EXAMEN DES ARTICLES

TITRE Ier - MOBILISER LES ENTREPRENEURS

Le titre I er contient, regroupées en quatre chapitres, les dispositions du projet de loi orientées vers la mobilisation des entrepreneurs, aussi bien les entrepreneurs individuels, qui font l'objet du chapitre Ier, que l'ensemble des PME, dont il s'agit de favoriser le développement, notamment par la réduction des délais de paiement et le renforcement d'outils de financement de leur développement (chapitre II), et de simplifier le fonctionnement, s'agissant en particulier des SARL et des sociétés par actions simplifiées (chapitre III). Le titre Ier ambitionne aussi de favoriser la reprise et la transmission des entreprises grâce à diverses mesures fiscales incitatives, et de faciliter le « rebond » en proposant d'améliorer les dispositifs de seconde chance au bénéfice des entrepreneurs ayant échoué (chapitre IV).

L'Assemblée nationale n'a pas modifié la structure du titre Ier ni les intitulés de ses divisions. Elle l'a en revanche amplement complété en y insérant trente-quatre articles additionnels, faisant passer le nombre de ses articles de vingt à cinquante-quatre.

CHAPITRE IER - Instaurer un statut de l'entrepreneur individuel

Le chapitre I er du titre I er rassemble les dispositions tendant à instaurer un statut de l'entrepreneur individuel . Dans la rédaction présentée à l'Assemblée nationale, ce chapitre prévoyait notamment la création d'un régime simplifié et libératoire de prélèvement fiscal et social sur le chiffre d'affaires (article 1 er ), la suppression, sous certaines conditions, de l'immatriculation aux registres de publicité légale pour les salariés et retraités exerçant une activité indépendante accessoire (article 3), la suppression du régime d'autorisation administrative pour la transformation de locaux d'habitation en locaux commerciaux situés au rez-de-chaussée (article 4) et la protection du patrimoine des entrepreneurs individuels (article 5). Pour sécuriser l'activité des entrepreneurs, le projet de loi étendait en outre le champ d'application du rescrit social (article 2).

L'Assemblée nationale a d'une part renforcé ces différentes dispositions, en insérant par exemple dans l'article 2 des dispositions généralisant le rescrit fiscal actuellement défini et encadré par les articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, mais surtout en insérant dans le projet de loi un nombre significatif de dispositions nouvelles telles que la réévaluation des seuils d'accès au régime de la micro-entreprise (article 1 er bis ), l'encadrement du calcul des redressements effectués sur les exonérations des cotisations de sécurité sociale accordées sur la part contributive de l'employeur dans les titres-restaurant et les chèques-transport (article 2 bis ), la fixation d'une date unique d'application des nouveaux taux de prélèvements sociaux (article 2 ter ), la création d'une procédure de rescrit concernant l'attribution des aides au maintien et à la sauvegarde de l'emploi (article 2 quater ), ou encore l'habilitation à étendre par ordonnance aux personnes physiques la qualité de constituant d'une fiducie (article 5 ter ). Cette dernière initiative est inscrite dans le droit fil des souhaits exprimés par M. Philippe Marini, auteur de la proposition de loi instituant la fiducie, lors de la discussion de la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie.

L'Assemblée nationale a ainsi ajouté dix articles nouveaux aux cinq articles que comprenait le chapitre I er du titre I er .

Comme pour les autres dispositions du projet de loi, votre commission spéciale a procédé à l'examen du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale dans la perspective d'en confirmer la richesse, d'en renforcer la cohérence et d'en rendre le dispositif plus opérationnel quand le rythme de la procédure législative n'a pas permis d'aboutir immédiatement à une rédaction entièrement satisfaisante. C'est ainsi, à titre d'illustration, que votre commission spéciale a notamment souhaité manifester symboliquement son attachement à la reconnaissance de la notion d'entreprise de taille moyenne (ETM). C'est aussi dans cet esprit que, plutôt que de renvoyer à une ordonnance, elle a décidé d'étendre directement la qualité de constituant d'une fiducie aux personnes physiques, cette disposition étant de nature à mieux sécuriser le patrimoine des entrepreneurs individuels. C'est enfin dans un souci d'efficacité de la loi qu'elle s'est attachée à rendre entièrement opérationnelles certaines dispositions utiles insérées par l'Assemblée nationale, telles que la généralisation du rescrit fiscal et la création du rescrit concernant l'attribution des aides au maintien et à la sauvegarde de l'emploi.

Article 1er A (nouveau) - Définition législative des particuliers employeurs

Commentaire : cet article, inséré à l'Assemblée nationale avec l'accord du Gouvernement, définit le rôle économique et social du particulier employeur.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Cet article vise, selon les explications données en séance publique, « à définir l'activité de particulier employeur, de façon à reconnaître tous ceux qui participent directement à la croissance en employant un salarié au sein même de leur domicile ». Comme le précise son exposé des motifs, « ce modèle répond aux attentes des Français en matière d'accompagnement et offre des réponses aux enjeux sociaux démographiques tels que le taux d'activité des femmes, le vieillissement de la population et le risque accru de la dépendance, la recherche de l'équilibre entre vie familiale et vie professionnelle, le recul de l'entraide intergénérationnelle. Pour poursuivre la croissance et la démocratisation de ce modèle, il est donc nécessaire de reconnaître officiellement cette population d'employeurs ».

II. La position de votre commission spéciale

La reconnaissance du rôle économique et social des particuliers employeurs à travers l'insertion dans la loi d'une disposition présentant une définition synthétique de leur activité apparaît légitime.

Votre commission spéciale a adopté un amendement afin de modifier l'insertion de cet article dans le projet de loi. Il s'agit de faire en sorte que les premiers articles du chapitre Ier du titre Ier correspondent à l'intitulé de ce chapitre.

Votre commission spéciale vous propose de supprimer cet article.

Article 1er - (articles L. 131-6, L. 131-6-2, L. 133-6-8 [nouveau], L. 133-6-2, L. 136-3 du code de la sécurité sociale et articles 151-0 [nouveau], 163 quatervicies, 197 C, 200 sexies, 1417, 1649-0 du code général des impôts) Régime fiscal et social des micro-entreprises

Commentaire : cet article améliore le régime fiscal et social des micro-entreprises en créant un prélèvement fiscal et social libératoire calculé en pourcentage du chiffre d'affaires.

I. Le droit en vigueur

Les dispositions prévues par l'article 1 er du projet de loi visent les travailleurs indépendants bénéficiant du régime fiscal des micro-entreprises défini aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts.

A. Le régime fiscal des micro-entreprises et professions libérales

Celui-ci est destiné aux entreprises individuelles inscrites au registre du commerce ou immatriculées au répertoire des métiers (entrepreneurs individuels, artisans) et aux membres des professions libérales, bénéficiant de la franchise en base de TVA, dont le chiffre d'affaires annuel hors taxes est inférieur ou égal à :

- 76.300 euros en ce qui concerne les exploitants dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fourniture de logement ;

- 27.000 euros en ce qui concerne les activités de prestation de services ;

- 27.000 euros en ce qui concerne les contribuables imposés au titre des bénéfices non commerciaux (professions libérales, consultants, titulaires des charges et offices dont n'ayant pas la qualité de commerçants).

Le bénéfice soumis à l'impôt est fixé après déduction du chiffre d'affaires d'un abattement forfaitaire pour frais professionnels (l'abattement intègre donc toutes les charges exposées par l'entreprise dans le cadre de son exploitation : charges sociales, salaires, loyers de location...). Cet abattement, fixé au minimum à 305 euros, est de :

- 71 % pour les activités d'achat-revente, de vente à consommer sur place et de fourniture de logement ;

- 50 % pour les prestataires de services ;

- 34 % pour les contribuables imposés au titre des bénéfices non commerciaux.

Les entreprises placées sous le régime micro doivent porter directement sur leur déclaration d'impôt sur le revenu le montant du chiffre d'affaires annuel et de ses éventuelles plus-values et moins-values, l'adresse du principal établissement ainsi que le nombre de salariés. Elles doivent tenir un livre-journal détaillant les recettes ainsi qu'un registre récapitulatif par année, présentant le détail de leurs achats. Elles ont enfin l'obligation de conserver l'ensemble des factures et des pièces justificatives relatives aux achats, ventes et prestations de services qu'elles ont réalisés.

Le régime des micro-entreprises reste applicable au calcul de l'impôt dû au titre de la première année de dépassement des limites de chiffre d'affaires.

Les entreprises concernées peuvent renoncer à lui en optant sur papier libre, auprès de leur service des impôts et avant le 1 er février de l'année pour laquelle elles souhaitent changer de régime, soit pour le régime réel simplifié, soit pour le régime réel normal.

Aucune mesure relative au mode de prélèvement de l'impôt ne complète actuellement ce dispositif. Le versement libératoire prévu au II de l'article 1 er du projet de loi corrige cette situation.

B. Le régime social des micro-entreprises

Le dispositif que l'on peut qualifier de « régime social » des micro-entreprises, le projet de loi retient l'expression de « régime micro-social », figure au dernier alinéa de l'article L. 131-6 et à l'article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale. Il concerne les entreprises bénéficiant du régime fiscal des micro-entreprises.

Résultant de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, il porte d'une part sur l'assiette des cotisations et la périodicité de leur calcul, et prévoit d'autre part le plafonnement des cotisations.

Il est intéressant d'inscrire ces deux dispositifs dans le contexte du régime social des indépendants.

1. Le régime social des indépendants

Rappelons que le régime social des indépendants (RSI) regroupe depuis le 1 er juillet 2006 le régime maladie des indépendants (AMPI), le régime vieillesse, invalidité-décès des artisans (AVA) et le régime vieillesse, invalidité-décès des commerçants (ORGANIC). Au 1 er janvier 2008, le RSI a pris également en charge le recouvrement des cotisations d'allocations familiales, de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution de remboursement de la dette sociale (CRDS), effectué jusqu'alors par les Urssaf. Il couvre :

- au titre de l'assurance maladie et maternité les travailleurs non salariés non agricoles mentionnés à l'article L. 613-1 du code de la sécurité sociale ;

- au titre de l'assurance vieillesse, de l'invalidité-décès et de l'assurance vieillesse complémentaire obligatoire les personnes appartenant aux groupes des professions artisanales et des professions industrielles et commerciales mentionnées à l'article L. 621-3 du même code.

L'article 131-6 prévoit que les cotisations sociales, la CSG et la CRDS sont assises sur le revenu professionnel non salarié. Le revenu pris en compte est celui retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu avant les diverses déductions et exonérations prévus par le code général des impôts, ainsi que ceux tirés de la location de tout ou partie d'un fonds de commerce, d'un établissement artisanal, ou d'un établissement commercial ou industrie, lorsque ces revenus sont perçus par une personne qui réalise des actes de commerce au titre de l'entreprise louée ou y exerce une activité.

Les cotisations, établies sur une base annuelle, sont calculées à titre provisionnel en pourcentage du revenu professionnel de l'avant-dernière année, puis régularisées quand le revenu professionnel est définitivement connu. Le décalage entre la perception du revenu et le règlement des cotisations pose problème pour les activités nouvelles, c'est pourquoi un régime d'assiette forfaitaire a été institué au cours des deux premières années d'activité.

En fonction de ce régime, la possibilité est ouverte d'asseoir les cotisations sur une base forfaitaire et non sur le revenu d'activité au cours des deux premières années d'activité.

En ce qui concerne la première année :

- les cotisations au titre de l'assurance maladie-maternité et de la retraite de base sont calculées en 2007 sur une base de 6.622 euros ;

- les cotisations pour la retraite complémentaire et l'assurance invalidité-décès sont calculées sur la base de 6.622 euros pour les commerçants, et sur une base de 10.728 euros pour les artisans.

En ce qui concerne la deuxième année d'activité, les montants correspondants sont respectivement portés en 2007 à 9.932 euros et 16.092 euros.

Si le redevable le juge plus favorable, il peut demander le calcul de ses cotisations sur la base de son revenu estimé, cette possibilité n'étant pas réservée aux deux premières années d'activité, mais permanente. Une majoration de retard de 10 % est appliquée sur l'insuffisance de versement des acomptes provisionnels lorsque le revenu définitif est supérieur de plus d'un tiers au revenu estimé par l'assuré.

Par ailleurs, sur demande des redevables, une possibilité de report du paiement des cotisations dues au titre des douze premiers mois d'activité est ouverte. Le paiement peut être alors étalé sur une durée maximale de cinq ans sans majoration de retard.

Enfin, si ses revenus sont inférieurs à certains seuils, le travailleur indépendant doit cotiser sur une base annuelle minimale.

A ces différents éléments s'ajoutent deux dispositions spécifiques intéressant les micro-entreprises, qui font l'objet de l'article 1 er du projet de loi.

2. L'assiette des cotisations des micro-entreprises et la périodicité de leur calcul

Les dispositions relatives à l'assiette des cotisations des micro-entreprises et la périodicité de leur calcul sont applicables en début d'activité. Elles figurent dans le dernier alinéa de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale.

Celui-ci octroie aux personnes entrant dans le champ d'application des articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts (régime fiscal des micro-entreprises) la possibilité de demander pour l'année au cours de laquelle débute leur activité professionnelle et les deux années civiles suivantes, que l'ensemble de leurs cotisations et contributions de sécurité sociale soit calculé trimestriellement en appliquant la fraction de 14 % ou 24,6 % visée à l'article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale (voir ci-dessous) au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le trimestre précédent.

Ce système est destiné à d'éviter aux indépendants connaissant un début d'activité difficile le paiement de cotisations provisionnelles élevées au cours des deux premières années.

Ce régime reste applicable à l'année civile au cours de laquelle les plafonds de chiffre d'affaires ou de recettes du régime fiscal des micro-entreprises (76.300 euros ou 27.300 euros) sont dépassés.

3. Le plafonnement des cotisations des micro-entreprises

Les dispositions relatives au plafonnement des cotisations sont d'application permanente. Elles figurent dans l'article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale.

Celui-ci exonère les personnes entrant dans le champ d'application des articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts des cotisations obligatoires de sécurité sociale à hauteur d'une somme égale à la différence, si elle est positive, entre le total des cotisations et contributions sociales dont ils sont redevables et une fraction de leurs chiffres d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux fixée à 14 % en ce qui concerne les activités commerciales, et à 24,6 % en ce qui concerne les activités artisanales et de services.

Ce dispositif n'est pas cumulable avec les dispositifs d'exonération applicables aux créateurs ou repreneurs d'entreprises suivants :

- l'exonération de cotisations en faveur des assurés bénéficiant de l'aide aux demandeurs d'emploi créant ou reprenant une entreprise (Accre) ;

- l'exonération de cotisations accordée aux travailleurs non salariés qui débutent leur activité dans les DOM ;

- l'exonération de cotisation d'assurance maladie-maternité accordée aux artisans, industriels et commerçants installés en zone franche urbaine (ZFU) ou en zone de redynamisation urbaine (ZRU).

II. Le dispositif initialement proposé

A. Le régime social des micro-entreprises

Le § I de l'article 1 er du projet de loi rassemble dans l'article L. 133-6-8 unique d'une section 2 ter nouvelle du chapitre 3 bis du titre III du livre 1 er du code la sécurité sociale les éléments les dispositions analysées ci-dessus, remodelées et améliorées, du régime social des micro-entreprises.

Les 1° et 2° du § I suppriment le dernier alinéa de l'article 316-6 et l'article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale, qui énoncent les dispositions existantes, comme on l'a vu.

Le 3° du § I fixe le nouveau régime social.

- les bénéficiaires restent les entreprises individuelles bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts ;

- celles-ci peuvent demander que les cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées soit mensuellement soit trimestriellement, de façon désormais permanente et non plus seulement durant les premières années d'activité ;

- le taux des cotisations ne sera plus le taux, fixé actuellement par la loi, de 14 % en ce qui concerne les activités commerciales et celui de 24,6 % en ce qui concerne les activités artisanales et de services, mais sera déterminé par décret pour chacune de ces catégories. Il ne pourra être « inférieur à la somme des taux des contributions mentionnés à l'article L. 136-3 et à l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ». En l'occurrence, il devrait être fixé à 12 % pour les activités commerciales et à 21,3 % pour les activités artisanales et de services ;

- ce régime demeure applicable au titre des deux premières années , et non plus seulement de la première année, au cours desquelles les plafonds de chiffre d'affaires ou de recettes du régime fiscal des micro-entreprises (76.300 euros ou 27.300 euros) sont dépassés ;

- cependant, et c'est aussi une nouveauté, il ne continue de s'appliquer que « jusqu'au 31 décembre de l'année civile au cours de laquelle les montants de chiffre d'affaires ou de recettes mentionnés aux 1 et 2 du II de l'article 293 B du code général des impôts sont dépassés ». Ces montants s'élèvent, à 84.000 euros dans le cas d'activités de livraisons de biens, de ventes à consommer sur place ou de prestations d'hébergement, et à 30.500 euros pour les autres prestations de services.

Les 4° et 5° du § I effectuent les coordinations de références nécessaires dans différents articles du code de la sécurité sociale.

B. Le régime fiscal des micro-entreprises

Le § II de l'article 1 er du projet de loi insère dans le code général des impôts un article 151-0 créant un régime de versement libératoire de l'impôt sur le revenu assis sur le chiffre d'affaires ou les recettes d'activité professionnelle des micro-entreprises . Ce régime complète le dispositif d'abattement forfaitaire (cf. I ci-dessus) institué par les articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts. Il ouvre en effet aux contribuables ayant opté pour le dispositif des articles 50-0 ou 102 ter la possibilité d'effectuer un versement libératoire de l'impôt sur le revenu assis sur leur chiffre d'affaires ou les recettes de leur activité professionnelle.

Pour bénéficier de cette option il est nécessaire que :

- le montant des revenus du foyer fiscal de l'avant-dernière année soit inférieur ou égal, pour une part de quotient familial, à la limite supérieure de la troisième tranche (25.195 euros en ce qui concerne les revenus de 2007) du barème de l'impôt sur le revenu de l'année précédant celle au cours de laquelle l'option est exercée, cette limite étant majorée respectivement de 50 % ou 25 % par demi-part ou quart de part supplémentaire ;

- l'option pour le régime prévu au nouvel article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale (cf. A ci-dessus) ait été exercée.

Le texte du nouvel article 151-0 prévoit par ailleurs que les versements sont liquidés par application au montant du chiffre d'affaires ou des recettes hors taxes de la période considérée les taux de :

-1 % pour les entreprises concernées par le premier seuil retenu à l'article 50-0 du code général des impôts (76.000 euros de chiffre d'affaires annuel concernant le secteur du commerce ) ;

- 1,7 % pour les entreprises concernées par le second seuil prévu à ce même article, (27.000 euros de chiffre d'affaires annuel) concernant le secteur des services ;

- 2,2 % pour les professions libérales , visées par le seuil mentionné à l'article 102 ter du code général des impôts (27.000 euros).

Les versements effectués dans ces conditions libèrent l'entreprise de l'impôt sur le revenu établi sur la base du chiffre d'affaires ou des recettes annuelles , au titre de l'année de réalisation des résultats de l'exploitation, à l'exception des plus et moins-values provenant de la cession de biens affectés à l'exploitation.

L'option correspondante est adressée à l'administration au plus tard le 31 décembre de l'année précédant celle au titre de laquelle elle est exercée et, en cas de création d'activité, au plus tard le dernier jour du mois qui suit celui de la création, cette option s'appliquant tant qu'elle n'a pas été expressément dénoncée. Elle cesse de s'appliquer dans trois cas :

- au titre de l'année civile au cours de laquelle le régime de « micro-imposition » défini aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts ne s'applique plus ;

- au titre de la deuxième année civile suivant celle au cours de laquelle le montant des revenus du foyer fiscal du contribuable excède la limite supérieure de la troisième tranche du barème de l'impôt sur le revenu (25.195 euros en ce qui concerne les revenus de 2007, comme indiqué ci-dessus ; notons que la majoration de 50 % ou 25 % par demi-part ou quart de part supplémentaire n'est pas mentionnée ici) ;

- au titre de l'année civile à raison de laquelle le régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale ne s'applique plus.

Enfin, les versements sont effectués suivant la périodicité applicable au recouvrement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévu par le régime social des micro-entreprises mentionné à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité social (cf. A ci-dessus).

Les § III à VII de l'article 1 er effectuent les coordinations nécessaires dans le code général des impôts.

C. L'entrée en vigueur du nouveau régime fiscal et social des micro-entreprises

Le § VIII de l'article 1 er prévoit l'entrée en vigueur nouveau régime fiscal et social des micro-entreprises à compter du 1 er janvier 2009.

Par ailleurs, l'abrogation des dispositions en vigueur relatives au plafonnement des cotisations (article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale) prendra effet à compter de la soumission aux cotisations et contributions de sécurité sociale des revenus de l'année 2010.

Il s'agit de ménager une transition entre le « bouclier fiscal » actuel et le nouveau régime. Ainsi, les micro-entreprises pourront-elles continuer à bénéficier du mécanisme en vigueur sur les revenus de 2007, avec effet sur la régularisation payée en 2008 ; sur les revenus de 2008, avec effet sur les provisions payées en 2008 et les régularisations payées en 2009 ; et sur les revenus 2009, avec effet sur les provisions payées en 2009 et les régularisations payées en 2010.

LISIBILITÉ, PRÉVISIBILITÉ, SÉCURITÉ

La combinaison du régime social des micro-entreprises et du nouveau système de versement libératoire de l'impôt sur le revenu débouche sur des taux fiscaux et sociaux globaux libératoires de 13 % pour les activités commerciales et de 23 % pour les activités artisanales et de services. Autre élément de simplification : l'impôt et les cotisations dépendront d'un seul paramètre, le chiffre d'affaires. En outre, le versement libératoire sera effectué pour solde de tout compte, sans régularisation ultérieure. L'article 1 er satisfait ainsi un triple objectif de lisibilité, de prévisibilité et de sécurité.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Outre trois amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, trois amendements à cet article :

- le premier prévoit que l'option en faveur du régime social de la micro-entreprise est exercée, en cas de création d'activité, au plus tard le dernier jour du troisième mois, et non pas du mois, suivant la création ;

- le deuxième modifie la rédaction de l'article L. 133-6-2 du code de la sécurité sociale, relatif à la déclaration de revenus que doivent souscrire les travailleurs indépendants pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales, dont ils sont redevables. Il s'agit de supprimer cette déclaration, les informations nécessaires étant désormais transmises aux organismes de recouvrement dans le cadre des échanges d'informations prévus à l'article L. 114-14 du code de la sécurité sociale entre les administrations fiscales et les administrations chargées de l'application de la législation sociale et du travail ainsi que les organismes de protection sociale. Si cette procédure de transmission des données connaît des ratés, l'amendement prévoit que les organismes de recouvrement demandent une déclaration aux travailleurs indépendants concernés.

Le texte adopté prévoit aussi que cette modification s'appliquera pour la première fois à l'occasion de la régularisation des cotisations et contributions sociales assises sur les revenus de l'année 2009, en effet, il est nécessaire de tenir compte des adaptations encore à réaliser sur les imprimés de déclaration fiscale ainsi que de la mise en conformité des différents systèmes informatiques et des calendriers d'appel. Par ailleurs, un décret pourra reporter cette application à la régularisation des cotisations et contributions sociales assises sur les revenus de l'année 2010.

L'exposé des motifs de l'amendement précise que cette simplification concernera immédiatement 70 % des travailleurs indépendants, soit 200.000 assurés au régime de la micro-entreprise et 900.000 exploitants relevant de régimes réels ;

- le troisième amendement dispose, à l'instar de ce qui est prévu pour l'option du régime social, que l'option en faveur du régime fiscal de la micro-entreprise est exercée, en cas de création d'activité, au plus tard le dernier jour du troisième mois, et non pas du mois, suivant la création.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale estime que le dispositif mis en place par cet article est très incitatif à l'expansion de la micro-entreprise. Elle vous propose de l'adopter avec, outre un amendement rédactionnel, un amendement complétant sur des points techniques la disposition adoptée par l'Assemblée nationale pour supprimer la déclaration unique des revenus des indépendants servant au calcul et au recouvrement de leurs cotisations et contribution sociales.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 1er bis (nouveau) - (articles 50-0, 96, 102 ter, 293 B et 293 G du code général des impôts) Augmentation des seuils permettant de bénéficier du régime fiscal de la micro-entreprise

Commentaire : cet article, introduit à l'initiative de notre collègue député Jean-Paul Charié, rapporteur du projet de loi au nom de la commission des affaires économiques, vise à augmenter les seuils permettant de bénéficier du régime fiscal de la micro-entreprise.

I. Le droit en vigueur

A. Un revenu imposable forfaitaire pour les micro-entreprises

Aux termes des articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts, le régime des micro-entreprises dit « régime micro » est réservé aux entreprises individuelles, soumises à l'impôt sur le revenu .

Son bénéfice est soumis au respect d'un montant total de chiffre d'affaires annuel réalisé par l'entreprise, qui varie selon la nature de l'activité. Le chiffre d'affaires hors taxes ne doit ainsi pas excéder :

- 76.300 euros pour les exploitants dont le commerce principal est de vendre des marchandises, des objets, des fournitures et des denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir un logement ;

- 27.000 euros pour les prestataires de services ou pour les contribuables percevant des revenus non commerciaux .

Sont toutefois exclus de ce régime :

- les contribuables qui exploitent plusieurs entreprises dont le total des chiffres d'affaires excède les limites mentionnées ci-dessus ;

- les opérations portant sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ;

- les opérations de location de matériels ou de biens de consommation durable, sauf lorsqu'elles présentent un caractère accessoire et connexe pour une entreprise industrielle et commerciale ;

- les opérations sur un marché à terme d'instruments financiers ou d'options négociables ou sur des bons d'option.

Enfin, le régime « micro » est réservé aux contribuables qui sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) , soit parce qu'ils réalisent des opérations non soumises à la TVA, soit parce qu'ils bénéficient de la franchise en base de TVA prévue à l'article 293 B du code général des impôts (voir ci-dessous). Il s'applique de plein droit, sous réserve de certaines autres exclusions et à moins que les intéressés n'aient opté pour l'imposition de leurs revenus selon un régime réel d'imposition.

Lorsque les conditions sont réunies, l'entreprise bénéficie d'obligations comptables et déclaratives simplifiées et voit son résultat imposable déterminé forfaitairement, par application au chiffre d'affaires annuel d'un abattement représentatif de l'ensemble des charges exposées par l'entreprise dans le cadre de son exploitation. Le revenu ainsi déterminé est ajouté au revenu global imposable à l'impôt sur le revenu, la déclaration et l'imposition intervenant l'année suivant celle de la réalisation des bénéfices.

Pour les entreprises exerçant une activité d'achat-revente ou de fourniture de logement, le taux d'abattement est fixé à 71 %. Ce taux est de 50 % pour les activités de services. Pour les entreprises non commerciales, une réfaction forfaitaire de 34 % est appliquée au montant brut des recettes annuelles .

En outre, comme cela a été vu précédemment, l'article 1 er du présent projet de loi propose d'améliorer ce régime en créant un prélèvement fiscal et social libératoire calculé en pourcentage du chiffre d'affaires.

B. Une franchise de TVA

Aux termes de l'article 293 B du code général des impôts, les contribuables dont le chiffre d'affaires de l'exercice précédent est inférieur aux seuils indiqués supra et dont le chiffre d'affaires de l'année en cours est inférieur à 84.000 euros s'ils réalisent des livraisons de biens, des ventes à consommer sur place ou des prestations d'hébergement, ou 30.500 euros s'ils réalisent d'autres prestations de services bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de TVA .

De plus, cette franchise peut également s'appliquer, sous réserve de ne pas dépasser un seuil fixé à 37.400 euros :

- pour les opérations réalisées par les avocats, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et les avoués, dans le cadre de l'activité définie par la réglementation applicable à leur profession ;

- pour la livraison de leurs oeuvres et la cession des droits patrimoniaux qui leur sont reconnus par la loi aux auteurs d'oeuvres de l'esprit, à l'exception des architectes ;

- pour l'exploitation des droits patrimoniaux qui sont reconnus par la loi aux artistes-interprètes.

En outre, ces assujettis bénéficient également d'une franchise pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services n'entrant pas dans les catégories visées supra , lorsque le chiffre d'affaires correspondant réalisé au cours de l'année civile précédente n'excède pas 15.300 euros.

Ces dispositions cessent de s'appliquer aux assujettis dont le chiffre d'affaires de l'année en cours dépasse respectivement 45.800 euros et 18.300 euros.

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de notre collègue député Jean-Paul Charié le présent article additionnel, visant à modifier les articles 50-0, 96 102 ter , 293 B et 293 G du code général des impôts de façon à augmenter les seuils de chiffre d'affaires permettant de bénéficier tant du régime fiscal des micro-entreprises que de la franchise de TVA .

Les nouveaux seuils proposés s'élèvent à :

- 80.000 euros pour le bénéfice de l'abattement forfaitaire de chiffre d'affaires et de la franchise de TVA pour les exploitants dont le commerce principal est de vendre des marchandises, des objets, des fournitures et des denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir un logement ;

- 32.000 euros pour le bénéfice de l'abattement forfaitaire de chiffre d'affaires et de la franchise de TVA pour les prestataires de services (et de l'abattement forfaitaire relatif aux bénéfices non commerciaux) ;

- 41.500 euros pour les opérations réalisées par les avocats, avoués, auteurs d'oeuvres de l'esprit et artistes-interprètes dans le cadre de leur activité principale ;

- 17.000 euros pour les autres opérations réalisées par ces derniers assujettis .

De plus, il est proposé que les seuils de chiffre d'affaires de l'année en cours entraînant la fin immédiate du bénéfice de la franchise de TVA soient portés à :

- 88.000 euros pour livraisons de biens, des ventes à consommer sur place ou des prestations d'hébergement ;

- 34.000 euros pour les prestataires de services ;

- 51.000 euros pour les activités principales des avocats, avoués, auteurs d'oeuvres de l'esprit et artistes-interprètes ;

- 20.500 euros pour les autres prestations de ces derniers assujettis.

III. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur comprend la démarche qui a guidé l'Assemblée nationale.

En effet, les seuils relatifs au régime de la micro-entreprise n'ont pas été révisés depuis 1998. Or, depuis lors, l'indice des prix hors tabac pour l'ensemble des ménages a augmenté de 18,5 %. Il semble donc raisonnable d'aménager les seuils afin de tenir compte de cette évolution.

De plus, les nouveaux seuils proposés par le présent article ne paraissent pas déraisonnables. Exprimés en pourcentage, les relèvements s'établiraient à :

- 4,8 % pour le bénéfice de l'abattement forfaitaire de chiffre d'affaires et de la franchise de TVA pour les exploitants dont le commerce principal est de vendre des marchandises, des objets, des fournitures et des denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir un logement ;

- 18,5 % pour le bénéfice de l'abattement forfaitaire de chiffre d'affaires et de la franchise de TVA pour les prestataires de services (et de l'abattement forfaitaire relatif aux bénéfices non commerciaux) ;

- 11 % pour les opérations réalisées par les avocats, avoués, auteurs d'oeuvres de l'esprit et artistes-interprètes dans le cadre de leur activité principale ;

- 11,1 % pour les autres opérations réalisées par ces derniers assujettis .

S'agissant des seuils de chiffre d'affaires de l'année en cours entraînant la fin immédiate du bénéfice de la franchise de TVA, ces mêmes pourcentages s'établiraient à :

- 4,8 % pour livraisons de biens, des ventes à consommer sur place ou des prestations d'hébergement ;

- 11,5 % pour les prestataires de services ;

- 11,4 % pour les activités principales des avocats, avoués, auteurs d'oeuvres de l'esprit et artistes-interprètes ;

- 12 % pour les autres prestations de ces derniers assujettis.

Si le coût de la mesure proposée est évalué à 100 millions d'euros, dans tous les cas, les relèvements proposés demeurent inférieurs ou égaux à l'évolution des prix depuis la dernière révision de ces seuils, il y a 10 ans . L'esprit du dispositif des micro-entreprises est donc respecté et les aménagements proposés ne sont pas tels qu'ils pourraient entraîner une remise en cause des conditions de concurrence.

En outre, la différence entre les taux de relèvement des seuils selon les catégories d'entreprises se justifie par l'écart existant entre les seuils actuels exprimés en termes « d'équivalent revenu ». Si les situations sont évidemment diverses, le seuil « micro » des entreprises commerciales correspond à un revenu annuel d'environ 22.000 euros, contre 17.500 euros pour les prestataires de services. Il paraît donc normal de procéder à un rééquilibrage dans le cadre de la révision de ce dispositif.

C'est pourquoi votre commission spéciale vous invite à adopter le présent article sans modification .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 1er ter - (articles 50-0, 96, 102 ter, 293 B, 293 G, 302 septies A et 302 septies A bis du code général des impôts) Actualisation des seuils permettant de bénéficier du régime de la micro-entreprise, du régime simplifié de liquidation des taxes sur chiffre d'affaires et du régime du bénéfice réel

Commentaire : cet article, adopté à l'initiative de notre collègue Nicolas Forissier, vise à ce que les seuils permettant de bénéficier du régime de la micro-entreprise, du régime simplifié de liquidation des taxes sur chiffre d'affaires et du régime du bénéfice réel soient actualisés chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu et arrondi à la centaine d'euros la plus proche.

I. Les travaux de l'Assemblée nationale

A. L'actualisation annuelle des seuils permettant de bénéficier de régimes fiscaux favorables

L'Assemblée nationale a adopté cet article additionnel à l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances.

Ses I, II, III, 2° du IV, V, VI et VII visent à compléter chacun des articles 50-0, 96, 102 ter , 293 B, 293 G, 302 septies A et 302 septies A bis du code général des impôts d'une disposition selon laquelle les seuils mentionnés par lesdits articles sont actualisés chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu et arrondis à la centaine d'euros la plus proche.

Ces seuils visent respectivement :

- le régime fiscal des micro-entreprises décrit dans le commentaire des articles 1 er et 1 er bis (articles 50-0 et 102 ter ) ;

- le régime de la déclaration contrôlée ordinaire et donc, a contrario , celui de la déclaration simplifiée des entreprises « micros » (article 96) ;

- le régime de la franchise de TVA des micro-entreprises, également décrit au sein du commentaire de l'article 1 er bis (articles 293 B et 293 G) ;

- le régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d'affaires (article 302 septies A) ;

- le régime du bénéfice réel à obligations allégées (302 septies A bis ), régime dit « réel simplifié » qui permet aux entreprises de bénéficier d'obligations comptables et déclaratives moins lourdes.

B. L'aménagement du régime de la franchise de TVA pour les micro-entreprises

Le 1° du IV du présent article tend à modifier le 4 du II de l'article 293 B du code général des impôts, aux termes duquel la franchise de TVA des micro-entreprises continue de s'appliquer aux assujettis dont le chiffre d'affaires de l'année précédente a excédé les seuils de 76.300 euros ou de 27.000 euros selon l'activité et dont le chiffre d'affaires de l'année en cours n'excède pas les seuils de 84.000 euros ou 30.500 euros selon l'activité.

Selon le dispositif proposé, le régime de la franchise de TVA continuerait de s'appliquer aux assujettis dont les chiffres d'affaires de la pénultième année et de l'année précédente n'ont pas excédé 76.300 euros ou de 27.000 euros selon l'activité et dont le chiffre d'affaires de l'année en cours n'excède pas les seuils de 84.000 euros ou 30.500 euros selon l'activité.

Le VIII propose que l'ensemble de ces mesures s'appliquent à compter du 1 er janvier 2009.

II. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur approuve l'esprit des mesures proposées par le présent article additionnel, complémentaires de ce que propose l'article 1 er bis . Il paraît en effet naturel que les seuils régissant la micro activité soient corrélés à l'évolution du barème de l'impôt sur le revenu. Ce dernier est déterminé chaque année dans le cadre de la loi de finances, en tenant compte des réalités économiques du moment, au premier rang desquelles l'évolution de l'indice des prix hors tabac.

Le coût de ces mesures devrait s'élever à environ 25 millions d'euros par an .

Dans un souci de clarification, votre rapporteur souhaite qu'il soit indiqué qu'un acte précise chaque année le niveau des seuils résultant des dispositions du présent article. A cette fin, il propose un amendement aux termes duquel un arrêté du ministre chargé du budget établira ce constat .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 1er quater (nouveau) Rapport au Parlement sur les conditions de l'éventuelle mise en place d'un dispositif de réserve spéciale d'autofinancement en faveur des entreprises individuelles

Commentaire : cet article, introduit à l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, propose que le Gouvernement remette au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2009, un rapport sur les conditions de l'éventuelle mise en place d'un dispositif de réserve spéciale d'autofinancement en faveur des entreprises individuelles.

I. La proposition de l'Assemblée nationale

Le présent article propose que le Gouvernement remette au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2009, un rapport sur les conditions de l'éventuelle mise en place, en faveur des entreprises individuelles, d'un dispositif de réserve spéciale d'autofinancement ou tout autre dispositif qui permettrait d'alléger le poids des prélèvements fiscaux et sociaux sur la part du bénéfice non prélevée consacrée à l'autofinancement de l'entreprise.

En effet, alors que pour les PME soumises à l'impôt sur les sociétés, le bénéfice non distribué est imposé à un taux réduit de 15 % sur une fraction du bénéfice plafonnée à 38.120 euros, et au taux de 33,33 % au-delà, sans supporter de prélèvements sociaux, les entrepreneurs individuels subissent la progressivité de l'impôt sur le revenu ainsi que les cotisations et prélèvements sociaux applicables aux entrepreneurs individuels sur la totalité de leur bénéfice, qu'il soit prélevé par le chef d'entreprise ou qu'il soit maintenu dans l'entreprise pour accroître ses fonds propres ou financer l'investissement.

Dans ces conditions, le rapport proposé par le présent article aurait pour objet d'examiner les distorsions éventuelles que ces différences de taxation induisent et les conditions dans lesquelles pourrait être mis en place un dispositif corrigeant ces inégalités, sur la part du bénéfice qui est laissée dans l'entreprise pour assurer son développement.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne peut qu'être favorable à la réalisation d'un tel rapport, qui permettrait de poser l'ensemble des problèmes entourant la délicate question de la « réserve spéciale d'autofinancement », et notamment son coût. La remise d'un tel document avant le dépôt du prochain projet de loi de finances apparaît donc opportune.

C'est pourquoi elle recommande l'adoption du présent article.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 2 - (article L. 243-6-3, articles L. 133-6-9 et L. 133-6-10 [nouveaux] du code de la sécurité sociale, article L. 725-24 du code rural) Extension du champ d'application du rescrit social

Commentaire : cet article élargit le champ du rescrit social bénéficiant aux employeurs du régime général de sécurité sociale et du régime agricole, et institue un rescrit social au bénéfice des ressortissants du régime social des indépendants (RSI).

I. Le droit en vigueur

La procédure du rescrit social actuellement en application a été instituée, à l'image de ce qui existait dans le domaine fiscal, par l'ordonnance n° 2005-651 du 6 juin 2005 relative à la garantie des droits des cotisants dans leurs relations avec les organismes de recouvrement des cotisations et contribution sociales. Elle bénéficie :

- aux cotisants du régime général, relevant donc d'une union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) ou, dans les DOM, d'une caisse générale de sécurité sociale (CGSS) ;

- aux futurs cotisants au régime général, c'est-à-dire ayant vocation à relever de ce régime et donc des organismes visés à l'alinéa précédent.

Elle permet à ces cotisants et futurs cotisants d'obtenir de leur organisme de rattachement, en leur qualité d'employeur, une appréciation de leur situation au regard de certaines législations relatives aux cotisations et contributions sociales. Précisons que, dès lors que le cotisant a reçu un avis de passage l'informant du contrôle d'un établissement, il ne peut plus solliciter, pour la période soumise à contrôle, de demande de rescrit auprès de l'organisme dont relève cet établissement.

Le rescrit social couvre actuellement les domaines suivants :

- les exonérations de cotisations limitées à une zone géographique. Il s'agit des exonérations de cotisations dont bénéficient, sous certaines conditions, les employeurs installés dans les zones franches urbaines (ZFU), zones de redynamisation urbaine (ZRU) et zones de redynamisation rurale (ZRR) ;

- les contributions des employeurs au financement des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires et au financement de prestations complémentaires de retraite et de prévoyance ainsi que les contributions de l'employeur aux régimes de retraite à prestations définies conditionnant le bénéfice des prestations à l'achèvement de la carrière de l'intéressé dans l'entreprise (ces différentes contributions sont énumérées aux cinquième et sixième alinéas de l'article L. 242-1 et à l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale) ;

- les avantages en nature et les frais professionnels.

L'organisme notifie au demandeur sa décision explicite dans un délai de quatre mois à compter de la date de réception de la demande. La décision est motivée. En cas d'absence de réponse dans le délai fixé, l'organisme de recouvrement ne pourra pas effectuer de redressement de cotisations et contributions sociales fondé sur la législation au regard de laquelle la situation de fait exposée dans la demande est apprécié.

Le cotisant bénéficiaire d'une appréciation obtenue dans le cadre du rescrit social est garanti contre tout redressement de cotisations et contributions sociales fondé sur la législation au regard de laquelle sa situation a été appréciée, tant que sa situation reste conforme à celle décrite dans sa demande initiale et que la législation n'a pas évolué.

Pour autant, une décision de rescrit peut être remise en cause dans trois cas :

- la situation de fait décrite dans la demande a évolué ;

- la législation au regard de laquelle la situation a été appréciée a été modifiée ;

- l'organisme de recouvrement entend rectifier pour l'avenir son analyse de la situation de fait.

La nouvelle décision résultant d'une telle remise en cause ne produit d'effet que pour l'avenir, le cotisant reste donc garanti contre tout redressement de cotisations et contributions sociales au titre de la période antérieure.

L'ordonnance n° 2005-651 du 6 juin 2005 a appliqué le dispositif du rescrit social au régime agricole (article L. 725-24 du code rural).

II. Le dispositif initialement proposé

A. Extension du champ du rescrit social du régime général

Le I de l'article 2 étend le champ du rescrit social :

- à l'ensemble des exonérations de sécurité sociale : dispositifs généraux d'allégements de cotisations sociales, déduction de cotisations patronales et réduction de cotisations salariales liées aux heures supplémentaires, exonérations en cas de rachats de jours RTT et exonération des cotisations de sécurité sociale liée à la conversion en argent du repos compensateur de remplacement du paiement des heures supplémentaires, régime social applicable aux contrats d'apprentissage et de qualification, aux stages, aux contrats dédiés aux publics fragiles (contrat d'accompagnement dans l'emploi, contrat d'avenir, convention de reclassement personnalisé, contrat de transition professionnelle), exonérations ciblées sur des secteurs d'activité particuliers, dès lors qu'elles ne font pas l'objet d'un rescrit fiscal ;

- aux contributions des employeurs mentionnées au chapitre VII « recettes diverses », du titre III « dispositions communes relatives au financement », du livre premier « dispositions communes à tout ou partie des régimes de base du code de la sécurité sociale ». Ces contributions comprennent la taxe sur les contributions au bénéfice des salariés pour le financement des prestations complémentaires de prévoyance, la contribution sur les abondements des employeurs aux plans d'épargne pour la retraite collectifs, la contribution assise sur les contrats d'assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur, la contribution sur les avantages de préretraite d'entreprise, la contribution sur les régimes de retraite conditionnant la constitution de droits à prestations à l'achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l'entreprise, la contribution sur les indemnités de mise à la retraite, la contribution patronale sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions d'actions gratuites, la contribution salariale sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions d'actions gratuites ;

- aux exemptions d'assiette pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, mentionnées à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. Il s'agit des contributions mises à la charge des employeurs en application d'une disposition législative ou réglementaire ou d'un accord national interprofessionnel et destinées au financement des régimes de retraite complémentaire ; des contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance ; des attributions gratuites d'actions (attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et les attributions d'actions gratuites) effectuées conformément aux dispositions des articles L. 225-197-1 à L. 225-197-3 du code de commerce.

B. Création d'un rescrit social au bénéfice des ressortissants du régime social des indépendants (RSI)

Le I de l'article 2 institue par ailleurs un rescrit social au bénéfice des ressortissants du régime social des indépendants (RSI) sur le modèle du rescrit du régime général.

Ce système figure dans une nouvelle section « droits des cotisants » insérée dans le chapitre 3 bis du titre III du livre 1 er du code de la sécurité sociale. Cette section comprend deux articles, L. 133-6-9 et L. 133-6-10.

1. L'article L. 133-6-9 impose au RSI de se prononcer sur toute demande d'un cotisant ou futur cotisant ayant pour objet de connaître l'application à sa situation de la législation relative aux exonérations de cotisations de sécurité sociale dues à titre personnel et aux conditions d'affiliation.

Pourront notamment faire l'objet d'une demande de rescrit, au titre des exonérations de cotisations : l'exonération de cotisations ACCRE (aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'une entreprise), le plafonnement des cotisations et contributions de sécurité sociale dues par les travailleurs indépendants relevant du régime fiscal de la micro-entreprise, le régime de déclaration et de versement trimestriel simplifié des cotisations et contributions de sécurité sociale.

Le rescrit sera mis en oeuvre dans les conditions prévues aux alinéas 7 à 10 de l'article L. 243-6-3 du code de la sécurité sociale :

- la décision explicite devra intervenir dans un délai fixé par voie réglementaire ;

- lorsqu'à l'issue du délai imparti, l'organisme de recouvrement n'aura pas notifié au demandeur sa décision, il ne pourra être procédé à un redressement de cotisations ou contributions sociales, fondé sur la législation au regard de laquelle devait être appréciée la situation de fait exposée dans la demande, au titre de la période comprise entre la date à laquelle le délai a expiré et la date de la notification de la réponse explicite ;

- la décision ne s'appliquera qu'au seul demandeur et sera opposable pour l'avenir à l'organisme qui l'aura prononcée, tant que la situation de fait exposée dans la demande ou la législation au regard de laquelle la situation du demandeur a été appréciée n'auront pas été modifiées ;

- un cotisant affilié auprès d'un nouvel organisme pourra se prévaloir d'une décision explicite prise par l'organisme dont il relevait précédemment tant que la situation de fait exposée dans sa demande ou la législation au regard de laquelle sa situation a été appréciée n'auront pas été modifiées.

Enfin, la demande du cotisant ne pourra être formulée lorsqu'un contrôle a été engagé.

L'article L. 133-6-9 dispose par ailleurs que le RSI délègue le traitement des demandes de rescrit social relatives aux exonérations de cotisations sociales aux Urssaf, agissant pour son compte et sous son appellation. Les Urssaf se prononcent dans les mêmes conditions sur les demandes relatives aux matières relevant de leur compétence propre.

2. L'article L. 133-6-10 dispose que les organismes gestionnaires des régimes d'assurance vieillesse des indépendants doivent se prononcer dans les mêmes conditions que celles mentionnées à l'article L. 133-6-9 sur toute demande relative aux conditions d'affiliation à un de leurs régimes.

C. Extension du champ du rescrit social de la mutualité sociale agricole.

Le II de l'article 2 introduit dans l'article L. 725-24 du code rural des extensions de champ identiques à celles apportées à l'article L. 243-6-3 du code de la sécurité sociale par le I du présent article.

D. Entrée en vigueur des dispositions nouvelles

Le III de l'article 2 prévoit que les dispositions relatives à l'extension du champ de rescrit social du régime général et de la mutualité sociale agricole entreront en vigueur le 1 er janvier 2009, et que celles relatives à la création d'un rescrit social au bénéfice des ressortissants du RSI entreront en vigueur le 1 er juillet 2009.

UNE SÉCURITÉ RENFORCÉE

Actuellement, la procédure extrêmement utile et efficace du rescrit social ne concerne que les Urssaf et les caisses de mutualité sociale agricole, et s'applique à un champ extrêmement limité. En élargissant son domaine, l'article 2 améliore sensiblement la sécurité juridique des entrepreneurs cotisants.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Outre un amendement rédactionnel, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements à cet article :

- le premier prévoit qu'un rapport présentera chaque année, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les principales questions et réponses auxquelles donnera lieu la mise en oeuvre du rescrit social des indépendants ;

- le deuxième prévoit, dans l'hypothèse où une décision de rescrit est remise en cause par un organisme de recouvrement et où le cotisant concerné a demandé l'intervention de la caisse nationale du RSI, que la réponse de celle-ci est transmise par l'organisme au demandeur « de manière motivée, en indiquant les possibilités de recours » ;

- le troisième, adopté sans l'avis favorable du Gouvernement, donne une portée générale au dispositif de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales en y insérant la formulation suivante : « Lorsque l'administration n'a pas répondu dans un délai de trois mois à un redevable de bonne foi qui a demandé, à partir d'une présentation écrite précise et complète de sa situation de fait, le bénéfice d'une disposition au regard d'un texte fiscal ».

Actuellement, l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales applique, dans des conditions procédurales spécifiques très favorables aux contribuables, la garantie instituée au premier alinéa de l'article L. 80 A à un certain nombre de cas limitativement énumérés.

L'article L. 80 A dispose qu'il « ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ».

En application de l'article L. 80 B, aucun « rehaussement d'impositions antérieures » n'est possible quand l'administration n'a pas répondu dans un délai de trois mois à la demande d'un contribuable désireux de bénéficier d'un certain nombre de dispositions fiscales (intéressant l'amortissement ou la création d'activités dans les zones franches urbaines), ou quand elle n'a pas répondu dans le même délai à une question d'un contribuable sur son éligibilité au crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche, ou encore quand elle n'a pas répondu de manière motivée dans un délai de quatre mois à la demande d'un contribuable souhaitant savoir si son entreprise constitue une jeune entreprises innovante...

La formule adoptée par l'Assemblée nationale se surajoute à cette énumération. Le système d'acceptation tacite de l'application des dispositions fiscales favorables institué par l'article L. 80 B, ainsi dotée d'une portée générale, semble devoir couvrir aussi bien la fiscalité des bénéfices industriels et commerciaux, que celle des bénéfices non commerciaux et celle des revenus salariaux et autres.

L'exposé sommaire de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale indique que celui-ci propose « d'élargir le champ d'application du rescrit fiscal à toute demande de l'entreprise sollicitant l'administration sur sa situation de droit positif », et « d'harmoniser les délais liés à cette procédure à trois mois ».

Au cours du débat, M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, a rappelé que le ministre du budget avait demandé à M. Olivier Fouquet de constituer un groupe de travail sur le rescrit, l'abus de droit et la sécurité juridique en matière fiscale, que celui-ci remettrait incessamment un rapport présentant un arsenal de recommandations intéressant le rescrit, et qu'il convenait d'attendre la parution de ce rapport pour envisager dans la prochaine loi de finances les dispositions à prendre.

IV. La position de votre commission spéciale

S'inscrivant dans la démarche, suivie par l'Assemblée nationale, d'amélioration immédiate de la sécurité juridique des contribuables et des relations entre l'usager et l'administration fiscale, votre commission a adopté un amendement qui, tout en conservant le principe de la généralisation du rescrit fiscal, tend à rendre sa mise en oeuvre effective en supprimant le principe de l'acceptation tacite de la demande du contribuable après trois mois de silence de l'administration. Cette disposition aurait vraisemblablement eu pour principal effet de susciter de la part de l'administration des réponses de précaution systématiquement négatives.

L'amendement renforce par ailleurs le dispositif actuel de l'article L. 80 B en réduisant le délai de réponse de quatre à trois mois pour certains rescrits spécifiques en cas de saisine écrite et complète de l'administration par l'usager.

Il confirme par ailleurs, selon les mêmes modalités, les dispositions prévues par les rescrits spécifiques aux articles 39 AB, 39 AC, 39 quinquies A, 39 quinquies D, 39 quinquies DA ou des articles 39 quinquies E, 39 quinquies F, 39 quinquies FA, 39 quinquies FC, 44 sexies ou 44 octies A du code général des impôts.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 2 bis (nouveau) - (article L. 133-4-3 [nouveau] du code de la sécurité sociale) Calcul des redressements effectués sur les exonérations des cotisations de sécurité sociale accordées sur la part contributive de l'employeur dans les titres-restaurant et les chèques-transport

Commentaire : cet article inséré à l'Assemblée nationale a pour objectif de limiter le redressement éventuellement effectué à la fraction indûment exonérée des cotisations de sécurité sociale sur la part contributive de l'employeur dans les titres-restaurant et les chèques-transport.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A. Le droit en vigueur

1. D'une part, l'article L. 3262-1 du code du travail dispose que le titre-restaurant est un titre spécial de paiement remis par l'employeur aux salariés pour leur permettre d'acquitter en tout ou en partie le prix du repas consommé au restaurant. Ces titres sont émis :

- soit par l'employeur au profit des salariés directement ou par l'intermédiaire du comité d'entreprise ;

- soit par une entreprise spécialisée qui les cède à l'employeur contre paiement de leur valeur libératoire et, le cas échéant, d'une commission.

L'article L. 131-4 du code de la sécurité sociale prévoit l'exonération dans certaines limites de la part contributive de l'employeur dans les titres-restaurant. La limite d'exonération a été portée à 5,04 euros au 1 er janvier 2008, la contribution devant être comprise entre 50 % et 60 % de la valeur du titre.

De la sorte, si la contribution de l'employeur dépasse 60 % de la valeur du titre-restaurant, elle n'est plus éligible à l'exonération et doit être réintégrée en totalité dans l'assiette. Les redressements portent donc sur la totalité de la contribution.

2. D'autre part l'article L. 3261-5 du code du travail dispose, selon un schéma largement identique, que le chèque-transport est un titre spécial de paiement nominatif que tout employeur peut préfinancer au profit des salariés pour le paiement des dépenses liées au déplacement entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail. Il existe deux formules :

- le chèque-transports collectifs permet de payer les frais de transport dans les zones où des transports collectifs existent ;

- le chèque-carburant est destiné à régler les frais d'essence liés à l'utilisation par le salarié de son véhicule quand l'entreprise est implantée dans une zone non desservie par les transports en commun, ou quand le salarié est soumis à des horaires tels que l'utilisation du véhicule personnel pour se rendre sur son lieu de travail est indispensable (travail de nuit).

L'article L. 131-4-1 du code de la sécurité sociale prévoit l'exonération dans certaines limites de la part contributive de l'employeur dans le chèque-transport. Cette limite est fixée à 50 % du prix des abonnements de transports collectifs et à 100 euros par an dans le cas le paiement du carburant.

Une contribution de l'employeur dépassant 50 % du prix des abonnements est inéligible à l'exonération et le redressement porte sur la totalité de cette contribution.

Le chèque-transport, créé par la loi du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social, facultatif pour l'entreprise, jugé souvent trop compliqué et non sécurisé pour les employeurs, trop restrictif pour les salariés, connaît difficile une mise en oeuvre.

B. L'apport de l'Assemblée nationale

L'article 2 bis , adopté avec l'accord du Gouvernement, insère dans le code de la sécurité sociale une disposition prévoyant que lorsqu'un redressement a pour origine la mauvaise application d'une mesure d'exonération des cotisations ou contributions de sécurité sociale portant sur les titres-restaurant, le redressement ne porte que sur la fraction des cotisations et contributions indûment exonérées ou réduites, sauf en cas de mauvaise foi ou d'agissements répétés du cotisant.

Cette dernière précision vise le cas d'employeurs bénéficiant de l'exonération tout en dépassant systématiquement la limite des 60 % compte tenu du fait qu'un éventuel redressement ne porterait, en fonction des nouvelles dispositions, que sur la fraction indûment exonérée. Ces employeurs se verront appliquer un redressement de cotisations sur la totalité de leur contribution.

II. La position de votre commission spéciale

Dans la perspective, en particulier, d'une relance ultérieure du système des chèques-transport, votre commission juge légitime d'assouplir les sanctions d'erreurs souvent dues à la difficulté pour les entreprises de mettre correctement en oeuvre un système extrêmement complexe.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale exclut à juste raison de cet assouplissement les entreprises qui chercheraient à bénéficier d'exonérations indues en tablant sur la faible fréquence des contrôles et sur le risque modéré d'être soumis à un redressement en cas d'ignorance systématique des plafonds ouvrant droit à l'exonération des cotisations de sécurité sociale sur la part contributive de l'employeur dans les titres-restaurant et les chèques-transport.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 2 ter (nouveau) - (article L. 242-12-1 [nouveau] du code de la sécurité sociale) Date unique d'application des nouveaux taux de cotisation de sécurité sociale

Commentaire : cet article prévoit la fixation d'une date unique d'application des nouveaux taux de cotisation de sécurité sociale.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'article 2 ter insère dans le code de la sécurité sociale un article nouveau disposant que la date à laquelle les nouveaux taux de cotisation s'appliquent chaque année est identique pour toutes les cotisations.

L'exposé des motifs de l'amendement à l'origine de cette disposition précise qu'actuellement les prélèvements sociaux font l'objet d'augmentation à des dates différentes au cours de l'année, ce qui oblige l'employeur à modifier les bulletins de salaires à diverses reprises. L'objectif de l'amendement est de prévoir une date unique d'effet des augmentations pour l'ensemble des prélèvements afin de simplifier la tâche de l'employeur.

II. La position de votre commission spéciale

L'insertion de cette disposition dans le titre IV, consacré aux ressources du régime général, du livre II du code de la sécurité sociale a pour effet de limiter son application aux assurances maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès, ainsi qu'aux prestations familiales.

Comme le secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises l'a noté en séance publique, l'article 2 ter n'aura ainsi aucun effet sur les autres prélèvements sociaux, notamment ceux des régimes complémentaires Agirc et Arcco, sur les cotisations d'assurance chômage et sur le versement transport. Pour les premiers le taux de cotisation est fixé par voie conventionnelle ; pour le versement transport, il l'est par les conseils municipaux.

Par ailleurs, les nouveaux taux des cotisations sociales fixés par l'Etat prennent d'ores et déjà effet le 1 er janvier de chaque année, a précisé M. Hervé Novelli.

On pourrait ajouter, s'agissant des cotisations de sécurité sociale, que si la détermination d'éléments des régimes de sécurité sociale tels que l'assiette des cotisations relève du domaine de la loi, en revanche la fixation du taux des cotisations relève du pouvoir réglementaire, comme l'a estimé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 60-10 L du 20 décembre 1960. Se conformant à cette jurisprudence, le Conseil d'Etat a d'ailleurs estimé que cette distinction s'applique aussi bien pour le régime général que pour les régimes spéciaux obligatoires. Dans ces conditions, il est raisonnable d'estimer qu'il revient au pouvoir réglementaire de fixer la date d'effet des nouveaux taux qu'il met en place. Le fait de limiter sa compétence à cet égard empièterait vraisemblablement sur son pouvoir réglementaire, et serait surtout préjudiciable à la mise en oeuvre souple et réactive des mesures de politique économique et sociale légitimement susceptibles de prendre la forme d'une modification des taux de cotisations sociales.

Des raisons d'efficacité et des raisons de principe militent ainsi en faveur d'une solution plus pragmatique et d'application plus large que celle proposée par l'article 2 ter au problème soulevé à juste titre. C'est pourquoi, tout en proposant d'adopter un amendement de suppression de cet article, votre commission souhaite obtenir du Gouvernement, en séance publique, l'engagement qu'il lancera avec l'ensemble des partenaires intéressés une concertation afin de définir une approche commune en ce qui concerne les dates de prise d'effet des changements de taux des prélèvements sociaux.

Votre commission spéciale vous propose de supprimer cet article.

Article 2 quater (nouveau) - (article L. 5112-1 [nouveau] du code de la sécurité sociale) Procédure de rescrit concernant les aides au maintien et à la sauvegarde de l'emploi

Commentaire : cet article crée sur le modèle du rescrit fiscal et social une procédure d'interrogation des administrations par les employeurs sur les aides au maintien et à la sauvegarde de l'emploi.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Cet article, adopté par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement, insère dans le code du travail une disposition prévoyant que les institutions mentionnées à l'article L. 5112-1 du code du travail « doivent se prononcer de manière explicite sur toute demande d'un employeur, sur une situation de fait au regard des dispositions contenues » dans le livre Ier de la cinquième partie du code du travail.

Au cours du débat à l'Assemblée nationale, le rapporteur de la commission des affaires économiques a indiqué que l'objectif était d'instaurer dans le code du travail un rescrit concernant les dispositifs d'aide en faveur de l'emploi. Certaines petites entreprises qui ont perçu une aide à la création d'emploi sont soumises à redressement fiscal, a-t-il précisé, et cela donne une image déplorable de l'administration. Il s'agit en conséquence que les directions départementales du travail s'engagent en amont sur les aides aux créateurs d'entreprises, a-t-il conclu.

A. En ce qui concerne les institutions soumises à l'obligation de répondre aux questions des entreprises, rappelons que la proposition d'article L. 5112-1 du code du travail adoptée par l'Assemblée nationale metionne les membres du Conseil national de l'emploi (CNE). Participent au CNE :

- les organisations professionnelles d'employeurs et de travailleurs ;

- les collectivités territoriales ;

- les maisons de l'emploi ;

- les administrations intéressées ;

- les principaux opérateurs du service public de l'emploi, notamment l'institution publique mentionnée à l'article L. 5312-1 (ANPE), l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage mentionné à l'article L. 5427-1 (Unedic) et l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa).

Il semble que soient potentiellement comprises dans le champ d'application de l'article 2 quater les institutions énumérées dans cette liste : ANPE, Unedic, Afpa, peut-être aussi les maisons de l'emploi.

B. En ce qui concerne le champ d'application matériel de l'article 2 quater , notons que le livre Ier de la cinquième partie du code du travail vise les dispositifs en faveur de l'emploi. La procédure d'interrogation par les employeurs concerne ainsi l'accès aux aides au maintien et à la sauvegarde de l'emploi, les aides à l'insertion, à l'accès et au retour à l'emploi, les aides à la création d'entreprise.

Afin de mettre ce champ d'application en perspective, il convient de rappeler qu'il existe deux grands types d'aides destinées à favoriser l'emploi des salariés :

- les exonérations ou allègements de charges sociales mises en oeuvre notamment dans certaines zones du territoire : zones de redynamisation urbaine (ZRU), zones de revitalisation rurale (ZRR), zones franches urbaines (ZFU) et, depuis le 1 er janvier 2007, bassins d'emploi à redynamiser (BER) ;

- les contrats de travail aidés (contrat initiative emploi, contrat d'insertion-revenu minimum d'activité, contrat de professionnalisation...) susceptibles d'être proposés à certains salariés et ouvrant droit, selon le contrat, à des exonérations de cotisations, primes, aides à la formation... Il existe également un dispositif général d'allègement des cotisations patronales de sécurité sociale sur les bas et moyens salaires, applicable en principe à toutes les entreprises.

Certaines de ces aides entrent d'ores et déjà dans le champ du rescrit social, étendu par l'article 2 du projet de loi à l'ensemble des exonérations de sécurité sociale. Il s'agit des exonérations dont bénéficient les cotisants en tant qu'employeurs. Restent alors non couvertes par ces dispositions les primes et aides diverses liées à la politique de l'emploi ne consistant pas en des exonérations de charges sociales, ou encore consistant en exonérations de cotisations dues au titre d'un régime de non-salariés (possibilité ouverte par exemple dans le cas de l'aide à la création ou à la reprise d'entreprise). Le rescrit créé au bénéfice des ressortissants du régime social des indépendants (RSI) doit cependant permettre de couvrir cette dernière hypothèse. Le texte proposé par l'article 2 quater devrait en fin de compte couvrir exclusivement les aides ne consistant pas en exonérations de charges sociales.

Il faut noter que coexistent à cet égard des aides de l'Etat et des aides des collectivités territoriales. A titre d'illustration des difficultés de mise en oeuvre du rescrit qui peuvent en découler, il est possible de mentionner le cas du contrat d'avenir. Celui-ci vise à faciliter l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion (RMI) ou de l'ayant droit d'un allocataire du RMI, de l'allocation spécifique de solidarité (ASS), de l'allocation parent isolé (API) ou de l'allocation adulte handicapé (AAH), et ouvre à l'employeur le droit à une aide de la collectivité débitrice de l'allocation de RMI, de l'AAH, d'ASS ou d'API, dont le montant correspond à celui du RMI pour une personne isolée. L'employeur reçoit également de l'Etat une prime de cohésion sociale dégressive avec la durée du contrat, calculée sur la base de la différence entre la rémunération mensuelle brute dans la limite du Smic, à laquelle sont ajoutées les cotisations patronales d'assurance chômage et des régimes de protection complémentaire légalement ou conventionnellement obligatoires, et le montant de l'aide versée par la collectivité débitrice de l'allocation de RMI, d'AAH, d'ASS ou d'API. Le prescripteur du contrat d'avenir peut être le conseil général, la commune, l'établissement public de coopération intercommunale ou l'ANPE (agissant pour le compte de l'Etat en ce qui concerne les bénéficiaires de l'ASS ou de l'API).

On constate que la diversité des prescripteurs rend complexe l'identification de l'autorité habilitée à donner à l'entreprise une réponse valant engagement.

C. En ce qui concerne enfin la procédure de mise en oeuvre de ce nouveau rescrit, l'article 2 quater précise que la décision de l'institution interrogée est communiquée au demandeur dans un délai de trois mois à compter de l'envoi de la demande rédigée conformément au troisième alinéa, et qu'elle indique les voies de recours. Par ailleurs, la décision prise lie pour l'avenir l'autorité qui a rendu la décision ainsi que les autres administrations sociales et fiscales, sauf en cas de modification des dispositions légales visées ou si la situation décrite a été substantiellement modifiée ou encore si les informations données étaient erronées. Enfin, aucun redressement ni aucun contentieux ne peut être appliqué à un employeur de bonne foi auquel il n'a pas été apporté de réponse dans le délai requis.

II. La position de votre commission spéciale

En fonction de ces éléments d'appréciation et de l'opportunité incontestable de mettre en place un rescrit social dans les domaines non couverts par les procédures existantes ou créés par d'autres dispositions du projet de loi, votre commission spéciale a souhaité préciser le champ d'application de la disposition prévue à l'article 2 quater et mieux cadrer son fonctionnement en prévoyant que l'administration en charge des dispositifs en faveur de doit se prononcer de manière explicite sur toute demande formulée par un employeur sur une situation de fait au regard des relatives à ces dispositifs, à l'exception de celles ayant un caractère purement fiscal ou social.

Les modalités d'application sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.

A ces fins, elle a adopté un amendement de réécriture de l'article 2 quater .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 3 - (article L. 123-1-1 nouveau du code de commerce ; article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat ; article 1600 du code général des impôts ; article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans) Dispense d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers Guichet unique pour l'exercice des activités de services

Commentaire : cet article a pour objet de dispenser d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers les personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale à titre complémentaire. Il met également en place un « guichet unique » pour l'accès et l'exercice des activités de services en France.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 123-1 du code de commerce pose le principe d'une immatriculation obligatoire au registre du commerce et des sociétés des personnes physiques ayant la qualité de commerçant , c'est-à-dire exerçant à titre de profession habituelle des actes de commerce.

De manière similaire, la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat impose, en son article 19, l'immatriculation au répertoire des métiers - ou, en Alsace-Moselle, au registre des entreprises - des personnes physiques ou morales qui n'emploient pas plus de dix salariés et exercent à titre principal ou secondaire une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation de service relevant de l'artisanat et figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'Etat.

Le cumul d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés et au répertoire des métiers s'impose en outre lorsqu'une même personne effectue, dans le cadre de son activité, certains actes de nature commerciale et d'autres de nature artisanale.

Le respect de l'obligation d'immatriculation est assuré par des mécanismes d'injonction ainsi que par des sanctions pénales.

La raison d'être d'une immatriculation de ces professionnels est d'assurer l'information des tiers sur la qualité de commerçant ou d'artisan , dans la mesure où celle-ci est porteuse de conséquences juridiques importantes.

Ainsi, les commerçants ont bénéficié, jusqu'au 18 juin dernier, d'une prescription extinctive abrégée de 10 ans ; en cas de contentieux, ils peuvent recourir à tous modes de preuve. En outre, ils sont présumés solidaires, alors que la solidarité ne se présume pas entre simples particuliers. S'agissant des artisans, seule l'immatriculation au répertoire des métiers permet à une personne de se prévaloir de la qualité d'artisan et de détenir un fonds artisanal.

Cette obligation d'immatriculation est souvent perçue par les entrepreneurs comme une contrainte , malgré la simplification résultant du fait que l'immatriculation s'effectue en pratique auprès des centres de formalités des entreprises (CFE), constitués auprès des chambres de commerce et d'industrie ou des chambres de métiers, qui font office de « guichet unique ». Elle donne par ailleurs lieu au paiement d'un droit fixe.

II. Le dispositif initialement proposé

Afin de favoriser l'exercice d'activités commerciales ou artisanales complémentaires , l'article 3 du présent projet de loi organise une dispense d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. Ce régime devrait également avoir pour effet bénéfique, en pratique, de faire apparaître au grand jour des activités économiques jusqu'alors occultes.

Le premier paragraphe (I) instaure, dans un article L. 123-1-1 nouveau du code de commerce, une dispense d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés au profit de personnes physiques satisfaisant à trois conditions cumulatives :

- d'une part, exercer à titre principal une activité salariée ou percevoir une pension de retraite.

Cette première condition a pour objet de limiter la dispense d'immatriculation afin qu'elle reste circonscrite aux personnes qui, en plus de leur activité économique ou après avoir exercé une telle activité, souhaitent s'investir dans une activité à caractère commercial. Elle implique aussi que ces personnes disposeront déjà d'un régime de protection sociale non lié à leur activité complémentaire ;

- d'autre part, exercer une activité commerciale à titre complémentaire.

L'activité commerciale ne nécessitant pas une immatriculation au registre du commerce et des sociétés doit présenter un caractère accessoire. Il résulte du dispositif que la dispense ne pourra, en tout état de cause, bénéficier aux personnes qui souhaiteraient amorcer une activité commerciale sans disposer par ailleurs d'un régime de retraite ou sans exercer une activité salariée ;

- enfin, générer un chiffre d'affaires annuel inférieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'État.

Selon les informations fournies par le Gouvernement, la dispense d'immatriculation s'appliquera tant que l'activité commerciale complémentaire ne dépassera pas un seuil qui devrait être fixé à 100 % du plafond de micro-imposition prévu par le code général des impôts. Ce plafond, qui permet de bénéficier d'un régime simplifié d'imposition, est actuellement fixé à 27.000 euros pour les activités de prestation de services et à 76.300 euros pour les activités d'achat-revente, de vente à consommer sur place et de fourniture de logement.

Il reviendra à un décret en Conseil d'Etat de préciser les modalités d'application de ces dispositions. En particulier, ce décret devra préciser les incidences d'un dépassement du seuil en matière d'obligations déclaratives.

Pour autant, l'absence d'immatriculation n'impliquera pas l'absence de toute formalité administrative : l'activité commerciale complémentaire exercée par la personne physique devra faire l'objet d'une déclaration auprès du centre de formalité des entreprises , selon des modalités précisées par décret en Conseil d'Etat.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le centre de formalités des entreprises compétent pour recevoir la déclaration devrait être celui actuellement chargé de l'immatriculation, selon le cas, des commerçants ou des artisans.

Le deuxième paragraphe (II) prévoit, à l'article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, une dispense d'immatriculation au répertoire des métiers qui bénéficiera aux personnes physiques exerçant une activité artisanale complémentaire .

Les conditions de dispense et l'obligation déclarative substituée à l'immatriculation sont similaires à celles prévues pour une activité commerciale dans le cadre du I du présent article.

Le troisième paragraphe (III) complète l'article 1600 du code général des impôts afin d'exonérer les personnes physiques visées au I du présent article de tout paiement de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle, destinée à financer notamment les dépenses ordinaires des chambres de commerce et d'industrie.

Cette taxe est due par tout redevable de la taxe professionnelle. Or, la dispense d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés n'exclura pas pour autant les personnes physiques concernées du paiement de la taxe professionnelle. En effet, l'auto-entrepreneur devra lui aussi acquitter cette dernière taxe due « chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée ».

Le paragraphe proposé ajoute en conséquence à la liste des personnes déjà exonérées du paiement de cette taxe additionnelle les personnes mentionnées au nouvel article L. 123-1-1 du code de commerce.

Une telle précision n'est pas nécessaire pour les personnes exerçant à titre complémentaire une activité artisanale. En effet, si le financement des chambres de métiers est également assuré par une taxe additionnelle à la taxe professionnelle, celle-ci n'est acquittée que par les personnes soumises à l'obligation d'inscription au répertoire des métiers ou qui y demeurent immatriculées. La dispense d'immatriculation proposée par le II du présent article suffit donc à elle seule à sortir les personnes qui en bénéficient du champ de cette taxe.

Le dernier paragraphe (IV) du présent article dispense de l'obligation de suivre le stage de préparation à l'installation prévu par l'article 2 de la loi de 1982 relative à la formation professionnelle des artisans la personne physique qui, ayant bénéficié de la dispense d'immatriculation au répertoire des métiers, doit s'y inscrire dans la mesure où son activité artisanale a dépassé le seuil de chiffre d'affaires fixé par décret en Conseil d'Etat.

Actuellement, avant son immatriculation au répertoire des métiers ou au registre des entreprises, l'artisan ou le chef d'une entreprise artisanale doit accomplir un stage payant, organisé par les chambres de métiers et, le cas échéant, des établissements publics d'enseignement ou des centres conventionnés. Cette formation a pour but de permettre à celui qui va exercer une activité artisanale, d'une part d'être initié à la comptabilité d'entreprise et à l'environnement économique et juridique de l'artisan, et d'autre part de bénéficier d'un accompagnement.

Il semble en effet inutile d'imposer une telle obligation à une personne qui aura, pendant plusieurs mois voire plusieurs années, déjà été confrontée aux réalités économiques et juridiques durant son activité artisanale complémentaire.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Modifiant les I et II du présent article, l'Assemblée nationale a tout d'abord étendu le bénéfice de la dispense d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers :

- aux fonctionnaires, agents non titulaires et ouvriers régis par le régime des pensions des établissements industriels de l'Etat .

Cette extension, intervenue à l'initiative de Mme Laure de La Raudière et du rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Charié, apparaît conforme à la possibilité reconnue, depuis la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique, de cumuler, sous certaines conditions, une activité privée à caractère lucratif avec un emploi public.

Ainsi, un fonctionnaire ou un agent non titulaire de droit public peut, après déclaration à l'autorité dont il relève pour l'exercice de ses fonctions, créer ou reprendre une entreprise, pendant une durée maximale d'un an renouvelable une fois. Cette déclaration fait l'objet d'un examen préalable de la commission de déontologie de la fonction publique. De même, le dirigeant d'une société ou d'une association, lauréat d'un concours ou recruté en qualité d'agent non titulaire de droit public, peut, après déclaration à l'autorité dont il relève pour l'exercice de ses fonctions, continuer à exercer son activité privée pendant une durée maximale d'un an -éventuellement prolongée d'une année complémentaire- à compter de son recrutement. Cette déclaration est également soumise, au préalable, à l'examen de la commission de déontologie.

L'exercice d'une telle activité complémentaire ne pourra donc intervenir que dans les conditions prévues par la loi du 2 février 2007 ;

- aux conjoints ou aux personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité avec un assuré social et se trouvant à sa charge effective, totale et permanente .

Cette mesure, issue d'un amendement présenté par le rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Eric Ciotti, a pour effet d'étendre la dispense à un nombre potentiellement beaucoup plus important de personnes.

Elle place sur un pied d'égalité les conjoints et les partenaires d'un PACS, ce qui est conforme à l'évolution de notre législation depuis 2001.

Surtout, elle conduit une dispense d'immatriculation pour les personnes qui n'auront pas une activité commerciale ou artisanale complémentaire, mais exerceront une seule activité économique, puisque la condition selon laquelle les conjoints et partenaires d'un PACS devront être à la charge totale et permanente d'un assuré social implique en réalité que ceux-ci seront par ailleurs sans profession déclarée.

A la suite d'un amendement de MM. Olivier Carré et Jean-Paul Charié au nom de la commission des affaires économiques, l'Assemblée nationale a ensuite précisé que, malgré la dispense d'immatriculation, les personnes visées auraient la possibilité, si elles le souhaitent, de recourir à une immatriculation en bonne et due forme au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, selon le cas.

En dernier lieu, les députés, à la suite d'un amendement de M. Jean-Paul Charié au nom de la commission des affaires économiques et de Mme Catherine Vautrin, ont complété l'article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle afin de prévoir que les personnes qui souhaiteront exercer les activités de services mentionnées dans la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur pourront s'adresser aux centres de formalités des entreprises . Les conditions d'accomplissement de ces formalités seront précisées par décret en Conseil d'Etat.

Cette modification vise à mettre en oeuvre les dispositions de l'article 6 de la directive, dont le 1 prévoit que « les Etats membres veillent à ce que les prestataires puissent accomplir, par l'intermédiaire de guichets uniques, les procédures et formalités suivantes:

« a) l'ensemble des procédures et formalités nécessaires à l'accès à ses activités de services, en particulier, les déclarations, notifications ou demandes nécessaires aux fins d'autorisation auprès des autorités compétentes, y compris les demandes d'inscription dans les registres, rôles, bases de données ou à un ordre ou à une association professionnels ;

« b) les demandes d'autorisation nécessaires à l'exercice de ses activités de services » .

La référence faite par le projet de loi aux seules activités de services prévues par la directive restreint incontestablement le champ d'application de ce guichet unique, puisque sont exclues expressément de la directive des activités telles que les services financiers, les services dans le domaine des transports, les services de soins de santé, les services audiovisuels, les services fournis par les notaires et les huissiers de justice et, plus généralement, les activités participant à l'exercice de l'autorité publique.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services a souhaité, « pour [s]a part que les guichets uniques soient ouverts à l'ensemble des entreprises. Pour autant, une telle extension du champ de compétences des CFE demande un temps de réflexion. En attendant, nous avons l'occasion de mettre le dispositif sur pied pour les prestataires de services au moins » .

En pratique, les effets de la mesure adoptée par l'Assemblée nationale seront importants, puisqu'elle conduira en particulier les centres de formalités des entreprises à élargir le champ des formalités actuellement prises en charge aux caractéristiques sectorielles d'entreprises qui ne s'adressent actuellement pas à eux. Ils devront également permettre l'accomplissement, auprès d'eux, de formalités ne concernant plus seulement l'accès à la création d'entreprises mais également le fonctionnement plus quotidien des entreprises.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale soutient le principe d'une dispense d'immatriculation pour des activités de nature commerciale ou artisanale générant un chiffre d'affaires modeste .

Elle y est d'autant plus favorable que, en tout état de cause, l'auto-entrepreneur dispensé d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers sera soumis , comme les commerçants ou artisans immatriculés :

- aux règles protectrices des consommateurs définies par les titres I et II du code de la consommation. En effet, les obligations prévues par ces dispositions relatives à l'information des consommateurs, à la formation des contrats et à la conformité et la sécurité des produits et services seront applicables dans la mesure où l'immatriculation à un registre à caractère professionnel ne constitue pas une condition d'application de ces règles ;

- à l'exigence éventuelle d'une assurance responsabilité civile professionnelle obligatoire . Les obligations d'assurance de responsabilité civile exigées pour l'exercice de certaines professions concernent les personnes dont la responsabilité est susceptible d'être engagée du fait de leur activité professionnelle. L'obligation découle de l'activité exercée et non de l'existence éventuelle d'une immatriculation à un registre. Ainsi, à titre d'exemple, l'obligation d'assurance en matière de construction n'est requise que de « celui qui fait réaliser pour le compte d'autrui des travaux de construction » , sans que se pose la question de son immatriculation. Une telle obligation s'imposera donc naturellement à l'auto-entrepreneur ;

- aux obligations de qualification requises pour l'exercice de certains métiers de l'artisanat . Si l'article 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 soumet l'exercice de certaines activités à l'exigence d'une qualification particulière, cette exigence s'impose « quels que soient le statut juridique et les caractéristiques de l'entreprise » . L'existence ou l'absence d'immatriculation est donc indifférente : l'auto-entrepreneur, s'il souhaite exercer une activité artisanale soumise à qualification, devra faire la preuve de celle-ci lors de sa déclaration au centre de formalité des entreprises. Du reste, s'il exerçait une telle activité sans avoir la qualification requise, il serait passible de l'amende de 7.500 euros, prévue par l'article 24 de la loi du 5 juillet 1996.

Néanmoins, votre commission spéciale considère que la volonté des députés d'ouvrir le dispositif à d'autres catégories de personnes physiques que celles exerçant une activité à titre complémentaire a fait perdre beaucoup de sa cohérence au dispositif envisagé par le Gouvernement.

Si elle ne peut qu'approuver le principe d'une telle ouverture, elle considère que la rédaction issue de l'Assemblée nationale apparaît à la fois trop complexe et de nature à se heurter au principe constitutionnel d'égalité. Elle interdit en effet de facto à des chômeurs ou à des étudiants de bénéficier de ce régime favorable sans que cette exclusion apparaisse justifiée : ces catégories de personnes doivent au contraire être pleinement incitées à exercer une activité économique.

Elle vous soumet en conséquence un amendement tendant à simplifier et à élargir le dispositif proposé en prévoyant que la dispense d'immatriculation s'appliquera à toute personne physique qui, soit à titre principal, soit à titre complémentaire, souhaite exercer une activité économique à caractère commercial ou artisanal, à la condition que le montant du chiffre d'affaires généré par cette activité ne dépasse pas un plafond.

Respectant la répartition des compétences entre le législateur et le pouvoir réglementaire, votre commission spéciale souhaite laisser au gouvernement le soin de fixer ce plafond, dans le cadre d'un décret en Conseil d'Etat.

En conséquence, elle vous soumet une mesure de coordination, au même amendement, afin de lever les sanctions pénales prévues par l'article 24 de la loi du 5 juillet 1996 lorsque l'exercice d'une activité artisanale intervient en dispense d'immatriculation au répertoire des métiers.

Votre commission estime néanmoins nécessaire que les contractants de l'auto-entrepreneur aient bien connaissance de la particularité de son statut , notamment lorsqu'il exerce une activité relevant du secteur de l'artisanat, du fait qu'ils ne constituent pas des artisans au sens de la loi, puisque cette qualité est attachée à l'immatriculation au répertoire des métiers. Aussi vous propose-t-elle, par ce même amendement, de prévoir que les conditions de cette information devront être déterminées par le décret d'application prévu au présent article.

Par ailleurs, afin de ne pas remettre en cause les situations acquises, l'accès au bénéfice de la dispense d'immatriculation sera limité aux personnes qui ne seront pas déjà inscrites au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers au jour de la publication de la présente loi .

En outre, compte tenu de la complexité de la mise en oeuvre pratique du « guichet unique » pour les professions de services mentionnées par la directive 2006/123/CE, votre commission vous propose, par le même amendement, que l'entrée en vigueur de ce dernier dispositif intervienne à la date de publication du décret mentionné au V du présent article, et au plus tard au 1 er décembre 2009 , la date de transposition du texte communautaire n'étant fixée qu'au 28 décembre 2009.

En dernier lieu, votre commission spéciale vous invite à réintégrer , au sein du présent article, les dispositions relatives à la domiciliation des personnes physiques commerçantes au sein des sociétés de domiciliation , sans modifier la substance de ce dispositif inséré par les députés à l'article 4 du présent projet de loi. Elle vous soumet à cette fin un second amendement .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 3 - (article L. 713-12 du code de commerce) Extension du nombre de sièges des chambres de commerce et d'industrie dans les petites circonscriptions

Commentaire : cet article additionnel, proposé par votre commission spéciale, tend à étendre le nombre de sièges des chambres de commerce et d'industrie relevant de petites circonscriptions afin d'en favoriser le regroupement.

Les chambres de commerce et d'industrie sont composées de membres, élus pour cinq ans, parmi les personnes figurant dans un collège électoral formé par :

- les commerçants immatriculés au registre du commerce et des sociétés dans la circonscription de la chambre de commerce et d'industrie ;

- les chefs d'entreprise inscrits au répertoire des métiers et immatriculés au registre du commerce et des sociétés dans la circonscription ;

- les conjoints collaborateurs des deux catégories précédentes ;

- les représentants des sociétés commerciales et les établissements publics à caractère industriel et commercial dont le siège est situé dans la circonscription.

Le nombre de sièges d'une chambre de commerce et d'industrie est, en application de l'article L. 713-12 du code de commerce, fonction de l'importance numérique de ce collège électoral .

En conséquence, le nombre de sièges varie :

- de vingt-quatre à cinquante pour les chambres de commerce et d'industrie dont la circonscription compte moins de 30.000 électeurs ;

- de trente-huit à soixante-dix pour celles dont la circonscription comporte 30.000 à 100.000 électeurs ;

- de soixante-quatre à cent pour celles dont la circonscription compte plus de 100.000 électeurs.

Or, la limitation actuelle du nombre maximal de sièges des chambres relevant d'une circonscription comportant moins de 30.000 électeurs peut être de nature à freiner leur regroupement .

En effet, la carte consulaire est en passe d'être profondément modifiée sous l'impulsion du décret n° 2006-309 du 16 mars 2006 relatif aux schémas directeurs et sectoriels des chambres de commerce et d'industrie, qui prévoit des rapprochements et des fusions entre celles-ci. A ce jour, quarante-huit chambres de commerce et d'industrie se sont engagées dans cette démarche.

Afin de la favoriser, votre commission spéciale vous propose de porter le nombre maximal de sièges de cinquante à soixante. Cette augmentation devrait permettre d'adapter en conséquence la représentativité territoriale dans l'ensemble du ressort des chambres, en facilitant la création de délégations territoriales en leur sein .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article 4 - (articles L. 443-11, L. 631-7, L. 631-7-2 et L. 631-7-4 [nouveau] du code de la construction et de l'habitation et articles L. 123-10 et 145-1 du code de commerce) Réforme du régime d'autorisation des changements d'usage et d'usage mixte des locaux d'habitation

Commentaire : cet article apporte plusieurs aménagements au régime d'autorisation administrative de changement d'usage ou d'usage mixte des locaux d'habitation , en supprimant, sous certaines conditions, cette formalité pour ceux qui sont situés au rez-de-chaussée.

I. Le droit en vigueur

A. L'encadrement des changements d'usage des locaux

Elaborée dans l'immédiat après-guerre pour répondre à la pénurie de logement frappant le pays, la législation sur le régime d'autorisation du changement d'usage des locaux a fait l'objet d'une réforme substantielle entre 2005 et 2006 avec l'ordonnance du 8 juin 2005, ratifiée par l'article 79 de la loi portant engagement national pour le logement. Depuis cette réforme, les articles L. 631-7 à L. 631-10 du code de la construction et de l'habitation (CCH) conditionnent, dans les communes de plus de 200.000 habitants et dans toutes les communes des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, tout changement d'usage d'un local destiné à l'habitation à une autorisation préalable.

En application de l'article L. 631-9, ce régime peut être rendu applicable à d'autres communes par décision de l'autorité administrative prise après avis du maire. Il peut également, dans les mêmes conditions, être rendu applicable sur une partie seulement de la commune. Par ailleurs, le régime d'autorisation n'est pas applicable dans les zones franches urbaines.

Selon les termes de l'article L. 631-7, constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial et locaux meublés donnés en location. Un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1 er janvier 1970. Cette rédaction implique donc que sont concernés par ce régime d'autorisation aussi bien les logements possédés par des propriétaires privés que par des organismes d'habitation à loyer modéré.

En application de ces dispositions, l'autorisation de changement d'usage, c'est-à-dire la transformation de logements en bureaux ou en commerces, est délivrée par le préfet , après avis du maire et, à Paris, Lyon et Marseille, du maire d'arrondissement. Le préfet a la possibilité de conditionner cette autorisation à la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. A cet effet, il est tenu de prendre un arrêté fixant les conditions dans lesquelles les autorisations sont délivrées et les compensations déterminées par quartier et, le cas échéant, par arrondissement, « au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements ».

Selon les renseignements fournis à votre rapporteur, seuls les préfets des départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Rhône ont pris cet arrêté.

En vertu du droit en vigueur, une telle autorisation de changement d'usage est accordée à titre personnel. Elle cesse de produire effet lorsqu'il est mis fin, à titre définitif, à l'exercice professionnel du bénéficiaire. Le local doit alors être réaffecté à un usage d'habitation. Lorsque l'autorisation est subordonnée à une compensation, elle est attachée au local et non à la personne.

Après analyse, votre rapporteur n'a pas trouvé trace, dans la législation ou la réglementation existante, d'une disposition qui obligerait un locataire à demander à son propriétaire, qu'il soit une personne physique ou morale, y compris un organisme HLM, l'autorisation de procéder aux démarches tendant à un changement d'usage ou à une utilisation mixte du local. Toutefois, il convient de relever, à titre d'exemple, que le formulaire utilisé par la préfecture de Paris impose au demandeur d'indiquer si le propriétaire a donné son accord. Dans l'affirmative, le demandeur est tenu de fournir un document dans lequel le propriétaire autorise le locataire à demander un changement d'usage ou une autorisation d'usage mixte.

Les articles L. 631-7-2 et L. 631-7-3 posent deux exceptions à ce principe de spécialisation de l'usage des locaux d'habitation et en autorisent, sous certaines conditions, un usage mixte . L'article L. 631-7-2 dispose que le préfet peut autoriser, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné ci-dessus, dans une partie d'un local d'habitation utilisé comme résidence principale, l'exercice d'une profession à la condition qu'elle ne revête à aucun moment un caractère commercial , c'est-à-dire qu'elle ne conduise à recevoir aucune marchandise. Dans la pratique, cette disposition visait notamment le cas des professions libérales afin de les autoriser à exercer leurs activités dans leur habitation. L'article L. 631-7-3 rend quant à lui possible, sans la conditionner à autorisation , cette utilisation partielle d'une résidence principale pour mener une activité professionnelle, y compris commerciale , dès lors que l'activité considérée ne conduit à y recevoir ni clientèle ni marchandises. Cette disposition vise, pour sa part, le cas des activités de télétravail ou de commerce électronique exercées dans des locaux d'habitation et qui ne produisent, dans la plupart des cas, aucune nuisance pour le voisinage ou de désordre pour le bâti.

B. Bilan de la mise en oeuvre de ces dispositions

Dans les faits, les dispositions des articles L. 631-7 et suivants sont essentiellement utilisées à Paris. Ainsi, dans cette commune, 37.278 m² de locaux ont fait, en 2006, l'objet d'un changement d'usage, 24.353 m² de locaux d'habitation en locaux à usage professionnel et 13.843 m² de locaux professionnels ayant été transformés, au titre des compensations, en logements. Pour l'année 2007, les ordres de grandeur sont similaires, même s'il convient de noter une diminution des demandes de changement, portant néanmoins sur des superficies plus grandes.

Pour les autres communes concernées par ce régime d'autorisation, il n'a pas été possible d'obtenir d'éléments chiffrés. Il semblerait que le régime ne soit en fait pas appliqué aussi rigoureusement que dans la capitale, ce qui apparaît logique compte tenu de la pression immobilière forte qui y est constatée.

II. Le dispositif initialement proposé

Sans modifier l'économie générale du régime d'autorisation de changement d'usage des locaux, l'article 4 du projet de loi propose néanmoins d'en assouplir certains aspects afin de faciliter l'utilisation d'une partie d'un local d'habitation comme local professionnel .

l Son I assouplit tout d'abord les règles existantes relatives à l'utilisation des logements locatifs sociaux situés au rez-de-chaussée. En effet, depuis la publication de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, les organismes d'habitations à loyer modéré peuvent, après avis de la commune d'implantation, louer à titre temporaire des locaux d'habitation situés en rez-de-chaussée, en vue d'y exercer des activités économiques. Cette dérogation n'est cependant permise que pour les immeubles situés dans les zones urbaines sensibles (ZUS) ou dans les quartiers présentant des caractéristiques économiques et sociales analogues aux ZUS en application de la loi du 1 er août 2003.

Pour faciliter l'utilisation par les acteurs concernés de ces dispositions, le supprime , dans l'article L. 443-11 du CCH, le caractère temporaire autorisant de telles opérations locatives . Dès lors, des activités professionnelles pérennes pourront s'établir dans ces locaux situés au rez-de-chaussée, ce qui constitue un élément de nature à renforcer le dynamisme économique des ZUS ou des quartiers similaires, qui se caractérisent par une forte implantation de logements sociaux.

Le précise quant à lui que le bail consenti à une telle location n'est pas assujetti aux articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, qui définissent le régime juridique du bail commercial, et ne peut être un élément constitutif du fonds de commerce. En conséquence, les rapports locatifs entre le locataire et l'organisme HLM propriétaire du local demeureront régis par les dispositions du code de la construction et de l'habitation ou, pour celles d'entre elles qui sont applicables aux logements sociaux, de celles de la loi du 6 juillet 1989.

l Le II modifie le régime général de changement d'utilisation des locaux défini à l'article L. 631-7 du CCH. Pour favoriser la transformation de locaux d'habitation en locaux à usage professionnel, il dispense d'autorisation les logements situés au rez-de-chaussée, à l'exception des logements locatifs sociaux. Il s'agit donc d'une novation relativement substantielle dans la mesure où les propriétaires de logements situés en rez-de-chaussée pourront, sans solliciter la préfecture, les transformer en bureaux ou en locaux commerciaux . Cette évolution du droit devrait, selon l'exposé des motifs du projet de loi, faciliter le démarrage d'activités et la création d'entreprises.

l Le III porte rédaction globale de l'article L. 631-7-2. La rédaction proposée précise que le préfet peut autoriser, dans une partie d'un local d'habitation utilisé par le demandeur comme sa résidence principale, l'exercice d'une activité professionnelle, y compris commerciale sauf dans les logements des organismes HLM, dès lors qu'aucune disposition législative ou stipulation contractuelle prévue dans le bail ou le règlement de copropriété ne s'y oppose, et pourvu qu'elle n'engendre ni nuisance, ni danger pour le voisinage, et qu'elle ne conduise à aucun désordre pour le bâti. Comme dans le paragraphe I, le texte indique que le bail n'est pas soumis au statut des baux commerciaux et ne peut être considéré comme un élément constitutif du fonds de commerce. Dès lors, cette disposition implique que le local faisant l'objet d'un bail reste régi par la loi du 6 juillet 1989 précitée.

l Enfin, le IV insère un nouvel article L. 631-7-4 dans le CCH afin d'introduire une dérogation au principe d'autorisation pour les usages mixtes, limitée aux locaux situés au rez-de-chaussée. Il est ainsi précisé que l'exercice d'une activité professionnelle, y compris commerciale et pouvant conduire à recevoir clientèle et marchandises, sauf dans les logements appartenant aux organismes HLM, est autorisée dans une partie d'un local d'habitation situé au rez-de-chaussée, pourvu que l'activité considérée ne soit exercée que par le ou les occupants ayant leur résidence principale dans ce local, qu'elle n'engendre ni nuisance, ni danger pour le voisinage et qu'elle ne conduise à aucun désordre pour le bâti, dès lors qu'aucune disposition législative ou stipulation contractuelle prévue dans le bail ou le règlement de copropriété ne s'y oppose.

A nouveau, le régime des baux commerciaux ne serait pas applicable dans le cas où le local ferait l'objet d'un bail et celui-ci ne pourrait être un élément constitutif du fonds de commerce.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont, à l'occasion d'un long débat, modifié en profondeur l'article 4 du projet de loi puisqu'ils ont souhaité maintenir le principe d'une autorisation administrative pour les locaux situés au rez-de-chaussée et qu'ils ont par ailleurs introduit des modifications substantielles au régime général d'autorisation des changements d'usage pour transférer cette compétence des préfets vers les élus locaux.

l L'Assemblée a adopté le paragraphe I sans modification. Il en va de même pour le paragraphe II , ce qui est d'ailleurs incohérent avec les amendements adoptés au paragraphe IV.

l Les députés ont ensuite introduit, sur proposition de M. Olivier Carré, un paragraphe II bis amendant l'article L. 631-7-1, qui n'était pas visé par le texte du projet de loi initial. L'adoption de cette disposition a pour conséquence de transférer la compétence de délivrance des autorisations de changement d'usage des préfets vers les maires ou, à Paris, Lyon et Marseille, les maires d'arrondissement. De manière quasi unanime, les députés ont estimé qu'une telle prérogative devait relever de la compétence des maires, au titre de leurs attributions en matière d'urbanisme et « d'aménagement de rue » afin d'être en mesure de maîtriser les implantations de commerce selon les zones géographiques considérées.

l Outre l'adoption d'un amendement de simplification, les députés ont, par cohérence avec le II bis , modifié le paragraphe III de l'article afin de confier au maire la responsabilité de la délivrance d'une autorisation pour un usage mixte (habitation et activité professionnelle) d'un local situé dans les étages. Ils ont également indiqué, sans préciser les critères de répartition entre les deux autorités, que cette compétence pouvait être exercée par le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) « compétent en la matière » .

l Au paragraphe IV , l'Assemblée nationale a remis en cause l'intention initiale de l'article 4 puisque le principe de l'autorisation administrative pour les locaux situés au rez-de-chaussée, dont la suppression constituait l'objet même de l'article, a été rétabli. Par cohérence avec les votes intervenus sur les paragraphes précédents, cette compétence a été confiée au maire. Toutefois, alors que la rédaction retenue au paragraphe III précise que le maire « peut autoriser » un usage mixte dans un local, l'amendement adopté au IV indique que, pour les locaux au rez-de-chaussée, le maire « autorise ». Cette asymétrie rédactionnelle résulte d'une interrogation de plusieurs députés sur l'obligation faite au maire, saisi d'une demande d'usage mixte, de se prononcer. Après réflexion, ils ont jugé qu'une rédaction indiquant que le maire « peut autoriser » ne l'obligeait pas pour autant à se prononcer sur la demande, d'où le vote de cet amendement. Ils ont enfin adopté un amendement rédactionnel.

l Les députés ont ensuite complété l'article par un paragraphe V consacré à la domiciliation des entreprises dans les centres d'affaires, voté à l'initiative de Mme Catherine Vautrin. Ces dispositions , modifiant l'article L. 123-10 du code de commerce, permettent aux personnes physiques demandant leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, de domicilier , dans des conditions fixées par décret, leur entreprise dans des locaux occupés en commun par plusieurs entreprises .

l L'Assemblée nationale a enfin ajouté un paragraphe VI relatif à l'assujettissement au régime des baux commerciaux et complétant l'article L. 145-1 du code de commerce. Son premier alinéa prévoit que l'exploitant d'un fonds de commerce ou d'un fonds artisanal titulaire d'un bail commercial consenti à plusieurs preneurs ou plusieurs coindivisaires bénéficie du régime des baux commerciaux, même en l'absence d'immatriculation de ses copreneurs ou coindivisaires au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.

Son deuxième alinéa précise que le statut des baux commerciaux est également applicable, en cas de décès du titulaire du bail, à ses héritiers ou ayants droit qui, bien que n'exploitant pas de fonds de commerce ou de fonds artisanal, demandent le maintien de l'immatriculation de leur ayant cause pour les besoins de sa succession. En pratique, cette disposition a pour objet de permettre aux héritiers ou ayants droit de bénéficier de dispositifs tels que le droit au renouvellement du bail commercial.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale juge nécessaire de remédier à plusieurs incohérences insérées dans cet article, de clarifier les conditions de transfert de la compétence d'autorisation de changement d'usage aux élus locaux, d'en rétablir la vocation initiale sur les locaux situés au rez-de-chaussée et de consacrer exclusivement ses dispositions à la modification des articles L. 631-7 et suivants du CCH. A cet effet, elle vous présente dix amendements .

Outre trois amendements rédactionnels, elle vous soumet sept amendements tendant à rendre plus cohérente, sur le plan de la procédure et de la définition de l'autorité compétente, l'organisation du régime d'autorisation des changements d'usage des locaux.

