Art. 471 du code civil : Aménagement de la curatelle par jugement spécial

Cet article maintient la possibilité pour le juge, actuellement prévue à l'article 511, d'augmenter ou de diminuer la capacité du majeur en curatelle. Le juge dispose en la matière d'un pouvoir souverain pour énumérer les actes que la personne en curatelle a la capcité de faire seule ou, à l'inverse, ajouter d'autres actes à ceux pour lesquels l'assistance du curateur est exigée, à condition de rechercher si le majeur est apte ou non à accomplir tel ou tel acte 100 ( * ) .

Ainsi, lorsque l'état du majeur le justifie, le juge peut le faire participer plus activement à la gestion de son patrimoine en lui conférant une capacité plus étendue que celle résultant du droit commun. À l'inverse, il peut renforcer l'incapacité du majeur, soit en augmentant le domaine d'assistance du curateur au-delà des actes de disposition, soit même en créant un domaine de représentation pure et simple. Un tel accroissement ne saurait cependant transformer la curatelle en tutelle. L'aggravation de l'état du majeur doit en effet entraîner la procédure d'ouverture d'une tutelle.

L'aménagement de la curatelle reste possible au moment de l'ouverture de la mesure ou ultérieurement. En revanche, le projet de loi supprime l'obligation pour le juge de demander son avis au médecin traitant de la personne protégée.

Art. 472 du code civil : Curatelle renforcée

Cet article maintient la possibilité pour le juge de prononcer une curatelle renforcée.

L'article 512 actuel prévoit que le juge, en nommant le curateur, peut ordonner qu'il percevra seul les revenus de la personne en curatelle, assurera lui-même, à l'égard des tiers, le règlement des dépenses et versera l'excédent, s'il y a lieu, à un compte ouvert chez un dépositaire agréé . Le curateur ainsi nommé doit rendre compte de sa gestion chaque année au greffier en chef du tribunal d'instance ou au juge des tutelles s'il le demande.

Pour prononcer une curatelle renforcée, le juge a seulement à rechercher si le majeur à protéger est ou non apte à percevoir ses revenus et à en faire une utilisation normale 101 ( * ) . L'inaptitude du curatélaire à utiliser normalement ses revenus est exigée, à peine de nullité de la mesure 102 ( * ) .

En cas de curatelle renforcée, le pouvoir de représentation confié au curateur est exclusivement limité à la perception des revenus et au règlement des dépenses. Pour les autres actes, le régime d'assistance de droit commun continue de s'appliquer, le curateur n'ayant pas le pouvoir d'accomplir seul les actes de disposition pour le compte du curatélaire.

Le projet de loi apporte quatre modifications au régime de la curatelle renforcée :

- l'ouverture d'une curatelle renforcée pourra désormais avoir lieu à tout moment , et non plus seulement au moment de l'ouverture de la mesure ;

- les modalités de gestion des fonds sont adaptées pour tenir compte de l'obligation d'ouvrir un compte au nom du majeur protégé ;

- le pouvoir de représentation du curateur est étendu . Celui-ci pourra désormais être autorisé à conclure seul un bail d'habitation ou une convention d'hébergement au nom du majeur protégé . Comme le souligne M. Emile Blessig, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale : « Loger une personne vulnérable est en effet souvent la première décision urgente à prendre pour la protéger au sens strict du terme, c'est-à-dire lui trouver un toit. Il est donc en pratique très utile de permettre au curateur de représenter la personne protégée pour conclure un bail d'habitation ou une convention d'hébergement ». Cette disposition ne jouera cependant qu'en cas curatelle renforcée ;

- les modalités de contrôle de la gestion sont précisées . Le curateur sera soumis à l'obligation d'établir un inventaire des biens du majeur ; ses comptes seront établis et contrôlés comme ceux d'un tuteur, selon les règles établies par les articles les articles 510 à 515.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a prévu que la possibilité pour le curateur de conclure un bail ne devait pas remettre en cause le droit de la personne protégée de choisir librement son logement.

Le régime de la curatelle englobe ainsi des mesures aux conséquences extrêmement différentes. Entre la curatelle simple, degré premier de la curatelle, et la curatelle dite renforcée existe un gouffre que le projet de loi accentue.

Dans la curatelle simple, le curateur n'intervient que pour consentir à l'exécution d'actes de disposition. C'est une simple mesure de précaution, qui répond à des situations particulières : personne considérée comme fragile et disposant d'un patrimoine dont on peut craindre qu'elle le dilapide si elle se trouve soumise à de douteuses influences ou encore majeur ayant été soumis à une mesure de protection plus lourde mais en voie d'être levée. Le curateur n'intervient que très ponctuellement, ne voit le majeur qu'en cas de nécessité et ne rend pas de comptes de gestion. C'est une mesure très peu pratiquée qui, selon M. Michel Bauer, M. Thierry Fossier et Mme Laurence Pecaut-Rivolier, représente vraisemblablement 5 à 10 % des mesures de protection.

A l'autre extrême, la curatelle renforcée est une mesure lourde. Le majeur n'a plus accès directement à ses revenus : le curateur les gère, paye les factures, place les économies, devient l'interlocuteur de la banque et des divers créanciers du majeur... Dans le quotidien, il est parfois difficile de comprendre la différence réelle entre une mesure de curatelle renforcée et une mesure de tutelle, surtout s'il n'y a rien d'autre à gérer que des revenus courants.

Pourtant, la différence reste essentielle : en tutelle, la personne est totalement représentée : le tuteur prend seul les décisions courantes et en réfère au juge des tutelles pour les décisions importantes. En curatelle, le curatélaire reste l'ultime décisionnaire. Il doit être informé et participer à toutes les décisions importantes le concernant, avec l'exigence de la co-signature.

* 100 Cass. 1 ère civ, 1 er janvier 1986.

* 101 Cass. 1 ère civ, 1 er juillet 1986.

* 102 Cass. 1 ère civ, 6 avril 1994.

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