C. ASSURER L'ESSOR DE L'ÉPARGNE RETRAITE
a) Un bilan mitigé du développement de l'épargne-retraite
Jusqu'au vote de la loi portant réforme des retraites du 21 août 2003, l'épargne retraite était demeurée en France insuffisante et d'un accès encore difficile.
Les trois piliers du système de retraite
Le
système de retraite français, comme dans d'autres pays
européens, est construit sur trois piliers.
Le
premier pilier
est celui des régimes de retraite obligatoires
par répartition qui sont, en France, gérés par
l'État, la sécurité sociale ou par des caisses
professionnelles autonomes et les régimes complémentaires
obligatoires AGIRC et ARRCO ;
Le
deuxième pilier
se met en place dans le cadre professionnel.
C'est là que se trouvent les fonds de pension existants, qui constituent
« le troisième étage » de la retraite en
supplément du régime de base et des régimes
complémentaires. Ils bénéficient de régimes fiscaux
particuliers et obéissent aux systèmes prudentiels relevant du
code des assurances, du code de la sécurité sociale ou du code de
la mutualité. Il est possible d'ajouter à ce système
l'épargne salariale et certains régimes supplémentaires
obligatoires ;
Le
troisième pilier
relève de la décision
individuelle et est constitué pour tous les produits d'épargne
longue, fiscalement bonifiés, à la disposition des ménages
(PEA, assurance vie, etc.).
Répartition en France des trois piliers
selon leur
participation au financement de la retraite
Premier pilier |
Deuxième pilier |
Troisième pilier |
87 % |
4 % |
9 % |
Source : AFPEN
L'épargne constituée en vue de la retraite
représente d'ailleurs un complément significatif de pension pour
de nombreux retraités, comme l'a souligné le COR en septembre
2002 :
« Les pensions versées par les régimes par
répartition sont souvent complétées par une part, plus ou
moins importante, de revenus du patrimoine. On estime en général
que les revenus du patrimoine représentent 20 à 25 % des
revenus des retraités, avec une forte dispersion en fonction du revenu,
cette part étant en outre supérieure à la moyenne chez les
anciens non-salariés (professions libérales, artisans et
commerçants, agriculteurs) qui ont souvent pu constituer un patrimoine
au moment de la retraite en vendant leur commerce, leurs terres ou leur
clientèle ».
Pour autant, l'épargne retraite, avant le vote de la loi du
21 août 1983, apparaissait encore opaque, éclatée et,
en définitive, inégalitaire et son concept demeurait
imprécis comme l'observait à nouveau le COR :
« Parmi les différentes formes d'épargne
financière, il n'est pas simple de départager celles qui
constituent de l'épargne retraite de celles qui n'en constituent pas.
Certains produits constituent par définition de l'épargne
retraite : ce sont les dispositifs permettant d'acquérir des
annuités viagères, qui couvrent le risque lié à
l'incertitude sur la durée de la vie. Les autres formes
d'épargne, caractérisées par une sortie en capital,
peuvent constituer un produit d'épargne pour la retraite pour certains
ménages, mais ceci n'est alors qu'une finalité parmi
d'autres ; cette finalité est d'autant mieux
caractérisée que l'épargne ainsi constituée est
bloquée pour une durée longue ».
A cette opacité, s'ajoute un grand nombre de supports de
l'épargne retraite qui conduit alors à alimenter un paysage
inadapté et déstructuré. Ainsi, M. Eric Woerth, dans
son récent rapport sur l'épargne retraite présenté
au nom de la commission des Finances de l'Assemblée nationale
7(
*
)
, précisait :
« De nombreux outils existent pour répondre à ce
besoin. Mis en place à des époques différentes, selon des
mécanismes différents, pour des populations distinctes, ils se
sont accumulés pour former à l'heure actuelle un paysage confus
et foncièrement inéquitable, qui, de surcroît, ne couvre
pas la totalité des personnes potentiellement
intéressées. »
De fait, jusqu'à la loi du 21 août 2003, le régime
de l'épargne-retraite n'était pas satisfaisant. S'il existait
déjà certains produits financiers spécifiques
dédiés à ce mode particulier d'épargne, ils ne
restaient accessibles qu'à une partie seulement de la population.
Taux de détention d'une épargne retraite (1) en 2000
|
Répartition des ménages |
Epargne retraite |
Ensemble 1996 |
100,0 |
10,6 |
Ensemble 1998 |
100,0 |
9,2 |
Ensemble 2000 |
100,0 |
11,9 |
Age de la personne de référence |
|
|
Moins de 30 ans |
11,6 |
5,8 |
De 30 à 39 ans |
18,0 |
15,6 |
De 40 à 49 ans |
20,1 |
21,6 |
De 50 à 59 ans |
16,8 |
16,4 |
De 60 à 69 as |
13,9 |
6,7 |
70 ans ou plus |
19,6 |
2,1 |
Catégorie sociale de la personne de référence |
|
|
Agriculteur |
1,5 |
37,6 |
Artisan, commerçant, industriel |
4,7 |
32,6 |
Profession libérale |
0,8 |
43,3 |
Cadre |
9,2 |
26,7 |
Profession intermédiaire |
12,9 |
17,2 |
Employé |
11,3 |
12,3 |
Ouvrier qualifié |
14,7 |
12,1 |
Ouvrier non qualifié |
5,3 |
4,4 |
Agriculteur retraité |
2,9 |
7,1 |
Indépendant retraité |
3,0 |
2,6 |
Salarié retraité |
24,8 |
3,8 |
Autre inactif |
9,0 |
2,1 |
Revenu annuel du ménage |
|
|
Moins de 60.000 francs |
14,4 |
2,6 |
De 60 à 100.000 francs |
22,0 |
4,3 |
De 100 à 150.000 francs |
24,5 |
10,1 |
De 150 à 240.000 francs |
24,7 |
15,9 |
De 240 à 300.000 francs |
6,9 |
25,9 |
300.000 francs ou plus |
7,5 |
31,9 |
Source : Enquête Patrimoine des ménages
2000.
(INSEE).
(1) L'INSEE recense ici les produits d'épargne collectifs ou
individuels avec sortie en rente viagère.
La mise en place d'un cadre destiné à l'épargne-retraite
figurait parmi les engagements du Président de la République lors
de la campagne électorale.
Dans son rapport précité, M. Eric Woerth procédait
à plusieurs estimations destinées, sur la base de la
législation alors en vigueur, à fournir un ordre de grandeur de
l'effort d'épargne nécessaire pour compenser la baisse
tendancielle des taux de remplacement des régimes de base et
complémentaires. Ainsi, par exemple, 1.000 euros d'épargne
annuelle permettraient à un salarié aujourd'hui âgé
de trente ans, employé modeste, de préserver, une fois à
la retraite, le taux de remplacement de son dernier salaire qui est aujourd'hui
de l'ordre de 79 %. A l'autre extrême, il faudrait près de
10.000 euros d'épargne annuelle au cadre supérieur à la
carrière rapide et aujourd'hui âgé de cinquante ans pour
préserver un taux de remplacement par ailleurs modeste. Entre ces deux
hypothèses, les autres simulations sur cas-types attestent de la
nécessité et la pertinence d'un supplément de
retraite : pour un salarié cadre à carrière moyenne
avec un salaire annuel de 40.000 euros, le montant correspondant serait de
4.200 euros par an.