Votre commission spéciale rappelle tout d'abord que la question de l'attribution de cette compétence au préfet ou aux élus locaux a déjà fait l'objet à plusieurs reprises de débats au Sénat. Ainsi, lors de l'examen en première lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement, votre assemblée avait été saisie, sur l'article ratifiant l'ordonnance du 8 juin 2005 précitée, d'amendements émanant du groupe socialiste afin de transférer cette compétence aux maires. Notre collègue Jean-Pierre Caffet considérait ainsi « anachronique et aberrant » le dispositif conférant aux préfets la compétence de statuer sur les demandes de changement d'usage, du fait même des responsabilités exercées par les collectivités territoriales en matière tant de politique locale de l'habitat que d'urbanisme. M. Dominique Braye, rapporteur du texte, faisait part de son embarras vis-à-vis d'une telle proposition. Il se déclarait ainsi conscient de l'intérêt d'une telle mesure compte tenu de la capacité des maires à organiser les équilibres logements/bureaux sur le territoire de leur commune. Il faisait cependant part de ses doutes puisqu'il jugeait que le maintien de cette compétence au préfet constituait une garantie forte pour l'exercice du droit au logement dont l'Etat est responsable. Le Gouvernement s'était quant à lui opposé à un tel transfert pour des raisons tenant au rôle de garant de la solidarité et du droit au logement assuré par le préfet. M. Jean-Louis Borloo avait ainsi estimé que réduire le rôle du préfet dans ce domaine ne lui semblait « ni justifié ni nécessaire » .

Votre commission spéciale souscrit pour sa part pleinement au transfert prévu par le projet de loi et le juge cohérent avec les compétences qui sont désormais celles des élus locaux en matière de logement, d'urbanisme et de développement du commerce .

Elle juge nécessaire de rendre clairement le maire de la commune seul responsable de la délivrance des autorisations de changement d'usage des locaux et vous propose un amendement en ce sens. Celui-ci ne prévoit, s'agissant de la situation particulière de Paris, Marseille et Lyon, qu'un avis simple du maire de l'arrondissement concerné. Par ailleurs, dès lors que cette compétence est transférée aux élus locaux, il apparaît logique que les règles déterminant les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations soient fixées par le conseil municipal de la commune ou, si celle-ci est membre d'un EPCI compétent en matière de plan local d'urbanisme, par l'organe délibérant de l'EPCI. L' amendement proposé par votre commission précise en conséquence également ce point.

Votre rapporteur relève en outre que l'intervention, dans le texte issu de l'Assemblée nationale, du président de l'EPCI, sans précision de la compétence déterminant les conditions dans lesquelles il serait appelé à se substituer au maire pour la délivrance des autorisations d'usage mixte d'un local d'habitation, apparaît davantage comme un facteur de confusion que de renforcement de l'intercommunalité. Au surplus, le texte voté par les députés ne ferait intervenir le président de l'EPCI que pour les locaux à usage mixte situés en étages, et pas pour ceux situés au rez-de-chaussée (IV de l'article) ou pour le régime général d'autorisation de changement d'usage (II bis de l'article). Dès lors, dans un souci de définir un régime clair et lisible, votre commission vous propose, par un amendement , de confier au seul maire l'exercice des compétences en matière de changement d'usage ou d'usage mixte.

Votre commission spéciale vous soumet également un amendement rétablissant la suppression de l'autorisation administrative en cas d'utilisation mixte d'un local d'habitation situé au rez-de-chaussée.

Tirant les conséquences de l'intégration, à l'article 3 du projet de loi, des dispositions du paragraphe V sur l'immatriculation des entreprises, elle préconise enfin, dans un souci de clarté, de regrouper dans un nouvel article L. 631-7-5 les dispositions relatives à l'application des usages mixtes dans les logements appartenant aux organismes d'habitation à loyer modéré. Les deux amendements qu'elle vous propose en ce sens interdisent ces usages mixtes dans les logements situés dans les immeubles et permettent de tels usages mixtes, sous réserve d'une autorisation et par dérogation à l'article L. 631-7-4, dans les logements HLM situés au rez-de-chaussée.

Enfin, votre commission vous propose de maintenir la disposition permettant à l'autorité administrative d'étendre à d'autres communes la compétence ou de la rendre applicable sur une partie seulement de leur territoire, mais juge préférable que cette décision soit prise « sur proposition » des maires et non après avis. Elle vous soumet donc un amendement modifiant l'article L. 631-9 en ce sens.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 5 - (articles L. 526-1 et L. 526-3 du code de commerce ; L. 330-1 et L. 332-9 du code de la consommation) Insaisissabilité des biens fonciers non affectés à un usage professionnel - Extension du bénéfice du surendettement aux personnes ayant garanti la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société

Commentaire : cet article a pour objet de permettre à un entrepreneur individuel de rendre insaisissables les biens fonciers dont il est propriétaire et qui sont affectés à un usage professionnel. Il tend également à étendre le bénéfice du surendettement aux personnes ayant garanti la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société.

I. Le droit en vigueur

A. Insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur individuel

Afin de favoriser la création d'entreprises, la loi n° 2003-271 du 1 er août 2003 sur l'initiative économique a accordé à l'entrepreneur individuel la possibilité de rendre insaisissables les droits qu'il détient sur l'immeuble formant sa résidence principale.

Cette insaisissabilité, organisée par les articles L. 526-1 à L. 526-3 du code de commerce, est offerte à toute personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante. Elle résulte d'une déclaration qui, à peine de nullité, doit être reçue par un notaire et faire l'objet des mesures de publicité suivantes :

- une publication au bureau des hypothèques ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier ;

- une mention dans le registre de publicité légale à caractère professionnel dans lequel la personne est, le cas échéant, immatriculée ;

- une publication, par extrait, dans un journal d'annonces légales du département dans lequel est exercée l'activité professionnelle, lorsque la personne n'est pas tenue de s'immatriculer dans un tel registre.

L'insaisissabilité ne porte que sur la résidence principale de l'entrepreneur . Aussi, lorsque l'immeuble qu'il détient est à usage mixte professionnel et d'habitation, seule la partie affectée à la résidence principale peut faire l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité, à la condition qu'elle soit désignée dans un état descriptif de division.

La déclaration et l'insaisissabilité à laquelle elle conduit n'est opposable qu'aux créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant . Les titulaires de créances nées de l'activité non professionnelle de l'entrepreneur individuel peuvent en conséquence faire saisir la résidence principale.

Ses effets se poursuivent :

- soit jusqu'au décès du déclarant ;

- soit jusqu'à sa renonciation au bénéfice de l'insaisissabilité, laquelle ne peut intervenir que dans les conditions de validité et de publicité prévues pour la déclaration initiale.

En particulier, n'ont pas d'effet sur la validité de la déclaration :

- d'une part, la dissolution du régime matrimonial, lorsque le déclarant est attributaire du bien ;

- d'autre part, la cession des biens désignés dans la déclaration. Dans une telle hypothèse, le prix obtenu par cette cession demeure insaisissable à l'égard des créanciers auxquels la déclaration était opposable, à condition que ce prix soit remployé dans le délai d'un an pour l'acquisition par l'entrepreneur d'un nouvel immeuble où sera fixée sa résidence principale. Les droits sur la résidence principale nouvellement acquise restent alors insaisissables à la hauteur des sommes réemployées à l'égard des créanciers si l'acte d'acquisition contient une déclaration de remploi des fonds.

B. Champ d'application des procédures de traitement du surendettement

Depuis 1989, les personnes physiques bénéficient de dispositifs leur permettant, lorsqu'ils sont dans l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de leurs dettes non professionnelles, de se voir accorder des délais de paiement ou des remises de dettes.

La loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine a également étendu le bénéfice de ces différentes dispositions aux personnes physiques ne pouvant faire face à l'engagement qu'elles ont donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société, à la condition qu'elle n'aient pas été dirigeantes de droit ou de fait de celle-ci.

Cette même loi permet également aux personnes physiques surendettées, lorsqu'elles sont dans une situation irrémédiablement compromise caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en oeuvre les mesures de traitement du surendettement, de bénéficier de la procédure de rétablissement personnel, susceptible de conduire à l'effacement de la totalité des dettes du débiteur. La clôture de la procédure, lorsqu'elle intervient par réalisation de l'actif, entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles de la personne physique, à l'exception de celles dont le prix a été payé en ses lieu et place par la personne qui s'était portée caution de ses dettes ou qui s'était solidairement obligée au paiement.

Le dispositif actuel, s'il assure une protection réelle aux personnes qui se sont engagées à payer la dette contractée par un entrepreneur individuel, ne vise donc pas la situation dans laquelle ce dernier lui-même s'est engagé personnellement sur son patrimoine afin de garantir les dettes contractées à l'occasion de son exercice professionnel.

En outre, il n'est pas certain que l'effacement des dettes, par l'effet de la clôture d'une procédure de rétablissement personnel s'étende, en l'état actuel de la rédaction de l'article L. 332-9 du code de la consommation, à l'engagement lié au cautionnement ou à l'obligation d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société.

II. Le dispositif initialement proposé

Le premier paragraphe (I) du présent article modifie les articles L. 526-1 et L. 526-3 du code de commerce afin :

- d'étendre le bénéfice de l'insaisissabilité aux droits détenus par l'entrepreneur individuel sur tout bien foncier bâti ou non bâti non affecté à un usage professionnel .

Il s'agit, selon le Gouvernement, de protéger encore davantage le patrimoine personnel des personnes physiques, afin que la crainte de voir leurs biens saisis ne constitue pas un obstacle dirimant à la création d'entreprise.

Le champ élargi de l'insaisissabilité peut néanmoins conduire à des effets paradoxaux. En effet, la rédaction proposée interdirait de déclarer insaisissable un local donné à bail dans lequel s'exerce, par exemple, une activité artisanale, commerciale ou libérale, mais permettrait une telle déclaration pour un local donné à bail d'habitation. Une telle situation n'obéit pas à une quelconque justification économique ;

- de préciser la portée de la renonciation à l'insaisissabilité .

D'une part, cette renonciation pourra porter sur l'ensemble des biens de l'entrepreneur rendus auparavant insaisissables ou sur certains d'entre eux seulement.

D'autre part, cette renonciation pourra être faite au profit , soit de l'ensemble des créanciers dont la créance est née postérieurement à la déclaration d'insaisissabilité à l'occasion de l'activité professionnelle de l'entrepreneur, soit au profit de certains d'entre eux, lesquels devront être nommément désignés dans l'acte de renonciation.

Dans la mesure où la renonciation pourra être faite au profit d'un créancier déterminé, et non au profit de la créance, se posera la question de savoir si, en cas de cession de celle-ci par le créancier mentionné dans l'acte de renonciation, le créancier cessionnaire pourra effectivement s'en prévaloir.

Le second paragraphe (II) du présent article modifie le champ d'application des dispositions du code de commerce relatives au traitement des situations de surendettement afin d'ouvrir le bénéfice du traitement des situations de surendettement, de manière générale, à toute personne physique qui, de bonne foi, est dans l'impossibilité manifeste de faire face à l'engagement qu'elle a donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société. Il modifie à cette fin l'article L. 330-1 du code de la consommation.

Il en résulte que, désormais, le chef d'entreprise qui se sera porté caution des dettes de sa société pourra bénéficier des procédures de surendettement ainsi que de la procédure de rétablissement personnel, quand bien même ce cautionnement pourrait être considéré comme ayant un caractère professionnel. Le texte précisant qu'un tel engagement « peut » constituer une situation de surendettement, semble laisser aux commissions de surendettement comme au juge de l'exécution une marge d'appréciation quant à la prise en compte de ce cautionnement pour déterminer l'existence d'un surendettement.

En outre, l'article L. 332-9 est également modifié par le présent paragraphe afin de préciser que la clôture de la procédure de rétablissement personnel entraîne aussi l'effacement de la dette résultant de l'engagement que le débiteur a donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société. Cette rédaction permet dès lors de lever toute ambiguïté à ce sujet.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a apporté, avec l'avis favorable du gouvernement, trois modifications importantes au I du présent article.

D'une part, à l'initiative de M. Eric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois, et de M. Jean-Luc Warsmann, son président, l'Assemblée nationale a, pour tenir compte de l'élargissement de l'assiette des biens susceptibles d'être déclarés insaisissables, précisé qu'un bien foncier qui n'est pas utilisé en totalité pour un usage professionnel ne pourra faire l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité que pour sa partie non affectée à un usage professionnel , à la condition que celle-ci soit désigné dans un état descriptif de division .

Cette exigence n'est en définitive que l'extension logique d'une formalité qui existait déjà s'agissant de la résidence principale de l'entrepreneur individuel.

D'autre part, les députés ont utilement précisé, à la suite d'un sous-amendement présenté par M. Jean-Paul Charié au nom de la commission des affaires économiques, que le fait , pour l'entrepreneur individuel, de se domicilier, à titre exclusif, dans son local d'habitation aux fins de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne l'empêchait pas de faire une déclaration d'insaisissabilité portant sur ce bien immobilier , sans avoir par ailleurs à produire un état descriptif de division.

Enfin, à l'initiative de M. Eric Ciotti au nom de la commission des lois, l'Assemblée nationale a souhaité reporter les effets de la révocation de la déclaration d'insaisissabilité, lorsqu'elle intervient à raison du décès de l'entrepreneur individuel, au décès de son conjoint survivant .

L'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Jean-Paul Charié et avec l'avis favorable du Gouvernement, n'a modifié le II du présent article que pour y apporter une précision qualifiée de rédactionnelle lors des débats mais qui, en réalité, est importante, puisqu'elle retire la marge d'appréciation qui semblait laissée aux organes des procédures de traitement du surendettement et de rétablissement personnel pour constater une situation de surendettement .

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale est favorable à l'adoption sans modification du dispositif relatif au surendettement .

En revanche, elle estime que, si l'extension de l'insaisissabilité des biens de l'entrepreneur individuel est certainement une incitation au moins psychologique à la création d'entreprise, elle ne doit pas conduire à l'inverse à limiter l'apport de crédits nécessaire à l'amorce de toute nouvelle activité économique. Or, de ce point de vue, le dispositif tel qu'il résulte des travaux des députés, doit incontestablement être précisé.

En premier lieu, afin d'éviter les effets paradoxaux découlant du champ d'application de la mesure d'insaisissabilité, votre commission vous propose par amendement de limiter l'insaisissabilité aux seuls biens fonciers bâtis ou non bâtis que l'entrepreneur individuel n'a pas affectés à son usage professionnel.

Par un deuxième amendement, votre commission vous propose d'apporter une clarification rédactionnelle ainsi qu'une coordination rendue nécessaire par l'extension du champ d'application de la mesure d'insaisissabilité.

Votre commission vous soumet un autre amendement afin de sécuriser la situation du créancier cessionnaire d'une créance dont le titulaire initial aurait bénéficié, à son profit, d'une renonciation à l'insaisissabilité d'un bien par l'entrepreneur individuel. Il convient en effet que ce cessionnaire puisse lui-même se prévaloir de cette renonciation .

En dernier lieu, votre commission spéciale s'interroge sur la pertinence de la disposition , introduite par les députés, prévoyant le report des effets de la révocation de l'insaisissabilité par décès de l'entrepreneur individuel au décès de son conjoint survivant.

S'il est tout à fait louable de chercher à protéger le conjoint survivant, on peut se demander si le fait que tous les biens non affectés à l'usage professionnel du défunt puissent rester insaisissables pendant de nombreuses années après son décès n'est pas disproportionné et ne risque pas de limiter encore davantage qu'aujourd'hui l'octroi de crédit aux entrepreneurs individuels. En outre, cette mesure comporte des risques importants de voir des successions ne jamais se clorent ou des héritiers rester de longues années dans l'indivision successorale dans le seul but de tirer bénéfice de cette insaisissabilité.

Il aurait sans doute pu être envisagé de limiter les effets de ce report à la seule résidence principale de l'entrepreneur individuel, la réelle protection devant être offerte au conjoint survivant étant le maintien dans le domicile commun après la mort de son conjoint.

Cependant, par l'effet des règles relatives aux successions, le conjoint survivant bénéficie déjà d'une telle protection, puisqu'il est titulaire d'un droit viager à l'occupation et à l'usage du domicile conjugal, ce droit viager étant insaisissable. Un tel dispositif introduit dans le code de commerce serait donc à tous égards redondant.

Votre commission spéciale vous propose donc, par un dernier amendement , de supprimer le report des effets de la révocation jusqu'au décès du conjoint survivant.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 5 bis (nouveau) - (article L. 121-8 [nouveau] du code de commerce) Extension du statut de conjoint collaborateur du chef d'entreprise travaillant dans l'entreprise familiale au partenaire d'un pacte civil de solidarité

Commentaire : cet article a pour objet d'étendre le statut de conjoint du chef d'entreprise travaillant dans l'entreprise familiale à toute personne ayant conclu un pacte civil de solidarité avec un chef d'entreprise.

I. Le droit en vigueur

La loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a imposé au conjoint du chef d'une entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle, d'opter pour un statut dont découlent des droits professionnels et sociaux spécifiques :

- le statut de conjoint collaborateur. Ce statut, qui ne peut être adopté par le conjoint que dans certaines conditions lorsque le chef d'entreprise est gérant associé unique ou associé gérant majoritaire d'une société à responsabilité limitée ou d'une société d'exercice libérale à responsabilité limitée, permet au conjoint de bénéficier d'une retraite vieillesse personnelle sans cotisation supplémentaire et d'une assurance-maternité.

Vis-à-vis des tiers, le conjoint collaborateur est réputé avoir reçu du chef d'entreprise le mandat d'accomplir au nom de ce dernier les actes d'administration concernant les besoins de l'entreprise. En outre, les actes de gestion et d'administration qu'il accomplit pour les besoins de l'entreprise sont réputés l'être pour le compte du chef d'entreprise et n'entraînent à la charge du conjoint collaborateur aucune obligation personnelle ;

- le statut de conjoint salarié. Dans le cadre de ce statut, le conjoint bénéficie à titre personnel des prestations du régime général de sécurité sociale et dispose de la protection aménagée par le droit du travail au profit des salariés tout comme de la formation professionnelle continue. S'il devient demandeur d'emploi, il peut bénéficier d'allocations chômage et d'indemnités complémentaires, et participer aux stages et autres mesures de reconversion proposés. Le divorce ou la rupture d'un lien conjugal ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Sur le plan fiscal, le salaire du conjoint salarié est déductible des bénéfices imposables. Toutefois, la rémunération ne doit pas être excessive au regard du service rendu. En outre, cette déductibilité est plafonnée si les époux ne sont pas mariés sous le régime de la séparation de biens ;

- le statut de conjoint associé . Le conjoint associé d'un commerçant ou d'un artisan peut prétendre, notamment, à une protection sociale à titre d'ayant-droit du chef d'entreprise s'il ne participe pas à l'activité de l'entreprise, au régime général de la sécurité sociale s'il travaille dans l'entreprise en qualité de salarié ou de gérant minoritaire de société à responsabilité limitée. Lorsqu'il participe à l'activité de l'entreprise sans être ni salarié ni gérant d'une SARL, il peut bénéficier, selon le cas, soit du régime d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions artisanales ou des professions industrielles et commerciales, soit du régime d'assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles, ainsi que du régime d'allocations familiales des employeurs et travailleurs indépendants. Il peut également obtenir la qualité d'artisan, d'artisan d'art ou le titre de « maître artisan » s'il répond aux conditions de diplômes ou de titres exigés pour ce faire.

Ces statuts ne bénéficient qu'aux personnes unies par un lien matrimonial.

Or, une forte demande s'est faite jour depuis 2005 pour que le régime accordé par l'effet du mariage avec un chef d'entreprise puisse également être reconnu aux personnes ayant conclu avec celui-ci un PACS, voire aux personnes en simple situation de concubinage avec lui .

C'est pour répondre partiellement à cette volonté que le Gouvernement a proposé à l'Assemblée nationale d'adopter le présent article, ce qu'elle a accepté avec l'avis favorable de sa commission des affaires économiques.

II. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Cet article prévoit de compléter la section II du chapitre premier du titre premier du livre premier du code de commerce par un article L. 121-8 afin de prévoir que l'ensemble des dispositions relatives au statut du conjoint du chef d'une entreprise familiale sont applicables aux personnes liées à celui-ci par un PACS.

Cette mesure permettra , en particulier, au partenaire du chef d'entreprise de bénéficier du statut de conjoint collaborateur .

En revanche, les dispositions de l'article L. 121-5 du code de commerce ne seront pas applicables au partenaire du chef d'entreprise dans la mesure où elles ont trait à l'utilisation des biens de la communauté, alors même que le PACS n'offre aux partenaires que le régime de l'indivision ou de la séparation de biens.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale est favorable à ce que les personnes liées par un PACS au chef d'une entreprise artisanale, commerciale ou libérale puissent bénéficier du statut offert au conjoint de ce dernier .

Cet alignement participe d'une démarche continue du législateur, depuis 1999, de rapprocher le PACS de l'institution du mariage, tout au moins dans ses effets patrimoniaux.

Votre commission spéciale vous propose néanmoins un amendement de réécriture globale tendant :

- à modifier l'intitulé de la section concernée du code de commerce par coordination avec l'extension de ses dispositions au partenaire du chef d'entreprise ;

- par souci de lisibilité et de cohérence des dispositions du présent projet de loi, à réintégrer au sein du présent article les dispositions figurant à l'article 11 bis relatives à la mention du conjoint collaborateur au sein des registres de publicité légale à caractère professionnel , tel que le registre du commerce et des sociétés ou le répertoire des métiers.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 5 ter (nouveau) - Habilitation à étendre par ordonnance la qualité de constituant d'une fiducie aux personnes physiques

Commentaire : cet article, introduit par l'Assemblée nationale, habilite le Gouvernement à étendre par ordonnance la qualité de constituant d'une fiducie aux personnes physiques et à modifier en conséquence le régime d'imposition y afférent.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

La fiducie permet , dans une relation triangulaire, le transfert de biens ou de droits du patrimoine d'une personne (le constituant ) vers celui d'une autre personne (le fiduciaire ) pour le bénéfice d'une troisième (le bénéficiaire ). Elle se rapproche, par ses effets, de l'institution anglo-saxonne du trust qui permet de faire assurer par un tiers la gestion d'éléments de patrimoine au profit d'une autre personne.

Elle a pour conséquence essentielle de transférer au fiduciaire la propriété des biens mis en fiducie, ces biens étant placés dans un patrimoine d'affectation (le patrimoine fiduciaire) distinct du patrimoine personnel du fiduciaire. Le bénéficiaire se voit transférer les biens mis en fiducie à la fin du contrat instituant la fiducie.

La fiducie peut avoir trois usages :

- la transmission de biens du patrimoine du constituant vers celui du bénéficiaire, après gestion des biens mis en fiducie par le fiduciaire ( fiducie-transmission ). Cette transmission peut s'effectuer à titre onéreux (moyennant contrepartie financière) ou à titre gratuit (on parle alors de fiducie-libéralité) ; dans ce dernier cas, elle peut permettre, à l'instar du trust anglo-saxon, d'organiser la succession de personnes physiques ;

- la gestion de biens ( fiducie-gestion ). Le fiduciaire s'engage, le cas échéant moyennant rémunération, à gérer le bien qui lui est transmis pour le compte du constituant et à le lui rétrocéder à une date déterminée ;

- la garantie de dettes ( fiducie-sûreté ). Dans une telle hypothèse, le fiduciaire s'engage à rétrocéder le bien transféré au constituant de la sûreté lorsque cette garantie n'a plus lieu de jouer à raison de la disparition de la créance.

Ce n'est qu'au terme de plusieurs projets inaboutis que la fiducie a été introduite en droit français par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie, à la suite d'une proposition de loi présentée par votre co-rapporteur, M. Philippe Marini, très largement remaniée par notre commission des lois à l'initiative de son rapporteur, M. Henri de Richemont .

Tant la proposition de loi initiale que les conclusions de votre commission des lois entendaient ouvrir autant que possible cette institution juridique nouvelle et attendue, la restriction principale apportée au dispositif étant la prohibition de la fiducie-libéralité, compte tenu des dispositions déjà offertes par le droit français tant en matière de successions et de libéralités qu'en matière de fondations. Cette volonté s'est néanmoins heurtée à l'hostilité du gouvernement dirigé alors par M. Dominique de Villepin, qui a conditionné la poursuite de la navette parlementaire à l'interdiction pour une personne physique ou une personne morale non passible de l'impôt sur les sociétés de constituer une fiducie.

Cette restriction, très critiquée en doctrine et par les praticiens, a en réalité limité l'usage de cet instrument juridique aux seules opérations financières de grande envergure, comme la syndication bancaire et la titrisation. En particulier, les entrepreneurs personnes physiques ne peuvent utiliser la fiducie afin d'affecter certains de leurs biens à leur exercice professionnel.

Ce dispositif volontairement tronqué explique sans doute qu'un peu plus d'un an après l'entrée en vigueur de la loi du 19 février 2007, seuls quelques contrats de fiducie, pour l'essentiel à titre de garantie, aient été conclus.

Or, par le présent article, le Gouvernement entend lui-même ouvrir la fiducie aux personnes physiques, cette mesure ayant été présentée par M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, lors des débats à l'Assemblée nationale, comme l'une des « réponses » du Gouvernement à la question du patrimoine d'affectation de l'entrepreneur individuel, un rapport sur la création d'un tel patrimoine ayant par ailleurs été confié à M. Xavier de Roux.

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a ainsi, avec l'avis favorable de sa commission des affaires économiques, autorisé le Gouvernement à intervenir par ordonnance dans le domaine de la loi, en application de l'article 38 de la Constitution afin :

- de permettre aux personnes physiques de constituer une fiducie à des fins de garantie ou de gestion .

L'habilitation exclut expressément toute utilisation de la fiducie à titre de libéralité et soumet le futur dispositif au respect des règles relatives aux successions et libéralités ainsi qu'à celles concernant la protection des mineurs et des majeurs ;

- d'adapter en conséquence le régime des impositions de toute nature . Si la loi du 19 février 2007 a en effet prévu un régime fiscal reposant sur les principes de transparence et de neutralité fiscales de l'opération fiduciaire, en matière d'impôts directs, ces règles n'ont été prévues que pour l'impôt sur les sociétés. Il conviendra donc d'adapter les règles concernant, en particulier, l'impôt sur le revenu.

L'ordonnance prise en application du présent article devra intervenir dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi, un projet de loi de ratification devant être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de cette ordonnance.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne peut qu'être favorable à l'extension de la qualité de constituant aux personnes physiques .

La fiducie constitue en effet un instrument juridique d'une particulière souplesse qui doit pouvoir profiter tant aux personnes morales qu'aux personnes physiques et, en particulier, aux entrepreneurs individuels, commerçants ou artisans. Elle ne peut que regretter que le Gouvernement s'engage finalement avec tant de retard dans cette voie souhaitée par le Sénat en octobre 2006.

Si votre commission spéciale soutient l'initiative gouvernementale, elle s'oppose en revanche à la voie d'une habilitation générale dans une matière de nature à bouleverser notre paysage juridique.

Elle considère que le principe et les conditions essentielles de l'extension de la qualité de constituant aux personnes physiques doivent intervenir dans le cadre de mesures d'application directe.

En outre, votre commission spéciale estime que la réforme proposée doit également être l'occasion d'ouvrir la qualité de fiduciaire au-delà de la seule catégorie des établissements de crédits, des entreprises d'investissement et des entreprises d'assurance .

Elle est favorable, comme le Sénat l'avait déjà voté à l'occasion de la discussion de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection des majeurs, à ce que les membres de certaines professions juridiques et judiciaires réglementées, et en particulier les avocats, puissent exercer une activité de fiduciaire. Une telle ouverture apparaît indispensable à l'attractivité de la fiducie, a fortiori si elle est désormais ouverte aux constituants personnes physiques.

Votre commission spéciale vous propose en conséquence un amendement de réécriture globale de cet article tendant, tout en maintenant le principe de la prohibition de la fiducie à titre de libéralité , à :

- supprimer les dispositions actuelles du code civil ayant pour objet ou pour effet de limiter la qualité de constituant aux seules personnes morales soumises de plein droit ou sur option à l'impôt sur les sociétés .

En conséquence, toute personne physique ou morale ayant la capacité de s'engager juridiquement pourra être constituant d'une fiducie, indépendamment du régime fiscal auquel elle est soumise. Cette mesure transforme ainsi la fiducie en une institution générale du droit civil alors que la loi du 19 février 2007 l'avait, sous la pression du Gouvernement, limitée à un simple instrument au service des entreprises.

Le contrat de fiducie prendra fin au décès du constituant personne physique et les biens et droits jusqu'alors transférés dans le patrimoine fiduciaire seront alors rapportés à sa succession.

La qualité de constituant sera exclue pour les personnes qui font l'objet d'une mesure de tutelle. En revanche, une personne sous curatelle pourra conclure un contrat de fiducie, à la condition qu'elle le fasse avec l'assistance de son curateur.

Le dispositif proposé par votre commission tend également à tenir compte du prononcé éventuel d'une mesure de protection juridique en cours d'exécution d'un contrat de fiducie. L'article 2022, qui détermine les modalités d'information du constituant par le fiduciaire est en conséquence complété, afin de prévoir une information à la seule destination du tuteur en cas de tutelle et à destination du constituant et du curateur, en cas de curatelle. Le fiduciaire rendra compte de sa mission à ces personnes une fois par an, sans préjudice des dispositions qui seraient prévues au contrat.

En outre, le cumul de la fonction de fiduciaire et de curateur ou tuteur sera prohibé : un contrat de fiducie ne pourra donc lier le majeur protégé à son tuteur ou curateur.

En tout état de cause, afin de protéger les intérêts du mineur, le transfert des biens de celui-ci au sein d'un patrimoine fiduciaire sera interdit. En outre, l'un des époux commun en biens ne pourra, sans l'accord de l'autre époux, transférer des biens de la communauté au sein d'un patrimoine fiduciaire ;

- à permettre aux membres de la profession d'avocat d'exercer la fonction de fiduciaire.

Pour ce faire, l'avocat devra pouvoir justifier d'une garantie financière en cas de mise en jeu de sa responsabilité civile professionnelle.

En outre, la qualité de fiduciaire dépendant de l'appartenance à cette profession réglementée, le contrat de fiducie s'éteindra de plein droit si le professionnel fait l'objet d'une mesure d'interdiction d'exercer cette profession, soit à titre temporaire, soit à titre permanent.

De même, le décès de ce professionnel emportera anéantissement du contrat de fiducie.

Consciente que la création d'un nouveau régime en matière fiscale , par sa complexité, ne peut intervenir dans le cadre de dispositions d'application directe dans les délais d'examen impartis par l'ordre du jour parlementaire, votre commission vous propose, dans son amendement, d'habiliter le Gouvernement à recourir à la voie de l'ordonnance afin de déterminer le cadre juridique de l'imposition des biens des personnes physiques transférés dans le cadre d'un patrimoine fiduciaire .

Toutefois, elle souhaite préciser cette habilitation en prévoyant, s'agissant des impôts directs de toute nature, que le régime fiscal devra respecter les principes de neutralité et de transparence fiscale . C'est en effet à ce prix que la fiducie des personnes physiques aura un caractère attractif et ne constituera pas un dispositif favorisant l'évasion fiscale.

Le délai pour prendre cette ordonnance est fixé à six mois à compter de la publication de la présente loi.

Sur cette base, le texte du Gouvernement pourra prévoir, en particulier :

- que le transfert de biens ou droits dans un patrimoine fiduciaire ne constitue pas un fait générateur d'impôt sur le revenu si le fiduciaire inscrit, dans les écritures du patrimoine fiduciaire, les biens ou droits transférés pour leur valeur nette comptable figurant dans les écritures du constituant lorsque celui-ci est une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole imposable à l'impôt sur le revenu selon un régime de bénéfice réel ;

- que le bénéfice de la fiducie sera imposé à la fin de chaque exercice ou année civile au nom de chaque titulaire d'une créance au titre de celle-ci ;

- qu'en cas de transmission à titre onéreux d'une créance résultant du contrat de fiducie, il sera fait application des règles applicables aux cessions des biens ou droits formant le patrimoine fiduciaire ;

- que le retour de biens ou droits dans le patrimoine d'un titulaire d'une créance au titre de la fiducie ne sera pas un fait générateur d'impôt sur le revenu.

Votre commission vous propose également une habilitation , pour une durée de six mois, afin d'assurer les coordinations nombreuses, en matière de droit des successions, de droit des majeurs protégés, et de règles relatives à l'organisation des professions réglementées, nécessaires à la mise en oeuvre du nouveau régime de la fiducie .

Elle vous propose également que cette habilitation permette de préciser que, dans leur activité de fiduciaire, ces personnes se verront appliquer le régime de droit commun en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement des activités terroristes .

Plus généralement, ces professionnels seront, dans leur activité de fiduciaire, soumis à l'ensemble des obligations imposées à tout fiduciaire en application de la loi du 19 février 2007 , sans pouvoir opposer les spécificités d'exercice de la profession réglementée dont ils sont les membres. Cela vaut, en particulier, s'agissant du secret professionnel de l'avocat.

Ce nouveau dispositif entrera en vigueur dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi .

Votre commission vous propose, par le même amendement, de fixer par des dispositions d'application directe, certaines mesures relatives au régime juridique de la fiducie, prévues à l'article 19 pour intervenir par ordonnance, en les complétant. En conséquence :

- lorsque le contrat de fiducie prévoit que le constituant conserve l'usage ou la jouissance d'un immeuble à usage commercial ou industriel transféré dans le patrimoine fiduciaire, la convention conclue à cet effet ne sera pas soumise, sauf stipulation contraire, au régime des baux commerciaux ou de la location-gérance ;

- l a cession de créances réalisée dans le cadre d'une fiducie serait opposable aux tiers à la date du contrat de fiducie. Elle ne deviendrait opposable au débiteur de la créance cédée que par la notification qui lui en est faite par le cédant ou le fiduciaire ;

- des modalités de remplacement du fiduciaire plus efficaces que celles actuellement prévues sont mises en place. Ainsi, le contrat de fiducie pourra prévoir le remplacement du fiduciaire, et l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire à son égard pourra amener le juge, sur demande du constituant ou du bénéficiaire, à dessaisir le fiduciaire. Afin d'éviter que le manquement ou la défaillance du fiduciaire ne soit source de complications et de formalités supplémentaires, en cas de décision de justice dessaisissant le fiduciaire originaire, le transfert du patrimoine fiduciaire en faveur du nouveau fiduciaire est de plein droit ;

- l 'intervention du juge serait ainsi supprimée pour prononcer la résiliation du contrat de fiducie lorsque la totalité des bénéficiaires renonce à la fiducie. Les parties pourront prévoir dans le contrat de fiducie que celui-ci pourra être prolongé malgré la mise en liquidation judiciaire, la cession ou l'absorption du fiduciaire.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 5 quater (nouveau) - Rapport au Parlement sur l'extension du statut de conjoint collaborateur au concubin du chef d'entreprise

Commentaire : cet article, introduit par l'Assemblée nationale, impose au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur les modalités de l'extension du statut de conjoint collaborateur au concubin du chef d'entreprise.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative de M. Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de sa commission des finances, l'Assemblée nationale a, avec l'avis favorable du Gouvernement émis sous réserve d'un sous-amendement en modifiant le champ, prévu que, dans le délai d'un an à compter de la promulgation de la loi sur la modernisation de l'économie, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur les modalités de l'extension du statut de conjoint collaborateur aux personnes qui vivent en concubinage avec un chef d'entreprise .

Selon l'auteur de cet amendement, « il n'y a aucune raison pour que seules les personnes mariées ou liées par un pacte civil de solidarité puissent avoir le statut de conjoint collaborateur. Il y a aussi des personnes qui ont fait le choix, et elles sont libres de le faire, de vivre en concubinage. Aujourd'hui, elles ne bénéficient pas des protections qu'offre ce statut . »

Ce rapport devrait donc déterminer dans quelles conditions l'extension de ce statut aux concubins pourrait intervenir. Sur cette base, des mesures d'aménagement de la législation pourront, le cas échéant, être discutées.

II. La position de votre commission spéciale

L'extension du statut de conjoint collaborateurs aux concubins fait l'objet d'une réelle demande, mais soulève sur le plan juridique de sérieuses difficultés.

Une telle extension soulève en effet de nombreuses questions, liées essentiellement à la circonstance que le concubinage est une situation de fait , contrairement au mariage ou au PACS qui constituent des situations de droit puisqu'elles reposent sur un acte juridique.

En particulier, l'absence d'acte juridique permettant, à l'heure actuelle, d'attester du début ou de la fin d'une relation de concubinage rend difficile l'attribution de droits spécifiques lorsque cette relation intervient avec le chef d'une entreprise commerciale, artisanale ou libérale.

Sans doute le rapport proposé par les députés pourrait-il permettre de mettre en exergue ces difficultés et de proposer les voies permettant, le cas échéant, de les surmonter.

Cependant, votre commission spéciale n'est, par principe, pas favorable à la multiplication des rapports au Parlement, l'expérience ayant montré que ces rapports n'étaient souvent pas déposés dans les délais requis voire jamais présentés aux assemblées. Du reste, elle estime que le Parlement est tout à fait à même de se saisir de l'examen d'une telle question, le cas échéant dans le cadre d'une mission d'information constituée en son sein. Aussi, vous propose-t-elle d'adopter un amendement de suppression .

Votre commission spéciale vous propose de supprimer cet article.

Article additionnel après l'article 5 quater - (articles 83 et 83 quater de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable ; article 5 de l'ordonnance 2004-279 du 25 mars 2004 portant simplification et adaptation des conditions d'exercice de certaines activités professionnelles) Prorogation d'activité des centres de gestion agréés et habilités

Commentaire : cet article additionnel tend à proroger, pour une durée de trois années supplémentaires, l'activité des centres de gestion agréés et habilités.

L'ordonnance n° 2004-279 du 25 mars 2004 portant simplification et adaptation des conditions d'exercice de certaines activités professionnelles, a profondément réformé les professions comptables.

Avant son entrée en vigueur, la profession d'expertise comptable ne pouvait être exercée que par les experts-comptables et les sociétés d'expertise comptable inscrits au tableau de l'ordre des experts-comptables. Toutefois, par dérogation à ce monopole, les centres de gestion agréés et habilités (CGAH) pouvaient tenir des comptabilités, dans des conditions limitatives dépendant de l'importance du chiffre d'affaires ou de l'activité exercée par l'entreprise adhérente du centre.

Afin de clarifier et de simplifier pour les entreprises les règles d'accès au marché de la comptabilité, l'ordonnance a autorisé l'exercice de l'activité d'expertise comptable sous forme associative au sein d'associations de gestion et de comptabilité (AGC), quels que soient le chiffre d'affaires ou le secteur socioprofessionnel de leur clientèle.

En conséquence, elle a prévu des mesures transitoires afin de favoriser la transformation des CGAH en associations de gestion et de comptabilité. Ainsi, certains salariés des centres de gestion agréés et habilités peuvent désormais, s'ils remplissent diverses conditions, être inscrits au tableau de l'ordre des experts-comptables ou faire fonction d'experts-comptables. La transformation des centres de gestion agréés en association de gestion et de comptabilité s'effectue par ailleurs en franchise d'impôt.

L'ordonnance du 25 mars 2004 a également prévu que les CGAH étaient habilités à tenir des comptabilités jusqu'au 31 décembre 2008.

Or, le délai prescrit par l'ordonnance ne paraît aujourd'hui pas suffisant pour que l'ensemble des CGAH puissent accomplir dans les temps les démarches nécessaires à leur transformation en AGC.

Votre commission spéciale vous propose en conséquence de proroger ce délai de trois années supplémentaires, en le portant au 31 décembre 2011.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel après l'article 5 quater Définition législative des particuliers employeurs

Par coordination avec l'amendement de suppression de l'article 1A, votre commission spéciale vous propose, par un amendement , de déplacer à la fin du chapitre I er du titre I er , sans modifier sa rédaction, la définition des particuliers employeurs.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

CHAPITRE II - Favoriser le développement des PME

Ce chapitre vise à encourager le développement des PME, dont la difficulté à grandir constitue une faiblesse désormais bien identifiée de l'économie française. Il comprenait initialement cinq articles contribuant chacun pour leur part à cet objectif : l'article 6, qui impose une réduction des délais de paiement, dont la longueur propre à la France pèse principalement sur les PME, l'article 7 qui propose d'offrir, à titre expérimental, un accès privilégié des PME innovantes à la commande publique, l'article 8 qui réforme UBIFrance pour mieux accompagner les PME à l'export, l'article 9 qui facilite l'investissement des personnes physiques dans les entreprises en amorçage, et enfin l'article 10 qui favorise l'investissement de proximité et celui des institutionnels au bénéfice des PME.

L'Assemblée nationale a complété ce chapitre par neuf articles nouveaux : l'article 6 bis confie aux commissaires aux comptes la mission de révéler le non-respect des délais de paiement, l'article 6 ter vise à accélérer la dématérialisation des factures reçues par les administrations, les article 8 bis et 8 ter améliorent le dispositif des volontaires internationaux en entreprise (VIE), l'article 9 bis assouplit le régime des bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises, l'article 9 ter supprime le statut de société unipersonnelle d'investissement à risque, l'article 10 bis organise le régime du rachat d'actions par les sociétés cotées sur un système multilatéral de négociation, l'article 10 ter impose la prise en compte de l'évolution des prix du carburant dans le coût du transport routier et, enfin, l'article 10 quater prévoit le dépôt au Parlement d'un rapport sur le bilan de l'action des acteurs du système public de financement, d'appui et de soutien aux PME.

Article 6 - (articles L. 441-6 et L. 442-6 du code de commerce) Réduction des délais de paiement

Commentaire : cet article tend à plafonner à quarante-cinq jours fin de mois ou soixante jours calendaires le délai de paiement convenu entre les entreprises, à doubler les intérêts minimaux dus en cas de retard et à renforcer la sanction civile pour le dépassement de ce délai. Il prévoit aussi la possibilité -pour des raisons économiques objectives- de dérogations exceptionnelles par accord interprofessionnel ne pouvant produire d'effet au-delà du 31 décembre 2011.

I. Le droit en vigueur

Le huitième alinéa de l'article L. 441-6 du code de commerce, relatif aux conditions générales de vente, dispose que, « sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée ». Ce délai de trente jours est peu appliqué dans les faits, les parties fixant habituellement les délais de paiement par voie conventionnelle.

En revanche, un régime plus restrictif existe pour certains secteurs : depuis la loi « Gayssot » sur les transports de 2006, un plafonnement des délais de paiement convenus à 30 jours (à compter de la date d'émission de la facture) a été instauré pour l'ensemble des acteurs du transport, sauf le monde ferroviaire et les prestations de logistique. Les produits alimentaires et les boissons alcoolisées sont également régis par des délais de paiement spéciaux.

Le dixième alinéa de l'article L. 441-6 du code de commerce prévoit par ailleurs que les conditions de règlement précisent les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture. Ce taux doit être égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) à son opération de refinancement la plus récente - soit 4 % depuis juin 2007 - majoré de sept points, sauf disposition contraire (qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à une fois et demie le taux d'intérêt légal).

Il est aussi prévu que ces pénalités de retard soient exigibles automatiquement, sans rappel.

Enfin, le dernier alinéa de l'article L. 441-6 établit une sanction en cas de non respect des délais de paiement, de conditions de règlement incomplètes et de non-conformité du taux ou des conditions d'exigibilité aux prescriptions fixées par l'article. La sanction prévue consiste en une amende de 15.000 euros.

II. Le dispositif initialement proposé

Le dispositif initial comprend quatre paragraphes.

Le paragraphe I propose d'apporter quatre modifications à l'article L. 441-6 du code de commerce (également modifié par l'article 21 du projet de loi, mais sur d'autres points) pour :

1 )°plafonner à 45 jours fin de mois (c'est-à-dire dont la computation débute à la fin du mois) ou 60 jours (calendaires) à compter de la date d'émission de la facture le délai de paiement convenu entre les parties (tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur, d'une part ; tout acheteur de produits ou de prestations de services, de l'autre). Il est aussi prévu la possibilité, pour les professionnels d'un secteur (clients et fournisseurs), de décider d'abaisser encore ce plafond par la conclusion d'accords entre leurs organisations professionnelles. Un décret pourra étendre ce nouveau plafond à tous les opérateurs du secteur ;

2 )°préciser que le plafonnement général à 60 jours ne saurait faire obstacle au plafonnement à 30 jours spécifique au secteur des transports, introduit par la loi Gayssot ;

3 )°relever le taux d'intérêt sur le fondement duquel sont calculées les pénalités de retard, le plancher de ce taux étant doublé (porté à trois fois le taux d'intérêt légal) et le plafond rehaussé (jusqu'à dix points au-dessus du taux de refinancement de la BCE). Les pénalités minimales en cas de retard se trouvent donc doublées ;

4 )°effectuer une coordination de référence au sein de l'article.

Le paragraphe II propose de compléter l'article L. 442-6 du code de commerce afin d'assimiler à un abus, engageant la responsabilité civile du débiteur, tout délai de règlement supérieur au plafond créé de 45 jours fin de mois ou 60 jours à compter de la date d'émission de la facture. Ceci permet au créancier d'obtenir réparation en cas de dépassement de ce plafond, d'autant que l'action en réparation peut être introduite par toute personne justifiant d'un intérêt mais aussi par le ministère public, le ministre chargé de l'économie ou le président du Conseil de la concurrence.

Le paragraphe III prévoit qu'il reste possible de dépasser le plafond des délais de paiement instauré au I, par dérogation résultant d'accords interprofessionnels sectoriels. Cette dérogation est possible à trois conditions :

- que ces délais de paiement plus longs soient motivés par « des raisons objectives et spécifiques à ce secteur, notamment au regard des délais de paiement constatés dans le secteur en 2007 ou de la situation particulière de rotation des stocks » ;

- que l'accord prévoit la réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal ;

- que sa durée ne dépasse pas le 1 er janvier 2012.

Il est prévu une forme d'homologation ministérielle de ces accords interprofessionnels puisqu'ils doivent être reconnus comme satisfaisant à ces conditions par décret, pris après avis du Conseil de la concurrence.

Enfin, le paragraphe IV prévoit l'application du nouveau plafond des délais de paiement, de la réparation du préjudice représenté par l'abus que constitue leur non-respect et de l'aggravation des pénalités de retard, aux contrats conclus à compter du 1 er janvier 2009.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Ayant manifesté un certain volontarisme à l'égard de la réduction des délais de paiement en envisageant un passage immédiat à trente jours, les députés ont finalement été convaincus par M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Le ministre a effectivement rappelé l'ambition du Président de la République en matière de délais de paiement : une réduction légale à soixante jours dans le présent texte, laissant néanmoins la place à des négociations concomitantes par branche, sous la médiation de M. Yvon Jacob. Ces négociations devraient aboutir, d'ici la fin de l'année 2008, à une réduction encore plus sévère, faute de quoi une nouvelle loi plus contraignante serait soumise au Parlement en 2009. L'Assemblée nationale a donc adopté le dispositif proposé par le Gouvernement en ne le modifiant qu'à la marge.

D'abord, sur proposition de leur commission des lois, saisie pour avis de l'article 6, les députés ont prévu la possibilité, par accord interprofessionnel, de retenir la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation de services plutôt que celle d'émission de la facture comme point de départ du délai de 60 jours plafonnant le délai de paiement. Ce nouveau mode de computation pourra être étendu par décret à tous les opérateurs du secteur.

Par ailleurs, à l'initiative de leur commission des affaires économiques, ils ont souhaité inclure dans les abus identifiés par le texte comme susceptibles d'engager la responsabilité de leur auteur le fait, pour le débiteur, de demander au créancier, sans raison objective, de différer la date d'émission de la facture, allongeant ainsi le délai de règlement effectif. Dans le même esprit, l'Assemblée nationale a prévu que tout accord interprofessionnel dérogeant au plafond légal de paiement à soixante jours devait non seulement organiser la réduction progressive du délai dérogatoire vers le délai légal, mais aussi imposer l'application d'intérêts de retard en cas de non-respect de l'objectif fixé par l'accord.

Enfin, outre deux améliorations rédactionnelles, l'Assemblée nationale a suivi deux propositions additionnelles faites par M. Jean-Paul Charié, au nom de sa commission des affaires économiques : la première crée un nouveau paragraphe V dans l'article 6 pour expliciter le fait que le nouveau délai légal de paiement s'applique aux commandes dites « ouvertes ». Dans ce cas, le donneur d'ordre ne prend aucun engagement ferme sur la quantité des produits ou sur l'échéancier des prestations ou des livraisons : le sous-traitant s'engage en fait à fournir son client qui procède, en tant que de besoin, à des « appels de commandes », comme cela peut être le cas dans la filière automobile (la « commande ouverte » durant tant que la pièce automobile est produite).

La deuxième complète l'article 6 par un paragraphe VI qui modifie la règle de computation des délais de paiements pour les livraisons de marchandises en outre-mer : le délai serait ainsi décompté à partir de la date de réception des marchandises importées sur le territoire fiscal des départements et collectivités d'outre-mer.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale est pleinement convaincue des effets bénéfiques, pour l'économie française et, plus particulièrement, pour ses PME, d'une réduction des délais de paiement.

Les délais de paiement atteignent en moyenne 67 jours en France , durée plus longue que dans les autres pays européens et, de surcroît, cette moyenne cache une très grande dispersion , certains délais de paiement pouvant aller jusqu'à plus de 500 jours (notamment, les délais clients dans le bâtiment). Cette situation générale pèse sur la compétitivité des entreprises, notamment par rapport à l'Allemagne (où les délais sont à 47 jours en moyenne), et pénalise l'investissement et la croissance. Elle peut entraîner la défaillance des entreprises, notamment des plus petites dont la trésorerie est la plus fragile, même si, in fine , les fournisseurs sont avant tout soucieux de la sécurité des paiements plus que des délais.

Le niveau relatif des délais de paiement représente un enjeu macroéconomique spécifique pour la France : ainsi, selon le rapport annuel 2007 de l'Observatoire des délais de paiement, le poids des créances commerciales dans le total du bilan des entreprises est trois fois plus important en France qu'en Allemagne. Le montant annuel total du crédit interentreprises que constituent les délais de paiement atteindrait ainsi 600 milliards d'euros, soit trois à quatre fois le montant que les banques consentent aux entreprises en matière de crédit commercial.

Le délai de paiement est un élément central de la relation commerciale, dont il reflète le déséquilibre : les grandes entreprises se font payer plus vite que les entreprises intermédiaires et, en même temps, ont les délais fournisseurs les plus élevés. Le business model de la grande distribution est précisément fondé sur le gain de trésorerie que représentent les sommes versées au jour le jour par les clients et le paiement aux fournisseurs à 90 jours ou plus.

Votre commission spéciale estime que la législation en vigueur, qui fixe un délai de paiement qui ne s'applique qu'à défaut d'accord entre les parties, ne permet pas de remédier à la situation : le régime actuel a été créé par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, qui transposait la directive européenne de juin 2000 et qui a identifié comme normal un délai de paiement de trente jours et comme abusif son dépassement. Toutefois, la liberté contractuelle a prévalu (avec son rapport de force asymétrique) sur le délai de trente jours et les PME n'ont pas osé réclamer de pénalités au risque de perdre leurs plus gros clients. Ce faisant, elles assurent la trésorerie des grands groupes, de la grande distribution et même des collectivités publiques.

La nécessité de recourir à la loi est d'ailleurs confirmée par l'efficacité de la disposition légale réduisant les délais de paiement dans les transports, adoptée en janvier 2006 : dans ce secteur, selon le bilan dressé par l'Observatoire des délais de paiement, les délais fournisseurs ont été ramenés en un an de 56 jours (2005) à 51 jours (2006), la trésorerie des entreprises de moins de 500 salariés s'est nettement améliorée et le taux de faillite a diminué dans le secteur.

Toutefois, votre commission spéciale tient à marquer la nécessité d'autoriser une grande progressivité dans la réduction des délais de paiement. Passer d'une moyenne de 67 jours à un plafond de 60 jours (et non plus à une moyenne) bouleverse le modèle économique français de plusieurs filières.

Votre commission fait observer qu'en effet, le financement du passage des délais de paiement à 60 jours calendaires va être coûteux : le crédit interentreprises va se réduire et le crédit bancaire devra augmenter d'autant. Ce sont plusieurs milliards d'euros à trouver en remplacement de ce crédit-fournisseur gratuit, au moment même où les nouvelles normes financières internationales, dites « Bâle II », rendent plus stricts l'attribution de crédits et le calcul des ratios par les banques. On peut donc anticiper, au moins pendant le temps de la période transitoire, un coût additionnel de financement pour les PME , dont le besoin en fonds de roulement va s'accroître.

A titre d'exemple, le secteur des travaux publics, où les délais de paiement clients atteignent 107 jours, devrait être spécialement affecté du fait que 75 % des clients des entreprises de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) sont des pouvoirs publics, dont les délais de paiement sont théoriquement encadrés (30 jours pour l'Etat depuis avril 2008, 45 jours pour les collectivités territoriales) mais dérivent souvent à cause des dysfonctionnements du processus de règlement. Cette réforme fait donc peser un grand risque sur plus de 90 % des entreprises du secteur des travaux publics , qui sont des PME, coincées entre la réduction imposée de leurs délais de règlement fournisseurs et l'inertie de ses délais clients : selon des informations fournies par la FNTP, leur besoin en fonds de roulement serait multiplié par trois (passant de 16 à 54 jours) et leurs besoins en fonds propres augmenteraient d'un tiers.

Cette augmentation du besoin en fonds de roulement, dans un contexte où le financement bancaire n'est pas assuré et coûte cher, risque d'entraîner les conséquences suivantes : dégradation du résultat en raison des frais financiers générés par ces financements bancaires, réduction des stocks afin d'atténuer les effets de la baisse des délais de paiement, et, par voie de conséquence, dégradation du service rendu aux consommateurs (appauvrissement de l'offre voire augmentation des prix) . Le délai de paiement est en effet un moyen de financer le stock : l'observation démontre que, plus la rotation des stocks est lente, plus les délais de paiement sont longs. Comme l'ont révélé les auditions du groupe de travail, pour des secteurs comme celui du bricolage ou celui de l'ameublement et de l'équipement de la maison, qui fonctionnent avec des stocks importants (les magasins d'exposition plus les dépôts) et à faible rotation et les financent par des paiements à 90 ou à 120 jours, voire davantage, une réduction des délais de paiement à 60 jours calendaires pourrait conduire les entreprises à se fournir auprès d'industriels européens, voire extra-européens, ce qui pourrait ainsi fragiliser l'industrie du meuble française ou celle du bricolage.

La période de transition pour l'application des nouvelles dispositions doit donc être suffisamment longue pour permettre au système économique d'absorber ce choc que constitue le transfert de milliards d'euros de trésorerie, spécialement pour les entreprises dont la structure de bilan est construite sur un délai fournisseur supérieur au délai client , à savoir celles qui travaillent avec des particuliers voire des artisans ou celles qui ont d'importants stocks financés par leurs fournisseurs.

Le cas de la filière automobile, qui emploie 210.000 personnes directement et demeure une des industries importantes du pays, inquiète particulièrement votre commission : la fragilité de la situation des deux grands constructeurs automobiles français ne doit pas être sous-estimée. Tous deux se situent aujourd'hui loin derrière les leaders du marché, en termes tant de rentabilité que de capitalisation boursière. Par ailleurs, Renault est aujourd'hui la seule société automobile européenne endettée (dette automobile égale à 2,1 milliards d'euros à fin décembre 2007).

La filière est organisée autour d'un cycle long, les constructeurs finançant 90 jours de stock dans les usines, dans les filiales commerciales et dans les réseaux. La réduction brutale des délais de paiement augmenterait significativement le besoin immédiat en fonds de roulement des deux grands constructeurs français : elle provoquerait, sur seulement trois ans, une très forte sortie de « cash » évaluée ente deux et trois milliards d'euros pour les deux groupes. Ce choc financier risque d'entraîner une forte dégradation de leur notation (ils sont déjà notés, aux côtés de Fiat, dans la catégorie BBB) qui augmenterait considérablement leurs coûts de refinancement, dans un environnement marqué par un euro fort, par l'augmentation des prix des matières premières (en particulier l'acier), par l'impact financier des normes environnementales, par la crise des marchés financiers et par la rareté persistante de liquidité.

La valeur des deux constructeurs français risque donc de se dégrader dans une période où l'industrie automobile allemande conforte ses positions (à titre d'exemple, la génération de « free cash flow » de Renault et PSA cumulés en 2007 était de 2,6 milliards d'euros contre 7 milliards pour le seul groupe Volkswagen). Un passage en catégorie spéculative (sous les BBB) implique toujours des restructurations (cession d'actifs pour Fiat, fermeture d'usines pour Nissan...).

Votre commission spéciale fait enfin observer que les concessionnaires de Renault et de PSA sont eux-mêmes des PME qui pourraient se trouver asphyxiées par le raccourcissement des délais de paiement pour le règlement des véhicules (leurs stocks étant aujourd'hui financés à 90 jours par les constructeurs).

Sensible aux difficultés objectives mises en avant par différents secteurs, votre commission spéciale confirme son attachement aux dérogations envisagées par le projet de loi : en permettant l'application du délai légal non pas dès le 1 er janvier 2009 mais trois ans plus tard, ces dérogations, auxquelles pourraient prétendre les secteurs où aurait été conclu un accord interprofessionnel remplissant les conditions fixées dans le projet de loi, doivent permettre d'étaler ce choc sur trois ans et de ne rendre applicable le délai de 60 jours calendaires qu'au 1 er janvier 2012. En l'état actuel, le projet de loi n'envisage des dérogations que sur la base d'accords interprofessionnels. Afin de permettre aux signataires des accords interprofessionnels de bénéficier dès leur signature de la souplesse qu'ils autorisent à l'égard du délai légal de paiement, votre commission spéciale propose un amendement permettant à ces accords d'entrer en vigueur immédiatement, sans attendre leur validation par décret, pris après avis du Conseil de la concurrence. Toutefois, cette validation devra intervenir avant le 1 er mars 2009, faute de quoi les accords deviendront caducs.

Ensuite, votre commission spéciale propose un amendement permettant d'étendre par décret les accords interprofessionnels définissant un délai de paiement maximal supérieur au nouveau délai légal. Ceci harmonise le régime juridique de tous les accords interprofessionnels puisque le projet de loi prévoit déjà que des accords entre organisations professionnelles puissent être étendus, mais seulement dans le cas où ils fixent un délai de paiement plus serré que le délai légal.

En outre, votre commission spéciale propose d'ouvrir une ultime voie de recours aux secteurs qui échoueraient à conclure un accord interprofessionnel d'ici la fin de l'année, mais qui seraient néanmoins prêts à améliorer immédiatement les délais de paiement pour les PME : dans ce but, son amendement vise à permettre au ministre d'autoriser, par décret pris après avis de l'Autorité de concurrence, un dépassement transitoire du délai légal de paiement à trois conditions :

- que ce dépassement soit motivé par des raisons économiques objectives et spécifiques à ce secteur, notamment au regard des délais de paiement constatés dans le secteur en 2007 ou de la situation particulière de rotation des stocks ;

- que, parallèlement, le secteur se voit tenu de respecter le délai légal pour les entreprises les moins importantes (ayant un chiffre d'affaires ne dépassant pas 300 millions d'euros) ;

- qu'enfin, la dérogation prenne fin au 1 er janvier 2012. Elle pourrait toutefois être prolongée jusqu'au 1 er janvier 2015 si l'Observatoire des délais de paiement atteste, avant fin 2010, du comportement vertueux du secteur à l'égard de ses plus petites entreprises, c'est-à-dire si le secteur a effectivement payé dans le nouveau délai légal ses fournisseurs de moins de 300 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Ce seuil de 300 millions de chiffre d'affaires permet de faire bénéficier d'emblée des entreprises de taille déjà importante (pouvant par exemple compter 1.000 salariés) du bénéfice de la réduction des délais de paiement. Il est d'ailleurs bien supérieur au seuil de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires qu'avait retenu l'accord interprofessionnel signé dans le filière automobile le 24 janvier 2007.

Par ailleurs, au-delà des amendements qu'elle présente, votre commission spéciale invite le Gouvernement à laisser le temps nécessaire à la négociation et à l'adaptation des différents secteurs au nouveau cadre légal qui sera issu du présent texte. Elle estime qu'il serait risqué de précipiter le passage à la seconde étape législative qui est annoncée et qui consisterait à ramener le plafond légal de paiement à 30 jours.

Concernant les modifications apportées par l'Assemblée nationale, votre commission spéciale reconnaît l'utilité de la possibilité de décompter les 60 jours à partir de la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation : autant elle soutient la démarche du Gouvernement consistant à faire démarrer en règle générale la computation à la date d'émission de la facture, acte qui ne dépend que du fournisseur et que le client ne peut entraver par des manoeuvres dilatoires, autant elle estime que la date de réception des marchandises peut être, dans certains cas, plus objective et plus conforme à la pratique. Son éventuelle adoption, par le biais d'un accord entre organisations professionnelles, comme point de départ du calcul du délai de paiement peut donc éviter des contentieux ou des difficultés dans certains cas. De même, votre commission spéciale se félicite que les députés aient tenu compte de la spécificité de l'outre-mer, où, compte tenu des délais de transport des marchandises importées, le délai de paiement doit être décompté à partir de la date de réception des marchandises et non pas à partir de la date d'émission de la facture. Elle propose toutefois un amendement pour préciser la liste des collectivités d'outre-mer auquel s'applique ce mode de computation.

L'ajout à la liste des comportements abusifs de la pression injustifiée faite par un client sur un fournisseur pour retarder l'émission de la facture et obtenir ainsi un allongement indu des délais de paiement traduit bien le fait que le délai de paiement est un élément de la relation commerciale et de ses déséquilibres. Votre commission spéciale s'interroge toutefois sur la possibilité de contrôler l'existence d'une telle pression exercée sur le fournisseur pour retarder l'émission de la facture et sur la volonté du fournisseur d'en faire état, au risque de perdre son client. En tout état de cause, la rédaction adoptée par les députés laisse entendre que le fait d'obtenir une émission différée de la facture emporte dépassement du délai légal. Or, c'est précisément l'inverse : différer la date d'émission de la facture permet justement au créancier de respecter en apparence le délai légal. Votre commission spéciale vous propose donc un amendement rédactionnel qui vise à distinguer entre deux cas qui engagent la responsabilité du créancier : le fait de dépasser le délai légal de paiement, d'une part, et les pratiques abusives, d'autre part, comme le fait d'obtenir du débiteur qu'il diffère la date d'émission de la facture, pratique qui respecte apparemment le délai légal de paiement mais qui allonge le délai effectif de règlement.

Votre commission spéciale vous propose en outre d'adopter deux amendements rédactionnels, aux 2° et 3° du III du présent article.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 6 bis (nouveau) - (article L. 441-6-1 [nouveau] du code de commerce) Contrôle des délais de paiement par les commissaires aux comptes

Commentaire : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, tend à confier aux commissaires aux comptes une mission de contrôle des délais de paiement des sociétés dont ils certifient les comptes, ainsi qu'un rôle d'alerte du ministre chargé de l'économie en cas de dépassements répétés et significatifs du délai légal.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Pour assurer l'effectivité du plafond légal des délais de paiement, les députés ont souhaité confier à un tiers le contrôle de son application, dès l'exercice comptable ouvert à compter du 1 er janvier 2009. Ce nouvel article propose ainsi d'insérer dans le code de commerce un article L. 441-6-1 imposant aux sociétés dont les comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes de publier des informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs ou de leurs clients, la définition des modalités de cette publication étant renvoyée à un décret.

Ces informations font l'objet d'un rapport du commissaire aux comptes, qui l'adresse au ministre de l'économie s'il démontre, de façon répétée, des manquements aux plafonds de délais de paiement applicables en vertu des neuvième et dixième alinéas de l'article L. 441-6 créés à l'article 6 du présent texte.

II. La position de votre commission spéciale

Consciente de la difficulté, pour les PME, de réclamer des pénalités de retard à leurs clients mauvais payeurs, mais aussi du préjudice que constituent pour elles les retards de paiement, votre commission spéciale estime que le plafonnement des délais de paiement sera d'autant mieux garanti que les pratiques en la matière seront transparentes, selon une pratique de « sunshine policy » appelée de leurs voeux par plusieurs députés. Ainsi, le ministre chargé de l'économie pourra activer l'action publique pour sanctionner un délai ou un comportement abusif.

Toutefois, votre commission spéciale tient à éviter de surcharger les petites entreprises en leur imposant de confier cette tâche supplémentaire à leur commissaire aux comptes. En effet, les entreprises tenues de faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes sont les sociétés par actions, les sociétés anonymes, les sociétés en commandite par actions et les sociétés par actions simplifiées, quelle que soit leur taille (loi du 1er mars 1984), ainsi que les sociétés en nom collectif, les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés en commandite simple, et toute personne morale ayant une activité économique, dès lors qu'elles dépassent au moins deux des seuils suivants : un total de bilan de plus de 1,55 M €, un chiffre d'affaires hors taxe de plus de 3,1 M € et un nombre de salariés supérieur à 50 : il ne serait pas opportun d'imposer à toutes ces entreprises une obligation supplémentaire qui représenterait un coût non négligeable pour les plus petites d'entre elles.

Votre commission spéciale propose donc un amendement pour ne faire peser cette obligation que sur les entreprises dont le nombre de salariés dépasserait un niveau fixé par décret, ce qui ne diminuera pas l'effectivité du contrôle, dans la mesure où l'objectif est précisément de contrôler que les entreprises de taille moyenne ou grande (au-delà de 500 salariés, par exemple) respectent bien les délais de paiement au profit de leurs fournisseurs PME.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 6 ter (nouveau) Dématérialisation des factures des administrations

Commentaire : cet article, également inséré par l'Assemblée nationale, tend à imposer aux administrations, dans un délai de trois ans, la dématérialisation des factures reçues, et prévoit un rapport d'étape du Gouvernement avant le 30 juin 2009 pour contrôler l'avancement de cette dématérialisation.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté cet article qui engage les administrations à prendre les mesures nécessaires à une généralisation, dans les trois ans, de la dématérialisation des factures qu'elles reçoivent. Sont incluses dans ces mesures la définition de spécifications techniques pour les échanges de factures dématérialisées et la mise en place d'infrastructures techniques de réception des factures.

L'article prévoit aussi la remise, par le Gouvernement, d'un rapport au Parlement sur la mise en place, dans les administrations, des procédures de dématérialisation des factures et des paiements.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale reconnaît que la dématérialisation des factures peut contribuer notablement à réduire les délais de paiement , notamment publics. Engager l'Etat dans cette dématérialisation constitue assurément un levier de modernisation et un vecteur d'optimisation des circuits d'encaissements. De surcroît, seule la dématérialisation peut apporter une transparence et une traçabilité non contestable de la facture, qui permettront une mesure objective des délais de paiement et assureront une bonne application du délai légal de paiement, quel que soit le rapport de force entre le client et le fournisseur.

Par ailleurs, la dématérialisation permettra, plus globalement, des gains de productivité significatifs grâce au développement d'une économie numérique en réseau, au bénéfice de tous les acteurs, Etat et entreprises : effectivement, la dématérialisation des factures pour les marchés publics aura un effet d'exemplarité et d'entraînement sur tous les acteurs économiques. Elle ouvre la voie à la dématérialisation de l'ensemble des échanges commerciaux et à la modernisation de l'économie. Votre commission rappelle que, selon les informations données par l' Association française des crédits manager s lors de son audition, le coût de traitement d'une facture s'élève actuellement à environ 30 euros et serait largement diminué par la dématérialisation.

De même que l'Etat affiche une ambition exemplaire en matière de délais de paiement, le décret du 28 avril 2008 lui imposant désormais un délai maximal de 30 jours, il est essentiel qu'il soit aussi le fer de lance pour initier l'élan vertueux de la dématérialisation des factures, d'autant que les autres administrations n'auront pas toutes les moyens de mettre en place les solutions techniques nécessaires dans les délais impartis.

Votre commission adhère donc à l'objectif de dématérialisation que les députés proposent de fixer à l'administration. Elle propose néanmoins un amendement portant nouvelle rédaction de l'article pour assigner prioritairement cet objectif à l'Etat, premier acheteur de France, et pour préciser que l'obligation d'accepter des factures émises sous forme dématérialisée par ses fournisseurs s'imposera à lui dès le 1 er janvier 2012, ce qui lui laisse le temps de l'adaptation et de la budgétisation des changements nécessaires. Outre qu'il supprime le rapport que les députés prévoyaient dans un an, dont l'utilité n'a pas convaincu votre commission spéciale, l'amendement renvoie enfin à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir les modalités de mise en oeuvre de cette obligation.

Du point de vue de la mise en oeuvre opérationnelle de la dématérialisation, il importera que ce décret ne laisse pas l'Etat réinventer des formats d'échange spécifiques : pour que la généralisation de l'acceptation par l'Etat de la facture électronique constitue effectivement une opportunité pour les entreprises, le format utilisé doit être unique pour toutes les administrations. De même, les différentes infrastructures techniques doivent être interopérables afin de ne pas compliquer la vie des entreprises en leur imposant des contraintes techniques hétérogènes. Ce format et ces infrastructures techniques doivent également s'appuyer sur les meilleures pratiques en vigueur en matière d'échanges de factures inter-entreprises, afin de ne pas leur imposer des modifications de leurs systèmes d'information et de facturation ou le maintien de mécanismes archaïques. Enfin, le format utilisé doit permettre des traitements automatisés, sources de gains de productivité et de réduction des délais de paiement, par opposition à un document papier qui a été scanné et nécessite des ressaisies, sources de délai et d'erreurs.

Votre commission spéciale, dans la perspective de l'élaboration du décret d'application auquel son amendement renvoie, appelle l'attention du Gouvernement sur ces préconisations .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 7 - (article L. 214-41 du code monétaire et financier) Réserve d'une part des marchés publics de haute technologie aux sociétés innovantes

Commentaire : cet article autorise un traitement préférentiel des PME innovantes lors de la passation des marchés publics et élargit la définition de la PME innovante, afin de ne pas défavoriser le secteur industriel par rapport au secteur des services.

I. Le droit en vigueur

En l'état actuel du droit, les sociétés innovantes sont définies à l'article L. 214-41 du code monétaire et financier. Pour être qualifiée d'innovante, une société doit notamment remplir l'une des deux conditions suivantes :

- avoir réalisé, au cours des trois exercices précédents, des dépenses cumulées de recherche d'un montant au moins égal au tiers du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé au cours de ces trois exercices ;

- ou justifier de la création de produits, procédés ou techniques dont le caractère innovant et les perspectives de développement économique sont reconnus, ainsi que le besoin de financement correspondant. Cette appréciation est effectuée pour une période de trois ans par un organisme chargé de soutenir l'innovation et désigné par décret : Oséo.

II. Le dispositif initialement proposé

L'article 7 du projet de loi initial comprend trois paragraphes.

Le paragraphe I autorise, à titre expérimental -pour cinq ans- les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices, soumis au code des marchés publics ou à l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux procédures de passation des marchés publics des collectivités territoriales, à réserver chaque année aux sociétés innovantes jusqu'à 15 % du montant annuel moyen (sur les 3 années passées) de leurs marchés de haute technologie, de R&D et d'études technologiques de faible montant (c'est-à-dire inférieur aux seuils des procédures formalisées : 133.000 euros pour l'Etat, 206.000 pour les collectivités territoriales) ou à leur accorder un traitement préférentiel en cas d'offres équivalentes.

Il renvoie aussi à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les modalités d'application et d'évaluation de ce dispositif.

Le paragraphe II modifie la définition des sociétés innovantes qui figure au a du I de l'article L. 214-41 du code monétaire et financier relatif aux fonds communs de placement dans l'innovation. La condition relative à la proportion d'au moins un tiers entre le budget recherche cumulé sur 3 ans et le chiffre d'affaires annuel le plus élevé de la période se trouve ainsi assouplie :

- d'une part, les dépenses de recherche susceptibles d'être prises en compte incluent désormais les dépenses de normalisation afférentes aux produits de l'entreprise ( g de l'article 244 quater B du code général des impôts) ;

- d'autre part, l'appréciation du budget recherche se fait désormais sur le seul exercice précédent et se trouve mise en rapport non plus avec le chiffre d'affaires mais avec les charges fiscalement déductibles au titre de cet exercice. Le rapport entre budget recherche et charges déductibles doit dépasser 15 %, ce plancher étant ramené à 10 % pour les entreprises industrielles. Celles-ci sont définies comme exerçant une activité concourant « directement à la fabrication de produits ou à la transformation de matières premières ou de produits semi-finis en produits fabriqués et pour lesquelles le rôle des installations techniques, matériels et outillage mis en oeuvre est prépondérant. »

Le paragraphe III prévoit l'application du dispositif expérimental de réserve au profit des entreprises innovantes aux marchés pour lesquels un avis d'appel à la concurrence a été publié ou une négociation engagée après la publication de la loi.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Outre l'amélioration rédactionnelle apportée à cet article concernant son décret d'application, les députés ont jugé trop restrictive la rédaction proposée par le Gouvernement, qui revenait à réserver aux PME innovantes seulement 15 % du montant annuel moyen des marchés publics d'un montant inférieur aux seuils des procédures formalisées conclus au cours des 3 années précédentes par l'entité adjudicatrice.

C'est pourquoi, à l'initiative de M. Eric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois, les députés ont proposé de rapporter le taux de 15 % non pas au montant annuel moyen mais au montant annuel « total » .

IV. La position de votre commission spéciale

Sur le fond, votre commission spéciale se félicite de la proposition gouvernementale d'expérimenter, dans la mesure du possible, cette modalité indirecte de soutien au PME que constitue leur participation à la commande publique et qu'avait suggérée M. Lionel Stoléru dans son rapport remis le 22 avril 2008 au Premier ministre sur ce sujet. Elle n'ignore pas le contexte difficile dans lequel le Gouvernement a élaboré ce dispositif, tenu d'une part par ses engagements communautaires en matière de non discrimination et, d'autre part, par les impératifs constitutionnels relatifs au principe de neutralité de la commande publique et d'égalité de traitement des candidats.

Alors même que la Commission européenne a renoncé à inclure dans le « Small Business Act » européen toute disposition s'apparentant à une réserve de commande publique pour les PME, le Gouvernement français souhaite expérimenter une telle disposition tout en respectant les contraintes juridiques qui s'imposent à lui : ainsi, dans le respect de la Constitution, le dispositif réserve une part réduite des marchés (15 %) à des entreprises dont le caractère innovant constitue un motif d'intérêt général susceptible de justifier une discrimination positive ; par ailleurs, dans le respect des dispositions communautaires, les marchés visés, en ce qui concerne tant ceux susceptibles de bénéficier de la réserve de 15 % que ceux inclus dans l'assiette sur laquelle est appliqué ce taux, sont tous d'un montant inférieur au seuil des procédures formalisées et n'entrent donc pas dans le champ des directives communautaires en la matière.

Partageant toutefois avec l'Assemblée nationale le désir de permettre une lecture moins stricte du taux de 15 % de marchés publics réservés aux PME innovantes, votre commission spéciale n'est pas entièrement convaincue par la suggestion des députés, qui lui semble manquer de clarté : à quoi renvoie le montant « annuel total » sur trois ans ? S'il s'agit du montant total sur trois ans, ce qui revient à tripler en fait le taux de 15 % et à réserver finalement aux PME innovantes 45 % des marchés annuels inférieurs aux seuils des procédures normalisées (soit une part importante des marchés qui risque de constituer une dérogation excessive à l'égard des principes constitutionnels), l'adjectif « annuel » n'a plus d'utilité et crée de la confusion. S'il s'agit de la somme annuelle des marchés conclus depuis trois ans inférieurs aux seuils des procédures normalisées, alors comment calculer cette somme annuelle sans faire la moyenne des trois ans concernés, ce qui revient finalement au texte initial du Gouvernement ? Le texte issu de l'Assemblée nationale prête donc à confusion.

C'est pourquoi votre commission spéciale vous propose un amendement de clarification visant à remplacer le mot « total » par le mot « moyen », donc à revenir à la rédaction initiale du projet de loi .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 8 - (article 50 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique) Réforme d'UBIFrance

Commentaire : cet article a pour objet de transférer à UBIFrance certaines compétences du réseau international du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, notamment en matière de gestion des ressources humaines, immobilières et des moyens de fonctionnement, afin de renforcer l'efficacité du soutien public des entreprises à l'export.

I. Le droit en vigueur

UBIFrance, Agence française pour le développement international des entreprises, est un EPIC créé par l'article 50 de la loi n° 2003-721 du 1 er août 2003 pour l'initiative économique. Sa création résulte de la fusion du Centre français du commerce extérieur (CFCE), qui mettait à disposition des entreprises, en particulier des PME, l'information nécessaire pour leur développement international, et d'UBIFrance, qui était alors une association dédiée à la promotion des entreprises françaises.

Aux termes du deuxième alinéa de cet article, la mission de cette agence est de « favoriser le développement international des entreprises françaises en réalisant ou coordonnant toutes actions d'information, de formation, de promotion, de coopération technique, industrielle et commerciale et de volontariat international. L'agence est représentée à l'étranger par le réseau international du ministère chargé de l'économie et des finances, qui met en oeuvre les moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions. Ces moyens peuvent être complétés par l'agence » . En France, l'agence UBIFrance s'appuie sur les collectivités territoriales et les acteurs économiques locaux pour accomplir sa mission.

Son personnel comprend à la fois des salariés de droit privé et des fonctionnaires détachés ou mis à disposition.

Son régime financier et comptable est soumis aux dispositions des articles 190 à 225 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, sauf en ce qui concerne les paiements et les recouvrements relatifs à l'activité à l'étranger de l'agence, pour lesquels peuvent s'appliquer les règles en usage dans les sociétés commerciales.

II. Le dispositif initialement proposé

L'article 8 du projet de loi propose, pour optimiser le dispositif d'appui aux PME à l'étranger et améliorer l'efficacité d'UBIFrance, de transférer, dans certains pays, des compétences du réseau international du ministère de l'économie (les « missions économiques ») à UBIFrance.

A cette fin, il modifie en plusieurs points l'article 50 de la loi pour l'initiative économique de 2003.

Son supprime la disposition du deuxième alinéa de l'article 50 qui confie au réseau international du ministère de l'économie la représentation d'UBIFrance à l'étranger.

Le propose en effet d'inverser la donne en insérant un nouvel alinéa qui dote UBIFrance, pour l'accomplissement de ses missions à l'étranger, de bureaux à l'étranger qui, dénommés « missions économiques-UBIFrance », font partie des missions diplomatiques . En revanche, il reste possible, là où UBIFrance ne disposerait pas de bureaux à l'étranger, qu'elle continue à être représentée par le réseau international du ministère de l'économie, comme c'est le cas aujourd'hui. Le réseau de ce ministère met alors en oeuvre, dans le cadre d'une convention, les moyens nécessaires à l'accomplissement des missions d'UBIFrance.

Le suggère une nouvelle rédaction du douzième alinéa de l'article 50, relatif aux personnels : il reprend la disposition en vigueur, qui substitue l'Agence au CFCE dans les contrats déjà conclus avec les personnels, et précise que cette substitution vaut aussi pour les personnels de l'association UBIFrance.

Le insère un nouvel alinéa explicitant que la négociation de l'accord collectif entre partenaires sociaux, au sein de l'Agence, obéit aux dispositions du code du travail relatives à l'application des accords collectifs au sein d'une entreprise en cas de cession. Cela reprend la disposition qui figure aujourd'hui au onzième alinéa de l'article 50, dont la suppression est prévue par le 7° du présent article et qui renvoie à l'article L. 132-8 du code du travail. Cette référence est devenue obsolète en raison de la refonte récente du code du travail et correspond désormais à l'article L. 2261-14 de la nouvelle partie législative du code du travail.

Le concerne le régime financier et comptable d'UBIFrance : il prévoit de le soumettre exclusivement au règlement général de la comptabilité publique, ce qui écarte de facto la faculté, dont dispose aujourd'hui UBIFrance, d'appliquer les règles en usage dans les sociétés commerciales pour ses paiements et recouvrements à l'étranger. Cette évolution se justifie pleinement : laisser à UBIFrance la possibilité d'appliquer les règles des sociétés commerciales pour ses paiements à l'étranger entraverait la reconnaissance du statut diplomatique d'UBIfrance à l'étranger ; en tout état de cause, cette faculté, héritée du CFME-ACTIM, l'agence pour la promotion internationale des technologies et des entreprises françaises à laquelle a succédé UBIFrance, n'était que très peu utilisée par UBIFrance.

Le propose également d'insérer deux nouveaux alinéas à l'article 50 : le premier transfère à UBIFrance la propriété des biens et droits mobiliers du domaine privé de l'Etat, attachés aux services de la Direction générale du trésor et de la politique économique -DGTPE- à l'étranger et nécessaires à l'accomplissement des missions d'UBIFrance, ces biens relevant ainsi de son domaine privé ; le second met à la disposition gratuite d'UBIFrance les biens immobiliers à titre de dotation, l'Agence devant supporter les coûts d'aménagements et les grosses réparations afférents à ces immeubles.

Le prévoit enfin la suppression de sept alinéas de l'article 50 (les onzième, treizième, quatorzième, quinzième, dix-huitième, dix-neuvième et vingtième) devenus obsolètes.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a soutenu la réforme d'UBIFrance proposée par cet article et a adopté ce dernier en lui apportant une simple amélioration rédactionnelle au 1°, le projet de loi initial ayant omis de supprimer la troisième phrase du deuxième alinéa de l'article 50, alors même qu'elle se rapportait à la deuxième phrase de cet alinéa, destinée à être supprimée.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale soutient elle aussi la réforme préconisée par le Gouvernement, convaincue de la nécessité d'une plus grande synergie dans l'aide concrète apportée à l'étranger aux entreprises exportatrices.

La réforme proposée par cet article est un élément du projet dans lequel s'engage UBIFrance, articulé autour de trois axes :

- un accord passé avec les chambres de commerce et d'industrie (CCI) afin de collaborer pour améliorer l'attractivité du territoire : le sujet de l'attractivité ne peut pas reposer uniquement sur l'Etat (via UBIFrance) mais nécessite la collaboration d'un réseau capillaire comme celui des CCI. L'objectif est que le réseau consulaire parvienne à mobiliser 10.000 nouvelles PME qui ne sont pas exportatrices aujourd'hui : grâce à cette mobilisation, UBIFrance serait en mesure de proposer à ces PME de diagnostiquer les raisons de leur réticence à l'export, de les aider à choisir la cible de leurs exportations et de les subventionner (comme le font largement l'Allemagne et l'Espagne) afin de faciliter leur déplacement dans le pays visé, notamment à l'occasion de foires et salons ;

- un audit stratégique effectué au siège d'UBIFrance à Paris afin d'analyser l'offre proposée aux entreprises. M. Christophe Lecourtier, directeur général d'UBIFrance, a plaidé, lors de son audition, pour une stratégie d'offre qu'il appelle « la stratégie de l'escabeau » permettant aux entreprises de monter petit à petit dans leurs projets à l'export pour aller chaque fois plus avant dans leur implication dans le marché mondial ;

- enfin, un renforcement de la capacité d'action d'UBIFrance dans tous les pays, grâce au transfert à l'Agence, précisément prévu par le présent article, de jeunes membres des équipes des missions économiques, qui seraient chargés de l'accueil des PME françaises dans les pays étrangers. Votre commission spéciale souligne l'importance de cette réforme, fruit de la révision générale des politiques publiques (RGPP), qui nécessite le passage d'agents sous statut public vers un statut privé (permettant notamment d'envisager de moduler les salaires en fonction du mérite).

A cet article, votre commission vous propose d'adopter deux amendements , l'un rédactionnel, l'autre de précision afin de définir les biens immobiliers dont va être gratuitement dotée UBIFrance (à savoir les biens immobiliers du domaine privé de l'Etat nécessaires à l'accomplissement des missions d'UBIFrance).

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 8 bis (nouveau) - (article L. 122-3-1 [nouveau] du code du service national) Possibilité de fractionnement de l'engagement de volontariat international en entreprise

Commentaire : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, a pour objet de permettre aux volontaires internationaux en entreprise de fractionner dans le temps leur engagement et de l'exécuter dans différents organismes.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Les députés proposent d'insérer un nouvel article dans le code du service national permettant, par dérogation à l'article L. 122-3 qui prévoit la conclusion de l'engagement de volontariat civil pour une durée de six à vingt-quatre mois et son accomplissement non fractionné auprès d'un seul organisme ou collectivité, d'accomplir l'engagement de volontariat international en entreprise (VIE) de manière fractionnée et auprès d'organismes et collectivités différents.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission se félicite de la souplesse supplémentaire qui serait ainsi introduite dans le dispositif du VIE, qui est un instrument efficace de soutien aux PME dans leur démarche d'export, mis en place par la loi n° 2000-242 du 14 mars 2000 relative aux volontariats civils : il s'agit de mettre à disposition des entreprises des volontaires pour les aider à développer leur présence sur les marchés extérieurs. Ce sont ainsi près de 6.000 VIE qui sont aujourd'hui en poste à l'étranger, selon les chiffres fournis à votre rapporteur par M. Christophe Lecourtier, directeur général d'UBIFrance.

En permettant son exécution fractionnée auprès de divers organismes, l'attractivité du VIE auprès des jeunes se trouverait renforcée, au bénéfice des PME et du commerce extérieur. Ceci devrait permettre au Gouvernement d'atteindre l'objectif ambitieux qu'il s'est fixé d'atteindre 10.000 volontaires en poste fin 2009.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 8 ter (nouveau) - (article L. 122-12-1 [nouveau] du code du service national) Possibilité de modulation de l'indemnité supplémentaire pour les volontaires internationaux en entreprise

Commentaire : cet article, également inséré par l'Assemblée nationale, tend à permettre d'adapter l'indemnité supplémentaire versée aux volontaires internationaux en entreprise à la nature de leurs activités.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a souhaité introduire un autre article additionnel dans le code du service national. Ce code prévoit aujourd'hui, en son article L. 122-12, que l'accomplissement du volontariat civil ouvre droit, à l'exclusion de toute rémunération, à une indemnité mensuelle, exonérée de l'impôt sur le revenu et exclue de l'assiette de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).Elle est identique pour toutes les formes de volontariat civil et plafonnée à 50 % de la rémunération afférente à l'indice brut 244, mais peut aussi donner droit à des prestations nécessaires à la subsistance du bénéficiaire, à son équipement et à son logement hors du territoire métropolitain. Le montant de cette indemnité supplémentaire, elle aussi exonérée de l'IR et exclue de l'assiette de la CSG et de la CRDS, est fixé à un taux uniforme, quelles que soient les activités exercées, pour chacune des collectivités et chacun des pays ou régions de ces pays ou zones géographiques.

C'est à cette rigidité dans le calcul du montant de l'indemnité supplémentaire que les députés proposent de déroger pour le volontariat international en entreprise. L'article additionnel qu'ils ont adopté tend en effet à permettre de varier le montant de cette indemnité selon la nature des activités exercées par le volontaire dans l'entreprise.

II. La position de votre commission spéciale

Là encore, votre commission spéciale se félicite de cet assouplissement qui porte sur la rémunération du VIE : cette modulation de l'indemnité supplémentaire correspond mieux aux besoins des entreprises et peut leur permettre d'attirer avec plus de succès les meilleures compétences pour contribuer à leur développement à l'export.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 9 - (articles 8, 62, 163 unvicies, 206, 211, 211 bis, 221, et 239 bis AB [nouveau] du code général des impôts) Faculté pour les sociétés de capitaux de moins de cinq ans d'opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes

Commentaire : cet article propose d'instaurer un nouveau dispositif fiscal permettant aux sociétés de capitaux créées depuis moins de cinq ans d'opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes.

I. Le droit en vigueur

Le droit actuel établit une distinction entre sociétés de personnes et sociétés de capitaux. Même si des exceptions existent déjà, cette distinction recouvre principalement les champs du statut des associés, de la constitution du « tour de table » de la société, de la responsabilité financière des associés, du capital minimal nécessaire à la constitution de la société et de sa « transparence » ou de son « opacité » fiscale.

A. Les sociétés de personnes

Les sociétés de personnes, qui se subdivisent en plusieurs statuts (comme les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés de fait, etc.), sont constituée intuitu personae , c'est à dire en considération de la personne même des associés. De ce fait, un associé ne peut céder ses parts qu'avec le consentement unanime des autres associés.

Les associés sont en général tenus du passif de la société sans limitation de montant, solidairement ou à proportion de leur participation dans le capital social. Dès lors, aucun capital minimum n'est exigé.

Les sociétés de personnes sont généralement « transparentes » d'un point de vue fiscal, c'est-à-dire que leurs résultats sont imposés au nom personnel des associés, en proportion des parts qu'ils détiennent dans la société, même si les bénéfices ne leur ont pas été distribués . Il revient aux associés de les inclure dans leurs revenus de façon à établir leur imposition. Bien entendu, ce schéma est applicable en sens inverse, c'est-à-dire si la société est déficitaire. Dans ce cas, les associés peuvent imputer sur leur revenu la quote-part du déficit correspondant à leurs droits dans la société dans les réserves et les limites définies aux 1° et 1° bis du I de l'article 156 du code général des impôts (d'une part, déficits non professionnels, si l'associé n'exerce aucune activité dans la société, imputables uniquement sur des revenus de même nature et reportable pendant 6 ans et, d'autre part, déficits agricoles imputables sur le revenu global, dans la limite de 101.300 euros, le reliquat éventuel ne pouvant être imputé que sur les bénéfices de même nature, et être reporté pendant 6 ans).

Aux termes du 1 de l'article 239 du code général des impôts, les sociétés de personnes peuvent choisir d'être soumises à l'impôt sur les sociétés (IS).

B. Les sociétés de capitaux

A l'inverse, les sociétés de capitaux (comme les sociétés anonymes, les sociétés par actions simplifiées, les sociétés à responsabilité limitée, etc.) se définissent non par rapport à leurs associés, mais par rapport à leur capital. En conséquence, la responsabilité des associés (qui peuvent être mineurs, non commerçants, etc.) est limitée à leur apport ; en contrepartie, lesdits apports doivent être supérieurs ou égaux à un montant minimal qui varie selon le statut de la société (par exemple, 37.000 euros pour une société anonyme ne faisant pas appel à l'épargne).

Dans le droit en vigueur, ces sociétés sont en principe passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet. Il existe trois exceptions à ce principe : il s'agit des sociétés anonymes à responsabilité limitée (SARL) de famille ayant opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, des entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) dont l'associé unique est une personne physique, et les sociétés immobilières de copropriété dotées de la transparence fiscale.

Les sociétés de capitaux sont le plus souvent « opaques » d'un point de vue fiscal, c'est-à-dire qu'elles sont elles-mêmes soumises à l'IS , faisant ainsi écran entre leurs associés et l'administration fiscale. Les 1° à 5° de l'article 8 du code général des impôts prévoient cependant des exceptions à ce principe concernant, en particulier, les sociétés en participation pour les membres indéfiniment responsables et connus de l'administration, les SARL de famille ayant opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, des EURL et les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL).

II. Le dispositif initialement proposé

Le présent article a pour objet de permettre aux sociétés de capitaux créées depuis moins de 5 ans d'opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes.

A. Une nouvelle option pour les sociétés de capitaux

Le 1° du I du présent article tend à modifier l'article 8 du code général des impôts précité qui pose le principe de la « transparence fiscale » des sociétés de personnes n'ayant pas opté pour l'IS. Plus précisément, il vise à créer un 6° au sein de l'énumération des autres sociétés pouvant également relever de ce régime. Il précise ainsi que les membres des sociétés anonymes, des sociétés par actions simplifiées et des sociétés à responsabilité limitée qui ont opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes pourront en bénéficier , renvoyant à l'article 239 bis AB du code général des impôts pour préciser les conditions de cette option.

Les 2° à 7° du I sont des dispositions de coordination, prévoyant des renvois à l'article 239 bis AB précité au sein des articles 62, 163 unvicies , 206, 211, 211 bis et 221 du même code.

B. Les conditions d'exercice de l'option

Le 8° du I du présent article a précisément pour objet d'insérer un article 239 bis AB au sein du code général des impôts définissant les conditions dans lesquelles les membres des sociétés anonymes, des sociétés par actions simplifiées et des sociétés à responsabilité limitée peuvent opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes.

1. Composition du capital de la société

Aux termes du premier alinéa du I dudit article 239 bis AB, cette option est ouverte aux sociétés anonymes (SA), sociétés par actions simplifiées (SAS) et SARL dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers, dont le capital et les droits de vote sont détenus à hauteur de 75 % au moins par une ou des personnes physiques et à hauteur de 34 % au moins par une ou plusieurs personnes ayant, au sein desdites sociétés, la qualité de président, directeur général, président du conseil de surveillance, membre du directoire ou gérant, ainsi que les membres de leur foyer fiscal.

Le deuxième alinéa du I de ce nouvel article propose de préciser la détermination des pourcentages mentionnés au premier alinéa. Il est ainsi proposé de ne pas tenir compte, pour le calcul de ces proportions, des participations de sociétés de capital-risque (SCR), des fonds communs de placement à risques (FCPR) , des sociétés de développement régional, des sociétés financières d'innovation et des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque (SUIR) ou de structures équivalentes établies à l'étranger.

Ainsi, si un FCPR détient 20 % d'une SA, les 80 % restants du capital de cette société devront être détenue à hauteur de 75 % par des personnes physiques, dont 34 % par les dirigeants et leur foyer fiscal, soit des conditions de détention « réelles » de respectivement 60 % et 27,2 %.

Il est précisé que ces condition s'apprécient de manière continue au cours des exercices couverts par l'option et qu'en cas de non-respect au cours de l'un de ces exercices, la société (re)devient assujettie à l'IS à compter de ce même exercice.

Le troisième alinéa du I du texte proposé pour l'article 239 bis AB du code général des impôts dispose que les sociétés visées par le dispositif qui opteraient pour le régime fiscal des sociétés de personnes continueraient d'entrer dans les quotas des différents véhicules de capital investissement bénéficiant (ou dont les souscripteurs bénéficient) d'avantages fiscaux.

2. Autres conditions relatives à la société

Aux termes du II du même article 239 bis AB, l'option est subordonnée aux critères suivants :

- une condition d'activité , la société devant exercer à titre principal une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier (et donc ne pas être une holding) ;

- une condition de taille, la société devant employer moins de 50 salariés et ayant un chiffre d'affaires annuel ou ayant dû avoir un total de bilan inférieur à 10 millions d'euros au cours de l'exercice ;

- une condition d'âge, la société devant avoir été créée depuis moins de 5 ans . Cette condition s'apprécie à la date d'ouverture du premier exercice d'application de l'option.

Il est également précisé que les conditions d'activité et de taille s'apprécient, tout comme la condition de détention du capital mentionnée ci-dessus, de manière continue au cours des exercices couverts par l'option. Lorsque l'une d'entre elles n'est plus respectée au cours de l'un de ces exercices, la société (re)devient assujettie à l'IS à compter de ce même exercice.

3. L'accord unanime des associés

Le III du texte proposé pour l'article 239 bis AB du code général des impôts dispose que l'option en faveur du régime fiscal des personnes ne peut être exercée qu'avec l'accord de tous les associés , à l'exclusion des véhicules financiers visés au deuxième alinéa du I, dont la part de détention est « neutralisée » pour le calcul des parts des personnes physiques.

Cette option doit être notifiée au service des impôts auprès duquel est souscrite la déclaration de résultats dans les 3 premiers mois du premier exercice au titre duquel elle s'applique.

B. Validité de l'option

Selon le III du texte proposé pour l'article 239 bis AB du code général des impôts, l'option vaut pour une période de 5 exercices, sauf renonciation notifiée dans les 3 premiers mois de la date d'ouverture de l'exercice à compter duquel la renonciation s'applique.

En outre, en cas de sortie anticipée du régime fiscal des sociétés de personnes, quel qu'en soit le motif, la société ne peut plus opter à nouveau pour ce régime.

Enfin, il est proposé que ces dispositions soient applicables aux impositions dues au titre des exercices ouverts à compter de la publication de la présente loi.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV. La position de votre commission spéciale

A. Une aide bienvenue pour les créateurs d'entreprises dans le respect des règles fondamentales du droit fiscal

Le dispositif proposé par le présent article est de nature à améliorer la trésorerie de nombreux créateurs d'entreprises sans pour autant constituer une « niche fiscale », les règles fondamentales de notre droit fiscal n'étant pas remises en cause.

En effet, de nombreuses nouvelles sociétés, notamment les plus innovantes d'entre elles, enregistrent des déficits dans leurs premières années d'existence avant, si les choses se passent bien, de réaliser des bénéfices dans la phase suivante de leur développement. Or, actuellement, lorsque les nouvelles sociétés ont choisi un statut de société de capitaux, elles sont soumises à l'IS dans les conditions de droit commun ; leurs déficits sont donc reportables sur les exercices suivants, mais il revient aux associés de supporter ces charges tant que les entreprises ne dégagent pas de bénéfices.

Dans ces conditions, la possibilité offerte aux petites entreprises de moins de 5 ans d'opter pour le régime fiscal des personnes (pour une durée maximale de 5 ans) est susceptible d'aider les associés à passer le cap difficile des premières années en leur permettant d'imputer les déficits sur leur imposition personnelle de l'année.

Pour autant, cette option ne remet pas en cause les principes fiscaux essentiels, puisque les déficits ne pourront être imputés que sur les revenus de même catégorie pour chaque foyer fiscal . En pratique, deux cas sont donc à distinguer s'agissant des associés :

- les associés actifs, pour lesquels les déficits pourront être imputés sur les revenus du travail ;

- les associés passifs, qui ne pourront affecter les déficits que sur leurs revenus mobiliers.

Le schéma de la page suivante retrace les principes d'imputation des déficits pour des sociétés de capitaux de moins de 5 ans avant l'adoption de la mesure (ou si les associés ne souhaitent pas opter pour le nouveau régime)

Le public aidé sera tout particulièrement celui des entrepreneurs dont le foyer fiscal dégage d'autres revenus du travail , par exemple tiré de l'activité du conjoint, ou pour des jeunes rattachés à leurs parents.

Votre rapporteur approuve l'économie générale de cette mesure par laquelle, symboliquement, l'Etat prendra sa part des risques inhérents à la création d'entreprises alors que, jusqu'à présent, il ne fait que taxer les bénéfices.

Le coût budgétaire de cette disposition est évalué à 60 millions d'euros .

Dispositif proposé

(Associés actifs)

Dispositif proposé

(Associés passifs)

Droit actuel

Associés

Associés

Associés

Imputation sur revenus d'activité

(IRPP de l'année)

Imputation sur revenus mobiliers

(IRPP de l'année)

Société

Société

Société

Report
sur IS

Etat

Etat

Etat

B. Des modalités d'application logiques et cohérentes

Votre rapporteur constate que le texte proposé encadre la nouvelle option de façon correcte et protectrice pour tous les investisseurs.

En effet, le champ des entreprises visées apparaît pertinent : il s'agit bien de jeunes entreprises de petite taille, détenues pour l'essentiel par des personnes physiques et ayant choisi un statut de société de capitaux. Ce sont des entreprises souvent déficitaires lors de leurs premiers exercices mais qui recèlent un important potentiel de développement.

D'autre part, la protection de l'ensemble des associés, qui peuvent avoir des intérêts divergents (notamment entre associés actifs et passifs) est assurée par la condition d'unanimité requise pour opter en faveur du régime des personnes.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 9 bis (nouveau) - Assouplissement du régime des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE)

Commentaire : cet article, introduit à l'initiative de nos collègues députés Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances, et Frédéric Lefebvre, vise à améliorer le dispositif des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE), en particulier en assouplissant l'appréciation de la condition de seuil de détention par des personnes physiques et en prolongeant de 3 ans le droit d'émissions de BSPCE par des sociétés dont la capitalisation a dépassé 150 millions d'euros.

I. Le droit en vigueur

Créés par l'article 76 de la loi de finances pour 1998 (n° 97-1269 du 30 décembre 1997), les BSPCE sont régis par les dispositions de l'article 163 bis G du code général des impôts.

Ces bons, incessibles, permettent aux dirigeants (s'ils sont soumis au régime fiscal des salariés) et aux salariés de certaines entreprises de bénéficier d'une fiscalité avantageuse au moment de la cession de leurs parts (voir infra ).

