revanche, l'annulation du mariage par une décision émanant
d'une juridiction française ou d'une juridiction étrangère
dont l'autorité est reconnue en France ne rend pas caduque la
déclaration d'acquisition de la nationalité française au
profit du conjoint qui l'a contracté de bonne foi (article 21-5 du
code civil).
Les engagements d'opposition sont passés de 200 en 1999 à 363
en 2002
. A l'issue de l'examen en Conseil d'Etat,
99 décrets
d'opposition ont été signés en 2000 et 126 en 2002
.
En 2001, 25.759 personnes avaient souscrit une déclaration
devant
le tribunal d'instance en vue d'acquérir la nationalité
française en raison du mariage avec un conjoint français
(
hausse de 8 % par rapport à 2000
).
La sous-direction des naturalisations du ministère des affaires
sociales, du travail et de la solidarité avait enregistré
28.000 déclarations (hausse de 9 % par rapport à
2001
), ce qui avait conduit à un accroissement des dossiers en
attente de décision et à une baisse du nombre d'acquisitions de
la nationalité française par le mariage
218(
*
)
(passant de
26.056 en 2000
à 23.994, soit une baisse de près de 8 %
), en raison du
débit moyen de traitement des dossiers entre la délivrance du
récépissé et la décision (282 jours en 2001).
Acquisitions de la nationalité française à raison du mariage
Années |
1992 |
1994 |
1996 |
1998 |
2000 |
2001 |
Nombre d'acquisitions |
15.061 |
19.493 |
19.127 |
22.113 |
26.056 |
23.994 |
Au
regard du droit comparé
219(
*
)
, la législation
française permet l'acquisition de la nationalité française
par les étrangers conjoints de Français avec une relative
facilité
.
En Allemagne, en Italie et au Portugal, le mariage permet aux étrangers
d'acquérir automatiquement la nationalité de leur conjoint
à la suite d'une certaine durée de séjour et de mariage
(trois et deux ans en Allemagne ; six mois de résidence ou trois
ans de mariage en Italie ; trois ans de mariage au Portugal).
Dans les autres pays, le mariage facilite la naturalisation (naturalisation
à l'issue d'une durée de séjour de quatre à six ans
contre sept ans pour le délai de droit commun au Danemark, de trois ans
au lieu de cinq au Royaume-Uni).
Acquisition de la nationalité par mariage
|
Existence
|
Résidence |
Délais |
Autres exigences |
Afrique du Sud |
Oui |
- |
2 ans |
- |
Allemagne |
Oui |
5 ans |
- |
- |
Australie |
Non |
- |
- |
- |
Autriche |
Oui |
1 + 4
années
|
1 an |
- |
Belgique |
Oui |
3 ans |
- |
- |
Canada |
Non |
- |
- |
- |
Danemark |
Non |
- |
- |
- |
Espagne |
Oui |
- |
1 an |
- |
Estonie |
Non |
- |
|
- |
Etats-Unis |
Oui |
3 ans |
- |
Mêmes dispositions que pour les autres étrangers |
Finlande |
Oui |
3 ans |
2 ans |
- |
France |
Oui |
- |
1 an |
Acquisition de la nationalité par déclaration |
Grèce |
Non |
- |
- |
- |
Irlande |
Oui |
- |
3 ans |
- |
Israël |
Oui |
- |
- |
A la
discrétion
|
Italie |
Oui |
6 mois en Italie ou 3 ans à l'étranger |
- |
Non si condamnation pour certains délits |
Lettonie |
Non |
- |
- |
- |
Lituanie |
Non |
- |
- |
- |
Luxembourg |
Oui |
3 ans |
- |
Preuve de la vie commune |
Mexique |
Oui |
2 ans |
- |
- |
Pays-Bas |
Oui |
3 ans |
- |
- |
Portugal |
Oui |
3 ans |
- |
- |
Royaume-Uni |
Oui |
3 ans |
- |
- |
Russie |
Oui |
- |
- |
Naturalisation facilitée |
Suède |
Oui |
Résidence permanente (3 ans) |
2 ans |
- |
Source : Nationalité et citoyenneté,
nouvelle
donne d'un espace européen ; Centre d'études et de
prévisions, Editions SIRP, 2003.
2. Le texte soumis au Sénat
Le présent article
, issu d'un amendement de
M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des Lois de
l'Assemblée nationale,
tend à allonger de un an à deux
ans la durée de mariage nécessaire
avant qu'un ressortissant
étranger conjoint de Français puisse acquérir la
nationalité française par déclaration.
Il aurait été paradoxal d'exiger des conjoints une durée
de mariage moins longue pour l'acquisition de la nationalité
française que pour la délivrance de la carte de résident.
3. La position de votre commission des Lois
Cette durée de mariage était en vigueur entre 1993 et 1997, avant
d'être réduite à un an par la loi du
16 mars 1998
.
Cette modification de l'état du droit serait cohérente avec
l'allongement de un à deux ans de la durée du mariage
nécessaire pour qu'une personne étrangère mariée
à un Français puisse obtenir une carte de
résident
220(
*
)
.
Favorable au dispositif adopté en première lecture à
l'Assemblée nationale,
votre commission des Lois vous propose de
redéfinir les conditions d'accès à la nationalité
française à raison du mariage
.
La déclaration d'acquisition de la nationalité serait toujours
établie dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants
et enregistrée par le ministre des naturalisations (troisième
alinéa).
Le critère d'assimilation du conjoint étranger à la
communauté française constitue aujourd'hui une condition de
recevabilité de sa déclaration
, puisque le défaut
d'assimilation permet au Gouvernement de s'opposer, par décret en
Conseil d'Etat, à l'acquisition de la nationalité
française par la personne visée en vertu de l'article 21-4
du code civil.
Afin de définir cette exigence de façon positive, il serait
désormais mentionné à l'article 21-2 du code civil
que le conjoint étranger doit justifier d'une connaissance suffisante
par l'intéressé, selon sa condition, de la langue
française
(premier alinéa). La procédure d'opposition
précitée serait modifiée en conséquence
221(
*
)
.
Tout comme la
durée de deux ans de mariage
, les critères
de
nationalité française du conjoint du déclarant
et de
communauté de vie
des époux seraient maintenus,
ceux-ci constituant en effet un signe réel d'intégration.
Par conséquent, loin de
gêner la volonté des conjoints
sincères, les dispositions envisagées constitueraient une
incitation pour les conjoints désireux de s'engager dans un projet
commun.
Le délai exigé de communauté de vie serait porté
à trois ans lorsque l'étranger, au moment de sa
déclaration, ne justifie pas avoir résidé de
manière ininterrompue pendant au moins un an en France à compter
du mariage
(deuxième alinéa). Il convient en effet de
constater que l'assimilation est plus facilement constatée lorsque la
durée minimum de vie commune est accompagnée par une durée
minimum de résidence en France.
Cette réforme tend explicitement à faciliter
l'intégration des conjoints étrangers en confortant le respect
de la condition d'assimilation qui est au coeur de la tradition
française d'accès à la nationalité
.
Enfin, le dispositif proposé supprimerait la dérogation au
délai de mariage requis accordée aux conjoints devenant parents
d'un enfant avant ou après le mariage.
Il conforterait ainsi la politique gouvernementale d'intégration
républicaine et s'inscrirait dans une
conception élective de
la Nation
, dans la lignée des conclusions de la commission de la
nationalité en tendant à rechercher l'adhésion des
déclarants à nos valeurs et à nos règles de droit.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 35 A nouveau
ainsi
modifié
.