Pour attribuer des BSPCE, une entreprise doit respecter les conditions suivantes :

- avoir un statut de société par actions (SA, SCA, SAS) ;

- ne pas être cotée ou bien être admise sur un marché d'un Etat membre de l'Espace économique européen (EEE) mais avoir une capitalisation boursière inférieure à 150 millions d'euros (Eurolist pour le marché français) ;

- avoir été créée depuis moins de 15 ans ;

- être passible de l'impôt sur les sociétés en France ;

- avoir un capital détenu directement et de manière continue pour 25 % au moins par des personnes physiques ou par des personnes morales détenues par des personnes physiques . Ne sont pas prises en compte les participations des fonds communs de placement à risques (FCPR), des fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI), des sociétés de capital risque (SCR), des sociétés de développement régional (SDR) et des sociétés financières d'innovation, (SFI) ;

- ne pas avoir été créée dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension ou d'une reprise d'activités préexistantes (sauf si la création résulte d'une opération d'essaimage).

Dans ces conditions, l'entreprise peut distribuer à ses dirigeants et salariés des BSPCE. Les gains réalisés lors de la cession de ces titres sont imposables selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières dans les conditions suivantes :

- ils sont exonérés d'impôt lorsque les droits du cédant ou ceux de son conjoint, de ses ascendants et descendants n'ont pas dépassé ensemble 25 % des bénéfices de la société à un moment quelconque au cours des 5 dernières années et que le montant annuel des cessions n'excède pas 25.000 euros ;

- ils sont imposables au taux de 29 % (soit 18 % auxquels s'ajoutent les prélèvements sociaux) lorsque les droits du cédant ou ceux de son conjoint, de ses ascendants et descendants n'ont pas dépassé ensemble 25 % des bénéfices de la société à un moment quelconque au cours des 5 dernières années et que le montant annuel des cessions excède 25.000 euros ;

- ils sont imposables au taux de 41 % (soit 30 % auxquels s'ajoutent les prélèvements sociaux) lorsque le salarié exerce son activité dans la société depuis moins de 3 ans à la date de cession des titres .

II. La proposition de l'Assemblée nationale

A. Un assouplissement de l'appréciation du seuil de détention par les personnes physiques

Le présent article propose d'assouplir sur deux points la condition tenant à l'appréciation du seuil de détention par les personnes physiques des sociétés susceptibles d'émettre des BSPCE.

D'une part, le 1° du B du I propose que la quote-part du capital détenue par des personnes morales soit prise en compte dès lors qu'elles sont elles-mêmes détenues à 75 % , au lieu de 100 %, actuellement, par des personnes physiques.

D'autre part, le 2° du B du I propose que les participations détenues par des structures de capital-risque étrangères équivalentes aux structures de capital-risque françaises soient neutralisées, tout comme le sont les véhicules français.

B. Un prolongement de l'autorisation d'émettre des BSPCE et la possibilité d'exercice par les héritiers

Le C du I propose d'insérer un II bis au sein de l'article 163 bis G du code général des impôts, dont le 1 permettrait aux sociétés cotées dont la capitalisation boursière franchit le seuil de 150 millions d'euros tout en remplissant par ailleurs l'ensemble des autres conditions d'éligibilité aux BSPCE, d'en attribuer à leur personnel et ce, pendant 3 ans au maximum à compter de la date du franchissement de ce seuil.

Par ailleurs, aux termes du 2 du texte proposé pour le II bis de l'article 163 bis G, en cas de décès du bénéficiaire, et à l'instar de la règle applicable pour les options sur titres et les actions gratuites, les héritiers disposeraient d'un délai de 6 mois pour exercer les bons, alors qu'aujourd'hui les BSPCE ne peuvent être cédés.

C. Un plus grande souplesse pour la fixation du prix d'exercice des BSCPCE

Le 1° du D propose de modifier le premier alinéa du III de l'article 163 bis G, afin de permettre à l'assemblée générale extraordinaire de déléguer au conseil d'administration ou au directoire , selon le cas, le soin de fixer le prix d'exercice du bon .

En outre, le 2° du D propose que, pour la fixation du prix minimal d'exercice des BSPCE par référence au prix d'émission d'actions retenu dans le cadre d'une augmentation de capital de moins de 6 mois, il soit tenu compte de la nature et des droits attachés à ces actions, qui peuvent être différents de ceux des actions susceptibles d'être souscrites en exercice des bons.

D. Date d'entrée en vigueur et évaluation

L'ensemble de ces dispositions serait applicable aux BSPCE attribués à compter du 30 juin 2008.

En outre, l'ensemble de ces exonérations de charges et de fiscalité est soumis à une période d'expérimentation de trois ans , puisqu'il est prévu que le Gouvernement présente un rapport au Parlement au plus tard le 31 décembre 2011 sur l'efficacité et l'équité des dépenses fiscales et sociales engendrées par le présent article.

III. La position de votre commission spéciale

Le présent article ne modifie pas le régime des BSPCE mais en améliore le caractère opérationnel sur plusieurs points.

Ainsi, les assouplissements proposés de l'estimation de la condition de détention de 25 % par des personnes physiques apparaissent tout-à-fait justifiés , la condition de détention à 75 % par des personnes physiques de l'éventuelle société intermédiaire demeurant trop contraignante. De plus, il n'est pas anormal que les structures de capital-risque étrangères équivalentes aux structures de capital-risque françaises soient neutralisées, tout comme le sont les véhicules français, la situation des entreprises détenues ne changeant pas de nature.

La prolongation de 3 ans du droit d'émission de BSPCE par des sociétés qui , tout en respectant l'ensemble des autres conditions, franchissent le seuil de 150 millions d'euros de capitalisation boursière, semble également intéressante . Il peut actuellement paraître frustrant de priver de la possibilité d'attribuer des BSPCE de jeunes entreprises performantes au moment même où elles prennent leur envol tout en demeurant indépendantes.

La faculté proposée qu'en cas de décès du bénéficiaire, les héritiers disposent d'un délai de 6 mois pour exercer les bons, est une mesure de bon sens et de justice, cette règle étant actuellement applicable aux stock options et aux actions gratuites.

Enfin, les dispositions relatives à l'assouplissement des règles encadrant la fixation du prix d'exercice des BSCPCE sont de nature à faciliter les procédures des entreprises attributives, sans dépouiller les actionnaires de leurs droits en la matière, la compétence de fixation du prix d'exercice du bon, même si elle pourrait être déléguée, demeurant de leur responsabilité ultime.

Votre rapporteur regrette de n'avoir pas pu obtenir d'estimation de coût du dispositif proposé , celui-ci devant toutefois rester modéré d'après les services du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Cependant, il est appréciable que le présent article prévoie un bornage à 3 ans des mesures proposées , assorti d'une évaluation de son efficacité rapportée à son coût.

C'est pourquoi votre commission spéciale propose l'adoption de cet article sans modification.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 9 ter (nouveau) - Suppression du statut de société unipersonnelle d'investissement à risque (SUIR)

Commentaire : cet article, introduit à l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, propose de supprimer le statut de société unipersonnelle d'investissement à risque (SUIR) à partir du 1 er juillet 2008.

I. Le droit en vigueur

Régies par les dispositions des articles 208 D et 163 quinquies C bis du code général des impôts, les sociétés unipersonnelles d'investissement à risque (SUIR) sont des sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (SASU) constituées par un seul actionnaire personne physique, et ayant pour objet exclusif la souscription en numéraire au capital de sociétés remplissant certaines conditions .

La SUIR doit souscrire en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés remplissant les conditions suivantes :

- avoir leur siège social dans un Etat de la Communauté européenne, ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'EEE ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale ;

- être créées depuis moins de 5 ans ;

- exercer une activité industrielle, commerciale ou artisanale ;

- être imposées à l'impôt sur les sociétés ;

- être nouvelles ou créées pour la reprise d'une entreprise en difficulté ;

- être détenues majoritairement par des personnes physiques directement ou indirectement ;

- et ne pas être cotées.

La SUIR doit détenir au plus 30 % du capital des sociétés dans lesquelles elle investit. Elle peut consentir, dans la limite de 15 % de ses moyens, des avances en comptes courants d'associés aux sociétés dans lesquelles elle a investi, et consentir également des apports d'autres éléments dans la limite de 5 % de son actif. Aucune fonction de direction ne peut être exercée par l'associé unique ou un membre de sa famille dans ces sociétés. Par ailleurs, l'associé unique de la SUIR ainsi que son conjoint, ses ascendants et descendants, ne doivent pas détenir ensemble directement ou indirectement plus de 30 % des droits financiers et des droits de vote des sociétés dans lesquelles la SUIR investit.

Dans ces conditions, la SUIR est exonérée d'impôt sur les sociétés (IS) et d'imposition forfaitaire annuelle (IFA) pendant 10 ans et l'associé unique est exonéré d'impôt sur le revenu sur les dividendes qu'il perçoit.

II. La proposition de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale propose de compléter l'article 208 D du code général des impôts par un III aux termes duquel l'exonération d'impôt sur les sociétés dont bénéficient les SUIR est limitée à celles de ces entreprises qui ont été créées avant le 1 er juillet  2008.

Cela revient à empêcher la création de SUIR, les SUIR existantes conservant toutefois leurs avantages pour une durée de 10 ans .

III. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur approuve la démarche de l'Assemblée nationale qui revient à tirer la conséquence du peu de succès rencontré par le dispositif : seules une quinzaine de SUIR ont été créées à ce jour.

Il ne paraît donc pas nécessaire de conserver cet outil, d'autant que de nombreuses autres formes de structures d'investissement existent en matière de capital investissement. Pour autant, les investisseurs ayant choisi de se constituer sous cette forme continueront de bénéficier de ces dispositions.

C'est pourquoi votre rapporteur approuve l'adoption du présent article.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 10 - (articles L. 214-36, L. 214-37, L. 214-38-1 [nouveau], L. 214-38-2 [nouveau], L. 214-41-1 et L. 511-6 du code monétaire et financier, et article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales) Assouplissement du régime des fonds d'investissement de proximité, création du fonds commun de placement à risques contractuel et extension du champ d'intervention des régions en matière de capital investissement

Commentaire : cet article vise à assouplir le régime des fonds d'investissement de proximité (FIP), à créer une nouvelle catégorie de fonds commun de placement à risques (FCPR), les FCPR contractuels, au fonctionnement et aux obligations moins contraignants que les FCPR « classiques » et que les FCPR bénéficiant d'une procédure allégée, et à étendre le champ d'intervention des régions en matière de capital investissement.

I. Le droit en vigueur

A. Les fonds d'investissement de proximité (FIP)

Définis à l'article L. 214-41-1 du code monétaire et financier, les fonds d'investissement de proximité (FIP) sont des fonds communs de placement à risques (FCPR) dont l'actif est constitué, pour 60 % au moins, de valeurs mobilières, parts de société à responsabilité limitée et avances en compte courant , dont au moins 10 % dans des nouvelles entreprises exerçant leur activité ou juridiquement constituées depuis moins de 5 ans émises par des sociétés ayant leur siège dans un Etat membre de la Communauté européenne , ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, qui sont soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou en seraient passibles dans les mêmes conditions si l'activité était exercée en France, et qui remplissent les conditions suivantes :

- exercer leurs activités principalement dans des établissements situés dans la zone géographique choisie par le fonds et limitée à une région ou deux ou trois régions limitrophes, ou, lorsque cette condition ne trouve pas à s'appliquer, y avoir établi leur siège social . Le fonds peut également choisir une zone géographique constituée d'un ou de plusieurs départements d'outre mer ;

- répondre à la définition des petites et moyennes entreprises figurant à l'annexe I au règlement (CE) n° 70/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'Etat en faveur des petites et moyennes entreprises ;

- ne pas avoir pour objet la détention de participations financières , sauf à détenir exclusivement des titres donnant accès au capital de sociétés dont l'objet n'est pas la détention de participations financières et qui répondent aux conditions d'éligibilité précédemment citées.

Sont également prises en compte dans le calcul du quota d'investissement de 60 % les parts de FCPR et les actions de sociétés de capital-risque (SCR), à concurrence du pourcentage d'investissement direct de l'actif de la structure concernée dans les sociétés qui répondent à ces mêmes critères. Toutefois, un FIP ne peut investir plus de 10 % de son actif dans des parts de FCPR et de SCR.

Sont également prises en compte dans le calcul du quota de 60 % les participations versées à des sociétés de caution mutuelle ou à des organismes de garantie intervenant dans la zone géographique choisie par le fonds.

Enfin, comme pour les FCPR « classiques », sont également éligibles au quota d'investissement de 60 %, dans la limite de 20 % de l'actif du fonds, les titres de sociétés cotées dont la capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d'euros.

B. Les fonds communs de placement à risques (FCPR)

1. Les FCPR « classiques »

Les FCPR sont des véhicules d'investissement ayant principalement vocation à investir dans des sociétés non cotées ou faiblement cotées . Ils sont régis par les dispositions de l'article L. 214-36 du code monétaire et financier.

Ledit article pose des règles contraignantes en matière d'actifs. Ainsi, aux termes de ses 1 à 4, l'actif d'un FCPR :

- doit être constitué, pour 50 % au moins, de titres participatifs ou de titres de capital de sociétés , ou donnant accès au capital de sociétés, qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers français ou étranger, dont le fonctionnement est assuré par une entreprise de marché ou un prestataire de services d'investissement ou tout autre organisme similaire étranger, ou de parts de sociétés à responsabilité limitée ou de sociétés dotées d'un statut équivalent dans leur Etat de résidence. Sont également éligibles à ce quota, dans la limite de 20 % de l'actif du fonds, les titres de sociétés cotées sur un marché d'un Etat partie à l'accord sur l'EEE, dont la capitalisation boursière est inférieure à 150 millions d'euros . En outre, en cas d'introduction sur l'un de ces marchés, ces titres continuent à être pris en compte dans le quota d'investissement de 50 % pendant une durée de 5 ans à compter de leur admission ;

- peut également comprendre, dans la limite de 15 %, les avances en compte courant consenties, pour la durée de l'investissement réalisé, à des sociétés dans lesquelles le fonds détient au moins 5 % du capital. Ces avances sont prises en compte pour le calcul du quota de 50 %, lorsqu'elles sont consenties à des sociétés remplissant les conditions pour être retenues dans ce quota ;

- peut également comprendre des droits représentatifs d'un placement financier dans une entité constituée dans un Etat membre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dont l'objet principal est d'investir dans des sociétés non cotées. Ces droits ne sont alors retenus dans le quota d'investissement de 50 % du fonds qu'à concurrence du pourcentage d'investissement direct de l'actif de l'entité concernée dans les sociétés éligibles à ce même quota.

D'autre part, l'article L. 214-36 du code monétaire et financier fixe des principes concernant la gestion des FCPR . En particulier, il pose des contraintes relatives au rachat des parts des souscripteurs, qui ne peut être exigé avant 10 ans, ou aux règles de distribution d'une fraction des actifs du fonds.

2. Les FCPR bénéficiant d'une procédure allégée

L'article 24 de l'ordonnance n° 2005-429 du 6 mai 2005 a inséré dans le code monétaire et financier un article L. 214-37 mettant en place une procédure allégée pour certains FCPR .

Peuvent bénéficier de cette procédure :

- les investisseurs qualifiés , c'est-à-dire les personnes ou entités disposant des compétences et des moyens nécessaires pour appréhender les risques inhérents aux opérations sur instruments financiers, et dont la liste est fixée par décret (il s'agit généralement des banques, des assureurs ou des fonds d'investissement) ;

- les investisseurs étrangers appartenant à une catégorie équivalente ;

- et ceux, dirigeants, salariés ou personnes physiques, agissant pour le compte de la société de gestion du fonds, ainsi qu'à la société de gestion elle-même.

Dès lors, la constitution, la transformation, la fusion, la scission ou la liquidation du fonds n'est pas soumise à l'agrément de l'Autorité des marchés financiers (AMF) mais doit lui être déclarée a posteriori .

C. Le champ d'intervention des régions en matière de capital investissement

L'article L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales cite les domaines dans lesquels la région a pour mission de contribuer au développement économique, social et culturel de son territoire. S'agissant du soutien au capital investissement, la région peut ainsi :

- souscrire des parts dans un FCPR à vocation régionale ou interrégionale ou participer, par le versement de dotations, à la constitution d'un fonds d'investissement auprès d'une société de capital investissement à vocation régionale ou interrégionale ayant pour objet d'apporter des fonds propres à des entreprises. La région doit alors passer avec la société gestionnaire du fonds d'investissement une convention déterminant notamment l'objet, le montant et le fonctionnement du fonds ainsi que les conditions de restitution des dotations versées en cas de modification ou de cessation d'activité de ce fonds ;

- participer, par le versement de dotations, à la constitution d'un fonds de garantie auprès d'un établissement de crédit ayant pour objet exclusif de garantir des concours financiers accordés à des entreprises . La région doit alors passer avec la société gestionnaire du fonds de garantie une convention déterminant notamment l'objet, le montant et le fonctionnement du fonds, les modalités d'information du conseil régional par la société ainsi que les conditions de restitution des dotations versées en cas de modification ou de cessation d'activité de ce fonds ;

- financer ou aider à la mise en oeuvre des FIP par convention avec la société de gestion du fonds qui détermine les objectifs économiques du fonds, lesquels figurent dans le règlement du fonds. Dans le cadre de cette convention, des départements, des communes ou leurs groupements pourront participer financièrement à la mise en oeuvre du fonds. Cependant, les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent pas détenir des parts ou actions d'une société de gestion d'un FIP .

II. Le dispositif initialement proposé

A. L'assouplissement du quota d'investissement des FIP

Le 1° du I du présent article propose d'assouplir la condition géographique du quota d'investissement de 60 % en prévoyant que les entreprises entrant dans ce quota doivent exercer leurs activités dans des établissements situés dans une zone géographique comprenant au maximum 4 régions limitrophes , au lieu de deux ou trois, comme dans le droit en vigueur.

B. Dispositions relatives aux possibilités de création de différentes catégories de parts pour les FCPR

Le 2° du I du présent article vise à clarifier le droit en vigueur s'agissant des possibilités de créer différentes catégories de parts pour les FCPR. Il existe en effet actuellement une ambiguïté entre deux dispositions du code monétaire et financier :

- d'une part, le deuxième alinéa de l'article L. 214-2, qui prévoit la possibilité pour les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) de créer différentes catégories de parts ou actions dans les conditions fixées par le règlement ou les statuts, tout en respectant les prescriptions de l'AMF ;

- d'autre part, le 8 de l'article L. 214-36, qui prévoit que les FCPR peuvent donner lieu à des droits différents sur l'actif net ou les produits du fonds dans les conditions fixées par le règlement du fonds. Par là même, il paraît limiter la possibilité de création de différentes catégories de parts à celles donnant des droits différents sur l'actif net ou sur les produits de ces fonds, qui sont pourtant des OPCVM.

Le texte proposé vise donc à modifier le 8 de l'article L. 214-36 de façon à lever cette ambiguïté en étendant explicitement les possibilités de création de différentes catégories de parts pour les FCPR.

C. La création des FCPR contractuels

Le 4° du I du présent article propose d'insérer un article L. 214-38-1 dans le code monétaire et financier qui créerait une nouvelle catégorie de FCPR : les FCPR contractuels .

Selon la rédaction proposée, le FCPR contractuel se définirait comme un fonds ayant vocation :

- à investir, directement ou indirectement, en titres participatifs ou en titres de capital de sociétés, ou donnant accès au capital de sociétés, qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers , dont le fonctionnement est assuré par le même type d'organismes que les FCPR « classiques » ;

- ou à être exposé à un risque afférent à ces titres .

En outre, l'actif de ces véhicules pourrait également comprendre des droits représentatifs d'un placement financier dans une entité, émis sur le fondement de droits étrangers, et des avances en compte courant consenties, pour la durée de l'investissement réalisé, à des sociétés dans lesquelles le FCPR contractuel détient une participation. Cela signifie concrètement qu'un FCPR contractuel pourrait investir dans un ou plusieurs autres fonds investissant dans une société (fonds de fonds).

La rédaction proposée ne fixe aucun ratio d'investissement à respecter et les contraintes pesant sur les autres FCPR classiques, énoncées à l'article L. 214-36 et énumérées supra , ne s'appliqueraient pas aux FCPR contractuels.

Le présent article propose, par ailleurs, de renvoyer au règlement du FCPR contractuel la fixation des règles d'investissement et d'engagement, ainsi que les conditions et modalités de rachat des parts.

D'autre part, comme pour les FCPR à règlement allégé visés à l'article L. 214-37 du code monétaire et financier, la constitution, la transformation, la fusion, la scission ou la liquidation d'un FCPR contractuel ne serait pas soumise à l'agrément préalable de l'AMF ; ces opérations devraient toutefois lui être déclarée dans le mois qui suit sa réalisation et dans des conditions définies par un règlement de l'AMF.

Enfin, aux termes du dernier alinéa du texte proposé pour l'article L. 214-38-1 du code monétaire et financier, un fonds commun de placements dans l'innovation (FCPI) ou un FIP ne pourrait relever des dispositions relatives aux FCPR contractuels . A l'inverse, le dernier alinéa du 4° du I du présent article propose d'insérer un article L. 214-38-2 au sein du code monétaire et financier disposant que les FCPR bénéficiant d'une procédure allégée peuvent se placer sous le régime du FCPR contractuel à condition d'obtenir l'accord exprès de chaque porteur de parts .

D. L'assouplissement des contraintes d'investissement des FCPR à procédure allégée

Le 3° du I du présent article propose d'assouplir les règles d'éligibilité à l'actif des FCPR bénéficiant d'une procédure allégée . Pourraient ainsi figurer à l'actif de ces fonds , outre les actifs éligibles au titre des FCPR « classiques » :

- dans la limite de 15 %, des avances en compte courant consenties, pour la durée de l'investissement réalisé, à des sociétés dans lesquelles le fonds détient une participation ;

- des droits représentatifs d'un placement financier dans un autre fonds dont l'objet principal est d'investir directement ou indirectement, dans des sociétés dont les titres de capital ne sont pas admis aux négociations sur un marché. Ces droits ne seraient retenus dans le quota d'investissement de 50 % du fonds qu'à concurrence du pourcentage d'investissement direct ou indirect de l'actif de l'entité concernée dans les sociétés éligibles à ce même quota. Il s'agit, là aussi, de ne pas pénaliser la constitution de fonds de fonds.

D'autre part, le 5° du I du présent article propose de supprimer le 4 de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier. Il ne s'agit que d'une simple mesure de coordination destinée à lever une ambiguïté qui pourrait naître d'une redondance entre différents textes.

E. L'extension du champ d'intervention des régions en matière de capital investissement

Le II du présent article propose d'étendre le champ d'intervention des régions au versement de dotations pour la constitution de fonds de participation au sens de l'article 44 du règlement (CE) n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) n° 1260/1999.

Cela traduit dans le droit l'initiative dite « JEREMIE » (pour joint European ressources for micro to medium enterprises ) lancée par la Commission européenne afin de faciliter l'accès des PME aux capitaux extérieurs.

Article 44 du règlement (CE) n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) no 1260/1999

Dans le cadre d'un programme opérationnel, les Fonds structurels peuvent financer des dépenses pour une opération comprenant des contributions visant à soutenir des instruments relevant de l'ingénierie financière au profit des entreprises, et principalement des petites et moyennes entreprises, telles que les fonds de capital à risque, de garantie et de prêts, ainsi que les fonds de développement urbain durable, autrement dit les fonds investissant dans des partenariats public-privé et d'autres projets faisant partie d'un programme intégré en faveur du développement urbain durable.

Lorsque de telles opérations sont organisées par le biais de fonds à participation, c'est-à-dire des fonds institués pour investir dans plusieurs fonds de capital à risque, de garantie et de prêts, ainsi que dans des fonds de développement urbain durable, l'Etat membre ou l'autorité de gestion les met en oeuvre sous une ou plusieurs des formes suivantes:

a) l'attribution d'un contrat public conformément à la législation applicable en matière de marchés publics;

b) dans d'autres cas, lorsque l'accord n'est pas un contrat public de service au sens de la législation applicable en matière de marchés publics, l'octroi d'une subvention, définie à cet effet comme une contribution financière directe par voie de donation:

i) à la BEI ou au FEI; ou

ii) à une institution financière sans appel à propositions, si cela est fait conformément à une loi nationale compatible avec le traité.

Les modalités d'application du présent article sont adoptées par la Commission conformément à la procédure visée à l'article 103, paragraphe 3.

Source : journal officiel de l'Union européenne (31 juillet 2006)

Il est précisé que la région conclut, avec l'organisme gestionnaire du fonds de participation et avec l'autorité de gestion du programme opérationnel régional des fonds structurels, une convention déterminant, notamment, l'objet, le montant, le fonctionnement du fonds ainsi que les conditions de restitution des dotations versées en cas de modification ou de cessation d'activité de ce fonds.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV. La position de votre commission spéciale

A. Des mesures propres à renforcer l'attractivité de la France en tant que place financière

Votre rapporteur approuve l'économie générale du présent article, qui est à relier à l'article 42 du présent projet de loi. Il s'agit de favoriser la compétitivité de la « Place de Paris », notamment par la création de véhicules d'investissement plus souples et correspondant à des schémas juridiques connus des investisseurs internationaux .

Tel est l'objet des FCPR contractuels dont le présent article propose la création. Plusieurs des personnalités auditionnées par le groupe de travail préfigurant votre commission spéciale, en particulier les représentants des investisseurs dans des sociétés non cotées, ont souligné ce besoin, indiquant que l'absence de véhicule juridique compétitif avait entraîné la localisation à l'étranger (particulièrement au Royaume-Uni ou au Luxembourg) de nombreux fonds qui auraient eu vocation à être sis en France. Tel est, en particulier, le cas des fonds de fonds, qui investissent tout ou partie des fonds collectés dans d'autres fonds investissant dans des sociétés non cotées.

La définition proposée pour le FCPR contractuel le rapproche ainsi de la société d'investissement à capital risque (SICAR) créée par le Grand-duché de Luxembourg par une loi en date du 15 juin 2004, et qui connaît un grand succès auprès des investisseurs avertis auquel elle est, elle aussi, destinée.

La clarification proposée au sujet des possibilités de création de différentes catégories de parts pour les FCPR et l'assouplissement des contraintes d'investissement des FCPR à procédure allégée participent de la même logique : offrir à la Place de Paris une palette de véhicules juridiques performants dans un contexte de forte concurrence internationale , alors même que la compétence financière des diplômés de l'enseignement supérieur français est largement reconnue dans le monde. En revanche, il est important de souligner que les avantages fiscaux liés à la souscription dans des structures de capital investissement demeurent réservés à des fonds et sociétés à actif contraint (FCPR « fiscaux, SCR, FCPI, FIP, etc.).

Enfin, l'extension du champ d'intervention des régions en matière de capital investissement ne soulève pas de difficulté . Il s'agit d'offrir de nouvelles possibilités d'action aux régions pour soutenir le développement économique sur leur territoire, en totale conformité avec le droit européen.

B. Le dispositif des FCPR contractuels peut encore être amélioré

Le dispositif proposé pour les FCPR contractuels semble cependant perfectible sur certains aspects.

En premier lieu, puisque l'objet est de doter la France d'un véhicule comparable à ceux qui existent dans les places européennes les plus attractives, il paraît nécessaire d'étendre le champ d'investissement des FCPR contractuels aux titres de créances sur les sociétés ayant vocation à figurer dans le portefeuille , ce que propose un amendement .

En revanche, si les FCPR contractuels ne doivent, par nature, pas faire l'objet d'un agrément préalable de l'AMF, les sociétés de gestion de ces véhicules devraient, elles, faire l'objet d'un tel agrément . Il s'agit là d'un principe classique selon lequel plus un objet financier est souple, plus ses gérants (et ses investisseurs) doivent être qualifiés afin de maîtriser correctement les risques afférents. Une telle disposition figure déjà à l'article L. 214-35-6 du code monétaire et financier, relatif aux OPCVM contractuels, dont les FCPR contractuels ont vocation à être les pendants dans l'univers des entreprises non cotées. Votre rapporteur propose donc un amendement en ce sens.

Enfin, tout en allant dans le même sens que le 2° du I du présent article, votre rapporteur en propose, par un amendement, une rédaction plus précise . Il sera ainsi clairement indiqué que les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 214-2 du code monétaire et financier s'appliquent aux FCPR. Ceux-ci pourront donc créer différentes catégories de parts sans être limitées par la rédaction actuellement restrictive du 8 de l'article L. 214-36 du même code.

C. L'extension à quatre régions limitrophes des possibilités d'investissement des FIP dénaturerait ces véhicules

En revanche, votre rapporteur n'approuve pas l'assouplissement de la contrainte géographique d'investissement des FIP . En effet, l'extension des possibilités d'investissements de ces véhicules à 4 régions limitrophes pour les 60 % de leur actif « contraint » reviendrait à les vider de la vocation même des FIP, qui doivent rester des fonds d'investissement de proximité.

Or, c'est bien cette notion de proximité qui justifie les avantages fiscaux consentis aux souscripteurs des FIP, notamment la réduction d'impôt sur le revenu de 25 % du montant de leur souscription en vertu des dispositions du VI bis de l'article 199 terdecies -0 A du code général des impôts.

Pour cette raison, votre commission spéciale propose un amendement tendant à supprimer le 1° du I du présent article, de façon à conserver les contraintes actuelles relatives à l'actif des FIP .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 10 - Extension de réductions fiscales aux souscriptions dans des fonds communs de placement à risques (FCPR) bénéficiant d'une procédure allégée

Commentaire : cet article additionnel propose d'étendre aux souscriptions dans des fonds communs de placement à risques (FCPR) bénéficiant d'une procédure allégée les réductions d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dont bénéficient les souscriptions dans des FCPR « classiques ».

Aux termes du 4 du I de l'article 885 I ter du code général des impôts, sont exonérés d'ISF les parts de FCPR dont l'actif est constitué au moins à hauteur de 40 % de titres reçus en contrepartie de souscriptions au capital de sociétés exerçant leur activité ou juridiquement constituées depuis moins de 5 ans, vérifiant certaines conditions énumérées au 1 du même article. Cette exonération est limitée à la fraction de la valeur des parts de ce fonds représentatives de titres reçus en contrepartie de souscriptions au capital de sociétés correspondant auxdites conditions.

Par ailleurs, aux termes du 1 du III de l'article 885-0 V bis du même code, le redevable peut, sous certaines conditions, imputer sur l'ISF 50 % du montant des versements effectués au titre de souscriptions en numéraire aux parts de FCPR dont l'actif est constitué au moins à hauteur de 40 % de titres reçus en contrepartie de souscriptions au capital de sociétés exerçant leur activité ou juridiquement constituées depuis moins de 5 ans, vérifiant certaines conditions énumérées au 1 du I du même article. Cet avantage fiscal est limité à 20.000 euros.

Or, si ces articles mentionnent les FCPR en général, dont les FCPR bénéficiant d'une procédure allégée définis à l'article L. 214-37 du code monétaire et financier ne sont qu'une sous-catégorie, le fait que ledit article L. 214-37 ne soit pas explicitement cité au sein des articles 885 I ter et 885-0 V bis du code général des impôts rend le statut des FCPR « à procédure allégée » ambigu au regard de ces deux articles.

C'est la raison pour laquelle il est proposé de lever cette ambiguïté en introduisant une référence à l'article L. 214-37 du code monétaire et financier dans la description de ces deux dispositifs fiscaux.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article 10 bis (nouveau) - (nouvel article L. 225-209-1 du code de commerce) Extension à Alternext du régime des rachats d'actions et des contrats de liquidité

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, complète le régime des rachats d'actions par les émetteurs prévu par le code de commerce, afin de permettre l'extension au marché organisé NYSE Alternext de la pratique des contrats de liquidité.

I. Le droit en vigueur

A. Le régime des rachats d'actions dans les sociétés cotées

Les sociétés dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé peuvent, dans la limite de 10 % de leur capital , racheter leurs propres titres en respectant des conditions prévues par l'article L. 225-209 du code de commerce. Ce régime a été mieux encadré par un amendement, adopté à l'initiative de notre collègue Philippe Marini, rapporteur général, à la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie. Rappelons que les principales finalités de ces opérations d' « autocontrôle » sont les suivantes :

- des rachats suivis d'annulations afin d'accroître le bénéfice par action de l'émetteur ;

- la stabilisation du cours de l'action et l'animation du marché et de la liquidité du titre, dans le cadre d'un « contrat de liquidité » conclu avec un prestataire de services d'investissement (cf. infra ) ;

- la conservation et la remise ultérieure en paiement ou en échange dans le cadre d'une opération de croissance externe par fusion, scission ou apport ;

- le financement de plans d'attribution (dans un délai d'un an) de stock-options ou d'actions gratuites au profit des salariés, ou d'émissions de titres « hybrides » convertibles ou remboursables en actions.

L'assemblée générale des actionnaires doit autoriser l'organe de direction (conseil d'administration ou directoire) à réaliser ces programmes de rachat, pour une durée maximale de 18 mois, et en définit le plafond et les modalités. Un rapport spécial informe chaque année l'assemblée générale de la réalisation des opérations de rachat d'actions et précise en particulier, pour chacune des finalités, le nombre et le prix des actions ainsi acquises, le volume des actions utilisées pour ces finalités, ainsi que les éventuelles réallocations à d'autres finalités dont elles ont fait l'objet.

Le conseil d'administration ou le directoire peut déléguer au directeur général, ou à un ou plusieurs directeurs généraux délégués ou membres du directoire, les pouvoirs nécessaires pour réaliser cette opération, dont les délégataires rendent compte de l'utilisation.

L'acquisition, la cession ou le transfert des actions rachetées peut être effectué par tous moyens. Ces actions peuvent être annulées dans la limite de 10 % du capital de la société par périodes de 24 mois. La société informe chaque mois l'Autorité des marchés financiers (AMF) -qui publie cette information- des achats, cessions, transferts et annulations ainsi réalisés. En cas d'annulation suivie d'une réduction du capital, l'opération fait l'objet d'un rapport spécial des commissaires aux comptes et est autorisée par l'assemblée générale extraordinaire qui peut déléguer cette compétence au conseil d'administration ou au directoire.

Un « sous-plafond » de 5 % du capital est prévu pour les actions acquises en vue d'une opération de fusion, de scission ou d'apport. Enfin les sociétés non cotées sur un marché réglementé peuvent recourir aux rachats d'actions dans les mêmes conditions (excepté celles relatives à l'information de l'AMF), mais aux seules fins d'abondement d'un plan d'épargne d'entreprise.

B. Les contrats de liquidité

1. Des contrats régis par l'AMF et l'AFEI

La pratique des rachats d'actions donne lieu, pour de nombreux émetteurs (le tiers à la moitié selon les segments du marché Euronext), à la conclusion de contrats de liquidité avec un prestataire de services d'investissement (PSI), technique utilisée pour assurer ou renforcer la liquidité du titre. L'émetteur met à la disposition du prestataire des liquidités et des actions, à charge pour ce dernier de fournir de la liquidité en se portant acheteur ou vendeur des titres de l'émetteur lorsque son marché est en déséquilibre (décalages de cours et présence non simultanée d'acheteurs et de vendeurs).

Ces contrats ne sont pas définis par un régime légal particulier mais doivent naturellement respecter les dispositions relatives aux programmes de rachats d'actions. En application d'une décision de l'AMF du 22 mars 2005 , les rachats réalisés dans le cadre d'un tel contrat constituent l'une des deux pratiques de marché admises par l'Autorité, qui emportent présomption simple de légitimité au regard de la législation communautaire et nationale sur l'abus de marché (manipulation de cours en particulier). La décision de l'AMF détaille les modalités de mise en oeuvre de ces contrats, en particulier celles relatives à l'information du marché.

Le contrat de liquidité doit ainsi respecter les onze principes énoncés dans la charte de déontologie de l'Association française des entreprises d'investissement (AFEI), annexée à la décision. Pour chaque catégorie différente de titres, l'émetteur ne peut avoir recours qu'à un intermédiaire financier pour assurer l'animation du marché du titre concerné.

2. Un dispositif qui ne concerne que les marchés réglementés

L'article L. 225-209 du code de commerce, précité, la décision du 22 mars 2005 et le règlement général de l'AMF ne réservent les pratiques encadrées de rachats d'actions et les contrats de liquidité qu'aux sociétés admises à la négociation sur un marché réglementé, soit l'Eurolist de NYSE Euronext.

NYSE Alternext, marché dédié aux PME lancé par Euronext le 17 mai 2005, n'en bénéficie donc pas puisqu'il s'agit d'un marché « organisé » et non réglementé soit, juridiquement, d'un système multilatéral de négociation , défini par l'article L. 424-1 du code monétaire et financier. Aux termes du règlement général de l'AMF, il s'agit également d'un « système multilatéral de négociation organisé », c'est-à-dire d'un marché qui se soumet volontairement à certaines règles supplémentaires des marchés réglementés , en particulier celles afférentes à la garantie de cours ou au régime de l'abus de marché.

Alternext accueillait 137 sociétés fin mai 2008 et a vocation, à terme, à concurrencer le marché britannique AIM ( Alternative Investment Market ), sur lequel étaient cotées près de 1.590 sociétés fin 2007, dont 283 émetteurs étrangers. Le régime d'introduction et de cotation sur Alternext présente ainsi un compromis entre souplesse pour les émetteurs et garanties de protection des investisseurs, afin de ne pas reproduire les échecs antérieurs du Second et surtout du Nouveau Marché.

A cet égard, compte tenu des caractéristiques des PME qui y sont cotées, la liquidité constitue un des principaux enjeux et facteurs clefs de succès d'Alternext, et gagnerait à l'admission de la pratique des contrats de liquidité.

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

A l'initiative de nos collègues députés Jean-Paul Charié, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, Patrick Ollier, Catherine Vautrin, Laure de La Raudière et Serge Poignant, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté le présent article additionnel, tendant à la création , par l'introduction d'un nouvel article L. 225-209-1 dans le code de commerce, du cadre juridique propice à l'extension des contrats de liquidité au marché organisé Alternext.

Cette mesure figurait parmi les axes de modernisation de la place de Paris , annoncés par le Haut comité de place lors de son installation en octobre 2007, et est implicite dans l'habilitation à moderniser par ordonnance la place financière de Paris, prévue par l'article 42 du présent projet de loi et qui porte notamment sur la réforme « du régime des rachats d'actions en vue de favoriser la liquidité des titres de la société et de simplifier les règles de publicité ».

Le I du présent article propose donc d'introduire un nouvel article L. 225-209-1 dans le code de commerce, prévoyant un régime encadré de rachat d'actions pour les sociétés dont les actions sont admises à la négociation sur « un système multilatéral de négociation qui se soumet aux dispositions législatives et réglementaires visant à protéger les investisseurs » contre les trois manquements constitutifs d'abus de marché, dans les conditions prévues par le règlement général de l'AMF. Le champ de l'article concerne donc les sociétés cotées sur un système multilatéral de négociation organisé (cf. supra ), ce qui vise implicitement Alternext .

A l'instar du régime actuel des sociétés cotées sur un marché réglementé, ces rachats sont limités à 10 % du capital de l'émetteur . L'assemblée générale des actionnaires doit préalablement définir les modalités et le plafond de l'opération, accorde l'autorisation pour une durée maximale de 18 mois, et est informée de la réalisation des programmes par un rapport spécial (qui précise notamment le nombre et le prix des actions ainsi acquises). Le comité d'entreprise est également informé de la résolution adoptée par l'assemblée générale.

Des facultés identiques de délégation de pouvoir aux dirigeants (cf. supra ) sont prévues. Les actions peuvent être annulées dans la limite de 10 % du capital de la société par périodes de 24 mois, et la réduction corrélative du capital doit être autorisée ou décidée par l'assemblée générale extraordinaire, qui peut déléguer les pouvoirs de réalisation aux organes dirigeants.

Le dispositif diffère en revanche sur un point important de celui applicable aux sociétés cotées sur un marché réglementé : il est fait explicitement mention du rachat aux seules fins de « faciliter la liquidité des titres de la société » ce qui, à l'exception (implicite) de l'annulation ultérieure pour « relution » du bénéfice par action, a pour effet d'exclure les autres finalités que sont la croissance externe et le financement de plans d'épargne salariale et d'émissions de titres hybrides. Il n'est par conséquent pas prévu de sous-plafond de 5 % pour les actions acquises en vue de leur conservation et de leur remise ultérieure en paiement ou en échange dans le cadre d'une opération de fusion, scission ou apport.

Votre commission spéciale partage ce choix et considère donc que ce nouveau régime , et les contrats de liquidité y afférant sur le marché Alternext, ne couvrent pas les autres finalités précédemment décrites.

En outre, et à la différence du régime de droit commun pour les marchés réglementés, le présent article ne prévoit pas d'information périodique de l'AMF sur les achats, cessions, transferts et annulations réalisés dans le cadre des programmes adoptés et mis en oeuvre. Votre commission spéciale juge que cette information participerait de la transparence et de la crédibilité d'Alternext, et vous proposera donc un amendement tendant à prévoir une telle procédure d'information sur les achats et annulations d'actions.

Les II , III et IV du présent article prévoient des mesures de coordination dans le code de commerce, par l'adjonction d'une référence au nouvel article L. 225-209-1 dans les dispositifs suivants :

- le registre des achats et ventes de titres tenu par l'établissement dépositaire et la mention de ces opérations dans le rapport annuel de l'émetteur (premier et dernier alinéas de l'article L. 225-211) ;

- l'inapplicabilité du régime des rachats d'actions aux actions entièrement libérées et acquises à la suite d'une transmission de patrimoine à titre universel ou d'une décision de justice (article L. 225-213).

Ce nouveau dispositif requerra des aménagements du règlement général de l'AMF, afin d'inclure NYSE Alternext dans le champ de la pratique admise de marché.

Il importe enfin de relever qu'un sous-amendement , présenté par notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, a été retiré à la suite des explications et réserves formulées par M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des PME, du tourisme et des services, et par notre collègue député Jean-Paul Charié.

Ce sous-amendement proposait d'étendre le régime des rachats d'actions aux grandes sociétés non cotées présentant des caractéristiques supérieures à certains seuils et rassemblant plus de 40 actionnaires personnes physiques ou morales. M. Hervé Novelli s'est toutefois engagé à ce que ce sujet soit abordé dans le cadre des ordonnances de modernisation financière, prévues à l'article 42 du présent projet de loi.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve l'économie de ce dispositif, qui offre de nouvelles possibilités d'approfondissement de la liquidité et de « lissage » de la sortie d'importants actionnaires des PME cotées sur Alternext, conformément aux recommandations des acteurs de la place. La liquidité est en effet un enjeu déterminant pour ce marché, dont trois années de fonctionnement ont permis de constater les lacunes , et la possibilité de recourir aux contrats de liquidité apparaît à cet égard indispensable. On constate en effet que :

- seule un peu plus de la moitié des valeurs présentes sur ce marché bénéficie de la cotation en continu -technique la plus propice à la liquidité-, les autres étant cotées au « fixing » (accumulation des ordres jusqu'à 15h30) ou, plus marginalement, par un « teneur de marché » (adaptation de la technique du « market making » , commune sur les marchés de Londres) ;

- la rotation quotidienne moyenne des actions s'élève à 0,2 % du capital, contre environ 0,5 % pour les sociétés de l'indice CAC 40 ;

- les transactions et souscriptions lors des introductions tendent à se concentrer sur les valeurs les plus visibles pour les investisseurs, soit les capitalisations les plus élevées (telle la société Poweo) et sociétés adossées à des fonds d'investissement ;

- les sociétés cotées sur Alternext sont encore trop peu suivies par les analystes ou sélectionnées par les gérants d'organismes de placement collectif ;

- la demande de titres lors des introductions se révèle élevée (en moyenne 7,5 fois supérieure à l'offre au premier semestre de 2007), ce qui traduit l'attractivité d'Alternext, mais aussi le manque de profondeur du marché , qui ne permet pas de satisfaire l'intégralité de la demande.

Comme indiqué précédemment, votre commission spéciale vous propose d'adopter un amendement afin de renforcer la transparence et la crédibilité d'Alternext, de compléter le présent dispositif par une obligation d'information périodique de l'AMF sur les achats, cessions, transferts et annulations d'actions réalisés dans le cadre des programmes adoptés et mis en oeuvre.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 10 ter (article 24-1 [nouveau] de la loi n° 95-96 du 1er février 1995) Compensation des variations du coût des carburants

I. La proposition de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a introduit dans le projet de loi un nouvel article 10 ter qui tend à créer un nouvel article 24-1 dans le chapitre II ( « Dispositions relatives au transport routier » ) de la loi n° 95-96 du 1 er février 1995 concernant les clauses abusives et la présentation des contrats et régissant diverses activités d'ordre économique et commercial.

Cet article comporterait deux alinéas. Tous deux tendent à punir d'une amende de 15.000 euros le fait, pour un cocontractant d'un service de transport routier de marchandise, de ne pas respecter les dispositions qui permettent aux transporteurs routiers de répercuter les variations des charges de carburant sur leurs clients. Le premier alinéa s'appliquerait aux contrats conclus directement par des transporteurs routiers. Le second alinéa viserait les contrats conclus par un commissionnaire de transport.

II. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur partage la préoccupation des députés quant à la nécessité de donner sa pleine effectivité au dispositif de 2006, en introduisant une sanction pour les clients des transporteurs routiers et des commissionnaires de transport refusant de l'appliquer.

Afin d'améliorer la lisibilité du dispositif, elle vous propose, par un amendement , de l'insérer directement à l'article 24 de la loi du 1 er février 2005, et dans une forme plus ramassée mais qui n'en change pas la portée.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 10 quater (nouveau) Rapport au Parlement sur le bilan de l'action des acteurs du système public de financement, d'appui et de soutien aux PME

Commentaire : cet article, introduit à l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances, propose de demander au gouvernement de présenter un rapport au Parlement sur le bilan de l'action des acteurs du système public de financement, d'appui et de soutien aux PME.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article, adopté à l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances, demande au gouvernement de présenter aux commissions de chacune des assemblées parlementaires chargées des affaires économiques et des finances un rapport présentant le bilan de l'action des différents acteurs du système public de financement, d'appui et de soutien aux petites et moyennes entreprises, ainsi que des propositions de réforme et de clarification de ce système, destinées à en améliorer l'accessibilité.

Cette présentation devra être faite dans un délai d'un an suivant la promulgation du présent projet de loi.

II. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur comprend la démarche qui a guidé l'Assemblée nationale. Nul ne conteste que les organismes impliqués dans le soutien aux PME sont nombreux et que ce paysage confus aurait besoin d'une clarification, notamment pour ce qui concerne le financement des entreprises, la recherche et l'innovation, ainsi que le soutien à l'exportation et à l'internationalisation.

Cependant, elle n'est pas certaine qu'un nouveau rapport du gouvernement aux commissions intéressées soit le meilleur moyen d'avancer sur cette voie. D'une part, l'annexe au projet de loi de finances relative à l'effort financier de l'Etat en faveur des PME (« jaune PME ») contient déjà de nombreux éléments. D'autre part, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), notamment ses articles 57 à 60, offre au Parlement des moyens d'obtenir une information très riche. Ainsi, par exemple, une enquête réalisée par la Cour des comptes à la demande d'une commission des finances peut permettre de mettre un sujet en lumière sur la base d'informations peut-être moins « orientées » que si elles émanaient directement d'un rapport gouvernemental.

C'est pourquoi, tout en partageant le but poursuivi par l'Assemblée nationale, votre commission spéciale propose un amendement tendant à supprimer le présent article .

Votre commission spéciale vous propose de supprimer cet article.

Article additionnel après l'article 10 quater - (article L. 7321-2 du code du travail) Définition des gérants de succursales

Commentaire : cet article additionnel, proposé par votre commission spéciale, tend à lever une ambiguïté dans la définition du gérant de succursale, inscrite dans le nouveau code du travail.

La récente recodification à droit constant du code du travail a pu donner lieu à quelques approximations ou ambiguïtés. C'est le cas de la recodification du 2° de l'article L. 781-1 de l'ancien code, qui identifiait les gérants de succursale afin de les soumettre au code du travail. Cette définition, auparavant ramassée dans l'article L. 781-1 en un long alinéa d'une seule phrase, a été éclatée en cinq alinéas dans l'article L. 7321-2 du nouveau code.

Celui-ci désigne comme gérant de succursale toute personne :

1° chargée, par le chef d'entreprise ou avec son accord, de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l'entreprise, en vue de recevoir d'eux des dépôts de vêtements ou d'autres objets ou de leur rendre des services de toute nature ;

2° dont la profession consiste essentiellement :

a) soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise ;

b) soit à recueillir les commandes ou à recevoir des marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d'une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise.

On constate à la lecture du 2° que le critère relatif à l'exercice de la profession de gérant dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par employeur, n'est attaché qu'à la vente des marchandises, alors qu'il concernait précédemment aussi bien la vente que le traitement de marchandises.

Le a) ainsi formulé décrit la profession de commerçant indépendant franchisé.

Celle-ci se retrouve de ce fait inopinément assimilée à celle de gérant de succursale : c'est le fait que les franchisés soient responsables de leur local, même s'ils ont à satisfaire à des conditions de conformation liées à la qualité de l'enseigne, qui différencie ces commerçants indépendants des gérants de succursales, soumis au code du travail.

Le fait que l'on ne doive pas lire le a) indépendamment du 1° et la mention au 1° selon laquelle que les gérants d'entreprises se mettent à la disposition des clients « dans les locaux ou dépendances de l'entreprise » ne dissipent pas l'ambiguïté latente de la formulation du a).

L'objet de cet amendement est de corriger cette ambiguïté.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

CHAPITRE III - Simplifier le fonctionnement des petites et moyennes entreprises

Le chapitre III du titre I er est consacré à la simplification du fonctionnement des petites et moyennes entreprises . Initialement composé de quatre articles, il en comprend treize après le vote du projet de loi par l'Assemblée nationale. Il aborde désormais des sujets aussi divers que la simplification du régime des vendeurs ambulants, le régime juridique des vendeurs à domicile indépendants ou celui des baux commerciaux. Sur ce dernier sujet, votre rapporteur juge que la discussion du projet de loi de modernisation de l'économie constitue une opportunité pour mettre en oeuvre un certain nombre d'évolutions du droit relatif au bail commercial, dont certaines ont été proposées en 2004 par un groupe de travail, présidé par M. Philippe Pelletier, sur la simplification du statut des baux commerciaux et professionnels. En effet, à l'exception d'une mesure concernant la mobilisation des logements annexes au local commercial qui a été adoptée dans la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, ces propositions étaient, jusqu'à présent, restées lettre morte, notamment parce que toutes n'avaient pas, à l'époque, été jugées suffisamment consensuelles par certains acteurs du monde du commerce.

Les députés ont, à l'occasion de la discussion du projet de loi de modernisation de l'économie, apporté plusieurs modifications à ce statut, qui règlent les effets juridiques des conventions de location entre bailleurs et preneurs, en insérant trois articles additionnels (articles 11 ter à 11 quinquies ). Votre commission spéciale vous présentera quant à elle deux amendements portant articles additionnels et deux amendements sur les articles 11 ter et 11 quater afin de compléter ces initiatives.

Votre rapporteur tient, à ce sujet, à souligner que ces propositions n'ont pas pour objet de bouleverser les grands équilibres du régime juridique du bail commercial. A ce titre, il a pris le parti de ne proposer aucune modification sur les éléments substantiels de la relation contractuelle, qu'il s'agisse de la durée du bail, des conditions de son renouvellement ou du loyer. Une telle démarche aurait au demeurant nécessité, au préalable, un travail approfondi et de longue haleine, sur la base de concertations entre les pouvoirs publics et les différents partenaires concernés. En revanche, il est apparu à votre rapporteur qu'un certain nombre de mesures de simplification ou de modernisation seraient de nature à clarifier l'application de certaines dispositions de ce statut. Tel est d'ailleurs le bilan qu'il est possible de tirer d'une consultation écrite effectuée par votre rapporteur auprès de plusieurs organismes représentatifs des bailleurs et des preneurs.

Dans ces conditions, et dans un souci de bonne organisation des articles du projet de loi, il vous est proposé de regrouper les articles traitant du statut du bail commercial dans un chapitre dédié du titre I er du projet de loi, ce qui conduit votre commission spéciale à vous présenter un amendement modifiant l'intitulé du chapitre III, désormais intitulé « Moderniser le régime des baux commerciaux » , qui regrouperait les articles 11 à 11 quinquies . Par coordination, il vous sera proposé, avant l'article 12, de réinsérer la division concernant la simplification des PME sous la forme d'un chapitre III bis .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet intitulé ainsi modifié.

Article 11 - (article L. 112-3 du code monétaire et financier) Suppression de l'interdiction d'indexation automatique des loyers des baux commerciaux sur l'inflation

Commentaire : le présent article tend à réformer les mécanismes d'indexation des loyers des baux commerciaux. A cet effet, il supprime l'interdiction d'indexation automatique de ces loyers sur l'inflation.

I. Le droit en vigueur

En application de l'article L. 112-1 du code monétaire est financier, l'indexation automatique des prix de biens ou de services est interdite, sauf exceptions limitativement énumérées par la loi. De même, l'article L. 112-2 du même code dispose que « dans les dispositions statutaires ou conventionnelles, est interdite toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services n'ayant pas de relation directe avec l'objet du statut ou de la convention ou avec l'activité de l'une des parties » . Cette législation date de la fin des années 1950 et avait été adoptée pour lutter contre la boucle prix/salaires et ses effets inflationnistes. Elle a, par la suite, été consacrée dans les premiers articles du code monétaire et financier comme un principe économique fondamental.

L'article L. 112-3 énumère ainsi plusieurs exceptions à cette interdiction générale, qui concernent notamment certains produits d'épargne réglementée, les prêts accordés aux personnes morales ainsi qu'aux personnes physiques pour les besoins de leur activité professionnelle ou les loyers des baux d'habitation. Cette dernière exception a notamment été introduite par la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne pour permettre l'indexation des loyers des baux d'habitation, jusqu'alors indexés sur l'indice du coût de la construction (ICC), sur un nouvel indice de référence des loyers (IRL), calculé en partie sur la base de l'évolution de l'inflation.

En revanche, les loyers des baux commerciaux ne sont pas concernés par ces dispositions puisqu'ils ne figurent pas parmi les exceptions énumérées à l'article L. 112-3 et que l'article L. 112-2 précise qu'ils ne peuvent avoir comme base d'indexation que l'évolution de l'indice du coût de la construction.

L'indice du coût de la construction

L'ICC est un indice trimestriel, base 100 au quatrième trimestre 1953, date de sa création. Il est calculé par l'INSEE, en collaboration avec le ministère du logement et de la ville. Il s'agit d'un indice de prix fondé sur l'observation des marchés de construction conclus entre les maîtres d'ouvrage et les entreprises assurant les travaux de bâtiment, à l'exclusion des autres composantes entrant dans le prix de revient des logements (charge foncière, frais annexes de promotion, frais financiers, etc.). Le calcul est effectué chaque trimestre à partir d'un échantillon représentatif retraçant l'évolution des prix de la construction des quelque 6.000 logements neufs examinée au travers du suivi de 320 dossiers.

En application de l'article L. 145-38 du code de commerce, le loyer du bail commercial, dont la durée est au moins de neuf ans, peut faire l'objet d'une révision tous les trois ans dans la limite des variations de l'ICC. De même, l'article L. 145-34 limite, sauf exceptions, la hausse du loyer du bail renouvelé à l'augmentation de cet indice.

Cette référence indicielle est de nature à causer des difficultés d'ordre économique aux locataires titulaires d'un bail commercial, compte tenu des évolutions particulièrement marquées de l'ICC au cours des dernières années en raison notamment de la hausse du prix des matières premières . Ainsi, l'ICC progresse, depuis l'année 2004, entre 4 et 5 % chaque année, ce qui favorise l'envolée des loyers commerciaux. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont justifié la construction d'un indice des loyers d'habitation plus proche des grandes variables macroéconomiques, telles que les prix liés à l'entretien du logement ou le « pouvoir d'achat » des locataires, il est proposé de modifier les références relatives à la progression des loyers des baux commerciaux.

II. Le dispositif initialement proposé

L'article 11 du projet de loi complète la liste des exceptions à l'interdiction d'indexation automatique sur l'inflation visées à l'article L. 112-3 du CMF. Il prévoit donc qu'outre les loyers prévus par les conventions portant sur un local d'habitation, pourront faire l'objet d'une telle indexation les loyers des locaux à caractère commercial .

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté cet article sans modifier le texte qui leur était proposé par le Gouvernement.

IV. La position de votre commission spéciale

Comme votre commission spéciale l'exposera à l'article 11 quinquies , les députés ont adopté un dispositif, résultant d'une négociation entre bailleurs et preneurs, permettant d'indexer les loyers dus par les preneurs de locaux au titre de certaines activités commerciales définies par décret sur un indice des loyers commerciaux (ILC). Par cohérence avec ces dispositions, elle vous soumet donc un amendement permettant de relier clairement l'article 11 à l'article 11 quinquies et prévoyant que la dérogation à l'interdiction automatique sur l'inflation concerne les conventions portant sur un local affecté à des activités commerciales relevant du décret précité .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 11 bis (nouveau) - (article L. 121-4 du code de commerce) Mention du conjoint collaborateur sur les registres de publicité légale à caractère professionnel

Commentaire : cet article, introduit par l'Assemblée nationale, a pour objet de préciser que seul le conjoint du chef d'une entreprise artisanale, commerciale ou libérale ayant le statut de conjoint collaborateur doit être mentionné dans un registre de publicité légale à caractère professionnel.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 121-4 du code de commerce permet au conjoint d'un chef d'une entreprise artisanale, commerciale ou libérale qui y exerce de manière régulière une activité professionnelle, de bénéficier d'un statut de collaborateur, de salarié ou d'associé.

Il impose au chef d'entreprise de mentionner le statut choisi par le conjoint auprès des organismes habilités à enregistrer l'immatriculation de l'entreprise.

Or, cette dernière obligation a parfois pu être comprise par les greffes de tribunaux de commerce chargés de la tenue du registre du commerce et des sociétés ou par les chambres de métiers, comme imposant la mention du conjoint du chef d'entreprise dans ces registres, même lorsqu'il a le statut de conjoint salarié ou de conjoint associé.

Cette contrainte est pourtant juridiquement inutile, car l'immatriculation dans un registre de publicité légale à caractère professionnel ne se justifie que si le conjoint exerce à titre indépendant une profession commerciale, artisanale ou libérale. Elle est en particulier dépourvue de tout sens à l'égard d'un conjoint salarié.

II. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

A l'initiative de M. Jean-Paul Charié et de sa commission des affaires économiques, ainsi que de Mme Catherine Vautrin et MM. Serge Poignant et Lionel Tardy, l'Assemblée nationale a souhaité, avec l'avis favorable du Gouvernement, clarifier le dispositif afin de prévoir :

- que le chef d'entreprise doit déclarer le statut choisi par son conjoint auprès des organismes habilités à enregistrer l'immatriculation de l'entreprise . Il s'agit notamment des centres de formalités des entreprises. Cette déclaration, qui ne se confond pas avec la mention au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, s'impose quel que soit le soit le statut choisi par le conjoint ;

- que seul le conjoint collaborateur doit faire l'objet d'une mention dans les registres de publicité légale à caractère professionnel .

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale estime que les dispositions du présent article sont une mesure de clarification et de bon sens. Il est en effet inutile d'imposer aux entreprises familiales des formalités administratives qui n'emportent pour elles aucune incidence juridique.

Afin d'assurer l'intelligibilité du projet de loi, elle vous soumet néanmoins un amendement de rédaction globale du présent article dans la mesure où il a été proposé, à l'article 5 bis du projet de loi, qui traite également du statut du conjoint ou du partenaire lié par un PACS au chef d'entreprise, de reprendre ses dispositions sans modification .

Conformément à la modification de l'intitulé du chapitre III du titre I er retenue par votre commission spéciale, qui regrouperait désormais les articles consacrés à la modification du statut du bail commercial, il vous est proposé, par un amendement de rédaction globale , de substituer aux dispositions de l'article 11 bis celles du paragraphe VI de l'article 4, dans une rédaction améliorée, qui concernent l'assujettissement au statut du bail commercial dans le cas où le bail est consenti à plusieurs co-preneurs ou co-indivisaires, ainsi que le régime applicable en cas de décès du titulaire du bail.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 11 ter (nouveau) - (article L. 145-2 du code de commerce) Assujettissement conventionnel des parties à un bail professionnel au régime des baux commerciaux

Commentaire : le présent article autorise les parties à un bail professionnel (régime juridique applicable aux locaux loués, notamment, pour l'exercice d'une profession libérale) à se soumettre conventionnellement au statut du bail commercial.

I. Le droit en vigueur

Le bail professionnel, qui constitue le régime juridique utilisé notamment par les professions libérales pour la location de leurs locaux professionnels, est régi par l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi du 6 juillet 1989. Ses principales caractéristiques diffèrent de celles des baux d'habitation classiques et des baux commerciaux. En effet, la durée du bail est de six ans, le locataire a la faculté de donner congé à tout instant sous réserve d'un préavis de six mois et les parties ont la possibilité de ne pas le renouveler à son issue. En l'absence de congé, le bail est tacitement reconduit .

Ce régime juridique est critiqué tant par les bailleurs, qui contestent la possibilité pour le locataire de donner congé à tout instant, que par les locataires qui déplorent l'absence d'encadrement d'évolution du loyer au moment du renouvellement, l'inexistence d'un droit au renouvellement du bail en faveur du preneur et l'impossibilité de céder le droit au bail.

En particulier, il est clair qu'une telle incertitude pour le locataire est de nature à faire peser de graves risques sur la pérennité de ses activités, faute pour lui de disposer d'une visibilité sur sa possibilité de conserver le local dans lequel il les exerce. Or, pour un certain nombre de professions placées sous le statut du bail professionnel, le choix de la localisation peut s'avérer déterminant, qu'il s'agisse par exemple des médecins généralistes ou spécialistes pour des motifs tenant à la fidélisation de leurs patients. De même, l'installation d'un professionnel dans un local peut souvent être synonyme d'engagement de dépenses importantes (achat de matériel pour un dentiste ou un radiologue) qui peuvent très bien ne pas être amorties à l'issue de la durée des six ans.

Pour remédier à ces difficultés, le rapport de M. Philippe Pelletier préconisait de modifier la loi pour permettre aux parties de se placer, de manière conventionnelle, sous le régime des baux commerciaux . Une telle faculté n'est actuellement pas explicitement interdite mais elle n'emporte pas, pour les parties, toutes les conséquences juridiques qui devraient résulter de l'application du statut du bail commercial. Dans la mesure où l'article L. 145-2 du code de commerce, qui définit le champ d'application des baux commerciaux, ne prévoit pas le cas du bail professionnel, les juridictions ont considéré que la soumission conventionnelle d'un bail professionnel au statut des baux commerciaux ne donnait pas pour autant droit au renouvellement et à une indemnité d'éviction en cas de refus du bailleur de renouveler le bail, faute pour le preneur de ne pas exploiter de fonds commercial et de ne pas être inscrit au registre du commerce.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Pour remédier à ces inconvénients, les députés ont adopté, suivant cette préconisation du rapport Pelletier et sur proposition de la commission des affaires économiques, un article 11 ter modifiant l'article L. 145-2 du code de commerce. Il prévoit explicitement que, par dérogation à l'article 57 A de la loi de 1986, le régime des baux commerciaux s'applique aux baux de location d'un local affecté à un usage exclusivement professionnel si les parties le décident conventionnellement. De cette façon, un assujettissement conventionnel entraînera de facto , grâce à cette base légale, l'application de l'ensemble des dispositions du statut du bail commercial.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale se félicite de cette initiative qui devrait permettre de régler un certain nombre de difficultés rencontrées par des professions libérales qui, désormais, pourront, dans le cadre d'une négociation avec le bailleur, adopter un régime juridique plus protecteur. A ce titre, elle relève d'ailleurs que l'article 11 ter diffère de la recommandation émise dans le rapport Pelletier puisque ce dernier proposait, en fonction de la volonté des parties, d'autoriser un assujettissement partiel au statut. Votre rapporteur a écarté cette possibilité au regard des risques qu'elle aurait fait peser sur l'équilibre de la relation contractuelle. Comme le soulignait, en sa qualité de membre du Conseil national des barreaux, Mme Michèle Assouline, avocat au barreau de Paris, dans la réponse qui a été adressée à votre rapporteur en réponse à sa consultation, l'assujettissement partiel risquerait d'exposer le bail professionnel au risque de cumuler tous les inconvénients des deux régimes en permettant au bailleur d'interdire au preneur de donner congé aux échéances triennales ou d'écarter le droit au renouvellement ou à l'indemnité d'éviction. Un tel dispositif permettrait, en quelque sorte, à la partie « la plus forte » de puiser dans le statut les éléments qui lui seraient le plus favorables.

Au-delà de ce débat de fond, votre commission spéciale vous présente, sur cet article, un amendement de rédaction globale de cet article tendant à procéder à une coordination avec ses dispositions dans l'article 57 A de la loi du 23 décembre 1986. En outre, elle propose de remplacer, aux articles L. 145-2 et L. 145-26, les références aux « départements et communes » par des références aux « collectivités territoriales ». Une telle modification aurait ainsi pour conséquence d'élargir le champ des baux commerciaux aux locaux et immeubles appartenant aux régions dans le cas où ces locaux satisfont aux conditions de l'article L. 145-1 (exploitation d'un fonds de commerce et baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiés des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal) ou à celles du 1° (établissements d'enseignement) et 2° (services exploités en régie).

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 11 ter - (Article L. 145-5 du code de commerce) Clarification de la situation des baux commerciaux de courte durée

Commentaire : cet article additionnel proposé par votre commission spéciale a pour objet de clarifier les conditions dans lesquelles les parties peuvent conclure des baux de courte durée.

I. Le droit en vigueur

En application de l'article L. 145-5 du code de commerce, les parties à un bail commercial sont autorisées, avant de se lancer dans une relation contractuelle en bonne et due forme régie par l'ensemble des dispositions du régime du bail commercial, à conclure un bail dit de courte durée, à condition que celle-ci ne soit pas supérieure à deux années. En cas de conclusion d'un tel bail, les autres dispositions du statut ne sont pas applicables pendant cette période. En effet, si, à l'issue de ce délai, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre. Il en est d'ailleurs de même en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion d'un nouveau bail entre les mêmes parties pour le même local.

Dans la pratique, le bailleur et le locataire peuvent faire usage de cette faculté pour des raisons tenant à l'incertitude de visibilité sur l'avenir économique de l'activité commerciale exercée dans le local, ou pour toute autre motif dont l'énumération serait impossible compte tenu de la diversité des situations. Toutefois, comme le fait valoir le rapport Pelletier, la rédaction de l'article est d'une grande rigidité car elle empêche les parties de renouveler ou de conclure un autre bail sans « tomber » dans le statut, y compris dans le cas où la durée totale des baux successifs ne dépasserait pas le délai des deux ans. Or, dans certains cas, les parties peuvent trouver un intérêt mutuel à un tel renouvellement ou à cette prolongation, là encore pour de multiples raisons dont la description serait vaine. Au surplus, il a été précisé à votre rapporteur que cette situation était à l'origine de nombreux contentieux qui, par conséquent, pourraient être évités à la faveur d'une clarification de la loi sur ce point.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale se déclare convaincue par cette argumentation et vous soumet en conséquence un amendement portant article additionnel après l'article 11 ter . Modifiant l'article L. 145-5 du code de commerce, il autorise ainsi les parties, conformément aux explications présentées ci-dessus, à conclure plusieurs baux de courte durée dès lors que leur durée totale n'excède pas le seuil des deux ans.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel après l'article 11 ter - (articles L. 145-8, L. 145-9, L. 145-10 et L. 145-12 du code de commerce) Suppression de la référence aux usages locaux et au terme d'usage et application du régime ordinaire de la prescription

Commentaire : cet article additionnel vise à supprimer, dans les dispositions du code de commerce consacrées aux baux commerciaux, la référence aux usages locaux et au terme d'usage pour les remplacer par une référence à la notion de trimestre civil. Il a également pour objectif de supprimer la forclusion qui frappe le preneur dans deux cas particuliers.

L' amendement portant article additionnel que votre commission spéciale vous propose d'adopter vise à écarter les difficultés liées à l'application des usages locaux, appliquer le régime de prescription de droit commun à l'ensemble des actions liées au régime des baux commerciaux et préciser les conditions d'application de la tacite reconduction.

Écarter les difficultés liées à l'application des usages locaux

La section 3 du chapitre V du titre IV du livre I er du code de commerce, qui traite du droit au renouvellement du bail commercial, fait référence, pour l'application de plusieurs éléments du statut, aux notions d'usages locaux et de terme d'usage.

Ainsi, l'article L. 145-8, qui encadre les conditions de renouvellement du bail en cas de transformation du fonds de commerce, prévoit que le fonds transformé doit, sauf motifs légitimes, avoir fait l'objet d'une exploitation effective au cours des trois années précédant la date d'expiration du bail ou de sa reconduction, cette dernière date étant soit la date pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le terme d'usage qui suit cette demande.

L'article L. 145-9 indique quant à lui que les baux commerciaux ne cessent que par l'effet d'un congé donné suivant les usages locaux et au moins six mois à l'avance. Il dispose également que le bail dont la durée est subordonnée à un événement dont la réalisation autorise le bailleur à demander la résiliation ne cesse, au-delà de la durée de neuf ans, que par l'effet d'une notification faite six mois à l'avance et pour un terme d'usage .

Enfin, l'article L. 145-12 prévoit qu'en cas de renouvellement du bail, le nouveau bail prend effet à compter de l'expiration du bail précédent, ou, le cas échéant, de sa reconduction, cette dernière date étant soit celle pour laquelle le congé a été donné, soit, si une demande de renouvellement a été faite, le terme d'usage qui suit cette demande.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que les différents dispositifs décrits ci-dessus peuvent être appliqués de manière différente, et donc pour des échéances différentes, selon que le bail commercial aura été conclu à Marseille, Paris ou à Nancy. En effet, dans une décision rendue le 16 novembre 1994, dont elle a élargi la portée le 29 juin 2005, la Cour de cassation a considéré que, pour l'application de ces articles concernés, « le terme d'usage est celui résultant des usages locaux ». Or, ces usages locaux peuvent différer d'une zone géographique à une autre. Ainsi, dans le cas examiné par la juridiction suprême en 1994, le litige opposait un bailleur et un preneur localisés à Marseille pour un bail dont le congé avait été délivré six mois à l'avance, mais sans respecter les usages locaux. Or, ceux-ci recommandent, dans cette ville, que le congé soit donné avant Pâques et pour la Saint-Michel (29 septembre).

Comme le souligne Marie-Odile Vaissié, avocate, il est pour le moins déconcertant, à l'heure de l'Europe, qu'une demande de renouvellement notifiée le 31 octobre conduise à renouveler un bail le 1 er janvier à Paris, le 24 juin à Nantes, le 31 octobre à Reims et le 29 septembre suivant à Aix-en-Provence. Votre rapporteur partage cet étonnement et considère que les conséquences de cette jurisprudence portent en elles de graves incertitudes pour la stabilité et la prévisibilité de la vie des affaires, auxquelles il conviendrait de remédier. Il a également pu constater que cette évolution du droit en vigueur était plébiscitée par tous les acteurs sollicités dans le cadre de la consultation précitée. La réponse envoyée, au nom du Conseil national des barreaux, par Mme Michèle Assouline juge à cet égard ces dispositions désuètes et d'application très complexe.

Dès lors, conformément aux recommandations du rapport Pelletier, votre commission spéciale vous propose, dans les trois articles du code de commerce mentionnés ci-dessus, de supprimer la référence aux usages locaux et de viser, à la place du « terme d'usage », selon les cas, le premier jour ou le dernier jour du trimestre civil. De la sorte, les termes des baux commerciaux et les procédures liées à son renouvellement ou à son congé seront harmonisés sur le territoire, ce qui est, dans le droit fil des objectifs du projet de loi, de nature à moderniser l'économie.

Appliquer le régime de prescription

Le délai de deux ans imposé aux preneurs par les articles L. 145-9 et L. 145-10 du code de commerce pour contester un refus de renouvellement d'un bail ou demander le paiement d'une indemnité d'éviction est imposé à peine de forclusion. Une forclusion constitue une véritable déchéance du droit puisque celui qui a laissé expirer le délai ne peut plus agir directement aux fins d'exécution ni même opposer, par voie d'exception, le droit atteint de forclusion. En outre, et à la différence de la prescription, la forclusion joue de manière inexorable : le délai ne peut pas être interrompu, ni suspendu lorsque le titulaire se trouve dans l'incapacité d'agir. Surtout, le juge est tenu de soulever d'office ce moyen et ne peut en écarter l'application, alors que la prescription doit être invoquée par son bénéficiaire.

Ainsi, lorsque le locataire n'agit pas dans le délai de forclusion de deux ans, il perd tous ses droits dans la mesure où le bail a pris fin et où il ne peut plus contester le congé, ni réclamer une indemnité d'éviction. A l'expiration de ce délai, qui court à compter de la date d'effet du congé ou de la notification du refus du bailleur en réponse à une demande du locataire, le locataire devient occupant sans droit ni titre et doit quitter les lieux. Eu égard à la sévérité des effets de la forclusion, son champ d'application a été restreint par la jurisprudence de la Cour de cassation. Pour le même motif et dans le prolongement de la démarche de clarification des règles de la prescription civile entreprise par votre rapporteur lors de l'examen de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile, votre commission spéciale vous propose donc de supprimer, dans ces deux articles, la référence à la forclusion . Dès lors, les actes visés par ces deux articles tomberaient sous l'empire de l'article L. 145-60 du code de commerce qui prévoit que toutes les actions exercées en vertu des dispositions du régime du bail commercial se prescrivent par deux ans, selon les règles de droit commun de la prescription.

Préciser les conditions de la tacite reconduction

Enfin, il est proposé de modifier le deuxième alinéa de l'article L. 145-9 pour qu'il puisse disposer que la tacite reconduction du bail commercial intervient à défaut de congé, ce qui constitue le droit en vigueur, mais aussi, ce que prévoit l'amendement, de demande de renouvellement du bail. Cette évolution du droit positif aurait pour conséquence de consacrer la jurisprudence de la Cour de cassation qui a conféré à la demande de renouvellement les mêmes effets que ceux produits par un congé.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article 11 quater (nouveau) - (article L. 145-29 du code de commerce) Délai de restitution des lieux en cas d'éviction du preneur d'un bail commercial

Commentaire : l'article 11 quater porte à deux mois le délai dans lequel un locataire évincé d'un local commercial doit restituer les lieux.

I. Le droit en vigueur

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 145-29 prévoit que le preneur évincé de son local commercial doit remettre les locaux au bailleur pour le premier jour du terme d'usage suivant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter du versement de l'indemnité d'éviction au locataire ou de son versement à un séquestre.

Comme votre rapporteur l'a exposé dans le commentaire de l'article précédent, la référence au terme d'usage constituait une grande source d'insécurité, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux usages locaux.

Dans une note fournie à votre rapporteur, Mme Marie-Odile Vaissié expliquait qu'avant l'élaboration de cette jurisprudence, les praticiens considéraient que le terme d'usage était le trimestre civil et que les délais pouvaient par conséquent varier dans des proportions « raisonnables », bien que parfois jugées excessives par les parties. Ainsi, si une indemnité d'éviction était payée le 14 mars par exemple, les locaux devaient être restitués le 1 er jour du terme suivant le délai de quinzaine, c'est-à-dire le 1 er avril. Mais si cette même indemnité était payée le 16 mars, les locaux devaient être restitués le 1 er juillet. En effet, le délai de quinzaine étant postérieur au 1 er avril, il était nécessaire d'attendre le terme d'usage suivant, soit une amplitude de quinze jours à trois mois et demi. L'application de la jurisprudence a aggravé cette incertitude puisque, dans l'exemple de la région marseillaise, si Pâques a lieu le 1 er avril, l'indemnité payée le 14 mars 2008 conduit à devoir libérer les locaux le 29 septembre 2008 (date de la Saint Michel), soit six mois et demi plus tard. Mais si cette même indemnité est payée le 16 mars, moins de 15 jours restant à s'écouler jusqu'au 1 er avril, l'éviction pourrait être repoussée au premier jour du terme d'usage local suivant, c'est-à-dire le 29 septembre 2009. Suivant les régions et la date de versement de l'indemnité d'éviction, l'amplitude de libération peut donc, en l'état du droit actuel, osciller entre seize jours et dix-huit mois .

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Pour remédier à cette incertitude, les députés ont supprimé la référence au délai de quinzaine suivant le terme d'usage et l'ont remplacé par un délai de deux mois. En outre, ils ont précisé que celui-ci courrait à compter du versement de l'indemnité d'éviction ou de la notification au preneur de son versement à un séquestre. Il s'agit d'une précision importante puisque la Cour de cassation considérait que le délai de quinzaine courrait également dans le cas où le locataire n'avait pas été informé du versement de l'indemnité à un séquestre.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous propose, par un amendement , de porter le délai de deux à trois mois, conformément aux préconisations du rapport Pelletier.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 11 quinquies (nouveau) - (Articles L. 145-34 et L. 145-38 du code de commerce et article L. 112-2 du code monétaire et financier) Création de l'indice des loyers commerciaux

Commentaire : l'article 11 quinquies permet une indexation des loyers des baux commerciaux, pour certaines activités définies par décret, sur un nouvel indice des loyers commerciaux.

I. Le droit en vigueur

Comme votre rapporteur l'a déjà précisé dans son commentaire de l'article 11, la progression des loyers des baux commerciaux est limitée à l'évolution de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE en cas de révision triennale du loyer ou de renouvellement du bail.

Actuellement, les loyers des baux commerciaux doivent correspondre à la valeur locative, elle-même déterminée d'après les caractéristiques du local, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage. A moins d'une modification notable de ces éléments, le taux de variation du loyer d'un bail commercial renouvelé, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de l'ICC. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de l'indice, est prise en compte la variation de l'ICC calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.

En outre, conformément à l'article L. 145-38 du code de commerce, des demandes de révision du loyer (à la baisse ou à la hausse) peuvent être formulées par les parties tous les trois ans. Par dérogation aux dispositions précédentes, à moins que ne soit apportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, une telle révision du loyer ne peut excéder la variation de l'ICC.

Cette référence à l'ICC a ainsi pu, dans certains cas, favoriser une forte progression des loyers commerciaux, compte tenu de sa vive augmentation au cours des dernières années. Ce dérapage a particulièrement touché les entreprises du commerce confrontées à une hausse de l'ICC de plus de 32 % entre 2000 et 2006 quand leur chiffre d'affaires moyen n'évoluait que de 18 %.

Conscients de ces difficultés, les professionnels concernés, bailleurs et locataires, ont lancé une négociation au début de l'année 2007 afin de définir une référence d'évolution des loyers dans des conditions moins erratiques que celles qui résultent de l'ICC. A l'issue de ces négociations, les parties sont parvenues à un accord tendant à la création d'un indice des loyers commerciaux (ILC) qui intègre trois composantes :

- l'indice des prix à la consommation (IPC) pour 50 % ;

- l'indice du coût de la construction pour 25 % ;

- et l'indice du chiffre d'affaires du commerce de détail en valeur (ICAV) pour 25 %.

L'application de l'ILC devrait ainsi apporter une réponse aux difficultés rencontrées par les entreprises du commerce. A titre d'exemple, son application au deuxième trimestre 2007 aurait conduit à une limitation des loyers à 2,7 %, contre 5,05 % pour l'ICC.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

La création de l'ILC résultant d'un processus de négociation entre les différents acteurs économiques concernés, il était néanmoins nécessaire de le traduire juridiquement dans la loi pour substituer, dans le code monétaire et financier, cette référence à celle de l'indice du coût de la construction. C'est l'objet de l'article 11 quinquies , adopté à l'initiative de M. Frédéric Lefebvre.

l Le paragraphe I modifie les articles L. 145-34 et L. 145-38 du code de commerce.

Les 1° et 2° sont relatifs au loyer des baux renouvelés. Ils précisent que, s'il est applicable, l'ILC constitue la norme de progression du loyer du bail renouvelé, moyennant les réserves prévues par le code concernant la modification notable des éléments déterminant la valeur locative.

Le 3° procède à la même modification dans les dispositions relatives à la révision du loyer applicable à l'occasion des périodes triennales des baux en cours.

l Le paragraphe II introduit la définition de l'ILC dans l'article L. 112-2 du code monétaire et financier. Il indique que, pour des activités commerciales définies par décret, le loyer d'un bail portant sur un immeuble bâti peut être indexé sur la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux, lequel serait, à l'instar de l'ICC, publié par l'INSEE.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission juge bienvenue cette modification qui va permettre d'indexer les loyers des locaux utilisés par certaines activités commerciales sur une référence plus proche de l'évolution des grands paramètres économiques. Comme le soulignait l'auteur de l'amendement en séance, il s'agit d'un enjeu fondamental pour les commerçants puisque le loyer peut représenter au moins 8,5 % de leurs charges mensuelles.

Sans modifier les éléments de fond de ce dispositif, votre commission spéciale vous soumet un amendement de réécriture globale de l'article.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

CHAPITRE III BIS - Simplifier le fonctionnement des petites et moyennes entreprises

Par coordination avec la modification du chapitre III, il est vous est proposé d' un amendement insérant, avant l'article 12, un chapitre III bis , reprenant l'intitulé du chapitre III du projet de loi initial, afin de regrouper les dispositions relatives à la simplification du fonctionnement des petites et moyennes entreprises, contenues dans les articles 12 à 14 ter .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cette division additionnelle et son intitulé.

Article 12 - (articles L. 2333-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales) Neutralisation de l'impact financier du franchissement des seuils de dix et vingt salariés

Commentaire : cet article tend à geler puis étaler les conséquences du franchissement par les entreprises des seuils de dix et vingt salariés en matière de financement de la formation professionnelle, cotisations sociales sur le salaire des apprentis, de réduction générale des cotisations patronales de sécurité sociale de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, d'exonérations de charges au titre des heures supplémentaires, de contribution au fonds national d'aide au logement (FNAL) et de contribution au financement des transports en commun.

I. Le droit en vigueur

A. Le financement de la formation professionnelle

Rappelons que le système actuel de contribution des entreprises au financement de la formation professionnelle a été mis en place dans les années 1970 pour obliger les entreprises à investir dans la formation de leurs salariés. Toutes les entreprises sont normalement assujetties à l'obligation de participer au financement de la formation professionnelle. Elles sont tenues de verser tout ou partie de leur participation à des OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés), créés par les partenaires sociaux et agréés par l'Etat, auxquels elles adhèrent.

A partir d'un effectif de dix salariés, les entreprises doivent consacrer à la formation professionnelle une contribution dénommée obligation légale, qui représente 1,6 % de leur masse salariale, selon la décomposition suivante :

- 0,2 % doit être versé à des OPCA chargés du financement des congés individuels de formations (CIF) ;

- 0,5 % doit être alloué à des OPCA au titre de la professionnalisation périodes de professionnalisation, contrat de professionnalisation ;

- 0,9 % doit être consacré au « plan de formation ». Si le volume des dépenses engagées directement par elles est inférieur à ce montant, les entreprises doivent, à leur choix, verser la différence à un OPCA -ce qu'elles font presque toujours- ou au Trésor.

L'obligation légale des entreprises de moins de dix salariés, fixée à 0,55 % de leur masse salariale, est nettement plus faible, mais ces entreprises doivent verser l'intégralité de leur contribution à un OPCA, y compris celle de la contribution due au titre du plan de formation.

Pour atténuer les effets de seuil, un taux intermédiaire d'obligation, fixé à 1,05 % pour les entreprises de dix à dix-neuf salariés, a été instauré en 2005. Par ailleurs, l'article L. 6331-15 du code du travail institue un dispositif de gel en faveur des entreprises franchissant le seuil de dix salariés : les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent au titre d'une année, pour la première fois, l'effectif de dix salariés restent soumis, pour cette année et les deux années suivantes, à l'obligation de 0,55 %.

Le tableau suivant récapitule la situation actuelle :

Décomposition de l'obligation légale des entreprises selon leur effectif

Obligation légale des entreprises selon leurs effectifs

Moins de 10 salariés

(taux rehaussés au 1/1/2005)

De 10 à 19 salariés
(catégorie créée à compter de 2005)

A partir de 20 salariés

(taux rehaussés au 1/1/2005)

Congé individuel de formation (CIF)

-

-

0,2 %

Contrats et périodes de professionnalisation

0,15 %

0,15 %

0,5 %

Plan de formation

0,4 %

0,9 %

0,9 %

OBLIGATION LEGALE

0,55 %

1,05 %

1,6 %

B. Les cotisations sociales sur le salaire des apprentis

L'article L. 6243-2 du code du travail prévoit que, pour les employeurs de moins de onze salariés au 31 décembre précédant la date de conclusion du contrat, non compris les apprentis, l'Etat prend en charge la totalité des cotisations sociales patronales et salariales d'origine légale et conventionnelle, à l'exclusion de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles.

C. Les réductions générales des cotisations patronales de sécurité sociale de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale

Insérée à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale par la loi du 17 janvier 2003, la réduction dite « Fillon » est une réduction des cotisations patronales de sécurité sociale variable selon l'effectif de l'entreprise, assise sur les salaires dans la limite d'1,6 Smic, ce qui représente une rémunération ne dépassant pas 13,80 euros brut de l'heure depuis le 1 er mai 2008.

Cette réduction est calculée chaque mois civil pour chaque salarié. Elle correspond au produit de la rémunération mensuelle brute (incluant, le cas échéant, la rémunération pour heures supplémentaires ou complémentaires) versée au cours du mois civil, multiplié par un coefficient déterminé par application d'une formule de calcul distincte selon que l'entreprise comprend un effectif de un à dix-neuf salariés ou plus de dix-neuf salariés.

D. Les exonérations de cotisations sociales au titre des heures supplémentaires

L'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale, issu de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dispose que toute heure supplémentaire ou toute autre durée de travail, à l'exception des heures complémentaires, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d'un montant fixé par décret.

Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.

E. La contribution au fonds national d'aide au logement (FNAL)

L'article L. 834-1 du code de la sécurité sociale assujettit les employeurs à une cotisation en faveur du FNAL assise sur les salaires ainsi qu'à une seconde contribution calculée par application d'un taux de 0,40 % sur la totalité des salaires. Les employeurs de moins de vingt salariés et les employeurs relevant du régime agricole ne sont pas soumis à cette seconde contribution.

Il n'existe pas, actuellement, de dispositif d'atténuation du passage de ce seuil de vingt salariés.

F. La contribution au financement des transports en commun

Peuvent être assujetties à un versement destiné au financement des transports en commun lorsqu'elles emploient plus de neuf salariés, en dehors de la région Ile-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique à but non lucratif dont l'activité est de caractère social (article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales).

L'article L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales dispose que les mêmes personnes sont, dans la région Ile-de-France, assujetties à ce versement.

Les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l'effectif de dix salariés sont dispensés pendant trois ans du paiement du versement. Le montant du versement est réduit de 75 %, 50 % et 25 % respectivement chacune des trois années suivant la dernière année de dispense. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque l'accroissement de l'effectif résulte de la reprise ou de l'absorption d'une entreprise ayant employé dix salariés ou plus au cours de l'une des trois années précédentes.

II. Le dispositif initialement proposé

Il faut noter à titre liminaire que, à l'exception de celles qui concernent la contribution au financement des transports en commun, les dispositions de l'article 12 du projet de loi ne s'appliquent pas à des articles existants de codes ou de lois mais modifient temporairement, « de l'extérieur » et sans les modifier, les conditions d'application de dispositions existantes.

A. Le financement de la formation professionnelle

Le I institue pour les années 2008 à 2010 un système de gel pendant trois ans et de lissage pendant les trois années suivantes des prélèvements applicables aux employeurs dépassant l'effectif de dix-neuf salariés.

Les taux applicables aux employeurs de dix à dix-neuf salariés restent ainsi applicables au cours de l'année du dépassement et des deux années suivantes.

Les quatrième, cinquième et sixième années, les contributions des employeurs concernés sont soumis aux versements dont ils étaient redevables en dessous du seuil de vingt salariés au titre du CIF et de la professionnalisation, minorés d'un pourcentage dégressif fixé par décret en Conseil d'Etat.

Le II prévoit, conformément à la règle déjà en vigueur, que les dispositions du I ne sont pas applicables lorsque l'accroissement de l'effectif résulte de la reprise ou de l'absorption d'une entreprise ayant employé dix salariés ou plus au cours de l'une des trois années précédentes.

Le III dispose que les employeurs dont les effectifs atteignent successivement dix puis vingt salariés au cours de la période 2008, 2009 et 2010 bénéficient d'une seule période de lissage débutant au moment du franchissement du seuil de vingt.

B. Les cotisations sociales sur le salaire des apprentis

Le IV de l'article 12 du projet de loi prévoit que la prise en charge par l'Etat de la totalité des cotisations sociales patronales et salariales sur le salaire des apprentis continue de s'appliquer si l'effectif de onze salariés est dépassé pendant l'année 2008, 2009 ou 2010, au titre de l'année du dépassement et à celui des deux années suivantes.

C. Les réductions générales des cotisations patronales de sécurité sociale de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale

Le V de l'article 12 du projet de loi prévoit un gel sur trois ans de la réduction dite « Fillon » après le franchissement du seuil de dix-neuf salariés pendant l'année 2008, 2009 ou 2010.

D. Les déductions de cotisations sociales au titre des heures supplémentaires

Le VI de l'article 12 prolonge la majoration de déduction forfaitaire de cotisations bénéficiant aux entreprises employant au plus vingt salariés pendant trois ans si l'accroissement de l'effectif, a lieu en 2008, 2009 ou 2010.

E. La contribution au fonds national d'aide au logement (FNAL)

Le VII de l'article 12 prévoit que les employeurs atteignant pour la première fois au titre de 2008, 2009 ou 2010 l'effectif de vingt salariés ne sont pas soumis à la contribution de 0,4 % appliquée à la masse salariale. Ce gel est prévu pour une durée de trois ans.

Ensuite, l'application de la contribution est lissée dans le temps : pour les quatrième, cinquième et sixième années, le taux est diminué respectivement d'un montant équivalent à 0,30 %, 0,2 % et 0,1 %.

F. La contribution au financement des transports en commun

Le VIII de l'article 12 remplace, dans les deux articles du code général des collectivités territoriales instituant la contribution au financement des transports en commun, l'expression « plus de neuf salariés » par l'expression « dix salariés et plus », dans le but affirmé de substituer au calcul actuel de l'effectif selon une moyenne annuelle un mode de calcul aligné sur les autres dispositifs examinés ci-dessus.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a supprimé le II de cet article, qui écarte, en matière de contribution au financement de la formation professionnelle, l'application des mesures de neutralisation du franchissement du seuil de vingt salariés lorsque l'accroissement de l'effectif résulte de la reprise ou de l'absorption d'une entreprise ayant employé dix salariés ou plus au cours de l'une des trois années précédentes.

IV. La position de votre commission spéciale

L'Assemblée nationale a fait le choix d'affirmer le rôle positif de la croissance externe de l'entreprise face à une autre conception, privilégiant la croissance interne et ses effets sur l'emploi.

Votre commission spéciale approuve cette option conforme à l'objectif de favoriser la croissance -en tant que telle- des PME en supprimant les entraves réglementaires au passage des seuils. Elle observe qu'au demeurant la réserve relative au franchissement de seuil à la suite d'une croissance externe n'existe pas dans le cas dans le cas de l'exonération des cotisations sociales sur les salaires des apprentis dans les entreprises de moins de onze salariés, ni dans celui de la contribution au fonds national d'aide au logement.

Elle estime, dès lors, justifié d'étendre l'option retenue par l'Assemblée nationale à la contribution au financement des transports en commun. A cette fin, elle a adopté un amendement tendant à supprimer le cinquième alinéa de l'article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales et le troisième alinéa de l'article L. 2531-2 du même code.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 12 - Définition d'une typologie d'entreprises pour les besoins de l'analyse statistique et économique

Commentaire : cet article additionnel, proposé par votre commission spéciale, prévoit une typologie d'entreprises pour les besoins de l'analyse statistique et économique.

Une recommandation établissant une première définition commune des PME a été adoptée par la Commission européenne en 1996. Cette définition a été largement reprise par les Etats membres de l'Union européenne. Le 6 mai 2003, la Commission a adopté une nouvelle recommandation afin de tenir compte de l'évolution des structures de production intervenue depuis 1996. Cette définition est entrée en vigueur le 1 er janvier 2005. Elle distingue :

- les moyennes entreprises, qui emploient moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros ;

- les petites entreprises, qui emploient moins de 50 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel n'excède pas 10 millions d'euros ;

- les micro-entreprises, qui emploient moins de 10 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel n'excède pas 2 millions d'euros.

Elle est applicable pour la mise en oeuvre des programmes et des politiques de l'Union en faveur des PME. Elle est en revanche seulement indicative pour les Etats membres.

De fait, le droit positif français met en oeuvre un nombre varié de seuils qu'il apparaît difficile de réduire sans étude préalable des conséquences pratiques à une typologie uniforme énoncée dans la loi. A titre d'exemple, le 6 ème appel à projets de R&D des pôles de compétitivité considère qu'une moyenne entreprise peut être définie comme une société n'employant pas plus de 2.000 personnes et dont le capital n'est pas détenu à plus de 50 % par une ou plusieurs sociétés ne respectant pas ce critère. Cette définition possède sa propre pertinence.

Aussi est-il difficile d'envisager de transposer telle quelle la définition communautaire dans le droit français.

Néanmoins, la distinction de différentes catégories d'entreprises possède en matière de politique économique une vertu pédagogique et un rôle de repère dont il serait opportun d'inscrire la trace dans la loi.

Cette typologie paraît surtout devoir tenir compte de la situation tout à fait spécifique des « entreprises de taille moyenne » (ETM), entre les PME et les grandes entreprises, auxquelles on ne peut raisonnablement les assimiler : une PME qui atteint l'effectif de 250 salariés, pour se référer à la typologie communautaire, n'est pas Total ou BNP Paribas.

Aujourd'hui se pose le problème de la croissance des PME et du manque d'entreprises de taille moyenne. Il est important que la France rattrape son retard et surmonte son déficit de ce genre d'entreprises. L'exemple le plus dynamique est sans doute le mittelstand allemand, mais on peut citer aussi les ETM familiales de l'Italie du Nord ou le dynamisme du capitalisme familial espagnol.

Les spécificités des entreprises de taille moyenne -ETM- sont aujourd'hui mal prises en compte dans les statistiques publiques. Ces spécificités sont pourtant bien réelles.

Il s'agit la plupart du temps d'entreprises patrimoniales ou familiales. Contrairement aux grands groupes à l'actionnariat dispersé et souvent non européen, ces entreprises solides et souvent performantes ont un actionnariat essentiellement européen.

Une étude de la Société de Bourse Oddo a montré que, en France, les entreprises cotées de cette catégorie, les midcaps, surperforment de 76 % sur 15 ans l'indice boursier (308 % au lieu de 175 % de 1993 à 2008). Grâce à leur taille, elles sont souvent internationales et globalement très exportatrices, contrairement aux PME. Parmi elles se constituent les grands groupes européens de demain.

Ces entreprises sont majoritairement implantées régionalement, souvent industrielles et irrigant le tissu européen, permettant d'amortir les à-coups conjoncturels.

Les ETM ne rentrent pas dans la catégorie PME. Elles sont également très éloignées des grands groupes, tant dans leur actionnariat que dans leur mode de fonctionnement.

Des études menées en France (INSEE - février 2008) suggèrent qu'elles représentent un tiers des exportations et 21 % de l'emploi salarié.

Les ETM sont des entreprises solides, présentes à l'exportation, qui ne cherchent pas de subventions. Les principaux freins à leur développement sont les suivants : la transmission, l'adaptation des réglementations (administratives, fiscales, boursières, sociales, etc.) des Etats membres à la taille des entreprises de cette catégorie, l'accès aux marchés publics ou de la sous-traitance entre les grands groupes puissants et les PME aidées.

Les Etats européens doivent se doter d'un outil d'analyse et de statistique permettant de mieux mesurer les difficultés propres aux ETM, afin de s'assurer que les politiques publiques créent des conditions favorables à leur développement.

Pour toutes ces raisons, votre commission a estimé souhaitable de profiter de l'occasion fournie par l'examen du projet de loi de modernisation de l'économie, largement orienté vers les PME, pour fixer une typologie quadripartite destinée à distinguer des grandes entreprises celles qui, déjà importantes, restent manifestement irréductibles à la notion de grand groupe.

L' amendement adopté à cet effet par votre commission spéciale ne fixe aucun seuil, réservant au pouvoir réglementaire le soin de fixer les modalités d'application de la typologie proposée. Cette fixation devrait s'effectuer dans le cadre de travaux du Conseil national de l'information statistique saisi à cette fin par le ministre en charge de l'économie. Il s'agirait d'étudier dans quelle mesure les publications statistiques pourraient être aménagées et enrichies pour mieux cerner les caractéristiques et besoins des entreprises en fonction de leur taille.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article 12 bis (nouveau) - (articles L. 123-29, L. 23-30 et L. 123-31 nouveaux du code de commerce, articles 1er, 2 et 11 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969, articles 613 nonies et 613 decies du code général des impôts) Condition d'exercice d'activités commerciales ou artisanales ambulantes

Commentaire : cet article, introduit par l'Assemblée nationale, a pour objet, d'une part, d'instituer une carte professionnelle unique pour l'ensemble des commerçants et artisans non sédentaires, d'autre part, de renforcer les moyens de contrôle de ces activités.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Les commerçants et artisans non sédentaires exercent leurs activités sur la voie publique, les halles et les marchés, sur les champs de foires ou de fêtes ou encore par voie de démarchage dans des lieux privés tels que les locaux des comités d'entreprise. Ils jouent ainsi un rôle essentiel dans l'animation des villes et des quartiers.

Au 1 er janvier 2006, le secteur regroupait 75.000 entreprises (24.000 entreprises de commerce alimentaire et 51.000 entreprises de commerce non alimentaire), contre 63.000 au 1 er janvier 2001. Ces entreprises, pour la plupart individuelles, employaient environ 18.000 salariés (13.000 dans le commerce alimentaire, 5.000 dans le commerce non alimentaire), soit moins d'un salarié en moyenne.

Pour exercer leur activité, les commerçants et artisans non sédentaires doivent tout d'abord satisfaire aux mêmes obligations que les commerçants sédentaires, c'est-à-dire être inscrits au registre du commerce ou au répertoire des métiers, d'une part, avoir obtenu de la commune un emplacement sur le marché ou l'autorisation de stationner sur la voie publique, d'autre part.

En vertu de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, ils sont en outre astreints à des obligations spécifiques, qui varient suivant qu'ils disposent ou non, dans un Etat membre de l'Union européenne, d'un domicile ou d'une résidence fixe depuis plus de six mois, ou d'un siège social. On distingue ainsi « les commerçants ambulants » et les « commerçants forains ».

Pour pouvoir exercer ou faire exercer par ses préposés une profession ou une activité ambulante hors du territoire de la commune où est situé son habitation ou son principal établissement, la personne qui dispose en France ou dans un Etat de l'Union européenne d'un domicile ou d'une résidence fixe depuis plus de six mois, ou d'un siège social, doit en faire la déclaration à sa préfecture ou à sa sous-préfecture. Cette déclaration est sanctionnée par la délivrance d'un titre appelé « carte de commerçant ambulant » , qui doit être validé tous les deux ans par la préfecture ou la sous-préfecture. L'absence de carte ou le défaut de validation de la carte est sanctionné d'une amende.

Seuls les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne peuvent être commerçants forains. A l'instar des personnes dépourvues de domicile ou de résidence fixe depuis plus de six mois et logeant dans un véhicule, une remorque ou tout autre abri mobile, le commerçant forain doit s'adresser à la préfecture ou à la sous-préfecture pour obtenir un titre de circulation et son rattachement à une commune. Ce titre de circulation, appelé « livret spécial de circulation » , tient lieu de « carte de commerçant ambulant » . Il est valable cinq ans et doit être visé tous les deux ans non pas en tant que titre de circulation mais en tant que carte de commerçant ambulant et, en conséquence, non pas par les commissaires de police ou les commandants de brigade de gendarmerie mais par les chambres de commerce et d'industrie ou les chambres des métiers.

Plusieurs catégories de professionnels sont dispensées de ces obligations, notamment les exploitants agricoles lorsqu'ils vendent sur les marchés les produits de leur exploitation, les marins-pêcheurs lorsqu'ils vendent à quai les poissons qu'ils ont pêchés ou encore les commerçants saisonniers.

La complexité de ces règles est dénoncée de longue date par les organisations professionnelles concernées. Selon le rapport établi en juillet 2001 par M. Guy Coste au nom de la commission du commerce intérieur de la chambre de commerce et d'industrie de Paris et de la chambre régionale de commerce et d'industrie d'Ile-de-France, elle les rend difficilement applicables « de par les distinctions ténues entre les situations » et entraîne « des risques de détournement » .

Le texte adopté par l'Assemblée nationale , sur proposition de sa commission des affaires économiques et avec l'avis favorable du Gouvernement, a un double objet :

- d'une part, créer une norme législative autonome relative aux obligations propres à l'activité ambulante, indépendamment de la situation des personnes au regard des titres de circulation ;

- d'autre part, renforcer la capacité des communes à contrôler les activités commerciales et artisanales ambulantes , à l'occasion des marchés, halles et foires.

La réforme proposée constitue pour l'essentiel la reprise des dispositions de l'article 8 du troisième projet de loi n° 462 (2005-2006) de simplification du droit, déposé par le gouvernement de M. Dominique de Villepin sur le bureau du Sénat au mois de juillet 2006 mais jamais inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée. Elle devrait être complétée, au niveau réglementaire, par une simplification des formalités de déclaration d'activité des commerçants non sédentaires.

Conformément à ces objectifs, le premier paragraphe ( I ) insère dans le chapitre III (« des obligations générales des commerçants ») du titre II (« des commerçants ») du titre I er (« de l'acte de commerce ») du code de commerce une section III, intitulée « des activités commerciales et artisanales ambulantes » et comprenant trois articles numérotés L. 123-29 à L. 123-31.

Le texte proposé pour l'article L. 123-29 du code de commerce impose une déclaration préalable , renouvelable périodiquement, et la détention d'une carte professionnelle permettant l'exercice d'une activité ambulante :

- à toute personne physique ou morale entendant exercer ou faire exercer par son conjoint collaborateur ou ses préposés une activité commerciale ou artisanale ambulante hors du territoire de la commune où est situé son habitation ou son principal établissement, ce qui vise les personnes physiques ayant un domicile ou une résidence fixe et les personnes morales ayant un siège social, quel qu'en soit le lieu ;

- ainsi qu'à toute personne n'ayant ni domicile, ni résidence fixes de plus de six mois dans un Etat membre de l'Union européenne entendant exercer ou faire exercer par son conjoint collaborateur ou ses préposés une activité commerciale ou artisanale ambulante, ce qui ouvre aux ressortissants des Etats qui ne sont pas membres de l'Union européenne la possibilité d'exercer d'une telle activité.

Une carte professionnelle unique serait exigible pour toute activité commerciale ou artisanale , que l'intéressé ait ou non un domicile ou une résidence fixe. La plupart des activités concernées revêtent en pratique un caractère commercial. La référence aux activités artisanales n'en est pas moins justifiée dans la mesure où bien des boulangers, par exemple, commercialisent exclusivement les produits qu'ils ont eux-mêmes fabriqués et, de ce fait, ont le statut d'artisan et non celui de commerçant. Quant aux activités agricoles, elles resteraient exclues du champ de cette réglementation.

Il appartiendrait au pouvoir réglementaire de fixer l' autorité compétente pour enregistrer la déclaration d'activité et délivrer la carte professionnelle. Actuellement, les personnes désirant exercer une activité ambulante doivent tout d'abord se rendre à la préfecture ou à la sous-préfecture pour obtenir une attestation provisoire. Puis, munies de cette attestation, elles doivent se rendre au centre des formalités des entreprises de la chambre de commerce et d'industrie ou de la chambre des métiers afin d'obtenir leur inscription au registre des sociétés ou au répertoire des métiers puis de s'acquitter de leurs obligations fiscales et sociales. Enfin, elles doivent retourner à la préfecture pour obtenir la carte de commerçant ambulant. Il en va de même pour les commerçants forains qui souhaitent obtenir un livret spécial de circulation. Selon les informations communiquées à votre commission spéciale, cette procédure devrait être simplifiée par voie réglementaire : à l'avenir, l'ensemble des démarches seraient effectuées auprès des centres des formalités des entreprises.

Enfin, il appartiendrait également au pouvoir réglementaire de fixer la périodicité requise pour le renouvellement de la carte professionnelle . Les discussions avec les organisations professionnelles concernées sont en cours mais, selon les informations recueillies par votre commission spéciale, s'orientent vers le maintien du délai biennal actuel.

Le texte proposé pour l'article L. 123-30 du code de commerce définit les catégories d'agents habilités à s'assurer que les commerçants et artisans ambulants respectent les obligations qui leur sont faites et, dans le cas contraire, à dresser des procès-verbaux de contravention . Il s'agirait :

- des officiers et agents de police judiciaire ;

- des agents de police judiciaire adjoints mentionnés au 2° de l'article 21 du code de procédure pénale, c'est-à-dire les agents de police municipale ;

- et des « fonctionnaires chargés du contrôle des marchés situés sur le territoire de la commune sur laquelle le commerçant ambulant exerce son activité commerciale ou artisanale, habilités à cette fin » .

Les communes seraient ainsi davantage en mesure de contrôler les activités commerciales ou artisanales ambulantes qui se déroulent sur leur territoire.

Le texte proposé pour l'article L. 123-31 du code de commerce renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les conditions d'application de ces dispositions, notamment les conditions d'habilitation des « fonctionnaires chargés du contrôle des marchés situés sur le territoire de la commune sur laquelle le commerçant ambulant exerce son activité commerciale ou artisanale » et les modalités d'exercice de leur compétence.

Il convient de relever à cet égard qu'en exigeant qu'il s'agisse de fonctionnaires, le législateur interdirait aux salariés des concessionnaires des halles et marchés chargés d'attribuer des emplacements aux commerçants et artisans, communément appelés les « placiers », d'effectuer ces contrôles. Cette interdiction paraît tout à fait justifiée compte tenu du caractère exorbitant des pouvoirs d'exiger la présentation d'une carte professionnelle et d'infliger une amende.

Le deuxième paragraphe ( II ) procède aux coordinations nécessaires dans la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe.

Celle-ci ne concernerait plus désormais que les règles relatives aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe.

Son article 1 er , qui détermine les conditions requises pour l'exercice d'une activité ambulante par les personnes ayant un domicile ou une résidence fixe depuis plus de six mois ou un siège social en France ou dans un Etat membre de l'Union européenne, serait abrogé : son maintien ne se justifie effectivement plus dès lors que ses dispositions seraient reprises, sous réserve de modifications, dans le code de commerce.

Le premier alinéa de son article 2 serait réécrit. Actuellement, il interdit aux personnes n'ayant ni domicile ni résidence fixe de plus de six mois dans un Etat membre de l'Union européenne d'exercer une activité ambulante sur le territoire national si elles ne sont pas ressortissantes de l'un de ces Etats et si elles ne sont pas munies d'un livret spécial de circulation. A l'avenir, il ferait obligation aux personnes n'ayant ni domicile ni résidence fixes de plus de six mois dans un État membre de l'Union européenne d'être munies d'un livret spécial de circulation délivré par les autorités administratives.

Enfin, l'article 11 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969, qui renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de prendre les mesures d'application nécessaires, serait réécrit pour tirer les conséquences de ces modifications.

Le troisième paragraphe ( III ) tire la conséquence, dans le code général des impôts, de l'abrogation de l'article 1 er de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve la distinction qui est ainsi faite entre les règles relatives à l'exercice d'une activité commerciale ou artisanale ambulante, d'une part, et celles qui concernent la circulation des personnes sans domicile fixe en France, d'autre part.

La création d'une carte professionnelle unique paraît de nature à clarifier les conditions d'exercice d'une activité ambulante . Elle ne devrait pas alourdir les démarches des personnes sans domicile fixe dans la mesure où celles-ci doivent déjà actuellement se rendre à la fois dans les préfectures ou sous-préfectures, pour obtenir leur livret spécial de circulation, et dans les chambres de commerce et d'industrie pour s'immatriculer au registre du commerce puis pour faire viser leur livret. A l'avenir, ces démarches concerneront deux types de documents différents. Selon les informations communiquées à votre commission spéciale cette réforme aurait été présentée à la Commission nationale des gens du voyage et n'aurait fait l'objet d'aucune critique particulière.

Sans doute le texte adopté par l'Assemblée nationale ne tire-t-il pas toutes les conséquences de la réforme proposée dans la loi du 3 janvier 1969. Toutefois, les dispositions de cette loi qui font obligation aux gens du voyage de détenir un titre de circulation sont actuellement controversées et une réforme d'ampleur ne peut intervenir dans un texte de modernisation de l'économie.

Telles sont les raisons pour lesquelles seul un amendement de précision du texte proposé pour l'article L. 123-30 du code de commerce vous est soumis, afin d'y mentionner les artisans ambulants et de faire référence au contrôle par les fonctionnaires municipaux habilités non seulement des marchés mais aussi des halles, dans un souci d'harmonisation avec les dispositions de l'article L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 12 ter (nouveau) - (article L. 1274-1 du code du travail) Extension du champ d'application du service chèque-emploi pour les très petites entreprises

Commentaire : cet article étend le bénéfice du chèque-emploi pour les TPE aux entreprises comptant jusqu'à neuf salariés.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le service chèque-emploi pour les très petites entreprises est destiné à permettre aux employeurs de France métropolitaine de s'acquitter simplement des principales obligations administratives liées au recrutement et à l'emploi d'un salarié : déclaration unique d'embauche, signature d'un contrat de travail, déclaration des cotisations sociales et production du bulletin de paie. Le chèque-emploi TPE peut également comporter un moyen de paiement du salaire, sous forme de chèque bancaire ou postal. L'employeur dispose alors d'un carnet (fonctionnant sur le même principe que le chèque emploi service) constitué de volets sociaux, à adresser au centre de traitement du chèque emploi TPE dont il dépend ainsi que de chèques bancaires ou postaux destinés au paiement du salaire, à remettre au salarié concerné.

Sont concernés les employeurs qui n'emploient pas plus de 5 salariés.

L'Assemblée nationale a étendu ce dispositif aux employeurs qui n'emploient pas plus de 9 salariés.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission approuve cette disposition cohérente avec la définition communautaire de la micro-entreprise.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 13 - (articles L. 141-1, L. 210-5, L. 223-1, L. 223-22, L. 223-27 et L. 223-31 du code de commerce) Simplification du fonctionnement de la société à responsabilité limitée - Conditions de vente d'un fonds de commerce

Commentaire : cet article apporte plusieurs modifications ponctuelles au régime de la société à responsabilité limitée afin de simplifier ses modalités de fonctionnement. De manière accessoire, il assouplit l'une des conditions requises pour la validité de la vente d'un fonds de commerce.

I. Le droit en vigueur

A. L'obligation de définir les statuts de la SARL

La vie dans la société à responsabilité limitée et ses rapports vis-à-vis des tiers sont organisés, comme dans toute société, par ses statuts, qu'on appelle également le contrat de société. L'élaboration d'un statut est requise tant dans le cadre d'une société à responsabilité limitée disposant de plusieurs associés que dans celui d'une telle société comportant un associé unique -l'EURL.

Néanmoins, afin de faciliter la création de ce type de société, la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a, à la suite d'une initiative du Sénat, autorisé les sociétés à responsabilité limitée dont l'associé unique assume personnellement la gérance à être régies par des « statuts types », déterminés par décret. Ces modèles de statuts, qui sont proposés par les centres de formalités des entreprises à chaque créateur d'entreprise, ont un caractère facultatif et peuvent en tout état de cause être complétés par le chef d'entreprise.

Malgré tout, le simple recours à ces statuts-types semble apparaître encore trop contraignant, en particulier pour les créateurs de très petites entreprises, à commencer par les artisans.

B. Les formalités de publicité imposées en SARL

Le code de commerce détermine les conditions dans lesquelles les évènements les plus importants de la vie de la société à responsabilité limitée sont portés à la connaissance des tiers. Ce système de publicité repose sur l'accomplissement de formalités qui ont lieu, pour l'essentiel, au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel la société a son siège. Le greffe tient en effet le registre du commerce et des sociétés dans lequel est immatriculée la société. Le cas échéant, la mention d'informations à ce registre peut se doubler d'avis publiés au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales ou d'insertions dans des journaux d'annonces légales.

Le dépôt au greffe du tribunal de commerce d'un certain nombre d'actes faits au cours de la vie sociale est imposé. Il en va ainsi, notamment, des statuts de la société ainsi que de ses éventuelles modifications. En outre, tous les ans, doivent être déposés au greffe pour être annexé au registre du commerce et des sociétés :

- les comptes annuels, le rapport de gestion et, le cas échéant, les comptes consolidés, le rapport sur la gestion du groupe, les rapports des commissaires aux comptes sur les comptes annuels et les comptes consolidés, éventuellement complétés de leurs observations sur les modifications apportées par l'assemblée ou l'associé unique aux comptes annuels ;

- la proposition d'affectation du résultat soumise à l'assemblée ou à l'associé unique et la résolution d'affectation votée ou la décision d'affectation prise.

Ces formalités semblent, tout au moins pour certaines d'entre elles, inutilement contraignantes pour l'entrepreneur individuel exerçant sous la forme d'une EURL dont il assume personnellement la gérance.

C. La tenue de l'assemblée des associés de SARL

Dans la société à responsabilité limitée, l'assemblée des associés est l'organe social compétent pour prendre les décisions les plus importantes, telles la modification des statuts, l'approbation des comptes ou la transformation de la société. A ce titre, elle est amenée à se réunir pour délibérer, sur convocation du gérant ou, à défaut, du commissaire aux comptes .

Afin de faciliter la prise de décisions des associés, et en particulier pour ne pas avoir à réunir physiquement ceux-ci au même endroit, les statuts de la société peuvent stipuler que les décisions devant être prises en assemblée, ou certaines d'entre elles, peuvent intervenir par consultation écrite des associés ou résulter du consentement de tous les associés exprimé dans un acte . Une telle possibilité est néanmoins exclue lorsque les associés sont appelés à approuver le rapport de gestion, l'inventaire ainsi que les comptes annuels présentés par le gérant.

Cet assouplissement reste encore limité et apparaît au surplus inadapté aux sociétés à responsabilité limitée qui disposent de nombreux associés, l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises autorisant désormais la présence de cent associés dans ce type de structure. Le régime de la société à responsabilité limitée est par ailleurs sur ce point moins favorable que celui de la société anonyme qui autorise, depuis la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, la tenue des assemblées générales d'actionnaires par visioconférence ou par tout autre moyen de télécommunication permettant l'identification et la participation effective des actionnaires.

D. La nécessité d'indiquer le chiffre d'affaires des trois années précédant la vente du fonds de commerce

Entourée d'un formalisme rigoureux hérité de la loi du 17 mars 1909, la vente d'un fonds de commerce doit intervenir par un acte comportant plusieurs mentions impératives, au nombre desquelles celle du chiffre d'affaires que le cédant a réalisé au cours de chacune des trois dernières années d'exploitation du fonds ou, s'il ne l'a pas exploité depuis plus de trois ans, depuis son acquisition. A défaut d'une telle mention, l'acquéreur pourra solliciter auprès du juge l'annulation de la vente du fonds de commerce.

Cette règle, instituée afin que l'acquéreur puisse disposer d'une estimation objective de la valeur du fonds, a suscité en pratique de nombreuses difficultés, liées en particulier à l'interprétation très rigoureuse adoptée par les juridictions.

D'une part, la période des trois dernières années doit être calculée de quantième à quantième, en remontant dans le passé à partir du jour de la conclusion de la vente. Cette exigence soulève de nombreuses difficultés et donne souvent lieu à des contentieux. D'autre part, la communication de ce chiffre d'affaires est difficile lorsque le fonds mis en vente est en location-gérance : dans une telle hypothèse, le vendeur est très dépendant des informations que veut bien lui fournir son locataire-gérant.

II. Le dispositif initialement proposé

Le premier paragraphe (I) de cet article modifie l'article L. 223-1 du code de commerce afin que le modèle de statut types, déjà prévu à l'heure actuelle :

- soit porté à la connaissance de la personne souhaitant créer une EURL dont elle sera le seul gérant.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, un décret devrait prévoir une obligation pour les centres de formalités des entreprises de proposer aux créateurs d'entreprises de recourir à ces statuts types. Votre commission spéciale estime qu'il serait souhaitable qu'il pose également le principe de la gratuité d'une telle information, la pratique montrant que les statuts-types sont parfois délivrés aux entrepreneurs moyennant une contrepartie financière ;

- régisse, de manière automatique , par le seul fait de l'immatriculation et sans demande particulière en ce sens du créateur d'entreprise, toute EURL nouvellement constituée ayant pour seul gérant l'associé unique. Il n'en ira autrement que si l'intéressé produit des statuts différents lors de sa demande d'immatriculation de la société.

Le recours à des statuts-types constitue incontestablement une mesure de simplification pour les entrepreneurs individuels souhaitant créer une EURL dont ils seront l'unique gérant. Pour autant, en cours de vie sociale, il est vraisemblable que l'application du statut-type devra être abandonnée au profit de statuts élaborés par le créateur d'entreprise, prenant en compte les caractéristiques particulières de chaque société. Il en sera ainsi, par exemple, lorsque le capital social de la société viendra à être modifié.

Le deuxième paragraphe (II) du présent article instaure, au profit des EURL dont l'associé unique assume personnellement la gérance, des formalités de publicité allégées.

Selon le texte proposé pour compléter l'article L. 223-1 du code de commerce, ces modalités particulières de publicité seront définies par décret en Conseil d'Etat. Elles entraîneront en particulier la suppression de l'obligation de parution des opérations relatives à la société , tout au long de la vie sociale, au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC). Toutefois, la formulation retenue, non exhaustive compte tenu de l'emploi de l'adverbe « notamment », n'exclut pas que d'autres spécificités soient prévues.

Cette suppression implique d'opérer une coordination à l'article L. 210-5 du code de commerce. Cette disposition fait en effet référence au BODACC dans le cadre de l'opposabilité aux tiers des opérations effectuées par les sociétés à responsabilité limitée avant le quinzième jour de la publication dans ce recueil des actes et indications soumis à cette mesure de publicité.

Aussi, selon le texte proposé, les opérations faites avant le seizième jour de la date de l'inscription des actes et indications au registre du commerce et des sociétés -et non de la publication au BODACC- par une EURL dont l'associé unique assume personnellement la gestion, ne seront pas opposables aux tiers qui prouvent qu'ils ont été dans l'impossibilité d'en avoir connaissance.

Ces deux modifications n'entreront pas en vigueur à compter de la publication de la présente loi mais à celle du décret relatif aux modalités de publicité et, s'il n'intervient pas avant cette date, au 31 mars 2009 .

Le troisième paragraphe (III) de cet article tend à autoriser la tenue des assemblées d'associés de la société à responsabilité limitée par visioconférence ou par un moyen de télécommunication permettant l'identification des associés et garantissant leur participation effective. Il modifie à cette fin l'article L. 223-27 du code de commerce.

Le texte proposé est en réalité le décalque des dispositions prévues par la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie pour la réunion du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de la société anonyme. Le choix de reprendre ces dispositions plutôt que celles relatives aux assemblées générales d'actionnaires de cette société présente l'avantage de permettre aux statuts de moduler l'usage de ces procédés, ce qui est pertinent dans le cadre d'une société dans laquelle existe par principe un fort intuitus personae .

L'utilisation de ces procédés est néanmoins limitée :

- d'une part, les statuts ne doivent pas l'empêcher ;

- d'autre part, il n'est pas possible lorsque l'assemblée est appelée à délibérer sur l'inventaire, les comptes annuels et le rapport de gestion, ainsi que sur les comptes consolidés. Les statuts peuvent du reste étendre cette interdiction à d'autres décisions de l'assemblée ;

- enfin, il n'est possible que si les statuts n'ont pas prévu un droit d'opposition à l'utilisation de ces moyens au profit d'un nombre déterminé d'associés et pour une délibération déterminée, et que ce droit d'opposition n'a pas été mis en oeuvre.

Lorsque les conditions en sont remplies, les associés non physiquement présents pourront valablement participer aux délibérations de l'assemblée grâce à ces moyens de visioconférence et de télécommunication.

Ces moyens seront définis par un décret en Conseil d'Etat qui déterminera ceux qui permettent l'identification des associés et garantissent leur participation effective. La teneur de ce décret devrait être identique à celui prévu dans le cadre de la société anonyme.

Les quatrième et cinquième paragraphes (IV et V) du présent article tendent à assouplir les formalités de publicité qui s'imposent à l'EURL dont l'associé unique assume personnellement la gérance.

Il est en premier lieu proposé de modifier l'article L. 232-22 du code de commerce afin de supprimer l'obligation , pour l'associé unique de la société à responsabilité limitée assumant personnellement la gérance, de déposer le rapport de gestion au greffe du tribunal de commerce. Cet allègement apparaît en effet opportun dans les petites structures.

En revanche, afin que l'information des tiers reste assurée, ce rapport devra être tenu à la disposition de toute personne qui en fait la demande.

En deuxième lieu, l'article L. 223-31 du code de commerce est complété afin d'apporter une simplification purement pratique , qui par son objet aurait sans doute pu figurer en partie réglementaire du code de commerce.

Lorsque l'associé unique de la société à responsabilité limitée prend les décisions en principe dévolues à l'assemblée des associés, ses décisions doivent être portées sur un registre tenu par la société. L'article R. 223-26 du code de commerce précise que lorsque l'associé unique, seul gérant, décide de ne pas approuver les comptes en les déposant simplement au greffe en même temps que l'inventaire et le rapport de gestion, il doit porter à ce registre le récépissé du dépôt au registre du commerce et des sociétés de ces documents.

Afin d'éviter cette contrainte, le texte proposé prévoit simplement que le gérant n'aura pas à porter au registre le récépissé délivré par le greffe du tribunal de commerce .

Le sixième paragraphe (VI) modifie les conditions d'information sur le chiffre d'affaires du fonds de commerce dans le cadre de la vente de ce dernier .

Compte tenu de la rédaction proposée par le projet de loi, l'article L. 141-1 prévoirait désormais que l'acte de vente du fonds de commerce devra mentionner le chiffre d'affaires que le vendeur du fonds a réalisé durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente .

Cette nouvelle formulation devrait permettre d'éviter les difficultés rencontrées actuellement dans la pratique. Néanmoins, elle est sans doute moins favorable à l'acquéreur que le droit en vigueur : dans l'hypothèse où la vente du fonds de commerce intervient plusieurs mois après la clôture du dernier exercice comptable, l'acquéreur pourra ne pas avoir une vision réelle de l'exploitation du fonds ; pendant cette période, l'exploitant du fonds peut avoir connu des difficultés ayant réduit la valeur réelle du fonds. L'acquéreur ne pourra alors faire usage de sa faculté de faire annuler la vente.

Quand bien même cela ne sera pas une condition de validité de la vente, il sera donc prudent que l'acquéreur exige, en pratique, du vendeur du fonds qu'il lui produise un état comptable permettant de déterminer le chiffre d'affaires du fonds depuis la clôture du dernier exercice comptable jusqu'aux dernières semaines précédant la vente.

Si le vendeur possédait le fonds depuis moins de trois ans, la mention du chiffre d'affaires ne concernera que les années pendant lesquelles le fonds était détenu. Le texte abandonne en tout état de cause la référence à la durée d'exploitation du fonds.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Outre diverses améliorations rédactionnelles, l'Assemblée nationale a apporté quatre modifications au présent article :

- au II de cet article, à l'initiative de M. Nicolas Forissier et avec l'avis favorable de sa commission des affaires économiques et du gouvernement, elle a souhaité limiter les formalités particulières de publicité prévues pour l'EURL dont l'associé unique est le gérant à la seule dispense d'insertion au BODACC ;

- au même paragraphe, les députés ont adopté, avec l'avis favorable du gouvernement, un amendement du rapporteur pour avis de la commission des lois tendant à modifier l'article L. 210-5 du code de commerce afin d'introduire une coordination avec la mesure d'allègement des formalités dans les sociétés par actions simplifiées unipersonnelles dont l'associé personne physique assume personnellement la gérance, proposée par un amendement du même auteur à l'article 14 du présent projet de loi ;

- au III , l'Assemblée nationale, sur proposition du rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Eric Ciotti, et avec l'accord du Gouvernement, a souhaité appliquer à la société à responsabilité limitée le régime retenu pour l'assemblée générale de la société anonyme. Il en résulte que le recours à la visioconférence ou aux procédés de télécommunication pour la tenue de l'assemblée des associés n'interviendra que si les statuts de la société le permettent . En revanche, ceux-ci ne pourront plus instituer un droit d'opposition au profit d'un nombre déterminé d'associés ;

- au IV , à l'initiative de M. Eric Ciotti au nom de la commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, les députés ont limité la dérogation au dépôt du rapport de gestion de la société au seul cas où l'associé unique assumant personnellement la gérance est une personne physique .

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale est favorable à la simplification du droit de la société à responsabilité limitée qui, à certains égard et malgré les mesures apportées depuis plusieurs années, peut encore paraître inutilement contraignant. Pour autant, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, s'il améliore certaines dispositions, doit faire l'objet de modifications complémentaires.

En premier lieu, votre commission spéciale regrette que les députés aient supprimé la possibilité pour les statuts d'une société à responsabilité limitée de prévoir un droit d'opposition au profit d'un nombre déterminé d'associés à la tenue d'une assemblée par des moyens de visioconférence ou de télécommunication.

La société à responsabilité limitée reste en effet une société dans laquelle l' intuitus personae peut être important et c'est la raison pour laquelle la souplesse offerte aux statuts de prévoir un droit d'opposition devrait être conservée. Votre commission spéciale vous soumet en conséquence un amendement restaurant cette possibilité.

En deuxième lieu, si la suppression de l'obligation de déposer au greffe du tribunal de commerce, chaque année, le rapport de gestion d'une EURL dont l'associé personne physique assume personnellement la gérance, est une bonne chose, elle apparaît contradictoire avec la possibilité donnée dans ce même type d'entreprise de ne pas approuver formellement les comptes : cette dernière formalité peut en effet être remplacée, aux termes de l'article L. 223-31 du code de commerce, par le dépôt au greffe des comptes annuels, de l'inventaire et du rapport de gestion.

Afin d'assurer la cohérence du dispositif et sa mise en oeuvre pratique, votre commission spéciale vous soumet un amendement tendant à prévoir que les comptes annuels de l'EURL dont l'associé personne physique assume la gérance seront réputés approuvés par le dépôt au greffe des seuls comptes annuels et de l'inventaire . Cette mesure ne remet bien entendu aucunement en cause l'obligation pour l'associé unique d'établir ce rapport de gestion.

Votre commission spéciale vous propose également un dernier amendement tendant à supprimer la prohibition, datant de 1985, faite à une EURL d'être détenue par une autre EURL.

Dans la mesure où, désormais, une société par actions simplifiée unipersonnelle peut elle-même détenir une société par actions simplifiée unipersonnelle ou une EURL, la pertinence de cette interdiction est en effet très discutable.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 13 bis (nouveau) - (articles L. 225-25, L. 225-72, L. 225-124 et L. 228-15 du code de commerce) Simplification du régime de la société anonyme

Commentaire : cet article, introduit par l'Assemblée nationale, a pour objet d'apporter des mesures de simplification au régime de la société anonyme, en supprimant l'obligation pour les administrateurs et membres du conseil de surveillance de détenir un nombre minimum d'actions de la société, en maintenant le droit de vote double des actionnaires en cas de fusion ou de scission et en levant une ambiguïté dans le régime des actions de préférence.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

La complexité et la lourdeur du régime de la société anonyme sont souvent décriées par les praticiens. Si la plupart des contraintes de cette forme sociale s'expliquent par le souci de protéger les actionnaires et les tiers, en particulier lorsque la société fait appel public à l'épargne, certaines d'entre elles apparaissent à bien des égards inutiles. En outre, certains dispositifs recèlent des ambiguïtés ou des difficultés, qui sont difficilement résolues en pratique.

Ces considérations ont conduit M. Eric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois, à proposer un certain nombre de mesures de simplification à l'Assemblée nationale, qui les a acceptées, avec l'accord du Gouvernement.

Les premier et deuxième paragraphes (I et II) de cet article suppriment l'obligation légale pour les administrateurs ou les membres du conseil de surveillance non salariés de la société, de détenir un nombre déterminé d'actions de celle-ci , ce nombre étant déterminé par les statuts. Aujourd'hui, si au jour de sa nomination ou au cours de son mandat, un administrateur ou un membre du conseil de surveillance n'est pas ou n'est plus propriétaire du nombre d'actions requis, il est réputé démissionnaire d'office, à moins qu'il ne régularise sa situation dans un délai de trois mois.

Si cette exigence s'expliquait dans le cadre du régime dit des « actions de garantie », dont la vente permettait de dédommager la société en cas de faute de gestion de leurs détenteurs, elle ne répond plus à une réelle justification dès lors que ce régime a été supprimé en 1988. Elle est par ailleurs bien souvent contournée en pratique par le recours à des prêts d'actions aux administrateurs ou aux membres du conseil de surveillance, considérés par la jurisprudence comme équivalents à la détention d'actions.

Aussi l'Assemblée nationale a-t-elle modifié les articles L. 225-25 et L. 225-72 du code de commerce afin de prévoir que l'obligation de détention d'un certain nombre d'actions de la société peut être imposée par les statuts. A défaut d'une telle stipulation statutaire, les administrateurs ou membres du conseil de surveillance n'auront pas à détenir de telles actions.

Dans le même temps, elle a porté de trois mois à six mois le délai de régularisation offert à l'administrateur ou au membre du conseil de surveillance qui aurait manqué à l'obligation prévue par les statuts.

Le troisième paragraphe (III) de cet article modifie les conditions du maintien du droit de vote double lorsque les actions auxquelles il est attaché ont changé de propriétaire .

Les statuts ou l'assemblée générale extraordinaire de la société anonyme peuvent en effet attribuer un droit de vote double à toutes les actions entièrement libérées pour lesquelles il peut être justifié d'une inscription nominative, depuis deux ans au moins, au nom du même actionnaire. Or, en principe, le bénéfice de ce double droit de vote est perdu en cas de transfert de propriété des actions auxquelles il est attaché, sauf hypothèses limitativement énumérées par l'article L. 225-124 du code de commerce.

Une difficulté se pose en pratique lorsqu'une société actionnaire de la société anonyme ayant attribué le droit de vote double au bénéfice des actions qu'elle détient fait l'objet d'une fusion ou d'une scission . Une telle opération peut en effet conduire à transférer, par l'effet du traité de fusion ou de scission, la propriété des actions à une autre société. Dans ces conditions, le droit de vote double est perdu et ne peut être acquis, sur décision de l'assemblée générale extraordinaire, qu'au terme d'une détention de deux ans par cette nouvelle société. Cette situation est regrettée par les entreprises et les praticiens.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, qui modifie l'article L. 225-124 du code de commerce, permet de maintenir ce droit de vote double, à moins que les statuts de la société ayant attribué ce droit n'interdisent un tel maintien .

Le quatrième paragraphe (IV) modifie ponctuellement le régime de l'émission d'actions de préférence , c'est-à-dire d'actions avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent.

L'article L. 228-15 du code de commerce impose que la création de telles actions intervienne dans le respect de la procédure relative aux avantages particuliers qui implique, en particulier, la désignation d'un commissaire aux apports. La question s'est posée en pratique de savoir si cette procédure relativement lourde devait être suivie lorsque la société décide de l'émission d'actions de préférence relevant d'une catégorie déjà créée par la société, c'est-à-dire offrant à leur détenteurs des droits particuliers attachés à des actions de préférence déjà émises. Les représentants des entreprises estiment, en général, qu'une telle procédure ne se justifie pas en ce cas, dès lors que la nature de l'avantage particulier consenti a déjà fait l'objet d'un examen antérieur par un commissaire aux apports.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale supprime expressément l'obligation de désigner un commissaire aux apports dans le cas où les actions de préférence émises relèvent d'une catégorie préalablement créée par l'assemblée générale extraordinaire de la société .

Le dernier paragraphe (V) de cet article prévoit une entrée en vigueur différée de cet article au 1 er janvier 2009. Cette mesure devrait, en particulier, permettre aux sociétés anonymes, si elles le souhaitent, de modifier leurs statuts pour supprimer l'obligation de détention d'actions de la société.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale est favorable à la suppression de certaines contraintes pesant sur les sociétés anonymes lorsqu'elles ne se justifient pas par la protection des actionnaires ou des tiers.

Aussi est-elle favorable à la suppression de l'obligation légale de détention d'actions de la société ainsi qu'à la modification des règles de report du droit de vote double en cas de transfert de propriété, sous réserve d'y apporter une amélioration rédactionnelle par l' amendement qu'elle vous soumet.

Elle se montre en revanche plus réservée sur la suppression de l'intervention d'un commissaire aux apports en cas d'émission d'actions de préférence, quand bien même celles-ci relèveraient d'une « catégorie » d'actions préexistant au sein de la société .

En effet, l'émission de nouvelles actions de préférence de même catégorie peut avoir un impact très important sur les titulaires actuels des actions de préférence déjà créées. Compte tenu de la nouvelle émission, la valeur réelle des droits que ces titulaires tiraient des actions de préférence existantes peut être très fortement affectée.

Ainsi, dans l'hypothèse d'une première émission de 10.000 actions de préférence (sur un total de 100.000 actions ordinaires) sans droit de vote donnant droit à 50 % des bénéfices annuels (les autres 50 % étant répartis entre les 100.000 actions ordinaires), suivie quelques années plus tard d'une seconde émission de 30.000 actions de préférence sans droit de vote conférant les mêmes droits, les droits des titulaires de la première émission sont divisés par 3 (ils seront alors 40.000 à se partager 50 % des bénéfices) tandis que les droits des actionnaires ordinaires ne sont pas modifiés (ils restent 100.000 à se partager les 50 % restant).

Aussi convient-il d'assurer, avant que l'assemblée générale extraordinaire décide la nouvelle émission, que les actionnaires disposeront effectivement d'une information réelle sur les incidences de l'augmentation de capital à venir.

Consciente de la lourdeur de la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation des apports et avantages particuliers prévue par l'article L. 228-15 du code de commerce, votre commission spéciale vous soumet un amendement tendant à prévoir que, lorsque l'émission porte sur des actions de préférence relevant d'une catégorie déjà créée, l'évaluation des avantages particuliers qui en résultent est faite dans le rapport spécial du commissaire aux comptes présenté à la réunion de l'assemblée générale extraordinaire compétente pour décider l'émission.

Par un second amendement , elle vous propose en dernier lieu une mesure de simplification concernant la procédure d'attribution d'options au bénéfice des membres du personnel salarié de la société anonyme ou de certains d'entre eux, en conférant au conseil d'administration de la société anonyme la possibilité d'accorder une délégation tant à son président qu'au directeur général ou aux directeurs généraux délégués pour procéder à la constatation éventuelle du nombre et du montant des actions émises pendant la durée de l'exercice à la suite des levées d'options , ainsi que pour apporter les modifications nécessaires aux clauses des statuts relatives au montant du capital social et au nombre des actions qui le représentent. Il en sera de même du directoire au profit de l'un de ses membres.

Actuellement, seul le président peut, sur délégation du conseil d'administration ou du directoire, procéder à ces opérations. Cette limitation ne prend pas en compte l'hypothèse, autorisée depuis la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, d'une dissociation des fonctions de président du conseil d'administration et de directeur général. Elle peut, en outre, paraître paradoxale dans la mesure où une délégation plus large est autorisée pour opérer une réduction de capital résultant d'une annulation d'actions dans le cadre d'un programme de rachat d'actions, ce qui constitue une opération matériellement très proche. La rédaction que vous soumet votre commission à l'article L. 225-178 du code de commerce permettrait de prévoir l'application d'un dispositif similaire.

Votre commission spéciale vous propose également, par ce même amendement, d'apporter une précision, dans le cadre du régime des fusions de sociétés anonymes, afin que lorsqu'un commissaire à la fusion a été désigné en application de l'article L. 236-10 du code de commerce, il ait également pour mission de faire rapport à l'assemblée générale extraordinaire de la société sur les apports en nature ou les avantages particuliers .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 14 - (articles L. 227-1, L. 227-2, L. 227-9, L. 227-9-1 et L. 227-9-2 [nouveaux], L. 227-10 et L. 232-23 du code de commerce) Simplification des modalités de fonctionnement de la société par actions simplifiée

Commentaire : cet article apporte plusieurs modifications ponctuelles au régime de la société par actions simplifiée afin d'alléger encore ses modalités de fonctionnement.

I. Le droit en vigueur

Instituée en 1994, la société par actions simplifiée est une forme sociale particulièrement souple, destinée à éviter les contraintes de la société anonyme. Elle est dotée d'un statut juridique propre, seules certaines dispositions relevant du droit de la société anonyme lui étant applicables.

En pratique, la société par actions simplifiée est un succès : leur nombre dépasse désormais celui de toute autre société dans laquelle les pertes sont supportées par les associés à hauteur de leurs apports.

A. Le capital social de la SAS

La société par actions simplifiée doit être constituée avec le même capital social minimum que toute société par actions qui ne fait pas appel public à l'épargne, soit 37.000 euros . Elle peut être dotée d'un capital fixe ou variable.

Il résulte de cette obligation que le recours à la société par actions simplifiée nécessite des apports représentant un montant important, ce qui rend plus difficile son utilisation par de très petites entreprises. Or, sur ce point, il semble exister une forte demande des artisans et des commerçants de pouvoir exercer leur activité professionnelle dans le cadre de cette forme sociale. A certains égards, ce pouvoir d'attraction s'explique par le régime social applicable à l'associé majoritaire -le dirigeant dépendant alors du régime des indépendants- par rapport à celui du dirigeant majoritaire d'une société par actions simplifiée, ce dernier pouvant être salarié de la société et, en conséquence, affilié au régime général de la sécurité sociale. En réalité néanmoins, votre commission spéciale tient à souligner que les deux régimes sociaux s'avèrent aujourd'hui tout aussi protecteurs du dirigeant social et ne justifient sans doute pas le tropisme vers la société par actions simplifiée d'entreprises pour lesquelles la société à responsabilité limitée demeure certainement la forme sociale la plus adaptée.

En outre, par application des règles relatives à la société anonyme, les apports en industrie ne sont pas autorisés dans le cadre d'une société par actions simplifiée.

Une personne ne peut en conséquence avoir la qualité d'associé en apportant à la société son savoir-faire ; elle doit nécessairement apporter de l'argent (apport en numéraire) ou un bien (apport en nature). Cette situation éloigne la société par actions simplifiée de la société à responsabilité limitée dans laquelle, depuis 2001, les apports en industrie sont autorisés. Cette prohibition peut ainsi constituer un frein à la création d'une société par actions simplifiée pour exercer une activité économique de petite ou moyenne ampleur.

Enfin, comme toute autre société par actions, la société par actions simplifiée doit, au plus tard dans les quinze jours qui suivent la tenue de son assemblée, informer ses actionnaires du nombre total de droits de vote existant à cette date. Elle doit également les informer, lorsqu'elle en a connaissance, de la variation entre deux assemblées du nombre de droits de vote, lorsque cette variation atteint 5 % ou plus par rapport au nombre déclaré antérieurement. Dans une société par actions simplifiée, qui ne peut faire appel public à l'épargne, cette exigence est sans doute moins justifiée que dans d'autres sociétés par actions.

B. L'obligation du recours à un commissaire aux comptes

L'une des spécificités de la société par actions simplifiée est l'obligation d'y nommer un commissaire aux comptes .

Elle résulte de l'application de principe à cette forme de société des dispositions régissant la société anonyme. Dans ces dernières, en effet, un ou plusieurs commissaires aux comptes exercent leur contrôle :

- en certifiant que les comptes annuels de la société et, le cas échéant, les comptes consolidés des sociétés du même groupe, sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine à la fin de cet exercice ;

- en vérifiant, de façon permanente et à l'exclusion de toute immixtion dans la gestion, les valeurs et les documents comptables de la société dont ils sont chargés de certifier les comptes et en contrôlant la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur, ainsi que la sincérité et la concordance avec les comptes annuels des informations données dans le rapport de gestion de l'organe de direction, et dans les documents adressés aux actionnaires ou associés sur la situation financière et les comptes annuels. Dans ce cadre, les commissaires aux comptes doivent attester spécialement l'exactitude et la sincérité des informations relatives aux rémunérations et aux avantages de toute nature versés à chaque mandataire social. Ils doivent également s'assurer que l'égalité a été respectée entre les actionnaires, associés ou membres de l'organe compétent ;

- en signalant, à la plus prochaine assemblée, les irrégularités et inexactitudes relevées par eux au cours de l'accomplissement de leur mission, ainsi qu'en révélant au procureur de la République les faits délictueux dont ils ont eu connaissance.

Ces professionnels exercent aussi un droit d'alerte en cas de difficultés de la société de nature à compromettre la continuité de l'exploitation.

La pertinence d'une telle obligation dans les sociétés par actions simplifiée comportant un faible nombre de salariés ou un chiffre d'affaires limité est parfois mise en doute, dans la mesure où elle apparaîtrait trop contraignante et coûteuse. A l'inverse, il peut être souligné que la présence d'un commissaire aux comptes est certainement de nature à renforcer la qualité du contrôle interne et, lorsque la société s'insère dans le cadre d'un groupe de sociétés dont elle est une filiale ou la holding, à garantir la fiabilité de l'information financière et comptable.

II. Le dispositif initialement proposé

Le présent article entend favoriser l'accès de la société par actions simplifiée aux très petites entreprises. Il prévoit de modifier à cette fin plusieurs dispositions du régime juridique applicable à ce type de société.

Le du premier paragraphe (I) de cet article exclut l'application à la société par actions simplifiée de deux nouvelles dispositions régissant la société anonyme :

- d'une part, l'article L. 224-2 du code de commerce, article applicable à toute société par actions, dont la société anonyme et la société par actions simplifiée -qui prévoit un montant minimum pour le capital social . Il s'agit d'une coordination avec la suppression du capital minimal dans la société par actions simplifiée, opérée par le du I ;

- d'autre part, le I de l'article L. 233-8 du même code. Il en résulte que la société par actions simplifiée ne sera plus tenue d'informer ses actionnaires sur le nombre total des droits de vote après la tenue de l'assemblée ou sur ses variations .

Le du même paragraphe, complétant l'article L. 227-1 du code de commerce, autorise expressément les apports en industrie au sein de la société par actions simplifiée et l'émission corrélative d'actions représentant la valeur de ces apports.

Le texte proposé faisant référence à l'article 1843-2 du code civil, il en résulte que les apports en industrie ne concourront pas à la formation du capital social de la société par actions simplifiée mais donneront lieu à l'attribution de parts ouvrant droit au partage des bénéfices et de l'actif net, à charge de contribuer aux pertes .

Il reviendra aux statuts de la société de définir les modalités de souscription et de répartition de ces actions qui seront inaliénables et ne pourront excéder dix ans .

Le du I de cet article complète l'article L. 227-2 du code de commerce afin de laisser aux statuts de la société par actions simplifiée le soin de fixer le montant du capital social.

Il en résulte que le montant du capital social pourra être désormais inférieur à 37.000 euros. Il ne pourra cependant pas être nul, mais la constitution d'une société par actions simplifiée à « 1 euro » est rendue possible , à l'instar de la société à responsabilité limitée.

Les à du même paragraphe allègent la contrainte résultant de l'obligation générale faite à toute société par actions simplifiée de désigner un commissaire aux comptes, en reprenant en substance le dispositif prévu pour la société à responsabilité limitée ou la société en nom collectif. A cette fin, est inséré un article L. 227-9-1 au sein du code de commerce.

Ainsi, la désignation d'un commissaire aux comptes deviendrait, en principe, une simple faculté dans la société par actions simplifiée. Il reviendra alors aux associés de décider s'ils entendent nommer un voire plusieurs commissaires aux comptes, dans les conditions et les formes prévues par les statuts.

A défaut, une minorité d'associés, représentant au moins 10 % du capital social, pourra solliciter en justice la désignation d'un commissaire aux comptes.

Cependant, dans certaines sociétés par actions simplifiées présentant des caractéristiques particulières, subsistera une obligation de nommer un commissaire aux comptes . Tel est le cas :

- en premier lieu, des sociétés qui dépassent , à la clôture d'un exercice social, au moins deux des seuils suivants , qui seront fixés par décret en Conseil d'État : le total de leur bilan , le montant hors taxes de leur chiffre d'affaires ou le nombre moyen de leurs salariés au cours d'un exercice.

Selon les indications recueillies par le Gouvernement, ces seuils pourraient être ceux prévus dans le cadre de la société à responsabilité limitée et de la société en nom collectif, à savoir un bilan de plus de 1.550.000 euros, un chiffre d'affaires hors taxe de 3.100.000 euros et 50 salariés. Toutefois, lors de son audition devant votre commission spéciale, le 17 juin 2008, M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, a indiqué qu'il serait possible d'abaisser le seuil d'effectifs salariés à vingt ;

- en second lieu, des sociétés qui détiennent , directement ou indirectement, 5 % ou plus du capital ou des droits de vote d'une autre société. Il s'agit de viser les sociétés par actions simplifiées « holdings ». Compte tenu de leur appartenance à un groupe de sociétés, ces sociétés devront établir des comptes consolidés. Aussi, pour assurer la qualité de l'information financière du groupe, l'intervention d'un commissaire aux comptes est-elle prévue.

Le texte proposé prévoit également deux mesures de coordination avec la suppression de l'obligation générale de désignation d'un commissaire aux comptes :

- d'une part, le rapport préalable du commissaire aux comptes pour l'approbation des comptes par l'associé unique de la société par actions simplifiée, prévu par l'article L. 227-9 du code de commerce, n'interviendra évidemment que si un tel professionnel a été désigné ;

- d'autre part, lorsque la société par actions simplifiée ne dispose pas d'un commissaire aux comptes, le rapport sur les conventions réglementées, prévu à l'article L. 227-10 du même code, sera présenté aux actionnaires par le président de la société.

Son deuxième paragraphe (II) prévoit une entrée en vigueur différée de ces dispositions, au 1 er janvier 2009.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Le texte proposé par le Gouvernement a connu plusieurs modifications de fond à la suite des débats à l'Assemblée nationale.

Certaines tendent à apporter aux sociétés par actions simplifiées comportant un associé unique des aménagements similaires à ceux prévus dans le cadre de l'EURL par l'article 13 du présent projet de loi.

Ainsi, au du I , à l'initiative de M. Eric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a prévu qu'un décret en Conseil d'Etat déterminera des formalités de publicité allégées à l'égard des sociétés par actions simplifiées dont l'associé unique, personne physique, assume personnellement la présidence. Ce décret instaurera, en particulier, une dispense d'insertion au BODACC de certaines informations concernant la société.

Un bis a été inséré par les députés à ce paragraphe, à la suite d'un amendement du même auteur auquel le Gouvernement a donné un avis favorable, afin de prévoir que le seul dépôt au registre du commerce et des sociétés, par l'associé unique exerçant personnellement la présidence de la société, du rapport de gestion, de l'inventaire et des comptes annuels dûment signés, valait approbation des comptes , l'associé étant par ailleurs dispensé de porter au registre de la société le récépissé de dépôt délivré par le greffe.

L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a enfin introduit un au sein du même paragraphe, afin de dispenser l'associé unique assumant personnellement la présidence de la société par actions simplifiée de déposer le rapport de gestion au greffe du tribunal de commerce. Ce rapport devra néanmoins être tenu à la disposition de toute personne qui en ferait la demande.

Les autres modifications apportées par les députés précisent les conditions d'intervention du commissaire aux comptes dans la société par actions simplifiée.

D'une part, l'obligation de désigner un commissaire aux comptes a été étendue à certaines sociétés par actions simplifiées filiales d'autres sociétés, à l'initiative de M. Eric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois, et avec l'avis favorable du Gouvernement.

Cette désignation sera imposée lorsque la société est :

- contrôlée par une société qui ne dépasse pas , à la clôture d'un exercice social, des seuils , fixés par décret en Conseil d'Etat, pour au moins deux des critères suivants : le total de son bilan , le montant hors taxe de son chiffre d'affaires ou le nombre moyens de ses salariés ;

- contrôlée de manière exclusive par cette société . Compte tenu du renvoi au II de l'article L. 233-16 du code de commerce, ce contrôle exclusif résultera :

à soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote dans la société par actions simplifiée ;

à soit de la désignation, pendant deux exercices successifs, du président de la société par actions simplifiée. Une société est présumée avoir effectué cette désignation lorsqu'elle a disposé, au cours de cette période, directement ou indirectement, d'une fraction supérieure à 40 % des droits de vote, et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détenait, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne ;

à soit du droit d'exercer une influence dominante sur la société par actions simplifiée en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le permet.

D'autre part, à la suite d'un amendement de M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques, et de Mmes Arlette Franco et Martine Faure, l'Assemblée nationale a, avec l'accord du Gouvernement, prévu l'application par les commissaires aux comptes d'une norme d'exercice professionnel simplifiée dans certaines sociétés par actions simplifiées.

Cette norme sera suivie par les commissaires aux comptes dans l'exercice de leurs missions lorsqu'ils interviennent dans les sociétés par actions simplifiées ne dépassant pas, à la clôture d'un exercice social, deux seuils cumulatifs fixés par décret en Conseil d'Etat :

- d'une part, un niveau de bilan déterminé ;

- d'autre part, un montant hors taxes de leur chiffre d'affaires ou un nombre moyen de salariés.

Si aucun seuil précis n'a été évoqué lors des débats à l'Assemblée nationale, le secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, a précisé que « le niveau de seuil qui relèvera du décret devra faire l'objet d'une concertation avec la profession et la représentation nationales » .

En pratique, cette norme, qui devra être homologuée par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, devrait fixer des exigences moins élevées que celles imposées aux commissaires aux comptes dans les autres sociétés . Il devrait en résulter logiquement une réduction des honoraires demandés par les commissaires aux comptes exerçant ces missions.

La rédaction proposée prévoyant que cette adaptation intervient « sans préjudice » du texte proposé pour l'article L. 227-9-1 du code de commerce, il faut en conclure que cette norme pourra être appliquée que la désignation du commissaire aux comptes intervienne à titre obligatoire ou facultatif.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale souscrit à l'objectif de simplification de la société par actions simplifiée poursuivi par le présent article mais vous proposera cinq amendements pour en préciser et en compléter la portée.

Elle approuve également les nouveaux allégements apportés par l'Assemblée nationale pour les sociétés par actions simplifiées dont l'associé unique assume personnellement la présidence, sous deux réserves :

- d'une part, elle estime que ces mesures de simplification doivent être réservées aux seules sociétés dont l'actionnaire unique est une personne physique ;

- d'autre part, il serait cohérent que, comme en société à responsabilité limitée, le dépôt au greffe de l'inventaire et des comptes annuels suffise pour approuver ceux-ci, l'exigence de déposer également le rapport de gestion apparaissant contradictoire avec la dispense de dépôt prévue par le 7° du I du présent article.

Elle vous soumet en conséquence un amendement afin d'apporter ces modifications.

Votre commission spéciale vous propose également d'assouplir le recours aux apports en industrie dans le cadre de la société par actions simplifiée, en prévoyant que les actions émises en contrepartie d'un tel apport ne sont pas soumises à une limitation de durée, mais en imposant aux statuts de fixer un délai au terme duquel, après leur émission, ces actions feront l'objet d'une évaluation dans les conditions prévues à l'article L. 225-8 du code de commerce, c'est-à-dire par un commissaire aux apports.

Par nature, en effet, l'apport en industrie est susceptible de voir sa valeur décliner ou, à l'inverse, augmenter avec le temps. Il est donc souhaitable, pour l'équilibre des relations entre les actionnaires, et quand bien même les actions émises en contrepartie de l'apport ne concourent pas à la formation du capital social, que cette valeur puisse être réévaluée périodiquement.

S'agissant de l'obligation de recours au commissaire aux comptes , votre commission spéciale est sensible au fait qu'imposer l'intervention de ce professionnel au sein d'une société par actions simplifiée lorsque celle-ci est une très petite entreprise, peut apparaître, à certains égards, inutilement contraignant. Néanmoins, l'intérêt d'une intervention d'une personne chargée du contrôle légal des comptes dans une société dont la nature très fortement contractuelle ne lui impose que des contraintes légales et réglementaires réduites est indéniable. Aussi souhaite-t-elle trouver un juste équilibre dans le cadre du dispositif proposé au présent article.

A cet égard, la question la plus importante est incontestablement celle du niveau des seuils en dessous desquels la nomination d'un commissaire aux comptes ne sera pas obligatoire .

Or, constitutionnellement, la fixation des seuils relève du pouvoir réglementaire ; c'est pourquoi votre commission spéciale ne souhaite pas fixer ces seuils directement dans la loi.

Elle souhaite néanmoins préciser que la nature contractuelle de la société par actions simplifiée justifie un contrôle légal des comptes obligatoire dans des conditions dérogatoires à celles prévues par le pouvoir réglementaire à l'égard des sociétés à responsabilité limitée et des sociétés en nom collectif . Aussi considère-t-elle que les seuils prévus pour ces dernières sociétés ne sauraient être retenus par le Gouvernement dans le cadre des sociétés par actions simplifiées.

Elle invite donc le Gouvernement à fixer des seuils inférieurs , dans la concertation, en prenant en considération la nature spécifique de la société par actions simplifiée ainsi que les contraintes communautaires qui s'imposent à la France dans le cadre de l'harmonisation des modalités du contrôle des comptes et des simplifications administratives relatives au droit des sociétés. A cet égard, elle estime que le seuil de 20 salariés, évoqué par M. Hervé Novelli lors de son audition du 17 juin 2008 au Sénat, ainsi que les seuils de 1 million de total de bilan et de 2 millions de chiffre d'affaires pourraient être envisagés.

Au delà de cette question, votre commission spéciale estime néanmoins que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale doit faire l'objet, par amendements , de deux modifications pour :

- d'une part, prévoir, s'agissant des sociétés par actions simplifiées relevant d'un groupe de sociétés , l'obligation de nommer un commissaire aux comptes lorsque ces sociétés exercent leur contrôle exclusif ou conjoint sur une ou plusieurs autres sociétés ou lorsqu'elles sont contrôlées exclusivement ou conjointement par une ou plusieurs sociétés mères, quelle que soit leur importance en termes de bilan, de chiffre d'affaires et d'effectif salarié .

Il est en effet essentiel d'assurer la présence d'un commissaire aux comptes dans les groupes de sociétés, quelle que soit la taille des sociétés incluses dans leur périmètre, afin d'assurer la sécurité de l'information financière et la fiabilité des comptes consolidés ;

- d'autre part, étendre le champ d'application de la norme d'exercice professionnel simplifiée au-delà des sociétés par actions simplifiées, en incluant dans ce champ les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés en nom collectif ainsi que les sociétés en commandite simple . L'application de la norme n'interviendra que pour les sociétés qui ne dépassent pas, à la clôture d'un exercice social, deux seuils relatifs : au total de leur bilan, au montant hors taxes de leur chiffre d'affaires ou au nombre moyen de leurs salariés. Ces seuils seront définis par décret en Conseil d'Etat.

Une telle norme, qui, du fait des contraintes d'exercice allégées qu'elle permettrait, pourrait diminuer de 30 % le coût de l'intervention d'un commissaire aux comptes, constituerait certainement une incitation, pour les sociétés où la désignation d'un tel professionnel n'est pas obligatoire, à y recourir. En revanche, il convient d'exclure une telle norme d'exercice pour les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions , dans lesquelles, afin de protéger les tiers, la certification des comptes doit intervenir selon des modalités plus strictes.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 14 bis (nouveau) - (intitulé du titre III du livre Ier et articles L. 135-1 à L. 135-3 nouveaux du code de commerce, article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, article 1457 du code général des impôts, article 3 de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993) Régime juridique des vendeurs à domicile indépendants

Commentaire : cet article insère dans le code du commerce le régime juridique des vendeurs à domicile indépendants, actuellement situé dans le code de la sécurité sociale.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Cet article, adopté avec l'avis favorable du Gouvernement, insère dans le code de commerce le régime juridique des vendeurs à domicile indépendants. Ceux-ci sont des travailleurs indépendants au regard du droit du travail et du droit fiscal, mais sont rattachés au régime général de la sécurité sociale pour leur protection sociale. L'objectif est de manifester la reconnaissance de cette activité en transférant dans le code du commerce les dispositions insérées dans le code de la sécurité sociale par la loi du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social. Certaines précisions utiles sont apportées au passage : ainsi, aucune rémunération, à quelque titre que ce soit, ne peut être versée par un vendeur à domicile indépendant à un autre vendeur à domicile indépendant et aucun achat ne peut être effectué par un vendeur à domicile indépendant auprès d'un autre vendeur à domicile indépendant.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale estime justifié d'insérer dans le code de commerce le régime clarifié des vendeurs à domicile indépendants.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 14 bis (article L. 122-6 du code de la consommation) Protection des adhérents des réseaux de vente multi-niveaux

Commentaire : cet article additionnel, proposé par votre commission spéciale, tend à protéger les adhérents des réseaux de vente multi-niveaux contre certains procédés particulièrement préjudiciables à leurs intérêts.

Le paysage de la vente directe, pratique commerciale mettant physiquement en contact un vendeur et un « acheteur-consommateur » hors d'un magasin, est en partie composé de réseaux de vente « en cascade », « pyramidaux » ou « à la boule de neige », ces terminologies recouvrant des réalités juridiques et économiques un peu différentes tant en ce qui concerne le fonctionnement des entreprises qu'en termes de garantie offerte par les diffuseurs et les produits eux-mêmes.

Ces formules sont susceptibles de donner lieu à des pratiques commerciales critiquables, aussi bien dans les relations entre le réseau et la clientèle finale que dans les relations internes au réseau.

Un code éthique de la vente directe élaboré par la fédération de la vente directe (FVD) régule ces pratiques. Pour autant, la loi doit jouer pleinement son rôle protecteur.

Dans cette optique, votre commission a estimé nécessaire d'introduire dans l'article L. 122-6 du code de la consommation les dispositions prévues par la loi n° 95-96 du 1er février 1995 en vue de protéger les adhérents de réseaux de vente multi-niveaux contre des procédés particulièrement préjudiciables à leurs intérêts. Ces dispositions n'ont en effet pas été reprises dans la nouvelle rédaction adoptée pour le 2° de cet article, issue de l'article 39 de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, qui a transposé en droit interne la directive communautaire sur les pratiques commerciales déloyales.

Votre commission spéciale vous propose ainsi d'adopter un amendement interdisant aux sociétés qui gèrent les réseaux de vente :

- d'obtenir d'un adhérent ou affilié du réseau le versement d'une somme correspondant à un droit d'entrée ou à l'acquisition ;

- d'obtenir d'un adhérent ou affilié l'acquisition d'un stock de marchandises destinées à la revente, sans garantie de reprise du stock aux conditions d'achat.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article 14 ter (nouveau) Rapport au Parlement sur la création d'un guichet administratif unique pour les entreprises de moins de cent salariés

Commentaire : cet article, introduit par l'Assemblée nationale, prévoit le dépôt par le Gouvernement, avant le 31 décembre 2008, d'un rapport au Parlement sur la création d'un guichet administratif unique pour les entreprises de moins de cent salariés.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative de Mmes Catherine Vautrin et Laure de La Raudière, l'Assemblée nationale a, avec l'avis favorable de sa commission des lois et du Gouvernement, adopté le présent article afin de prévoir que celui-ci déposera avant le 31 décembre 2008 une « étude de faisabilité » sur la création d'un « guichet administratif unique » pour les PME de moins de cent salariés.

Il s'agit de faciliter l'accomplissement par les entreprises de leurs démarches administratives quotidiennes.

Cette initiative entend du reste compléter l'extension de la compétence des centres de formalités des entreprises à l'ensemble des démarches administratives des entreprises de services, prévue à l'article 3 du présent projet de loi.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale n'est pas favorable à cette nouvelle obligation faite au Gouvernement de présenter un rapport au Parlement .

Il est, d'une part, assez curieux de prévoir une étude de « faisabilité » dans une matière qui, au surplus, relève pour l'essentiel du domaine réglementaire.

D'autre part, le délai de quelques mois donné au Gouvernement pour mener une telle étude et présenter ensuite un rapport au Parlement apparaît particulièrement bref. Comme souvent, il est vraisemblable qu'un tel délai ne sera, dans les faits, pas respecté.

Enfin, le chiffre de cent salariés retenu par l'Assemblée nationale revient à introduire un nouveau seuil qui ne correspond ni aux seuils actuellement en vigueur, ni même aux seuils qui pourraient être retenus pour définir les entreprises de taille moyenne, notion que votre commission spéciale vous propose de consacrer dans le cadre du présent projet de loi.

Aussi votre commission spéciale vous soumet-elle un amendement tendant à supprimer cette obligation, sachant que cette position ne remet aucunement en cause l'objectif de simplification des structures chargées d'accompagner les entreprises dans leurs démarches administratives quotidiennes. Il est en effet particulièrement nécessaire, pour favoriser le développement économique et assurer l'attractivité du territoire français, de regrouper en un même endroit, fût-il virtuel grâce à un portail Internet unique, l'accomplissement de ces démarches.

Votre commission spéciale vous propose de supprimer cet article.

CHAPITRE IV - Favoriser la reprise, la transmission, le « rebond »
Article 15 - (articles 635, 639, 719, 721, 722, 722 bis et 726 du code général des impôts) Convergence du taux des droits d'enregistrement sur les cessions de droits sociaux et de fonds de commerce

Commentaire : le présent article modifie le code général des impôts en vue de faire converger vers un taux unique global de 3 % la taxation des cessions de droits sociaux, quel que soit le statut des sociétés, et de fonds de commerce dont la valeur est inférieure à 200.000 euros.

I. Le droit en vigueur

A. Le principe des droits de mutation à titre onéreux

Les droits d'enregistrement sur les biens meubles constituent une des parties les plus anciennes du droit fiscal français, qui a perduré malgré la mise en place de la TVA, plus rentable et d'un fonctionnement plus simple. Bien qu'originellement liés à la formalité juridique de l'enregistrement des actes, ils consistent essentiellement en des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) , dont le fait générateur réside dans la cession même de droits sociaux, offices publics et ministériels, immeubles, meubles corporels ou fonds de commerce. L'enregistrement et la taxation qui en résultent ne supposent pas nécessairement que la cession ait préalablement été constatée par un acte écrit.

Le régime applicable, et en particulier le taux, varie selon la forme juridique, la constatation éventuelle par un acte écrit et la composition de l'actif de la société cédée . Le produit budgétaire des DMTO a été évalué à 1,12 milliard d'euros en 2007 et 1,22 milliard d'euros en 2008.

Evaluation en 2007 et 2008 de la recette budgétaire des DMTO

(en millions d'euros)

Assiette des droits de mutation à titre onéreux

Evaluation initiale pour 2007

Evaluation révisée pour 2007

Evaluation proposée pour 2008

Créances, rentes et prix d'office

451

531

546

Fonds de commerce

230

298

305

Meubles corporels

1

1

1

Immeubles et droits immobiliers

244

290

368

Total

926

1.120

1.220

Source : Fascicule « Voies et moyens » du projet de loi de finances pour 2008

Les nombreux aménagements législatifs successifs n'ont pas permis de résorber une distorsion économique née avec la loi de finances pour 1991, qui a initié un mouvement de baisse des taux au profit des cessions d'actions. Avant le 1 er janvier 1991, les cessions d'actions et parts sociales, quelle que soit la forme juridique de la société, étaient soumises à un taux de 4,80 %, et les cessions de fonds de commerce étaient taxées au taux de 11,80 % (avec un mécanisme d'abattement variable).

B. Les droits portant sur les mutations à titre onéreux de droits sociaux

1. Le régime de droit commun

Le 7° du 2 de l'article 635 du code général des impôts dispose que les actes portant cession d'actions, de parts de fondateurs ou de parts bénéficiaires, ou cession de parts sociales dans les sociétés dont le capital n'est pas divisé en actions doivent être enregistrés dans le délai d'un mois à compter de leur date.

Sauf exceptions (cf. infra ), les cessions de droits sociaux donnent lieu à un droit d'enregistrement dont le taux diffère selon la nature des droits concernés et la composition de l'actif du cédant personne morale. Ainsi aux termes du I de l'article 726 du code général des impôts, le droit est au taux de 1,10 % et plafonné à 4.000 euros par mutation pour les cessions portant sur les catégories suivantes de sociétés :

- les cessions d'actions, de parts de fondateurs ou de parts bénéficiaires des sociétés par actions cotées en bourse (sociétés anonymes et sociétés en commandite par actions), constatées par un acte ;

- les cessions d'actions, de parts de fondateurs ou de parts bénéficiaires des sociétés par actions non cotées en bourse , et de parts ou titres du capital, souscrits par les clients, des établissements de crédit mutualistes ou coopératifs, lorsque ces établissements ne sont pas à prépondérance immobilière. Le droit est exigible même en l'absence d'acte .

Le taux est fixé à 5 % pour les cessions -constatées ou non dans un acte- de parts sociales dans les sociétés dont le capital n'est pas divisé en actions (sociétés à responsabilité limitée, sociétés civiles, sociétés en nom collectif et sociétés en commandite simple), et de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière . Ce droit au taux de 5 % est déplafonné mais est assorti d'un abattement de 23.000 euros , au prorata de la fraction des droits cédés.

L'assiette du droit est constituée du prix de cession, éventuellement augmenté des charges, ou d'une estimation des parties si cette valeur réelle est supérieure.

2. Les régimes spéciaux et exonérations

Certaines situations et catégories de parts font l'objet d'un traitement particulier. Un régime spécifique est ainsi appliqué quand la SARL ou assimilée a reçu un apport en nature moins de 3 ans avant la cession des titres. Dans ce cas, la cession est censée porter sur le bien apporté, représenté par les titres cédés, et est donc soumise au droit de mutation applicable à ce bien.

De même, les cessions de titres de sociétés immobilières de copropriété visées à l'article 1655 ter du code précité sont considérées comme ayant pour objet les biens immobiliers représentés par ces titres, en application du principe de transparence fiscale . Elles sont donc soumises à la taxe de publicité foncière et au droit de mutation sur les immeubles perçu au profit du département.

D'autres régimes particuliers sont prévus pour les cessions de parts de groupements fonciers agricoles, groupements fonciers ruraux et groupements forestiers (taux réduit de 1,10 %), ou les cessions de gré à gré de parts de groupements agricoles d'exploitation en commun et d'exploitations agricoles à responsabilité limitée (droit fixe de 125 euros).

Certaines opérations sont enfin exonérées de droit d'enregistrement :

- les acquisitions par les collectivités territoriales d'actions de sociétés d'économie mixte locales ;

- les cessions de parts ou actions de certains instruments financiers : fonds communs de placement à risques, fonds communs de créances et organismes de placement collectif immobilier (sauf dans certains cas de détention importante) ;

- les cessions de droits sociaux résultant d'opérations de pension ;

- et les cessions de droits sociaux dans le cadre du rachat d'une entreprise par ses salariés (cf. article 16 du présent projet de loi).

C. Les droits assis sur les cessions de fonds de commerce

1. Le régime de droit commun

Le fonds de commerce représente l'universalité juridique des droits et valeurs au moyen desquels s'exerce un négoce ou une industrie. Il se compose traditionnellement de trois éléments mobiliers principaux , corporels ou incorporels : la clientèle, le droit au bail, le matériel et les marchandises, la clientèle étant nécessaire à l'existence et la cession du fonds. Les marques et brevets constituent également des éléments du fonds.

En application des articles 719, 720 et 725 du code général des impôts, les cessions à titre onéreux de fonds de commerce, de clientèles (constatées par un acte ou simplement verbales) et de droit au bail, ainsi que les conventions de successeur sont soumises à un droit d'enregistrement perçu au profit de l'Etat . A ce droit budgétaire s'ajoutent des taxes départementale (article 1595 du code général des impôts) et communale (articles 1584 et 1595 bis du même code). Ce régime s'articule avec celui de la TVA.

Selon le même principe que les droits sociaux, l'assiette de ces impositions est constituée du prix de vente des éléments du fonds augmenté des charges, ou si elle est supérieure, de la valeur vénale. Le taux des trois taxes varie selon la valeur de l'assiette taxable, deux seuils de 23.000 euros et 107.000 euros étant prévus.

Comme pour les cessions de parts sociales et de participations dans des sociétés à prépondérance immobilière, le taux cumulé s'établit à 5 % et est assorti d'un abattement pour la fraction de la valeur du fonds qui n'excède pas 23.000 euros .

Le tarif applicable depuis le 1 er janvier 2006, décomposé par entité bénéficiaire, est ainsi le suivant :

Fraction de la valeur taxable

Taux applicable

Droit budgétaire

Taxe départementale

Taxe communale

Cumul

N'excédant pas 23.000 €

0 %

0 %

0 %

0 %

Comprise entre 23.000 € et 107.000 €

4 %

0,60 %

0,40 %

5 %

Supérieure à 107.000 €

2,60 %

1,40 %

1 %

5 %

2. Les régimes spéciaux et exonérations

Des régimes de faveur et de taxation à taux réduit ont été introduits pour favoriser certaines activités ou le développement des territoires :

- les cessions de brevets exploités et de droits de possession industrielle donnent lieu à un droit fixe de 125 euros ;

- en application de l'article 721 du code général des impôts, les acquisitions de fonds de commerce et de clientèle réalisées par les entreprises dans le cadre d'opérations -définies à l'article 1465 du même code-d'amélioration des structures et de développement de la recherche scientifique et technique bénéficient d'un barème de taxation réduit : taux global de 0 %, 3,20 % ou 4,60 % (dont 2,20 % pour le droit budgétaire) selon les mêmes seuils que le droit commun ;

- en application de l'article 722 du même code, les acquisitions de fonds de commerce et de clientèle réalisées dans les zones de redynamisation urbaine, les zones franches urbaines et les zones de redynamisation rurale sont soumises à des taux réduits de 0 % ou 1 % selon les seuils de 23.000 euros et 107.000 euros, dans le respect de la réglementation communautaire afférente aux aides de minimis . Il en est de même pour les transmissions, réalisées dans certaines conditions, de débits de boissons de troisième et quatrième catégories.

De même, les achats effectués par les marchands de biens en vue de la revente (à l'instar des mutations d'immeubles) et les acquisitions réalisées par les collectivités territoriales et leurs établissements publics sont, dans certaines conditions, exonérés de droits de mutation.

II. Le dispositif initialement proposé

Le présent article modifie les articles 635, 639, 719, 722 bis et 726 et abroge les articles 721 et 722 du code général des impôts pour introduire les dispositions suivantes :

- une harmonisation à 3 % des taux des droits d'enregistrement sur les cessions à titre onéreux d'actions de sociétés cotées ou non et les cessions de parts sociales de sociétés de personnes, à concurrence de 200.000 euros (sous le bénéfice de l'abattement de 23.000 euros), à l'exception de celles de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière, qui seraient toujours taxées à 5 % ;

- la suppression de certains régimes spécifiques d'exonération ou de taxation à taux réduit ;

- et une formulation actualisée sur le critère de cotation en bourse, afin de tenir compte de la transposition de la directive sur les marchés d'instruments financiers.

A. Les mesures d'harmonisation partielle

1. La convergence de la majorité des droits d'enregistrement vers un taux de 3 %

a) En matière de droits sociaux

La convergence partielle des taux des droits d'enregistrement portant sur les cessions de droits sociaux est assurée par les mesures suivantes figurant au 1° du I du présent article, modifiant l'article 726 du code général des impôts :

- le a remplace par 3 % le taux de 1,10 % , figurant au premier alinéa du 1° du I de l'article 726 afférent aux cessions d'actions et parts de sociétés par actions cotées ou non et aux cessions de parts ou titres du capital des établissements de crédit mutualistes ou coopératifs, lorsque ces établissements ne sont pas à prépondérance immobilière ;

- le c dispose que ce taux de 3 % est également applicable aux cessions de parts sociales dans les sociétés dont le capital n'est pas divisé en actions . Par voie de conséquence , le a du 2° supprime le deuxième alinéa du 2° du I de l'article 726, soumettant ces cessions au taux de 5 %. Le II et le III opèrent une coordination dans le 7° bis du 2 de l'article 635 et dans l'article 639 du code général des impôts, en faisant désormais référence au troisième alinéa du 2° du I de l'article 726, et non plus au quatrième alinéa.

Les cessions de telles parts sociales continuent de bénéficier de l'abattement unitaire de 23.000 euros au prorata de la fraction des droits cédés, désormais intégré dans le 1° du I de l'article 726. Par coordination , le 3° du I du présent article abroge le III de ce même article, qui prévoit cet abattement.

b) En matière de fonds de commerce et de clientèles

Le IV diminue de deux points certains tarifs figurant au tableau de l'article 719 précité, relatif au régime normal des DMTO perçus par l'Etat sur les cessions de fonds de commerce ou de clientèles , soit :

- 2 % (au lieu de 4 %) pour la fraction de la valeur taxable comprise entre 23.000 euros et 107.000 euros ;

- et 0,60 % (au lieu de 2,60 %) pour la fraction comprise entre 107.000 euros et 200.000 euros.

Le taux global pour les tranches inférieures à 200.000 euros, incluant les taxes départementale et communale, s'établit donc à 3 % , l'abattement de 23.000 euros étant inchangé.

Par coordination , le VI substitue le taux de 2 % à celui de 4 % figurant à l'article 722 bis , relatif au régime dérogatoire en faveur de l'aménagement et du développement du territoire, précédemment exposé.

2. Le maintien ou l'insertion de certaines spécificités

Compte tenu des modifications apportées par les 1° et 2° du I du présent article, les cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière seraient toujours taxées au taux de 5 % . Ce maintien est justifié par la volonté de maintenir une certaine neutralité fiscale entre les mutations directes et indirectes ( via une société) d'immeubles, les premières étant soumises à un prélèvement au taux global de 5,09 %.

Le c du 1° du I maintient également le plafonnement en montant du droit d'enregistrement liquidé sur les cessions de droits sociaux de sociétés par actions, mais le porte de 4.000 euros à 5.000 euros par mutation, ce qui semble cohérent avec l'augmentation du taux de 1,10 % à 3 %.

Enfin, un nouveau seuil de valeur taxable de 200.000 euros est introduit pour les cessions de fonds de commerce et de clientèles, auquel correspondent un taux de DMTO et un taux global de prélèvement de respectivement 2,60 % et 5 % , soit le taux actuel de la fraction de valeur taxable supérieure à 107.000 euros.

Les nouveaux barèmes de cession s'établissent donc de la manière suivante :

Cessions de droits sociaux

Type de société

Taux applicable

Sociétés par actions

3 % (plafonné à 5.000 euros)

SARL et sociétés de personnes

Valeur taxable inférieure à 23.000 euros

0 %

Valeur taxable supérieure à 23.000 euros

3 %

Sociétés à prépondérance immobilière

5 %

Cessions de fonds de commerce et de clientèles

Fraction de la valeur taxable

Taux applicable

Droit budgétaire

Taxe départementale

Taxe communale

Cumul

N'excédant pas 23.000 euros

0 %

0 %

0 %

0 %

Comprise entre 23.000 euros et 107.000 euros

2 %

0,60 %

0,40 %

3 %

Comprise entre 107.000 euros et 200.000 euros

0,60 %

1,40 %

1 %

3 %

Supérieure à 200.000 euros

2,60 %

1,40 %

1 %

5 %

B. Les mesures d'actualisation et de simplification

1. L'actualisation de la terminologie du critère de cotation

Afin d'intégrer l'évolution récente du droit financier, et en particulier la transposition de l'importante directive sur les marchés d'instruments financiers du 21 avril 2004, qui a instauré la concurrence entre infrastructures de marché, le b du 1° et du 2° du I et le III du présent article remplacent les références à la cotation (ou non-cotation) en bourse de droits sociaux ou parts sociales, figurant aux articles 639 et 726 précités, par une expression tenant compte de la nouvelle distinction entre lieux d'exécution des transactions .

Il est ainsi désormais fait référence à la négociation (ou absence de négociation s'agissant des parts et droits non cotés) sur un marché réglementé d'instruments financiers ou sur un système multilatéral de négociation , définis respectivement par les articles L. 421-1 et L. 424-1 du code monétaire et financier.

Rappelons que les systèmes multilatéraux de négociation sont des infrastructures de marché « organisées » désormais reconnues par la législation française, dont le statut et le fonctionnement sont proches de ceux des marchés réglementés, mais gérées par une entreprise d'investissement ou une entreprise de marché et qui ne font pas l'objet de la procédure de reconnaissance par le ministre de l'économie prévue pour les marchés réglementés.

2. La suppression de régimes dérogatoires désormais moins avantageux

Compte tenu des dispositions de l'article 16 du présent projet de loi, le 3° du I du présent article tend à abroger le I bis de l'article 726 précité, qui prévoit une exonération pour les acquisitions de droits sociaux effectuées par une société créée dans le cadre d'une opération de rachat d'une entreprise par ses salariés .

Enfin deux régimes spécifiques de taxation à taux réduit de cessions de fonds de commerce sont supprimés ; les opérations correspondantes relèveraient donc désormais du droit commun. Le V du présent article tend ainsi à abroger les régimes figurant aux articles 721 et 722 du code général des impôts et décrits supra , relatifs à l'amélioration des structures des entreprises et au développement de la recherche, d'une part, et aux débits de boissons à consommer sur place de troisième et quatrième catégories, d'autre part.

La convergence des taux proposée par le présent article conduit en effet à mettre en place des taux de DMTO perçus par l'Etat plus avantageux (0 à 2 %, au lieu de 2,20 %) pour les assiettes taxables inférieures à 200.000 euros, soit la majeure partie des opérations concernées.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale tend à approuver les orientations du présent article mais considère que la réforme des droits d'enregistrement se situe encore à mi-chemin.

Le régime actuel des DMTO présente de sérieuses distorsions , en particulier entre SARL et sociétés anonymes, originellement fondées sur le constat que les mutations de SARL étaient moins nombreuses, mais qui ne présentent pas aujourd'hui de réelles justifications économiques. Il est également possible de contester le principe même des DMTO , qui créent un « frottement » fiscal superflu au regard de la nature de l'opération de cession, par ailleurs imposée sur la plus-value réalisée.

On peut donc souhaiter la suppression à terme de ces droits , qui n'ont pas d'équivalent -s'agissant des cessions d'actions- dans des pays tels que l'Allemagne, la Belgique, l'Italie ou l'Espagne, mais il est vrai que la situation budgétaire actuelle n'y est manifestement pas propice.

L'équilibre de la réforme et le financement de la baisse des droits pour les sociétés de personnes et SARL reposent sur le relèvement du taux des droits assis sur les cessions d'actions, la convergence (partielle) vers le taux de 3 % offrant l'avantage d'une plus grande lisibilité. Le coût budgétaire de cette mesure est estimé à une centaine de millions d'euros en année pleine et 33 millions d'euros en 2008, selon le détail ci-dessous :

Mesure

Coût / Gain budgétaire

Nombre d'opérations

Abaissement de 5 à 3 % du taux applicable aux cessions de parts sociales

-45 millions d'euros

71.300

Nouveau barème de taxation
des fonds de commerce

- 97 millions d'euros

58.400

Relèvement du plafond et de 1,1 à 3 % du taux pour les cessions d'actions

+ 41 millions d'euros

45.900

Total

-101 millions d'euros

175.600

Source : ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Le quasi triplement du taux des DMTO applicables aux cessions d'actions pourrait être perçu comme dirimant et susceptible d'inciter à la délocalisation hors de France des transactions et des participations cédées. Il est vrai que ce renchérissement ne contribue pas à favoriser la mobilité des titres et les réorganisations de sociétés par actions, et n'apparaît donc guère cohérent avec certaines réformes récentes , telles que la suppression de l'impôt de bourse et la faible imposition des plus-values à long terme sur titres de participations. Le plafonnement du droit à 5.000 euros par mutation vient toutefois tempérer cette critique et pénalise peu les grandes entreprises actionnaires.

En alignant les droits assis sur les mutations de SA et de SARL, le nouveau dispositif a également la vertu de désinciter aux transformations « d'opportunité » de SARL en SA , bien que la jurisprudence de la Cour de cassation ait été amenée à ne pas les considérer comme constitutives d'un abus de droit (arrêt RMC France du 10 décembre 1996) -dès lors que la société ne revient pas immédiatement après à sa forme initiale- et à les valider dans certaines conditions de rédaction du contrat de cession (arrêt Société SAIM du 9 février 1999).

Compte tenu de la situation budgétaire particulièrement tendue de notre pays, votre commission spéciale souhaite toutefois limiter le coût budgétaire de cette harmonisation des taux de DMTO et vous propose à cet égard un amendement tendant à fixer le taux harmonisé à 3,5 % au lieu de 3 % .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 16 - (articles 732 bis et 732 ter [nouveaux] du code général des impôts) Incitation à la reprise d'entreprises par les salariés ou membres du cercle familial du cédant

Commentaire : le présent article insère deux nouveau articles dans le code général des impôts tendant à exonérer de droits de mutation à titre onéreux les rachats d'entreprises effectués par les salariés ou membres de la famille du cédant, sous certaines conditions d'activité des repreneurs et de valeur du fonds ou des titres cédés.

I. Le droit en vigueur

A. Le principe des droits de mutation à titre onéreux

Les droits d'enregistrement sur les biens meubles constituent une des parties les plus anciennes du droit fiscal français. Bien qu'originellement liés à la formalité juridique de l'enregistrement des actes, ils consistent essentiellement en des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) , dont le fait générateur réside dans la cession même de droits sociaux, offices publics et ministériels, immeubles, meubles corporels ou fonds de commerce. L'enregistrement et la taxation qui en résulte n'impliquent pas nécessairement que la cession ait été préalablement constatée par un acte écrit.

Le régime applicable, et en particulier le taux, varie selon la forme juridique, la constatation éventuelle par un acte écrit et la composition de l'actif de la société cédée . Le produit budgétaire des DMTO a été évalué à 1,12 milliard d'euros en 2007 et 1,22 milliard d'euros en 2008.

Le régime de droit commun (taux fixes ou barème progressif) et les régimes particuliers de taxation à taux réduit ou d'exonération afférents aux mutations à titre onéreux de droits sociaux, fonds de commerce et clientèles ont été exposés dans le commentaire de l'article 15 du présent projet de loi , qui prévoit en particulier une harmonisation à 3 % de la majorité des taux afférents aux mutations de droits sociaux et fonds de commerce.

B. Les régimes actuels d'exonération de droits de mutation en cas de donation ou cession aux salariés de l'entreprise

1. L'exonération de droits de mutation à titre onéreux en cas de cession à une société ad hoc

Le régime particulier prévu au I bis de l'article 726 du code général des impôts prévoit une exonération du droit d'enregistrement au taux de 1,10 % ou 5 % pour les acquisitions de droits sociaux effectuées par une société créée exclusivement dans le cadre d'une opération de rachat d'une entreprise par ses salariés , dans les conditions prévues à l'article 220 nonies du code général des impôts, relatif au crédit d'impôt pour le rachat du capital d'une société. Ces trois conditions sont les suivantes :

- la société nouvelle et la société rachetée doivent être soumises au régime de droit commun de l'impôt sur les sociétés et ne pas faire partie du même groupe fiscalement intégré ;

- les droits de vote attachés aux actions ou aux parts de la société ad hoc doivent être détenus par au moins quinze personnes qui, à la date du rachat, étaient salariées de la société rachetée, ou par au moins 30 % des salariés de cette société si son effectif n'excède pas cinquante salariés à cette date ;

- l'opération de reprise doit avoir fait l'objet d'un accord d'entreprise satisfaisant aux conditions prévues par le 2° de l'article L. 3332-16 du code du travail.

Rappelons que la mention de ce régime d'exonération figurant dans l'article 726 précité est supprimée par l'article 15 du présent projet de loi, compte tenu de l'extension du dispositif par le présent article, au-delà du seul cas de création d'une société de reprise.

2. L'exonération de droits de mutation à titre gratuit en cas de donation à un ou plusieurs salariés

L'article 790 A du code général des impôts, créé par la loi n° 2003-721 du 1 er août 2003 pour l'initiative économique, a remplacé un dispositif d'abattement pour exonérer de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) certaines donations en pleine propriété. Il s'agit des donations de fonds de commerce (et de fonds artisanaux et agricoles), de clientèles d'entreprises individuelles et de parts ou actions (à concurrence de la fraction de la valeur des titres représentative du fonds ou de la clientèle), dont la valeur est inférieure à 300.000 euros et répondant aux cinq conditions cumulatives suivantes :

- l'entreprise donnée doit relever du secteur productif, ce qui exclut les sociétés civiles ;

- les donataires doivent être salariés de l'entreprise, sous contrat à durée déterminée à temps plein depuis au moins deux ans, ou des apprentis titulaires d'un contrat d'apprentissage en cours au jour de la transmission ;

- lorsqu'ils ont antérieurement été acquis à titre onéreux, les actifs remis doivent avoir été détenus pendant au moins deux ans par le donateur ;

- les donataires doivent s'engager à poursuivre une activité professionnelle exclusive pendant 5 ans au sein de l'entreprise ;

- enfin l'un des donataires doit assurer la direction effective de l'entreprise.

II. Le dispositif initialement proposé

Le présent article insère deux nouveaux articles 732 bis et 732 ter dans le code général des impôts, tendant à transposer aux DMTO le régime d'exonération de DMTG précédemment exposé . Seraient donc exonérées de tels droits les acquisitions en pleine propriété de petites entreprises dont la valeur du fonds ou des titres représentatifs n'excède pas 300.000 euros, effectuées au profit de salariés s'engageant à poursuivre leur activité dans l'entreprise pendant 5 ans, ou aux membres de la famille du cédant.

Ce dispositif entrerait en vigueur dès la publication de la loi.

Dans un souci de lisibilité , le nouvel article 732 bis reprend les dispositions d'exonération de droits d'enregistrement en cas de création d'une société de reprise , prévues au I bis de l'article 726, précité, qui est supprimé par l'article 15 du présent projet de loi. Cette mesure de codification permet de regrouper les régimes d'allègement de DMTO pour les reprises d'entreprises.

Selon une rédaction analogue à celle de l'actuel article 790 A, le nouvel article 732 ter prévoit une exonération de droits d'enregistrement pour :

- les cessions directes -donc sans création d'une société ad hoc- et en pleine propriété de fonds de commerce, fonds artisanaux, fonds agricoles ou clientèles d'une entreprise individuelle ;

- et les cessions directes de parts ou actions d'une société, à concurrence de la fraction de leur valeur représentative du fonds ou de la clientèle. Les autres éléments d'actif cédés sont imposés aux conditions de droit commun des DMTO.

Ce nouveau régime, qui ne s'applique qu'aux acquisitions en pleine propriété, suppose la réunion de cinq conditions cumulatives , quasiment identiques à celles posées par l'article 790 A pour l'exonération de DMTG :

1) L'entreprise ou la société doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier . Il s'agit donc des entreprises du secteur productif, ce qui exclut en particulier les sociétés civiles à prépondérance immobilière.

2) La vente doit être consentie :

- à un ou plusieurs salariés titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée depuis au moins 2 ans et qui exercent leurs fonctions à temps plein, ou titulaires d'un contrat d'apprentissage en cours, conclu avec l'entreprise ou la société cédée ;

- ou aux membres de la famille du cédant : le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS), les ascendants ou descendants en ligne directe ou les frères et soeurs.

3) La valeur du fonds ou de la clientèle cédée ou appartenant à la société cédée est inférieure à 300.000 euros , afin de cibler le dispositif sur les PME telles que commerces de proximité, artisans ou exploitations agricoles de petite taille.

4) Lorsque la vente porte sur des fonds, clientèles, parts ou actions acquis à titre onéreux, ceux-ci doivent avoir été auparavant détenus pendant au moins 2 ans par le cédant . Cette mesure, qui ne s'applique donc pas aux entreprises créées par le cédant ou ayant fait l'objet d'une donation, est destinée à éviter les détentions intercalaires ou quasi fictives dans le cadre de montage d'optimisation.

5) Enfin les acquéreurs doivent poursuivre pendant les 5 ans qui suivent la cession , à titre d'activité professionnelle unique et de façon effective et continue, l'exploitation du fonds ou de la clientèle cédés ou l'activité de la société cédée. En outre, l'un des acquéreurs doit assurer la direction effective de l'entreprise cédée pendant la même période. De façon logique, l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire durant cette période de 5 ans n'entraîne pas la déchéance du régime d'exonération.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

A l'initiative de notre collègue Nicolas Forissier, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement ayant pour objet d'atténuer l'effet de seuil de 300.000 euros sur la valeur du fonds ou des titres cédés. L'application du texte initial conduirait en effet à appliquer des DMTO à l'intégralité de l'assiette si la valeur de l'actif se situe légèrement au dessus de ce seuil.

Cet amendement substitue donc à l'exonération, dans le premier alinéa du texte proposé pour le nouvel article 732 ter du code général des impôts, un mécanisme de taxation avec abattement d'un montant équivalent, soit 300.000 euros.

Un second amendement du Gouvernement, adopté en seconde délibération , a permis de remédier à une imperfection du dispositif initialement adopté par l'Assemblée nationale. Le maintien d'un plafonnement à 300.000 euros de la valeur du fonds ou des titres transmis, comme condition d'éligibilité à l'abattement de même montant, conduisait en effet à reconstituer les défauts liés à l'effet de seuil de l'exonération. Cette condition a donc été supprimée : l'abattement de 300.000 euros est ainsi appliqué sans plafond sur la valeur des actifs transmis.

Un dispositif analogue a été adopté pour les DMTG à l'article 16 bis ( cf . commentaire correspondant).

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve les objectifs du présent dispositif d'abattement , tel que modifié par l'Assemblée nationale. Selon les informations transmises à votre commission spéciale, son coût budgétaire est estimé à environ 27 millions d'euros , le coût du dispositif initial (mécanisme d'exonération) ayant été évalué à 2 millions d'euros en 2008 et 5 millions d'euros en année pleine.

Joint à la convergence des taux prévue à l'article 15 du présent projet de loi, ce dispositif a vocation à faciliter la transmission de petites entreprises , qui constitue un problème chronique de l'économie française et est susceptible de concerner 700.000 entreprises dans les dix prochaines années. Une enquête de l'INSEE réalisée en 2002 révèle également que 10 % des cessions d'entreprises, quelle que soit leur taille, consistaient en un rachat par des salariés, et 14 % en des donations et successions, le solde se répartissant entre location-gérance et rachat par des tiers.

Ce régime d'allègement de l'imposition contribue également à garantir une certaine continuité et pérennité dans la gestion et la stratégie de l'entreprise cédée , dès lors qu'elle ne concerne que les repreneurs salariés ou membres de la famille du cédant, et non une autre société ou un fonds de capital-investissement.

Votre commission spéciale considère cependant que le nouveau dispositif peut donner prise à certains abus , consistant à fractionner la valeur du fonds ou des titres transmis selon une valeur proche de 300.000 euros pour bénéficier d'une exonération totale ou très majoritaire, et vous propose donc un amendement permettant de prévenir ce type de pratique.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 16 bis (nouveau) - (article 790 A du code général des impôts) Abattement de 300.000 euros sur les donations de fonds et de clientèles

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, modifie l'article 790 A du code général des impôts afin de substituer un mécanisme d'abattement à l'actuel dispositif d'exonération de droits de mutation à titre gratuit pour les donations de fonds de commerce, clientèles et titres de société.

I. Le droit en vigueur

Ainsi qu'il a été exposé dans le commentaire de l'article 16 du présent projet de loi, l'article 790 A du code général des impôts, créé par la loi n° 2003-721 du 1 er août 2003 pour l'initiative économique, a remplacé un dispositif d'abattement pour exonérer de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) les donations en pleine propriété de fonds de commerce (et de fonds artisanaux et agricoles), de clientèles d'entreprises individuelles et de parts ou actions (à concurrence de la fraction de la valeur des titres représentative du fonds ou de la clientèle), dont la valeur est inférieure à 300.000 euros et répondant aux cinq conditions cumulatives suivantes :

- l'entreprise transmise doit relever du secteur productif , ce qui exclut les sociétés civiles ;

- les donataires doivent être salariés de l'entreprise, sous contrat à durée déterminée à temps plein depuis au moins deux ans, ou des apprentis titulaires d'un contrat d'apprentissage en cours au jour de la transmission ;

- lorsqu'ils ont antérieurement été acquis à titre onéreux, les actifs remis doivent avoir été détenus pendant au moins deux ans par le donateur ;

- les donataires doivent s'engager à poursuivre une activité professionnelle exclusive pendant 5 ans au sein de l'entreprise ;

- enfin l'un des donataires doit assurer la direction effective de l'entreprise.

L'article 16 du présent projet introduit un dispositif analogue pour les droits de mutation à titre onéreux.

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

A l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur au nom de la commission des finances saisie pour avis, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a introduit par amendement le présent article, qui modifie l'article 790 A du code général des impôts, précité, et dont l'objet est d'atténuer l'effet du seuil d'exonération de 300.000 euros en lui substituant un mécanisme d'abattement.

Le 1° du présent article remplace donc l'exonération par un abattement de 300.000 euros , sur option exercée par le donataire, sur la valeur du fonds ou de la clientèle ou sur la valeur des titres représentative de ces actifs.

Un second amendement du Gouvernement, adopté en seconde délibération , a permis de remédier à une imperfection du dispositif initialement adopté par l'Assemblée nationale, qui portait de 300.000 à un million d'euros le plafonnement de la valeur des actifs transmis conditionnant l'éligibilité à l'abattement. Une telle disposition conduisait à maintenir un effet de seuil, à un niveau certes nettement supérieur. Le 2° du présent article abroge donc le plafond prévu par le c de l'article 790 A.

L'Assemblée nationale a adopté une modification semblable au dispositif d'allègement de droits de mutation à titre onéreux prévu par l'article 16 du présent projet de loi.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale partage la préoccupation de nos collègues députés sur l'effet de seuil de 300.000 euros , et approuve donc l'objectif du présent dispositif. D'après les informations recueillies auprès du Gouvernement, son coût budgétaire serait faible par rapport au mécanisme actuel d'exonération, les donations de fonds et titres dont la valeur est supérieure à 300.000 euros étant rares.

Votre commission spéciale vous propose néanmoins d'introduire par amendement un dispositif « anti-abus » analogue à celui proposé pour l'article 16 du présent projet de loi.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 17 - (article 199 terdecies-0 B du code général des impôts) Amélioration de la réduction d'impôt sur le revenu au titre des emprunts contractés pour acquérir une fraction du capital d'une société non cotée à l'occasion d'une opération de reprise

Commentaire : cet article propose d'élargir le dispositif de la réduction d'impôt sur le revenu accordée au titre des emprunts souscrits pour la reprise d'une entreprise non cotée.

I. Le droit en vigueur

L'article 42 de la loi n° 2003-721 du 1 er août 2003 pour l'initiative économique (dite « loi Dutreil »), permet aux contribuables domiciliés fiscalement en France de bénéficier, sous certaines conditions, d'une réduction d'impôt sur le revenu, égale à 25 % du montant des intérêts d'emprunt qu'ils ont contractés pour acquérir dans le cadre d'une opération de reprise, une fraction du capital d'une société non cotée sur un marché réglementé. Ces dispositions ont été codifiées à l'article 199 terdecies -0 B du code général des impôts.

A. Les conditions à respecter pour bénéficier de la réduction d'impôt

Enumérées des a à e du I de l'article 199 terdecies -0 B du code général des impôts, les conditions à remplir afin de bénéficier de la réduction d'impôt dépendent, pour certaines, des contribuables et, pour les autres, de la société reprise.

S'agissant de l'acquéreur, celui-ci doit :

- prendre l'engagement de conserver les titres de la société reprise jusqu'au 31 décembre de la 5 ème année suivant celle de l'acquisition ;

- détenir , du fait de l'acquisition, au moins 50 % des droits de vote attachés aux titres de la société reprise ;

- exercer, à compter de l'acquisition, l'une des fonctions énumérées au 1° de l'article 885 O bis du code général des impôts , relatifs aux exonérations de l'outil de travail au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Autrement dit, il doit être soit gérant nommé conformément aux statuts d'une société à responsabilité limitée ou en commandite par actions, soit associé en nom d'une société de personnes, soit président, directeur général, président du conseil de surveillance ou membre du directoire d'une société par actions.

De plus, aux termes du 1° de l'article 885 O bis précité, ces fonctions doivent être effectivement exercées et donner lieu à une rémunération normale. Celle-ci doit représenter plus de la moitié des revenus à raison desquels l'intéressé est soumis à l'impôt sur le revenu dans les catégories des traitements et salaires, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices agricoles, bénéfices non commerciaux, revenus des gérants et associés.

Pour sa part, la société reprise :

- ne doit pas être cotée ;

- doit avoir son siège situé en France ou dans un autre Etat membre de la Communauté européenne et être soumise à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou à un impôt équivalent ;

- ne doit pas avoir dépassé 40 millions d'euros de chiffre d'affaires hors taxes au cours de l'exercice précédant l'acquisition ou doit avoir un total du bilan inférieur à 27 millions d'euros à l'issue du même exercice.

B. Montant de la réduction d'impôt

Lorsque l'ensemble des conditions citées ci-dessus est respecté, les contribuables peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt de 25 % du montant des intérêts des emprunts contractés pour acquérir, dans le cadre d'une opération de reprise, une fraction du capital de la société.

Toutefois, ce dispositif est plafonné à hauteur de 10.000 euros d'intérêts pris en compte pour les contribuables célibataires , veufs ou divorcés et 20.000 euros pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune .

C. Règles relatives au non-cumul et à la reprise de la réduction d'impôt

Aux termes du III de l'article 199 terdecies -0 B du code général des impôts, les titres dont l'acquisition a ouvert droit à la réduction d'impôt ne peuvent figurer ni dans un plan d'épargne en actions (PEA), ni dans un plan d'épargne d'entreprise (PEE) ou assimilé.

Le V du même article dispose que la réduction d'impôt est reprise au titre de l'année au cours de laquelle l'une des conditions suivantes n'est plus remplie : l'engagement de conservation des titres jusqu'au 31 décembre de la 5 ème année suivant celle de l'acquisition, la détention de 50 % au moins des droits de vote, l'exercice effectif de fonctions dirigeantes, l'établissement du siège social de la société dans l'Union européenne et l'assujettissement de la société à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun. Toutefois, cette reprise ne s'effectue pas en cas de décès ou d'invalidité de l'acquéreur, sous réserve que les conditions liées à la localisation du siège social et à l'assujettissement de la société à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun demeurent remplies.

Enfin, d'après les dispositions du VI du même article, en cas de cession des titres ou de non-respect des conditions relatives à la détention minimale du capital, à l'exercice d'une fonction dirigeante, à la situation géographique de l'entreprise ou à son assujettissement à l'impôt sur les sociétés au-delà du 31 décembre de la 5 ème année suivant celle de l'acquisition, la réduction d'impôt cesse, sans être reprise, à compter du 1 er janvier de l'année considérée. En cas de respect de l'ensemble des conditions, la réduction d'impôt peut donc couvrir l'intégralité de la durée des emprunts souscrits .

II. Le dispositif initialement proposé

Le présent article propose principalement de renforcer la réduction d'impôt sur les intérêts d'emprunts pour rachat d'entreprise non cotée, d'une part en assouplissant la condition d'acquisition d'une fraction minimale du capital de la société reprise, et d'autre part, en doublant le plafond des intérêts retenus pour le calcul de cette réduction d'impôt sur le revenu.

A. L'assouplissement de la condition de détention

Le 1° du A du I propose de modifier le b du I de l'article 199 terdecies -0 B de sorte d'assouplir la condition d'acquisition d'une fraction minimale du capital.

Il est ainsi proposé de ramener le seuil d'acquisition minimale à 25 % au moins des droits de vote et des droits dans les bénéfices sociaux . Il est à noter que ce seuil se retrouve dans plusieurs autres dispositions fiscales, comme la qualification des titres de sociétés en tant que biens professionnels pour le calcul de l'ISF.

En outre, pour l'appréciation de cette condition, il sera également tenu compte des droits acquis dans la société par les personnes suivantes qui participent à l'opération de reprise :

- le conjoint de l'acquéreur, ainsi que leurs ascendants et descendants ;

- ou, lorsque l'acquéreur est un salarié, les autres salariés de cette même société .

Dans ces conditions, l'ensemble des personnes participant à l'opération de reprise visées ci-dessus pourra bénéficier de la réduction d'impôt sur le revenu , sous réserve du respect des autres conditions (engagement de conservation notamment). Cet avantage ne sera donc plus réservé aux seuls dirigeants, comme actuellement.

En revanche, il convient de préciser que pour l'appréciation du seuil de 25 %, il n'est tenu compte que des actions acquises à l'occasion d'une opération de reprise, ce qui signifie que les actions éventuellement détenues avant l'opération par les personnes visées ci-dessus n'entrent pas dans le calcul .

B. Le doublement du plafond de la réduction d'impôt

Le B du I du présent article propose de modifier le II de l'article 199 terdecies -0 B afin de doubler les plafonds des intérêts retenus pour le calcul de la réduction d'impôt.

Le montant maximum des intérêts pris en compte serait donc désormais de 20.000 euros pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 40.000 euros pour les contribuables mariés ou liés par un pacte civil de solidarité, soumis à une imposition commune.

C. L'introduction d'une condition d'activité

Parallèlement aux assouplissements évoqués supra , le présent article propose de mieux cibler les sociétés reprises. A cette fin, le 5° du A du I du présent article tend à préciser que, pour permettre aux repreneurs de bénéficier de l'avantage fiscal, la société doit exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, à l'exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou mobilier . Actuellement, aucune condition tenant à la nature de l'activité exercée par la société reprise n'est exigée.

D. Le renforcement des règles de non-cumul d'avantages fiscaux

Le C du I du présent article propose de modifier le III de l'article 199 terdecies -0 B du code général des impôts, relatif aux règles de non-cumul de la réduction d'impôt avec d'autres avantages fiscaux. Il s'agit de le compléter pour prendre en compte des dispositifs nouveaux ou pour tenir compte de difficultés jurisprudentielles .

Il est donc proposé d'interdire le cumul de la réduction d'impôt avec :

- la réduction d'impôt sur le revenu et la réduction d'ISF pour souscription au capital de PME non cotées (respectivement « réduction Madelin » codifiée à l'article 199 terdecies -0 A du code général des impôts et dispositif issu de l'article 16 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, codifiée à l'article 885-0 V bis du même code) ;

- la déduction des intérêts pour l'acquisition de parts ou actions de sociétés coopératives de production (SCOP) issues de la transformation d'une entreprise existante, prévue par le 2° quinquies de l'article 83 du code général des impôts ;

- et la déduction des intérêts d'emprunt contractés pour l'acquisition des parts ou actions de la société dans laquelle le contribuable est salarié ou dirigeant rémunéré prévue au 3° du même article 83.

E. Le renforcement de la condition de conservation

Le deuxième alinéa du 1° du D du I du présent article propose de modifier les conditions entraînant la reprise de la réduction d'impôt figurant au 1° du V de l'article 199 terdecies -0 B.

Il est proposé d'ajouter au dispositif actuel le fait que le remboursement des titres par réduction de leur valeur nominale constitue une rupture de l'engagement de conservation des titres, quand bien même ils sont conservés par le repreneur.

La reprise sera effectuée au titre de l'année au cours de laquelle intervient la rupture de l'engagement de conservation mentionné au a du I ou le remboursement des apports, lorsque ce dernier intervient avant le terme du délai mentionné au même a du I.

F. La modification des règles de reprise de la réduction d'impôt

Le 2° du D du I du présent article modifie le dernier alinéa du V de l'article 199 terdecies -0 B, qui prévoit que par exception, la rupture de l'engagement de conserver les titres de la société jusqu'à la fin de la 5 ème année suivant celle de l'acquisition ou le non-respect au cours de ce délai de la condition tenant à la possession de la majorité des droits de vote attachés à ces titres ou de la condition relative à l'exercice de certaines fonctions dans la société n'entraîne pas la reprise de l'avantage fiscal, lorsque ces manquements sont dus au décès ou à l'invalidité de l'acquéreur.

D'une part, il est proposé d'intégrer la condition relative à la nature de l'activité de la société, conformément aux autres dispositions du présent article, aux conditions d'application de la non-reprise de la réduction d'impôt.

D'autre part, il est proposé de prévoir également les situations dans lesquelles la rupture de l'engagement de conservation des titres pendant 5 ans résulte d'une réduction de capital motivée par des pertes ou d'une liquidation judiciaire ou est la conséquence d'une fusion ou d'une scission de la société reprise.

G. Les mesures de précision et d'harmonisation avec les règles européennes

Le 3° du A du I du présent article propose de modifier la condition de localisation géographique du siège social de l'entreprise reprise figurant au d du I de l'article 199 terdecies -0 B du code général des impôts et sa soumission à l'IS.

Ainsi, désormais, la société reprise devrait avoir son siège social dans un Etat membre de la Communauté européenne, comme actuellement, « ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale » en vue de correspondre pleinement au droit communautaire.

Par ailleurs, il est proposé d'aligner la rédaction liée à la soumission à l'IS de la société reprise avec celle de la réduction d'impôt dite « Madelin » codifiée à l'article 199 terdecies -0 A.

De plus, le 4° du A du I du présent article propose de modifier le e du I de l'article 199 terdecies -0 B relatif à la condition de taille de la société reprise, afin de viser explicitement la définition communautaire de la PME.

Enfin, le 6° du A du I du présent article propose de compléter le I de l'article 199 terdecies -0 B par un alinéa précisant que la condition relative à la qualification de PME au sens communautaire de la société reprise doit s'apprécier à la date de la reprise, c'est-à-dire à la date à laquelle le seuil de 25 % est franchi par les acquéreurs éligibles.

H. Autres dispositions

Le F du I du présent article propose de compléter l'article 199 terdecies -0 B par un VII précisant qu'un décret fixe les conditions de son application, notamment les obligations déclaratives incombant aux contribuables et aux sociétés.

Le troisième alinéa du 1° du D et le E du I du présent article sont des dispositions de coordination.

Enfin, le II du présent article précise que ses dispositions s'appliquent aux emprunts contractés à compter du 28 avril 2008 (date du Conseil des ministres ayant adopté le présent projet de loi), les dispositions relatives au doublement des plafonds de réduction d'impôt s'appliquant toutefois aux intérêts payés à compter du 1 er janvier 2008.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche visant à faire bénéficier les partenaires pacsés des mêmes droits et obligations que les personnes mariées au regard du dispositif proposé par le présent article .

IV. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur constate que les propositions du présent article peuvent être de nature à dynamiser une réduction d'impôt dont la lourdeur et les contraintes pouvaient nuire à l'efficacité en termes de reprise de petites et moyennes entreprises : en 2007, la dépense fiscale s'élevait à environ 1 million d'euros pour 1 580 foyers bénéficiaires. D'après les informations transmises par le Gouvernement, la dépense fiscale associée au nouveau dispositif devrait s'élever à 5 millions d'euros.

En outre, les propositions du présent article sont équilibrées : il ne s'agit pas que d'assouplir les critères d'éligibilité mais, parallèlement, de s'assurer, d'une part, que les entreprises reprises ont une activité réelle et, d'autre part, de mieux assurer que cette réduction d'impôt ne se cumule pas avec d'autres avantages fiscaux.

Votre commission spéciale approuve donc l'économie générale de cet article.

Cependant, comme pour l'ensemble des dépenses fiscales, il paraît sage d'introduire, à l'occasion de cette réforme, une « clause de rendez-vous » afin de juger de l'efficacité réelle des mesures proposées dans l'optique d'une éventuelle prolongation. A cet égard, le caractère non borné dans le temps de l'actuelle réduction d'impôt ne semble pas très vertueuse.

C'est pourquoi votre commission spéciale vous propose un amendement tendant à limiter la réduction d'impôt accordée au titre de l'article 199 terdecies -0 B du code général des impôts aux reprises d'entreprises effectuées avant le 31 décembre 2011 . Trois ans après l'adoption du présent projet de loi, il sera temps de tirer le bilan de ce dispositif, notamment en termes de nombre d'entreprises reprises et d'activité engendrée.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 17 - (articles L. 120-20-12, L. 314-1 et L. 314-12 du code de la consommation) Prêt viager hypothécaire

Commentaire : cet article reprend, dans le titre I er du projet de loi, les dispositions de l'article 22 quater adopté par les députés sur le prêt viager hypothécaire.

I. Le droit en vigueur

Créé par l'ordonnance du 23 mars 2006 qui a modernisé en profondeur le droit des sûretés, le prêt viager hypothécaire a été instauré pour répondre aux besoins des personnes âgées propriétaires, notamment celles qui rencontrent des difficultés d'accès au crédit.

Le prêt viager hypothécaire est défini par l'article L. 314-1 du code de la consommation comme « un contrat par lequel un établissement de crédit ou un établissement financier consent à une personne physique un prêt sous forme d'un capital ou de versements périodiques, garanti par une hypothèque constituée sur un bien immobilier de l'emprunteur à usage exclusif d'habitation et dont le remboursement -principal et intérêts- ne peut être exigé qu'au décès de l'emprunteur ou lors de l'aliénation ou du démembrement de la propriété de l'immeuble hypothéqué ».

Alternative intéressante à la vente ou au viager classique, le prêt viager hypothécaire permet aux personnes âgées propriétaires d'emprunter, dans des conditions sécurisées, une somme qui sera remboursée à l'issue de l'opération, c'est-à-dire, en général, lors du décès de l'emprunteur.

Le prêt viager hypothécaire présente les principales caractéristiques suivantes :

- il est versé en une seule fois ou de manière périodique ;

- le remboursement du capital et des intérêts intervient au dénouement du contrat (décès, cession du bien ou démembrement de la propriété du bien) ;

- la dette est plafonnée à la valeur du bien au dénouement du contrat. Si cette valeur du bien excède la dette, la différence est transmise aux héritiers (en cas de décès) ou à l'emprunteur (s'il a décidé de vendre son bien). Si elle est inférieure à la dette, l'établissement de crédit ne peut réclamer aucun dédommagement et doit prendre à son compte le résultat négatif. Les héritiers peuvent dans tous les cas décider de rembourser la dette et conserver le bien ;

- il peut faire l'objet d'un remboursement anticipé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Dans la mesure où, contrairement à un prêt hypothécaire classique, la dette s'accroît au cours du temps, la règle du plafonnement fait peser sur l'établissement de crédit un double risque : un risque de longévité de l'emprunteur (accroissement de la dette au-delà de la valeur du bien du fait de la capitalisation des intérêts) et un risque d'évolution à la baisse du marché immobilier (baisse de la valeur du bien en dessous de la dette anticipée).

Ces incertitudes justifient donc l'octroi d'un certain nombre de garanties aux prêteurs. Pour ce faire, l'ordonnance du 23 mars 2006 dispose que le bien hypothéqué est évalué par un expert tant à la conclusion du contrat qu'à son dénouement. De même, l'emprunteur doit apporter à l'immeuble hypothéqué tous les soins d'un « bon père de famille » : il ne peut en conséquence refuser au créancier, sous peine de déchéance du terme, l'accès de l'immeuble hypothéqué au créancier lorsque ce dernier souhaite s'assurer de son bon état d'entretien et de conservation. Enfin, l'ordonnance prévoit des clauses d'attribution de la propriété du bien au prêteur en cas de fraude manifeste de l'emprunteur (vente de complaisance), de refus des héritiers, à la fois de rembourser et de vendre le bien, ou de succession vacante.

L'emprunteur est, pour sa part, protégé par des dispositions spécifiques du code de la consommation. A cet effet, le démarchage sur le lieu du domicile ou du travail est interdit et la publicité est encadrée. Le prêt est conclu dans les conditions d'une offre préalable de crédit. Comme pour un crédit immobilier, l'acceptation de l'offre ne peut intervenir qu'après un délai de réflexion de dix jours à compter de la réception de l'offre. A l'issue de ce délai, l'acceptation de l'offre fait l'objet d'un acte notarié. Le passage devant le notaire garantit un deuxième stade de conseil et permet d'assurer le même type de diligences que lorsqu'une personne âgée vend son bien pour consommer son capital. Le coût global du crédit et le taux effectif global sont calculés sur la base d'exemples représentatifs.

Enfin, cette formule est plus protectrice des droits des héritiers que les autres modes de transformation du patrimoine des personnes âgées en liquidités. De fait, le prêt viager hypothécaire autorise les héritiers à percevoir le solde de la vente après remboursement du prêt, ce que ne permet pas le viager classique, voire de conserver le bien en remboursant le prêt, ce que ne permet pas la vente simple.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous propose, après l'article 17, d'insérer, par un amendement , un article additionnel tendant à reprendre les dispositions de l'article 22 quater sur le prêt viager hypothécaire, dans un souci de bonne organisation du projet de loi.

Votre rapporteur note que ces dispositions, adoptées à l'initiative de M. Michel Piron, ont pour objet d'accélérer la diffusion de ce produit, dont les premiers résultats de commercialisation ne s'avèrent pas concluants. En effet, seul un établissement bancaire propose aujourd'hui cette formule au consommateur, pour des résultats encore modestes. Les mesures adoptées par les députés devraient, à cet égard, être de nature à accroître le recours à cet instrument bancaire en incitant d'autres réseaux bancaires à se saisir de ce marché.

Il vous est donc proposé une reprise à l'identique des dispositions de l'article 22 quater .

l Le paragraphe I modifie l'article L. 121-20-12 du code de la consommation au terme duquel, en l'état du droit en vigueur, l'acheteur bénéficie d'un délai de rétractation de quatorze jours en cas de vente d'un tel produit par l'intermédiaire d'un système de vente ou de prestations de service à distance. Par ailleurs, en tant que prêt immobilier, il bénéfice également des protections liées à l'application des articles L. 314-6 et L. 314-7 du même code. Il résulte donc de ces dispositifs que le consommateur dispose d'un délai de réflexion de dix jours, comme pour toute opération de crédit immobilier. Les dispositions de ce paragraphe ont donc pour objet d'harmoniser pleinement le régime de protection du consommateur du prêt viager hypothécaire sur celui des prêts immobiliers puisqu'au regard des protections déjà existantes, il apparaît en définitive moins nécessaire de prévoir un délai de rétractation spécifique. Votre rapporteur ajoute au demeurant qu'aux termes de l'article L. 314-4, une opération de prêt viager hypothécaire ne peut faire l'objet d'un démarchage commercial, ce qui apporte, là encore, des garanties solides au consommateur.

l Le paragraphe II modifie l'article L. 314-1 du code de la consommation. Il permet explicitement aux établissements bancaires distribuant cette catégorie de prêts de capitaliser les intérêts accumulés au fil des années. En effet, sans interdire formellement une telle possibilité, la rédaction de cet article pouvait être sujette à interprétation. Afin de dissiper toute ambiguïté sur cette question essentielle pour la commercialisation du prêt viager hypothécaire, il est proposé de faire apparaître dans le code de la consommation la notion de capitalisation.

l Enfin, le paragraphe III permet à l'emprunteur d'arbitrer entre une faculté d'accélérer les versements et l'octroi de meilleures conditions financières du prêt, en termes de taux et de quotité prêtée. De fait, il n'est pas aujourd'hui possible de déroger contractuellement à la faculté donnée, par l'article L. 314-12 du code de la consommation, à l'emprunteur de demander une suspension ou une modification de l'échéancier des versements périodiques prévus pour le capital. Les établissements prêteurs facturent donc à l'ensemble des clients le risque que représente pour eux une accélération du calendrier de paiement pour un prêt viager hypothécaire versé en capital. Les dispositions du III permettent donc au contrat de contenir des stipulations relatives à l'accélération des versements du prêt viager hypothécaire. Une telle modification du rythme des versements resterait, en tout état de cause, à l'initiative de l'emprunteur et interviendrait dans les conditions contractuelles initiales, notamment en termes de taux.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article 17 bis (nouveau) - (article L. 129-1 du code de commerce) Tutorat assuré par le cédant après la cession d'une entreprise

Commentaire : cet article étend les cas dans lesquels le cédant d'une entreprise commerciale, artisanale ou de services peut, après cette cession, conclure avec le cessionnaire une convention aux termes de laquelle il s'engage à réaliser une prestation temporaire de tutorat.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a été adopté avec l'avis favorable du Gouvernement.

Actuellement, le cédant d'une entreprise commerciale, artisanale ou de services doit avoir liquidé ses droits à pension de retraite. Cette condition qui expose le cédant à une accusation de travail dissimulé si les droits n'ont pas été liquidés est supprimée. Par ailleurs, le tutorat est étendu à la cession des « entreprises libérales ».

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve la clarification de l'exercice du tutorat et son extension aux professions libérales.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 17 bis Assurance de la souscription de capital par les salariés d'une entreprise lors de son rachat et de sa transformation en société coopérative de production (SCOP)

Commentaire : cet article additionnel propose de fournir une garantie équivalente à celle de l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) pour les salariés souscrivant au capital d'une entreprise et la transformant en société coopérative de production (SCOP) .

Le rachat par leurs salariés de PME ou d'entreprises non cotées constitue une solution à encourager pour le développement de la transmission d'entreprises, que plusieurs articles du présent projet de loi visent à encourager.

Pour faciliter ces possibilités de reprise, il semble opportun d'étendre la garantie de l'association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS), relevant de l'article L. 3253-8 du code du travail. En effet, ces dispositions bénéficient déjà aux salariés plaçant leur participation salariale en compte courant bloqué dans l'entreprise. Il paraît donc équitable de faire bénéficier les salariés d'une garantie équivalente dans le cas de souscription au capital de leur entreprise transformée en société coopérative de production (SCOP) .

Afin que cette extension de garantie bénéficie d'un financement privé, il serait créé, pour le périmètre des SCOP, un fonds de développement coopératif alimenté par le reversement des montants des réserves impartageables des sociétés coopératives de production ayant obtenu l'autorisation ministérielle de sortie du statut coopératif , sauf cas de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. En pratique, ce fonds prendrait la forme d'un compte collectif ouvert à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et serait géré par le mouvement coopératif de production.

Un arrêté préciserait les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article 18 Habilitation à réformer par ordonnance le régime des incapacités commerciales et industrielles

Commentaire : cet article a pour objet d'habiliter le Gouvernement a réformer, par ordonnance, le régime des incapacités commerciales et industrielles défini au chapitre VIII du titre II du livre Ier du code de commerce.

I. Le droit en vigueur

Le régime des incapacités commerciales et industrielles, défini au chapitre VIII du titre II du livre Ier du code de commerce, vise à interdire à une personne ayant fait l'objet de certaines condamnations pénales ou de mesures de déchéance professionnelle d'exercer certaines activités à caractère commercial ou industriel. Dans ses dispositions actuelles, il résulte de l'ordonnance n° 2005-428 du 6 mai 2005 relative aux incapacités en matière commerciale et à la publicité du régime matrimonial des commerçants.

Aux termes de l'article L. 128-1 du code de commerce, une personne ayant fait l'objet depuis moins de dix ans d'une condamnation définitive pour l'une des infractions limitativement énumérées par cet article -à savoir tout crime et certaines infractions lorsqu'elles ont donné lieu au prononcé d'une peine de trois mois d'emprisonnement sans sursis- ou à raison d'une destitution d'une charge d'officier public ou ministériel ne peut, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, entreprendre l'exercice d'une profession commerciale ou industrielle, diriger, administrer, gérer ou contrôler, à un titre quelconque, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

Les personnes faisant l'objet de l'une de ces condamnations doivent cesser leur activité dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la décision entraînant l'incapacité d'exercer est devenue définitive.

Cette sanction a ainsi un caractère automatique . Elle est certes moins forte que sous l'empire de la législation antérieure à 2005, puisqu'elle ne peut dépasser dix ans . En outre, la juridiction qui a prononcé la destitution d'un officier public ou ministériel peut, à la demande de celui-ci, soit le relever de l'incapacité, soit en réduire la durée.

Néanmoins, son automaticité constitue sans doute une entrave disproportionnée à la liberté d'entreprendre, notamment lorsqu'est envisagée la reprise d'une activité ayant un autre objet de celle au cours de laquelle la condamnation est intervenue. Il est sans doute souhaitable d'accorder au juge, en conséquence, une faculté d'appréciation, au cas par cas, pour décider de l'appliquer à une personne condamnée à certaines infractions.

II. Le dispositif initialement proposé

Le premier paragraphe (I) du présent article prévoit d'habiliter le Gouvernement à modifier par ordonnance l'ensemble du régime des incapacités commerciales et industrielles aujourd'hui en vigueur .

Le délai d'habilitation est fixé à six mois , le projet de loi de ratification devant être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l'ordonnance.

Trois types de modifications sont envisagés :

- d'une part, la création, pour les infractions énumérées à l'article L. 128-1 du code de commerce, d'une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle , de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

Selon les éléments d'information communiqués à votre co-rapporteur, l'avant-projet d'ordonnance devrait créer une peine complémentaire qui pourrait prévoir une interdiction d'exercice, à titre définitif ou temporaire . Dans ce dernier cas, sa durée serait de dix ans au plus ;

- d'autre part, l'institution une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise , pour les infractions mentionnées à l'article L. 128-1 du code de commerce pour lesquelles une telle peine complémentaire n'était pas prévue.

Sur ce fondement, le Gouvernement devrait mieux prendre en compte la nature et la gravité des infractions commises en permettant au juge de décider de prononcer une incapacité à exercer une fonction publique ainsi que l'activité au cours de laquelle ces infractions ont été commises. Cette peine d'interdiction pourra être définitive ou provisoire, de dix ans au plus ou, dans certaines situations, de cinq ans au plus, en particulier en cas de condamnation pour vol simple ;

- enfin, la mise en place d'une peine alternative d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

L'habilitation renvoyant aux conditions prévues à l'article 131-6 du code pénal, il en découle que cette peine spécifique pourra être prononcée par le juge en lieu et place d'une peine d'emprisonnement . Cette mesure pourra le cas échéant, être prise cumulativement à une ou plusieurs autres peines privatives ou restrictives de liberté suivantes prévues par cet article L. 131-6.

Selon le Gouvernement, cette peine alternative ne pourrait être prononcée que pour une durée de cinq ans .

En conséquence, le premier paragraphe (I) de cet article prévoit l'abrogation de l'ensemble du chapitre VIII du titre II du livre Ier du code de commerce à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance .

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale soutient le principe d'une suppression d'une incapacité d'exercice qui s'applique automatiquement, sans appréciation du juge, dès lors qu'une infraction pénale déterminée a été commise .

L'état du droit positif n'est en effet pas satisfaisant. Sur le fond, cette interdiction peut, dans certaines situations, apparaître disproportionnée. Par ailleurs, sur le plan strictement juridique, on peut se demander si l'automaticité actuelle n'est pas contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui pose le principe de la nécessité des peines.

La création de peines complémentaires ou alternatives nécessitant la modification de nombreuses dispositions, le Gouvernement a souhaité proposer au Parlement de l'habiliter à intervenir par ordonnance pour y procéder .

Votre commission spéciale est néanmoins opposée, dans son principe, au recours à la législation déléguée en matière pénale.

Aussi vous propose-t-elle d'apporter elle-même les modifications nécessaires à la mise en oeuvre de la réforme proposée , par un amendement de réécriture globale de l'article 18 et trois amendements portant articles additionnels après l'article 18.

Le texte proposé par le premier amendement prévoit en conséquence, à l'article 131-27 du code pénal, le régime de la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle. Cette peine pourra être prononcée par la juridiction soit à titre définitif, soit pour une période de dix ans au plus.

La possibilité de prononcer une telle peine est prévue lorsqu'une personne physique a été reconnue coupable d'une des infractions suivantes, relevant du code pénal :

- crime contre l'humanité ;

- crime contre l'espèce humaine ;

- atteinte volontaire à la vie ;

- tortures et actes de barbarie, coups mortels, violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente aggravée, crimes de violences habituelles sur mineur de quinze ans ou sur personne vulnérable, administration de substances nuisibles, viol, trafic de stupéfiants ;

- délaissement criminel ;

- séquestration et détournement de moyen de transport ;

- conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité ;

- traite des êtres humains, proxénétisme, recours à la prostitution de mineurs ou de personnes vulnérables, racolage ;

- délaissement de mineur aggravé, mise en péril des mineurs aggravée ;

- vol et vol aggravé ;

- extorsion, chantage, demande de fonds sous contrainte ;

- escroquerie, abus de confiance, organisation frauduleuse de l'insolvabilité, faux, fausse monnaie, falsification des titres ou autres valeurs fiduciaires, falsification des marques de l'autorité, corruption, association de malfaiteurs ;

- recel et infractions assimilées ;

- crime d'incendie dans des conditions de nature à causer un dommage corporel ou à l'environnement ;

- blanchiment ;

- trahison, espionnage, attentat, complot, mouvement insurrectionnel, usurpation de commandement, atteinte à la défense nationale ;

- terrorisme ;

- atteinte criminelle à la liberté individuelle, corruption passive et trafic d'influence commis par les personnes publiques, soustraction et détournement de biens ;

- corruption active et trafic d'influence commise par les particuliers ;

- entrave criminelle à l'exercice de la justice et aide criminelle à l'évasion.

En outre, la rédaction proposée institue, à l'article 131-6 du code pénal, une peine alternative d'interdiction d'exercer une profession industrielle ou commerciale, lorsque le délit commis est sanctionné d'une peine d'emprisonnement.

En conséquence de ces modifications, le chapitre VIII du titre II du livre I er du code de commerce est abrogé.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Articles additionnels après l'article 18 Infractions hors du code pénal pouvant donner lieu au prononcé d'une peine complémentaire d'interdiction d'exercer en matière commerciale ou industrielle

Commentaire : ces trois articles additionnels tendent à définir les infractions ne relevant pas du code pénal pour lesquelles la juridiction pourra prononcer une peine complémentaire d'interdiction d'exercer en matière commerciale ou industrielle.

Comme annoncé dans le commentaire de l'article précédent, votre commission spéciale vous soumet trois amendements tendant à créer autant d'articles additionnels après l'article 18 afin de déterminer, dans divers codes ou lois non codifiées, les infractions qui pourront faire l'objet :

- d'une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle , de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale ;

- d'une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise .

Par le premier article additionnel, votre commission spéciale vous propose, dans le domaine du droit des sociétés et des procédures collectives , de prévoir une peine complémentaire d'interdiction d'exercer en matière commerciale ou industrielle ou d'exercer une fonction publique ou l'activité pendant laquelle ont été commis :

- l'ensemble des délits relatifs au droit des sociétés ;

- le délit de banqueroute.

Elle vous suggère également d'y prévoir les mêmes mesures, dans le cadre des dispositions du code de la consommation , en cas :

- de violation des règles relatives aux appellations d'origine contrôlée ;

- de délit de démarche et d'abus de faiblesse ;

- de tromperie ;

- de fraudes et falsifications ;

- de prêt usuraire.

Par un deuxième article additionnel, votre commission spéciale vous invite à prévoir de telles peines en cas de condamnations prononcées dans le cadre :

- de la prohibition des loteries ;

- de la tenue des maisons de jeux de hasard ;

- de la réglementation des casinos.

Par un troisième et dernier article additionnel, elle vous soumet des dispositifs visant à instituer les mêmes peines en cas de condamnations dans le cadre :

- de la réglementation relative aux relations financières avec l'étranger ;

- d'une fraude fiscale ;

- d'un travail dissimulé ;

- d'usage d'armes chimiques ;

- de détournement de navire, d'altération des vivres ou de mutinerie ;

- de dégradation des équipements aéronautiques ou d'entrave à la navigation ;

- d'irruption dans un collège électoral en plan concerté ;

- de crimes en matière militaire.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter ces trois articles additionnels.

Article 19 Habilitation à modifier par ordonnance les règles relatives aux difficultés des entreprises, à la fiducie et au gage sans dépossession

Commentaire : cet article habilite le Gouvernement à modifier, par ordonnance, les règles relatives aux difficultés des entreprises, à la fiducie et au gage sans dépossession.

I. Le droit en vigueur

A. Les règles relatives aux difficultés des entreprises résultant de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises

Sans remettre en cause les objectifs fondamentaux de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises, à savoir le sauvetage des entreprises et des emplois, la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises a cherché à parvenir à un meilleur équilibre permettant d'intervenir au plus tôt lorsqu'une entreprise est en difficulté, sans que les droits de ses créanciers soient totalement lésés.

A cet effet, elle a créé une nouvelle procédure collective, la procédure de sauvegarde, susceptible d'être ouverte aux entreprises qui connaissent des difficultés qu'elles ne sont pas en mesure de surmonter, de nature à les conduire à la cessation des paiements. Elle a également renforcé le règlement non judiciaire des difficultés des entreprises en instituant une procédure de conciliation susceptible d'être ouverte avant la cessation des paiements ou dans les quarante-cinq jours de sa survenue.

Cette réforme a par ailleurs été guidée par le souci de réduire l'aspect punitif des procédures collectives , le recours aux procédures d'insolvabilité ne devant en effet pas avoir pour objectif premier de sanctionner le débiteur mais de l'aider à rétablir sa situation économique, financière et sociale par des mesures appropriées. Néanmoins, la loi du 26 juillet 2005 laisse subsister des sanctions à l'égard des dirigeants qui, sciemment, auraient contribué aux difficultés de leur entreprise, mettant souvent, ce faisant, d'autres entreprises dans des situations difficiles.

La réforme a, en outre, étendu le champ d'application des procédures collectives aux professions indépendantes, y compris libérales , afin de remédier à la situation antérieure qui faisait que ces professionnels ne pouvaient bénéficier ni des mesures de traitement du surendettement, ni des règles des procédures collectives.

Issue d'un travail de réflexion et de concertation de plusieurs années et s'inspirant notamment des suggestions formulées par l'Office parlementaire d'évaluation de la législation en 2001, cette loi est aujourd'hui bien acceptée par les professionnels .

Les juridictions recourent volontiers aux nouvelles procédures que sont la conciliation et la sauvegarde. Depuis 2006, 70 % des tribunaux statuant en matière commerciale ont ouvert au moins une procédure de sauvegarde. Cette procédure a été appliquée à des entreprises de toutes tailles, non seulement celles de la dimension d'Eurotunnel, par exemple, mais aussi de plus petites : ainsi 85 % des procédures de sauvegarde ouvertes l'ont été à l'égard d'entreprises de moins de 50 salariés.

Sans doute seuls quelque 1.200 jugements d'ouverture de procédure de sauvegarde ont-ils été prononcés depuis le 1 er janvier 2006, ce qui peut paraître peu élevé au regard des 47.000 à 48.000 jugements d'ouverture de redressement et de liquidation judiciaires prononcés chaque année, tandis que le nombre des défaillances d'entreprises s'est accru de 2,7 % en 2007.

Il faut néanmoins prendre en considération le fait que :

- d'une part, la loi du 26 juillet 2005 n'est applicable que depuis un peu plus de deux ans, ses derniers décrets d'application, en particulier ceux concernant les remises de dettes par les créanciers publics, n'étant du reste intervenus qu'en février et mai 2007 ;

- d'autre part, certaines juridictions ont délibérément privilégié le mandat ad hoc ou la procédure de conciliation au détriment de la procédure de sauvegarde, alors même que le débiteur aurait pu prétendre au bénéfice de cette dernière. En elle-même, cette situation n'a cependant rien d'anormal puisque l'ambition du législateur en 2005 a été d'offrir aux chefs d'entreprise une gamme de procédures adaptées à sa situation particulière. Aussi, si la situation économique et financière d'une entreprise est restaurée, la procédure juridique qui lui a permis de surmonter ses difficultés importe finalement peu.

Il n'en reste pas moins que l'application quotidienne des dispositions de la loi de sauvegarde des entreprises a montré la nécessité d'apporter des ajustements ponctuels au texte adopté en 2005 , proposés par certains travaux parlementaires.

B. La fiducie

Telle qu'elle résulte de la loi n° 2007-21 du 19 février 2007, la fiducie, qui permet, dans une relation triangulaire, le transfert de biens ou de droits du patrimoine d'une personne (le constituant) vers celui d'une autre personne (le fiduciaire) pour le bénéfice d'une troisième (le bénéficiaire) constitue avant tout un instrument juridique au service du financement des entreprises .

Or, dans ce contexte, le régime adopté en 2007 soulève deux types de difficultés :

- d'une part, des incertitudes quant à son articulation avec le droit des procédures collectives.

La loi du 19 février 2007 a assuré cette articulation dans le seul cadre des règles relatives aux nullités de la période suspecte. Elle a ainsi prévu la nullité de plein droit d'un transfert de biens ou de droits vers un patrimoine fiduciaire entre la date de cessation des paiements et la date d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. Il s'est agi, ce faisant, de sanctionner l'utilisation frauduleuse de la fiducie aux fins de faire disparaître tout ou partie des actifs du débiteur avant l'ouverture de la procédure collective.

La loi n'a cependant pas abordé directement la question cruciale en pratique de savoir si un contrat de fiducie devait être traité comme un contrat en cours, c'est-à-dire soumis à un régime de résiliation spécifique.

Elle n'a pas non plus résolu la difficulté de savoir si le débiteur faisant l'objet d'une procédure collective pouvait conserver l'usage des biens qu'il aurait transférés dans un patrimoine fiduciaire et si le créancier bénéficiaire de la fiducie pouvait, en cours de procédure, céder les biens faisant partie de ce patrimoine ;

- d'autre part, des lourdeurs de mise en oeuvre résultant de certaines contraintes procédurales .

Dans la perspective de la réalisation d'opérations de financement complexes portant sur des projets de grande envergure, en particulier en matière d'immobilier ou de construction, la limitation de la durée du contrat de fiducie à trente-trois ans a fait l'objet de critiques.

Par ailleurs, l'application des règles de droit commun en matière de transfert de créances a également suscité des réactions mitigées dans la mesure où elles sont apparues, selon certains professionnels, trop lourdes à mettre en oeuvre.

Enfin, les modalités suivant lesquelles le contrat de fiducie prend fin ont parfois été jugées ambiguës.

C. Le gage sans dépossession

Jusqu'à la réforme opérée par l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, le gage était une sûreté reposant sur la remise matérielle du bien au créancier, c'est-à-dire une dépossession.

Sans faire pour autant disparaître le gage avec dépossession, cette ordonnance a, sous l'influence du droit américain et notamment du régime du security interest , reconnu en droit français la possibilité de constituer un gage sans dépossession, établi par la seule rédaction d'un écrit. La publication de cet écrit dans un registre spécial, tenu au greffe du tribunal de commerce, permet de rendre ce gage opposable aux tiers.

Ce gage sans dépossession, qui peut s'appliquer à tout bien meuble corporel présent ou futur, coexiste avec un gage spécial sur stock dont le régime est défini par le code de commerce. Il est cependant généralement estimé que le gage du code civil peut, malgré l'existence de ce gage spécial, porter également sur des stocks, le régime du code civil ayant, selon les praticiens, des avantages plus grands que le gage sur stocks.

S'il présente une très grande souplesse, le gage sans dépossession organisé par le code civil souffre d'un inconvénient majeur par rapport au gage avec dépossession : il ne permet pas à son bénéficiaire d'exercer sur le bien gagé un droit de rétention. Un tel droit permet à un créancier de refuser de restituer un bien à son débiteur, tant que ce dernier n'a pas exécuté son obligation.

L'exercice par un créancier de son droit de rétention le met incontestablement dans une situation de force à l'égard de son débiteur. Aussi les praticiens regrettent-ils actuellement l'absence d'une telle prérogative pour le créancier titulaire d'un gage sans dépossession, situation qui ne permet pas de donner à cette sûreté toute l'efficacité qu'elle pourrait avoir.

II. Le dispositif initialement proposé

Le présent article comporte deux domaines d'habilitation bien distincts :

- d'une part, le toilettage de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

- d'autre part, la modification ponctuelle des régimes de la fiducie et du gage sans dépossession.

Dans les deux cas, la durée d'habilitation est fixée à neuf mois à compter de la publication de la présente loi, un projet de loi de ratification devant, aux termes du second paragraphe (II) de cet article, être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance projetée.

Le Gouvernement a communiqué à votre commission spéciale les dispositions d'un avant-projet d'ordonnance, fort de 153 articles, soumis à la consultation des acteurs intéressés. Contrairement à d'autres habilitations parfois sollicitées par le Gouvernement, le Parlement est donc en l'occurrence assez précisément éclairé sur les détails de la réforme envisagée qui, si elle touche à un grand nombre de dispositions, ne remet pas substantiellement en cause les grandes orientations retenues par le législateur en 2005 .

A. Le toilettage de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises

Le du premier paragraphe (I) de cet article autorise le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures relatives à la sauvegarde et au traitement des difficultés des entreprises. La nature de ces mesures est précisée par les points a) à n) de ce 1°.

1. Favoriser le recours à la conciliation

Les modifications proposées par l'avant-projet d'ordonnance devront avoir pour objet d'inciter les entreprises à recourir à la procédure de conciliation en clarifiant et précisant son régime et en améliorant son encadrement.

A cet égard, le Gouvernement envisage, en particulier, d'adopter les mesures suivantes :

- l'information du commissaire aux comptes sur l'ouverture de la procédure ;

- la possibilité pour les créanciers publics de consentir des cessions de rang ou des abandons de sûretés. Cette mesure a néanmoins été introduite directement à l'article 19 bis du présent projet de loi à l'initiative de l'Assemblée nationale ;

- l'octroi à l'accord de conciliation constaté par le juge d'un effet interruptif des poursuites et d'un effet suspensif ou interruptif des délais d'action ;

- la possibilité pour les personnes ayant affecté ou cédé un bien à titre de garantie de se prévaloir d'un accord de conciliation constaté ;

- la possibilité de résoudre judiciairement l'accord constaté ou homologué en cas d'inexécution des engagements ;

- l'impossibilité d'ouvrir une nouvelle procédure de conciliation en vue de poursuivre une procédure ayant déjà pris fin.

2. Renforcer l'attractivité de la procédure de sauvegarde

L'habilitation donnée au Gouvernement aurait pour objet de rendre la procédure de sauvegarde plus attractive, notamment en assouplissant les conditions de son ouverture, en étendant les prérogatives du débiteur et en améliorant les conditions de réorganisation de l'entreprise afin de favoriser le traitement anticipé de ses difficultés.

Dans ce cadre, le Gouvernement projette, en particulier :

- de modifier le critère d'ouverture de cette procédure, qui serait désormais constitué de deux éléments : d'une part, l'existence de difficultés que le débiteur n'est pas en mesure de surmonter ; d'autre part, l'absence de cessation des paiements .

Selon votre commission spéciale, si cette nouvelle rédaction ne change pas fondamentalement l'état du droit, elle pourrait cependant contribuer à ouvrir davantage l'accès à la procédure en mettant fin aux réticences de certaines juridictions à prononcer l'ouverture d'une telle procédure suffisamment en amont des difficultés rencontrées par l'entreprise ;

- de supprimer l'extension forcée de la procédure de sauvegarde en cas de confusion de patrimoine ou de fictivité de la personne morale ;

- de mettre fin à l'obligation de recourir à un officier public ou ministériel pour les opérations d'inventaire, en prévoyant l'établissement de principe de l'inventaire par le débiteur avec la certification du commissaire aux comptes ou l'attestation de l'expert-comptable ;

- de soumettre à la seule demande du débiteur ou du ministère public la possibilité de confier une mission d'assistance à l'administrateur judiciaire , le débiteur ou le contrôleur pouvant demander une modification de cette mission en cours de procédure ;

- de mettre fin à l'obligation de procéder à une prisée des actifs du débiteur ;

- de permettre au juge-commissaire d'autoriser le paiement de créances antérieures pour obtenir le retour de biens transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire ;

- de supprimer la possibilité d'imposer une cession partielle d'activité en sauvegarde, sauf demande en ce sens du débiteur ;

- d'autoriser la cession totale de l'activité en plan de sauvegarde ;

- d'exclure de tout droit de préemption les éléments faisant l'objet de la cession ;

- de conférer au débiteur un monopole pour proposer le plan de sauvegarde ;

- de supprimer la possibilité donnée au tribunal d'imposer le remplacement des dirigeants ou l'incessibilité des parts ou des actions ;

- de donner au tribunal la faculté d'autoriser, avec l'avis du ministère public, l'aliénation d'un bien déclaré inaliénable par le plan ;

- de permettre aux créanciers publics de remettre certaines créances à l'occasion d'une modification du plan. Cette mesure fait désormais l'objet d'une disposition d'application directe à l'article 19 bis du présent projet de loi ;

- de rendre possible la conversion d'une procédure de sauvegarde en procédure de redressement judiciaire lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée ;

- de supprimer le bilan économique, social et environnemental en procédure simplifiée.

3. Modifier la composition et le fonctionnement des comités de créanciers et des assemblées d'obligataires

Afin d'améliorer les règles de composition et de fonctionnement des comités de créanciers et des assemblées d'obligataires dans les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, l'avant-projet d'ordonnance prévoit :

- d'élargir le comité des établissements de crédit aux établissements « assimilés » ainsi qu'aux titulaires de créances détenues auparavant par l'un d'eux ;

- que la composition des comités sera déterminée au vu des créances constatées au jour du jugement d'ouverture ;

- de préciser le caractère accessoire à la créance de la participation aux comités de créanciers ;

- de mieux spécifier les modalités de calcul de la majorité au sein des comités ;

- d'améliorer les règles de consultation des masses d'obligataires ;

- d'instaurer un régime spécial de consultation des obligataires étrangers ;

- de limiter l'exercice des recours contre la procédure des comités au seul moment du jugement arrêtant le plan .

4. Clarifier certaines règles de la procédure de redressement judiciaire

Dans le but d'aménager et de clarifier certaines règles du redressement judiciaire, afin d'en améliorer l'efficacité et de coordonner celles-ci avec les modifications apportées à la procédure de sauvegarde, le Gouvernement souhaite :

- consacrer la prise en compte des réserves de crédit et des moratoires pour la détermination de l'existence d'une cessation des paiements . Cette modification, qui induit une plus grande souplesse dans la détermination de l'état de cessation des paiements, ne ferait en réalité que consacrer une jurisprudence déjà bien établie de la Cour de cassation ;

- préserver la possibilité d'étendre cette procédure en cas de confusion de patrimoine ou de fictivité de la personne morale ;

- maintenir l'obligation de procéder à la prisée des actifs du débiteur ;

- préserver l'impossibilité pour le plan de redressement de prévoir une cession totale de l'activité ;

- maintenir la possibilité de soumettre l'adoption du plan de redressement au remplacement du dirigeant ou à l'incessibilité de ses parts ou actions.

5. Préciser les dispositions relatives à la liquidation judiciaire

Le Gouvernement souhaite, dans le cadre de l'habilitation projetée, préciser et compléter les règles régissant la liquidation judiciaire pour en améliorer le fonctionnement ainsi que le droit des créanciers munis de sûreté, et favoriser le recours au régime de la liquidation simplifiée en allégeant sa mise en oeuvre tout en instituant des cas de recours obligatoire à ce régime. Il s'agirait par ailleurs de favoriser le recours aux cessions d'entreprise dans la liquidation judiciaire et de sécuriser celles-ci ainsi que les cessions d'actifs.

A cette fin, les mesures suivantes sont envisagées :

- permettre de désigner en qualité de liquidateur, sauf opposition du ministère public, le mandataire ad hoc ou le conciliateur ;

- instituer une obligation d'ouvrir une procédure de liquidation simplifiée lorsque trois conditions sont réunies : d'une part, l'absence de bien immobilier ; d'autre part, un nombre de salariés inférieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat ; enfin, un chiffre d'affaires inférieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat ;

- prévoir la possibilité d'ouvrir une procédure de liquidation simplifiée lorsque deux conditions sont réunies : d'une part, l'absence de bien immobilier ; d'autre part, un nombre de salariés et un chiffre d'affaires supérieurs aux seuils fixés pour l'ouverture obligatoire de la procédure simplifiée mais inférieurs à des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat.

6. Adapter le régime des contrats en cours

Afin d'adapter le régime des contrats en cours aux spécificités de chaque procédure collective, le Gouvernement envisage notamment :

- d'offrir la possibilité à l'administrateur judiciaire de saisir le juge-commissaire afin qu'il prononce, si l'intérêt de l'entreprise le requiert, la résolution d'un contrat en cours dans le cadre d'une procédure de sauvegarde ;

- de soustraire du régime du droit commun des contrats en cours le contrat de fiducie qui a transféré des biens ou droits du débiteur constituant à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire. En revanche, la convention en exécution de laquelle le débiteur conserve l'usage ou la jouissance des droits ou biens transférés resterait soumise à ce régime.

7. Simplifier le régime des créances

Le Gouvernement propose de simplifier le régime des créances nées après le jugement d'ouverture de la procédure collective et de réduire la diversité des règles applicables, notamment en :

- excluant les créances alimentaires de l'obligation de déclaration ;

- précisant le régime des frais de justice.

8. Accroître l'efficacité des sûretés en procédure collective

L'habilitation proposée par le projet de loi a pour but d'accroître l'efficacité des sûretés, notamment de la fiducie, en cas de procédure collective.

En réalité, les mesures prévues par l'avant-projet d'ordonnance du Gouvernement visent non seulement à faciliter par les créanciers titulaires de sûretés la réalisation de celles-ci en cas de liquidation judiciaire, mais également à concilier la mise en oeuvre et les effets de ces sûretés avec les objectifs des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire, c'est-à-dire assurer la poursuite de l'activité du débiteur et, dans la mesure du possible, le maintien des emplois.

Aussi la réalisation de ces objectifs impliquerait-elle les mesures suivantes :

- l'interdiction, à peine de nullité et nonobstant toute clause contraire, de toute cession ou transfert de biens ou droits présents dans un patrimoine fiduciaire au profit du fiduciaire ou d'un tiers, du seul fait de l'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement, de l'arrêt du plan à l'égard du débiteur constituant ou encore d'un défaut de paiement par ce débiteur d'une créance née antérieurement au jugement d'ouverture ;

- la possibilité, pour les personnes ayant affecté ou cédé un bien à titre de garantie, de se prévaloir du jugement arrêtant le plan de sauvegarde ;

- la faculté pour le fiduciaire , sur demande du ou des bénéficiaires, lorsque le débiteur n'exécute pas les engagements prévus par le plan de sauvegarde ou de redressement relatifs au remboursement de créances en garantie desquelles des biens du débiteur ont été transférés en fiducie , de procéder à la cession ou au transfert des biens ou droits présents dans le patrimoine fiduciaire à son profit ou à celui du ou des bénéficiaires . Lorsque le contrat de fiducie porte sur des biens dont l'usage ou la jouissance ont été laissés au débiteur en vertu d'une convention conclue concomitamment, le fiduciaire pourrait, dans les mêmes conditions, mettre fin à cette convention ;

- l'inapplication des règles de la liquidation judiciaire relatives à la poursuite des contrats en cours au contrat de fiducie-sûreté ainsi qu'à la convention de mise à disposition des biens transférés au sein du patrimoine fiduciaire.

Votre commission spéciale estime également indispensable que des mesures d'articulation entre la mise en oeuvre du droit de rétention du créancier gagiste sans dépossession et le régime des procédures collectives soient prises afin que les possibilités de sauvegarde ou de redressement des entreprises en difficultés ne soient pas purement et simplement annihilées, en particulier lorsque la dette du débiteur est importante.

C'est la raison pour laquelle elle vous propose un amendement tendant à modifier l'habilitation proposée en prévoyant que l'ordonnance devra accroître l'efficacité tant de la fiducie que du gage sans dépossession en liquidation judiciaire et adapter les effets de ces sûretés aux objectifs des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire.

9. Assurer la cohérence du régime des sanctions

Afin de préciser, d'actualiser et de renforcer la cohérence du régime des sanctions pécuniaires, professionnelles et pénales en cas de procédure collective, l'avant-projet d'ordonnance prévoit notamment :

- de limiter l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif au cas où la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une telle insuffisance ;

- que les sommes versées à ce titre seront réparties entre les seuls créanciers n'ayant pas fait l'objet d'une condamnation à ce titre ;

- que seuls les frais exposés par les contrôleurs dans le cadre de cette action en responsabilité bénéficieront du privilège des frais de justice.

10. Améliorer le régime procédural et renforcer le rôle du ministère public

S'agissant de l'accroissement des facultés de recours du ministère public, le Gouvernement souhaite :

- limiter la possibilité d'un recours en appel ou en cassation contre le jugement d'ouverture de la procédure de conciliation au seul ministère public ;

- conférer au ministère public un pouvoir de proposition pour la désignation des mandataires de justice dans le cadre de la sauvegarde ou du redressement judiciaire ;

- confier au ministère public un pouvoir identique pour la désignation du liquidateur.

S'agissant des voies de recours, les conditions d'ouverture de l'appel ou de la cassation devraient être précisées. La tierce-opposition pour les décisions rejetant le plan de sauvegarde ou le plan de redressement, refusant sa modification ou statuant sur sa résolution, serait supprimée.

11. Elargir la possibilité de désigner des personnes non inscrites sur la liste des administrateurs ou des mandataires judiciaires et modifier le livre VIII du code de commerce

L'habilitation proposée devrait permettre au tribunal de désigner plus facilement en qualité d'administrateur ou de mandataire des personnes non inscrites sur la liste des administrateurs ou des mandataires judiciaires.

Elle permettrait également de faciliter l'exercice du contrôle des comptes de l'administrateur judiciaire par un commissaire aux comptes.

12. Assurer les coordinations nécessaires avec les autres législations

Afin d'assurer la cohérence de la réforme envisagée, l'ordonnance prise pourra :

- parfaire la coordination entre elles des dispositions du livre VI du même code et la cohérence de celles-ci avec les dispositions du livre VIII, tout en procédant aux clarifications rédactionnelles nécessaires ;

- actualiser les dispositions du livre VI du même code en assurant leur coordination avec les dispositions législatives qui lui sont liées en matière de saisie immobilière et de sûretés.

B. La modification des régimes de la fiducie et du gage sans dépossession

Le a) du du I de cet article prévoit quelques aménagements ponctuels du régime de la fiducie institué par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007.

L'ordonnance aura pour but de favoriser le recours à la fiducie en apportant au code civil des modifications tendant à :

- allonger la durée maximale du transfert de biens dans un patrimoine fiduciaire. L'avant-projet d'ordonnance prévoit que cette durée serait portée de trente-trois à quatre-vingt-dix-neuf ans. Le Gouvernement a en effet fait valoir à votre rapporteur que la durée actuelle peut se révéler pénalisante dans certains cas. Ainsi, dans l'hypothèse d'une fiducie constituée par une grande entreprise industrielle afin d'affecter une somme d'argent au dédommagement futur des victimes de la pollution créée par son activité, il serait dommageable que la fiducie cesse automatiquement d'exister au bout de trente-trois ans, alors même que les effets de la pollution peuvent n'apparaître qu'au terme d'une durée plus longue ;

- sécuriser pour les bénéficiaires de la fiducie l'usage ou la jouissance par le constituant des biens ou droits transférés. A cette fin, lorsque le contrat de fiducie prévoit que le constituant conserve l'usage ou la jouissance d'un immeuble à usage commercial ou industriel transféré dans le patrimoine fiduciaire, la convention conclue à cet effet ne sera pas soumise, sauf stipulation contraire, au régime des baux commerciaux ou de la location-gérance ;

- clarifier le régime de l'opposabilité aux tiers des cessions de créances . La cession de créances réalisée dans le cadre d'une fiducie deviendrait opposable aux tiers à la date du contrat de fiducie. Elle ne serait désormais opposable au débiteur de la créance cédée que par la notification qui lui en est faite par le cédant ou le fiduciaire ;

- aménager les conditions de remplacement du fiduciaire et préciser les conditions dans lesquelles la fiducie prend fin . La rédaction proposée dans le cadre de l'avant-projet d'ordonnance précise que le contrat pourra prévoir le remplacement du fiduciaire, et que l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire à son profit pourra amener le juge, sur demande du constituant ou du bénéficiaire, à dessaisir le fiduciaire. Afin d'éviter que le manquement ou la défaillance du fiduciaire ne soit source de complications et de formalités supplémentaires, elle prévoit également qu'en cas de décision de justice dessaisissant le fiduciaire originaire, le transfert du patrimoine fiduciaire en faveur du nouveau fiduciaire interviendra de plein droit.

Le texte du Gouvernement prévoit que les parties pourront décider dans le contrat que celui-ci pourra se prolonger malgré la mise en liquidation judiciaire, la cession ou l'absorption du fiduciaire.

Le b) du du I de cet article permet au Gouvernement de modifier le régime du gage sans dépossession , afin d'en renforcer l'attractivité .

A cet effet, l'avant-projet d'ordonnance prévoit pour seule mesure de conférer au titulaire du gage un droit de rétention sur le bien gagé .

Cette mesure aura pour effet de renforcer la position du créancier gagiste sans dépossession face à son créancier.

Dans le cadre des procédures collectives, si aucune mesure n'était prise afin d'assurer l'articulation de cette sûreté avec les objectifs des procédures collectives, l'attribution d'un tel droit de rétention aurait pour conséquence :

- que pendant la période d'observation, le créancier serait en droit de conserver le bien retenu, le débiteur ne pouvant alors le récupérer qu'en payant intégralement sa dette. Sa position serait d'autant plus forte que le tribunal de la procédure n'aurait notamment pas le pouvoir d'imposer au créancier rétenteur une substitution de garanties au cours de la période d'observation ;

- qu'après l'arrêté d'un plan de continuation, l'opposabilité du droit de rétention se prolongerait même si la dette est incluse dans le plan. Ainsi, aucune substitution de garanties ne pourrait être ordonnée par le tribunal et, s'il advenait que le bien soit vendu par le débiteur, le droit de rétention pourrait être opposé à l'acquéreur ;

- que si un plan de cession était arrêté, il ne pourrait comprendre, en vertu d'une solution jurisprudentielle, le bien objet du droit de rétention, sauf à ce que le rétenteur ait été intégralement payé ;

- que si le bien objet du droit de rétention était vendu sur autorisation pendant la période d'observation ou dans le cadre plus général d'un plan de cession, le rétenteur serait payé sans subir le concours des autres créanciers.

Les effets particulièrement forts du droit de rétention nécessitent d'autant plus une articulation avec le droit des procédures collectives, ainsi que vous le propose votre commission spéciale.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Outre quelques améliorations rédactionnelles, l'Assemblée nationale a apporté deux modifications de fond au présent article :

- d'une part, à l'initiative de M. Eric Ciotti, rapporteur pour avis de sa commission des lois, elle a, avec l'avis favorable du Gouvernement, réduit de neuf à six mois le délai d'habilitation ;

- d'autre part, elle a, à la suite d'un amendement présenté par M. Nicolas Forissier, pour lequel le Gouvernement a accepté de lever le gage, autorisé le Gouvernement à étendre à la procédure de sauvegarde, la remise des pénalités et des frais de poursuite prévue en cas de redressement ou de liquidation judiciaire.

Le I de l'article 1756 du code général des impôts prévoit en effet actuellement la remise des frais de poursuite et des pénalités fiscales encourues en matière d'impôts directs et taxes assimilées, de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre et autres droits et taxes assimilées, aux seuls cas de redressement ou liquidation judiciaire.

Cette différence de traitement n'apparaît pas justifiée, alors que la sauvegarde est, plus que tout autre procédure collective, le dispositif le plus à même de sauver une entreprise. Grâce à cette habilitation, le débiteur admis à la procédure de sauvegarde pourra ainsi bénéficier de cette mesure favorable.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale est favorable à ce que les règles relatives à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises fassent l'objet des ajustements rendus nécessaires au vu de l'application quotidienne des dispositions de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.

Si les termes de l'habilitation sollicitée par le Gouvernement pourraient laisser penser, par leur ampleur, qu'elle tend à réformer en profondeur le droit des entreprises en difficultés, l'examen de l'avant-projet d'ordonnance communiqué à votre co-rapporteur montre qu'il n'en est rien, les modifications envisagées, pour nombreuses qu'elles soient, s'avérant pour l'essentiel ponctuelles et ne remettant pas en cause les orientations fondamentales retenues par le législateur en 2005.

Aussi, consciente que ces ajustements doivent pouvoir intervenir dans des délais raisonnables que ne pourrait offrir le prochain ordre du jour parlementaire, votre commission spéciale accepte-t-elle le principe du recours au mécanisme de l'article 38 de la Constitution s'agissant de la réforme du droit des procédures collectives . Toutefois, lors du dépôt du projet de loi de ratification de l'ordonnance, le Sénat accordera un examen attentif aux dispositions qui seront effectivement prises sur le fondement de cette habilitation.

Votre commission vous soumet néanmoins un amendement ayant pour objet :

- d'une part, d'habiliter le Gouvernement à étendre le champ d'application rationae personae des procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire aux artisans non immatriculés en application de la dispense d'immatriculation prévue par l'article 3 du présent projet de loi. A défaut d'une modification législative, ces professionnels se trouveraient en effet exclus du bénéfice de ces mesures, actuellement réservées aux artisans immatriculés au répertoire des métiers ;

- d'autre part, de replacer au sein de l'habilitation relative à la réforme des procédures collectives l'extension à la procédure de sauvegarde -souhaitée par les députés- de la remise des pénalités et des frais de poursuite prévue en cas de redressement ou de liquidation judiciaires .

En revanche, par cohérence avec la position qu'elle a exposée à l'occasion de l'habilitation, introduite à l'article 5 ter du présent projet de loi, concernant l'extension de la qualité de constituant d'une fiducie aux personnes physiques, votre commission spéciale vous propose, par un deuxième amendement, de supprimer l'habilitation proposée par le présent article destinée à modifier le régime juridique de la fiducie, lorsque n'est pas en cause son articulation avec les règles applicables aux procédures collectives.

Si elle s'accorde, pour l'essentiel, sur la pertinence des modifications ponctuelles envisagées par l'avant-projet d'ordonnance, elle souhaite que celles-ci, en nombre limité, puissent être apportées par des dispositions d'application directe. Du reste, elle estime préférable, pour l'intelligibilité de la réforme, que ces dispositions figurent à l'article 5 ter du présent projet de loi, tel que réécrit par le troisième amendement qu'elle vous présente à cet article.

S'agissant de l'habilitation à modifier par ordonnance le régime du gage sans dépossession , votre commission spéciale considère que la seule mesure proposée -à savoir doter le gage sans dépossession du code civil d'un droit de rétention- doit pouvoir être inscrite directement dans le présent projet de loi. Elle vous propose en conséquence, par le même amendement, de supprimer cette habilitation , afin de modifier, dans le cadre d'un article additionnel après l'article 19 quater , les dispositions pertinentes du code civil.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 19 bis (nouveau) - (article L. 611-7 et L. 626-26 du code de commerce) Renforcement de la possibilité, pour les créanciers publics, de remettre des dettes ou d'abandonner des privilèges au cours de la conciliation et en cas de modification substantielle du plan de sauvegarde ou de redressement

Commentaire : cet article, introduit par l'Assemblée nationale, renforce les possibilités pour les créanciers publics de remettre des dettes ou d'abandonner des privilèges au cours de la conciliation et en cas de modification substantielle du plan de sauvegarde ou de redressement.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'un des principaux apports de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises a été d'inciter, autant que possible, les créanciers publics à remettre certaines dettes ou à consentir des aménagements aux sûretés garantissant leurs créances, lorsque leur débiteur fait l'objet d'une procédure de conciliation, de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Bien souvent, en effet, les dettes des créanciers publics représentent une part sinon essentielle, parfois très élevée, du passif du débiteur faisant l'objet d'une procédure de prévention ou de traitement des difficultés des entreprises.

Si tant la remise de dettes que l'abandon ou l'aménagement de certaines sûretés sont possibles dans le cadre de l'élaboration d'un plan de sauvegarde ou de redressement, en revanche, seule la remise de dette est autorisée au cours de la procédure de conciliation. Cette différence ne paraît guère fondée en droit ou en fait et peut être de nature à faire échouer le redressement de certaines entreprises.

Par ailleurs, s'est posée en pratique la question de savoir si les créanciers publics, habilités à remettre des dettes et à aménager les sûretés y afférentes lors de l'élaboration d'un plan de sauvegarde ou de redressement, étaient également en droit d'exercer ces mêmes prérogatives lorsqu'au cours de leur exécution ces plans font l'objet d'une modification substantielle décidée par le tribunal de la procédure.

C'est pour remédier à ces difficultés que, nonobstant l'habilitation conférée au Gouvernement par l'article 19 du projet de loi, l'Assemblée nationale a, à l'initiative de M. Nicolas Forissier et avec l'avis favorable du Gouvernement et de la commission des affaires économiques, adopté le présent article.

Son premier paragraphe (I) modifie l'article L. 611-7 du code de commerce afin de permettre aux administrations financières, aux organismes de sécurité sociale, aux institutions gérant le régime d'assurance chômage ainsi qu'aux institutions de retraite complémentaire ou de prévoyance des salariés de consentir des cessions de rang de privilège ou d'hypothèque ou l'abandon de ces sûretés au cours de la procédure de conciliation afin de favoriser l'adoption d'un accord susceptible de mettre fin aux difficultés du débiteur.

Ces mesures seront soumises aux mêmes conditions que celles prévues dans le cadre de l'élaboration du plan de sauvegarde ou de redressement.

Le second paragraphe (II) de cet article modifie l'article L. 626-26 du même code afin de prévoir que les créanciers publics susmentionnés peuvent remettre des dettes ou aménager les sûretés y afférant dans l'hypothèse où le plan de sauvegarde ou de redressement fait l'objet d'une modification substantielle. Les conditions de remise de dettes ou d'abandon de sûretés seront les mêmes que celles prévues pour l'élaboration du plan initial.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale partage avec l'Assemblée nationale le souci de permettre aux créanciers publics de participer pleinement aux efforts requis des créanciers des entreprises en conciliation, en sauvegarde ou en redressement afin que celles-ci puissent sortir de leurs difficultés.

Elle est en conséquence favorable au dispositif adopté par les députés , bien qu'il figurât dans l'avant-projet d'ordonnance qui devrait être prise sur le fondement de l'habilitation proposée à l'article 19 du présent projet de loi.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 19 ter (nouveau) Application dans le temps des règles relatives à la reprise des poursuites individuelles des créanciers et au relèvement des interdictions de gérer dans le cadre d'une procédure collective

Commentaire : cet article, introduit par l'Assemblée nationale, modifie les conditions de l'application dans le temps des règles relatives à la reprise des poursuites individuelles des créanciers et au relèvement des interdictions de gérer dans le cadre d'une procédure collective.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

La loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises comporte une disposition de droit transitoire. Son article 191 pose en effet le principe de l'inapplicabilité aux procédures en cours des dispositions de cette loi, lors de son entrée en vigueur. Toutefois, par exception, l'application aux procédures en cours de certaines dispositions a été prévue, dont :

- l'article L. 643-11 du code de commerce, qui détermine les conditions de reprise des actions individuelles des créanciers après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif . L'article 191 prévoit en particulier l'application de cette disposition aux procédures de règlement judiciaire ou de liquidation des biens en cours intervenues sur le fondement de la loi n° 67-563 du 17 juillet 1967, les sommes perçues par les créanciers leur restant néanmoins acquises.

Si cette mesure visait expressément les quelques 4.000 procédures ouvertes sur ce fondement légal qui n'étaient pas clôturées au 1 er janvier 2006 -date d'entrée en vigueur de la loi de sauvegarde-, elle n'a pu s'appliquer aux personnes physiques, nombreuses, soumises à des liquidations de biens clôturées avant cette date et qui, en conséquence, subissent encore aujourd'hui les effets de la reprise des poursuites de leurs créanciers ;

- l'article L. 653-11 du même code qui prévoit, en particulier, qu'une personne ayant fait l'objet d'une mesure de faillite personnelle ou d'une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale, peut demander au tribunal de la relever, en tout ou partie, de ces déchéances et interdictions ainsi que de l'incapacité d'exercer une fonction publique élective, si elle a apporté une contribution suffisante au paiement du passif .

Limitée aux procédures en cours, cette mesure n'a pu bénéficier aux personnes ayant fait l'objet de ces sanctions professionnelles en vertu d'une procédure close avant le 1 er janvier 2006.

Afin de faciliter le « rebond » du chef d'entreprise, M. Eric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois a proposé, avec l'accord du Gouvernement, à l'Assemblée nationale, qui l'a accepté :

- d'une part, au premier paragraphe (I) de cet article, de rendre l'article L. 643-11 applicable aux situations en cours, résultant d'une procédure de liquidation de biens dont les opérations ont été closes avant le 1 er janvier 2006 , les sommes perçues par les créanciers leur restant acquises ;

- d'autre part, au second paragraphe (II), de permettre aux personnes ayant fait l'objet d'une mesure de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer à l'occasion d'une procédure close avant la date d'entrée en vigueur de la loi de sauvegarde de pouvoir être relevées de ces sanctions dans les conditions de l'article L. 653 11.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale est favorable à cette mesure qui pourra permettre d'alléger la rigueur des mesures prononcées en application de procédures ouvertes avant l'entrée en vigueur de la loi de sauvegarde des entreprises.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 19 quater (nouveau) - (articles L. 515-27 et L. 515-28 du code monétaire et financier) Application des procédures collectives prévues par le code de commerce aux sociétés de crédit foncier

Commentaire : cet article, introduit par l'Assemblée nationale, exclut, à l'égard des sociétés de crédit foncier, l'application de certaines dispositions du livre VI du code de commerce relatives aux difficultés des entreprises.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Les sociétés de crédit foncier, qui sont des établissements de crédit agréés en qualité de sociétés financières, ont pour objet exclusif :

- de consentir ou d'acquérir des prêts garantis, des expositions sur des personnes publiques et des titres et valeurs ;

- et, pour le financement de ces catégories de prêts, d'expositions, de titres et valeurs, d'émettre des obligations foncières et de recueillir d'autres ressources, dont le contrat d'émission ou de souscription mentionne ce privilège.

Cet objet spécifique justifie l'application de règles particulières en cas de procédure collective ouverte soit à l'égard d'une société de crédit foncier, soit à l'égard d'un de ses cocontractants . Ce régime dérogatoire n'est pas récent puisqu'il existait déjà sous l'empire de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire.

L'ordonnance n° 2007-571 du 19 avril 2007 relative aux établissements de crédit, aux entreprises d'investissement et aux sociétés de crédit foncier a apporté au code monétaire et financier des mesures de coordination afin de maintenir ce régime sous l'empire de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.

Elle a en particulier prévu :

- à l'article L. 515-27 du code monétaire et financier, l'impossibilité d'étendre à une société de crédit foncier la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ouverte à l'égard d'une société détenant des actions d'une telle société ;

- à l'article L. 515-28 du même code, la résiliation immédiate des contrats de gestion ou de recouvrement liant une société de crédit foncier à une société chargée de la gestion ou du recouvrement, pour le compte d'une société de crédit foncier, des prêts, expositions, créances assimilées, titres et valeurs, ainsi que des obligations foncières.

Ces règles dérogent à celles prévues par le livre VI du code de commerce, et en particulier à celles mentionnées aux titres II à IV de ce livre. Or, les dispositions de ces articles ne prévoient pas expressément l'exclusion du titre II du livre VI du code de commerce, relative à la procédure de sauvegarde.

L'objet du présent article, introduit par les députés à l'initiative de M. Bertrand Pancher et de M. Eric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois, avec l'avis favorable du Gouvernement, tend à remédier à cet oubli afin de maintenir l'état du droit antérieur à la loi de sauvegarde des entreprises .

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale est favorable à la précision apportée par l'Assemblée nationale qui permet de lever toute ambiguïté quant à l'inapplication de certaines dispositions du droit commun des procédures collectives aux sociétés de crédit foncier.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 19 quater - (article 2286 du code civil) Attribution d'un droit de rétention au créancier titulaire d'un gage sans dépossession

Commentaire : cet article additionnel a pour objet de conférer au créancier titulaire d'un gage sans dépossession un droit de rétention sur la chose gagée.

Votre commission spéciale vous soumet un amendement tendant à conférer au créancier titulaire d'un gage sans dépossession le droit de rétention aujourd'hui reconnu au créancier titulaire d'un gage avec dépossession, c'est-à-dire accompagné de la remise matérielle, dans les mains de ce créancier, du bien gagé.

Ainsi désormais, la seule inscription du gage dans le registre spécial tenu par le greffier du tribunal de commerce suffira à conférer un droit de rétention sur le bien concerné .

Cette disposition devait être prise par ordonnance dans le cadre de l'article 19 du présent projet de loi mais, compte tenu de son importance, votre commission a estimé qu'elle devait faire l'objet d'une mesure d'application directe.

Le droit de rétention placera en effet le créancier gagiste dans une situation particulièrement favorable dans laquelle l'exercice par les autres créanciers de leurs droits sera, dans les faits, paralysé. En particulier, le bénéficiaire d'un gage sans dépossession pourra désormais primer l'ensemble des autres créanciers, y compris ceux qui bénéficiaient d'un rang préférable au sien et qui, en l'absence de droit de rétention, auraient dû être payés par préférence.

Il reviendra au pouvoir réglementaire de déterminer les conditions matérielles dans lesquelles ce droit de rétention se concrétisera en pratique.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel après l'article 19 quater - (article 2328-1 du code civil) Extension des attributions de l'agent des sûretés

Commentaire : cet article additionnel a pour objet de d'étendre les attributions de l'agent des sûretés à la constitution des sûretés réelles.

En même temps qu'elle a introduit en droit français la fiducie, la loi du 19 février 2007 a créé dans notre droit « l'agent des sûretés ».

Il s'est agi, en s'inspirant de l'institution anglo-saxonne du security trustee , de faciliter la gestion de sûretés afférentes à une dette lorsque celle-ci est détenue par plusieurs créanciers, notamment dans le cadre d'opérations de financement complexe.

Comme avait eu l'occasion de le souligner notre collègue Henri de Richemont, alors rapporteur au nom de votre commission des lois, dans les financements syndiqués, le débiteur a une pluralité de créanciers détenant chacun une quote-part de la créance de remboursement. Les usages bancaires internationaux consistent à confier à une entité spécifique -« l'agent des sûretés »- le soin de prendre, de gérer le cas échéant et de réaliser les sûretés au profit de l'ensemble des créanciers.

Jusqu'alors, le droit français n'offrait pas de mécanisme similaire. Il fallait en conséquence recourir à deux constructions juridiques présentant moins de souplesse :

- d'une part, la théorie du mandat. Dans ce cadre, une seule personne est mandatée par chaque créancier pour prendre, gérer et réaliser les sûretés. Toutefois, dans cette hypothèse, les sûretés sont créées au bénéfice direct des mandants -seuls titulaires de la créance- et non au profit de l'agent lui-même. Or, l'opposabilité aux tiers des droits des mandants au titre de la sûreté présente des difficultés, notamment dans les cas où des mesures de publicité sont requises pour l'opposabilité des droits des bénéficiaires. En outre, en cas de cession de participation dans le crédit syndiqué, le transport des sûretés accessoires découle de l'accomplissement des formalités requises pour la cession des créances à forme civile ;

- d'autre part, une solidarité active entre les créanciers. Par ce biais, chacun des créanciers est investi de la totalité de la créance. L'un d'entre eux est alors désigné pour prendre, gérer et réaliser les sûretés en son propre nom, puis transmettre le produit de cette réalisation aux autres créanciers. Le recours à la solidarité active ne peut néanmoins fonctionner que dans des opérations de crédit syndiqué où le nombre de prêteurs est limité et où la solvabilité de la banque chargée des sûretés n'est pas contestable. Il n'est donc pas adapté à des opérations internationales de plus grande envergure.

Le Sénat avait, en conséquence, prévu que toute sûreté réelle -qu'elle soit mobilière ou immobilière- pourrait être inscrite, gérée et réalisée pour le compte des créanciers de l'obligation garantie par une seule personne désignée à cette fin par les créanciers, la désignation de cet agent des sûretés devant intervenir dans l'acte constatant l'obligation garantie.

Inscrit à l'article 2238-1 du code civil, ce mécanisme juridique novateur a permis, au quotidien, d'alléger les lourdeurs procédurales qui s'imposaient jusqu'alors. Elle a néanmoins fait l'objet de critiques en ce sens que la rédaction de cette disposition se limitait à l'inscription de la sûreté pour le compte d'autrui et non à sa constitution.

Il semble en effet que l'agent des sûretés ne puisse pas lui-même prendre la sûreté pour le compte d'autrui, mais seulement procéder en lieu et place de la collectivité des créanciers aux formalités d'inscription de la garantie.

Votre commission spéciale, par l' amendement qu'elle vous soumet, vous propose donc de conférer à l'agent des sûretés le pouvoir de constituer lui-même les sûretés nécessaires à la garantie de créances détenues par une collectivité de créanciers.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article 20 - (articles L. 3 332-17, L. 3 332-17-1 [nouveau] et L. 3334-13 du code du travail ; articles L. 131-85, L. 213-12, L. 213-13, L. 214-4, L. 511-6, et L. 511-33 du code monétaire et financier ; articles L. 313-10 et L. 333-4 du code de la consommation) Développement de l'économie solidaire et du micro-crédit

Commentaire : cet article institue la possibilité pour les plans d'épargne d'entreprise (PEE) d'investir dans les entreprises solidaires et modifie la définition des entreprises solidaires, élargit la possibilité pour les organismes de placement collectifs en valeurs mobilières d'investir dans les entreprises solidaires, assouplit les conditions dans lesquelles les associations peuvent émettre des obligations, élargit aux associations sans but lucratif et aux fondations d'utilité publique la possibilité de faire des prêts pour la création et le développement des TPE ainsi que pour la réalisation de projets d'insertion de personnes physiques.

I. Le droit en vigueur

A. Les plans d'épargne d'entreprise (PEE)

Comme le précise l'article L. 3332-1 du code du travail, le PEE est un système d'épargne collectif ouvrant aux salariés d'une entreprise la faculté de participer, avec l'aide de celle-ci, à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières.

Il peut être établi dans l'entreprise à l'initiative de celle-ci ou par accord avec le personnel. Toutes les entreprises peuvent le mettre en place, quelle que soient leur taille, la nature de leur activité et leur forme juridique.

Les salariés déterminent volontairement le montant et la périodicité de leurs versements sur le plan. Celui-ci peut cependant prévoir un montant minimum, qui ne peut excéder 160 euros. Les salariés peuvent, de plus, verser sur le plan d'épargne les sommes qu'ils reçoivent au titre de l'intéressement et de la participation. La contribution (intéressement et versement volontaire) du salarié sur un exercice ne peut être supérieure au quart de sa rémunération annuelle. Le transfert des droits issus de la participation est obligatoire si le PEE le prévoit expressément, sinon le PEE doit l'autoriser. En outre, les retraités et pré-retraités peuvent continuer à effectuer des versements sur le PEE, mais ne perçoivent plus l'abondement.

L'entreprise peut verser annuellement pour chaque salarié en activité une somme non fondée sur des critères de performance individuelle, l'abondement, ou prendre seulement en charge les frais de gestion du plan. Le montant maximum de l'abondement est de 2.662,08 euros par salarié. Il ne peut excéder trois fois la contribution du salarié, non compris le versement de la participation. L'entreprise peut majorer son abondement de 80 % du montant maximum en cas d'acquisition par le salarié d'actions ou de certificats d'investissement émis par l'entreprise.

Les modalités de fonctionnement sont fixées dans le règlement du plan qui précise en particulier le ou les fonds communs de placement d'entreprise sur lesquels les sommes seront placées.

L'article L. 3332-17 du code du travail précise à cet égard que le règlement du PEE doit ouvrir à ses participants au moins une possibilité d'acquérir :

- soit des titres émis par des sociétés d'investissement à capital variable (SICAV) ;

- soit des parts de fonds communs de placement d'entreprise (FCPE) dont l'actif est composé de valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé, de liquidités, de parts d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) dont l'actif composé de la même façon.

Les primes d'intéressement et les droits à participation versés sur un PEE ainsi que l'abondement, ne sont pas soumis à impôt. Les produits et revenus réinvestis dans le plan et l'abondement sont en revanche soumis aux prélèvements sociaux (CSG et CRDS) mais sont exonérés de cotisations sociales. Tout versement excédentaire (au delà de la limite de l'abondement maximum de l'entreprise d'un montant de 2.662,08 euros) dans un PEE est considéré comme un complément de rémunération imposable à l'impôt sur le revenu. Les revenus produits par le capital sont exonérés d'impôts uniquement s'ils sont réinvestis dans le PEE.

Les sommes que le salarié ou l'employeur versent dans le PEE, produisent des revenus que le salarié peut retirer, s'il le souhaite, ou réinvestir dans le PEE. Mais le capital, en revanche, n'est pas disponible avant un délai de 5 ans, sauf déblocage anticipé en fonction de certaines conditions.

B. Les entreprises solidaires

Le régime juridique des entreprises solidaires était fixé avant la recodification du code du travail par son article L. 443-3-1. Le nouveau code du travail ne comporte plus de définition.

Sont considérées comme entreprises solidaires en fonction de l'ancienne définition les entreprises dont les actions ou certificats d'investissement, s'ils existent, ne sont pas cotés et répondent à l'une des deux conditions suivantes :

- au moins un tiers de ses salariés bénéficient de contrats de travail relevant du programme « nouveaux services emplois-jeunes », ou peuvent invoquer une décision les classant dans la catégorie des handicaps graves ou les déclarant relever soit d'un atelier protégé, soit d'un centre d'aide par le travail, ou sont demandeurs d'emploi de longue durée, bénéficiaires du RMI, travailleurs handicapés, bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), femmes isolées avec charges de familles, bénéficiaires de l'allocation de veuvage, Français ayant perdu leur emploi à l'étranger, personnes âgées de plus de cinquante ans ;

- l'entreprise est dotée d'une part de dirigeants élus directement ou indirectement par les salariés, les adhérents ou les sociétaires, d'autre part le niveau de rémunération n'excède pas quarante-huit fois la rémunération mensuelle perçue par un salarié à temps plein sur la base du salaire minimum de croissance, en ce qui concerne les entreprises comptant de un à dix-neuf salariés, adhérents ou sociétaires, et ne peut excéder quatre-vingt-quatre fois la rémunération mensuelle perçue par un salarié à temps plein sur la base du salaire minimum de croissance, en ce qui concerne les entreprises comptant au moins vingt salariés, adhérents ou sociétaires.

Sont assimilés à ces entreprises les organismes dont l'actif est composé pour au moins 40 % de titres émis par des entreprises solidaires ou les établissements de crédit dont 80 % de l'ensemble des prêts et des investissements sont effectués en faveur des entreprises solidaires.

C. Possibilité pour les organismes de placement collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) d'investir dans les entreprises solidaires

Régis par la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988, les OPCVM sont des structures juridiques et financières dont l'objet est d'investir en valeurs mobilières les fonds mis à leur disposition. Les OPCVM peuvent ainsi investir en actions, actions à dividende prioritaire, titres participatifs ordinaires, obligations ordinaires, obligations convertibles, warrants, swap, options, marchés à terme...

En fonction des catégories d'OPCVM, des ratios spécifiques encadrent les investissements sur certains marchés. Les différentes catégories d'OPCVM sont les sociétés d'investissement à capital variable (SICAV), les fonds communs de placement (FCP), les fonds communs de placement d'entreprise (FCPE), les fonds communs de placement à risques (FCPR), les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI), les fonds communs d'intervention sur les marchés à terme (FCIMT).

De façon générale, comme en dispose l'article L. 214-4 du code monétaire et financier, un OPCVM :

- ne peut employer en titres d'un même émetteur plus de 5 % de ses actifs. Un décret en Conseil d'Etat fixe les cas et les catégories de titres pour lesquels il peut être dérogé à cette limite ;

- peut procéder à des prêts et emprunts de titres et à des emprunts d'espèces dans la limite d'une fraction de ses actifs. S'agissant des emprunts d'espèces, cette limite ne peut être supérieure à 10 % des actifs ;

- ne peut détenir plus de 10 % d'une même catégorie de valeurs mobilières d'un même émetteur. Un décret en Conseil d'Etat fixe les catégories de valeurs mobilières ainsi que les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à cette limite. Ce seuil est porté à 25 % lorsque l'émetteur est une entreprise solidaire dont les fonds propres sont inférieurs à 150.000 euros.

D. Conditions dans lesquelles les associations peuvent émettre des obligations

L'article L. 213-8 du code monétaire et financier dispose que les associations régies par la loi du 1 er juillet 1901 ou par les articles 21 à 79 du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle peuvent émettre des obligations lorsqu'elles exercent, exclusivement ou non, une activité économique effective depuis au moins deux années. L'article L. 213-12 précise que ces émission d'obligations peuvent être effectuées avec appel public à l'épargne. Si elles sont d'un montant supérieur à 38.000 euros, elles sont subordonnées à l'autorisation préalable du ministre chargé de l'économie.

E. Elargissement du micro-crédit

Le micro-crédit a été introduit en France à l'intention des personnes désireuses de disposer d'un petit capital pour lancer une activité, dans un contexte caractérisé par la complexité administrative, par la lourdeur des charges sociales des travailleurs indépendants, par une réglementation bancaire permettant aux associations de prêter seulement sur leurs fonds propres.

Afin de favoriser le développement des solutions de micro-crédit, l'article L. 511-6 du code monétaire et financier déroge au monopole bancaire en prévoyant que l'interdiction relative aux opérations de crédit énoncée à l'article L. 511-5 du même code ne s'applique pas aux associations sans but lucratif habilitées et contrôlées dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, faisant des prêts pour la création et le développement d'entreprises par des chômeurs ou titulaires des minima sociaux sur ressources propres et sur emprunts contractés auprès d'établissements de crédit ou des établissements et services autorisés à effectuer des opérations de banque (Trésor public, Banque de France, La Poste, Institut d'émission des départements d'outre-mer, Institut d'émission d'outre-mer et Caisse des dépôts et consignations).

II. Le dispositif initialement proposé

A. Les plans d'épargne d'entreprise (PEE)

Le du I de l'article 20 du projet de loi introduit un alinéa nouveau dans l'article L. 3332-17 du code du travail afin de prévoir que le règlement du PEE propose aux salariés d'investir, si ces derniers le souhaitent, dans des fonds communs de placement d'entreprise (FCPE) solidaires. Cette disposition étend aux PEE une possibilité déjà ouverte dans les plans d'épargne pour la retraite collectifs (PERCO) par l'article L. 3334-13 du code du travail.

En vertu du I bis , ces dispositions sont applicables aux règlements déposés à compter du premier jour du quatrième mois suivant la publication de la loi. Les règlements déjà déposés ou déposés dans les trois mois suivant la publication de la loi ont devront être modifiés avant le 1er janvier 2010.

B. Les entreprises solidaires

Le du I de l'article 20 modernise, en la simplifiant, la définition des entreprises solidaires. Aux termes de l'article L. 3332-17-1 introduit dans le code du travail, il s'agit des entreprises dont les titres de capital, lorsqu'ils existent, ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé et qui :

- soit emploient des salariés dans le cadre de contrats aidés ou en situation d'insertion professionnelle ;

- soit, si elles sont constituées sous forme d'associations, de coopératives, de mutuelles, d'institutions de prévoyance ou de sociétés dont les dirigeants sont élus par les salariés, les adhérents ou les sociétaires, remplissent certaines règles en matière de rémunération de leurs dirigeants et salariés.

Par ailleurs, sont assimilés à ces entreprises les organismes dont l'actif est composé pour au moins 35 % de titres émis par des entreprises solidaires ou les établissements de crédit dont 80 % de l'ensemble des prêts et des investissements sont effectués en faveur des entreprises solidaires.

Elles sont soumises à agrément de l'autorité administrative.

Ces deux dernières dispositions ont été analysées comme faisant entrer la définition des entreprises solidaires dans le domaine législatif.

C. Possibilité pour les organismes de placement collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) d'investir dans les entreprises solidaires

Le II de l'article 20 permet aux OPCVM d'investir jusqu'à 25 % de valeurs mobilières émises par une entreprise solidaire dont les fonds propres dépassent 150.000 euros. Le plafond actuel de 150.000 euros est ainsi supprimé.

D. Conditions dans lesquelles les associations peuvent émettre des obligations

Le du III de l'article 20 supprime l'obligation pour les associations relevant de la loi de 1901, émettant des obligations avec appel public à l'épargne, d'obtenir une autorisation préalable du ministre de l'économie lorsque l'émission est supérieure à 38.000 euros.

Par ailleurs, l'article L. 213-13 du code monétaire et financier prévoit actuellement que, pour les obligations émises par des associations sans appel public à l'épargne, le taux d'intérêt stipulé dans le contrat d'émission ne peut être supérieur au taux moyen du marché obligataire du trimestre précédant l'émission. Le du III de l'article 20 du projet de loi prévoit que le taux d'intérêt sera désormais majoré d'une prime définie par le ministre de l'Économie. Il est précisé en outre que cette majoration ne peut excéder trois points.

E. Elargissement du micro-crédit

Le du III de l'article 20 permet aux associations habilitées d'accéder aux fichiers d'incidents gérés par la Banque de France. Il s'agit de permettre aux associations habilitées à délivrer des micro-crédits dans les conditions évoquées ci-dessus de disposer d'informations sur la situation de l'emprunteur.

Le du III étend le secret bancaire aux représentants des associations habilitées.

Le du III modifie la disposition de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier, évoquée ci-dessus, qui déroge au monopole bancaire en prévoyant que l'interdiction relative aux opérations de crédit ne s'applique pas aux associations sans but lucratif faisant des prêts pour la création et le développement d'entreprises par des chômeurs ou des titulaires des minima sociaux. Cette dérogation concernera désormais les associations sans but lucratif et les fondations reconnues d'utilité publique accordant des prêts pour la création et le développement d'entreprises d'au plus trois salariés ou pour la réalisation de projets d'insertion par des personnes physiques. Les associations de micro-crédit pourront désormais prêter à tous les créateurs de très petites entreprises et non plus seulement à ceux qui sont chômeurs ou titulaires de minima sociaux, elles se verront aussi ouvrir la possibilité nouvelle de faire du micro-crédit pour financer des projets d'insertion notamment en faveur du retour à l'emploi. De tels prêts peuvent par exemple permettre le financement d'un véhicule, de frais de déménagement ou même de petit équipement ménager.

Le IV de l'article 20 modifie le code de la consommation afin d'étendre d'une part l'application du droit de la consommation aux crédits accordés par les associations habilitées à délivrer des micro-crédits, et d'ouvrir d'autre part à ces associations l'accès au fichier des incidents caractérisés de paiement liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels. Les associations devront aussi inscrire au fichier les incidents caractérisés de paiement liés aux crédits qu'elles accordent.

DES MESURES SIGNIFICATIVES ET UTILES

Ouvrir de nouveaux champs au micro-crédit, faciliter le financement des entreprises solidaires, faciliter le financement des associations en relevant le plafond de rémunérations des obligations qu'elles émettent : les mesures prévues dans l'article 20 embrasse largement le champ de l'économie solidaire pour favoriser son expansion de manière concrète et utile.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel à cet article.

IV. La position de votre commission spéciale

Cet article étend opportunément aux fondations reconnues d'utilité publique la possibilité, réservée actuellement aux associations sans but lucratif, d'effectuer des opérations de banque à titre habituel.

Il restreint cependant la portée de cette extension en prévoyant que les prêts accordés par ces organismes pour la création et le développement d'entreprises ne sont proposables qu'à celles de trois salariés au plus.

Cette limite n'existe pas dans le texte actuel de l'article L. 511-6 du code monétaire et financier, qui ne concerne actuellement que les associations sans but lucratif.

Elle peut présenter des difficultés d'application en raison de sa rigidité et de l'absence de précision sur le décompte du nombre de salariés de l'entreprise intéressée.

Ainsi, les entreprises en création susceptibles de recourir au micro-crédit peuvent commencer leur activité avec un nombre relativement significatif de personnes travaillant à temps partiel : dans le secteur des services aux personnes en particulier.

D'un point de vue plus large, les raisons conduisant à écarter rigidement de l'accès au micro-crédit les entreprises de plus de trois salariés ne sont guère visibles. Il serait plus rationnel de fixer des seuils par décret en fonction de l'importance du prêt et de la situation de l'entreprise.

En fonction de ces observations, votre commission a adopté un amendement supprimant dans le dernier alinéa du IV de l'article 20 la mention « d'au plus trois salariés », et prévoyant la fixation par décret du nombre maximum des salariés d'une entreprise recourrant au micro-crédit .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 20 bis (nouveau) - (articles 6 et 23 de la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 relative au développement de certaines activités d'économie sociale) Statut des associés de sociétés coopératives artisanales

Commentaire : cet article, introduit par l'Assemblée nationale, tend à simplifier les conditions d'accession à la qualité d'associé ainsi que les conditions d'affectation de l'excédent net de gestion dans les sociétés coopératives artisanales.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Les sociétés coopératives artisanales, créées par la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 relative au développement de certaines activités d'économie sociale, qui ont pour objet la réalisation de toutes opérations et la prestation de tous services susceptibles de contribuer, directement ou indirectement, au développement des activités artisanales de leurs associés ainsi que l'exercice en commun de ces activités, sont composées d'associés qui « se choisissent librement et disposent de droits égaux quelle que soit l'importance de la part du capital social détenue par chacun d'eux ».

L'article 6 de cette loi limite l'accès à la qualité d'associés à certaines catégories de personnes physiques ou morales.

Sont en particulier visés les artisans, personnes physiques ou morales immatriculées au répertoire des métiers ou au registre tenu par les chambres de métiers d'Alsace et de Moselle ainsi que les personnes, régulièrement établies sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, qui exercent des activités identiques à celles prévues pour l'immatriculation à ces mêmes répertoire ou registre. Il en est de même des personnes qui ont été admises comme associés en cette qualité, mais qui ne remplissent plus les conditions fixées par suite de l'expansion de leur entreprise, à la condition que l'effectif permanent de celle-ci soit inférieur à cinquante salariés.

Peuvent également être associées les personnes physiques ou morales dont l'activité est identique ou complémentaire à celle des personnes susmentionnée, lorsque l'effectif permanent des salariés qu'elles emploient n'excède pas cinquante .

Si ces dispositions s'expliquaient en 1983, compte tenu des conditions d'immatriculation au répertoire des métiers prévalant à l'époque, elles n'obéissent plus à une quelconque justification juridique aujourd'hui, puisqu'il est désormais possible aux entreprises qui ne comptaient pas plus de dix salariés lors de leur immatriculation de conserver celle-ci malgré le dépassement de ce seuil.

S'il pouvait être logique, dans un souci d'équilibre au sein de la coopérative, de prévoir un seuil d'effectif permanent de cinquante salariés afin de limiter le poids des artisans non immatriculés au sein de la société, cette logique a désormais disparu .

La société coopérative se caractérise par ailleurs par le principe de l'absence de rémunération du capital.

Ce principe conduit à prévoir, dans les sociétés coopératives artisanales, des règles de répartition de l'excédent net de gestion de la société . Ainsi, en vertu de l'article 23 de la loi du 20 juillet 1983, cet excédent doit être réparti de la façon suivante :

- une fraction au moins égale à 15 % doit être affectée à la constitution d'un compte spécial indisponible , destiné à garantir les engagements pris par la société coopérative à l'égard des tiers. Ce compte ne peut excéder le niveau le plus élevé atteint par les capitaux propres de la société coopérative, diminués de son propre montant. Il n'ouvre aucun droit aux associés et n'est susceptible ni d'être partagé entre eux, ni de faire l'objet de remboursement en cas de départ d'un associé pour quelque cause que ce soit, ni d'être incorporé au capital social ;

- une fraction doit être placée dans la réserve dans les conditions prévues à l'article 18 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération ;

- le reliquat peut ensuite être affecté, soit au service de l'intérêt aux parts sociales qui y donnent droit, soit à la répartition entre les associés, à titre de ristournes, proportionnellement aux opérations qu'ils ont réalisées avec la société coopérative et suivant les modalités prévues par les statuts.

Les acteurs de la coopération jugent que ces dispositions, et en particulier celle relative au montant du compte spécial indisponible, est de nature à freiner inutilement l'évolution des fonds propres de la société et à porter préjudice au développement des coopératives dans un contexte fragilisé par le départ massif en retraite des associés coopérateurs de sociétés coopératives artisanales.

A l'initiative de M. Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques, et de M. Michel Raison, l'Assemblée nationale a, avec l'avis favorable du Gouvernement, prévu de modifier la loi du 20 juillet 1983 afin :

- d'une part, de supprimer le seuil d'effectif de cinquante salariés pour les personnes physiques ou morales dont l'activité est identique ou complémentaire à celle des artisans, en modifiant au du présent article les dispositions de l'article 6 de la loi du 20 juillet 1983 ;

- d'autre part, au du présent article, de réévaluer le plafond du compte spécial indisponible en le portant au double du niveau le plus élevé atteint par les capitaux propres de la société coopérative, diminué de son propre montant .

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale est favorable à l'assouplissement du statut de la société coopérative artisanale. Sans remettre en cause les principes coopératifs, cette disposition permet d'élargir les capacités d'action de ce type de structure. Selon le Conseil supérieur de la coopération , il existe aujourd'hui 329 sociétés coopératives artisanales, regroupant 55.000 entreprises sociétaires.

Attachée au statut coopératif dans son acception globale , votre commission spéciale a été alertée sur les risques qui pèsent sur celui-ci en raison d'une procédure en instance au plan communautaire . La Commission européenne examine en effet actuellement des plaintes portées depuis 2004 à l'encontre de coopératives françaises, espagnoles, italiennes et norvégiennes, fondées sur le moyen des aides d'Etat et des pratiques anticoncurrentielles. L'Etat français doit achever dans les semaines à venir son mémoire en réponse, sur un dossier où se joue probablement une partie de l'avenir du système coopératif français et, plus largement, européen.

C'est la raison pour laquelle votre commission spéciale envisage d'interroger le ministre en séance, pour obtenir des précisions sur l'état de la procédure et lui manifester le soutien de Sénat à une forme d'organisation économique éprouvée, qui a structuré de nombreux secteurs et dont la place demeure importante pour leur équilibre.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE II - MOBILISER LA CONCURRENCE COMME NOUVEAU LEVIER DE CROISSANCE

Le projet de loi initial prévoit pour ce titre huit articles, répartis en trois chapitres :

- le chapitre I er , relatif à la mise en oeuvre de la deuxième étape de la réforme des relations commerciales, comprend les articles 21 et 22 ;

- le chapitre II, qui instaure une Autorité de concurrence, consiste en l'article 23 ;

- le chapitre III tend à « développer le commerce » et comprend les articles 24 à 28.

Comme sur les autres titres du projet de loi, les députés ont ajouté de nombreux articles au titre II. Ils ont en effet inséré :

- sept articles (21 A à 21 D et 22 bis à 22 quater ) au chapitre I er ;

- six articles (26 bis , 27 bis à 27 quater et 28 bis et 28 ter ) au chapitre III.

CHAPITRE IER - Mettre en oeuvre la deuxième étape de la réforme des relations commerciales

Dans sa version initiale, le chapitre I er comprenait exclusivement deux articles, présentés par le Gouvernement comme les deux éléments d'un nouvel équilibre commercial. L'article 21 supprime l'interdiction de discrimination dans les conditions générales de vente (CGV) des fournisseurs aux distributeurs ; en contrepartie, le contrôle et la sanction des abus qui pourraient être commis sont renforcés par l'article 22.

Les députés ont largement complété ce chapitre qui comporte désormais neuf articles, dont la plupart sont dépourvus de tout lien avec la réforme des relations commerciales puisqu'ils traitent de la protection du consommateur pour quatre d'entre eux ou, pour l'un d'entre eux, du prêt viager hypothécaire.

Votre commission spéciale préconise, dans un souci de bonne organisation du projet de loi, d'adopter un amendement modifiant l'intitulé de ce chapitre qui regrouperait les mesures relatives au renforcement de la protection des consommateurs votées par les députés (articles 21 A à 21 D) et les deux articles additionnels, également dédiés à cette thématique, qu'elle vous propose d'adopter après l'article 21 D. Par coordination, la division concernant la deuxième étape de la réforme des relations commerciales sera réintroduite sous la forme d'un chapitre I er bis inséré avant l'article 21.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet intitulé ainsi modifié.

Article 21 A (nouveau) - (articles L. 120-1, L. 121-1, L. 121-2, L. 121-6 et L. 122-11 du code de la consommation) Lutte contre les pratiques commerciales déloyales

Commentaire : cet article apporte des précisions aux dispositions du code de la consommation visant à interdire et à punir les pratiques commerciales déloyales.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 120-1 du code de la consommation, dont l'introduction dans le droit résulte de l'article 39 de la loi du 3 janvier 2008, qualifie , pour les interdire, de déloyales les pratiques commerciales qui sont contraires « aux exigences de la diligence professionnelle » et qui altèrent, ou sont susceptibles d'altérer de manière substantielle, « le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ». Cette définition procède en fait du droit communautaire, en application de la directive 2005/29/CE qui devait être transposée avant le 12 juin 2007 et mise en application pour le 12 décembre de la même année. Comme le soulignait notre collègue Gérard Cornu dans son rapport sur le projet de loi, cette transposition, qui vise à protéger à la fois tous les consommateurs et certains d'entre eux considérés comme plus particulièrement vulnérables, est susceptible d'apporter à la législation nationale un complément bienvenu.

En outre, la loi Chatel a élargi le champ de l'article L. 121-1, consacré auparavant exclusivement à la « publicité trompeuse », aux pratiques trompeuses et sanctionne désormais tant les actions que les omissions qui seraient ainsi qualifiées. Par ailleurs, elle a incriminé le délit de la pratique commerciale trompeuse en modifiant les articles L. 121-5 et L. 121-6. Enfin, une série d'articles, regroupés dans une section intitulée « Pratiques commerciales agressives », a été créée dans le code de la consommation en vue de définir, d'interdire et de punir ce type de pratiques.

Selon l'article L. 122-11, une pratique commerciale est agressive lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l'usage d'une contrainte physique ou morale :

1° elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d'un consommateur ;

2° elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d'un consommateur ;

3° elle entrave l'exercice des droits contractuels d'un consommateur.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Afin de prendre pleinement en considération l'objectif d'harmonisation des législations nationales des différents Etats membres en matière de lutte contre les pratiques commerciales déloyales, il est apparu aux députés qu'un certain nombre de précisions ou d'ajouts au droit en vigueur s'avéraient nécessaires, malgré le caractère très récent de ces dispositions (moins de six mois). Sur le fondement de cette analyse, ils ont inséré cet article sur proposition de la commission des affaires économiques afin de compléter le code de la consommation tel que modifié par la loi Chatel.

l Le paragraphe I amende l'article L. 120-1 afin de préciser que le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité, s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe . Votre rapporteur note qu'il s'agit de l'exacte reprise des termes du 3 de la directive 2005/29. En outre, ce paragraphe qualifie de déloyales les pratiques commerciales trompeuses et agressives , définies dans les articles suivants du code de la consommation, que l'article 21 B du présent projet de loi propose également d'adapter. Cet ajout a pour conséquence d'interdire explicitement et dans les mêmes conditions que les pratiques déloyales celles qui présentent de telles caractéristiques.

l Le paragraphe II complète l'article L. 121-1 sur deux points. D'une part, il vise à prendre en compte le contexte factuel pour caractériser l'existence d'une omission trompeuse. D'autre part, il précise que les obligations d'information, visées au deuxième alinéa du II de cet article concernant les communications commerciales, sont également applicables à celles qui constituent des invitations à l'achat.

l Le paragraphe III apporte une modification rédactionnelle à l'article L. 121-2.

l Le paragraphe IV porte rédaction globale de l'article L. 121-6 qui, dans sa version actuelle, définit les conditions dans lesquelles les pratiques commerciales trompeuses sont sanctionnées. Ces modifications visent à corriger une erreur matérielle afin de rétablir les sanctions prévues pour les personnes morales quand elles se rendent coupables de telles pratiques.

l Enfin, le paragraphe V modifie l'article L. 122-11, dont l'insertion dans le code date également de la loi Chatel, qui définit les pratiques commerciales agressives.

Le 1° procède à la même modification qu'au paragraphe II afin de prendre en compte le contexte factuel pour la qualification de la pratique agressive.

Le 2° reprend dans cet article les éléments visés à l'article 9 de la directive 2005/29 permettant de déterminer le caractère agressif d'une pratique commerciale.

Selon le texte adopté par l'Assemblée nationale, les éléments suivants seraient pris en considération :

- le moment et l'endroit où la pratique est mise en oeuvre, sa nature et sa persistance ;

- le recours à la menace physique ou verbale ;

- l'exploitation, en connaissance de cause, par le professionnel, de tout malheur ou circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d'influencer la décision du consommateur à l'égard du produit ;

- tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ;

- toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale juge opportune cette modification du droit de la consommation qui est de nature à renforcer dans des conditions encore plus satisfaisantes la protection des consommateurs les plus vulnérables.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 21 B (nouveau) (articles L. 121-1-1 et L. 122-11-1 du code de la consommation) - Liste des pratiques commerciales réputées trompeuses ou agressives

Commentaire : cet article, inséré par les députés, vise à achever la transposition de la directive 2005/29/CE et à intégrer dans le droit interne la liste exhaustive des pratiques commerciales trompeuses ou agressives.

I. Le droit en vigueur

Comme votre rapporteur l'a exposé dans son commentaire de l'article précédent, l'article L. 121-1 du code de la consommation qualifie les pratiques commerciales trompeuses tandis que l'article L. 122-11 qualifie celles des pratiques qui présentent un caractère agressif. Ces dispositions résultent de la transposition dans notre droit de la directive 2005/29/CE précitée qui, dans son annexe I , fixe la liste des pratiques commerciales réputées trompeuses et agressives en toutes circonstances . Or, cette annexe n'a pas été transposée par la loi du 3 janvier 2008 précitée, alors qu'elle constitue une partie intégrante de la directive. Dès lors, la Commission européenne a fait valoir à la France que cette transposition était incomplète dans la mesure où ces pratiques, déclarées déloyales en toutes circonstances par le droit européen, ne sont pas prohibées en tant que telles par les dispositions du code de la consommation.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Pour répondre à cette objection, l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition de sa commission des affaires économiques, un amendement insérant cet article 21 B qui tend à achever la transposition initiée par la loi Chatel et à intégrer dans le droit interne la totalité des pratiques trompeuses ou abusives.

l Son paragraphe I insère un nouvel article L. 121-1-1 dans le code de la consommation afin de lister les pratiques commerciales réputées trompeuses. Le contenu de cet article reprend, à l'identique, la liste fixée dans l'annexe I de la directive 2005/29 (se prétendre signataire d'un code de conduite, affirmer d'un produit ou d'un service qu'il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard, etc.). Il est précisé à la fin de cet article que ces pratiques ne concernent que les relations entre professionnels.

l Son paragraphe II crée quant à lui un nouvel article L. 122-11-1 dans le code et détermine l'ensemble des pratiques commerciales réputées agressives, dans des termes également identiques à ceux de l'annexe I de la directive (donner au consommateur l'impression qu'il ne pourra quitter les lieux avant qu'un contrat n'ait été conclu, se livrer à des sollicitations répétées et non souhaitées par tout mode de communication à distance, etc.).

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale relève que l'insertion de cet article résulte essentiellement d'une demande de la Commission européenne qui souhaitait que cette liste des pratiques commerciales déloyales, qu'elles présentent un caractère trompeur ou agressif, soit identique dans tous les pays européens, afin de suivre sa bonne application. Dès lors, le consommateur aura l'assurance que ces pratiques sont interdites, où qu'elles soient commises sur le territoire de l'Union.

Votre commission spéciale vous présente un amendement rédactionnel sur cet article.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 21 C (nouveau) - (article L. 132-1 [et son annexe] du code de la consommation) - Liste des clauses présumées abusives et considérées de manière irréfragable comme abusives

Commentaire : cet article modifie les conditions de fixation des clauses présumées abusives et celles qui doivent être considérées comme telle de manière irréfragable.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 132-1 du code de la consommation est consacré à la lutte contre les clauses contractuelles abusives . Sa rédaction met en oeuvre deux voies distinctes pour la reconnaissance normative du caractère abusif d'une clause, dont les effets juridiques sont différents :

- les clauses peuvent être regardées comme abusives car elles sont inscrites dans l'annexe visée au troisième alinéa de cet article. Celle-ci, qui revêt une valeur législative, transcrit intégralement les termes de l'annexe de la directive 93/13/CE du 5 avril 1993. Ces clauses, qualifiées de « grises », sont celles pour lesquelles le consommateur doit apporter la preuve de leur caractère abusif ;

- les clauses peuvent également être interdites par des décrets en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission des clauses abusives. Pour ces clauses, qualifiées de « noires », le consommateur n'a pas à apporter la preuve de leur caractère abusif.

Dans tous les cas, l'article L. 132-1 précise que les clauses abusives sont réputées non écrites et ses dispositions sont d'ordre public.

Cette articulation, sur le plan juridique, entre les clauses « grises » et « noires » est paradoxale au regard de la hiérarchie des normes puisque la loi établit une liste indicative de clauses qui doivent simplement être regardées comme abusives alors que des décrets peuvent interdire purement et simplement certaines clauses abusives.

Le droit en vigueur est donc source de difficultés, au détriment de la protection du consommateur, puisque l'existence de deux régimes juridiques différents, l'un prévu par la loi, l'autre fixé par le règlement, ne permet pas, compte tenu de la supériorité de la loi sur le règlement, d'interdire par voie réglementaire des clauses figurant dans l'annexe ayant valeur législative, quand bien même leur caractère abusif est systématiquement reconnu tant par la commission des clauses abusives que par la jurisprudence.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Introduit à l'initiative des députés, l'article 21 C propose donc de lever ces difficultés juridiques. Son paragraphe I modifie l'article L. 132-1 du code de la consommation tandis que son paragraphe II abroge l'annexe de ce même article énumérant la liste indicative et non exhaustive des clauses pouvant être regardées comme abusives.

Ces dispositions ont pour but de simplifier le système actuel en maintenant le double régime de clauses abusives, en lui conférant une valeur exclusivement réglementaire et en le renforçant. Ainsi, les clauses « grises » et « noires » seraient toutes deux déterminées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la commission des clauses abusives.

Placée auprès du ministre chargé de la consommation, la commission des clauses abusives comprend treize membres (un magistrat de l'ordre judiciaire, qui la préside, deux magistrats de l'ordre judiciaire ou administratif ou membres du Conseil d'Etat, deux personnalités qualifiées en matière de droit ou de technique des contrats, choisies après avis du conseil national de la consommation, quatre représentants des professionnels et quatre représentants des consommateurs). La fonction de commissaire du Gouvernement est exercée par le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ou son représentant.

Cette commission a pour objet d'examiner les modèles de conventions habituellement proposés par les professionnels à leurs contractants non professionnels ou consommateurs. Elle est chargée de rechercher si ces documents contiennent des clauses qui pourraient présenter un caractère abusif. A cet effet, elle peut être saisie soit par le ministre chargé de la consommation, soit par les associations agréées de défense des consommateurs, soit par les professionnels intéressés. Elle peut également se saisir d'office. La commission recommande la suppression ou la modification des clauses qui présentent un caractère abusif. Le ministre chargé de la consommation peut soit d'office, soit à la demande de la commission, rendre publiques ces recommandations qui ne peuvent contenir aucune indication de nature à permettre l'identification de situations individuelles.

En outre, contrairement au régime actuel, le consommateur n'aurait plus à prouver, grâce aux modifications apportées par cet article, devant les juridictions le caractère abusif des clauses « grises » puisqu' il reviendrait désormais au professionnel d'apporter la preuve du caractère non abusif , ce qui constitue un progrès notable au regard de la protection du consommateur.

Le régime des clauses « noires » voit sa rédaction précisée puisque l'article disposerait que ces clauses sont celles qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable , comme abusives.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale juge également bienvenue cette modification du droit en vigueur puisqu'elle résout une difficulté juridique et améliore la protection du consommateur. Tout en y souscrivant, elle vous présente néanmoins un amendement de précision juridique. En effet, le paragraphe II prévoit d'abroger, à la date de promulgation de la loi LME, l'annexe législative déterminant les clauses « grises » dans la mesure où un décret s'y substituera. Dans l'attente de la publication de ce décret, qui nécessitera un temps d'élaboration et de consultation du Conseil d'Etat et de la commission des clauses abusives, il est proposé de différer l'application de l'article 21 C et de la conditionner à l'entrée en vigueur du décret définissant les clauses « grises ». A cet effet, votre commission spéciale préconise l'adoption d'un amendement sur cet article.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 21 D (nouveau) Numéro non surtaxé pour obtenir la bonne exécution d'un contrat

Commentaire : cet article, ajouté par l'Assemblée nationale, propose de généraliser la non surtaxation à tout numéro de téléphone permettant à un client d'obtenir la bonne exécution d'un contrat.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative de M. François Brottes et de ses collègues du groupe socialiste, les députés ont adopté cet article additionnel qui impose aux services après-vente, aux services d'assistance technique ou à tout autre service chargé du traitement des réclamations se rapportant à l'exécution d'un contrat, de vente ou de louage d'un bien ou service, conclu avec un professionnel, d'être accessibles par un numéro de téléphone non surtaxé. L'article prévoit aussi que ce numéro doit être indiqué dans le contrat et la correspondance.

II. La position de votre commission spéciale

La problématique des numéros surtaxés a déjà été débattue au Parlement à l'occasion de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008, dite « loi Chatel ». Il s'agit de résoudre les difficultés que rencontrent aujourd'hui les consommateurs face aux numéros surtaxés. D'une part, ils ne comprennent pas la généralisation de ces numéros (services de renseignements téléphoniques, numéros des banques, « hotlines » des opérateurs de communications électroniques, numéros de l'administration...), qui est contestée à la fois dans son principe et au regard du niveau de tarification. D'autre part, les consommateurs souffrent d'un défaut d'information a priori sur le prix qui sera payé, d'autant que le coût d'un appel vers un service à valeur ajoutée (SVA) diffère selon que l'on appelle depuis un téléphone fixe, un téléphone branché sur une « box » (voix sur IP) ou un mobile (dans ce dernier cas, les consommateurs paient souvent une double surtaxe puisqu'ils paient l'« air time » -la connexion- hors forfait en plus du coût du service).

C'est en réponse à ces difficultés que le législateur a déjà pris des mesures dans le cadre de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, qui sont entrées en vigueur au 1 er juin 2008. L'article 16 de cette loi concerne plus spécifiquement le secteur des communications électroniques : il exige l'accessibilité des services d'assistance des opérateurs de communications électroniques par un numéro de téléphone non surtaxé mais également fixe et non géographique et il impose la gratuité du temps d'attente si l'appel au service d'assistance est émis depuis le réseau de l'opérateur. Il renvoie enfin à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) le soin d'identifier les numéros pouvant être surtaxés ce qui, a contrario , définit les numéros non surtaxés.

L'article 18 de la même loi dispose que les numéros indiqués comme gratuits sans précision doivent l'être pour un appel depuis un téléphone fixe comme depuis un téléphone mobile ( a contrario , les numéros vert à « appel gratuit depuis un téléphone fixe » peuvent subsister si cette mention est clairement indiquée). Pour plus de transparence pour les consommateurs, l'ARCEP a identifié une nouvelle tranche de numéros à appel gratuit depuis les fixes et les mobiles.

L'article 19 de la loi « Chatel » a, pour sa part, encadré la tarification des renseignements téléphoniques : lors d'un appel depuis un téléphone mobile à un service de renseignements téléphoniques, l'« air time » doit être décompté du forfait au prix d'une communication nationale, pour éviter la double surtaxation. En outre, le consommateur devra être informé précisément du tarif de la communication dans le cadre d'une mise en relation, après fourniture du renseignement.

Enfin, l'article 29 de la loi « Chatel », également entré en vigueur le 1er juin 2008, interdit aux opérateurs de vente à distance de faire supporter d'autres coûts que des coûts de communication aux consommateurs qui appellent pour résoudre un incident intervenu lors de la commande, signaler l'absence de livraison, exercer leur droit de rétractation ou faire jouer la garantie en cas de produits défectueux. Cet article proscrit donc la mise à disposition d'un numéro surtaxé pour permettre au consommateur de suivre l'exécution de sa commande, d'exercer son droit de rétractation ou de faire jouer la garantie. En effet, l'appel à un numéro surtaxé donne lieu à une facturation qui dépasse les seuls coûts de communication puisqu'elle intègre également la rémunération d'un service à valeur ajoutée qui constitue en l'espèce un coût complémentaire spécifique.

C'est la généralisation de cette mesure à l'ensemble des secteurs économiques, et non aux seuls opérateurs de vente à distance, que propose le présent article . L'objectif est de ne pas faire payer un consommateur qui chercherait seulement à obtenir du professionnel le respect de ses obligations contractuelles.

En réintégrant dans le prix des produits les éventuels surcoûts liés à la non-qualité (qui alimente le flux d'appels aux services de réclamation), les professionnels les plus vertueux seront avantagés puisqu'ils supporteront les coûts les plus faibles. La concurrence jouera alors pleinement en faveur non seulement des prix les plus bas, mais également de la meilleure qualité de service, de la meilleure longévité et durabilité des produits...

Cela peut certes entraîner, dans un premier temps, une augmentation « faciale » du prix des produits ou des services, mais ces sommes étaient de toute façon déboursées par les clients sur leur facture de téléphone du fait des appels aux SAV. Cette mesure améliorera donc aussi la transparence.

Dès lors, elle peut être considérée comme le corollaire du titre II du présent projet de loi qui vise à réformer les marges arrière dans les relations commerciales et à faire baisser les prix par un meilleur exercice de la concurrence : elle supprime en effet les autres « marges arrière » que les professionnels alimentaient par la surtaxation des appels, payée par les consommateurs ; elle permet de s'assurer que la baisse des prix pour les consommateurs ne sera pas contournée par le paiement d'autres sommes pour faire respecter leurs droits.

Enfin, elle permet d'assurer une parfaite égalité avec le secteur des communications électroniques et celui de la vente à distance, qui ont mis en place une telle mesure depuis le 1 er juin dernier.

Votre commission propose néanmoins un amendement à cet article afin d'en améliorer la rédaction, de le codifier dans le code de la consommation et de prévoir un délai pour sa mise en oeuvre.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 21 D - (article L. 221-11 du code de la consommation) Applicabilité directe des suspensions de mise sur le marché décidées par la Commission européenne

Commentaire : également présenté par votre commission spéciale, cet article additionnel prévoit que les décisions de suspension de mise sur le marché des produits prises par la Commission européenne sont applicables sans mesure de transposition.

I. Le droit en vigueur

Actuellement, chaque décision communautaire de suspension de mise sur le marché liée à un risque grave doit être transposée dans un texte national. C'est ainsi que pour les phtalates, un arrêté portant suspension de la mise sur le marché et ordonnant le retrait de certains jouets et articles de puériculture destinés à être mis en bouche par les enfants de moins de trois ans a été pris le 21 juillet 2000. La mesure imposant un marquage d'avertissement sur les jouets comportant des aimants va devoir également être transposée.

II. La position de votre commission spéciale

Compte tenu de l'augmentation du nombre de décisions prises par la Commission européenne en application de la directive relative à la sécurité générale des produits, il apparaît utile d'éviter la multiplication des actes de transposition, actuellement par arrêté pris en application de l'article L. 221-5. Votre commission spéciale vous propose donc, par un amendement portant article additionnel après l'article 21 D, de modifier l'article L. 211-11 du code de la consommation.

Une telle précision permettra ainsi aux décisions communautaires d'être directement applicables en droit français, sans acte de transposition devant parfois intervenir dans des délais très courts. Comme dans le droit en vigueur, le non respect de ces interdictions sera sanctionné de contravention de cinquième classe, tout comme les infractions aux arrêtés pris en cas de danger grave ou immédiat. Les agents mentionnés à l'article L. 215-1, comprenant les fonctionnaires de la DGCCRF, seront habilités à rechercher les infractions avec les pouvoirs qu'ils tirent de l'article L. 215-3.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel après l'article 21 D - (articles L. 218-5-2 [nouveau] et L. 221-7 du code de la consommation) Financement des contrôles de la conformité aux règles sanitaires et de sécurité des produits mis sur le marché

Commentaire : cet article additionnel, présenté par votre commission spéciale, propose de modifier les règles relatives au financement des contrôles de la conformité aux règles sanitaires et de sécurité des produits mis sur le marché.

I. Le droit en vigueur

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 212-1 du code de la consommation impose au responsable de la première mise sur le marché d'un produit de vérifier qu'il est conforme aux prescriptions en vigueur, notamment celles relatives à la sécurité et à la santé des personnes. A la demande des agents chargés des contrôles, il est tenu de justifier les vérifications et contrôles effectués mais cette obligation est cependant dépourvue de sanctions. Lorsque les analyses ou essais réalisés dans le cadre des contrôles de l'administration ont révélé la non-conformité d'un lot de produits, il est nécessaire, pour vérifier la conformité à la réglementation des produits similaires appartenant à d'autres lots, de procéder à de nouveaux prélèvements en vue de réaliser des analyses ou essais. Ceux-ci sont réalisés aux frais du budget des administrations de contrôle, alors même que le responsable de la mise sur le marché du produit n'avait pas satisfait aux obligations qui lui incombaient .

Par ailleurs, l'article L. 221-7 du même code autorise le ministre chargé de la consommation à adresser aux fabricants, importateurs, distributeurs ou prestataires de services, des mises en garde, à leur demander de mettre les produits ou services qu'ils offrent au public en conformité avec les règles de sécurité et à les soumettre ensuite au contrôle, dans un délai déterminé et à leurs frais, d'un organisme présentant des garanties d'indépendance, de compétence et d'impartialité figurant sur une liste fixée par le ministre.

Si, pour un produit ou un service déjà commercialisé, il existe des indices suffisants d'un danger ou si les caractéristiques d'un produit ou service nouveau justifient cette précaution, ces mêmes autorités peuvent prescrire aux professionnels concernés de procéder à ce contrôle dans les mêmes conditions. Les produits ou services n'ayant pas été soumis au contrôle prescrit en application de ces dispositions sont alors réputés ne pas répondre aux exigences de l'article L. 221-1, sauf si la preuve contraire en est apportée.

II. La position de votre commission spéciale

Pour remédier à cette situation qui n'apparaît pas totalement satisfaisante, votre commission vous propose, par un amendement portant article additionnel après l'article 21 D, de modifier ce cadre juridique pour renforcer la sécurité des produits mis sur le marché. En effet, pour vérifier si le produit est dangereux et prendre, le cas échéant, les mesures d'urgence nécessaires à la protection des consommateurs, l'administration est contrainte de procéder elle-même au contrôle. Or, en matière de produits industriels, ces contrôles peuvent souvent s'avérer onéreux, ce qui limite l'action des pouvoirs publics dans le domaine de la protection des consommateurs . Il convient donc de permettre à l'autorité administrative de faire procéder aux contrôles nécessaires aux frais du responsable de la mise sur le marché du produit en cause.

l Le paragraphe I de cet article, qui crée un nouvel article L. 218-5-2 dans le code de la consommation, précise que, si la personne responsable de la mise sur le marché national n'est pas en mesure de justifier des vérifications et contrôles effectués conformément à l'article L. 212-1 et s'il existe des éléments de nature à mettre en doute la conformité du produit aux prescriptions en vigueur relatives à sécurité et à la santé des personnes, le préfet ou, à Paris, le préfet de police peut lui enjoindre de procéder à des analyses ou essais, dans un délai qu'il fixe et à ses frais, par un organisme de contrôle présentant des garanties d'indépendance, de compétence et d'impartialité.

Il prévoit par ailleurs que, lorsqu'un produit n'a pas été soumis au contrôle prescrit, le préfet peut faire procéder d'office, en lieu et place du responsable de la mise sur le marché, et à ses frais, à la réalisation de ce contrôle.

l Le paragraphe II procède à une modification de même nature dans l'article L. 221-7 en prévoyant que le ministre peut faire procéder d'office, en lieu et place des professionnels et à leurs frais, à la réalisation des contrôles pour les produits ou services n'ayant pas été soumis au contrôle prescrit.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

CHAPITRE I ER BIS - Mettre en oeuvre la deuxième étape de la réforme des relations commerciales

Par coordination avec la modification du chapitre I er , votre commission spéciale vous propose, par un amendement, d'insérer avant l'article 21 un chapitre I er bis reprenant l'intitulé du chapitre I er du titre II du projet de loi initial, afin de regrouper les dispositions relatives à la mise en oeuvre de la deuxième étape de la réforme des relations commerciales, qui comprennent les articles 21 à 22 quater (sans préjudice de la proposition de votre commission spéciale tendant à supprimer cet article 22 quater par coordination avec l'insertion de ses dispositions dans le titre I er du texte).

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cette division additionnelle et son intitulé.

Article 21 - (articles L. 441-2-1, L. 441-6 et L. 441-7 du code de commerce) Conditions générales de vente

Commentaire : cet article traite de l'évolution de la législation sur la négociabilité des conditions de vente. Il porte un dispositif qui doit permettre de réduire très fortement les marges arrière en intégrant dans le prix des produits les différentes contreparties au contrat, dès lors que celles-ci ont été clairement identifiées.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 441-6 du code de commerce impose deux obligations aux fournisseurs : d'une part, ils doivent communiquer leurs conditions générales de vente (CGV) à tout distributeur qui demande à les connaître ; et, d'autre part, ils doivent réserver la même application de ces CGV à tous leurs clients d'une même « catégorie ». Ce dernier point est habituellement désigné comme le principe de non discrimination des conditions de vente.

Par ailleurs, la loi « Dutreil » de 2005 a introduit dans cet article la possibilité de définir entre le fournisseur et son client des conditions particulières de vente (CPV).

L'article L. 441-7 prévoit lui qu'une convention écrite précise les obligations du distributeur en contrepartie des ristournes et remises consenties par le fournisseur par rapport aux CGV. Cette convention a été prévue pour offrir un certain nombre de garanties au fournisseur, et doit être le support d'une négociation annuelle sur les trois éléments de la relation commerciale, à savoir :

- le prix et les obligations d'achat et de vente ;

- la coopération commerciale entre les deux parties, c'est-à-dire « les conditions dans lesquelles le distributeur (...) s'oblige à rendre au fournisseur (...) tout service propre à favoriser « la commercialisation de ses produits ou services »;

- les « services distincts » des deux premiers éléments, notion floue et comme telle particulièrement propice aux contournements de la loi.

II. Le dispositif initialement proposé

L'article 21 comprend trois paragraphes, qui modifient chacun un article du CC. Le paragraphe I remplace les sixième et septième alinéas de l'article L. 441-6 du code de commerce.

La rédaction proposée pour le sixième alinéa supprime tout d'abord un exemple de catégories différentes d'acheteur, qui n'est pas nécessaire au dispositif, et la référence à la détermination par voie réglementaire des conditions de définition de ces catégories. La deuxième phrase reprend quant à elle le contenu de la première phrase de l'actuel septième alinéa, qui précise que l'obligation de communication des CGV ne vaut qu'envers des acheteurs de même catégorie.

Resterait donc au septième alinéa une phrase maintenant l'autorisation de CPV, non soumises à l'obligation de communication. L'obligation que ces CPV soient « justifiées par la spécificité des services rendus » disparaît, ce qui est en réalité le point central de l'article 21, puisque désormais il n'y a plus à justifier de l'établissement de CPV. Dans ces conditions, on pourrait s'interroger sur la nécessité juridique de maintenir le dispositif des CGV. En effet, une interdiction a peu de sens s'il est possible d'y déroger librement et sans justification.

Mais en réalité, le maintien des CGV est important, car celles-ci constituent « le socle de la négociation » , c'est-à-dire un cadre de référence commun dans lequel va pouvoir se développer la relation commerciale

Le paragraphe II modifie le I de l'article L. 441-7 du code de commerce. Le de ce paragraphe en complète le 3° pour prévoir que le prix des « services distincts » proposés par le distributeur et qui sont couverts par la convention annuelle, apparaît sur la facture des fournisseurs. Autrement dit, il s'agit de faire repasser à l'avant l'élément le plus problématique des marges arrière.

Le de ce paragraphe porte une nouvelle rédaction des cinquième et sixième alinéas du I de l'article L. 441-7. Le cinquième alinéa doit permettre de mieux définir le contenu de la convention annuelle. Celle-ci doit préciser l'objet, la date prévue et les modalités d'exécution de chaque obligation de la coopération commerciale et des services distincts. Le texte du projet de loi réserve ici un traitement différent à ces deux éléments de la négociation commerciale, puisque doivent être précisés, dans le cas de la coopération commerciale, « la rémunération de chaque obligation ainsi que les produits ou services auxquels elles se rapportent » .

La rédaction du sixième alinéa, relatif à la date de conclusion de la convention, est quant à elle affinée pour en améliorer la lisibilité et pour couvrir les produits et services « soumis à un cycle de commercialisation particulier » .

Le paragraphe III complète l'article L. 441-2-1 du code de commerce pour préciser que le contrat qui lie fournisseur et producteur « indique les avantages tarifaires consentis par le fournisseur au distributeur au regard des engagements de ce dernier » , ce qui pouvait se déduire de la rédaction actuelle de l'article. Il s'agit donc plus d'une explicitation du dispositif existant que d'un réel ajout.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Outre des modifications rédactionnelles, les députés ont apporté deux modifications de fond à cet article et plus particulièrement à son II modifiant l'article L. 441-7 du code de commerce. La première a consisté à prévoir le cas des grossistes, qui n'étaient pas couverts par la rédaction actuelle du 2° de l'article L. 441-7, qui visait « la revente de ces produits ou services aux consommateurs » . Le rapporteur de l'Assemblé nationale a donc fort judicieusement proposé et obtenu la suppression des mots « aux consommateurs » , ce qui permet aux grossistes d'être couverts par le dispositif.

La deuxième modification substantielle a consisté à prévoir que la convention annuelle indique « les obligations auxquelles se sont engagées les parties en vue de fixer le prix convenu à l'issue de la négociation commerciale » . Cette rédaction s'efforce de répondre aux souhaits des fournisseurs que soient bien définies de réelles obligations, qui ne laissent pas place à une forme déguisée de négociation commerciale.

IV. La position de votre commission spéciale

Les articles L. 441-6 et L. 441-7 du code de commerce reflètent l'analyse par le législateur d'un déséquilibre entre les fournisseurs et les distributeurs, à l'avantage de ces derniers. Le législateur a considéré que le cadre synallagmatique classique ne pouvait fonctionner en raison de la différence de taille entre la myriade de fournisseurs et les six centrales d'achat ou de référencement de la grande distribution. Le projet de loi constate l'échec de ce dispositif, qui, d'une part, n'a pas permis de contrebalancer la faiblesse des fournisseurs face aux distributeurs et, d'autre part, a eu des effets pervers dont, en particulier, le développement très important des marges arrière. Celles-ci constituent assez largement un outil de contournement de la loi et aboutissent en outre à une inflation des prix.

Naturellement, on peut regretter que la réponse au contournement de la loi soit le changement de la loi. Mais au-delà de cette position de principe, le législateur se doit d'être lucide sur la réalité. L'éclatement de l'offre et la concentration extrême de la demande constituent des faits qu'il convient sans doute de déplorer, mais qui sont trop prégnants pour être surmontés par un dispositif juridique seul, aussi complexe soit-il. Votre rapporteur souhaite rappeler qu'une des solutions pour dépasser ce déséquilibre constitue la structuration de l'offre. Par ailleurs, l'article 21 du projet de loi doit se lire avec l'article 22, qui renforce la sanction des abus. Le Gouvernement s'efforce ici d'appliquer le principe classique qui veut que plus de liberté s'accompagne de plus de responsabilité.

Quant aux modifications apportées par l'Assemblée nationale, elles sont très bien venues. Votre rapporteur doit saluer à cette occasion le remarquable travail mené par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, sous l'autorité de son président M. Patrick Ollier et de son rapporteur M. Jean-Paul Charié. Afin d'améliorer la lisibilité du dispositif, votre rapporteur vous propose deux amendements , l'un pour apporter une légère modification rédactionnelle au I de l'article 21, l'autre pour procéder à une réécriture du I de l'article L. 441-7 qui reprend entièrement l'équilibre subtil auquel est parvenue l'Assemblée nationale.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 21 - (article L. 112-6 du code de la consommation) Indication du producteur sur les produits sous marque de distributeur

Commentaire : cet article additionnel, proposé par votre commission spéciale, tend à faire adopter une disposition qui existe déjà dans le code de la consommation pour permettre au fabricant d'un produit sous marque de distributeur (MDD) de demander à ce que son nom figure sur l'emballage du produit.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 112-6 du code de la consommation impose au distributeur de mentionner le nom et l'adresse du fabricant d'un produit vendu sous marque de distributeur (MDD), si le fabricant en fait la demande .

Cet article porte également une définition de ce qu'est un produit vendu sous MDD.

II. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur a été informée que certains distributeurs se refusent à laisser les producteurs indiquer leur nom et leur adresse sur le produit, ce qui est naturellement parfaitement illégal au vu de l'article L. 112-6 du code de la consommation. Certes, le producteur peut en théorie saisir la justice de cette infraction. Mais il est aisé de comprendre pourquoi un fournisseur peut hésiter à poursuivre un de ses principaux clients en justice.

C'est pourquoi votre commission spéciale vous présente un amendement tendant à rendre obligatoire la mention du nom et de l'adresse du fabricant sur les produits sous MDD. Il importe de signaler que cette mention n'a pas à figurer sur la face principale du produit, mais qu'elle peut très bien être inscrite à côté de la liste des ingrédients. En cela, elle ne gêne pas les stratégies de marque des distributeurs.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article 22 (article L. 442-6 du code de commerce) - Sanction des abus dans la relation commerciale

Commentaire : cet article est le corollaire nécessaire de l'article 21. À l'augmentation de la liberté des parties de négocier, doit être associé un renforcement du contrôle et des sanctions des comportements abusifs.

I. Le droit en vigueur

Le I de l'article L. 442-6 du code de commerce sanctionne neuf abus dans la relation commerciale. Ces faits engagent la responsabilité civile de leur auteur et l'obligent à réparer le préjudice causé.

Le II de cet article constate la nullité de trois types de clauses et contrats abusifs.

Le III précise les conditions d'instruction devant la juridiction civile ou commerciale des procédures résultant des paragraphes I et II.

Le IV donne au juge des référés la capacité d'ordonner la cessation des pratiques discriminatoires ou abusives, ou de prononcer « toute autre mesure provisoire » .

II. Le dispositif initialement proposé

Le Gouvernement a présenté l'article 22 comme le corollaire logique de l'article 21 : la liberté accrue offerte dans la négociation commerciale s'accompagne d'un contrôle plus sévère des abus.

Le texte initial du Gouvernement présentait une faille formelle, puisque son premier alinéa prévoyait de modifier l'article L. 442-6, alors que le dernier alinéa (9°) de l'article ne modifie pas cet article et devrait constituer en réalité un paragraphe distinct. Cette difficulté de lecture résolue, on observe que l'article apporte huit modifications à l'article L. 442-6 :

- le supprime le 1° du I de l'article L. 442-6, relatif à l'interdiction de discrimination commerciale, ce qui est en cohérence avec l'article 21 du projet de loi ;

- le est rédactionnel ;

- le remplace la notion de « conditions commerciales ou obligations injustifiées » par celle de « déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » ;

- le tire la conséquence de l'article 21 en supprimant l'interdiction d'obtenir, sous la menace d'une « rupture brutale » de la relation commerciale, des dérogations aux CGV. Elle est remplacée par l'interdiction d'obtenir, par le même chantage, des « conditions manifestement abusives » ;

- le ajoute à la liste des clauses frappées de nullité celles qui prévoiraient l'alignement automatique des conditions commerciales dès lors qu'un concurrent aurait obtenu des conditions plus favorables. Il n'y avait pas besoin de prévoir une telle nullité jusqu'ici, car la non-discrimination conduisait justement à l'alignement automatique ;

- le est rédactionnel ;

- le prévoit que l'amende civile, d'un maximum de 2 millions d'euros (M€), « peut être portée au triple du montant, évalué par la juridiction, des sommes indûment versées » . La rédaction proposée comporte une ambiguïté, quant à la valeur exacte de ce plafond de 2 M€ et la possibilité d'y déroger ;

- le complète le III de l'article L. 442-6 par quatre alinéas. Le premier ouvre au juge la faculté d'ordonner, sur différents supports, la publicité de sa décision. Le deuxième lui permet de prononcer des astreintes pour obtenir de la partie perdante l'exécution de la décision. Le troisième prévoit qu'un décret déterminera précisément quelles sont les juridictions compétentes pour les litiges nés de l'application de l'article L. 442-6. Le dernier alinéa ouvre la faculté à ces juridictions de consulter la commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) définie par l'article L. 440-1 du CC. La décision de demander un avis consultatif à la CEPC n'est pas susceptible de recours de la part des parties à l'instance. La CEPC doit rendre son avis dans les quatre mois. L'action est suspendue dans l'attente de l'avis ou de l'expiration du délai de quatre mois, sauf pour la prise de mesures conservatoires ;

- le assure la continuité des instances en cours, en précisant que celles qui sont saisies de litiges à l'entrée en vigueur du décret qui doit préciser les juridictions compétentes achèvent leur instruction.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont apporté, pour l'essentiel, des améliorations rédactionnelles à cet article. Ils ont toutefois complété son I par un ajout tout à fait bienvenu de coordination au IV de l'article L. 442-6.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur se satisfait du dispositif auquel sont parvenus les députés. Elle souhaite simplement apporter de légères améliorations rédactionnelles et vous propose deux amendements à cette fin, l'un au 8° et l'autre au 10°.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 22 bis (nouveau) - (article L. 440-1 du code de commerce) - Désignation du président de la CEPC

Commentaire : cet article tend à prévoir que le président de la commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) ne soit plus nécessairement un magistrat.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 440-1 du code de commerce crée la commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) et en précise la composition, les règles de fonctionnement, les missions et les compétences.

Dans ce cadre, l'avant-dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 440-1 dispose que la CEPC « est présidée par un magistrat de l'ordre administratif ou judiciaire » .

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté, avec l'accord de la commission et du Gouvernement, un amendement tendant à ce que le président de la CEPC puisse être n'importe lequel de ses membres, et non nécessairement un magistrat.

III. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur observe que la qualité des travaux de la CEPC est largement reconnue. Dans ces conditions, l'apport de l'ajout de l'Assemblée nationale n'est pas évident d'emblée. Certes, il peut être intéressant d'introduire une souplesse dans la désignation du président de la CEPC. En même temps, la qualité de magistrat de son président était aussi un atout. C'est pourquoi votre commission spéciale vous propose de tâcher de concilier ces deux atouts plutôt que d'en supprimer un. A cette fin, elle vous présente un amendement tendant à prévoir que, lorsque le président n'est pas un magistrat, l'un des deux magistrats de la commission occupe la fonction de vice-président.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 22 ter (nouveau) (article L. 442-9 du code de commerce) - Prise en compte de la hausse du coût des céréales dans le prix des produits de consommation courante

Commentaire : cet article tend à compléter le dispositif relatif aux conditions particulières de fixation des prix en matière de produits agricoles non transformés pour y ajouter les produits de la première transformation des céréales destinées à la consommation courante.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 442-9 du code de commerce a été complété, à l'initiative de l'Assemblée nationale, par la loi du 3 janvier 2008, pour sanctionner les revendeurs qui refuseraient de permettre à leurs fournisseurs d'intégrer dans leurs prix « les fortes hausses des cours de certaines matières premières agricoles » .

Ce dispositif a été créé pour protéger les fournisseurs de produits périssables, qui se trouvent par nature dans une situation de négociation défavorable, puisse qu'il leur faut écouler leur production rapidement sans quoi elle perdrait toute valeur. Cela explique que l'article L. 442-9 concerne « les produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d'animaux vifs, de carcasses, (...) les produits de l'aquaculture, ainsi que (...) les produits alimentaires de consommation courante issus de la première transformation de ces produits » .

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

Malgré l'avis défavorable du rapporteur de l'Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement tendant à compléter la liste des produits couverts par le dispositif de l'article L. 442-9 par « les produits alimentaires de consommation courante à base de céréales dont le coût de fabrication est fortement dépendant de l'évolution des cours des matières premières agricoles » visées par le texte actuel de l'article.

III. La position de votre commission spéciale

L'ajout des députés comporte un inconvénient non négligeable : il éloigne sensiblement l'article L. 442-9 de sa vocation première, qui était d'apporter une réponse à la situation particulière des fournisseurs dont la nature de leur produit les oblige à conclure rapidement la vente. En effet, les céréales ou même la farine peuvent se stocker.

En dehors du fait que le dispositif changerait de logique dans le cas d'un produit pouvant se stocker, se poserait aussi la question des conditions de son application. En effet, dès lors qu'un stockage est possible, il sera difficile de déterminer une période de référence de prix par rapport à laquelle seront évalués tant la hausse du coût des céréales que le prix proposé par l'acheteur.

C'est pourquoi, sans méconnaître l'intérêt du débat ouvert par les députés, votre commission vous propose de supprimer cet article , dont l'adoption aboutirait en définitive à revoir profondément le dispositif de l'article L. 442-9, adopté il y a tout juste six mois

Votre commission spéciale vous propose de supprimer cet article.

Article 22 quater (nouveau) - (articles L. 120-20-12, L. 314-1 et L. 314-12 du code de la consommation) - Prêt viager hypothécaire

Commentaire : cet article contient des dispositions relatives au prêt viager hypothécaire.

I. Les travaux de l'Assemblée nationale

Adopté à l'initiative de M. Michel Piron, cet article a pour objet d'améliorer le régime juridique et financier du prêt viager hypothécaire.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous ayant soumis, dans un souci de bonne organisation du projet de loi, un amendement tendant à insérer ces dispositions après l'article 17, il vous est proposé, par coordination, de supprimer l'article 22 quater .

Votre commission spéciale vous propose de supprimer cet article.

CHAPITRE II - Instaurer une Autorité de la concurrence

Le chapitre II du titre II se compose d'un unique article 23 consacré à la transformation , par voie d'ordonnance, du Conseil de la concurrence en une Autorité de la concurrence dotée de prérogatives élargies.

Votre rapporteur s'est longuement interrogée sur l'opportunité de recourir à l'ordonnance pour procéder à une réforme aussi lourde politiquement que fondamentale sur le plan économique. A ce titre, elle ne saurait se satisfaire des justifications qui lui ont été fournies sur ce choix, en vertu desquelles l'organisation du système de la concurrence avait déjà, en 1986, été réformée par voie d'ordonnance, ou sur le fait que les nombreuses modifications à apporter au droit en vigueur alourdiraient inutilement le texte du projet de loi. Votre commission spéciale a, au contraire, jugé que le renforcement du système de régulation de la concurrence , qui repose essentiellement sur la transformation du Conseil en Autorité dotée de compétences élargies, constituait la clé de voûte de l'édifice législatif présenté au Parlement par le titre II du projet de loi , contrepartie essentielle à d'autres dispositions du texte tendant à renforcer la concurrence dans de nombreux secteurs économiques.

Elle s'est d'autant plus interrogée sur le recours à l'ordonnance qu'elle a eu connaissance, dès le début de la discussion du projet de loi à l'Assemblée nationale, d'un projet de texte, au demeurant soumis à consultation par le Gouvernement auprès des différents acteurs économiques, ce qui lui a ainsi permis de mieux percevoir les objectifs de la réforme proposée. Votre commission spéciale a pour sa part procédé, de son côté, à une démarche similaire de consultation auprès d'un certain nombre d'experts juridiques et d'organismes représentatifs de la vie économique ou pratiquant au quotidien le droit de la concurrence.

Forte de cette lecture et des réponses qui ont été fournies, votre rapporteur a été en mesure de constater que les grandes lignes de la réforme étaient en définitive stabilisées et satisfaisantes sur le plan de leur écriture juridique, sous réserve de plusieurs précisions d'ordre rédactionnel. Elle s'est également aperçu que de nombreux points de la réforme justifiaient pleinement un débat parlementaire en bonne et due forme, sur la base, non pas d'une habilitation, mais d'une proposition de texte, afin de permettre à la représentation nationale de se prononcer en toute connaissance de cause sur des dispositifs lourds de conséquences pour les entreprises. Là encore, votre commission spéciale n'aurait pu se satisfaire d'une réponse tendant à renvoyer une telle discussion à l'examen du projet de loi de ratification de l'ordonnance puisque l'ordre du jour des assemblées parlementaires est rarement consacré à l'examen de ce type de projets de loi qui, dans leur grande majorité, sont intégrés, par voie d'amendements, à des textes plus généraux n'en permettant pas une analyse satisfaisante.

Ces réflexions ont donc conduit votre commission spéciale à vous présenter deux amendements portant articles additionnels avant l'article 23 qui concernent respectivement la création de l'Autorité de la concurrence , ce qui comprend sa composition, son organisation interne et les modalités de son contrôle par le Parlement, et le transfert du contrôle des concentrations économiques du ministre chargé de l'économie vers l'Autorité . Votre rapporteur a pris le parti, dans cette démarche, d'écarter les éléments du projet d'ordonnance ayant trait au renforcement des pouvoirs de l'Autorité dans le domaine du contrôle des pratiques anticoncurrentielles, à la procédure et à l'articulation de ces compétences entre l'Autorité et les services du ministre . En effet, il lui est apparu que de telles modifications nécessitaient vraisemblablement un temps de réflexion et un examen juridique plus approfondis -ce que ne permettaient pas au demeurant les délais d'examen laissés au Sénat pour la discussion du projet de loi-, compte tenu de l'enjeu majeur que celles-ci représentent en termes de respect des droits de la défense ou d'articulation fine entre les prérogatives du ministère de l'économie et l'autorité administrative indépendante dans le domaine des pratiques anticonventionnelles . Dans ces conditions, le principe de la réalisation de ces réformes par voie d'ordonnance a été maintenu, ce qui rend néanmoins nécessaires des modifications du libellé de l'article 23, présentées par votre commission spéciale ci-dessous.

Toutefois, dans la mesure où la réforme du système de régulation de la concurrence constitue un ensemble cohérent , il paraissait peu satisfaisant sur le plan juridique et impossible sur le plan de la continuité des affaires traitées aujourd'hui par le Conseil et demain par l'Autorité d'en faire entrer en vigueur une première partie avec la promulgation de la loi de modernisation de l'économie et une seconde avec la promulgation de l'ordonnance. Ces motifs justifient donc de conditionner l'entrée en vigueur des deux articles additionnels proposés à la promulgation de l'ordonnance prévue à l'article 23 du projet de loi et, au plus tard, le 1 er janvier 2009.

Article additionnel avant l'article 23 - (chapitre Ier du titre VI du livre IV du code de commerce) - Transformation du Conseil de la concurrence en Autorité de la concurrence

Commentaire : cet article additionnel propose de transformer le Conseil de la concurrence en Autorité de la concurrence avec une composition renouvelée, de nouvelles règles d'organisation et un suivi parlementaire.

I. Le droit en vigueur

Le système actuel de régulation de la concurrence date du milieu des années 1980 avec la promulgation de l'ordonnance du 1 er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence . Il s'agit en effet du texte fondateur qui a procédé à la création du Conseil de la concurrence et fixé la plupart des règles relatives au contrôle des pratiques anticoncurrentielles et des concentrations économiques. Cette ordonnance a elle-même été abrogée en 2000 et ses dispositions figurent désormais dans le livre IV du code de commerce. La responsabilité du contrôle de la concurrence est ainsi, depuis 1986, partagée entre le Conseil de la concurrence et les services du ministère de l'économie, regroupés dans la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

A. Le Conseil de la concurrence et ses formations

Le Conseil de la concurrence est une autorité administrative indépendante , composée de dix-sept membres nommés par décret pour un mandat renouvelable d'une durée de six ans.

Le Conseil se compose de :

- huit membres ou anciens membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes ou des autres juridictions administratives ou judiciaires ;

- quatre personnalités choisies en raison de leur compétence en matière économique ou en matière de concurrence et de consommation ;

- cinq personnalités exerçant ou ayant exercé leurs activités dans les secteurs de la production, de la distribution, de l'artisanat, des services ou des professions libérales.

Le président et les trois vice-présidents sont nommés, pour trois d'entre eux, dans la catégorie des magistrats, et pour l'un d'entre eux, parmi l'une des deux catégories de personnalités qualifiées.

Parmi les dix-sept membres, seuls le président et les trois vice-présidents exercent leurs fonctions à plein temps et sont donc soumis aux règles d'incompatibilité prévues pour les emplois publics.

Pour limiter les risques d'absentéisme parmi les membres du Conseil, l'article L. 461-2 du code de commerce prévoit une déclaration de démission d'office par le ministre de tout membre du Conseil n'ayant pas participé, sans motif valable, à trois séances consécutives. Par ailleurs, tout membre du Conseil doit informer le président des intérêts qu'il détient ou vient à acquérir et des fonctions qu'il exerce dans une activité économique. En outre, ils ont interdiction de délibérer dans une affaire où ils ont un intérêt ou s'ils représentent ou ont représenté une des parties intéressées. Le non respect de ces deux exigences est également sanctionné par la démission d'office.

Le Conseil de la concurrence peut siéger soit en formation plénière, soit en sections, soit en commission permanente. La commission permanente est composée du président et des trois vice-présidents. En cas de partage égal des voix, la voix du président de la formation est prépondérante.

B. Les services d'instruction

Le Conseil de la concurrence compte, au sein de ses services, un rapporteur général, des rapporteurs généraux adjoints (actuellement au nombre de trois) et des rapporteurs permanents, nommés sur proposition de son président par arrêté du ministre chargé de l'économie. Depuis l'adoption de la loi relative aux nouvelles régulations économiques, l'organisation du Conseil s'articule autour d'une dissociation claire entre les fonctions d'instruction , placées sous l'autorité du rapporteur général, et les fonctions de décision incombant au collège du Conseil . Sur le plan matériel, ces deux entités disposent d'ailleurs de leurs propres services, les agents chargés de l'instruction des affaires étant placés sous l'autorité fonctionnelle du rapporteur général.

Ainsi, s'agissant du déroulement des procédures d'examen des pratiques anticoncurrentielles, les investigations sont conduites par les rapporteurs, sous l'autorité et le contrôle exclusif du rapporteur général , qui notifie les griefs aux entreprises et veille au respect des droits de la défense. Les membres du collège du Conseil de la concurrence n'interviennent à aucun titre à ce stade de la procédure et ne prennent en aucun cas connaissance de l'affaire avant la fin de l'instruction. Le collège n'intervient qu'au dernier stade de la procédure et il lui appartient, après la phase d'investigation, de lire le dossier en vue de sa séance, d'entendre les parties à l'occasion de celle-ci, puis de délibérer, hors la présence du rapporteur général et du rapporteur , et de prendre une décision.

C. Le commissaire du Gouvernement

Un commissaire du Gouvernement auprès du Conseil de la concurrence est désigné par le ministre chargé de l'économie. Nommé par arrêté du ministre de l'économie parmi les membres de la DGCCRF, le commissaire du Gouvernement participe pleinement au débat contradictoire devant le Conseil de la concurrence , à l'égal des parties (saisissantes et mises en cause). Il représente le ministre de l'économie et peut, à ce titre, présenter des observations écrites sur la notification de griefs, sur le rapport et pour l'audience, ainsi que des observations orales en séance.

Il est destinataire des documents d'instruction du rapporteur débattus contradictoirement (proposition de non-lieu, notification des griefs, rapport) et peut demander une réorientation de l'analyse et des conclusions du rapporteur (demande de notification de griefs en cas de proposition de non-lieu, demande d'abandon de griefs ou de notification de griefs complémentaires, demande de sursis à statuer en vue d'un complément d'instruction). Les demandes du commissaire du Gouvernement doivent être examinées par le Conseil et communiquées aux parties. Dans les décisions qu'il rend, le Conseil expose les observations du commissaire du Gouvernement et y répond explicitement.

Par ailleurs, les avis éventuels des ministres intéressés sont transmis par écrit au Conseil de la concurrence par l'intermédiaire du commissaire du Gouvernement.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous soumet un amendement , portant article additionnel avant l'article 23, afin d'insérer dans le projet de loi les éléments, dont certains ont été modifiés sur proposition de votre rapporteur, du projet d'ordonnance relatif à la transformation du Conseil en Autorité. A cet effet, ces dispositions portent rédaction globale du chapitre I er du titre VI du livre IV du code de commerce, qui s'intitulerait désormais : « De l'Autorité de la concurrence ». Le chapitre comporterait les articles L. 461-1 à L. 461-3, dans une rédaction modifiée, et serait complété par deux nouveaux articles L. 461-4 et L. 461-5.

Ø L'article L. 461-1 se compose de trois paragraphes.

Le I dispose que l'Autorité de la concurrence est une autorité administrative indépendante chargée de veiller au libre jeu de la concurrence et apportant son concours au fonctionnement concurrentiel des marchés aux échelons européen et international.

Le II concerne la composition de l'Autorité. Il précise que les attributions qui lui sont confiées sont exercées par un collège composé, comme c'est le cas actuellement, de dix-sept membres, dont un président, nommés pour une durée de cinq ans par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'économie.

S'appuyant notamment sur les principes qui avaient présidé en 2006, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif au secteur de l'énergie, à la réforme de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), votre commission spéciale préconise de reprendre, pour l'Autorité, des dispositions similaires à celles de l'article 28 de la loi du 10 février 2000 en précisant que le président du collège est nommé en raison de ses qualifications dans les domaines juridique, économique et technique, après avis des commissions du Parlement compétentes en matière de concurrence .

Cet ajout, souhaité par l'Assemblée nationale et le Sénat en 2006, se justifie pleinement pour l'Autorité à plusieurs titres. D'une part, il apparaît légitime d'associer de manière plus étroite le Parlement aux processus de nomination des présidents de ce type d'instances , compte tenu de leur multiplication au cours des dernières années, des compétences toujours plus élargies dont elles disposent et de l'importance pour la vie économique des prérogatives confiées aux régulateurs sectoriels. Une telle disposition pour la CRE n'a d'ailleurs rien dû au hasard ou aux circonstances liées au secteur de l'énergie puisque, quelques mois après la promulgation de la loi du 7 décembre 2006, le législateur soumettait la nomination du président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) à la même procédure avec l'adoption de la loi du 5 mars 2007. De même, la référence aux compétences du président dans les domaines juridique, économique et technique procède du même raisonnement et trouve son fondement dans les dispositions relatives au président ou aux membres de la CRE, de l'ARCEP et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), toutes trois autorités administratives indépendantes. Surtout, cette démarche s'inscrit dans l'esprit de la réforme de la Constitution proposée par le Gouvernement, actuellement en débat au Parlement, qui prévoit, dans l'article 4 du projet de loi constitutionnelle, les conditions dans lesquelles la réunion des commissions permanentes des deux assemblées pourra s'opposer à certaines nominations. La proposition de votre commission spéciale ne fait donc qu'anticiper cette nouvelle procédure, dont la mise en oeuvre n'est au demeurant pas conditionnée à la révision effective de la Constitution puisque, dans sa forme actuelle, celle-ci autorise pleinement le législateur à prévoir un tel avis des commissions parlementaires. En effet, si tel n'avait pas été le cas, le Conseil constitutionnel, saisi du texte adopté par les assemblées sur la loi relative au secteur de l'énergie, aurait certainement déclaré les dispositions relatives à la nomination du président de la CRE contraires à la Constitution.

Votre commission spéciale reprend ensuite les propositions du Gouvernement en matière de composition du collège de l'Autorité, qui diffèrent à la marge du droit existant. Ainsi, le collège comprendrait six membres ou anciens membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes ou des autres juridictions administratives ou judiciaires (contre huit actuellement), cinq personnalités choisies en raison de leur compétence en matière économique ou en matière de concurrence et de consommation (contre quatre actuellement) et cinq personnalités exerçant ou ayant exercé leurs activités dans les secteurs de la production, de la distribution, de l'artisanat, des services ou des professions libérales (ce nombre resterait identique par rapport au droit en vigueur).

Alors que seuls trois vice-présidents sont aujourd'hui nommés, le collège en compterait désormais quatre, dont au moins deux choisis parmi les personnalités qualifiées.

Enfin, le III autorise le renouvellement du mandat des membres du collège, à l'exception de celui du président qui ne serait renouvelable qu'une seule fois, contrairement au droit actuellement en vigueur.

Ø L'article L. 461-2 traite du statut des membres du collège. Outre les modifications rédactionnelles liées au changement de dénomination de l'instance, votre commission spéciale vous propose de prévoir qu'il peut être mis fin aux fonctions d'un membre de l'Autorité en cas d'empêchement constaté par le collège dans des conditions prévues par son règlement intérieur.

Ø L'article L. 461-3 est consacré aux différentes formations de l'Autorité (formation plénière, sections, commission permanente) et aux modes de décision. Sur cet article, il est préconisé, là encore conformément aux dispositions applicables à la CRE, de préciser que les formations de l'Autorité délibèrent à la majorité des membres présents. En outre, un renvoi est fait au règlement intérieur de l'Autorité pour fixer les règles de quorum applicables à chacune de ses formations.

Ø L'article L. 461-4 (nouveau) regrouperait les dispositions relatives aux services d'instruction de l'Autorité , auparavant contenues dans l'article L. 461-3. Il indique que l'Autorité de la concurrence dispose de services d'instruction dirigés par un rapporteur général nommé par arrêté du ministre chargé de l'économie après avis du collège. Votre commission spéciale considère que cette évolution du droit et le remplacement d'un pouvoir de proposition du président de l'Autorité pour la nomination du rapporteur par un avis du collège est de nature à renforcer la séparation fonctionnelle entre les activités d'instruction et de sanctions, ce qui constitue un gage d'impartialité pour les entreprises . De même, les rapporteurs généraux adjoints, les rapporteurs permanents ou non permanents et les enquêteurs des services d'instruction seraient désormais nommés par le rapporteur général, par décision publiée au Journal officiel . Votre commission spéciale propose d'indiquer que les services ont pour mission de procéder aux investigations nécessaires à l'application des titres II (contrôle des pratiques anticoncurrentielles) et III (contrôle des concentrations économiques) du livre IV du code de commerce.

Votre commission spéciale reprend ensuite dans son amendement les dispositions introduites par le Gouvernement dans le projet d'ordonnance tendant à créer une fonction de conseiller auditeur . Ce dernier, devant posséder la qualité de magistrat, serait nommé par arrêté du ministre chargé de l'économie après avis du collège. Il aurait pour mission de recueillir, le cas échéant, les observations des parties mises en cause et saisissantes sur le déroulement des procédures les concernant dès l'envoi de la notification des griefs, que l'Autorité agisse dans le cadre du contrôle des pratiques anticoncurrentielles ou des concentrations. Le conseiller auditeur transmettrait ainsi au président de l'Autorité un rapport évaluant ces observations et proposant, si nécessaire, tout acte permettant d'améliorer l'exercice de leurs droits par les parties. Les modalités de son intervention seraient précisées par décret en Conseil d'Etat.

Votre commission spéciale juge que cette création est opportune puisqu'elle n'a pas pour conséquence d'allonger les délais de procédure devant l'Autorité et constitue une garantie supplémentaire pour les parties, de nature à améliorer la protection de leurs droits .

Les dernières dispositions de l'article sont consacrées au budget de l'Autorité. Il indique que les crédits qui lui sont attribués pour son fonctionnement sont inscrits au budget du ministère chargé de l'économie et que les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à leur gestion.

Le président demeurerait l'ordonnateur des recettes et des dépenses de l'Autorité mais, contrairement au droit en vigueur, délèguerait l'ordonnancement des dépenses des services d'instruction au rapporteur général, ce qui constitue, là encore, une garantie supplémentaire de séparation fonctionnelle entre les services d'instruction et ceux du collège.

Enfin, un décret en Conseil d'Etat déterminerait les conditions dans lesquelles le président de l'Autorité la représente dans tous les actes de la vie civile et a qualité pour agir en justice en son nom.

Ø Dernier élément de l'amendement présenté par votre commission spéciale, l'article L. 461-5 (nouveau) serait consacré au contrôle du Parlement , s'inspirant également des dispositions relatives à la CRE.

Son premier alinéa dispose que les commissions du Parlement compétentes en matière de concurrence peuvent entendre les membres de l'Autorité et consulter celle-ci sur toute question entrant dans le champ de ses compétences.

Son deuxième alinéa impose au président de l'Autorité de rendre compte des activités du collège devant les commissions permanentes du Parlement compétentes en matière de concurrence, à leur demande.

Enfin, le dernier alinéa prévoit la transmission au Gouvernement et au Parlement de son rapport annuel.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel avant l'article 23 - (titre III du livre IV du code de commerce) - Transfert du contrôle des concentrations à l'Autorité de la concurrence

Commentaire : cet article additionnel a pour objet de transférer à l'Autorité de la concurrence les compétences aujourd'hui principalement confiées au ministre de l'économie. Ce dernier conserverait néanmoins un pouvoir d'évocation, pour des motifs autres que ceux tenant au respect du droit de la concurrence.

I. Le droit en vigueur

En l'état actuel du droit, le contrôle des concentrations économiques relève de la responsabilité du ministère de l'économie , et, le cas échéant, du ministre chargé du secteur économique concerné, qui prennent les décisions finales, lesquels peuvent solliciter l'avis du Conseil de la concurrence pour un examen approfondi. Il convient cependant de noter que le contrôle des opérations de concentration de dimension communautaire appartient à la Commission européenne en application du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises.

Selon l'article 1 er de ce texte, une concentration est de dimension communautaire lorsque :

- le chiffre d'affaires total réalisé sur le plan mondial par l'ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 5 milliards d'euros, et ;

- le chiffre d'affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 250 millions d'euros, à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même Etat membre.

Toutefois, une concentration n'atteignant pas ces seuils reste de dimension communautaire lorsque :

- le chiffre d'affaires total réalisé sur le plan mondial par l'ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 2,5 milliards d'euros ;

- dans chacun d'au moins trois Etats membres, le chiffre d'affaires total réalisé par toutes les entreprises concernées est supérieur à 100 millions d'euros ;

- dans chacun de ces Etats membres, le chiffre d'affaires total réalisé individuellement par au moins deux des entreprises concernées est supérieur à 25 millions d'euros, et ;

- le chiffre d'affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 100 millions d'euros ;

- à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même Etat membre.

L'article L. 430-1 du code de commerce définit les critères juridiques d'une opération de concentration (fusion, prise de contrôle, etc.) tandis que l'article L. 430-2 fixe les seuils financiers, en termes de chiffres d'affaires, applicables à ces mêmes opérations, la combinaison de ces deux critères conditionnant alors sa réalisation, d'abord à notification au ministre, puis à autorisation de la même autorité. A compter de la notification complète de l'opération, le ministre dispose d'un délai de cinq semaines pour se prononcer. La présentation par les parties d'engagements de nature à remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération peut, sous certaines conditions, repousser ce délai de trois semaines.

A l'issue de son examen, le ministre a trois options :

- constater, par décision motivée, que l'opération ne répond pas aux critères définis par les articles L. 430-1 et L. 430-2 ;

- autoriser l'opération en la subordonnant, éventuellement, par décision motivée, à la réalisation effective des engagements pris par les parties ;

- saisir pour avis le Conseil de la concurrence, s'il estime que l'opération est de nature à porter atteinte à la concurrence et que les engagements pris ne suffisent pas à y remédier.

La saisine du Conseil initie alors la phase d'examen approfondie, au cours de laquelle celui-ci apprécie , en tenant compte de la compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale et de la création ou du maintien de l'emploi, si l'opération est de nature à porter atteinte à la concurrence , notamment par création ou renforcement d'une position dominante ou par création ou renforcement d'une puissance d'achat qui place les fournisseurs en situation de dépendance économique. Le Conseil doit également examiner si cette opération apporte au progrès économique une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence. Dès remise par le Conseil de son avis, lequel doit être rendu dans un délai de trois mois , le ministre se prononce dans les quatre semaines, le cas échéant prolongées de trois semaines en cas d'engagements transmis par les parties.

La « phase II » achevée, le ministre peut :

- interdire l'opération de concentration et enjoindre, le cas échéant, aux parties de prendre toute mesure propre à rétablir une concurrence suffisante ;

- autoriser l'opération en enjoignant aux parties de prendre toute mesure propre à assurer une concurrence suffisante ou en les obligeant à observer des prescriptions de nature à apporter au progrès économique et social une contribution suffisante pour compenser les atteintes à la concurrence ;

- autoriser l'opération par une décision motivée, le cas échéant en subordonnant l'opération à la réalisation effective des engagements pris par les parties ayant procédé à la notification.

II. La position de votre commission spéciale

A nouveau, votre commission spéciale vous soumet un amendement , portant article additionnel avant l'article 23, afin de confier à l'Autorité de la concurrence la responsabilité du contrôle des concentrations économiques, tout en laissant au ministre de l'économie la possibilité d'intervenir dans des conditions très encadrées. D'après les informations fournies par le Gouvernement à votre rapporteur, ce transfert de compétence devrait entraîner la mise à disposition de l'Autorité d'une dizaine d'agents supplémentaires pour assumer cette nouvelle responsabilité. Cet amendement modifie la quasi-totalité des articles du titre III du livre IV du code de commerce (articles L 430-2 à L. 430-10) et insère un nouvel article L. 430-7-1 relatif au droit d'évocation du ministre.

Votre rapporteur n'abordera pas, dans les lignes suivantes, les modifications du droit en vigueur rendues nécessaires par le changement de dénomination du Conseil de la concurrence ou par les conséquences du transfert de cette compétence du ministre vers l'Autorité et limitera ses explications aux seules nouveautés.

Ø A l'article L. 430-2 , il est proposé d' actualiser la référence au règlement sur les concentrations économiques de dimension communautaire puisque le règlement n° 4064/89 du 21 décembre 1989 a été remplacé par le règlement n° 139/2004 du 20 janvier 2004.

De nouvelles dispositions sont également proposées pour le contrôle des concentrations dans les départements et collectivités d'outre-mer (COM) de Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy . Jusqu'à présent ce contrôle, applicable uniquement dans les DOM, ne constituait qu'une faculté du ministre qui pouvait l'exercer dans un délai de trois mois après l'opération, et surtout il était limité au secteur du commerce de détail à dominante alimentaire.

La rédaction présentée par votre commission spéciale prévoit de confier à l'Autorité de la concurrence la responsabilité du contrôle des concentrations dans les DOM et les COM mentionnées ci-dessus dans tous les secteurs économiques et sous réserve que les trois conditions suivantes soient réunies :

- le chiffre d'affaires total mondial hors taxes de l'ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 75 millions d'euros ;

- le chiffre d'affaires total hors taxes réalisé individuellement dans au moins un des départements ou collectivités territoriales concernés par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 15 millions d'euros ;

- l'opération n'entre pas dans le champ d'application du règlement 139/2004 du 20 janvier 2004 précité.

Cet élargissement du contrôle des concentrations dans les DOM et COM apparaît opportun puisque la limitation au commerce de détail à prédominance alimentaire ne semblait plus se justifier. Actuellement, dans leur majorité, les rachats d'entreprises dans ces collectivités et départements ne concernent pas ce secteur et se situent en deçà des seuils nationaux. Ils ne sont donc jamais contrôlés alors que, depuis quelques années, il est constaté un accroissement du nombre de concentrations en outre-mer. Hors de tout contrôle par les pouvoirs publics, cette évolution pourrait s'avérer préjudiciable à la concurrence et dommageable pour les consommateurs ultramarins .

Ø A l'article L. 430-5 , votre commission spéciale vous invite à modifier le décompte des délais dans lesquels l'Autorité est tenue de rendre sa décision en remplaçant, dans cet article et dans les suivants, une référence à des « semaines » par une référence à des « jours ouvrés ». L'Autorité devrait donc se prononcer sur l'opération de concentration dans un délai de vingt-cinq jours ouvrés au lieu de cinq semaines pour le ministre.

Dans ce même article, la décision d'ouvrir une phase d'examen approfondi de l'opération appartiendrait à l'Autorité et non plus au ministre.

Ø A l'article L. 430-7 , il est préconisé d'apporter plusieurs ajustements à la procédure d'examen approfondi .

Ainsi, lorsqu'une opération de concentration fait l'objet d'un tel examen, l'Autorité de la concurrence serait tenue de prendre une décision dans un délai de soixante-cinq jours ouvrés à compter de l'ouverture de la procédure.

Après avoir pris connaissance de l'ouverture d'un examen approfondi en application du dernier alinéa du III l'article L. 430-5, les parties auraient la possibilité de proposer des engagements de nature à remédier aux effets anticoncurrentiels de l'opération. En cas de transmission de tels engagements à l'Autorité de la concurrence moins de vingt jours ouvrés avant la fin de ce délai, celui-ci expirerait vingt jours ouvrés après la date de réception des engagements.

Enfin, en cas de nécessité particulière, telle que la finalisation des engagements mentionnés à l'alinéa précédent, les parties pourraient demander à l'Autorité de la concurrence de suspendre les délais d'examen de l'opération dans la limite de vingt jours ouvrés. Ces délais pourraient également être suspendus à l'initiative de l'Autorité elle-même lorsque les parties ayant procédé à la notification ont manqué de l'informer d'un fait nouveau dès sa survenance ou de lui communiquer, en tout ou en partie, les informations demandées dans le délai imparti, ou que des tiers ont manqué de lui communiquer, pour des raisons imputables aux parties ayant procédé à la notification, les informations demandées. En ce cas, le délai reprendrait son cours dès la disparition de la cause ayant justifié sa suspension.

Ø L'article L. 430-7-1 introduit une nouvelle procédure dans le code de commerce, découlant du transfert des responsabilités en matière de contrôle des concentrations du ministre à l'Autorité.

En vertu de ce dispositif, le ministre de l'économie pourrait demander à l'Autorité , dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la date à laquelle il a reçu sa décision ou en a été informé, un examen approfondi de l'opération .

Surtout, dans un délai de vingt-cinq jours ouvrés à compter de la même date, le ministre pourrait évoquer l'affaire pour des motifs d'intérêt général autres que le maintien de la concurrence et compensant l'atteinte portée le cas échéant à cette dernière par l'opération, et statuer sur l'opération en cause .

Ces motifs autres que le maintien de la concurrence seraient notamment le développement industriel, la compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale ou la création ou le maintien de l'emploi.

Lorsqu'en vertu de cette procédure le ministre serait amené à évoquer une décision de l'Autorité de la concurrence, sa décision pourrait être conditionnée à la mise en oeuvre effective d'engagements. Sa décision serait transmise sans délai à l'Autorité de la concurrence.

Votre rapporteur s'est interrogée sur l'ampleur du pouvoir conféré au ministre et sur cette capacité qui lui est donnée de « reprendre la main » pour des motifs autres que ceux tenant au respect du droit de la concurrence, qui relèvent du contrôle exclusif de l'Autorité. Cette faculté apparaît, aux yeux de votre rapporteur, pleinement légitime dans la mesure où une opération de concentration , de par ses conséquences sur l'emploi ou l'équilibre économique d'un bassin d'emplois, ne doit pas être analysée qu'au strict prisme des préoccupations de concurrence. Il lui paraît donc indispensable que le pouvoir politique puisse disposer d'une compétence lui permettant d'intervenir s'il le juge nécessaire, notamment pour des raisons tenant à la politique industrielle qu'il entend mettre en oeuvre. Un tel droit d'évocation devrait toutefois, en pratique, être utilisé dans des cas rarissimes.

Par ailleurs, votre commission spéciale s'est également interrogée sur l'ampleur de la compétence conférée au ministre, se demandant si, à l'instar des procédures en vigueur chez les principaux partenaires européens de la France, il convenait de limiter ce droit d'évocation aux seules décisions négatives de l'Autorité afin que le ministre puisse prendre uniquement une décision qui soit plus favorable aux entreprises. Après réflexion, elle en est parvenue à la conclusion qu'il convenait de laisser au ministre une marge de manoeuvre suffisamment large et que ceci se justifiait au regard du caractère exceptionnel de l'utilisation de cette procédure. Toutefois, compte tenu de l'importance de cette prérogative, il lui est apparu essentiel que la décision ministérielle soit précédée impérativement d'une consultation des parties à la concentration pour recueillir leurs observations.

Ø Enfin, à l'article L. 430-8 , votre commission spéciale vous propose de donner à l'Autorité la possibilité d'enjoindre sous astreinte aux parties de revenir à l'état antérieur à la concentration si l'opération a été réalisée en contravention des décisions prises en application des articles L. 430-7 (phase d'examen approfondi) et L. 430-7-1 (évocation ministérielle). L'Autorité aurait également la faculté, dans ce cas, de délivrer des amendes, dont le montant maximal est fixé, pour les personnes morales, à 5 % de leur chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos, augmenté, le cas échéant, de celui qu'a réalisé en France durant la même période la partie acquise et, pour les personnes physiques, à 1,5 million d'euros.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article 23 - Habilitation à créer par voie d'ordonnance une Autorité de la concurrence

Commentaire : cet article habilite le Gouvernement à transformer, par voie d'ordonnance, le Conseil de la concurrence en Autorité de la concurrence dotée de compétences élargies, de moyens d'investigation renforcés et d'une organisation, d'une composition et de règles de fonctionnement réformées.

I. Le droit en vigueur

Votre rapporteur a, dans les deux articles précédents, présenté le fonctionnement du Conseil de la concurrence et l'organisation du contrôle des concentrations. L'article 23 lui donne l'occasion d'aborder la question du contrôle des pratiques anticoncurrentielles et de l'articulation des compétences du Conseil, demain de l'Autorité, avec celles du ministère de l'économie et des évolutions qui vont s'opérer avec l'adoption de l'ordonnance.

Dans le domaine du contrôle des pratiques anticoncurrentielles, dont la définition relève des articles L. 420-1 à L. 420-7 du code de commerce, la ligne de répartition des compétences entre le ministère de l'économie et le Conseil de la concurrence est des plus floues puisqu'il s'agit d'une responsabilité partagée .

Sont qualifiées d'anticoncurrentielles, et donc prohibées, les pratiques tendant à :

- limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ;

- faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;

- limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ;

- répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ;

Est également ainsi qualifiée l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.

Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en certaines pratiques discriminatoires ou en accords de gamme.

Selon les termes d'une charte de coopération et d'objectifs, conclue entre la DGCCRF et le Conseil de la concurrence le 28 janvier 2005, ces deux entités ont « chacune un rôle qui leur est propre ».

La DGCCRF est chargée , pour sa part, de la détection des pratiques anticoncurrentielles grâce à l'action de ses services sur le terrain , contrairement au Conseil de la concurrence qui est, en l'état actuel, dépourvu de moyens d'enquête sur le terrain. Il convient en effet de noter que l'article L. 450-1 offre aux services d'instructions du Conseil des pouvoirs d'enquête qui, dans les faits, ne sont pas utilisés pour des raisons tenant à l'insuffisance de moyens humains. La DGCCRF conduit donc les enquêtes sur le terrain, soit de sa propre initiative, soit à la demande du rapporteur général du Conseil de la concurrence. Actuellement, la plupart de ces enquêtes sont réalisées à l'initiative de la DGCCRF, le Conseil utilisant son droit d'initier une enquête suite à des plaintes lui étant adressées par une entreprise ou une association ou bien suite à une saisine d'office.

La procédure d'enquête constitue la phase la plus délicate puisqu'elle vise à recueillir des preuves sur le terrain, notamment au moyen de perquisitions dûment autorisées par le juge. Ces missions sont assumées par les enquêteurs de la direction nationale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DNECCRF), au nombre d'environ 27, et par une cinquantaine d'agents provenant des brigades interrégionales d'enquête concurrence (BIEC) réparties sur le territoire. En outre, ces enquêteurs peuvent également compter sur la collaboration d'un « référent concurrence » dans chaque unité départementale, soit une centaine de personnes supplémentaires pour collecter des indices et effectuer du soutien opérationnel.

Une fois cette phase d'enquête achevée, la DGCCRF analyse les éléments recueillis et monte un dossier. Elle est ensuite confrontée à deux options . Si les preuves collectées sont suffisamment conclusives et laissent apparaître l'existence de pratiques anticoncurrentielles, le ministère de l'économie saisit les services d'instruction du Conseil de la concurrence en la personne de son rapporteur général, qui disposent d'attributions contentieuses leur permettant d'instruire, de qualifier et de sanctionner ces pratiques. Le rapporteur général nomme alors un rapporteur qui est chargé d'instruire le dossier, d'en analyser les pièces et de proposer une solution. Il s'agit là encore d'une phase cruciale au cours de laquelle il convient de préserver les moyens de la défense et de donner aux entreprises la faculté de répondre aux griefs qui leur sont reprochés. Une fois le dossier instruit, il appartient au collège du Conseil de l'étudier, d'entendre les parties et de prendre une décision.

L'article L. 464-2 indique à cet égard que le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut aussi accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme aux pratiques anticoncurrentielles.

Il peut aussi infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d'inexécution des injonctions soit en cas de non-respect des engagements qu'il a acceptés.

Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction.

Si le contrevenant n'est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d'euros. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante.

Le Conseil de la concurrence peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'il précise. Il peut également ordonner l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise. Les frais sont supportés par la personne intéressée.

Si les preuves collectées sur le terrain ne sont pas concluantes et ne sont pas suffisantes pour appuyer un dossier d'instruction ou si le Conseil de la concurrence décide de ne pas se saisir, la DGCCRF dispose en l'état actuel de moyens d'action limités . Elle peut en effet procéder à l'envoi d'une lettre de rappel de réglementation, qui n'a cependant qu'une faible valeur juridique.

Selon les statistiques recueillies par votre rapporteur, les enquêteurs de la DGCCRF font environ 500 relevés d'indices sur le terrain chaque année, débouchant sur 115 rapports d'enquêtes. Ces rapports se traduisent, en général, par une quinzaine de saisines annuelles du Conseil de la concurrence.

II. Le dispositif initialement proposé

Dans sa version initiale, l'article 23 a pour objet d'autoriser le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures législatives nécessaires à la modernisation de la régulation de la concurrence.

Le libellé de cette habilitation précise tout d'abord (1°) que l'ordonnance a pour objet de transformer le Conseil de la concurrence en Autorité de la concurrence qui disposerait :

- de compétences élargies en matière de contrôle des concentrations économiques, de pratiques anticoncurrentielles et d'avis sur les questions de concurrence ;

- de moyens d'investigation renforcés ;

- d'une composition, d'une organisation et de règles de fonctionnement et de procédure réformées ;

- et d'une capacité étendue d'agir en justice.

Il dispose également (2°) que cette ordonnance pourra comprendre des mesures visant à mieux articuler les compétences de cette nouvelle autorité et celles du ministre chargé de l'économie.

Le dernier alinéa de l'article laisse au Gouvernement un délai de six mois, à compter de la date de publication de la loi de modernisation de l'économie, pour promulguer l'ordonnance. Le projet de loi de ratification devra quant à lui être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l'ordonnance.

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté, sur proposition de leur commission des affaires économiques, un amendement de rédaction globale de cet article qui ne diffère du texte original que par la précision que l'Autorité de la concurrence a le statut d'autorité administrative indépendante.

III. La position de votre commission spéciale

La démarche entreprise par votre commission spéciale dans les deux articles précédents impose de modifier assez substantiellement le libellé de l'habilitation afin de tirer les conséquences de l'intégration, dans le projet de loi, des dispositions créant l'Autorité de la concurrence et lui transférant le contrôle des concentrations économiques . Avec l'adoption de ces deux articles additionnels, le champ de l'ordonnance devra être restreint à ses éléments concernant le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, en ce qui concerne les règles de fonctionnement et de procédures, ainsi que la capacité de l'Autorité d'agir en justice et le nouveau pouvoir d'avis qui lui serait conféré sur les questions de concurrence.

Surtout, les deux amendements de votre commission spéciale nécessitent de ne plus évoquer la « transformation du Conseil de la concurrence en Autorité de la concurrence » puisque la loi procèderait directement à cette transformation.

A cet effet, votre commission spéciale vous soumet un amendement à l'article 23 tirant les conséquences de l'intégration dans le projet de loi d'éléments du projet d'ordonnance et procédant à un rétrécissement du champ de l'habilitation.

A la lumière de ce projet, dont la promulgation conditionnera l'entrée en vigueur des deux articles précédents, votre rapporteur souhaiterait fournir quelques précisions sur l'organisation du système de contrôle des pratiques anticoncurrentielles qui pourrait résulter de la réforme. Dans le nouveau schéma, le rapporteur général pourrait conduire des enquêtes de l'Autorité dans des conditions plus efficaces, qu'il s'agisse des auto-saisines ou de plaintes adressées par des entreprises ou par des associations, grâce à deux outils :

- le premier devrait être budgétaire (cet aspect ne sera pas abordé par l'ordonnance et dépend évidemment de la loi de finances) puisqu'il est probable que l'Autorité disposera de moyens accrus pour recruter ses propres enquêteurs. Dans le cas inverse, votre rapporteur considère que la réforme serait inefficace et ne présenterait que peu d'utilité . A cet égard, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a précisé, lors de son audition devant le groupe de travail le 17 juin 2008, que la réforme devrait se traduire par le transfert d'une trentaine d'agents (ce qui inclut également les effectifs supplémentaires pour traiter le contrôle des concentrations). Cela signifie qu'une vingtaine de personnes supplémentaires viendrait renforcer les services d'instruction de l'Autorité ;

- le second outil sera juridique. Lorsqu'une enquête lourde nécessitera de recourir ponctuellement à des fonctionnaires supplémentaires, l'Autorité aura la possibilité de renforcer ses enquêteurs par la mise à disposition des effectifs de la DGCCRF.

Quand les enquêtes auront été initiées par les services du ministère, les enquêteurs devront collecter les indices et la DGCCRF devra en informer le rapporteur général de l'Autorité. A ce stade de la procédure, ce dernier pourra, ce qui constitue une novation , prendre la direction de l'enquête. Cela signifie qu'en pratique, il pourra donner des instructions aux enquêteurs de la DGCCRF sur la conduite de l'enquête. Dans le cas où le rapporteur général renoncerait à cette faculté, il disposera d'une ultime possibilité d'intervention puisqu'à l'issue de l'enquête, la DGCCRF devra lui en communiquer les résultats et il pourra alors décider de se saisir d'office de ces résultats .

Enfin, une disposition de l'ordonnance permettra au ministre de l'économie de demander au rapporteur général de faire réaliser par les services de l'Autorité de la concurrence des investigations sur des faits susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles. Le ministre serait alors informé sans délai du résultat de ces investigations. Votre commission spéciale note en définitive que, malgré ces clarifications et ces renforcements des pouvoirs de l'Autorité, l'ordonnance devrait maintenir un système dual.

Votre rapporteur relève enfin que le projet d'ordonnance propose la création d'une procédure de transaction qui serait offerte au ministre pour le traitement des pratiques anticoncurrentielles locales . Ainsi, l'article L. 462-5 permettrait au ministre de proposer une transaction aux entreprises s'étant rendues auteurs de pratiques anticoncurrentielles, lorsque ces pratiques affectent un marché de dimension locale, ne concernent pas des faits relevant des articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne et sous réserve que le chiffre d'affaires que chacune d'entre elles a réalisé en France lors du dernier exercice clos ne dépasse pas 50 millions d'euros et que leurs chiffres d'affaires cumulés ne dépassent pas 100 millions d'euros. Le montant de la transaction ne pourrait excéder 75.000 euros ou 5 % du dernier chiffre d'affaires connu en France si cette valeur est plus faible. L'exécution dans les délais impartis des obligations résultant de l'acceptation de la transaction aurait pour conséquence d'éteindre toute action devant l'Autorité de la concurrence . Dans le cas où les entreprises refuseraient de transiger ou en cas d'inexécution des obligations résultant de l'acceptation de la transaction, le ministre chargé de l'économie saisirait l'Autorité de la concurrence.

Votre rapporteur se déclare interrogative sur un tel dispositif pour lequel il estimerait bienvenues des explications de la part du Gouvernement. Elle se demande notamment si une telle faculté ne sera pas de nature à affaiblir le caractère dissuasif des dispositifs de contrôle de la concurrence, en particulier au regard de l'importance des seuils retenus par le projet d'ordonnance (50 millions d'euros) qui ne garantissent pas que cette procédure sera réellement réservée aux pratiques affectant des marchés locaux. A cet égard, votre rapporteur entend donc demander au ministre qu'il puisse apporter des précisions à ce sujet à l'occasion de la discussion du projet de loi en séance publique.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

CHAPITRE III - Développer le commerce

Le projet de loi initial comportait cinq articles à ce chapitre :

- l'article 24 réforme le régime des soldes ;

- l'article 25 révise les modalités de calcul de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA) ;

- l'article 26 précise les objectifs du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) ;

- l'article 27 porte une réforme d'ensemble de la législation sur l'équipement commercial, qui devient un dispositif d'organisation de l'aménagement commercial ;

- l'article 28, enfin, est relatif aux dispositions spécifiques à l'aménagement cinématographique du territoire.

Les députés ont ajouté six articles à ce chapitre pour traiter :

- à l'article 26 bis , du droit de préemption des maires sur les terrains destinés à l'aménagement commercial ;

- aux articles 27 bis , 27 ter et 27 quater , de la prise en compte de la diversité commerciale et du commerce de proximité dans les documents d'urbanisme ;

- à l'article 28 bis , de la possibilité pour les organisateurs de foires, salons et congrès d'exercer une activité accessoire d'agents de voyage ;

- à l'article 28 ter , de l'abrogation de la loi sur les voitures de « petite remise ».

Article 24 - (articles L. 310-3, L. 310-5 et L. 442-4 du code de commerce) Régime des soldes

Commentaire : cet article a deux objets : d'une part, il modifie le régime des soldes, en prévoyant notamment des dates nationales fixées par décret pour deux périodes de cinq semaines, et la possibilité de deux semaines « flottantes » ; d'autre part, il ouvre les possibilités d'opérations de déstockage hors du cadre des soldes.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 310-3 du code de commerce porte sur la définition des soldes et les conditions dans lesquelles ils sont organisés. Sont des soldes « les ventes accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock » . Cette notion d'écoulement du stock justifie que les soldes ne peuvent porter que « sur des marchandises mises à la vente et payées depuis au moins un mois » .

Par ailleurs, il est interdit de solder hors de deux périodes annuelles de six semaines dont les dates sont définies par le préfet du département. L'article L. 310-5 du même code punit d'une amende de 15.000 euros le fait de réaliser des soldes hors de ces deux périodes.

II. Le dispositif initialement proposé

L'article 24 comporte quatre paragraphes. Le premier paragraphe modifie le I de l'article L. 310-3 du code de commerce, quoique la rédaction initiale du projet de loi vise l'ensemble de l'article, ce qui constitue une erreur matérielle heureusement corrigée par l'Assemblée nationale. Aux termes du premier alinéa de la rédaction proposée pour le I de l'article L. 310-3, ne sont des soldes que les ventes qui réunissent deux conditions :

- être « accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock » ;

- et être inscrites dans des périodes spécifiques.

Ces périodes sont :

- d'une part, deux périodes de cinq semaines, qui se substituent aux deux périodes de six semaines prévues par le droit en vigueur. La détermination des dates de ces périodes se fera désormais par décret, et non plus par arrêté préfectoral, afin de renforcer le caractère national et régulier des soldes. Ce décret pourra prévoir des dates différentes dans certains départements en considération d'une forte saisonnalité des ventes ou d'opérations commerciales menées dans des régions frontalières ;

- d'autre part, une période de deux semaines ou deux périodes d'une semaine. Ces périodes complémentaires sont soumises à déclaration au préfet, mais sont librement choisies par le commerçant.

Il s'ensuit que les ventes « accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock » sont possibles à tout moment. La spécificité des soldes est donc bien la revente à perte, ce que le projet de loi met en évidence.

Le paragraphe II tire la conséquence logique du I en supprimant l'interdiction de faire des soldes hors de certaines périodes spécifiques, car le respect de ces périodes fait désormais partie de la définition même des soldes, et le cas des fausses soldes est déjà couvert par le 4° de l'article L. 310-5.

Le paragraphe III modifie l'article L. 442-4 du code de commerce pour en améliorer la rédaction et, surtout, pour reconnaître explicitement que les soldes permettent la revente à perte. Ce point avait déjà été reconnu par la jurisprudence, qui se trouve consacrée par le projet de loi.

Enfin, le paragraphe IV renvoie l'application de l'article 24 au 1 er janvier 2009, afin de ne pas perturber le déroulement des soldes d'été 2008.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Outre des modifications formelles tout à fait bienvenues, l'Assemblée nationale a apporté une modification importante à cet article. Il s'agit de prévoir, au 2° du I de l'article 310-3 du code de commerce, que les semaines flottantes de soldes doivent s'achever au plus tard un mois avant le début des périodes fixes de cinq semaines.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur partage entièrement le souci des députés d'éviter toute confusion entre les périodes fixes de soldes et les semaines flottantes. Votre commission se satisfait du dispositif proposé, dès lors que cette distinction a bien été insérée.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 25 Réforme de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA)

Commentaire : cet article propose de réformer la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA) en limitant la pression fiscale sur les commerces réalisant un chiffre d'affaires au m² relativement modeste, en la majorant pour les plus grandes surfaces et en assujettissant de nouvelles catégories de magasins.

I. Le droit en vigueur

A. Une taxe à laquelle sont assujettis les commerces les plus importants

La taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA) a été créée par l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et d'artisans. Alors qu'elle était destinée à l'origine à soutenir spécifiquement le petit commerce et l'artisanat, son produit est affecté au budget général de l'Etat. L'annexe « Voies et moyens » du projet de loi de finances pour 2008 prévoit que son produit devrait s'élever à 640 millions d'euros pour cette année .

Elle est due , quelle que soit la forme juridique de l'entreprise exploitante, au titre des magasins de commerce de détail ouverts depuis le 1 er janvier 1960, dont la surface de vente dépasse les 400 m² et dont le chiffre d'affaires annuel est au moins égal à 460.000 euros . Elle est recouvrée par le Régime social des indépendants (RSI).

Le tableau ci-après retrace son barème, illustré par le graphique qui suit pour les magasins n'ayant pas d'activité de vente de carburants.

Barème de la TACA

Chiffre d'affaires annuel hors taxes par m 2

Calcul de la TACA pour les établissements ayant également une activité de vente au détail de carburants

(en euros par m 2 )

Calcul de la TACA pour les autres établissements

(en euros par m 2 )

Moins de 1.500 euros

8,32

6,75

Entre 1.500 et 12.000 euros

8,32 + [0,00261 x (CA/S - 1.500)]

6,75 € + [0,00260 x (CA/S - 1.500)]

Plus de 12.000 euros

35,70

34,12

Légende : CA = chiffre d'affaires annuel hors taxes de l'établissement assujetti ; S = surface de vente au détail.

Source : article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972

D'autre part, l'article 3 du décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 prévoit les réductions de taux suivantes :

- 30 % en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées (vente exclusive de meubles meublants, véhicules automobiles, machinisme agricole, matériaux de construction) ;

- 20 % pour les établissements dont la surface de vente au détail est comprise entre 400 et 600 m² lorsque le chiffre d'affaires annuel par mètre carré est au plus égal à 3.800 euros.

Ces deux catégories de réduction peuvent se cumuler. De plus, les établissements situés à l'intérieur de zones urbaines sensibles (ZUS) bénéficient d'un abattement de 1.524,49 euros sur le montant de la taxe dont ils sont redevables. La taxe est déductible du résultat fiscal.

B. Les changements de 2003 et 2004

1. La budgétisation de la TACA

La TACA a été créée afin de faire financer le régime d'indemnité de départ des commerçants et artisans par les enseignes de la grande distribution . Il s'agissait donc d'un mécanisme de solidarité interprofessionnelle assuré dans un cadre extra-budgétaire .

Ce mécanisme a été conforté ultérieurement par la création du Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) par la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 modifiée. Le FISAC a été effectivement mis en place en 1992 pour répondre à la double nécessité d'assurer le maintien d'une desserte commerciale et des services de proximité indispensables à la vie sociale, et de préserver l'équilibre entre les différentes formes de commerce , en favorisant l'adaptation des structures traditionnelles. Ce fonds était alimenté par un prélèvement sur l'excédent du produit de la TACA .

Cependant, à la demande notamment de la Cour des comptes et des commissions des finances et des affaires économiques du Sénat, le FISAC a été budgétisé , d'abord sous la forme d'un compte d'affectation spéciale , afin de permettre une meilleure lisibilité et un contrôle plus opérationnel de sa gestion. Puis, pour respecter les principes de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), le FISAC a intégré le budget général de l'Etat tout comme la TACA (article 35 de la loi de finances pour 2003). En effet, le décalage croissant entre le produit de la TACA et les actions qu'elle finançait par destination était trop important pour qu'il puisse être soutenu qu'un lien de relation directe existait entre les deux, condition nécessaire pour créer ou maintenir un compte d'affectation spéciale en « mode LOLF ».

2. Le quasi triplement de la taxe

L'article 29 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 a sensiblement relevé les taux de la TACA. En effet, l'article 28 de cette même loi, tirant les conséquences d'une condamnation par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) de la taxe sur les achats de viande, a substitué à ladite taxe une taxe d'abattage affectée au Centre national pour l'aménagement général des structures des exploitations agricoles (CNASEA). Or, cette nouvelle taxe ne rapportant que 176 millions d'euros contre 552 millions d'euros pour la taxe sur les achats de viande, les 376 millions d'euros manquants ont été apportés par un quasi triplement des taux de la TACA .

Cette mesure n'avait donc pour but que de neutraliser l'effet budgétaire de la substitution, s'agissant des modalités de financement du service public de l'équarrissage, de la taxe d'abattage à la taxe sur les achats de viande. Cela n'a d'ailleurs été fait que partiellement, le produit actuel de la TACA demeurant inférieur à la somme des produits de « l'ancienne TACA » et de la taxe sur les achats de viande. Cependant, les redevables de la TACA qui n'étaient pas redevables de la taxe sur les achats de viande (c'est-à-dire en pratique les commerces de plus de 400 m² non alimentaires) ont subi une hausse de la TACA, sans que celle-ci soit compensée par un quelconque allégement de la charge fiscale au titre de la taxe d'abattage. Il en est résulté un transfert de charges important sur une catégorie particulière de commerce.

Afin de tenir compte des difficultés des plus fragiles de ces commerces, il a été procédé à un allégement du barème de la tranche inférieure de la TACA de l'ordre de 10 % à chaque fois , dans le cadre des lois de finances pour 2006 puis pour 2007.

S'il n'a pas été procédé à une nouvelle diminution dans le cadre de la loi de finances pour 2008, le Gouvernement s'est engagé, devant le Sénat, lors du débat budgétaire, à étudier des modifications de l'assiette et du mode de calcul de la taxe, qui permettraient, à rendement constant, de mieux prendre en compte les évolutions du commerce ; l'échéance fixée était précisément le projet de loi de modernisation de l'économie. Tel est donc l'objet du présent article.

II. Le dispositif initialement proposé

A. Une baisse sensible de la taxe pour les redevables les plus modestes

Le 2° du A du I du présent article propose de modifier le seuil et les tarifs de la première tranche de la TACA. Il est ainsi proposé :

- de relever ce seuil de 1.500 à 3.000 euros de chiffre d'affaires par mètre carré ;

- et de diminuer de 10 % les taux de la première tranche , pour chacun des deux barèmes de la taxe.

Les 3° et 4° du A du I du présent article modifient respectivement les sixième et septième alinéas de l'article 3 de la loi de 1972 qui fixent les formules de calcul du taux progressif applicable dans la tranche intermédiaire pour les deux barèmes afin de conserver la continuité entre les différentes tranches de ces barèmes.

B. Une augmentation de la taxe pour les magasins les plus importants

Le 6° du A du I du présent article propose de majorer de 25 % le montant de la taxe due par les grands établissements commerciaux :

- dont la superficie est supérieure à 2.500 m² (c'est-à-dire les hypermarchés, selon la définition de l'INSEE) ;

- et qui réalisent un chiffre d'affaires annuel hors taxes par m² supérieur à 3.000 euros.

Selon les données obtenues par votre rapporteur, environ 3.200 magasins seraient concernés par cette hausse.

C. L'assujettissement de nouvelles catégories de magasins

Le 1°du A du I du présent article modifie le premier alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 relatif à l'assiette de la TACA.

Il est ainsi proposé d'élargir l'assiette de la taxe à certains établissements dont la surface de vente de détail est inférieure à 400 m² .

Les nouveaux redevables seraient, d'une part, les établissements « de chaîne » , c'est-à-dire « contrôlés directement ou indirectement par une même personne et exploités sous une même enseigne commerciale lorsque la surface de vente cumulée de l'ensemble de ces établissements excède 4.000 m² », ce seuil ayant été défini de façon à ne pas englober les magasins de chaîne au développement limité.

De même, les établissements situés dans des centres commerciaux deviendraient également redevables de la TACA . Le présent article propose de reprendre la définition des ensembles commerciaux figurant à l'article L. 752-3 du code de commerce. Ainsi, selon la rédaction proposée, « sont regardés comme faisant partie d'un même ensemble commercial, qu'ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu'une même personne en soit ou non le propriétaire ou l'exploitant, les magasins qui sont réunis sur un même site et qui :

1° soit ont été conçus dans le cadre d'une même opération d'aménagement foncier, que celle-ci soit réalisée en une ou en plusieurs tranches ;

2° soit bénéficient d'aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l'accès des divers établissements ;

3° soit font l'objet d'une gestion commune de certains éléments de leur exploitation, notamment par la création de services collectifs ou l'utilisation habituelle de pratiques et de publicités commerciales communes ;

4° soit sont réunis par une structure juridique commune, contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé, exerçant sur elle une influence au sens de l'article L. 233-16 [du code de commerce] ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun. ».

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Outre deux amendements à caractère rédactionnel, l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements au présent article, à l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur pour avis de la commission des finances.

Ces amendements, qui respectent le fil conducteur de maintien du produit de la TACA, tendent à accentuer le nouvel équilibre proposé par le présent article . En effet, ils visent à :

- porter à 15 % , au lieu de 10 %, la diminution du taux de la première tranche de la taxe ;

- réviser en conséquence le taux de la tranche intermédiaire de la taxe ;

- maintenir le taux de la première tranche applicable aux établissements qui ont également une activité de vente de carburants au détail , au lieu de le diminuer de 10 % ;

- relever de 2.500 m 2 à 5.000 m 2 le seuil au-delà duquel les magasins auront une TACA majorée et porter parallèlement le taux de cette majoration de 25 % à 30 % pour ces établissements .

IV. La position de votre commission spéciale

A. Un nouvel équilibre plus juste que la situation actuelle

Votre rapporteur approuve les mesures proposées par le présent article, qui devraient permettre d'aboutir à un point d'équilibre durable sur la TACA, qui faisait l'objet de débats récurrents depuis l'augmentation de 2004, tout en préservant le rendement global de la taxe, ce que rend nécessaire l'objectif de redressement des finances publiques.

Tout d'abord, de nombreux magasins à faible rentabilité seront gagnants dans la réforme proposée . D'après les chiffres fournis par le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique, environ 95 % des quelque 25.000 magasins assujettis à la TACA verront leur imposition baisser, parfois de manière très sensible.

D'autre part, les magasins qui verront leur taxe augmenter sont presque exclusivement des hypermarchés dont la rentabilité ne saurait être mise en cause par cet effort complémentaire. En outre, votre rapporteur observe que ces magasins étaient, avant la réforme de 2004, les principaux redevables de la taxe sur les achats de viande . Il y a donc une logique forte à procéder à un tel rééquilibrage en faveur des assujettis les plus fragiles et qui, pour la plupart, n'ont pas d'activité alimentaire.

Enfin, il paraît également opportun de procéder à l'élargissement proposé du champ de la taxe aux magasins de chaîne . En effet, dès lors que leur surface cumulée est significative, les magasins de chaîne bénéficient d'un effet d'entraînement et d'une notoriété qui les placent objectivement dans une situation beaucoup plus comparable à celle des grandes surfaces redevables de la TACA que des petits magasins isolés non assujettis à la taxe.

B. Les petits magasins indépendants ne devraient toutefois pas être assujettis à la taxe

En revanche, votre commission spéciale n'approuve pas l'assujettissement à la taxe des petits magasins indépendants situés dans des centres commerciaux et vous propose un amendement tendant à le supprimer. En effet, ces magasins constituent souvent la deuxième enseigne de magasins de centre-ville. Et, en tout état de cause, leur situation n'est comparable ni à celle des grandes surfaces, ni à celle des magasins de chaîne, à la puissance financière et commerciale bien supérieure. De plus, s'il est vrai qu'ils peuvent bénéficier, du fait de leur localisation d'une zone de chalandise sensiblement plus grande que les magasins isolés et parfois d'une politique de communication centralisée, ces magasins payent cet avantage par un niveau élevé de loyers et de charges.

Pour maintenir le produit de la taxe au même niveau, votre rapporteur vous propose, dans le même amendement, de ramener à 3.000 m 2 le seuil de la superficie à partir de laquelle s'applique la majoration de 30 % de la taxe pour les magasins réalisant un chiffre d'affaires au mètre carré supérieur à 3.000 euros . Ce seuil resterait toutefois supérieur à celui figurant dans la version initiale du projet de loi, qui était de 2.500 m 2 (pour une majoration de 25 %).

C. Un nom source de confusion

Votre rapporteur constate que le législateur n'a pas tiré toutes les conséquences de la budgétisation de la TACA en maintenant son nom originel de « taxe d'aide au commerce et à l'artisanat ».

Or, cela n'est pas qu'anecdotique car un tel nom peut entretenir une confusion quant à la destination de la taxe . Votre commission spéciale a d'ailleurs pu constater, lors des auditions qu'elle a menées, que même des professionnels avertis pouvaient penser que la TACA servait, au moins en partie, à alimenter le FISAC, ce qui n'est plus le cas depuis 2003.

En toute hypothèse, même si votre commission spéciale propose, au sein de l'article 26, de recréer un lien entre la taxe et le soutien au petit commerce, cette réaffectation ne pourrait concerner qu'une fraction modeste du produit de la TACA, du fait du niveau qu'elle a atteint après l'abandon de la taxe sur les achats de viande. L'essentiel du produit de la TACA serait donc dirigé vers le budget général de l'Etat.

C'est pourquoi votre commission propose un amendement tendant à changer le nom de la TACA en taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM).

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 26 - (articles L. 750-1 et L. 750-1-1 [nouveau] du code de commerce et article 1er de la loi du 27 décembre 1973) Renforcement du FISAC

Commentaire : l'article 26 tend à renforcer le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), en lui affectant une fraction de la taxe sur le commerce et en le dotant d'instances de pilotage.

I. Le droit en vigueur

Le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) est un outil d'accompagnement des évolutions du commerce, de l'artisanat et des services. Il vise en priorité à préserver ou à développer un tissu d'entreprises de proximité. Il s'agit surtout de très petites entreprises, en raison du plafond de chiffre d'affaires retenu, de 800.000 euros hors taxes.

Son fondement juridique repose sur l'article 4 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 et sur le décret n° 2003-107 du 5 février 2003 relatif au FISAC. L'article 4 dispose :

- d'une part que l'aide de l'Etat concerne les « opérations visant à la sauvegarde et à la modernisation des entreprises artisanales, commerciales et de service affectées [et] à la création ou à la reprise de ces entreprises » ;

- d'autre part, que la gestion de ces aides est confiée à la Caisse nationale du régime social des indépendants (RSI).

Concrètement, ces aides sont regroupées dans le FISAC, dont la gestion comptable est effectivement déléguée à la Caisse nationale du RSI. L'article 1 er du décret du 5 février 2003 précité prévoit en effet que le FISAC « assure le versement d'aides financières pour la mise en oeuvre des opérations mentionnées à l'article 4 de la loi du 31 décembre 1989 » . Il s'ensuit que, malgré son importance, le FISAC n'a pas d'existence législative.

Les opérations éligibles au FISAC se regroupent en quatre catégories :

- les opérations collectives ;

- les opérations individuelles ;

- les études ;

- les actions collectives spécifiques.

Le FISAC était initialement financé par la taxe d'aide au commerce (TACA), puis par une fraction de celle-ci. Depuis 2004, la TACA abonde directement le budget général de l'Etat, qui finance lui-même le FISAC. Il n'y a donc plus aucun lien entre la TACA et le FISAC.

Les crédits du FISAC sont de l'ordre de 80 millions d'euros pour 2008, et devraient être augmentés d'une vingtaine de millions d'euros en 2009, selon certaines déclarations du Gouvernement.

II. Le dispositif initialement proposé

L'article 26 comporte deux paragraphes. Le paragraphe I créé un nouvel article L. 750-1-1 dans le code de commerce. Cet article comporterait trois alinéas :

- le premier alinéa fixe au Gouvernement l'objectif de développer la concurrence dans le commerce en favorisant la modernisation du commerce de proximité. Il fait à ce titre référence à l'article 4 de la loi du 31 décembre 1989 ;

- le deuxième alinéa rappelle l'objectif des opérations d'aide au commerce et à l'artisanat, « notamment en milieu rural, dans les halles et marchés ainsi que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville » ;

- le dernier alinéa de l'article supprime le programme national de développement et de modernisation des activités commerciales et artisanales prévu par l'article 1 er de la loi Royer et visé au dernier alinéa de l'article L. 750-1 du code de commerce (CC).

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont ajouté d'importants compléments au dispositif du projet de loi initial.

En premier lieu, ils ont prévu que les opérations de soutien au commerce de proximité devaient également permettre d'aider ces commerces lorsqu'ils voyaient diminuer leur clientèle du fait de l'exécution de travaux publics.

En deuxième lieu, les députés ont adopté une mesure de coordination financière avec le dispositif de préemption des terrains commerciaux inséré à l'article 26 bis. Ils ont en effet prévu que le FISAC puisse prendre en charge les intérêts des emprunts contractés par les communes pour préempter des fonds artisanaux, des fonds de commerce, des baux commerciaux ou des terrains destinés à l'aménagement commercial.

En troisième lieu, il est précisé que le FISAC pourra financer :

- les études permettant aux communes d'engager un projet de revitalisation de leur centre-ville ;

- la formation de médiateurs de commerce ;

- les investissements nécessaires pour un meilleur accès des personnes handicapées aux magasins.

Enfin, l'Assemblée nationale a prévu que le FISAC puisse financer des projets pendant plus de trois ans.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur se réjouit que le Gouvernement ait perçu la nécessité de développer le soutien au commerce de proximité et à l'artisanat. De fait, le développement de ce tissu local, loin d'être un combat d'arrière-garde, comme le pensent certains, est promis à un bel avenir, en raison de l'évolution des modes de transport, de l'urbanisation, du nouveau dynamisme des zones rurales et enfin du vieillissement de la population qui accroît l'attrait d'un commerce proche et capable de répondre à des demandes spécifiques.

Par ailleurs, votre rapporteur se félicite vivement de la volonté des députés de développer l'action du FISAC. Les travaux de la commission spéciale ont mis en évidence que ce souci était largement partagé par les sénateurs et c'est pourquoi votre commission vous propose un amendement comportant deux éléments majeurs :

- tout d'abord, il convient de recréer le lien entre la TACA et le FISAC car, d'une part il s'agit d'une forme de solidarité économique au sein du commerce. Ce transfert est en effet de nature à favoriser la diversité du commerce, ce qui est d'autant plus important qu'un tel objectif ne peut désormais plus être assigné aux règles d'urbanisme commercial. D'autre part, cette affectation est de nature à associer pleinement le Parlement à la politique de soutien au commerce de proximité, puisque celui-ci aura vocation à fixer dans le cadre des lois de finances les évolutions du taux de la TACA affecté au FISAC ;

- en second lieu, l'amendement tire la conséquence logique de la conjonction des propositions du Sénat, de l'Assemblée nationale et du Gouvernement en dotant le FISAC d'instances de pilotage. Il s'agit, d'une part, de créer un conseil stratégique, structure resserrée qui serait représentée pour moitié de représentants de l'Etat et pour moitié d'élus et de personnalités qualifiées, et, d'autre part, de mettre en place une commission d'orientation qui aurait vocation à adresser annuellement au conseil stratégique des recommandations relatives aux améliorations à apporter à la politique de soutien aux activités de proximité.

Votre commission spéciale vous propose également, par un second amendement de nature essentiellement rédactionnelle, d'améliorer la lisibilité du projet de loi en transférant les éléments du II de l'article affectant l'article L. 750-1 du CC à l'article 27, qui modifie déjà cet article.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 26 bis (nouveau) - (articles L. 214-1 et L. 214-2 du code de l'urbanisme) Préemption des terrains destinés à l'aménagement commercial

Commentaire : l'article 26 bis tend à permettre aux maires de préempter des terrains d'une superficie comprise entre 300 et 1.000 mètres carrés et destinés à l'aménagement commercial.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 214-1 du code de l'urbanisme (CU) est relatif à la préemption des fonds artisanaux, des fonds de commerce et des baux commerciaux qui :

- font l'objet d'une cession ;

- sont compris dans le périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat préalablement défini par la commune.

A cette fin, tout projet remplissant ces deux conditions doit faire l'objet d'une déclaration préalable du cédant à la commune, à peine de nullité.

Le dernier alinéa de l'article dispose que l'action en nullité contre une cession qui n'aurait pas fait l'objet d'une déclaration préalable se prescrit par cinq ans.

L'article suivant L. 214-2 du CU oblige la commune ayant préempté un fonds ou un bail dans le cadre de l'article L. 214-1 à le rétrocéder à une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) dans un délai d'un an.

II. La proposition de l'Assemblée nationale

Les députés ont introduit un nouvel article 26 bis dans le projet de loi, pour étendre le droit de préemption des communes aux « cessions de terrains d'une superficie comprise entre 300 et 1.000 mètres carrés destinés à l'aménagement commercial » . Cette rédaction soulève deux questions :

- en premier lieu, le renvoi à la superficie des terrains est très peu précis, car la législation sur l'équipement commercial vise, pour l'essentiel, les surfaces de vente, et non les surfaces brutes. La superficie des terrains ne présume pas, en soi, de la surface de vente, notamment en raison de la possibilité de bâtir sur plusieurs étages ;

- en second lieu, il existe une ambiguïté sur ce que les députés ont voulu viser au travers de la notion de terrains « destinés à l'aménagement commercial » . En effet, d'une part des terrains peuvent changer de destination, et, d'autre part et surtout, des terrains peuvent être de nature mixte, mêlant habitation et commerce, en particulier en centre-ville.

Par ailleurs, les députés ont également modifié l'article L. 214-2 du CU par coordination, d'une part, et pour y introduire la notion de promotion du développement du commerce dans les objectifs poursuivis par l'entreprise bénéficiaire de la cession par la commune, d'autre part.

III. La position de votre commission spéciale

Tout en comprenant pleinement l'intention de l'Assemblée nationale, votre commission spéciale estime utile de préciser la rédaction de cet article.

Elle vous présente donc un amendement tendant à remplacer la notion de superficie du terrain par une référence à la surface de vente.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter l'article ainsi modifié.

Article 27 - (articles L. 750-1 à L. 751-3, L. 751-6, L. 751-9, L. 752-1 à L. 752-11, L. 752-13 à L. 752-19, L. 752-22 et L. 752-23 du code de commerce) Réforme de la législation sur l'équipement commercial

Commentaire : le présent article porte la réforme de l'ensemble du dispositif relatif à l'urbanisme commercial. Il marque une évolution entre un contrôle de l'équipement commercial, fondé en principe sur la recherche d'un équilibre entre les différentes formes de commerce, et l'aménagement commercial qui n'intègre plus de dimension d'analyse économique.

En raison de la complexité de cet article, et dans un souci de lisibilité de son propos, votre rapporteur vous présentera séparément ses observations sur les vingt-cinq paragraphes de ce texte.

Paragraphe I :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 750-1 du code de commerce (CC) pose, depuis la loi « Royer » de 1973, les principes de l'équipement commercial : « Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme ». Ce principal général est décliné par une exigence particulière : « Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine » .

Les commissions départementales d'équipement commercial (CDEC), qui délivrent les autorisations commerciales, se prononcent en principe en fonction de la conformité des projets à ces principes.

Par ailleurs, l'article L. 750-1 ajoute une seconde catégorie d'objectifs, liés à la modernisation des commerces à leur adaptation aux besoins et attentes des consommateurs.

Enfin, cet article prévoit un « programme national de développement et de modernisation des activités commerciales et artisanales », en application de l'article 1 er de la loi Royer. Rappelons que le II de l'article 26 du projet de loi en prévoit la suppression, car ses objectifs sont en réalité couverts par le FISAC.

II. Le dispositif initialement proposé

Le premier paragraphe de l'article 27 du projet de loi apporte deux modifications à l'article L. 750-1. En premier lieu, il supprime la déclinaison du principe qui portait sur l'exigence de maintien des activités et de rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. En effet, il semble que cette disposition se heurte au droit communautaire, à un double titre :

- d'une part, elle entraîne une limitation de la liberté d'établissement et de la liberté de prestation de services (article 52 du TCE). Or, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a considéré dès 2002 que ces limitations «  peuvent être justifiées lorsqu'elles répondent à des raisons impérieuses d'intérêt général, pour autant qu'elles soient propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent, et n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre » . La Commission européenne en a conclu, dans un communiqué du 13 décembre 2006, que « la réglementation française sur l'urbanisme commercial, qui prévoit une procédure d'autorisation pour l'implantation de surfaces commerciales, ne respecte pas l'article 43 du Traité CE relatif à la liberté d'établissement. En effet, si [la Commission] reconnaît que les objectifs de protection de l'environnement et de l'urbanisme, ou l'aménagement du territoire, sont des raisons d'intérêt général de nature à justifier des restrictions aux libertés fondamentales garanties par le Traité CE, elle considère que la procédure française, qui se fonde pour une grande part sur des considérations de nature économique telles que l'impact de l'implantation sur les commerces existants, qui prévoit des critères insuffisamment précis et objectifs, devant faire l'objet d'une évaluation par le demandeur, et permet enfin la participation dans la prise de décision de représentants des intérêts économiques déjà présents, n'est pas justifiée et proportionnée aux objectifs d'intérêt général poursuivis » ;

- d'autre part, le dispositif national est en conflit avec les stipulations de la directive sur les services dans le marché intérieur. Votre rapporteur reviendra sur ce point concernant le fonctionnement et la composition des CDEC.

La seconde modification apportée à l'article L. 750-1 consiste à poser, au début du deuxième alinéa de l'article, la nécessité du respect d'une « concurrence loyale ». Cet ajout tend à rendre le dispositif national plus conforme aux exigences du droit européen, en précisant explicitement qu'il n'est aucunement contraire au respect de la concurrence.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté qu'une modification rédactionnelle.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur vous propose un amendement tendant, dans un souci de lisibilité du projet de loi, de réintroduire dans ce paragraphe la suppression du dernier alinéa de l'article L. 750-1 du CC.

Paragraphe II :

I. Le droit en vigueur

Le II de l'article 27 modifie l'article L. 751-1 du CC. Cet article prévoit que les autorisations demandées en application des articles L. 752-1, L. 752-3 et L. 752-15 sont accordées par une commission départementale d'équipement commercial (CDEC). Précisons d'emblée que les derniers paragraphes de l'article 27 rebaptisent ces commissions en commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC), acronyme que votre rapporteur utilisera pour plus de commodité (il est en effet difficile, sans cela, de parler des nouvelles compétences des commissions en matière de cinéma, car ces compétences seront celles des CDAC, et non des CDEC).

II. Le dispositif initialement proposé

Ce paragraphe apporte deux modifications à l'article L. 751-1 :

- en premier lieu, il supprime la référence à l'article L. 752-3. En effet, les dispositions relatives à l'autorisation des ensembles commerciaux, qui figurent actuellement à cet article, sont supprimées par le projet de loi et remplacées par des dispositions relatives à l'aménagement cinématographique ;

- en second lieu, il insère un second alinéa qui précise que la commission départementale est également compétente en matière d'aménagement cinématographique, cas dans lequel elle siège dans une commission spéciale.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont procédé à des améliorations rédactionnelles, notamment en corrigeant une erreur matérielle. Mais ils ont surtout supprimé l'alinéa effaçant la référence aux ensembles commerciaux, que le Gouvernement proposait en cohérence avec la disparition des ensembles commerciaux du dispositif.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve le projet des députés de rétablir les dispositions relatives aux ensembles commerciaux. Elle ne vous présente donc pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe III :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 751-2 du CC précise la composition de la CDEC, soit six personnes. On y compte trois élus :

- le maire de la commune d'implantation ;

- le président de l'établissement public de coopération intercommunal (EPCI) compétent en matière d'aménagement de l'espace et de développement ou, à défaut, le conseiller général du canton ;

- le maire de la commune la plus peuplée de l'arrondissement, autre que celle d'implantation.

Les trois autres personnes sont :

- le président de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) ou son représentant ;

- le président de la chambre de métiers ou son représentant ;

- un représentant des associations de consommateurs du département.

Précisons que la composition de la commission diffère quelque peu à Paris, en raison de ses spécificités administratives (Paris est en effet à la fois une commune et un département : les membres élus de la CDEC y sont le maire de Paris, le maire d'arrondissement, un conseiller d'arrondissement désigné par le conseil de Paris).

II. Le dispositif initialement proposé

Les 1° et 2° du paragraphe III de l'article 27 proposent d'ajouter deux élus dans la CDAC :

- le président du conseil général ou son représentant ;

- le président du conseil régional ou son représentant.

Le 3° règle le problème de l'éventuel cumul par un élu de plusieurs des mandats entraînant participation à la CDAC. Dans ce cas, il appartiendra au préfet, qui préside la commission, de désigner « un ou plusieurs maires de communes situées dans la zone de chalandise ».

Le 4° remplace les trois non-élus de la CDEC par « trois personnalités qualifiées en matière de consommation, de développement durable et d'aménagement du territoire ». La disparition des membres de la CCI et de la chambre de métier s'explique par la volonté du Gouvernement de prendre en compte les critiques de la Commission européenne quant au fait de faire siéger dans la CDAC des personnes pouvant représenter les concurrents des demandeurs d'autorisation. Le 6° de l'article 14 de la directive sur les services dans le marché intérieur interdit en effet « l'intervention directe ou indirecte d'opérateurs concurrents, y compris au sein d'organes consultatifs, dans l'octroi d'autorisations ou dans l'adoption d'autres décisions des autorités compétentes ».

Votre rapporteur a relevé, lors des travaux préparatoires de votre commission spéciale, que les CCI faisaient valoir que leur situation d'établissements publics chargés d'une mission d'intérêt général ne pouvait être rapproché du statut privé et, en quelque sorte, corporatif, des associations consulaires de certains Etats membres. Sans méconnaître cette réalité, votre rapporteur observe toutefois que la Commission européenne ne semble pas partager cette analyse, puisqu'elle critique spécifiquement, dans son communiqué du 13 décembre 2006, « la participation dans la prise de décision de représentants des intérêts économiques déjà présents ».

Les 5° à 8° procèdent à des modifications similaires pour le dispositif spécifique à Paris, la seule différence tenant à ce que les deux élus supplémentaires sont des conseillers généraux, ce qui est logique dans le cas de Paris.

Le 9° complète l'article L. 751-2 par un paragraphe prévoyant qu'un membre du comité consultatif de la diffusion cinématographique figure au nombre des personnalités qualifiées lorsque la CDAC est appelée à se prononcer sur des projets d'aménagement cinématographique.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Outre des modifications rédactionnelles, les députés ont procédé à trois modifications à ce paragraphe :

- ils ont remplacé le président du conseil régional ou son représentant par un adjoint au maire de la commune d'implantation ;

- ils ont ajouté, parmi les champs de qualification possibles des membres non élus de la CDAC, celui de la concurrence ;

- ils ont remplacé un des élus du conseil régional d'Ile-de-France par un adjoint au maire de Paris, pour la CDAC de Paris.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve l'essentiel des modifications apportées par l'Assemblée nationale. Elle vous présente néanmoins un amendement tendant à supprimer l'extension à la concurrence des champs de compétences des personnes qualifiées. En effet, dès lors que la CDAC n'est plus censée se prononcer sur le fondement d'un test économique, il ne paraît pas très logique que la concurrence soit un critère pertinent.

Par ailleurs, elle vous propose un second amendement visant à compléter la composition du la CDAC par deux représentants, un élu et une personnalité qualifiée, de chaque autre département concerné par un projet dont la zone de chalandise dépasse les limites du département où est envisagée la création de surfaces.

Paragraphe IV :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 751-3 prévoit que les membres de la CDAC doivent déclarer au préfet les intérêts qu'ils détiennent et la fonction qu'ils exercent dans une activité économique.

II. Le dispositif initialement proposé

Ce paragraphe insère dans l'article L. 751-3 un alinéa reprenant la rédaction actuelle de l'article L. 752-13, obligeant tout membre à se déporter lorsqu'il a un intérêt personnel dans une affaire ou s'il représente ou a représenté une des parties intéressées.

Il s'agit donc d'une mesure d'amélioration du CC, mais qui substitue à la notion d'intérêt « personnel et direct » celle d'intérêt « personnel », ce qui marque une volonté de mieux prévenir les conflits d'intérêts.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté à ce paragraphe qu'une modification rédactionnelle.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne vous présente pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe V :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 750-6 fixe la composition de la commission nationale d'équipement commercial (CNEC), qui a vocation, à l'instar des commissions départementales, à devenir une commission nationale d'aménagement commercial (CNAC).

II. Le dispositif initialement proposé

Le paragraphe V apporte deux modifications à cet article du CC. D'une part, il ajoute aux domaines de qualification permettant à des personnes d'être désignées à la CNAC l'urbanisme et le développement durable, ce qui est cohérent avec la réorientation globale du dispositif d'aménagement commercial dans ces directions, suite aux critiques de la Commission européenne. D'autre part, il insère un paragraphe complémentaire qui prévoit une composition spécifique de la CNAC lorsqu'elle siège en matière d'aménagement cinématographique ; dans ce cas :

- l'inspecteur général de l'équipement prévu par le dispositif général est remplacé par un inspecteur général de la culture ;

- une des personnalités qualifiées doit être compétente en matière de distribution cinématographique ;

- la CNAC est complétée par le président du comité consultatif de la diffusion cinématographique.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Sur le fond, les députés ont supprimé la référence à l'emploi comme champ de compétence offrant une qualification pour être membre de la CNAC. Cela s'explique par l'impossibilité, désormais, de prendre en compte l'emploi dans les décisions d'autorisation commerciale. En effet, la prise en compte des incidences des projets sur l'emploi suppose le recours à un test économique, élément proscrit par la directive sur les marchés intérieurs.

L'Assemblée nationale a également apporté d'utiles précisions sur la désignation de la personnalité compétente en matière de cinéma, lorsque la CNAC statue sur un dossier de cette nature. C'est la personne désignée par le ministre du commerce qui est remplacée par une personne désignée par le ministre chargé de la culture. Cela semble logique, mais il très opportun de le préciser explicitement.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve les modifications apportées par l'Assemblée nationale. Elle ne vous présente donc pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe V bis (nouveau) :

I. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont fort judicieusement décliné les dispositions prévenant les conflits d'intérêts prévues pour les CDAC à la CNAC.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve les modifications apportées par l'Assemblée nationale. Elle ne vous présente donc pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe VI :

I. Le droit en vigueur

Le VI de l'article 27 abroge la troisième section (« Des observatoires départementaux d'équipement commercial ») du chapitre I er (« Des commissions départementales d'équipement commercial et des observatoires départementaux d'équipement commercial ») du titre V (« De l'équipement commercial ») du livre VII (« Des juridictions commerciales et de l'organisation du commerce ») du CC.

Cette section ne contient qu'un article L. 751-9, relatif aux observatoires départementaux d'équipement commercial (ODEC) et aux schémas de développement commercial (SDC).

II. Le dispositif initialement proposé

Le Gouvernement propose l'abrogation de ce dispositif pour deux raisons :

- d'une part, il ne fonctionne pas car les ODEC sont peu actifs et que peu de SDC ont été élaborés, et rarement de façon satisfaisante ;

- d'autre part, ce dispositif participe dans son esprit des limitations à la liberté d'établissement que la Commission européenne reproche à la France.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté à ce paragraphe qu'une modification rédactionnelle.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne vous présente pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe VII :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 752-1 est un des plus importants du dispositif actuel sur l'équipement commercial . En effet, il précise huit cas de soumission des projets d'équipement commercial à une autorisation de la CDEC :

- la création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 300 m² ;

- l'extension d'un magasin faisant déjà plus de 300 m² ou devant les dépasser à cause de cette extension ;

- la création ou l'extension d'un ensemble commercial de plus de 300 m² ;

- la création ou l'extension d'une installation de distribution au détail de combustibles et de carburants annexée à un magasin ou un ensemble commercial de plus de 300 m² ;

- la réutilisation à usage de commerce de détail d'une surface de plus de 300 m² libérée à la suite d'une autorisation de création de magasin par transfert d'activités existantes ;

- la réouverture au public d'un magasin de plus de 300 m² fermé pendant deux ans ;

- les constructions ou extensions hôtelières de plus de trente chambres ;

- tout changement de secteur d'activité d'un commerce de plus de 2.000 m², ou de plus de 300 m² lorsque l'activité nouvelle est à prédominance alimentaire.

II. Le dispositif initialement proposé

Le Gouvernement propose d'alléger fortement le dispositif pour trois raisons :

- d'une part, il n'a pas permis d'arrêter la diminution du nombre de petits commerces ;

- d'autre part, il participe de l'ensemble dont la Commission européenne considère qu'il constitue une entrave disproportionnée à la liberté d'établissement ;

- enfin, selon certaines analyses, ce dispositif aurait été détourné par les enseignes de grande distribution déjà installées pour empêcher leurs concurrents d'entrer sur le marché, ce qui aboutirait in fine à une concurrence insuffisante et donc à des prix trop élevés dans les grandes surfaces.

C'est pourquoi le 2° du VII de l'article 27 propose de relever à 1.000 m² le seuil de 300 m² prévu pour les deux premiers cas.

Le 3° supprime toute référence aux ensembles commerciaux et réintroduit au 3° de l'article L. 752-1 les dispositions relatives aux changements de secteur d'activité, qui figuraient auparavant en huitième position. Au passage, deux modifications importantes sont apportées :

- d'une part, le contrôle plus grand sur les magasins à prédominance alimentaire disparaît ;

- d'autre part, la soumission des projets de changement d'activité de plus de 2.000 m² ne concerne plus que les magasins de commerce de détail.

Le 4°, numéroté 3° par erreur dans la version initiale du projet de loi, abroge les dispositions relatives aux quatrième à septième cas, le huitième cas étant, on l'a vu, remanié et réinséré en troisième position.

Enfin, le 5° abroge le paragraphe II de l'article L. 752-1, par coordination avec la suppression proposée du 7° du I, auquel le II faisait référence.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté que des modifications rédactionnelles à ce paragraphe.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur observe que les analyses concluant à une grave insuffisance de la concurrence dans la grande distribution en France, si elles semblent majoritaires dans le débat actuel, sont néanmoins parfois contestées.

Parmi les critiques qui lui paraissent les plus intéressantes, elle a notamment relevé l'absence de prise en compte, dans ces études, du commerce spécialisé de proximité. Cette absence est justifiée par les auteurs des études par des difficultés d'ordre technique, qui sont sans doute avérées, mais qui doivent également inciter à une certaine prudence dans le maniement des résultats, et ce d'autant que les études divergent souvent dans le détail de leurs conclusions.

Par ailleurs, votre rapporteur a noté une interprétation hétérodoxe, mais intellectuellement stimulante, selon laquelle le niveau de fixation des prix dans les grandes surfaces serait pour l'essentiel déterminé par l'estimation que font celles-ci du potentiel d'achat des consommateurs de leur bassin de chalandise. Cette hypothèse a l'avantage de correspondre à la réalité de gestion de ces entreprises, qui visent logiquement à maximiser leurs profits.

Sans doute convient-il d'améliorer les conditions de concurrence dans la grande distribution française. Pour cette raison, votre rapporteur accepte la proposition du Gouvernement de relever les seuils de passage en CDAC. Il faut rappeler que la plus grande concurrence au sein de la grande distribution doit accompagner la réforme de la négociabilité portée par l'article 21.

Cela étant, votre rapporteur considère que, dans certains cas précis, les circonstances locales conduisent les élus locaux à formuler des exigences particulières en matière d'aménagement du territoire, d'urbanisme et de protection de l'environnement.

Pour cette raison, elle a présenté à votre commission spéciale, qui l'a adopté, un amendement permettant de définir, dans le cadre des schémas de cohérence territoriale (SCOT), des zones d'aménagement commercial.

Cette proposition revêt aux yeux de votre commission spéciale une importance particulière . Il faut au législateur concilier deux exigences fortes :

- faire subsister la notion de décision collective en matière d'aménagement commercial, car l'impact des grands projets commerciaux dépasse naturellement le territoire de la seule commune d'implantation ;

- respecter le cadre du droit européen, dont votre rapporteur a rappelé les trois éléments recevables en matière de limitations à la liberté d'établissement : l'aménagement du territoire, la qualité de l'urbanisme et la protection de l'environnement.

L'amendement présenté par votre commission spéciale comprend trois paragraphes. Le paragraphe I porte une nouvelle rédaction du II de l'article L. 752-1 du CC. Celle-ci prévoit que des zones peuvent être délimitées pour certaines parties d'un SCOT qui présenteraient une spécificité du point de vue de l'aménagement du territoire, de la qualité de l'urbanisme ou de la protection de l'environnement. Conformément au droit européen, il est rappelé que la délimitation de ces zones ne peut reposer sur l'analyse de l'offre commerciale existante, ni sur une mesure de l'impact sur cette dernière de nouveaux projets de commerces.

Leur délimitation figurerait dans un document d'aménagement commercial (DAC), partie intégrante du SCOT. Pour ne pas retarder l'entrée en vigueur de la réforme de l'aménagement commercial, il est proposé que les DAC soient adoptés par une délibération de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) en charge du SCOT. Une enquête publique sera menée dans l'année suivant cette délibération, pour valider la délimitation proposée.

Le DAC sera naturellement communiqué au préfet, afin de garantir le contrôle de légalité.

Dans les consultations qu'elle a menées pour élaborer cet amendement, votre rapporteur a bien noté l'objection reposant sur le nombre encore limité de SCOT. C'est pourquoi l'amendement propose qu'en cas d'absence de SCOT, les EPCI compétents pour leur élaboration puissent adopter un DAC provisoire. Celui-ci serait valable deux ans et acquerrait un caractère définitif avec l'approbation du SCOT. Le dispositif constitue donc une incitation à conclure les SCOT en cours d'élaboration.

Enfin, dans les régions couvertes par des schémas régionaux, c'est-à-dire l'Ile-de-France, les régions d'outre-mer et la Corse, il convient de prévoir qu'en l'absence de SCOT, le DAC peut être intégré dans le PLU.

Le paragraphe II de l'amendement introduit dans le projet de loi un nouveau paragraphe VII bis . Celui-ci porte une coordination juridique dans l'article L. 122-1 du code de l'urbanisme, relatif aux SCOT.

Le paragraphe III insère un nouveau paragraphe VII ter qui procède à une coordination similaire à l'article L. 123-1 du même code, relatif, lui, aux PLU.

Enfin, votre commission spéciale vous présente un deuxième amendement à ce paragraphe, afin de procéder à une coordination de conséquence avec le rétablissement de la notion d'ensemble commercial par l'Assemblée nationale.

Paragraphe VIII :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 752-2 porte six cas de dispense d'autorisation d'exploitation commerciale :

- les regroupements de surfaces de vente de magasins voisins, sans création de surfaces nouvelles, de moins de 1.000 m², ou moins de 300 m² si l'activité est à prédominance alimentaire ;

- les pharmacies, qui ne sont par ailleurs pas comptabilisées dans les ensembles commerciaux ;

- les halles et marchés d'approvisionnement au détail établis sur les dépendances du domaine public et dont la création est décidée par le conseil municipal ;

- les magasins des aéroports accessibles aux seuls voyageurs munis de billets ;

- les parties du domaine public aux gares ferroviaires inférieures ou égales à 1.000 m²:

- les garages ou les commerces de véhicules de moins de 1.000 m² et disposant d'un atelier d'entretien et de réparation.

II. Le dispositif initialement proposé

Le VIII de l'article 27 du projet de loi apporte quatre modifications à l'article L. 752-2 :

- il relève à 2.500 m² le seuil de 1.000 m² pour l'autorisation des regroupements et supprime le dispositif dérogatoire qui était applicable aux magasins à prédominance alimentaire ;

- la dispense des commerces de véhicules automobiles n'est plus soumise à condition de surface ni à la présence d'un atelier. En outre, y sont ajoutés les commerces de motocycles. En sont en revanche retranchés les garages ;

- la dispense pour les commerces des gares ferroviaires est étendue aux surfaces jusqu'à 2.500 m², mais seulement pour les gares « situées en centre-ville » ;

- par coordination avec le déplacement des dispositions sur les commerces de véhicules au II de l'article L. 752-2, le IV est supprimé.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté à ce paragraphe que des modifications rédactionnelles.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous présente un amendement de précision à ce paragraphe. En effet, la notion d'autorisation par la CDAC y a été malencontreusement remplacée par celle d'avis, ce qu'il convient de rectifier.

Paragraphe IX :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 752-3 du CC traite des ensembles commerciaux, c'est-à-dire un groupe de commerces considérés comme liés par des éléments juridiques ou matériels et susceptibles à ce titre d'être soumis à autorisation commerciale, alors même que les commerces pris individuellement se situeraient sous les seuils de droit commun.

II. Le dispositif initialement proposé

Le Gouvernement propose de supprimer toutes les dispositions sur les ensembles commerciaux, si ce n'est celles relatives à leur taxation qui demeurent aux termes de l'article 25 du projet de loi.

A la place du dispositif sur les ensembles commerciaux, le projet de loi inscrit à l'article L. 752-3 du CC une disposition sur les projets d'aménagement cinématographique. Celle-ci prévoit que ces projets ne peuvent être soumis à la CDAC que s'ils comprennent l'indication de la personne qui sera titulaire de l'autorisation d'exercice délivrée en application de l'article 14 du code de l'industrie cinématographique.

Il s'agit par ce dispositif d'éviter la trop forte emprise de quelques grandes enseignes de cinéma.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté à ce paragraphe que des modifications rédactionnelles.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne vous présente pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe IX bis (nouveau) :

I. Les travaux de l'Assemblée nationale

Le nouveau paragraphe IX bis s'inscrit dans la série d'amendements négociés par le Gouvernement et les députés pour offrir des moyens d'action aux élus locaux en matière d'aménagement local. Il rétablit l'article L. 752-4 du CC, dont le paragraphe X prévoyait, dans la rédaction initiale du Gouvernement, la suppression. Le dispositif n'a cependant aucun lien avec la rédaction actuellement en vigueur à cet article.

Il s'agirait ici d'ouvrir, dans les communes de moins de 15.000 habitants, au maire ou au président de l'EPCI compétent en matière d'urbanisme, la possibilité de saisir la CDAC lors de demandes de permis de construire un commerce d'une surface de 300 à 1.000 m².

Par ailleurs, le président de l'EPCI chargé du SCOT pourrait aussi saisir la CDAC.

La décision du maire ou du président de l'EPCI doit être motivée et est transmise sous trois jours au pétitionnaire.

En cas d'avis négatif de la CDAC, le pétitionnaire peut saisir la CNAC. Lorsque la CDAC ou la CNAC ont rendu un avis négatif, le permis de construire est refusé.

II. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur comprend l'objectif que les députés ont tâché d'atteindre. Il rejoint largement celui que votre commission spéciale poursuit à travers l'amendement qu'elle vous présente au VII de cet article.

C'est pourquoi elle considère qu'il est possible de rattacher ces deux dispositifs en faisant mention, au présent paragraphe, du document d'aménagement commercial prévu au VII par votre commission spéciale. De cette façon, les élus de toutes les communes dont le territoire est couvert, au sein du SCOT auquel ils appartiennent, par une zone d'aménagement commercial, pourront saisir la CDAC dans la fourchette de seuils définie par l'Assemblée nationale.

Pour ces raisons, votre commission spéciale vous propose un amendement étendant le dispositif du IX bis aux communes incluses dans le périmètre d'une zone d'aménagement commercial.

Paragraphe X :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 752-4 renvoie à un décret en Conseil d'Etat la détermination des modalités des demandes d'autorisation.

L'article L. 752-5 comporte deux alinéas. Le premier impose que les demandes d'autorisation de commerce, au-delà d'un seuil fixé par décret à 2.000 m², soient accompagnées de l'indication de l'enseigne ou des futurs exploitants. Le second prévoit une enquête publique pour les projets de magasins de commerce de détail ou d'ensembles commerciaux supérieurs à 6.000 m².

II. Le dispositif initialement proposé

Le X de l'article prévoit d'abroger les articles L. 752-4 et L. 752-5. La suppression de l'article L. 752-4 s'explique par l'introduction, au paragraphe XXI de l'article 27 du projet de loi, d'un renvoi global à un décret en Conseil d'Etat pour l'application de l'ensemble du chapitre II du titre V du livre VII du CC.

La suppression de l'article L. 752-5 correspond en revanche à des modifications de fond. Le Gouvernement considère, d'une part, que l'indication de l'enseigne ne sert à rien dans de nombreux cas, car elle est déjà connue, et d'autre part, que cette disposition constitue un frein pour les projets d'ensembles commerciaux, où l'identité des différents commerçants n'est pas toujours connue en amont.

Par ailleurs, cette suppression tend également à faire disparaître l'enquête publique, qui alourdissait sensiblement la procédure des gros projets.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont entièrement réécrit ce paragraphe, qui comporte désormais des dispositions sans rapport avec celles du projet de loi initial. L'ajout des députés permet au maire de saisir le Conseil de la concurrence afin que celui-ci procède aux injonctions et aux sanctions pécuniaires prévues à l'article L. 464-2.

IV. La position de votre commission spéciale

Là encore, votre commission spéciale partage le souci des députés. Elle souscrit à l'idée de cette saisine du Conseil de la concurrence (et ultérieurement, de la nouvelle Autorité de la concurrence). C'est pourquoi elle ne vous présente à ce paragraphe qu'un amendement rédactionnel.

Paragraphe XI :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 752-6 définit les éléments que la CDEC doit prendre en considération lorsqu'elle statue sur la demande d'autorisation qui lui est soumise.

Article L. 752-6 du code de commerce

Dans le cadre des principes définis à l'article L. 750-1, la commission statue en prenant en considération :

1° L'offre et la demande globales pour chaque secteur d'activité dans la zone de chalandise concernée ;

- l'impact global du projet sur les flux de voitures particulières et de véhicules de livraison ;

- la qualité de la desserte en transport public ou avec des modes alternatifs ;

- les capacités d'accueil pour le chargement et le déchargement des marchandises ;

2° La densité d'équipement en moyennes et grandes surfaces dans cette zone ;

3° L'effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce. Lorsque le projet concerne la création ou l'extension d'un ensemble commercial, majoritairement composé de magasins spécialisés dans la commercialisation d'articles de marques à prix réduit, l'effet potentiel dudit projet est également apprécié indépendamment de la spécificité de la politique commerciale de ce type de magasins ;

4° L'impact éventuel du projet en termes d'emplois salariés et non salariés ;

5° Les conditions d'exercice de la concurrence au sein du commerce et de l'artisanat ;

6° Les engagements des demandeurs de création de magasins de détail à prédominance alimentaire de créer dans les zones de dynamisation urbaine ou les territoires ruraux de développement prioritaire des magasins de même type, d'une surface de vente inférieure à 300 m², pour au moins 10 % des surfaces demandées.

II. Le dispositif initialement proposé

Le Gouvernement est amené à proposer une nouvelle définition des critères fondant la décision des CDAC, en raison des critiques de la Commission européenne portant sur l'interdiction des « tests économiques ». En effet, le dispositif en vigueur reproduit ci-dessus contrevient au point 5 de l'article 14 de la directive sur les services dans le marché intérieur, qui stipule : «Lles Etats membres ne subordonnent pas l'accès à une activité de services ou son exercice sur leur territoire au respect de (...) l'application au cas par cas d'un test économique consistant à subordonner l'octroi de l'autorisation à la preuve de l'existence d'un besoin économique ou d'une demande de marché, à évaluer les effets économiques potentiels ou actuels de l'activité ou à évaluer l'adéquation de l'activité avec les objectifs de programmation économique fixés par l'autorité compétente » .

Suit une précision d'une très grande importance pour comprendre l'équilibre du nouveau dispositif proposé par le Gouvernement : « Cette interdiction ne concerne pas les exigences en matière de programmation qui ne poursuivent pas des objectifs de nature économique mais relèvent de raisons impérieuses d'intérêt général » . Cette précision utile est à rapprocher de l'analyse de la Commission européenne exposée dans son communiqué du 13 décembre 2006 : « Les objectifs de protection de l'environnement et de l'urbanisme, ou l'aménagement du territoire, sont des raisons d'intérêt général de nature à justifier des restrictions aux libertés fondamentales » .

Dans sa nouvelle rédaction, telle que proposée par le Gouvernement, l'article L. 752-6 ne compterait plus que cinq alinéas. Le premier alinéa impose à la CDAC de se prononcer « sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire et de développement durable » . Cette règle est déclinée dans les deux alinéas suivants , qui lui imposent d'apprécier en particulier les effets sur :

- l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne, ce qui réintroduit quelque peu un élément supprimé à l'article L. 750-1 ;

- les flux de transport et l'insertion du projet dans les réseaux de transport collectif, ce qui reprend les troisième et quatrième alinéas de la rédaction actuelle.

Le dernier alinéa reprend le dernier élément validé a priori par la Commission européenne, à travers « la qualité environnementale du projet » .

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont apporté des améliorations rédactionnelles à cet article. Ils ont également développé la référence à la qualité environnementale du projet, en précisant que celle-ci s'appréciait « notamment au regard des normes de haute qualité environnementale » .

IV. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur souhaite détailler quelque peu les critères sur lesquels est fondée la décision de la CDAC. A cette fin, votre commission spéciale vous propose un amendement portant une rédaction globale du paragraphe XI, pour en préciser certains des aspects.

Paragraphe XII :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 752-7 dispose que les décisions de la CDEC se réfèrent aux travaux de l'ODEC.

II. Le dispositif initialement proposé

Les ODEC ayant été supprimés au paragraphe VI, la rédaction actuelle de l'article L. 752-7 n'a plus d'objet. Le Gouvernement propose en revanche d'introduire à cet article des dispositions spécifiques au cinéma, afin de définir les principes et critères sur lesquels doivent reposer les décisions des CDAC en matière de cinéma. Les principes sont ceux définis à l'article 30-1 du code de l'industrie cinématographique (CIC) et les critères sont ceux de l'article 30-3 du même code.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté à ce paragraphe que des modifications rédactionnelles.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne vous présente pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe XIII :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 752-8 prévoit une information de la CDEC sur le programme national prévu à l'article L. 750-1 et sur le SDC.

L'article L. 752-9 dispose que la CDEC doit « prendre en compte les actions destinées à (...) assurer le maintien ou l'implantation de commerces de proximité, d'artisans ou d'activités artisanales » dans le cadre des opérations programmées d'amélioration de l'habitat et les zones d'aménagement concerté.

L'article L. 752-10 porte des dispositions spécifiques relatives au contrôle des concentrations dans les départements d'outre-mer. Elles tendent à interdire à une enseigne ou une société d'ouvrir un nouveau magasin dès lors qu'elle atteindrait ou dépasserait 25 % de la surface totale des commerces à prédominance alimentaire de moins de 300 m² dans le département. Toutefois, des dérogations sont possibles, dès lors qu'elles sont motivées.

L'article L. 752-11 dispose que les représentants des services déconcentrés de l'Etat assistent aux séances de la CDEC.

L'article L. 752-13 oblige tout membre de la CDEC à se déporter dès lors qu'il aurait un intérêt personnel et direct dans une affaire.

L'article L. 752-16 est relatif aux délais d'instruction des dossiers et à la motivation des décisions de la CDEC.

II. Le dispositif initialement proposé

Le projet de loi initial propose d'abroger ces six articles. La suppression des articles L. 752-8, L. 752-13 et L. 752-16 est de simple cohérence avec les autres dispositions de l'article 27.

Celle de l'article L. 752-9 est justifiée par le Gouvernement par la volonté de répondre aux critiques de la Commission européenne quant à la prise en compte de l'impact des projets sur le tissu existant.

Celle de l'article L. 752-10 est justifiée par le caractère inapplicable des dispositions. Outre le fait qu'elles visent la position dominante, et non son abus, la portée concrète du dispositif est limitée, dans la mesure où le principe général d'interdiction est assorti d'une faculté très étendue de dérogation. Enfin, par son caractère systématique, ce dispositif est contraire aux règles européennes de contrôle de la concurrence.

Celle de l'article L. 752-11 répond à une volonté de simplification administrative. Il convient de rappeler que, comme les actuelles CDEC, les CDAC seront présidées par le préfet du département.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté à ce paragraphe qu'une modification rédactionnelle.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne vous présente pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe XIV :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 752-14 du CC prévoit que les autorisations des CDEC sont acquises par le vote positif de quatre de leurs membres.

II. Le dispositif initialement proposé

Le I du paragraphe XIV modifie les dispositions sur le vote des commissions départementales et ajoute des éléments relatifs aux décisions en matière de cinéma. Le vote est désormais acquis à la majorité absolue des membres présents, ce qui permet le blocage de la commission par absence de quorum . Il est également indiqué explicitement que le préfet ne prend pas part au vote.

Il est ensuite précisé que les autorisations en matière de cinéma sont accordées par place de spectateur et que cette autorisation n'est ni cessible, ni transmissible avant l'ouverture de l'exploitation.

Le II réintroduit les dispositions relatives aux délais d'examen, qui figurent à l'heure actuelle à l'article L. 752-16, tout en les modifiant. Le délai d'examen est en effet ramené de quatre à deux mois, et la communication des demandes aux commissaires intervient dix jours avant la décision, et non plus un mois.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté à ce paragraphe que des modifications rédactionnelles.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne vous présente pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe XV :

I. Le dispositif initialement proposé

Ce paragraphe porte une simple mesure de coordination avec la suppression des autorisations pour les hôtels.

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté à ce paragraphe que des modifications rédactionnelles.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne vous présente pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe XVI :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 752-17 ouvre au préfet, à deux membres de la commission dont un élu ou au demandeur d'une autorisation la possibilité de saisir la CNEC. Ce recours se fait « sans préjudice du recours juridictionnel » et dans un délai de deux mois à compter de la décision.

II. Le dispositif initialement proposé

Le paragraphe XVI élargit la possibilité de recours à « toute personne ayant intérêt à agir » , ce qui semble devoir exclure les membres de la CDAC, qui ne doivent précisément pas avoir d'intérêt au dossier. En outre, la saisine de la CNAC devient « un préalable obligatoire à un recours contentieux » et le délai de saisine est raccourci à un mois.

Il est également précisé que ce recours est ouvert au préfet et au maire. Le recours est également ouvert au médiateur du cinéma pour les dossiers qui y sont relatifs.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont ouvert le recours à la CNAC au président de l'EPCI compétent.

IV. La position de votre commission spéciale

La modification proposée tend à accélérer et simplifier la procédure d'autorisation administrative des dossiers. Votre rapporteur y est, en cela, favorable. Quant à l'ajout des députés, il est tout à fait positif et va dans le sens de l'analyse de votre commission spéciale. C'est pourquoi elle ne vous propose, à ce paragraphe, qu'un amendement rédactionnel.

Paragraphe XVII :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 752-18 précise incidemment que la décision de la CNEC est une décision en appel de celle de la CDEC.

II. Le dispositif initialement proposé

Le projet de loi supprime cette indication, erronée en fait puisque la commission nationale ne constitue pas une juridiction d'appel.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté à ce paragraphe que des modifications rédactionnelles.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne vous présente pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe XVIII :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 752-19 prévoit qu'un commissaire du Gouvernement, nommé par le ministre chargé du commerce, assiste aux séances de la CNEC et rapporte les dossiers.

II. Le dispositif initialement proposé

Le projet de loi ajoute que le commissaire du Gouvernement est nommé par le ministre de la culture pour les dossiers relatifs au cinéma. Par ailleurs, il n'est plus censé rapporter les dossiers car, dans les faits il n'assumait pas cette fonction.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté à ce paragraphe que des modifications rédactionnelles.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne vous présente pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe XVIII bis (nouveau) :

I. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont introduit un nouveau paragraphe pour supprimer l'article L. 752-20 du CC, qui traitait de la prévention des conflits d'intérêts des membres de la CNEC. En effet, ils ont réintroduit ces mêmes dispositions précédemment.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne vous présente pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe XIX :

I. Le droit en vigueur

La quatrième section du chapitre II du titre V du livre VII du CC est relative aux « contrats passés à l'occasion de la réalisation d'un projet autorisé » . Elle comprend le seul article L. 752-23 qui prévoit l'obligation de communiquer au préfet et à la chambre régionale des comptes tous les contrats passés à l'occasion des projets autorisés par les CDEC.

II. Le dispositif initialement proposé

Le projet de loi abroge cette section dans un souci de simplification administrative.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté à ce paragraphe que des modifications rédactionnelles.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne vous présente pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe XX :

I. Le droit en vigueur

L'article L. 752-22 dispose que « les commissions autorisent ou refusent les projets dans leur totalité » .

II. Le dispositif initialement proposé

Le projet de loi complète cet article par un alinéa qui n'a pas de lien avec le précédent, pour prévoir que, lorsque les autorisations en matière de cinéma « s'appuient notamment sur le projet de programmation présenté par le demandeur » , ce projet doit faire l'objet d'un engagement de programmation au titre de l'article 90 de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle. Il s'agit en fait de la codification de dispositions qui figuraient déjà à l'article 36-1 de la loi Royer.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté à ce paragraphe que des modifications rédactionnelles.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne vous présente pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe XXI :

I. Le dispositif initialement proposé

Le paragraphe XXI insère à l'article L. 752-23 un renvoi à un décret en Conseil d'Etat pour les modalités d'application de l'ensemble du chapitre II du titre V du livre VII du CC.

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont créé, à ce paragraphe, un nouvel article L. 752-24, qui donne au Conseil de la concurrence la faculté de prononcer les injonctions et sanctions prévues à l'article L. 464-2 du même code en cas d'abus de position dominante ou d'un état de dépendance économique. Si ces sanctions n'ont pas suffi, le Conseil de la Concurrence peut procéder à des injonctions structurelles qui peuvent aller jusqu'à la cession de surfaces

IV. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur partage pleinement l'analyse des députés. Votre commission spéciale ne vous présente donc qu'un amendement rédactionnel à ce paragraphe.

Paragraphe XXII :

I. Le dispositif initialement proposé

Le paragraphe XXII porte une mesure de coordination suite au remplacement des CDEC par des CDAC, et de la CNEC par une CNAC.

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté à ce paragraphe que des modifications rédactionnelles.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne vous présente pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphe XXIII :

I. Le dispositif initialement proposé

Le premier alinéa du paragraphe XXIII fixe la date d'entrée en vigueur de l'article 27 du projet de loi « à une date fixée par décret et au plus tard au 1 er janvier 2009 » .

Le second alinéa de ce paragraphe prévoit toutefois que les projets de moins de 1.000 m² sont dispensés de passage en CDAC ou CNAC dès la publication de la loi.

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté à ce paragraphe qu'une modification rédactionnelle.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne vous présente pas d'amendement à ce paragraphe.

Paragraphes XXIV et XXV:

I. Le dispositif initialement proposé

Le paragraphe XXIV modifie les intitulés du titre V du livre VII du CC et de son chapitre I er pour tenir compte du remplacement de l'équipement commercial par l'aménagement commercial.

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés n'ont apporté à ces paragraphes que des modifications rédactionnelles.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne vous présente pas d'amendement à ces deux derniers paragraphes.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 27 bis (nouveau) - (article L. 121-1 du code de l'urbanisme) Prise en compte de la diversité commerciale dans les documents d'urbanisme

Commentaire : cet article tend à fixer des objectifs de diversité commerciale dans les documents d'urbanisme.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 121-1 du code de l'urbanisme fixe des objectifs aux documents d'urbanisme, c'est-à-dire les schémas de cohérence territoriale ( SCOT ), les plans locaux d'urbanisme ( PLU ) et les cartes communales .

Parmi ces objectifs figure au 2° de l'article la « diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale dans l'habitat urbain et l'habitat rural (...) en tenant compte en particulier de l'équilibre entre emploi et habitat ainsi que des moyens de transport et la gestion des eaux » .

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté un amendement de la commission des affaires économiques qui tendait à ajouter dans les éléments pris en compte pour la diversité des fonctions urbaines « la diversité commerciale et la préservation des commerces de détail et de proximité » .

III. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur considère que cet ajout consensuel de l'Assemblée nationale est tout à fait bienvenu et n'a donc pas de modification à vous proposer sur cet article.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 27 ter (nouveau) - (article L. 123-1 du code de l'urbanisme) Prise en compte des besoins en matière de commerce dans les PLU

Commentaire : cet article tend à mieux prendre en compte les besoins en matière de commerce dans les plans locaux d'urbanisme (PLU).

I. Le droit en vigueur

L'article L. 123-1 du code de l'urbanisme précise le contenu des plans locaux d'urbanisme (PLU).

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté, sur proposition de la commission des affaires économiques, un amendement tendant à rajouter au nombre des besoins qui doivent être recensés par le PLU, des besoins en matière de commerce.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale considère que cet ajout est bienvenu. Afin de simplifier la lecture du texte du projet de loi, elle vous propose en outre un amendement visant à compléter cet article par le contenu de l'article suivant qui modifie le même article L. 123-1 du code de l'urbanisme.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 27 quater (nouveau) - (article L. 123-1 du code de l'urbanisme) Possibilité de déterminer dans le PLU les zones de développement de la diversité commerciale

Commentaire : cet article ouvre la possibilité de détermination, dans les PLU, de zones de développement de la diversité commerciale.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 123-1 du code de l'urbanisme prévoit une série d'éléments pouvant être précisés par les plans locaux d'urbanisme (PLU), comme, par exemple, l'affectation des sols ou le zonage à protéger en matière d'architecture ou d'environnement.

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

La commission des affaires économiques a proposé un amendement tendant à compléter cette liste par la possibilité d'identifier et de délimiter les quartiers, ilots et voies dans lesquels la diversité commerciale doit être préservée et développée. Il est également prévu que le PLU puisse comprendre les prescriptions de nature à assurer cet objectif de diversité.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale partage la préoccupation des députés, qui est conforme à l'attachement de nombreux élus locaux au commerce de proximité.

Pour des raisons de lisibilité du projet de loi, votre commission spéciale vous propose d'insérer cette modification de l'article L. 123-1 à l'article 27 ter , qui modifie déjà le même article du code de l'urbanisme.

La suppression qu'elle vous présente est donc purement de cohérence avec l'amendement à l'article précédent tendant à y insérer ce dispositif.

Votre commission spéciale vous propose de supprimer cet article.

Article 28 - (articles 30-1 à 30-3 [nouveaux] du code de l'industrie cinématographique et L. 111-6-1, L. 122-1, L. 122-2 et L. 452-8 du code de l'urbanisme) Aménagement cinématographique

Commentaire : cet article codifie et complète la législation relative à l'aménagement cinématographique.

I. Le droit en vigueur

La loi Royer de 1973 comporte, depuis l'adoption de la loi Raffarin de 1996, des dispositions relatives à l'aménagement cinématographique. En effet, celles-ci peuvent se rapprocher par de nombreux aspects du dispositif relatif à l'équipement commercial. Il a toutefois ses spécificités propres, par exemple le fait que les projets sont évalués en nombre de places de spectateurs et non en surface de vente.

Il convient de noter que ce dispositif n'est pas remis en cause par la Commission européenne dans le cadre de ses procédures contre la France en matière d'équipement commercial. Cela s'explique notamment par l'exclusion de la culture du champ d'application de la directive sur les services dans le marché intérieur.

II. Le dispositif initialement proposé

L'article 28 du projet de loi consiste à codifier dans trois nouveaux articles du code de l'industrie cinématographique (CIC) les dispositions jusqu'alors contenues dans la loi Royer. Cette codification se fait en prenant en compte la modernisation du dispositif général sur l'équipement commercial porté par l'article 27.

Cet article comporte quatre paragraphes.

Le paragraphe I ajoute un nouveau chapitre de trois articles au titre II du CIC. Ce chapitre III serait intitulé « aménagement cinématographique du territoire ». Sa première section serait intitulée « principes généraux de l'aménagement cinématographique du territoire ». Elle comporterait l'article 30-1 (nouveau) du CIC qui affirme les exigences « de diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme dans l'aménagement cinématographique ».

La section 2 de ce chapitre III comporterait deux nouveaux articles, numérotés 30-2 et 30-3.

Le 1° de l'article 30-2 serait consacré aux commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) statuant en matière cinématographique et à leurs décisions. Cet article fixe les seuils en termes de nombre de places de spectateurs ainsi que les situations dans lesquelles les projets de création ou d'extension de cinémas doivent faire l'objet d'une autorisation de la CDAC dans sa composition spécifique prévue à l'article 27 du projet de loi.

Le 2° de cet article 30-2 prévoit des dispositions comparables à celles qui existent en matière d'équipement commercial pour les ensembles commerciaux. Il s'agit naturellement de préserver la diversité cinématographique.

L'article 30-3 fixe les principes qui doivent présider aux décisions de la CDAC en matière cinématographique. Ces principes sont essentiellement l'effet potentiel du projet sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs et l'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme.

Le paragraphe II modifie quant à lui le code de l'urbanisme pour assurer la coordination avec la codification portée par le I de l'article et prévoir que les parkings de l'établissement de cinéma ne doivent pas excéder une place pour trois places de spectateurs, dès lors que celui-ci ne fait pas partie d'un complexe abritant un commerce faisant l'objet d'une autorisation en CDAC.

Le III de cet article renvoie son entrée en vigueur à une date fixée par décret et, au plus tard, au 1 er janvier 2009. Il est précisé que les demandes d'autorisations présentées avant l'entrée en vigueur du dispositif sont instruites et accordées conformément aux anciennes dispositions.

Le paragraphe IV de cet article abroge par coordination le chapitre 2 bis du titre III de la loi Royer.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications rédactionnelles et de coordination juridique tout à fait bienvenues. Elle a également clarifié la rédaction du dispositif des articles L. 425-7 et L. 425-8 du code de l'urbanisme quant au lien entre la délivrance du permis de construire et l'obtention de l'autorisation d'exploitation commerciale.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission ne vous propose pas d'amendement à cet article.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 28 bis (nouveau) - (article L. 212-3 du code du tourisme) Dérogation à la règle d'exclusivité d'activité des agents de voyages en matière de prestations accessoires aux foires et salons

Commentaire : cet article tend à permettre aux organisateurs de foires, salons et congrès, d'exercer une activité d'agent de voyage lorsque celle-ci constitue une prestation accessoire de leur activité principale.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 212-3 du code du tourisme fixe des conditions d'établissement en France des agents de voyage. Son dernier alinéa dispose que « les titulaires d'une licence d'agent de voyage établis sur le territoire national doivent se consacrer exclusivement à cette activité » .

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Les députés ont inséré, sur la proposition du rapporteur de la commission des affaires économiques, un article additionnel tendant à lever l'obligation d'exercice exclusif de l'activité d'agent de voyage pour pouvoir fournir ce type de service.

Une dérogation serait introduite « lorsque l'activité [d'agence de voyage] constitue l'accessoire de l'organisation et de l'accueil des foires, congrès et salons ».

III. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur rappelle que cette question a déjà été longuement débattue lors de la préparation de l'ordonnance portant création du code de tourisme, ratifiée par la loi n° 2006-437 du 14 avril 2006, portant diverses dispositions relatives au tourisme.

Elle observe par ailleurs que le Gouvernement, en la personne de M. Hervé Novelli, secrétaire d'Etat chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, a annoncé la présentation, avant la fin de l'année, d'un projet de loi sur le tourisme, lors des Assises nationales du tourisme, le 17 juin 2008.

Il semble donc à votre commission spéciale qu'il serait dommage que le législateur modifie sensiblement un équilibre patiemment construit ces dernières années à l'occasion d'un article additionnel qui a été peu débattu à l'Assemblée nationale. Elle vous propose donc un amendement de suppression .

Votre commission spéciale vous propose de supprimer cet article.

Article 28 ter - (loi n° 77-6 du 3 janvier 1977) Abrogation de la loi relative aux voitures de petite remise

Commentaire : cet article tend à abroger la loi du 3 janvier 1977 sur les voitures de petite remise (VPR).

I. Le droit en vigueur

La loi n° 77-6 du 3 janvier 1977 relative à l'exploitation des voitures dites de « petite remise » permet à des personnes d'assurer avec des véhicules automobiles, moyennant paiement, un service de chauffeur à la demande. Cette activité se distingue par de nombreux points de celle des taxis :

- les voitures de petite remise (VPR) ne peuvent pas stationner sur la voierie :

- elles ne peuvent être hélées ;

- elles ne peuvent être équipées d'un radiotéléphone ;

- elles ne peuvent porter aucun signe distinctif comme le font les taxis ni afficher de la publicité pour leur activité.

Leur nombre était de 2.090 VPR en France en 2007, ce qui représente moins de 4 % du marché du transport particulier de personnes, dont moins d'une centaine pour toute l'Ile-de-France. Il s'agit donc d'une activité essentiellement tournée vers les petites villes et les zones rurales, qui constitue souvent une activité complémentaire d'un salarié ou commerçant .

II. La proposition de l'Assemblée nationale

Les députés ont souhaité abroger la loi sur les VPR à l'occasion de la loi de modernisation de l'économie. Le dispositif a été présenté par le rapporteur de l'Assemblée nationale comme permettant d'intégrer ces personnes dans le statut des taxis, c'est-à-dire des voitures bénéficiant d'une autorisation de stationner sur la voirie.

III. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur a observé plusieurs éléments qui lui semblent rendre difficile de soutenir la proposition des députés. En premier lieu, elle relève que les VPR ne constituent en rien un élément de fragilisation des taxis, en raison de leur faible nombre.

En deuxième lieu, elle note que le dispositif proposé, qui pourrait paraître entraîner un passage des VPR vers le statut des taxis, aboutit en réalité à leur interdire l'exercice de leur activité sans qu'ils puissent rejoindre de façon concrète le dispositif des taxis. En effet, pour bénéficier d'une licence de taxi, il existe de longues des files d'attente et il n'est pas proposé ici de dispenser les exploitants de VPR de cette file d'attente.

En troisième lieu, et dans ces conditions, il apparaîtrait paradoxal d'interdire cette activité de service de proximité dans un texte où, au titre I er , le législateur cherche précisément à encourager les très petites entreprises et à mettre en place un statut d'auto-entrepreneur .

Pour toutes ces raisons, votre commission spéciale vous propose un amendement de suppression de cet article.

Votre commission spéciale vous propose de supprimer cet article.

TITRE III - MOBILISER L'ATTRACTIVITÉ AU SERVICE DE LA CROISSANCE

Le projet de loi de modernisation de l'économie propose, dans son titre III, de renforcer l'attractivité du territoire, au bénéfice de la croissance. Ce titre comprend cinq chapitres : le premier est destiné à valoriser le territoire par l'installation de la fibre optique et par une meilleure utilisation des fréquences qui y sont disponibles ; le deuxième rend plus attractive la localisation de l'activité en France, notamment en améliorant le régime applicable aux impatriés ; le troisième contribue à développer l'économie de l'immatériel, notamment les titres de propriété intellectuelle ; le quatrième crée des fonds de dotation destinés à offrir une nouvelle modalité de soutien financier plus adaptée au contexte international ; enfin, le cinquième crée la Haute autorité de la statistique, destinée à asseoir l'indépendance et les bonnes pratiques en matière statistique.

CHAPITRE IER - Développer l'accès au très haut débit et aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC)

Même s'il ne comprenait initialement que deux articles, ce chapitre est particulièrement important dans la mesure où il favorisera l'accès de tous aux technologies de l'information et de la communication, qui représentent un nouveau gisement de croissance essentiel pour notre pays, en matière de réseau en fibre optique, d'une part (article 29), de gestion des fréquences, d'autre part (article 30).

Enrichi par les députés, ce chapitre comprend désormais neuf articles, qui traitent aussi bien de très haut débit par fibre optique que de technologies sans fil : téléphonie mobile mais aussi télévision numérique... C'est pourquoi, par souci de cohérence, votre commission spéciale vous propose un amendement modifiant en conséquence l'intitulé de ce chapitre.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet intitulé ainsi modifié.

Article 29 - (articles L. 24-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, article 1er de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966 relative à l'installation d'antennes réceptrices de radiodiffusion, L.33-6, L. 33-7, L. 34-8-3, L. 34-8-4 [nouveaux], L. 36-6, L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques et L. 111-5-1 du code de la construction et de l'habitation) Equipement des immeubles pour le très haut débit

Commentaire : cet article tend à encourager le déploiement de la fibre optique dans les immeubles, tout en assurant des conditions loyales de concurrence entre les fournisseurs d'accès à très haut débit.

I. Le dispositif initialement proposé

Cet article comprend six paragraphes. Les trois premiers facilitent l'accès aux immeubles pour le déploiement de la fibre, dans le respect du droit de propriété. Le quatrième organise l'information publique sur les réseaux. Le cinquième prévoit la mutualisation de la première fibre optique qui aura été déployée dans un immeuble bâti. Le dernier prévoit enfin l'équipement en fibre optique des logements neufs.

Le paragraphe I propose d'insérer dans la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis un nouvel article, l'article 24-2, prévoyant l'inscription de droit à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale (AG), pour tout immeuble non équipé en fibre, de toute proposition émanant d'un opérateur de communications électroniques d'installer, à ses frais, des lignes à très haut débit en fibre optique permettant la desserte de tous les occupants de l'immeuble par un réseau à très haut débit ouvert au public. Cette inscription à l'ordre du jour de l'AG est toutefois conditionnée au respect, par l'opérateur, des dispositions des articles L. 33-6 et L. 34-8-3 du code des postes et des communications électroniques, dispositions créées par les III et V du présent article et prévoyant que cet opérateur signe une convention avec le ou les propriétaire(s) de l'immeuble ainsi qu'avec tout opérateur concurrent demandant à accéder à la fibre installée.

Afin de faciliter l'adoption de la proposition d'installation de la fibre, le deuxième alinéa de ce nouvel article 24-2 prévoit de la conditionner à son acceptation par la majorité des voix exprimées des copropriétaires présents ou représentés : cette majorité (prévue à l'article 24 de la loi de 1965) est dérogatoire par rapport à ce que prévoit le j de l'article 25, qui exige la majorité des voix de tous les copropriétaires pour « l'installation ou la modification d'une antenne collective ou d'un réseau de communications électroniques interne à l'immeuble dès lors qu'elle porte sur des parties communes ».

Ce dispositif s'inspire directement de celui créé par la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, afin d'encourager le développement de la Télévision numérique terrestre (TNT) : l'article 9 de la loi du 5 mars 2007 a en effet créé l'article 24-1 dans la loi de 1965, qui prévoit l'inscription d'office à l'ordre du jour de l'assemblée générale de toute proposition commerciale d'un distributeur offrant un accès en mode numérique aux chaînes nationales en clair de la TNT par un réseau de communications électroniques interne à l'immeuble distribuant des services de télévision. Cet article 24-1 soumet aussi l'acceptation de cette proposition à la majorité des voix des seuls copropriétaires présents ou représentés.

Le paragraphe II prévoit d'instaurer une forme de droit d'accès à la fibre -inspirée du « droit à l'antenne »- afin qu'un occupant puisse obtenir cet accès pour sa propre habitation, même en cas de refus de l'assemblée générale, sauf motif sérieux et légitime avancé par les copropriétaires (telle la préexistence d'un câblage de l'immeuble en fibre optique ou la décision d'installer la fibre dans les six mois).

Sa rédaction reprend directement celle de l'article 1 er de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966 relative à l'installation d'antennes réceptrices de radiodiffusion, dont les dispositions prévoyant le droit à l'antenne sont réunies, par le 1° du II du présent article, en un I, auquel le 2° propose d'adjoindre un II comprenant quatre alinéas symétriques relatifs au droit d'accès à la fibre :

- le premier alinéa interdit au propriétaire d'un immeuble de s'opposer sans motif sérieux et légitime au raccordement à un réseau de fibre optique ouvert au public, ainsi qu'à l'installation, à l'entretien ou au remplacement des équipements nécessaires, aux frais d'un ou plusieurs occupants ;

- le deuxième alinéa inclut la préexistence de lignes en fibre, permettant de répondre au besoin du demandeur, dans les motifs sérieux et légitimes susceptibles d'être invoqués par un propriétaire pour s'opposer au raccordement (tout opérateur pouvant, au titre de l'article L. 34-8-3 du code créé au V, accéder à la fibre déjà installée) ;

- le troisième alinéa assimile aussi à un tel motif sérieux et légitime la décision prise par le propriétaire, dans les 6 mois suivant la demande de l'occupant, d'installer la fibre pour desservir tout l'immeuble (le propriétaire de l'immeuble devant alors signer avec l'opérateur retenu la convention prévue à l'article L. 33-6 du code créé au III) ;

- le dernier alinéa prévoit que l'installation de la fibre se fait aux frais de l'opérateur « lorsqu'elle est réalisée par un opérateur de communications électroniques exploitant un réseau ouvert au public ».

Le paragraphe III complète la section 1 du chapitre II du titre I er du livre II du code des postes et des communications électroniques -relative au régime juridique des réseaux et services- par un article L. 33-6, qui encadre les relations entre le propriétaire de l'immeuble et le premier opérateur y installant la fibre par une convention-type.

Son alinéa premier pose le principe d'une convention à établir entre le propriétaire et l'opérateur pour déterminer les conditions des lignes en fibre optique établies dans un immeuble, de logements ou à usage mixte, et desservant un ou plusieurs utilisateurs finals. Il précise que cette convention doit être conclue même si l'opérateur bénéficie d'une servitude, mentionnée aux articles L. 45-1 et L. 48, en tant qu'exploitant d'un réseau ouvert au public.

Les trois alinéas suivants encadrent le contenu de la convention :

- elle doit prévoir que les opérations d'installation, d'entretien et de remplacement se font aux frais de l'opérateur ;

- elle autorise l'utilisation par d'autres opérateurs des gaines techniques et des passages horizontaux éventuellement établis par l'opérateur, dans la limite des capacités disponibles et dans des conditions ne portant pas atteinte au service fourni par cet opérateur, et ne peut faire obstacle à l'accès non discriminatoire d'autres opérateurs aux lignes de fibre déployées (accès prévu à l'article L. 34-8-3 créé au V) ;

- elle ne peut prévoir de contrepartie financière ou sous forme de fourniture de services autres que de communications électroniques, en échange de l'installation ou l'utilisation, par les opérateurs, des lignes de fibre optique. Ceci vise à éviter que les copropriétés ne tirent un profit indu de l'installation ou de l'usage de la fibre par les opérateurs.

Enfin, le cinquième alinéa renvoie à un décret en conseil d'Etat le soin de fixer les modalités d'application de l'article et, notamment, de préciser les clauses de la convention (suivi et réception des travaux, modalités d'accès aux parties communes, gestion de l'installation et modalités d'information, par l'opérateur, du ou des propriétaire(s) et des autres opérateurs).

S'agissant des conventions qui auraient été conclues avant la publication du décret prévu, elles doivent être mises en conformité avec l'article L. 33-6 dans les six mois suivant cette publication. A défaut, elles sont réputées avoir été conclues dans les conditions de cet article, c'est-à-dire, notamment, que la mutualisation pourra leur être imposée.

Le paragraphe IV de l'article 29 complète la même section du code relative au régime juridique des réseaux et services par un autre nouvel article, L. 33-7. Cet article impose aux opérateurs de communiquer à l'Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, à leur demande, les informations relatives à l'implantation (c'est-à-dire au tracé des réseaux et à la localisation des infrastructures) et au déploiement de leurs réseaux (à savoir les technologies employées, le taux d'occupation des fourreaux...) sur leur territoire. Un décret est également prévu pour préciser les modalités de cette obligation.

Le paragraphe V organise la mutualisation de la fibre déployée dans un immeuble en obligeant l'opérateur propriétaire de cette fibre à signer des conventions avec ses concurrents qui voudraient y accéder.

Son 1° complète la section du code des postes et des communications électroniques relative à l'interconnexion et à l'accès au réseau (section 4 du chapitre II du titre I er du livre II) par un nouvel article, L. 34-8-3 qui comprend quatre alinéas :

- il oblige toute personne (qu'il s'agisse d'un opérateur ou d'un installateur ayant établi la fibre pour le compte du propriétaire), qui a établi dans un immeuble bâti ou qui exploite une ligne en fibre optique desservant un utilisateur final, à faire droit aux demandes raisonnables d'accès à cette ligne émanant d'opérateurs souhaitant fournir des services de communications électroniques à cet utilisateur final ;

- il précise que cet accès doit être fourni dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires et que tout refus d'accès doit être motivé ;

- il exige que cet accès fasse l'objet d'une convention entre les personnes concernées pour en déterminer les conditions techniques et financières et que cette convention soit transmise au régulateur (l'ARCEP) à sa demande ;

- il prévoit de soumettre à l'ARCEP les différends relatifs à la conclusion ou à l'exécution de cette convention.

Par voie de conséquence, le 2° complète l'article L. 36-8 du code pour élargir le pouvoir de règlement des différends de l'ARCEP aux différends relatifs à cette convention d'accès. Ce nouveau champ de compétence est inclus dans le 2° bis de cet article L. 36-8 qui concerne aujourd'hui la convention d'itinérance locale, laquelle est prévue à l'article L. 34-8-1 et relève aussi de la problématique d'interconnexion et d'accès.

Le 3° étend aussi le pouvoir réglementaire de l'ARCEP aux conditions techniques et financières de l'accès prévu au nouvel article L. 34-8-3, en complétant le 2° de l'article L. 36-6 qui lui donne déjà un pouvoir réglementaire en matière de prescriptions applicables « aux conditions techniques et financières d'interconnexion et d'accès, conformément à l'article L. 34-8 et aux conditions techniques et financières de l'itinérance locale, conformément à l'article L. 34-8-1 » .

Enfin, le paragraphe VI traite des immeubles neufs : il complète l'article L. 111-5-1 du code de la construction et de l'habitation, qui a été créé par la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la télévision du futur et qui oblige tout constructeur d'un ensemble d'habitations à l'équiper au moins des gaines techniques nécessaires à la réception, par tous réseaux de communications électroniques, des services en clair de télévision par voie hertzienne en mode numérique. Le complément proposé tend à imposer l'équipement en lignes à très haut débit des immeubles neufs, groupant plusieurs logements, afin de desservir chacun des logements par un réseau de communications électroniques à très haut débit ouvert au public.

Il est précisé que cette obligation s'applique aux immeubles dont le permis de construire est délivré après le 1 er janvier 2010 ou, s'ils groupent plus de 25 logements, après le 1 er janvier 2012.

Enfin, la détermination des modalités d'application de cette nouvelle obligation est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

A cet article important, les députés ont apporté plusieurs adaptations, certaines d'ordre strictement rédactionnel, d'autres modifiant considérablement l'équilibre du texte.

D'abord, au paragraphe II de cet article qui crée le « droit à la fibre », ils ont précisé les motifs au nom desquels pouvait être valablement refusée, par le propriétaire, la demande d'un occupant de l'immeuble d'être raccordé à un réseau en fibre optique. Soucieux de garantir que les besoins du demandeur seront satisfaits par le réseau à très haut débit que le propriétaire aurait décidé d'installer dans les six mois, les députés ont précisé que la décision d'installer un tel réseau à très haut débit ne pouvait être valablement invoquée par le propriétaire pour s'opposer à la demande d'un occupant d'être raccordé à un réseau en fibre optique que si le réseau envisagé permettait la desserte de l'ensemble des occupants de l'immeuble « dans des conditions satisfaisant les besoins du demandeur ».

Ils ont complété ce même paragraphe II par un alinéa clarifiant le champ d'application du paragraphe. En effet, compte tenu de la référence à l'article 4 de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966, qui limite le champ d'application de cette loi aux seuls immeubles qui se trouvent en indivision ou qui sont soumis au régime de la copropriété, les députés ont tenu à éviter de restreindre à ces seuls immeubles le développement du très haut débit. En précisant que le II s'applique à tous les immeubles à usage d'habitation ou à usage mixte, quel que soit leur régime de propriété, l'Assemblée nationale garantit le droit au très haut débit aux occupants de tous les immeubles, notamment les immeubles d'habitation à loyer modéré.

Dans le paragraphe III de cet article , relatif aux conventions à conclure entre l'opérateur de fibre et le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires de l'immeuble, les députés ont souhaité apporter une précision concernant la possibilité, pour l'opérateur qui entreprendrait le « fibrage » de l'immeuble, d'utiliser les chemins de câbles déjà présents dans l'immeuble. Le texte issu de l'Assemblée nationale prévoit donc que la convention autorise l'utilisation par d'autres opérateurs des gaines techniques et des passages horizontaux mais aussi « de toute infrastructure d'accueil de câbles de communication électronique » éventuellement établis par l'opérateur. Cette précision vise à permettre à l'opérateur installant la fibre de tirer parti de tous les types de goulottes déjà installés pour d'autres types de réseaux (téléphone ou réseau câblé), ce qui doit permettre de minimiser les travaux nécessaires et donc le coût et les nuisances afférentes.

Dans ce même paragraphe, les députés ont tenu à préciser que les services dont la fourniture était seule autorisée dans la convention signée entre l'opérateur de fibre et la copropriété, en guise de contrepartie à l'accord donné d'installer la fibre optique, pouvaient être non seulement des services de communications électroniques mais également des services de communications audiovisuelles. En effet, le réseau en fibre optique sera susceptible de donner accès à des services de communications audiovisuelles au sens de l'article 1 er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Ce point est particulièrement important pour les immeubles ne disposant pas d'antennes de toit et recevant les chaînes gratuites de la télévision par un réseau filaire.

Enfin, pour compléter ce paragraphe III, les députés ont adopté un amendement important, sur la proposition de M. François Brottes et des membres du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche, sous-amendé par M. Jean-Paul Charié, rapporteur : il introduit une exception au principe posé par le projet de loi de soumettre à l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires (ou du propriétaire) de l'immeuble l'installation d'un réseau à très haut débit en fibre optique. Cette exception bénéficierait aux opérateurs ayant, dans le cadre d'une convention antérieurement conclue avec les propriétaires de l'immeuble, installé un réseau à haut débit, desservant un ou plusieurs utilisateurs finals. Ces opérateurs pourraient transformer d'office en fibre optique les lignes de ce réseau à haut débit, à leurs frais, après en avoir simplement informé préalablement le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires.

Concernant l'information des pouvoirs publics sur les réseaux déployés sur leur territoire, les députés ont adopté une nouvelle rédaction de l'article L. 33-7 du code des postes et communications électroniques créé par le paragraphe IV de cet article . Désormais, l'obligation de communiquer à l'Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, à leur demande, des informations sur les réseaux, s'impose non seulement aux opérateurs mais également aux « gestionnaires d'infrastructures de communications électroniques » et concerne non seulement les réseaux stricto sensu mais également les infrastructures présentes sur le territoire : la localisation et la disponibilité des infrastructures permettant d'accueillir des réseaux constituent en effet un élément précieux d'information pour les collectivités territoriales. Il importe donc que l'obligation d'information vise aussi les gestionnaires d'infrastructures possédant des pylônes ou des fourreaux, même s'ils ne sont pas opérateurs : il peut s'agir de gestionnaires d'autoroutes, de Réseau ferré de France (RFF), de Voies navigables de France (VNF)...

Au paragraphe V de cet article , les députés ont tenu à préciser que l'obligation d'ouvrir le premier réseau en fibre installé dans l'immeuble aux autres opérateurs concerne non seulement les lignes desservant les logements qui se sont abonnés à l'offre du premier opérateur (lignes qu'il exploite de ce fait), mais aussi à l'ensemble des lignes permettant de desservir les autres logements de l'immeuble. Sans cette précision, l'obligation créée par le texte de fournir un accès au réseau fibre en un point de mutualisation ne serait pas applicable aux autres logements de l'immeuble.

S'agissant de la localisation de ce point de mutualisation, particulièrement stratégique en raison de ses conséquences sur les architectures de réseaux et sur l'équilibre concurrentiel entre opérateurs, les députés ont tenu à l'encadrer par des principes plus approfondis : ils proposent ainsi que, sauf exception définie par l'ARCEP, l'accès au réseau en fibre optique desservant les occupants de l'immeuble soit fourni dans des conditions transparentes et non discriminatoires « en un point situé hors des limites de propriété privée et permettant le raccordement effectif d'opérateurs tiers, à des conditions économiques, techniques et d'accessibilité raisonnables ». La rédaction issue de l'Assemblée nationale précise aussi que « toute impossibilité d'accès » est motivée.

En outre, les députés ont souhaité compléter ce paragraphe V par la création d'un nouvel article L. 34-8-4 dans le code des postes et des communications électroniques afin d'imposer une nouvelle obligation en matière d'accès au réseau, mais qui concerne cette fois les réseaux de téléphonie mobile : les députés proposent que dans les zones dites « grises », c'est-à-dire non couvertes en téléphonie mobile de deuxième génération (GSM) par la totalité des opérateurs mobiles, les opérateurs présents accueillent sur leur réseau les clients des autres opérateurs. Il s'agit donc d'imposer l'itinérance locale en zones grises, solution technique déjà utilisée en zones blanches (où aucun opérateur n'est présent), concurremment à la solution de mutualisation des infrastructures. Ceci vise à permettre une couverture complète du territoire par l'ensemble des opérateurs de téléphonie mobile en deuxième génération.

Au paragraphe VI de cet article , qui pose le principe du pré-équipement des immeubles neufs en lignes à très haut débit, les députés ont apporté un amendement qui étend cette obligation de pré-équipement à tous les immeubles neufs, y compris ceux à usage mixte, c'est-à-dire susceptibles de regrouper non seulement des logements mais également des locaux à usage professionnel, et ceux à usage strictement professionnel.

L'Assemblée nationale a également précisé que les lignes de communications électroniques à très haut débit dont devraient être pourvus les immeubles neufs seraient en fibre optique. Sans cette précision, l'obligation créée aurait pu être remplie par un réseau en câble coaxial qui, relié à un réseau de fibre optique en pied d'immeuble, peut prétendre à des performances techniques aujourd'hui qualifiées de « très haut débit » mais ayant leurs propres limites en termes de capacités (loin des performances de la fibre optique) et n'étant pas, en outre, interopérables par des opérateurs tiers.

Enfin, les députés proposent de compléter cet article 29 par un paragraphe VII qui prévoit l'établissement, par l'ARCEP, d'un rapport public sur l'effectivité du déploiement du très haut débit et de son ouverture à la diversité des opérateurs dans les deux ans suivant la promulgation de la présente loi. Ce rapport permettra d'apprécier la cohérence globale de la politique choisie pour le développement du très haut débit, qui repose à la fois sur ce dispositif légal de mutualisation de la partie terminale des réseaux à l'intérieur des immeubles, dont la mise en oeuvre opérationnelle pourrait rencontrer des difficultés analogues à celles du dégroupage des réseaux ADSL de France Télécom, et sur l'ouverture effective du génie civil de France Télécom, dont l'effectivité reste aujourd'hui incertaine et qui relève du régulateur. Cette politique nationale pourrait en outre se trouver complétée par les interventions des collectivités territoriales en la matière, au titre de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales.

IV. La position de votre commission spéciale

L'accès au très haut débit fixe par le déploiement d'un réseau de fibre optique est un enjeu d'avenir. Ce réseau de nouvelle génération est appelé à remplacer le réseau cuivre déployé par France Télécom sur le territoire national au siècle dernier. Les investissements requis sont très élevés (10 milliards d'euros sur dix ans selon l'ARCEP) et l'objectif poursuivi par le projet de loi est à la fois d'éviter la constitution d'un monopole naturel sur cette nouvelle boucle locale et de ne pas décourager l'investissement pour ne pas étouffer le dynamisme des opérateurs français en la matière (France Télécom, mais aussi Free, Neufcégétel et Numéricable).

Or, le déploiement de la fibre est aujourd'hui freiné par le coût du génie civil (50 à 80 % du coût du déploiement de la fibre optique jusqu'à l'abonné -« Fiber to the house » ou FTTH- sera constitué par le génie civil) et par la difficulté d'accéder aux copropriétés des immeubles.

Le régulateur travaille à lever le premier obstacle en imposant à France Télécom d'élaborer une offre non discriminatoire d'accès à ses fourreaux, afin de faciliter le déploiement horizontal de la fibre par les opérateurs alternatifs. Cette offre est annoncée pour être opérationnelle dans les prochaines semaines.

Le présent texte, pour sa part, traite du second obstacle, sans empiéter sur le droit de propriété, en prévoyant l'inscription d'office à l'ordre du jour de l'assemblée générale des copropriétaires de toute proposition de déploiement de la fibre émanant d'un opérateur et en imposant à tous la mutualisation de la partie terminale du réseau en fibre optique : il s'agit d'imposer à l'opérateur qui pose la fibre dans un immeuble de « faire droit aux demandes raisonnables d'accès » des autres opérateurs.

Votre commission spéciale se félicite donc de l'économie globale de ce projet de loi qui doit faciliter et accélérer le déploiement de la fibre tout en préservant une saine concurrence sous le contrôle de l'ARCEP.

Outre deux amendements rédactionnels, l'un au 1. du III de cet article, l'autre au VII, votre commission propose d'apporter à cet article plusieurs modifications.

Le premier amendement qu'elle propose, au II de cet article, vise à prendre en compte la spécificité des besoins de certains occupants, particulièrement dans les immeubles à usage mixte qui abritent des entreprises: en effet, en l'état actuel du texte, le propriétaire d'un immeuble pourrait s'opposer au raccordement d'un immeuble par un nouveau réseau d'opérateur dédié aux entreprises si l'immeuble dispose déjà de lignes de communications électroniques installées par un opérateur grand public. Or, les entreprises qui recourent aux services d'opérateurs d'entreprises le font précisément pour disposer d'un niveau de qualité de service et de sécurité supérieur à celui proposé aux particuliers par les opérateurs grand public : ainsi, le délai de rétablissement assuré par ces opérateurs de services dédiés aux entreprises est souvent de 2 heures. S'il était obligé d'utiliser les lignes d'un opérateur grand public dans un immeuble, l'opérateur d'entreprises ne pourrait plus satisfaire cette obligation et serait soumis au bon vouloir du sous-traitant de l'opérateur grand public. Ce sous-traitant, non organisé pour cela, refuserait de s'y engager, ou le ferait à un coût exorbitant pour cette exception à son service habituel. Il importe donc que les entreprises puissent valablement revendiquer un « droit à la fibre » spécifique satisfaisant leurs exigences professionnelles.

Un deuxième amendement propose la suppression de l'alinéa 3 du III de cet article qu'avaient introduit les députés. Cet alinéa permettait aux opérateurs ayant déjà déployé un réseau à haut débit dans un immeuble, dans le cadre d'une convention conclue avec son (ses) propriétaires, de transformer d'office leur réseau en un réseau en fibre optique , sous la seule réserve d'en informer les copropriétaires.

Votre rapporteur avait d'abord proposé à votre commission spéciale un amendement précisant que les conventions au titre desquelles ces opérateurs déjà présents dans les immeubles pouvaient déployer un réseau en fibre optique devaient prévoir la possibilité de transformer le réseau haut débit en ligne à très haut débit en fibre optique. Ce faisant, elle souhaitait entourer des garanties nécessaires l'atteinte au droit de propriété ainsi autorisée par la loi. Son projet d'amendement prévoyait également, en contrepartie du droit particulier qui lui était ainsi conféré, de s'assurer que l'opérateur aurait l'obligation de desservir l'ensemble des abonnés de l'immeuble. Enfin, il permettait la communication de la convention à l'ARCEP, sur demande et confirmait que le reste des règles prévues aux articles L. 33-6 et L. 34-8-3 (qui impose la mutualisation) demeurait applicable.

Finalement, à l'issue d'un large débat, la commission spéciale a adopté à l'unanimité des votants - la présidente de séance, Mme Isabelle Debré, ne prenant pas part au vote - un amendement tendant à supprimer l'alinéa introduit par l'Assemblée nationale sur proposition de M. François Brottes.

En effet, la commission spéciale a estimé préférable de revenir au texte du Gouvernement et à l'esprit originel du projet de loi, en rétablissant la symétrie du dispositif initial à l'égard de tous les opérateurs et en assurant par ce biais l'équité concurrentielle entre tous les acteurs du très haut débit ainsi que le respect du droit de propriété, principe à valeur constitutionnelle. Ainsi, elle a jugé injustifié d'octroyer un avantage concurrentiel à un acteur bénéficiant déjà de l'avantage historique que constitue sa présence dans de nombreux immeubles au titre du haut débit mais surtout du service antenne. Elle a enfin rappelé que l'objectif poursuivi par le présent texte, qu'elle partageait, était de favoriser le déploiement le plus rapide possible du nouveau réseau en fibre optique jusqu'aux abonnés, afin de leur donner accès à un réseau fibre dont les capacités potentielles dépassent largement, en voie descendante mais surtout en voie montante, celles du réseau coaxial, même raccordé à de la fibre en pied d'immeuble. Or le câblo-opérateur indique publiquement qu'il n'envisage pas de déployer la fibre jusqu'à l'abonné avant une dizaine d'années et n'a, à court terme, que le projet d'amener la fibre au pied des immeubles câblés, projet que, d'ailleurs, le projet de loi initial n'interdit nullement à Numericâble de mener à bien. Bien au contraire, la dérogation envisagée au profit de Numéricâble risque de lui permettre de bloquer le déploiement, par ses concurrents, de la fibre jusqu'aux abonnés, en arguant auprès de la copropriété que sa présence comme opérateur de très haut débit est un motif de refus de déploiement d'un autre opérateur.

Ensuite, votre commission vous propose un amendement au IV du présent article pour informer les collectivités territoriales sur les investissements effectués par les opérateurs dans le déploiement des réseaux de téléphonie mobile de deuxième génération en zones grises (c'est-à-dire non couvertes par la totalité des opérateurs mobiles) et leur donner une visibilité, via l'ARCEP, sur les perspectives de déploiement des réseaux sur leur territoire.

En contrepartie, cet amendement propose de supprimer la solution proposée par les députés pour résoudre les difficultés que rencontrent les habitants de ces zones - soit 4 millions de personnes selon les informations recueillies par votre rapporteur auprès de l'ARCEP -, dès lors qu'elles se déplacent, puisque leurs communications sont interrompues à chaque trou dans la couverture de leur opérateur. Les députés suggèrent d'y remédier en obligeant le ou les opérateurs présents sur une zone grise à offrir une prestation d'itinérance locale aux autres opérateurs, c'est-à-dire à accueillir leurs clients sur son réseau.

Or, votre commission estime que la généralisation de l'itinérance locale pose de sérieux problèmes, à la fois en termes de qualité de service, d'équité concurrentielle entre opérateurs et d'incitation au déploiement des réseaux.

D'abord, l'itinérance locale ne permet pas d'offrir la totalité des services que peut proposer un opérateur. A ce jour, l'itinérance locale ne permet ainsi d'accéder qu'au service de voix et de messages courts (SMS). Les utilisateurs ne peuvent notamment pas bénéficier des services de données qui constituent aujourd'hui la part la plus importante de la croissance du trafic. Les habitants des zones grises risquent donc d'être déçus.

De plus, lorsqu'un utilisateur entre ou sort d'une zone d'itinérance locale, la communication est coupée, la fonction de « hand-over » ne fonctionnant pas entre les parties de réseau en itinérance locale et le reste du réseau de l'opérateur. C'est notamment pourquoi au moment de la mise en place du plan national de couverture des zones blanches (zones couvertes par aucun des trois opérateurs de réseaux mobiles) en téléphonie mobile , il avait été procédé avec soin à la répartition des zones à couvrir entre zones de « mutualisation » (c'est-à-dire que les trois opérateurs mobiles installent leurs équipements actifs sur un site commun partagé) et zones d'« itinérance locale » (c'est-à-dire qu'un seul opérateur installe ses équipements et accueille les clients des 2 autres sur ce réseau partagé) selon des critères objectifs liés notamment à la possibilité de constitution de « plaques » d'itinérance locale suffisamment importantes pour justifier le recours à cette technique.

De surcroît, l'itinérance locale conduirait à un traitement discriminatoire des opérateurs mobiles et donnerait une incitation négative au déploiement, alors même que les opérateurs poursuivent de manière continue leurs déploiements dans les zones grises, avec un déploiement significatif de quelques centaines de sites par an. En effet, l'obligation pour les opérateurs présents dans une zone d'accorder la prestation d'itinérance locale aux opérateurs absents conduirait à une égalisation des couvertures. Cette solution reviendrait à donner aux opérateurs l'accès à de nouvelles zones de couverture sans investir dans des capacités de réseau en propre. Elle ferait peser la charge de l'extension de la couverture sur les opérateurs ayant déjà le plus investi dans leur réseau, au bénéfice de ceux ayant le moins investi. En empêchant les opérateurs de se différencier par la qualité de couverture de leur réseau et le niveau des services offerts, l'itinérance stopperait l'investissement dans l'extension de la couverture des réseaux. Un tel précédent serait en outre un mauvais signal au moment où les opérateurs mobiles doivent investir lourdement pour le déploiement des réseaux de troisième génération (UMTS) et risquerait de conduire à freiner, voire paralyser ces déploiements.

Au V du présent article, votre commission vous propose un amendement relatif au point de mutualisation de la partie terminale des réseaux de fibre. Satisfaite par l'encadrement proposé par les députés pour la localisation de ce point de mutualisation, elle estime néanmoins utile de rendre à l'ARCEP une plus grande liberté dans la détermination de cette localisation. Sans remettre en cause le principe d'un accès hors des limites de propriété privée, qui améliore l'équation économique du déploiement de la fibre pour les opérateurs alternatifs, l'amendement tempère ce principe auquel l'ARCEP pourrait être amenée à déroger de manière plus qu'exceptionnelle, surtout dans les premiers temps du déploiement de la fibre. En effet, dans les zones denses qui seront prioritairement équipées en fibre optique, il n'est pas certain qu'imposer la mutualisation hors des limites de propriété privée soit opportun, notamment du fait des nuisances supplémentaires que cela engendrerait (en exigeant la mise en place d'armoires de rue).

Toujours en matière de mutualisation, votre commission vous propose un amendement visant à substituer une formule consacrée dans le code des postes et des communications électroniques, « le refus d'accès », à la formule introduite par les députés, « l'impossiblité d'accès », qui risque d'être sujette à interprétations.

Au VI du présent article, votre commission propose un amendement visant à rapprocher la date à compter de laquelle l'équipement en fibre optique des logements neufs sera rendu obligatoire : puisqu'il est largement moins coûteux de prééquiper un immeuble neuf que d'équiper un immeuble déjà construit, votre commission estime qu'il n'est pas déraisonnable d'exiger le respect de cette obligation pour les immeubles groupant moins de 25 locaux dont le permis de construire serait délivré dès le 1er janvier 2011, soit dans deux ans et demi.

Enfin, au VII de cet article, elle vous propose un dernier amendement tendant à prendre en compte l'impérieuse nécessité de compléter le cadre réglementaire, proposé par le présent texte, pour les zones rurales qui ne comptent pas d'immeubles. Pour cela, elle suggère de confier à l'ARCEP le soin de proposer des règles pour favoriser le déploiement du très haut débit en zone rurale dans des conditions permettant le développement de la concurrence au bénéfice du consommateur.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 29 bis (nouveau) - (article L. 35-9 [nouveau] du code des postes et des communications électroniques) Tarifs sociaux pour la téléphonie mobile

Commentaire : cet article tend à ce qu'une convention entre l'Etat et les opérateurs de téléphonie mobile détermine les conditions d'une offre tarifaire destinée aux personnes à faible revenu.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative de leur collègue M. Frédéric Lefebvre, les députés ont adopté cet article additionnel destiné à s'insérer, sous la forme d'un nouvel article L. 35-9, dans la section du code des postes et des communications (chapitre III du titre I er du livre II) consacrée aux obligations de service public. En effet, il propose de créer un tarif social pour la téléphonie mobile, comme il en existe déjà en matière de téléphonie fixe au titre du service universel défini à l'article L. 35-1. Plus précisément, il prévoit la signature d'une convention entre l'Etat et les opérateurs mobiles afin de déterminer les conditions dans lesquelles ceux-ci fournissent une offre tarifaire spécifique à destination des personnes « rencontrant des difficultés particulières dans l'accès au service téléphonique en raison de leur niveau de revenu » .

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission se félicite de l'adoption de cet article par les députés, qu prend acte de la substitution qui s'est opérée entre téléphonie mobile et fixe ces dernières années.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale repose sur un conventionnement, donc sur l'accord des opérateurs mobiles, ce dont se félicite votre commission et ce qui le distingue radicalement du mécanisme existant de service universel en téléphonie fixe qui consiste en des obligations, notamment tarifaires.

Votre commission vous propose un amendement visant à lever l'ambiguïté que pourrait créer l'insertion de cet article adopté par l'Assemblée nationale dans la section du code des postes et des communications électroniques consacrée au service universel et au service public. Cet amendement propose donc de déplacer ce nouvel article au sein du code pour tenir compte du fait que le « tarif social du mobile », dont la mise en oeuvre relève d'une démarche volontaire des opérateurs, matérialisée par une convention avec l'Etat, ne fait pas partie du service universel et ne constitue pas non plus un service obligatoire au sens de l'article L. 35 du code.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 29 ter (nouveau) - (article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques) Possibilité, pour l'ARCEP, d'assortir une mise en demeure d'obligations intermédiaires

Commentaire : cet article tend à permettre à l'autorité de régulation, dans l'exercice de son pouvoir de sanction, d'assortir la mise en demeure, qu'elle a adressée à un opérateur, de l'obligation de respecter des étapes intermédiaires.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques autorise l'ARCEP à sanctionner les manquements qu'elle constate, de la part des exploitants de réseaux ou des fournisseurs de services de communications électroniques, aux dispositions législatives et réglementaires afférentes à leur activité ou aux décisions prises pour en assurer la mise en oeuvre.

Notamment, si l'exploitant ou le fournisseur commet une infraction aux prescriptions d'une décision d'attribution ou d'assignation de fréquence, l'ARCEP peut le mettre en demeure de s'y conformer dans un certain délai. En cas de manquement à cette mise en demeure, l'Autorité peut imposer des sanctions administratives qui, selon la gravité du manquement, peuvent être pécuniaires ou consister en la suspension, voire le retrait du droit d'utilisation des fréquences.

Toutefois, dans l'exercice du contrôle des engagements de déploiements des opérateurs mobiles, l'ARCEP manque visiblement d'outils : en effet, on peut déplorer qu'existe un décalage important entre les obligations de déploiement des opérateurs en téléphonie mobile de troisième génération (3G) et leur déploiement effectif sur le terrain.

Afin d'éviter une nouvelle fracture numérique, les députés proposent donc, par cet article additionnel, de permettre à l'ARCEP d'établir un calendrier incluant des étapes intermédiaires de déploiement et de contrôle en cas de report important des obligations.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission estime indispensable de renforcer les moyens de sanction de l'ARCEP : en juin 2006, l'ARCEP n'a pu que constater que les opérateurs SFR et Orange avaient respecté l'échéance de 58 % de la population à fin 2005, alors que cette couverture en 3G de 58 % de la population correspondait à l'engagement initialement pris par Orange pour août 2003 (à cette même date, SFR s'était pour sa part initialement engagé à couvrir 75 % de la population). L'ARCEP a donc été conduite à modifier les conditions initiales de la licence octroyée et, en juin 2006, les opérateurs se sont engagés sur une nouvelle échéance de 70 %, à fin 2007 pour SFR et fin 2008 pour Orange France.

De même, de nombreux élus déplorent que certaines des licences de boucle locale radio - WIMAX octroyées par l'ARCEP en juillet 2006 ne soient pas exploitées par leurs titulaires : cette mise en jachère du spectre est inacceptable pour des collectivités territoriales désireuses d'étendre sur leur territoire l'accès à l'Internet haut débit par ce réseau sans fil.

Dans ce contexte, l'initiative prise par les députés amorce donc un renforcement des moyens mis à la disposition du régulateur pour faire respecter, par les opérateurs, leurs obligations de déploiement : votre commission spéciale y est donc favorable, même si elle propose de la compléter par un amendement de coordination qui tend à compléter l'article 29 ter en permettant à l'ARCEP de prononcer effectivement une sanction lorsque l'opérateur ne respecte pas l'obligation de se conformer à des étapes intermédiaires établies lors de la mise en demeure.

Mais votre commission propose d'aller plus loin dans le renforcement des pouvoirs de sanction de l'ARCEP et propose à cette fin deux amendements :

- l'un ayant pour objet de permettre à l'ARCEP de retirer une autorisation d'utilisation de fréquences ou de ressources en numérotation sur une zone géographique limitée, notamment dans le cas où ces ressources ne sont pas utilisées par l'opérateur sur cette zone ;

- l'autre visant à permettre à l'ARCEP, lorsqu'un opérateur titulaire de fréquences assorties d'obligations de couverture ne s'est pas conformé à ces obligations de prononcer des sanctions pécuniaires tenant compte de la population ou du territoire non couverts alors qu'ils auraient dû l'être, dans la limite d'un plafond. Il n'instaure pas de proportionnalité directe au nombre d'habitants ou à la superficie non couverts. En effet, l'ARCEP a un pouvoir d'appréciation en matière de sanction sous la seule réserve du caractère proportionné de sa sanction au manquement et de l'existence d'un plafond défini par la loi. L'encadrement législatif trop précis des conditions de proportionnalité du montant de la sanction rendrait très difficile l'action de l'ARCEP car, en cas de contentieux, il faudrait qu'elle justifie auprès du juge à l'euro près les montants, ce qui suppose des calculs très difficiles, voire irréalisables.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 29 ter - (article 134 de la loi n°2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle et article L. 36-8 du code des postes et des communications électroniques) Mise en oeuvre de l'utilisation partagée des infrastructures publiques de génie civil dans les collectivités territoriales ayant conclu des conventions pour l'établissement et l'exploitation de réseaux câblés

Commentaire : cet article additionnel, proposé par votre commission spéciale, tend à assurer l'utilisation partagée des infrastructures publiques de génie civil dans les collectivités territoriales ayant conclu des conventions pour l'établissement et l'exploitation de réseaux câblés et à prévoir que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes puisse être saisie de tout différend portant sur les conditions techniques et financières de cette utilisation partagée.

Votre commission vous propose un amendement portant article additionnel qui vise à contribuer à la résolution des difficultés persistantes que rencontrent les villes câblées avec le câblo-opérateur, pour leur permettre d'obtenir l'ouverture de ses fourreaux, essentielle pour faciliter le déploiement du très haut débit sur leur territoire.

L'établissement et l'exploitation des réseaux câblés ont fait l'objet ces trente dernières années d'une multitude de conventions entre les communes et les câblo-opérateurs, à travers deux principaux régimes juridiques : les réseaux du « plan câble » au début des années 80, et les réseaux établis et exploités en application de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. La plupart de ces conventions continuent aujourd'hui à courir.

L'article 134 de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle a posé le principe de la mise en conformité de ces conventions avec l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques. Cet article, issu des directives communautaires du « paquet télécom » de 2002, substitue au système de l'autorisation expresse un régime déclaratif commun pour l'établissement et l'exploitation de tous les réseaux et services de communications électroniques et limite les obligations susceptibles d'être imposées aux opérateurs.

Faute de consensus entre les acteurs sur l'interprétation à donner à ce principe , la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a précisé le processus permettant d'aboutir à une mise en conformité effective des conventions.

Le législateur a en particulier confié à l'ARCEP la mission d'établir un rapport public permettant notamment de distinguer les principales catégories juridiques des conventions et de formuler des préconisations propres à assurer leur mise en conformité. Le rapport publié par l'ARCEP en juillet 2007 a établi qu'un nombre non négligeable de conventions établies à partir de 1986 pouvaient être rangées sous la catégorie « délégation de service public », l'essentiel du réseau étant alors considéré comme un bien de retour pour la collectivité.

La loi du 5 mars 2007 a introduit dans l'article 134 de la loi du 9 juillet 2004 une disposition précisant que les modalités de la mise en conformité des conventions câble doivent garantir « l'utilisation partagée des infrastructures publiques de génie civil entre opérateurs de communications électroniques ». La notion d'infrastructures publiques implique que la commune soit propriétaire desdites infrastructures. Tel sera le cas, par le biais de la théorie des biens de retour, des infrastructures établies dans le cadre de délégations de service public.

Votre commission considère que l'ouverture des infrastructures publiques de génie civil constitue un enjeu important pour les collectivités, notamment dans la perspective du déploiement d'une nouvelle boucle locale en fibre optique à très haut débit (FTTH). Il s'agirait pour les communes concédantes d'obtenir l'utilisation des fourreaux qui étaient jusqu'alors exploités exclusivement par le câblo-opérateur par des opérateurs tiers, sous réserve de disponibilités d'accueil.

En effet, les infrastructures de génie civil (fourreaux, chambres) dans lesquelles sont installés les câbles représentent entre 50 % et 80 % des coûts d'investissement dans le réseau FTTH. Dans ces conditions , la possibilité d'utiliser des infrastructures de génie civil existantes est un facteur essentiel de l'équation économique des opérateurs.

A ce jour, le principe de l'utilisation partagée des infrastructures publiques des réseaux câblés n'a pu être mis en oeuvre, faute d'outils permettant aux collectivités concédantes de prendre l'initiative.

Parmi ces outils, la loi du 5 mars 2007 a doté l'ARCEP d'une compétence de médiation pour favoriser la résolution des litiges relatifs à la mise en conformité des conventions, et contribuer par là même à la mise en oeuvre de l'utilisation partagée des infrastructures. Toutefois, cette procédure, qui suppose l'accord des deux parties, n'a pu effectivement être mise en oeuvre à ce stade, faute d'une volonté commune des parties d'aboutir.

Afin de ne pas retarder le déploiement ouvert des réseaux en fibre optique sur le territoire, votre commission juge donc essentiel de doter les collectivités territoriales des moyens juridiques nécessaires à cette mise en oeuvre rapide. C'est l'objet de cet article additionnel, qui propose d'introduire à l'article 134 modifié de la loi n°2004-669 du 9 juillet 2004 des dispositions permettant aux collectivités concédantes de mettre en oeuvre rapidement ce principe. Pour ce faire, le câblo-opérateur devra leur fournir les informations nécessaires et faire droit aux demandes d'accès aux infrastructures émanant d'opérateurs tiers.

L'ARCEP pourra être saisie de tout différend portant sur les conditions techniques et financières de cette utilisation partagée dans le cadre de la procédure de règlement des litiges prévue à l'article L. 36-8 du CPCE.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article 30 - (article L. 42-2 du code des postes et des communications électroniques) Modalités d'assignation des fréquences hertziennes par l'ARCEP

Commentaire : cet article tend à permettre à l'ARCEP de recourir à la procédure d'enchères aussi bien qu'à celle du « concours de beauté » pour l'assignation des fréquences dont elle a la charge.

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 41 du code des postes et des communications électroniques, il revient au Premier ministre de définir, après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel et de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les fréquences ou bandes de fréquences radioélectriques qui sont attribuées aux administrations de l'Etat et celles dont l'assignation est confiée au conseil ou à l'autorité.

Concernant les fréquences concernées par ce dernier cas, c'est-à-dire quand l'ARCEP est responsable de leur assignation, l'article L. 42-2 prévoit que celle-ci peut, lorsque la bonne utilisation des fréquences l'exige et après consultation publique, limiter, dans une mesure permettant d'assurer des conditions de concurrence effective, le nombre d'autorisations de les utiliser.

En ce cas, c'est au ministre chargé des communications électroniques que revient la mission de fixer, sur proposition de l'ARCEP, les conditions d'attribution et de modification des autorisations d'utilisation correspondant à ces fréquences ainsi que la durée de la procédure d'attribution.

Le troisième alinéa de l'article L. 42-2 prévoit que la sélection des titulaires de ces autorisations se fait par appel à candidatures sur des critères portant sur les conditions d'utilisation mentionnées à l'article L. 42-1 ou sur la contribution à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1.

Code des postes et des communications électroniques : articles L. 42-1 et L. 32-1

Article L. 42-1 relatif aux conditions d'attribution des fréquences par l'ARCEP

I. - L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes attribue les autorisations d'utilisation des fréquences radioélectriques dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires tenant compte des besoins d'aménagement du territoire. Ces autorisations ne peuvent être refusées par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes que pour l'un des motifs suivants :

1° La sauvegarde de l'ordre public, les besoins de la défense nationale ou de la sécurité publique ;

2° La bonne utilisation des fréquences ;

3° L'incapacité technique ou financière du demandeur à faire face durablement aux obligations résultant des conditions d'exercice de son activité ;

4° La condamnation du demandeur à l'une des sanctions mentionnées aux articles L. 36-11, L. 39, L. 39-1 et L. 39-4.

II. - L'autorisation précise les conditions d'utilisation de la fréquence ou de la bande de fréquences qui portent sur :

1° La nature et les caractéristiques techniques des équipements, réseaux et services qui peuvent utiliser la fréquence ou la bande de fréquences ainsi que leurs conditions de permanence, de qualité et de disponibilité et, le cas échéant, leur calendrier de déploiement et leur zone de couverture ;

2° La durée de l'autorisation, qui ne peut être supérieure à vingt ans, ainsi que le délai minimal dans lequel sont notifiés au titulaire les conditions de renouvellement de l'autorisation et les motifs d'un refus de renouvellement ; ce délai doit être proportionné à la durée de l'autorisation et prendre en compte le niveau d'investissement requis pour l'exploitation efficace de la fréquence ou de la bande de fréquences attribuée ;

3° Les redevances dues par le titulaire de l'autorisation, lorsque celles-ci n'ont pas été fixées par décret ;

4° Les conditions techniques nécessaires pour éviter les brouillages préjudiciables et pour limiter l'exposition du public aux champs électromagnétiques ;

5° Les obligations résultant d'accords internationaux ayant trait à l'utilisation des fréquences ;

6° Les engagements pris par le titulaire dans le cadre de l'appel à candidatures prévu à l'article L. 42-2.

Les délais d'octroi des autorisations et de notification des conditions de leur renouvellement, ainsi que les obligations qui s'imposent aux titulaires d'autorisation pour permettre le contrôle par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes des conditions d'utilisation des fréquences sont fixés par décret.

Article L. 32-1 relatif aux objectifs de la régulation

I. - (...)

II. - Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis et veillent :

1° A la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques ;

2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques ;

3° Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques ;

4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence ;

5° Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel ;

6° Au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique ;

7° A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements ;

8° Au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48 ;

9° A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ;

10° A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen ;

11° A l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation ;

12° A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public ;

13° Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent ;

14° A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public.

III. - (...).

Si le ministre fixe les conditions d'attribution des autorisations d'utilisation des fréquences, l'article L. 42-2 confie à l'ARCEP la conduite de la procédure de sélection et l'assignation des fréquences correspondantes.

Le cinquième alinéa de l'article L. 42-2 précise que le ministre peut prévoir que l'un des critères de sélection est constitué par le montant de la redevance que les candidats s'engagent à verser si la fréquence ou la bande de fréquences leur sont assignées.

Enfin, il est prévu que le montant et les modalités de versement des ces redevances peuvent déroger aux dispositions de l'article L. 31 du code du domaine de l'Etat, qui n'est plus en vigueur.

II. Le dispositif initialement proposé

L'article 30 du projet de loi propose de modifier l'article L. 42-2 du code des postes et des communications électroniques, afin de permettre à l'ARCEP d'attribuer des fréquences aux enchères

Dans cette perspective, le 1° de l'article 30 prévoit de modifier le troisième alinéa de l'article L. 42-2 pour offrir à l'ARCEP une alternative : soit recourir à la procédure du « concours de beauté » (où le prix n'est qu'un critère de choix parmi d'autres), soit à celle des enchères, « dans le respect de ces objectifs et après définition de ces conditions par le ministre sur proposition de l'ARCEP » . Les objectifs que doit respecter l'attribution par enchères sont les mêmes que ceux à la réalisation desquels doit contribuer le candidat au « concours de beauté » : il s'agit de ceux listés à l'article L. 32-1 du code (figurant dans l'encadré ci-dessus). De même, les conditions d'utilisation susceptibles d'être imposées aux enchérisseurs figurent parmi la liste des conditions dont le respect constitue aussi un critère de sélection dans le cadre d'un « concours de beauté », à savoir les conditions énumérées à l'article L. 42-1, le projet de loi précisant opportunément que sont visées les conditions d'utilisation figurant au II de cet article : effectivement, les conditions visées au I ne constituent pas, à proprement parler, des conditions d'utilisation des fréquences par le titulaire de l'autorisation, mais plutôt des conditions d'attribution des fréquences par l'ARCEP.

Il est en outre proposé d'insérer un nouvel alinéa dans l'article L. 42-2 pour préciser que le ministre peut demander un dépôt de garantie et peut exiger un dédit si le candidat retire sa candidature avant la délivrance de l'autorisation.

Le 2° du présent article habilite le ministre à prévoir que le montant de la redevance est le ou l'un des critères de sélection. Il revient alors au ministre de fixer le prix de réserve au-dessous duquel l'autorisation d'utilisation du spectre hertzien ne peut être accordée.

Enfin, le 3° du texte rectifie une référence qui était obsolète dans l'article L. 42-2 : en effet, l'article L. 31 du code du domaine de l'Etat a été abrogé. Ses dispositions figurent désormais à l'article L. 2125-4 du code général de la propriété des personnes publiques, qui prévoit que la redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public par le bénéficiaire d'une autorisation est payable d'avance et annuellement sauf exceptions.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

A cet article, l'Assemblée nationale n'a adopté qu'un seul amendement afin d'insister sur l'importance de l'aménagement du territoire parmi les multiples objectifs assignés à l'action du régulateur par l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques. Précisément, au 7° du II de cet article du code, qui prévoit la prise en compte de l'intérêt des territoires, les députés proposent de préciser qu'il s'agit de prendre en compte « l'intérêt de l'ensemble des territoires ». Ils invitent par là l'ARCEP à accompagner l'octroi de licences d'utilisation du spectre d'objectifs de couverture non seulement nationale mais aussi départementale ou régionale et à assortir l'objectif général de couverture, exprimé en pourcentage de la population, d'engagements de couverture plus ciblés, tels que la desserte des axes de circulation ou la couverture des zones de faible densité.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale souligne que le recours aux enchères qui est proposé comme mode d'attribution de fréquences par l'ARCEP n'empêche pas d'assortir l'autorisation donnée d'obligations servant des objectifs d'intérêt général , tels l'innovation, l'aménagement du territoire, la qualité de service... En effet, une fréquence ou une bande de fréquences peut être mise aux enchères assortie d'un cahier des charges que tout enchérisseur s'engage à respecter. Il ne s'agit donc pas d'un processus d'enchères pures. En même temps, le recours aux enchères permet de valoriser de manière transparente la fréquence proposée et d'établir une comparaison plus immédiate des offres des candidats, à cahier des charges équivalent : la valorisation économique, ainsi que la rapidité du processus d'enchères contribueront à optimiser l'affectation du spectre et à la rendre plus réactive.

Votre commission spéciale relève d'ailleurs que les obligations et conditions à respecter par les enchérisseurs sont définies par le ministre, sur proposition du régulateur : la possibilité, pour le pouvoir politique, d'orienter l'utilisation du domaine public hertzien, reste donc intacte. De même, le Gouvernement est en mesure d'empêcher que le spectre soit « bradé », puisqu'il lui incombe de fixer un prix de réserve, en-deçà duquel le droit d'utilisation de la fréquence n'est pas accordé.

Votre commission spéciale se félicite aussi des précautions prises par le Gouvernement pour, à l'inverse, éviter la formation d'une bulle spéculative, comme celle à laquelle a donné lieu le recours aux enchères en Allemagne et au Royaume-Uni pour les licences UMTS en 2001 : le dépôt de garantie et le versement d'un dédit en cas de retrait de la candidature avant la délivrance de l'autorisation doivent permettre de responsabiliser les enchérisseurs.

Concernant l'ajout proposé par les députés, votre commission spéciale ne peut qu'y souscrire, convaincue elle aussi de la nécessité tant économique que sociale de servir l'intérêt de l'ensemble des territoires dans l'octroi des autorisations d'usage des fréquences.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 30 bis (nouveau) - (article 96-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) Publication par le CSA des zones retenues pour leur desserte en TNT

Commentaire : cet article tend à imposer au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de publier, dans les six mois, la liste des zones géographiques retenues pour leur desserte en services de télévision numérique terrestre (TNT) .

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

La loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a créé, dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, un article 96-2 aux termes duquel les chaînes nationales analogiques en clair doivent assurer leur diffusion en numérique auprès de 95 % de la population française. L'article confie aussi au CSA le soin d'établir, dans les quatre mois à compter de la publication de la loi, soit théoriquement avant le 5 juillet 2007, les modalités et le calendrier de cette extension à 95 % du territoire de la couverture en TNT.

En conséquence, le CSA a publié une décision n° 2007-464 du 10 juillet 2007, fixant les modalités et le calendrier d'extension de la zone de couverture des chaînes concernées.

Cette décision a été complétée par une deuxième, parue le 24 juillet 2007 (n° 2007-478) et relative à l'extension à 95 % de la couverture des autres chaînes nationales de la TNT, qui se sont engagées elles aussi à cet objectif de couverture.

Or, ces deux décisions, qui portent sur des pourcentages de couverture à atteindre chaque année, ne permettent pas d'identifier les zones qui seront couvertes à terme et celles qui ne le seront pas. C'est pourquoi les députés ont adopté cet article additionnel, qui tend à imposer au CSA de publier d'ici six mois la liste des zones qui seront couvertes en TNT pour atteindre ce seuil de couverture.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale salue l'adoption de cet article additionnel, qui répond à une forte demande des élus et des populations, qui souffrent de l'absence de visibilité sur le processus d'extension de la couverture TNT. Il est en effet essentiel que les zones qui ne seront pas couvertes par la TNT en soient informées le plus en amont possible pour prévoir le recours à des solutions alternatives (notamment satellitaires), sans nécessairement attendre la fin du déploiement de la TNT, et éviter ainsi l'écran noir au lendemain de l'extinction de la diffusion analogique (soit le 1 er décembre 2011).

Si la liste des zones appelées à être couvertes en TNT est publiée, il est évident que la question du calendrier de cette couverture sera posée. C'est pourquoi votre commission vous propose un amendement qui vise à prévoir que le CSA publie, avec la liste des zones qui seront couvertes en TNT, le calendrier de cette couverture. Il propose aussi de fixer une échéance à la publication de cette liste et du calendrier afférent, qui serait le 30 novembre 2008, soit trois ans avant l'extinction de la diffusion analogique.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 30 ter (nouveau) - (article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) Possibilité, pour le CSA, d'expérimenter l'extinction de la télévision analogique dans des zones peu denses

Commentaire : cet article tend à permettre au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), par dérogation au schéma national de basculement de l'analogique au numérique, d'éteindre exceptionnellement l'analogique sur une zone peu dense, pour expérimenter la bascule et faciliter sa mise en oeuvre à l'échelle nationale.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'article 99 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit, depuis la loi précitée du 5 mars 2007, l'extinction de la diffusion analogique de la télévision au plus tard le 30 novembre 2011. Dans cette perspective, il est prévu l'élaboration d'un schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique, incluant un calendrier et approuvé par arrêté du Premier ministre, après consultation publique organisée par le CSA.

La loi du 5 mars 2007 prévoit aussi que les extinctions commencent à compter du 31 mars 2008 et que le CSA doit fixer, neuf mois à l'avance, la date d'arrêt de l'analogique sur chaque zone.

Sur proposition de leur collègue M. Franck Riester, les députés proposent, par dérogation, d'autoriser exceptionnellement le CSA, avec l'accord du GIP France numérique et des communes concernées, à éteindre l'analogique sur une ou plusieurs zones de moins de 20.000 habitants par émetteur, afin de faciliter la mise en oeuvre de l'extinction de l'analogique et du basculement au numérique.

II. La position de votre commission spéciale

Contrairement à ce que prévoyait la loi de 2007, aucune extinction de la diffusion analogique n'a encore eu lieu. Il est donc à craindre que la date d'arrêt de l'analogique ne puisse être tenue, ce qui serait particulièrement délicat pour la France vis-à-vis de ses partenaires européens et retarderait la disponibilité du dividende numérique et l'émergence de services nouveaux au bénéfice du consommateur.

Votre commission spéciale se réjouit donc de la souplesse que cet article additionnel propose de donner au CSA et espère que cette possibilité d'expérimenter l'extinction de l'analogique sur des zones limitées, sans avoir à respecter les délais imposés par la loi de 2007, offrira le moyen de tester le processus d'extinction et de faciliter ensuite sa mise en oeuvre dans le cadre du schéma national. Le CSA a annoncé fin mai 2008 qu'une première expérimentation devrait avoir lieu sur Coulommiers, ville de Seine-et-Marne de 14.000 habitants dont M. Riester est maire.

Concernant l'article 99 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, que modifie cet article 30 ter , votre commission propose un amendement qui vise à mieux encadrer le schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique dont cet article 99 prévoit l'adoption par le Premier Ministre, après une consultation publique organisée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a lancé le 11 décembre 2007 cette consultation publique et adopté le 15 avril 2008 des orientations sous la forme d'une « Contribution du CSA pour l'établissement d'un schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique », contribution transmise au Premier ministre et publiée sur son site Internet.

L'extinction de la télévision analogique s'effectuera progressivement, par zones géographiques. En préalable, des opérations pilotes seront conduites, dont la première à Coulommiers. Pour intégrer les enseignements de ces opérations pilotes, puis de ceux des premières zones arrêtées, notamment en matière d'information et d'assistance des foyers, et pour tenir compte du résultat des négociations aux frontières sur les fréquences, cet amendement ouvre la possibilité de compléter le schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique. Ces compléments permettront notamment de préciser son calendrier.

Concernant ce schéma de bascule vers le numérique, l'amendement tend aussi à prévoir qu'il organise la migration des chaînes de la TNT vers leurs fréquences définitives avant l'extinction de la diffusion analogique . La diffusion de la TNT s'effectue actuellement sur des fréquences provisoires. Dans sa contribution déjà citée, le Conseil supérieur de l'audiovisuel indique que : « Dans toute la mesure du possible avant le 30 novembre 2011, et, dans certaines régions frontalières dès que les pays voisins auront mis fin à la diffusion analogique, l'intégralité des fréquences de diffusion de la TNT devra être conforme au plan-cible . »

La migration vers ce plan de fréquences « définitif » est inéluctable, car elle découle des accords internationaux conclus par la France, en particulier l'accord dit de « Genève 2006 », qui prévoit que tous les pays européens doivent avoir cessé l'utilisation des fréquences transitoires utilisées actuellement par la TNT au plus tard en 2015. Cette migration concerne la très grande majorité des fréquences actuellement utilisées pour la diffusion des chaînes actuelles de la TNT.

Votre commission estime que ce passage aux fréquences définitives est une condition nécessaire au lancement des nouveaux services rendus possibles par la libération des fréquences. L'arrêt et le basculement sont susceptibles d'apporter des contraintes aux téléspectateurs ; la perspective d'un lancement rapide de nouveaux services doit en être la justification et la contrepartie positive.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 30 quater (nouveau) - (article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur) Obligation de passage progressif à la norme MPEG-4 de tous les téléviseurs vendus ainsi que des adaptateurs TNT individuel

Commentaire : cet article tend à imposer l'intégration d'un adaptateur MPEG-4 dans les grands téléviseurs dès le 1 er décembre 2009, ainsi que dans tous les téléviseurs et les adaptateurs TNT individuels dès le 1 er décembre 2011.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'article 30 quater , introduit par les députés à l'initiative du rapporteur, propose de compléter le I de l'article 19 de la loi du 5 mars 2007 précitée.

En l'état actuel, ce paragraphe impose l'intégration d'un adaptateur TNT à compter du 5 décembre 2007 dans les téléviseurs vendus par les industriels aux distributeurs d'équipement électronique grand public sur le territoire national et, à compter du 5 mars 2008, dans les téléviseurs vendus aux consommateurs sur le territoire national. Enfin, à partir du 1 er décembre 2008, les téléviseurs et les enregistreurs mis en vente par un professionnel permettant la réception des programmes en haute définition devront intégrer un adaptateur prévu à cet effet. Ceci signifie que, dès cette date, l'appellation « prêt pour la haute définition » sera limitée aux téléviseurs intégrant un adaptateur MPEG-4.

En effet, la norme de compression MPEG-4 est la seule capable de décoder les services audiovisuels diffusés en haute définition.

Les députés proposent ici de compléter ces obligations en imposant l'intégration d'un adaptateur MPEG-4 dans les téléviseurs dont la diagonale d'écran dépasse 66 cm dès le 1 er décembre 2009 et dans le reste des téléviseurs un an plus tard, au 1 er décembre 2010. C'est aussi à partir de cette dernière date que devra être intégré, dans tous les adaptateurs TNT individuels, un décodeur MPEG-4.

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a déjà consenti l'autorisation de diffuser en haute définition à plusieurs chaînes de télévision : TF1, M6, France 2, Arte et Canal+ devraient commencer à émettre en haute définition (HD) le 30 octobre prochain. Leur diffusion en définition standard sera parallèlement maintenue.

La proposition des députés d'initialiser au plus tôt un parc de décodeurs MPEG-4, qui permet la réception de la haute définition, vise à limiter le parc d'adaptateurs et de téléviseurs à la norme MPEG-2 (qui ne permet que la réception de la simple définition). Ceci préparerait le basculement à moyen terme (évoqué par certains pour 2015) de la diffusion des services de la TNT vers la haute définition. En outre, cela favoriserait une gestion plus efficace des ressources spectrales, dans la mesure où la norme MPEG-4 est deux moins consommatrice de spectre que la norme MPEG-2.

II. La position de votre commission spéciale

Le basculement des services gratuits de la TNT de la norme de compression MPEG-2 vers la norme MPEG-4, deux fois plus économe en fréquences, interviendra assurément mais aucun horizon temporel n'a été fixé pour un tel basculement. Son objectif serait une généralisation de la haute définition: la diffusion de toutes les chaînes de la TNT en HD éviterait notamment une double diffusion des émissions (en définition standard -SD- et en haute définition) et pourrait éventuellement permettre une deuxième optimisation du spectre radioélectrique venant compléter les gains du dividende numérique déjà obtenus lors de l'arrêt de l'analogique et du basculement au tout numérique. Mais cette transition du MPEG-2 vers le MPEG-4, qui implique que toutes les chaînes de la TNT seraient prêtes à émettre en haute définition, pourrait difficilement avoir lieu avant 2015, soit bien après une éventuelle libération de la sous-bande identifiée à la Conférence mondiale des radiocommunications de novembre 2007.

A cet article, votre commission vous propose donc un amendement tendant à réduire sa portée et à supprimer l'obligation d'intégrer un décodeur MPEG-4 HD dans les petits téléviseurs et les adaptateurs. S'il lui paraît justifié d'imposer la norme MPEG-4 aux grands téléviseurs car ces téléviseurs coûteux sont renouvelés généralement tous les 8 ans, elle juge en revanche que cette mesure ne semble pas adaptée aux petits écrans et aux adaptateurs individuels.

En effet, pour ces derniers, d'une durée de vie de l'ordre de trois ans , cette mesure créera un parc d'équipements permettant certes la réception des chaînes HD, mais probablement hors d'état de marche lors du passage du MPEG-2 au MPEG-4 pour toutes les chaînes SD.

Par ailleurs, sur ce type d'équipements, le surcoût induit par l'introduction d'un décodeur MPEG-4 HD serait fortement préjudiciable : cela pourrait se traduire par un doublement, voire un triplement du prix. Les estimations de la différence de prix entre un adaptateur MPEG-4 et un adaptateur MPEG-2 au 1er décembre 2011 varient de 30 euros (pour les plus optimistes) à 50 euros. Ainsi, le prix d'un adaptateur MPEG-4 pourrait être de l'ordre de 60 euros. Ce surcoût serait d'autant plus important pour les foyers que nombre d'entre eux sont multi-équipés: le surcoût devrait alors être multiplié par le nombre de postes par foyer. Il ne serait pas raisonnable d'imposer une telle contrainte financière aux Français, qui serait susceptible de retarder le rythme d'équipement numérique des foyers et de compromettre le succès du passage au tout numérique. En outre, ceci aurait des incidences sur les finances publiques puisque cela augmenterait mécaniquement le budget du fonds créé par la loi du 5 mars 2007 pour l'équipement des ménages destiné à leur permettre de recevoir la TNT gratuite après l'extinction de la diffusion analogique.

On relèvera aussi que la France serait l'un des seuls pays européens à prendre une telle mesure, ce qui pourrait entraîner des productions de petits téléviseurs (plutôt bas de gamme) spécifiques pour le marché français. Cette production pour le marché national serait difficilement rentable et le risque ne peut être écarté que certaines marques décident d'arrêter la commercialisation en France des petits téléviseurs. Les consommateurs pourraient se trouver contraints d'acheter des téléviseurs plus « haut de gamme » donc plus onéreux.

Dans ce contexte, une information précise des consommateurs sur les performances et la pérennité des équipements achetés semblerait plus appropriée que des mesures contraignantes. Une telle information pourrait par exemple être envisagée dès que le calendrier de basculement vers le MPEG-4 aura été défini.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 30 quinquies (nouveau) Bilan de l'intervention des collectivités territoriales au titre de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales

Commentaire : cet article tend à prévoir l'élaboration, par le Gouvernement, d'un rapport présentant un bilan des interventions des collectivités territoriales dans l'exercice de leurs compétences en matière de communications électroniques, en application de l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales créé en 2004.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative du rapporteur, au nom de la commission des affaires économiques, et de M. Jean Dionis du Séjour, l'Assemblée nationale a adopté cet article additionnel qui impose au Gouvernement de déposer, avant le 31 janvier 2009, un rapport au Parlement présentant un bilan de la manière dont les collectivités territoriales « se sont saisies des possibilités offertes par l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales » . Ce bilan devra notamment préciser l'impact des réseaux d'initiative locale en termes de couverture du territoire, de tarifs, de services offerts ainsi que les différentes formes juridiques revêtues par ces initiatives locales.

L'objectif des députés est donc de faire le point sur les interventions des collectivités territoriales en application de la nouvelle compétence que leur a donnée l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales en matière de communications électroniques, reproduit ci-dessous.

Article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales :

I. - Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, deux mois au moins après la publication de leur projet dans un journal d'annonces légales et sa transmission à l'Autorité de régulation des communications électroniques, établir et exploiter sur leur territoire des infrastructures et des réseaux de communications électroniques au sens du 3° et du 15° de l'article L. 32 du code des postes et communications électroniques, acquérir des droits d'usage à cette fin ou acheter des infrastructures ou réseaux existants. Ils peuvent mettre de telles infrastructures ou réseaux à disposition d'opérateurs ou d'utilisateurs de réseaux indépendants. L'intervention des collectivités territoriales et de leurs groupements se fait en cohérence avec les réseaux d'initiative publique, garantit l'utilisation partagée des infrastructures établies ou acquises en application du présent article et respecte le principe d'égalité et de libre concurrence sur les marchés des communications électroniques.

Dans les mêmes conditions qu'à l'alinéa précédent, les collectivités territoriales et leurs groupements ne peuvent fournir des services de communications électroniques aux utilisateurs finals qu'après avoir constaté une insuffisance d'initiatives privées propres à satisfaire les besoins des utilisateurs finals et en avoir informé l'Autorité de régulation des communications électroniques. Les interventions des collectivités s'effectuent dans des conditions objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées.

L'insuffisance d'initiatives privées est constatée par un appel d'offres déclaré infructueux ayant visé à satisfaire les besoins concernés des utilisateurs finals en services de communications électroniques.

II. - Lorsqu'ils exercent une activité d'opérateur de communications électroniques, les collectivités territoriales et leurs groupements sont soumis à l'ensemble des droits et obligations régissant cette activité.

Une même personne morale ne peut à la fois exercer une activité d'opérateur de communications électroniques et être chargée de l'octroi des droits de passage destinés à permettre l'établissement de réseaux de communications électroniques ouverts au public.

Les dépenses et les recettes afférentes à l'établissement de réseaux de communications électroniques ouverts au public et à l'exercice d'une activité d'opérateur de communications électroniques par les collectivités territoriales et leurs groupements sont retracées au sein d'une comptabilité distincte.

III. - L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est saisie, dans les conditions définies à l'article L. 36-8 du code des postes et communications électroniques, de tout différend relatif aux conditions techniques et tarifaires d'exercice d'une activité d'opérateur de communications électroniques ou d'établissement, de mise à disposition ou de partage des réseaux et infrastructures de communications électroniques visés au I.

Les collectivités territoriales, leurs groupements et les opérateurs de communications électroniques concernés lui fournissent, à sa demande, les conditions techniques et tarifaires faisant l'objet du différend, ainsi que la comptabilité retraçant les dépenses et les recettes afférentes aux activités exercées en application du présent article.

IV. - Quand les conditions économiques ne permettent pas la rentabilité de l'établissement de réseaux de communications électroniques ouverts au public ou d'une activité d'opérateur de communications électroniques, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre leurs infrastructures ou réseaux de communications électroniques à disposition des opérateurs à un prix inférieur au coût de revient, selon des modalités transparentes et non discriminatoires, ou compenser des obligations de service public par des subventions accordées dans le cadre d'une délégation de service public ou d'un marché public.

V. - Les dispositions du I relatives aux obligations de publicité et à la nécessité de constater une insuffisance d'initiatives privées, ainsi que le deuxième alinéa du II, ne sont pas applicables aux réseaux établis et exploités par les collectivités territoriales ou leurs groupements pour la distribution de services de radio et de télévision si ces réseaux ont été établis avant la date de promulgation de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale estime également indispensable de dresser un bilan des interventions publiques locales en matière de communications électroniques. La création d'une compétence publique locale en matière de communications électroniques a résulté de débats nourris au Parlement lors de l'adoption de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. L'exercice de cette compétence mérite de ce fait une évaluation particulièrement approfondie, d'autant plus que le nombre des interventions des collectivités territoriales est important (300 projets ont été déclarés par les collectivités territoriales à l'ARCEP) et que les conditions de marché ont évolué depuis, notamment avec l'ouverture des réseaux de collecte de France Télécom (par le biais de l'offre de location de fibre optique, dite LFO, proposée par France Télécom depuis avril 2006). S'agissant du montant des investissements locaux en ce domaine, l'ARCEP est seulement en mesure d'indiquer que, pour les 56 principaux projets déjà délégués (couvrant plus de 600.000 habitants chacun), le montant global d'investissement est de 1,376 milliards d'euros pour 20.284 Km de réseau fibre déployé (en mars 2008).

Votre commission spéciale juge donc naturel de se pencher sur le choix qu'a fait la France de confier aux collectivités territoriales un rôle majeur dans l'aménagement numérique du territoire. Elle propose toutefois d'amender cet article pour confier l'élaboration de ce rapport à l'ARCEP plutôt qu'au Gouvernement, puisque, comme prévu à l'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, c'est l'ARCEP qui est destinataire des projets des collectivités et qu'elle centralise ainsi les informations sur les initiatives prises en la matière par l'ensemble des collectivités territoriales. L'amendement précise aussi que ce rapport devra évaluer l'impact des interventions locales en termes de couverture du territoire, mais aussi de développement de la concurrence, notamment dans le haut débit grâce aux réseaux de collecte déployés par les collectivités, ainsi qu'en termes de tarifs et de services pour le consommateur.

Surtout, l'amendement proposé par votre commission spéciale vise à élargir l'objet du rapport en y incluant une analyse des moyens pouvant permettre l'accès de tous à l'Internet haut débit et les modalités possibles du financement de cet accès.

Votre commission spéciale attire l'attention sur l'importance de cet ajout : elle vise à soulever ainsi la question, essentielle à ses yeux, du service universel du haut débit .

En organisant le déploiement du très haut débit, le présent texte laisse croire en effet que l'accès au haut débit est acquis pour tous les Français. Ce n'est pas tout à fait le cas, même si, courant 2007, France Télécom a achevé l'équipement de la totalité des centraux téléphoniques (NRA) en ADSL : 550.000 foyers, soit 1,7 % de la population, demeurent inéligibles au haut débit en raison de la longueur trop importante de leur ligne téléphonique .

Face au risque de fracture, dont les effets vont croissants, les élus locaux sont soumis à une forte demande de la part de leurs administrés. Certaines collectivités territoriales y répondent, une première vague de projets ayant été destinée à irriguer les territoires en réseaux optique de collecte et de desserte des zones d'activité, la deuxième vague visant désormais la résorption des zones d'ombre (ZO) du haut débit, que ce soit par le biais de technologies radio (Wifi, Wimax) ou filaire (NRA-ZO).

L'action des collectivités reste hétérogène et incomplète. Et le périmètre communautaire du service universel que l'Union européenne pourrait élargir au haut débit est un débat prévu pour les prochains mois, mais son issue est incertaine et lointaine (sa conclusion pourrait intervenir en 2010 à Bruxelles, sa transposition en droit national au mieux en 2011 et, donc, sa mise en oeuvre sur le terrain se concrétiser en 2015).

Votre commission spéciale appelle donc à une initiative nationale pour assurer la couverture de l'ensemble de la population en Internet haut débit, conformément aux engagements pris, encore tout récemment, par le Gouvernement de donner à tous accès au haut débit fixe ou mobile pour 2012.

S'agissant des modalités de financement de cet accès universel au haut débit, votre commission spéciale relève qu'un strict mécanisme de service universel, qui impliquerait concrètement la mise en place d'un fonds de péréquation qu'elle avait appelé de ses voeux en 2004, pourrait présenter aujourd'hui des inconvénients : il est difficile d'imaginer faire porter un poids financier supplémentaire aux opérateurs de communications électroniques, au lendemain de l'annonce de leur prochaine taxation pour financer la suppression de la publicité sur France Télévision. En outre, la création d'un tel fonds risquerait de dissuader les collectivités d'investir dans le déploiement de réseaux de collecte, alors même que ces réseaux de collecte en fibre optique favorisent le dégroupage -selon l'ARCEP, 37 % des répartiteurs auraient été dégroupés grâce aux initiatives publiques- et faciliteront le déploiement ultérieur du très haut débit.

Votre commission relève par ailleurs que , contrairement aux technologies filaires, consistant à raccourcir la boucle locale téléphonique en transformant les sous-répartiteurs en répartiteurs (NRA-ZO), ou aux solutions hertziennes terrestres (WiMAX ou WiFi), la solution satellitaire pourrait permettre une couverture quasi-universelle, pour un coût quasi nul pour les pouvoirs publics (250 à 500 euros par équipement terminal). Selon l'ARCEP, on peut raisonnablement s'attendre à ce que le coût de ces équipements atteigne 250 euros par foyer, soit un coût total maximum de l'ordre de 15 M€ par an sur dix ans, ce qui représente un montant minime par rapport à celui de la couverture des zones blanches par les technologies terrestres. Les solutions « terrestres » évoquées, qu'elles soient filaires ou hertziennes, ne permettent effectivement de fournir une couverture universelle qu'à un coût par abonné a priori prohibitif pour les habitats les plus isolés, qui représentent 2 % à 5 % des zones blanches. La solution par satellite présente en outre l'avantage d'être complémentaire des interventions des collectivités et peut permettre l'enrichissement progressif des services fournis dans ces zones (montée en débit, double et triple play...).

C'est pourquoi votre commission suggère notamment que, dans le rapport prévu au présent article, l'ARCEP se penche sur l'hypothèse d'un fonds d'aide permettant aux résidents des zones blanches du haut débit de bénéficier d'une subvention portant sur les équipements à acquérir pour bénéficier d'une service d'accès par satellite, sur le modèle du dispositif d'aide introduit par la loi du 5 mars 2007 dans le cadre de l'arrêt de la télévision analogique pour l'équipement des foyers en vue de la réception de la TNT par voie satellitaire.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 30 sexies (nouveau) Réseau partagé en téléphonie mobile de troisième génération

Commentaire : cet article tend à confier à l'ARCEP les conditions dans lesquelles sera mis en oeuvre un réseau partagé de troisième génération en téléphonie mobile.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Aux termes de cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur, l'ARCEP devra déterminer, après consultation publique et dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, les conditions dans lesquelles sera mis en oeuvre un réseau partagé en téléphonie mobile de troisième génération (3G) et, notamment, le seuil de couverture de la population assurée en propre par chaque opérateur de réseau 3G au-delà duquel ce réseau partagé sera mis en oeuvre.

L'objectif est d'assurer la plus large couverture du territoire par le réseau 3G qui offre l'accès à des services innovants et multimédia, accès décisif pour un aménagement équilibré du territoire. Il s'agit d'éviter les difficultés rencontrées depuis 2002 dans l'effort entrepris pour la résorption des zones blanches en téléphonie mobile de deuxième génération et d'anticiper sur la demande de l'ensemble des citoyens, y compris en zones rurales, à l'égard des nouveaux services accessibles grâce à la 3G.

Il est donc proposé de prévoir, en amont, le déploiement d'un réseau commun aux opérateurs pour améliorer la couverture à moindre coût et de tirer profit de la nouvelle technologie du « RAN Sharing » qui permet un partage du pylône, des antennes et d'une partie de l'équipement électronique, chaque opérateur utilisant ses propres fréquences et proposant donc ses propres services sans restriction technique, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui dans les zones desservies en itinérance où tous les services ne sont pas accessibles.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale reconnaît l'utilité d'organiser en amont la meilleure couverture possible en 3G du territoire, pour ne pas rencontrer les difficultés du plan « zones blanches » en 2G, lancé alors que les réseaux des trois opérateurs étaient déjà très avancés, avec des technologies pas nécessairement compatibles et un mitage du territoire compliquant l'ingénierie et le déploiement de la couverture.

Elle consent donc à poser le principe d'un partage des investissements entre les opérateurs pour maximiser la couverture en 3G. Mais elle invite à laisser le plus d'options ouvertes, qu'il s'agisse du degré de partage du réseau (des seuls pylônes jusqu'aux équipements électroniques), du seuil de couverture ou de la date à partir desquels ce partage doit intervenir.

C'est pourquoi elle vous propose trois amendements à cet article :

- le premier pour encadrer l'ARCEP à qui est confié le soin de déterminer les modalités de mise en oeuvre d'un réseau partagé en téléphonie mobile 3G. Dans cette perspective, sont rappelés les grands objectifs de la régulation, listés à l'article L. 32-1 (développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité, prise en compte de l'intérêt des territoires, utilisation et gestion efficaces des fréquences radioélectriques...). Le but d'un éventuel partage de réseau 3G est également précisé : il s'agit bien de faciliter la couverture du territoire en radiocommunications mobiles de troisième génération ;

- le deuxième pour préciser que le degré de partage envisagé en matière de réseau de troisième génération devra être apprécié par l'ARCEP. En effet, la perspective d'un réseau entièrement partagé constituerait une désincitation très forte pour les opérateurs à se déployer au-delà de leurs obligations de couverture puisque leurs investissements bénéficieraient directement à leurs concurrents, même si ces derniers n'ont consenti aucun investissement.

De surcroît, certains opérateurs font valoir que le partage d'équipements actifs du réseau pourrait limiter la gamme de nouveaux services offerts aux consommateurs, particuliers comme professionnels et entreprises, la technologie du « RAN sharing » n'ayant pas encore prouvé sa capacité à permettre un partage entre trois opérateurs (voire quatre a fortiori ) mais seulement entre deux. Surtout, ce partage d'équipements actifs risque d'entraîner une dégradation de la qualité de service, notamment aux « frontières » entre les zones partagées et les zones gérées en propre.

Puisque l'objectif est de faciliter la couverture du territoire par les réseaux mobiles de troisième génération, il faut inciter les opérateurs à investir et faciliter leurs investissements pour stimuler la concurrence par les infrastructures. C'est pourquoi l'amendement que propose votre commission spéciale se limite à poser le principe de partage mais sans fixer la nature des installations en partage (infrastructures passives ou équipements actifs?), ce qui évite de préjuger des évolutions technologiques ultérieures qui pourraient permettre un partage très poussé entre opérateurs 3G ;

- enfin, le troisième est d'ordre purement rédactionnel.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

CHAPITRE II - Améliorer l'attractivité économique pour la localisation de l'activité en France
Article 31 - (article 81 C [nouveau] du code général des impôts) Amélioration du régime fiscal des impatriés

Commentaire : le présent article a pour objet de rendre plus attractif le régime existant des impatriés français et étrangers, appelés à exercer leur activité en France pour une durée limitée à 5 ans.

Il tend à élargir le champ des bénéficiaires et à renouveler les modalités d'exonération de la « prime d'impatriation » et des revenus liés à l'activité exercée à l'étranger. Il introduit également un nouveau dispositif d'exonération de la moitié des revenus « passifs » perçus hors de France, inspiré de la « remittance basis » britannique, et prévoit des mesures d'articulation du nouveau régime avec les régimes sociaux et fiscaux existants comme avec le « bouclier fiscal ».

I. Le droit en vigueur

A. Le régime des impatriés, un dispositif d'attractivité

L'article 23 de la loi de finances rectificative pour 2003, codifié dans l'article 81 B du code général des impôts, a introduit un régime spécial d'imposition sur les revenus des « impatriés » français ou étrangers, ultérieurement amélioré par l'article 54 de la loi de finances rectificative pour 2005.

Ce régime est ouvert aux salariés et dirigeants, appelés par une entreprise établie à l'étranger à occuper un emploi pendant une période limitée dans une entreprise établie en France, et qui n'ont pas été fiscalement domiciliés en France au cours des 5 années civiles (10 ans jusqu'en 2005) précédant celle de leur prise de fonctions . Il prévoit trois mesures dont l'objectif est d'inciter les salariés et les cadres dirigeants français ou étrangers d'un même groupe à venir exercer leur activité en France :

- de manière symétrique au régime des expatriés, une exonération de la « prime d'impatriation » , c'est-à-dire des suppléments de rémunération directement liés à un détachement temporaire en France, comme la compensation du surcoût du logement, de la scolarisation des enfants à charge, de la prime de responsabilité ou du différentiel de pression fiscale et sociale. L'exonération est accordée jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la prise de fonctions des intéressés en France, soit une durée maximale de 6 ans.

Afin d'éviter qu'une partie de la rémunération de base soit transformée en une indemnité exonérée , le II de l'article 81 B dispose préventivement que si cette rémunération « est inférieure à la rémunération versée au titre de fonctions analogues dans l'entreprise ou, à défaut, dans des entreprises similaires établies en France, la différence est réintégrée dans les bases imposables de l'intéressé », selon une approche relativement classique des « comparables » ;

- la déductibilité des cotisations sociales des salariés (versées dans leur pays d'origine aux régimes légaux de sécurité sociale et aux régimes de prévoyance et de retraite complémentaire) exerçant temporairement leur activité professionnelle en France ;

- enfin, les salariés et personnes éligibles bénéficient sur option d'une exonération de la part de la rémunération se rapportant à leur activité exercée à l'étranger au cours de la même période. Toutefois, le montant de cette exonération est plafonné à 20 % de la rémunération imposable (soit nette de la prime d'impatriation). Il s'agit de procurer un avantage fiscal aux impatriés qui sont amenés, par exemple, à effectuer des déplacements réguliers dans leur pays d'origine.

Le dispositif a ensuite été précisé par l'instruction fiscale 5F-12-05 du 21 mars 2005 , en particulier sur le champ des personnes concernées, les notions de résidence et domiciliation, les justifications de la rémunération se rapportant à l'activité exercée à l'étranger, et le lien entre l'entreprise d'origine et celle établie en France. Elle a en particulier précisé que le dispositif ne s'appliquait pas aux personnes directement recrutées à l'étranger par une entreprise établie en France ni aux salariés venant exercer une activité en France de leur propre initiative.

B. Un régime qui ne garantit pas le retour ou l'installation en France de cadres de haut niveau et demeure peu utilisé

Le régime des impatriés atténue le caractère dissuasif de la fiscalité française des cadres et salariés des centres de décision , qui contribue à renchérir le coût d'implantation de sièges et fonctions de direction, ainsi que le relevait notre collègue Christian Gaudin, dans le rapport d'information de juin 2007 de la mission sur les centres de décision économique, dont notre collègue rapporteur Philippe Marini était le président.

Une étude conduite en 2006 par le Bureau Francis Lefebvre pour Paris-Europlace, portant sur le taux global de prélèvement obligatoire sur un cadre supérieur dans quatre cas de figure distincts, en France et dans quatre pays européens concurrents (Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suisse), a ainsi abouti au constat que la France est le pays où la pression fiscale et sociale est la plus forte.

Ainsi, pour un cadre marié avec deux enfants, rémunéré environ 70.000 euros nets par an, le coût global en base 100 est de 216 en France , 188 en Allemagne, 166 aux Pays-Bas, 158 au Royaume-Uni et 149 en Suisse. Ce sont essentiellement les charges sociales patronales qui expliquent cet écart , puisqu'elles se révèlent en France 4,5 fois plus élevées qu'en Allemagne et 7,9 fois plus élevées qu'aux Pays-Bas. L'impôt sur le revenu français est en revanche inférieur à la moyenne des autres pays.

Un raisonnement en termes de revenu brut aboutit à un résultat moins contrasté, mais toujours en défaveur de la France . Ainsi pour un cadre marié avec deux enfants bénéficiant d'une rémunération brute de 125.000 euros, le revenu net s'établit en France à 81.093 euros, soit 2,4 % de moins que la moyenne des cinq pays considérés, mais le coût pour l'employeur se situe au niveau le plus élevé avec 182.543 euros.

Le régime des impatriés nécessite dans la pratique de procéder à des retraitements assez complexes pour établir la prime d'impatriation, en particulier dans certains métiers de l'industrie financière qui n'ont pas toujours leur strict équivalent dans des entreprises du même secteur. Bien qu'il soit perçu de manière positive , il présente également certains inconvénients qui contribuent à expliquer son succès relativement limité , en particulier pour les impatriés de nationalité française.

On peut ainsi relever le fait de devoir demander à l'administration fiscale une attestation sur la comparaison établie avec un poste analogue, et surtout la nécessité de faire référence à un salaire net déclarable (plutôt que la rémunération brute imposable) intégrant un bonus , qui par définition n'est pas réellement déterminable ni comparable à l'avance puisqu'il est adossé à une performance individuelle future.

A ces griefs s'ajoutent le risque de requalification en rémunération des plans de retraites ( « pensions plans » ) dont bénéficient nombre de cadres du secteur financier.

C. Le régime attractif de la résidence fiscale au Royaume-Uni

1. Trois notions de résidence fiscale

Le droit britannique distingue trois notions de résidence fiscale, correspondants à des liens personnels de plus en plus étroits et durables avec le Royaume-Uni : la résidence (ou « résidence non ordinaire »), la « résidence ordinaire » ( « ordinary residence ») , et le domicile. Il est possible d'être à la fois « résident » et « résident ordinaire », par exemple lorsqu'une personne résidant habituellement au Royaume-Uni se rend à l'étranger pour de courts séjours (déplacements professionnels ou vacances).

Une personne est réputée résidente si pour chaque année fiscale (du 6 avril au 5 avril de l'année suivante), elle a séjourné au moins 183 jours (soit 6 mois) au Royaume-Uni sur une ou plusieurs périodes. Elle peut également être considérée comme résidente :

- si elle a séjourné chaque année fiscale au Royaume-Uni pendant 91 jours au moins en moyenne, durant quatre années consécutives. Le statut de résident est alors accordé à compter de la cinquième année ;

- ou si elle dispose au Royaume-Uni d'un « lieu de résidence affecté à son usage » et y séjourne, durant une période quelconque, au cours de l'année d'imposition.

La résidence ordinaire implique un lien plus étroit avec le territoire britannique et traduit davantage la volonté du contribuable. Elle est ainsi applicable aux personnes physiques ayant l'intention , dès leur arrivée, de résider au Royaume-Uni pendant au moins trois ans et d'y effectuer des séjours d'au moins 91 jours annuels pendant quatre années fiscales consécutives, et en tout état de cause, à partir de la troisième année suivant leur arrivée au Royaume-Uni.

En pratique, une personne venant au Royaume Uni comme salariée n'est pas habituellement considérée comme un résident ordinaire tant qu'elle n'y est pas restée pendant trois années fiscales, à moins qu'elle n'ait prouvé y disposer d'un logement.

Enfin, le domicile correspond au lieu dont une personne est originaire, en général le lieu de séjour permanent de son père, ou le lieu de son propre séjour permanent si ce séjour a une durée au moins égale à quinze ans et si les liens avec le domicile d'origine ont été rompus. Une personne considérée comme domiciliée au Royaume-Uni perd difficilement cette qualité, et a contrario , une personne qui n'y est pas domiciliée l'acquiert difficilement, de telle sorte que le domicile est en pratique peu accessible à un ressortissant non britannique . Le critère de l'intention est déterminant : aussi longtemps que le contribuable prévoit de quitter le Royaume-Uni à une quelconque date future, il ne peut être considéré comme y ayant acquis un domicile.

2. Un effritement de l'avantage procuré par la « remittance basis »

Les résidents britanniques sont en principe imposables sur leurs revenus mondiaux. Néanmoins les salariés étrangers qui perçoivent des rémunérations à la fois au Royaume-Uni et à l'étranger bénéficient d'un régime fiscal favorable, par l'application de la règle de la « remittance basis » , applicable aux résidents et/ou aux résidents ordinaires non domiciliés. Ce régime dérogatoire, couramment appelé « non-doms » , a pour effet d'exonérer les revenus salariaux et non-salariaux de source exclusivement étrangère tant que ceux-ci ne sont pas transférés au Royaume-Uni.

En outre, les résidents ordinaires bénéficient généralement de deux contrats de travail ( « dual contract » ), permettant de percevoir des rémunérations hors du Royaume-Uni, susceptibles d'échapper à toute taxation lorsqu'elles proviennent de sociétés off shore . Un cas fréquent consiste ainsi, pour les banquiers d'affaire et traders , à transférer leurs bonus hors de la City dans le cadre d'un contrat de travail distinct.

L'application de la remittance basis revêt un intérêt particulier pour les cadres de haut niveau et contribue, dans l'industrie financière, à la concentration des talents à Londres . Ce régime est conforté par la fiscalité favorable de Jersey, qui a développé une activité de gestion de fonds privés. Il bénéficie ainsi à pas moins de 130.000 cadres étrangers .

Des changements substantiels ont cependant affecté en avril 2008 le régime des résidents non domiciliés et l'ont rendu financièrement moins attractif. Les résidents non-domiciliés qui ont passé sept des dix dernières années sur le territoire britannique devront en effet s'acquitter d'un droit annuel forfaitaire de 30.000 livres sterling (environ 39.000 euros) pour pouvoir bénéficier de la « remittance basis » . De nombreux non-domiciliés devront donc arbitrer entre ce prélèvement et la déclaration de l'ensemble de leurs revenus de source britannique ou étrangère.

Cette mesure, annoncée sans concertation préalable à l'automne 2007, est susceptible de concerner 17 à 20.000 personnes et de rapporter entre 500 et 700 millions de livres sterling par an. Elle devrait n'exercer qu'un impact limité sur les personnes les plus fortunées, mais crée une incitation fiscale au départ pour les résidents depuis plus de 7 ans qui disposent d'un revenu confortable sans être extravagant. Cette remise en cause d'un régime ancien et très favorable a causé un vif émoi au sein des milieux d'affaires de la City, en dépit de quelques concessions telles que la simplification du régime fiscal des trust funds .

D. Le dispositif de résident fiscal temporaire examiné par le Sénat en 2007

A deux reprises en 2007 , lors de l'examen du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat et du projet de loi de finances pour 2008, le Sénat a examiné un dispositif de « résident fiscal temporaire », proposé par notre collègue Philippe Marini au nom de la commission des finances et tendant à s'inspirer de l'expérience britannique. Cette proposition reprenait une des recommandations du rapport d'information de juin 2007 de la mission sur les centres de décision économique, précité, et entendait, dans un objectif d'attractivité du territoire, faciliter le retour ou la venue en France de personnels très qualifiés , en particulier du secteur bancaire et financier.

Ce nouveau statut, complémentaire de celui des impatriés, consistait à permettre à des cadres -impatriés français ou expatriés étrangers- ayant à titre temporaire leur domiciliation fiscale en France de n'être imposés que sur leurs revenus de source française et leurs biens situés en France . Il s'agissait donc d'une forme de « territorialisation » de l'impôt sur le revenu ; le résident fiscal temporaire étant fiscalement domicilié en France mais imposé de la même manière qu'une personne domiciliée hors de France.

Ce dispositif ciblait prioritairement les cadres de la banque d'investissement et de la gestion d'actifs, mais également les professeurs d'universités étrangères, dont le recrutement se révèle difficile compte tenu des niveaux de traitement requis, et les entrepreneurs désireux de revenir en France. Les principales caractéristiques de ce régime étaient les suivantes :

1) Son bénéfice était accordé sur agrément pour une durée maximale de cinq ans . Le bénéficiaire ne devait pas avoir été fiscalement domicilié en France au cours des cinq années précédant la demande et avoir satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales et sociales.

2) Trois conditions alternatives d'octroi de l'agrément étaient prévues, correspondant à trois publics-cibles distincts :

- exercer à titre principal une activité dont la rémunération est soumise au taux maximal de la taxe sur les salaires. Cette condition entendait contribuer au renforcement de la place financière de Paris en attirant des cadres « hauts potentiels » d'établissements financiers ;

- une condition visant plus particulièrement les professeurs de grandes universités étrangères : figurer sur une liste établie par décret, en raison du caractère spécifique des compétences requises ou de difficultés de recrutement ;

- un critère dédié aux entrepreneurs et « business angels » ayant constitué un patrimoine élevé à l'étranger et susceptibles de le réinvestir en France : souscrire au capital d'une PME établie dans un Etat de la Communauté européenne, pour un montant excédant la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), soit 750.000 euros.

3) Une disposition introduite à l'article 885 A du code général des impôts, définissant les personnes assujetties à l'impôt de solidarité sur la fortune, permettait d'imposer ces résidents temporaires à raison de leurs seuls biens situés en France.

L'introduction de ce régime aurait sans doute impliqué de réexaminer certaines conventions fiscales , en particulier la clause anti « remittance basis » de la convention franco-britannique, dans la mesure où les pays d'origine des cadres étrangers pourraient demander à être en quelque sorte subrogés dans le droit d'imposition auquel la France aurait renoncé, pour imposer à leur tour les revenus de source étrangère.

A l'occasion des débats sur le projet de loi de finances pour 2008, le 23 novembre 2007, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, a fait état d'une convergence de vues quant à l'objectif de renforcement de la place financière de Paris, et proposé qu'il soit traité à l'occasion de la revue générale des prélèvements obligatoires ou d'un projet de loi sur l'attractivité. Sans se prononcer sur le fond du dispositif proposé par la commission des finances, elle a également rappelé les mesures d'attractivité fiscale déjà mises en oeuvre (en particulier le nouveau barème de l'impôt sur le revenu et le bouclier fiscal) et évoqué la nécessité de solliciter préalablement l'avis du Haut comité de place.

Cette consultation a bien eu lieu et un groupe de travail ad hoc a été constitué dès juillet 2007, sous l'égide de l'association Paris Europlace, qui a tenu une dizaine de réunions dont l'ordre du jour était prioritairement consacré à ce thème du régime des impatriés.

E. Attirer les compétences en France : une nécessité et une opportunité

Il est aujourd'hui indéniable que la place financière de Paris souffre aujourd'hui de la comparaison avec Londres , qui n'a cessé de se renforcer depuis une vingtaine d'années et attire un flux continu de cadres étrangers. Les ressortissants français y sont particulièrement bien représentés puisqu'on estime qu'ils représentent le tiers des effectifs de l'industrie financière de la City, soit plus de 120.000 personnes, sur un total estimé de 300.000 Français vivant dans le Grand Londres.

L'attractivité de la Place de Paris est désormais perçue comme une nécessité et a donné lieu à l'installation d'un Haut comité de place le 5 octobre 2007, dont plusieurs préconisations sont reprises dans l'article 42 du présent projet de loi. Au-delà de cette dynamique qu'il convient de saluer, il existe aujourd'hui une double « fenêtre d'opportunité » pour une réforme ambitieuse et efficace du régime des impatriés :

- les conditions désormais plus strictes du régime britannique des « non-doms » (cf. supra ) créent indirectement un « appel d'air » pour résider hors du Royaume-Uni. La France, qui doit faire face à la concurrence des places belge, néerlandaise et suisse, pourrait disposer de nouveaux arguments susceptibles d'emporter la décision ;

- la crise des « subprimes » , davantage à Londres qu'à Paris, a affecté l'emploi des grandes banques d'investissement et dégradé le climat des affaires.

II. Le dispositif initialement proposé

Le présent article améliore le régime d'exonération de la prime d'impatriation, dont il reprend une partie de la formulation actuelle figurant dans l'article 81 B du code général des impôts, précité.

Il prévoit ainsi une extension du champ des bénéficiaires, une meilleure exonération de la fraction de revenu se rapportant à l'activité exercée à l'étranger, et surtout l'exonération de la moitié des revenus « passifs » de source étrangère. La durée d'éligibilité demeure inchangée, soit cinq années civiles à compter de la prise de fonctions.

A. L'élargissement du champ des bénéficiaires

Le nouveau dispositif concernerait désormais non plus les seules mobilités internes de salariés français ou étrangers d'un groupe (cf. supra ), ce qui constitue une lacune du dispositif actuel, mais également les recrutements directs et externes de salariés à l'étranger . Le texte proposé par le II du présent article pour le premier alinéa du 1° du I du nouvel article 81 C du code général des impôts vise ainsi :

- comme dans le régime actuel, les salariés et dirigeants mentionnés aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter du même code « appelés de l'étranger à occuper un emploi dans une entreprise établie en France » ;

- et « les salariés et personnes autres que ceux appelés par une entreprise établie dans un autre Etat » , soit les personnes directement recrutées par une entreprise établie en France, qui peuvent bénéficier d'un régime optionnel (cf. infra ).

Les non-salariés ne sont cependant pas couverts par le dispositif, choix que votre commission spéciale tend à déplorer.

Comme dans le régime actuel, le principe de la limitation dans le temps de cette « période d'impatriation » est expressément prévu. Le texte proposé par le II pour le deuxième alinéa du 1° du I du nouvel article 81 C dispose également que les salariés et personnes concernés ne doivent pas avoir été fiscalement domiciliés en France dans les 5 années précédant leur prise de fonctions.

Le texte proposé pour ce même alinéa précise également, par reprise des dispositions de l'instruction fiscale du 21 mars 2005, précitée, que les bénéficiaires doivent, durant leur période d'impatriation, être fiscalement domiciliés en France au sens des a et b du 1 de l'article 4 B, c'est-à-dire les personnes qui ont en France leur foyer ou leur lieu de séjour principal, ou y exercent une activité professionnelle (salariée ou non) à titre principal.

Il s'agit donc d'une condition stricte de lien avec le territoire français , qui exclut les personnes répondant au troisième critère de définition de la domiciliation fiscale (prévue au c du 1 de l'article 4 B), soit celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.

B. Les modalités d'exonération des revenus d'activité liés à l'impatriation et aux séjours à l'étranger

1. Deux formules d'exonération de la prime d'impatriation

Aux termes du texte proposé par le II pour le 1° du I de l'article 81 C, les salariés et personnes concernés bénéficient d'une exonération d'impôt sur le revenu pour leur prime d'impatriation, définie comme les « éléments de leur rémunération directement liés à cette situation » , sous deux formes :

- soit une exonération totale du montant réel de la prime lorsqu'elle est précisément identifiée. Cette modalité est réservée, comme dans le régime actuel, aux mobilités intra-groupe ;

- soit une exonération forfaitaire de 30 % de la rémunération, option que seuls peuvent exercer les personnels directement recrutés par une entreprise établie en France, dès lors qu'ils ne pourraient justifier d'une rémunération de base permettant, par différentiel, de déterminer le montant de la prime d'impatriation.

Le bénéfice de ce régime est accordé pour 5 années pleines , soit jusqu'au 31 décembre de la cinquième année civile suivant celle de la prise de fonctions, et au titre des années de domiciliation fiscale en France au sens des a et b du 1 de l'article 4 B du code général des impôts.

Comme dans le régime actuel et dans un souci d'équité de traitement entre cadres impatriés et cadres permanents, le texte proposé pour le troisième et dernier alinéa du 1° du I de l'article 81 C dispose que si la prime d'impatriation est inférieure à la rémunération versée au titre de fonctions analogues dans l'entreprise ou, à défaut, dans des entreprises similaires établies en France, la différence est réintégrée dans les bases imposables de l'intéressé.

2. L'exonération sous conditions de la fraction de rémunération se rapportant à l'activité exercée à l'étranger

A l'instar de l'actuel III de l'article 81 B précité, le texte proposé par le II pour le 2° du I de l'article 81 C prévoit une exonération -qui ne serait donc plus optionnelle- de la fraction de la rémunération correspondant à l'activité exercée à l'étranger pendant la période d'impatriation. Deux conditions sont cependant posées, identiques à celles prévues par l'article 81 A du code général des impôts pour le régime d'expatriation :

- les séjours à l'étranger doivent être effectués dans l'intérêt direct et exclusif de l'employeur , ce qui constitue une condition logique et déjà prévue par l'instruction fiscale précitée ;

- ces déplacements nécessitent une résidence effective d'au moins 24 heures dans un autre Etat, condition sans doute trop restrictive , en ce qu'elle exclut les déplacements d'une journée fréquemment effectués pour une ou plusieurs réunions dans un pays européen, à moins qu'elle n'incite de manière artificielle à prendre un hébergement sur place.

A la différence du régime actuel, cette exonération n'est pas plafonnée à 20 % de la rémunération nette imposable.

3. Le plafonnement global de l'exonération des revenus d'activité

Contrairement au dispositif actuel , le texte proposé par le II du présent article pour le 3° du I du nouvel article 81 C dispose que le montant global des sommes exonérées (prime d'impatriation et rémunération se rapportant à l'activité exercée à l'étranger) est limité à la moitié de la « rémunération totale » , un certain flou subsistant sur la définition du périmètre de cette dernière.

En outre, aux termes du texte proposé pour le 4° du I de l'article 81 C, les bénéficiaires ne peuvent cumuler ce régime avec celui des expatriés , prévu à l'article 81 A précité. Ce cumul est aujourd'hui possible, mais le nouveau déplafonnement de l'exonération de la rémunération se rapportant à l'activité exercée à l'étranger le rend surabondant.

Le plafonnement global pourrait en revanche rendre le nouveau dispositif sensiblement moins attractif que l'actuel pour certains impatriés , compte tenu des nombreux avantages en nature et en espèces susceptibles d'être pris en charge par l'employeur dans le cadre de l'impatriation. Ce risque est renforcé par les interprétations prêtées à l'administration fiscale, de nature à accentuer l'étroitesse de l'assiette du plafond . Selon plusieurs entreprises concernées, l'administration prendrait en effet en compte la rémunération de référence imposable (soit le salaire fixe et le bonus variable) au titre de la « rémunération totale » , et non une rémunération globale incluant les éléments d'impatriation. Il résulterait de ce plafonnement quatre types de conséquences :

- un possible arbitrage entre éléments d'impatriation et séjours professionnels à l'étranger, qui ne serait pas cohérent avec tous les « profils de poste » ;

- une mise en oeuvre plus complexe du régime d'impatriation, conduisant à des retraitements élaborés de la part des employeurs ;

- une moindre attractivité du dispositif par rapport aux autres pays européens ayant mis en place des régimes d'imposition spécifiques pour les salariés en mobilité (Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Espagne) ;

- une « rupture d'égalité » entre impatriés dont la prime est identique mais la rémunération de référence différente, au détriment de ceux dont la rémunération de base est la plus faible.

En outre, la crainte éventuelle liée à une minoration artificielle de la rémunération de base , afin d'accroître la prime d'impatriation exonérée, ne paraît pas fondée compte tenu du « garde-fou » actuel repris dans le nouveau dispositif, selon lequel la rémunération de base, soumise à l'impôt, doit être au moins équivalente à celle d'un salarié local exerçant des fonctions analogues.

C. L'exonération de la moitié des revenus passifs de source étrangère

Le volet véritablement novateur du dispositif, comparable au régime britannique de « remittance basis » (cf. supra ) et susceptible de renforcer substantiellement son attractivité auprès des cadres actuellement domiciliés à l'étranger, tend à « importer » les règles d'éviction de la double-imposition aujourd'hui prévues par certaines conventions fiscales.

Le texte proposé par le II du présent article pour le II de l'article 81 C prévoit ainsi l'exonération de la moitié du montant de trois catégories de revenus patrimoniaux dits « passifs » (plus-values de cessions et dividendes) de source étrangère , pendant la période d'impatriation limitée à 5 ans. Le droit commun, indépendamment des prélèvements sociaux (cf. infra ), tend à imposer ces revenus au barème progressif ou à un prélèvement libératoire au taux de 16 % ou 18 %, selon le cas.

Le paiement de ces revenus doit avoir été effectué par une personne établie « dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale » , selon la formulation habituellement utilisée dans le code général des impôts. Il s'agit :

- des revenus de capitaux mobiliers (dividendes versés par une société étrangère par exemple) ;

- de certains produits de la propriété intellectuelle et industrielle, mentionnés aux 2° et 3° du 2 de l'article 92 du code général des impôts et classés en bénéfices non commerciaux : produits de droits d'auteurs perçus par les écrivains ou compositeurs et produits perçus par les inventeurs au titre de la concession de licences d'exploitation de leurs brevets ou de la cession ou concession de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication ;

- et des plus-values de cessions de valeurs mobilières et de droits sociaux lorsque le dépositaire des titres, ou à défaut la société dont les titres sont cédés, est établi hors de France dans un Etat ou territoire fiscalement coopératif. Corrélativement, les moins-values de cession éventuellement constatées sont comptabilisées à hauteur de la moitié de leur montant.

Les plus-values immobilières ne sont pas exonérées dans la mesure où elles sont imposées dans l'Etat où se situe le bien.

D. L'articulation avec les autres régimes fiscaux et sociaux

1. Une exonération qui ne s'applique pas aux prélèvements sociaux

Afin de préserver l'assiette du financement de la sécurité sociale, les revenus, produits et gains de source étrangère exonérés d'impôt sur le revenu en application du nouveau régime demeureraient soumis aux prélèvements sociaux , soit :

- la contribution pour le remboursement de la dette sociale ( CRDS ) au taux de 0,5 % assise sur les revenus du patrimoine , en application du V qui insère un 4 bis dans l'article 1600-0 H du code général des impôts ;

- la CRDS assise sur les produits de placement , en application du VI qui insère un nouveau 8 bis dans l'article 1600-0 J du code général des impôts. Il est prévu que la CRDS est due lors de la perception des revenus, produits et gains de l'étranger non pris en compte pour le calcul du prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes et produits de placement à revenu fixe ;

- et la contribution sociale généralisée ( CSG ). Le VIII complète ainsi le II bis de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, relatif à la CSG sur les revenus du patrimoine, et le IX insère un 8° bis dans le II de l'article L. 136-7 du même code, relatif à la CSG sur les produits de placement, afin d'y soumettre la totalité des plus-values, produits et gains perçus à l'étranger.

2. Les mesures de coordination

Le III du présent article insère une référence au 1° du I du nouvel article 81 C du code général des impôts dans le 2°-0 ter de l'article 83 du même code, afin de rendre les bénéficiaires du nouveau régime des impatriés, au même titre que l'actuel, éligibles à la déductibilité des cotisations versées aux régimes de prévoyance et de retraite complémentaires auxquels ils étaient affiliés dans un autre Etat avant leur prise de fonctions en France.

Le IV insère une référence à l'article 81 C dans le troisième alinéa du 1 de l'article 170 et dans le c du 1° du IV de l'article 1417, respectivement relatifs à l'obligation de mentionner le montant des revenus exonérés dans la déclaration annuelle et aux modalités de détermination du revenu fiscal de référence.

3. La prise en compte dans le « bouclier fiscal »

Le VII du présent article complète l'article 1649-0 A du code général des impôts, relatif aux modalités de détermination du droit à restitution de la fraction d'imposition excédant le seuil de 50 % du dispositif de plafonnement des impôts directs, communément appelé « bouclier fiscal ».

a) La limitation au montant des revenus étrangers nets des impôts acquittés hors de France

Le bouclier prend en effet aussi en compte, pour la détermination des revenus figurant au dénominateur, ceux exonérés d'impôt en France, quel que soit leur lieu de réalisation. L'impôt acquitté sur un territoire étranger, le cas échéant en application d'une convention tendant à éviter la double-imposition, n'est en revanche pas inclus dans le plafonnement au motif qu'il conduirait la France à rembourser un impôt payé au profit d'un autre Etat. La règle du plafonnement est donc asymétrique puisque si tous les revenus sont pris en compte, quel que soit leur lieu de réalisation et d'imposition, les impôts acquittés hors de France ne sont pas intégrés au numérateur.

Cette règle se voit assouplie par le présent article puisque le 2° du VII complète le 5 de l'article 1649-0 A pour préciser que le revenu pris en compte pour la détermination du droit à restitution est diminué des impositions équivalentes à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux lorsqu'elles ont été payées à l'étranger. Le droit à restitution d'impôt pourrait s'en trouver accru dans certains cas .

b) Un plafonnement effectif dès l'année de transfert du domicile fiscal

Le dispositif du bouclier fiscal prévoit qu'un contribuable transférant son domicile fiscal en cours d'année dispose d'un droit à restitution à partir du 1 er janvier n+2 au titre des revenus réalisés en n et déclarés en n+1. Il existe cependant un décalage temporel entre l'assiette des impôts et celle des revenus -notamment ceux assujettis à l'ISF- servant pour le calcul du droit à restitution, susceptible de freiner les velléités de retour ou d'installation en France.

En effet le plafonnement prend en compte les impôts directs acquittés en n+1 et les revenus, y compris étrangers, perçus durant toute l'année n, alors qu'aux termes de l'article 166 du code général des impôts, les revenus dont l'imposition (en n+1) est entraînée par l'établissement du domicile en France (l'année n) ne sont comptés que du jour de cet établissement . Il en résulte que le contribuable précédemment domicilié à l'étranger ne peut généralement obtenir le plafonnement du montant d'ISF acquitté en n+1.

Le 1° du VII du présent article, qui complète le c du 4 de l'article 1649-0 A précité, propose donc de remédier à cette incohérence. Il dispose que lorsqu'un contribuable précédemment domicilié à l'étranger transfère son domicile en France, les revenus (nets d'impôts) réalisés hors de France et exonérés d'impôt sur le revenu ne sont pris en compte pour la détermination du droit à restitution qu' à compter du jour de ce transfert effectif de domiciliation, et non dès le 1 er janvier de l'année de domiciliation.

Les revenus encaissés à l'étranger avant la date de transfert du domicile ne seront donc plus pris en compte au dénominateur pour la détermination du droit à restitution en n+2.

E. L'entrée en vigueur du dispositif

Afin d'assurer l'extinction progressive du régime actuel et la transition avec le futur dispositif, le I du présent article dispose que le régime des impatriés de l'article 81 B précité est applicable aux personnes dont la prise de fonctions en France est intervenue avant le 1 er janvier 2008. Parallèlement, le X du présent article prévoit que le nouveau régime (soit les II à VI du présent article) s'applique aux personnes dont la prise de fonctions en France est intervenue à compter du 1 er janvier 2008, soit une rétroactivité favorable.

Le X prévoit également que les dispositions précitées du VII , afférentes au bouclier fiscal, s'appliquent pour la détermination du plafonnement des impositions afférentes aux revenus réalisés à compter de l'année 2006. Le droit à restitution sera donc bien acquis dès 2008 , pour les impatriés qui auront transférés leur domicile fiscal en France et perçu des revenus imposés à l'étranger en 2006.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

A l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements , dont deux à caractère rédactionnel et deux tendant à améliorer sensiblement l'attractivité du dispositif .

Il s'agit en premier lieu de l'octroi aux impatriés d'une faculté de choix entre l'ancien et le nouveau régime d'exonération des revenus d'activité , c'est-à-dire entre :

- d'une part, le plafonnement global de la rémunération exonérée assorti d'un déplafonnement de l'exonération applicable aux primes et rémunérations correspondants à l'activité exercée à l'étranger ;

- d'autre part, un déplafonnement global de l'exonération et la limitation de la fraction de rémunération exonérée correspondant à l'activité exercée à l'étranger à 20 % de la rémunération imposable (soit le régime actuel).

En second lieu, il a été adopté un assouplissement des conditions d'exonération de la rémunération correspondant à l'activité exercée à l'étranger : la condition relative à la durée du séjour (au moins 24 heures) est supprimée , pour ne retenir que celle, également appliquée pour le régime des expatriés, afférente aux séjours effectués dans l'intérêt direct et exclusif de l'employeur.

IV. La position de votre commission spéciale

En dépit de sa complexité, votre commission spéciale approuve l'économie et les objectifs du présent dispositif , qui témoigne d'une réelle prise de conscience de la nécessité d'améliorer l'attractivité du régime des impatriés et s'inspire opportunément d'une expérience étrangère réussie. Les améliorations adoptées par l'Assemblée nationale sont également de nature à atténuer certains défauts potentiellement dirimants du nouveau régime. En particulier, l'option que l'impatrié peut exercer entre l'ancien et le nouveau régime permet, par exemple, à un impatrié d'exonérer totalement une prime élevée et de limiter l'exonération de revenus d'expatriation plus réduits.

Afin de garantir l'attractivité du dispositif, votre commission spéciale insiste cependant sur le fait que l'assiette du plafond d'exonération des éléments d'impatriation et de « semi-expatriation », à hauteur de la moitié de la « rémunération totale » , doit bien prendre en compte l'ensemble des revenus versés par l'employeur, et non la seule rémunération de référence , qui inclut le salaire et le bonus. Les éléments d'impatriation et d'expatriation doivent donc figurer au numérateur et au dénominateur de la formule de calcul du plafond d'exonération.

La limitation à cinq ans du bénéfice de l'exonération est cohérente avec le déroulement des carrières et la nécessité d'encadrer la spécificité du statut d'impatrié. Cette spécificité serait fictive et sans doute constitutive d'une rupture d'égalité devant les charges publiques si le bénéfice de l'exonération était illimité ou insuffisamment limité dans le temps.

Afin de parfaire la compétitivité du nouveau régime, il apparaît cependant nécessaire d'étendre le bénéfice de la « territorialisation » de l'imposition des revenus passifs (exonération des revenus de source étrangère) à l'imposition du patrimoine . Votre commission spéciale vous propose donc un amendement en ce sens.

De même, le ciblage du dispositif sur les salariés et mandataires sociaux conduit à exclure les non-salariés . Cette mesure ne devrait pas dissuader l'impatriation de professeurs et chercheurs à temps plein (généralement salariés), mais écarte des candidats à l'impatriation susceptibles d'apporter un savoir-faire et des moyens d'investissement utiles à l'économie française. Votre commission spéciale vous propose donc un amendement portant sur un régime spécifique d'agrément pour ces non-salariés.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 31 bis (nouveau) - (article 1465 du code général des impôts) Amélioration des facultés d'exonération de taxe professionnelle par les collectivités territoriales

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, tend à assouplir les critères d'exonération de taxe professionnelle pour certains investissements de création ou d'extension d'établissements industriels et de recherche.

I. Le droit en vigueur

L'article 1465 du code général des impôts, modifié par l'article 45 de la loi de finances rectificative pour 2007, prévoit un dispositif d'exonération de taxe professionnelle (TP) dans les zones d'aide à finalité régionale , répondant à des objectifs d'aménagement du territoire et de soutien à l'emploi. Il dispose ainsi que les conseils municipaux, collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre peuvent, par une délibération de portée générale, exonérer totalement ou partiellement de TP , pour une durée maximale de cinq ans , les entreprises qui procèdent à des opérations de réorganisation et d'extension de certaines activités sur leur territoire. Ces opérations sont :

- l'extension ou la création d'activités industrielles ou de recherche scientifique et technique, ou de services de direction, d'études, d'ingénierie et d'informatique ;

- la reconversion dans le même type d'activités ou à la reprise d'établissements en difficulté exerçant le même type d'activités.

Pour les opérations réalisées à compter du 1 er janvier 2007, le bénéfice des exonérations est soumis au respect des règlements européens concernant les aides à finalité régionale et les aides de minimis .

L'exonération s'applique de plein droit, sans autre formalité, lorsqu'elle concerne des extensions ou créations d'établissements industriels ou de recherche scientifique et technique répondant à des conditions et seuils fixés par décret, tenant plus particulièrement compte du volume des investissements et du nombre des emplois créés . Dans les autres cas, elle est soumise à agrément dans les conditions habituelles de l'article 1649 nonies du code général des impôts. Lorsqu'il a trait à des PME, cet agrément est accordé selon une procédure décentralisée.

Quand l'agrément n'est pas nécessaire, l'exonération porte sur l'augmentation nette des bases d'imposition résultant des immobilisations nouvelles , appréciée par rapport à la dernière année précédant l'opération ou à la moyenne des trois dernières années si celle-ci est supérieure. Toutefois, le prix de revient des immobilisations exonérées ne peut excéder 1.524.490 euros par emploi créé. Par délibération, les collectivités locales peuvent fixer ce montant à un niveau moins élevé.

L'entreprise ne peut bénéficier d'une exonération non soumise à agrément qu'à condition de l'avoir indiqué au service des impôts au plus tard lors du dépôt de la première déclaration dans laquelle doivent figurer les éléments nouveaux concernés. Elle déclare chaque année les éléments entrant dans le champ d'application de l'exonération, deux périodes d'exonération ne pouvant courir simultanément.

Toute entreprise qui cesse volontairement son activité pendant une période d'exonération ou dans les cinq années suivant la fin de celle-ci est tenue de verser les sommes qu'elle n'a pas acquittées au titre de la TP.

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

A l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté le présent article additionnel, qui modifie l'article 1465 précité pour améliorer l'attractivité du dispositif d'exonération de TP en faveur des établissements situés en zone d'aide à finalité régionale. L'objet est de permettre aux collectivités territoriales d'attirer des grands groupes qui ne créent pas nécessairement des emplois immédiatement, mais réalisent des investissements lourds et participent au développement économique à long terme de la collectivité concernée.

Le 1° du I du présent article propose donc de remplacer le caractère cumulatif des conditions d'éligibilité à l'exonération pour les extensions ou créations d'établissements industriels ou de recherche scientifique, par une condition alternative , portant soit sur le volume des investissements et le nombre d'emplois créés, soit sur le seul volume des investissements. Le montant minimum d'investissement permettant de bénéficier de l'exonération serait fixé par décret.

Le 2° du I supprime le plafond de 1.524.490 euros par emploi créé relatif au prix de revient des immobilisations exonérées, prévu par la deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article 1465 et qui n'est plus nécessaire compte tenu de l'encadrement par les deux règlements communautaires (aides à finalité régionale et de minimis ).

Le 3° maintient néanmoins la possibilité pour les collectivités territoriales de fixer, par délibération, un prix de revient maximum pour les immobilisations exonérées, par emploi créé et par investissement (ce qui constitue un nouveau critère), afin de préserver leurs ressources budgétaires.

Enfin le II prévoit que ces nouvelles dispositions sont applicables aux opérations d'investissement réalisées à compter du 1 er janvier 2009.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve les objectifs et modalités de ce dispositif, mais considère qu'il aurait vocation à figurer dans une loi de finances, qu'il est susceptible d'accroître les tensions sur les finances des collectivités territoriales, et qu'il ne fait qu'ajouter une nouvelle modification à un régime de taxe professionnelle marqué depuis longtemps par le triple symptôme de la stratification, de la complexité et de l'insécurité juridique et fiscale.

L'allègement des conditions d'éligibilité se veut cependant pragmatique et de nature à favoriser les investissements à forte intensité capitalistique, qui peuvent donc contribuer à la richesse et au développement des territoires sans pour autant être massivement pourvoyeurs d'emplois, du moins à court terme. Il ne sollicitera pas les finances de l'Etat puisque les exonérations sont adoptées sur la seule initiative des conseils locaux, sans compensation du manque à gagner.

Votre commission spéciale vous propose un amendement de cohérence (suppression de la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article 1465), afin d'éviter une redondance dans les facultés de fixation d'un plafond de prix de revient par les collectivités territoriales.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 31 ter (nouveau) - (article L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale) Régime social des impatriés

Commentaire : cet article prévoit la possibilité pour les salariés étrangers en mission temporaire en France d'être exemptés de l'affiliation à un régime français obligatoire d'assurance vieillesse.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Cet article adopté sur la proposition du Gouvernement permet de répondre aux dispositions de notre droit social entravant le passage en France, pour des missions durant de quelques mois à plusieurs années, de cadres étrangers des grands groupes installés dans notre pays. Il vise à permettre à ces personnes, à titre dérogatoire et sous certaines conditions, de bénéficier d'une dispense d'immatriculation à un régime français obligatoire d'assurance vieillesse. Ces cadres étrangers sont affiliés dans leur pays de résidence habituelle à des régimes d'assurance vieillesse auxquels ils ne souhaitent pas renoncer pour le profit hypothétique des allocations auxquelles leur donnerait droit un séjour de quelques années en France.

La dispense d'affiliation à la sécurité sociale n'est en effet actuellement possible que dans certains cas et dans certaines conditions limitées. Elle concerne les salariés dont l'employeur est situé sur le territoire d'un pays de l'Espace économique européen (EEE) ou d'un pays signataire d'une convention bilatérale de sécurité sociale.

A cette fin, l'Assemblée nationale a modifié l'article L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale, qui fixe le cadre général de l'affiliation aux régimes obligatoires de sécurité sociale. Actuellement, sont affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale, sous réserve des traités et accords internationaux, toutes les personnes exerçant sur le territoire français, à titre temporaire ou permanent, à temps plein ou à temps partiel, soit une activité pour le compte d'un ou de plusieurs employeurs, ayant ou non un établissement en France, et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat, soit une activité professionnelle non salariée.

L'article 31 ter du projet de loi ajoute à ces règles une exemption touchant les salariés étrangers qui demandent, conjointement avec leur employeur établi en France ou, à défaut, avec leur entreprise à être exemptés de l'affiliation à l'assurance vieillesse. Notons à toutes fins utiles que l'exemption d'affiliation couvre naturellement à la fois régime de base et régimes complémentaires.

L'article énumère les conditions d'exemption : justifier par ailleurs d'une assurance vieillesse ; ne pas avoir été affiliés, au cours des dix années précédant la demande, à un régime français obligatoire d'assurance vieillesse, sauf pour des activités accessoires, de caractère saisonnier ou liées à leur présence en France pour y suivre des études ; avoir été présents au moins six mois dans l'établissement ou l'entreprise établis hors de France où ils exerçaient leur activité professionnelle immédiatement avant la demande.

L'article 31 ter précise aussi la durée de l'exemption d'affiliation : elle n'est accordée qu'une seule fois pour le même salarié pour une durée de trois ans. Cependant, à titre exceptionnel, le ministre chargé de la sécurité sociale peut accorder une prolongation de l'exemption pour une nouvelle période de trois ans ou octroyer le bénéfice de cette exemption lorsque la condition d'antériorité dans l'établissement ou l'entreprise n'est pas remplie.

La mesure s'appliquera ainsi aux salariés étrangers concernés par la mobilité intra-groupe, à l'exception de ceux auxquels s'applique le règlement de coordination des systèmes de sécurité sociale, conformément aux engagements communautaires de la France.

II. La position de votre commission spéciale

Dans son rapport publié en juin 2007, la mission commune d'information du Sénat sur la notion de centre de décision économique et les conséquences qui s'attachent, dans ce domaine, à l'attractivité du territoire national avait examiné la question du régime social des impatriés dans la perspective du renforcement de l'attractivité du territoire français pour les centres de décisions.

Elle avait rappelé à cet égard que la présence en France de cadres étrangers, pour des durées moyennes excédant rarement deux à trois ans, peut correspondre :

- soit à une étape de la formation et de la consolidation de l'expérience professionnelle des intéressés ;

- soit à l'objectif de les intégrer au sein du groupe en favorisant le partage d'une culture commune ;

- soit à leur participation à un groupe chargé de piloter un projet dans une implantation de l'entreprise à l'étranger ;

- soit à une étape française dans la carrière internationale d'un cadre non français.

Ces différents mouvements sont liés à la dimension nécessairement internationale de la gestion de l'encadrement dans une société multinationale. Les conditions juridiques dans lesquelles ils ont lieu, constatait la mission commune, peuvent avoir une influence sur les choix orientant l'implantation des centres de décision.

La mission commune d'information avait évoqué, à titre d'illustration des problèmes à résoudre, la façon dont le groupe Total gère ses impatriés. Ceux-ci dépendent d'une filiale suisse du groupe : Total Gestion Internationale (TGI), dédiée à la gestion de la mobilité internationale des cadres du groupe. Il s'agit en particulier d'offrir à ces personnes une couverture sociale adaptée à leurs besoins. En l'occurrence, il importe à ces salariés astreints à une grande mobilité au cours de leur carrière, d'une part que leurs droits à retraite soient gérés de façon uniforme au fil de leurs affectations successives, et d'autre part, que les membres de leur famille demeurant dans leur pays d'origine bénéficient de leur couverture maladie. Or, l'affiliation aux régimes locaux de sécurité sociale ne permet pas nécessairement de satisfaire ces exigences, spécialement quand la personne concernée est originaire d'un pays non partie aux conventions internationales de sécurité sociale.

La solution pratiquée par Total consiste à faire relever ces salariés, liés à TGI par un contrat de travail de droit suisse, de la sécurité sociale suisse complétée par un mécanisme d'assurance privée.

En 2006, a indiqué le directeur général de Total, auditionné par la mission commune, la direction de la sécurité sociale a demandé au groupe Total d'assujettir à l'avenir les salariés étrangers relevant de TGI au régime français de sécurité sociale.

Total estime que l'affiliation à la sécurité sociale française ne correspond pas, dans la plupart des cas, aux besoins des intéressés, notamment en matière de retraite et pourrait en outre faire peser sur le régime général français des charges de gestion importantes, notamment en ce qui concerne la couverture des dépenses médicales effectuées hors de France par les ayants droit, ou encore en ce qui concerne l'articulation avec les régimes locaux et les dispositifs étrangers de couverture complémentaire.

Dans la mesure où ces difficultés ont sur l'attractivité de la France pour les centres de décision économique des incidences notables, la mission commune d'information a souhaité que l'IGAS, chargée à la fin de 2006 par le ministère chargé de la sécurité sociale d'évaluer les difficultés que rencontrent les grands groupes dans la gestion de leurs salariés en mobilité internationale, dégage une solution efficace, juste et pérenne.

Le dispositif de l'article 31 ter apporte une réponse satisfaisante au plus sensible de ces problèmes, celui du régime d'assurance vieillesse.

Par ailleurs, votre commission spéciale estime opportun de ne pas réserver le régime d'exemption d'affiliation aux salariés étrangers exerçant leur activité en France pendant moins de trois années. En effet, les indépendants désireux de s'installer en France pour une période limités ont des besoins identiques à ceux des cadres salariés principalement visés par l'article 31 ter, connaissent les mêmes problèmes, et sont justiciables des mêmes solutions compte tenu de l'identité du but d'intérêt général poursuivi, le renforcement de l'attractivité de la « place France ».

Votre commission spéciale a adopté un amendement afin d'opérer cet élargissement.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 32 - (articles L. 314-15 [nouveau] et L. 314-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) Délivrance de la carte de résident pour contribution économique exceptionnelle

Commentaire : cet article tend permettre la délivrance de la carte de résident, sans condition de durée de séjour préalable, aux étrangers dont la présence sur le territoire français apporte « une contribution économique exceptionnelle » à la France.

I. Le droit en vigueur

Avant la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, aucun dispositif législatif spécifique n'était prévu pour cette catégorie d'étrangers. Un certain flou et des pratiques administratives très souples permettaient néanmoins l'attribution des titres de séjour nécessaires aux étrangers hautement qualifiés, notamment les cadres de groupes internationaux.

L'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit asile (CESEDA) était la principale base juridique. Applicable à tous les étrangers souhaitant s'installer en France pour y exercer une activité professionnelle soumise à autorisation (professions salariées pour l'essentiel), il prévoyait la délivrance d'une carte de séjour temporaire d'un an. Afin d'éviter que la situation de l'emploi ne soit quasi-systématiquement opposée par les préfectures aux demandes de titre de séjour, une circulaire du 21 décembre 1984 invitait à examiner avec bienveillance les demandes adressées par des étrangers hautement qualifiés dont le salaire mensuel était supérieur à 1.300 fois le minimum horaire garanti soit plus de 4.000 euros brut.

Pour les étrangers souhaitant s'installer en France afin d'y exercer une profession non soumise à autorisation (professions libérales pour l'essentiel) ou s'engageant à ne pas exercer une activité professionnelle, l'article L. 313-6 du CESEDA permettait l'attribution d'une carte de séjour temporaire d'un an portant la mention « visiteur ». Pour obtenir cette carte, l'étranger devait apporter la preuve qu'il pouvait vivre de ses seules ressources ou de celles d'un membre de sa famille. Cette carte était délivrée par exemple au conjoint d'un cadre étranger affecté en France.

Enfin, la loi du 11 mai 1998 dite RESEDA a créé des titres de séjour spécifiques pour les scientifiques et pour les artistes. Ceux-ci peuvent bénéficier respectivement d'une carte de séjour temporaire d'un an portant soit la mention « scientifique », soit la mention « profession artistique et culturelle ».

La loi du 24 juillet 2004 relative à l'immigration et à l'intégration a introduit de nouvelles dispositions visant à renforcer l'attractivité de notre territoire pour les étrangers remarquables ou hautement qualifiés .

En premier lieu, le droit positif a été clarifié et plusieurs lacunes comblées.

? Les salariés étrangers détachés ou « impatriés » dans le cadre d'une mobilité intra-groupe ou intra-entreprise peuvent désormais se voir délivrer un titre de séjour spécifique : la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié en mission » . Cette carte de séjour a une durée de validité de trois ans renouvelable. Par ailleurs, les membres de famille qui accompagnent cet étranger bénéficient de plein droit d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » laquelle vaut autorisation de travailler.

? La carte de séjour temporaire « visiteur » est désormais réservée à l'étranger qui apporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources et qui prend l'engagement de n'exercer en France aucune activité professionnelle. Les étrangers souhaitant exercer une activité professionnelle non soumise à autorisation et qui justifie pouvoir vivre de ses seules ressources se voient désormais délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention de leur activité.

Les cartes de séjour temporaire portant les mentions « scientifique » et « profession artistique et culturelle » ont également été maintenues, leurs conditions de délivrance étant légèrement assouplies.

En second lieu, la loi du 24 juillet 2006 a créé un nouveau titre, la carte de séjour « compétences et talents », qui n'est assimilable ni à une catégorie de carte de séjour temporaire, ni à une carte de résident.

L'article L. 315-1 du CESEDA dispose que « la carte de séjour "compétences et talents" peut être accordée à l'étranger susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique, au développement de l'aménagement du territoire ou au rayonnement, notamment intellectuel, scientifique, culturel, humanitaire ou sportif de la France et, directement ou indirectement, du pays dont il a la nationalité. Elle est accordée pour une durée de trois ans . » Les membres de la famille bénéficient de plein droit d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

Toutefois, afin d'écarter les accusations de pillage des cerveaux, la loi du 24 juillet 2006 comporte plusieurs garde-fous dans le cas où le bénéficiaire de cette carte a la nationalité d'un pays membre de la zone de solidarité prioritaire. Outre le fait que la carte ne peut être renouvelée qu'une fois, le titulaire doit s'engager dans un projet de codéveloppement avec son pays d'origine.

Il n'est pas encore possible de dresser un bilan de la carte « compétences et talents ». Pour des raisons administratives, trop peu de cartes ont été délivrées jusqu'à présent.

II. Le dispositif initialement proposé

Insérant un nouvel article L. 314-15 dans le CESEDA, le présent article tend à permettre la délivrance de la carte de résident, sans durée de séjour préalable en France, ni respect de la condition d'intégration républicaine dans la société française - les deux conditions requises dans la plupart des cas de délivrance de la carte de résident - aux étrangers apportant une contribution économique exceptionnelle à la France.

Il vise à renforcer l'attractivité économique de notre territoire.

Les conditions de délivrance sont très souples et laissent au préfet une très grande liberté d'appréciation. Les contentieux devraient donc être très limités.

Seule la régularité du séjour en France serait exigée. Il reviendra à un décret en Conseil d'Etat de préciser les modalités d'application du dispositif et de déterminer notamment les motifs pour lesquels la carte peut être retirée. Ces motifs viendront s'ajouter à ceux déjà fixés par les articles L. 314-3 à L. 314-7 du CESEDA, qui valent pour toutes les cartes de résident.

Selon l'exposé des motifs du projet de loi, il s'agit d'améliorer l'attractivité du territoire français pour certaines catégories d'étrangers (PDG de filiales étrangères établies en France, grands investisseurs individuels, etc.).

Lors des débats à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a indiqué que cette carte de résident avait vocation à n'être délivrée qu'à quelques dizaines de personnes par an.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a cité trois exemples de bénéficiaires :

- « une personne physique d'un des pays du Maghreb qui souhaitait racheter une compagnie d'assurance en France voulait pouvoir venir dans notre pays sans restriction, en disposant d'un titre particulier » ;

- « un entrepreneur chinois qui crée aujourd'hui le plus grand portail chinois souhaite investir en France et, à ce titre, voudrait pouvoir venir régulièrement sans être soumis à un certain nombre de contraintes diverses et variées » ;

- « un artisan brodeur, que de nombreux pays se disputent à travers le monde pour qu'il vienne créer de la valeur ajoutée et transmettre son savoir-faire, souhaite lui aussi bénéficier d'un titre de séjour particulier ».

Par rapport aux dispositifs existants (carte « compétences et talents », carte portant la mention « visiteur »...), cette carte de résident ciblerait particulièrement :

- des investisseurs individuels très importants qui désireraient s'installer en France pour y développer leurs affaires ou, plus simplement, qui souhaiteraient bénéficier de facilités de circulation exceptionnelles, facilités que les visas de circulation ne permettraient pas ;

- des personnels très qualifiés comme l'artisan brodeur cité. Sur ce dernier exemple, on remarquera que la carte « compétences et talents » pourrait très bien être délivrée.

Votre rapporteur remarque, tout en comprenant la volonté de simplification de ce texte, que les exemples cités d'investisseurs souhaitant bénéficier de facilités de circulation aboutissent au paradoxe de délivrer une carte de résident à des étrangers ne désirant pas résider en France. De plus, ces étrangers n'auront pas nécessairement leur domicile fiscal en France.

En outre, il conviendra de s'assurer que ce nouveau dispositif n'est pas détourné de son objet pour faire fi des garanties mises en place lors de la création de la carte « compétences et talents » et tendant à éviter un pillage des « cerveaux » des pays de la zone de solidarité prioritaire. Compte tenu du nombre de titres qui devraient être délivrés, le risque est néanmoins très faible.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve ce nouveau dispositif qui doit permettre de répondre immédiatement à quelques cas très particuliers et d'attirer des investisseurs ou des talents multiplicateurs de croissance.

Toutefois, il conviendra de réévaluer ce dispositif à l'aune de l'évaluation de la carte « compétences et talents » lorsqu'un premier bilan sera possible.

De même, lorsque les rapprochements entre le ministère de l'immigration et le ministère des affaires étrangères seront plus avancés, notamment en matière de visa, une réflexion devrait s'engager sur la création de visas de circulation de longue durée . En effet, la demande des investisseurs étrangers, mais aussi de nombreux autres étrangers, est avant tout une demande de mobilité. L'exemple de la carte de séjour portant la mention « retraité » est également intéressante à cet égard.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 33 Poursuite de l'expérimentation de la décentralisation de la gestion des fonds structurels européens

Commentaire : cet article a pour objet de donner une base légale à la poursuite de l'expérimentation de la décentralisation de la gestion des crédits de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne au cours de la période 2007-2013 .

I. Le droit en vigueur

A. Les crédits alloués à la France au titre de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne

Les crédits alloués par la Communauté européenne au titre de sa politique régionale, dite de « cohésion économique et sociale », constituent une source importante de financements pour la France : 16,145 milliards d'euros pour la période 2000-2006 et 12,704 milliards d'euros pour la période 2007-2013, en prix 2004.

Répartition des crédits alloués à la France au titre de la politique de cohésion

2000-2006

2007-2013

Objectif 1

2.939

Convergence

2.831

Soutien transitoire

498

Compétitivité régionale et emploi

9.101

Objectif 2

6.679

Objectif 3

5.013

Initiatives communautaires

1.016

Coopération territoriale européenne

773

Total

16.145

Total

12.704

( en millions d'euros )

Pour la période 2007-2013, ces crédits financeront trois objectifs prioritaires :

- 81,54 % seront consacrés à l'objectif « convergence », destiné comme l'ancien objectif 1 aux Etats et aux régions les plus pauvres -les Etats dont le revenu national brut est inférieur à 90 % du revenu national brut moyen de l'Union européenne à 25, et les régions dont le produit intérieur brut par habitant est inférieur à 75 % du produit intérieur brut moyen de l'Union européenne à 25. En France, seules les quatre régions d'outre-mer continueront à en bénéficier, pour un montant total de 2,8 milliards d'euros ;

- 15,95 % seront affectés à l'objectif « compétitivité régionale et emploi », qui reprend les thèmes d'intervention des anciens objectifs 2 et 3 ainsi que des initiatives communautaires Urban et Equal. Le zonage communautaire ayant été supprimé au profit d'une approche plus stratégique, tous les territoires non compris dans l'objectif 1 peuvent en bénéficier et la liste des régions éligibles doit être présentée par chaque Etat membre. La France recevra 9,1 milliards d'euros (en prix 2004) au titre de cet objectif ;

- 2,52 % seront consacrés à l'objectif « coopération territoriale européenne », tendant à développer les actions actuellement subventionnées dans le cadre de l'initiative communautaire Interreg III. 773 millions d'euros (en prix 2004) seront alloués à la France au titre de cet objectif. Sa mise en oeuvre pourra être confiée à un nouvel instrument de coopération, le groupement européen de coopération territoriale , doté d'une personnalité juridique reconnue à l'échelle européenne et regroupant sur une base conventionnelle les administrations nationales, régionales et locales ou d'autres organismes publics ou associatifs.

Ces crédits sont versés par trois instruments financiers :

- le Fonds de cohésion , auquel la France n'est toujours pas éligible, contribue à la réalisation de l'objectif « convergence » en finançant les réseaux transeuropéens de transport et les projets contribuant au développement durable ;

- le Fonds européen de développement régional (FEDER) contribue à la réalisation des trois objectifs prioritaires ;

- le Fonds social européen (FSE) contribue à la réalisation des objectifs « convergence » et « compétitivité régionale et emploi ».

Le Fonds de cohésion, s'il n'a toujours pas la qualification de fonds structurel, est ainsi désormais explicitement intégré à la politique de cohésion, et fait l'objet d'une programmation pluriannuelle alors qu'entre 2000 et 2006, il avait financé des projets approuvés au cas par cas par la Commission.

Chaque programme opérationnel ne peut plus être financé que par un seul fonds , sous réserve de quelques exceptions.

La politique de développement rural et la politique de la pêche, qui ne relèvent plus de la politique de cohésion, sont financées par deux nouveaux fonds : le Fonds européen agricole de développement rural (FEADER) et le Fonds européen de la pêche (FEP).

B. Les modalités de gestion des crédits de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne

La gestion des crédits de la politique de cohésion économique et sociale européenne est soumise à une réglementation détaillée qui précise les objectifs devant être poursuivis, les modalités d'attribution des aides et les contrôles à effectuer. Elle fait l'objet d'une programmation pluriannuelle.

En France, elle est assurée par l'Etat. Le plus souvent, elle est déconcentrée au niveau des préfets de région. La Commission européenne, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux y sont associés. Une synergie est recherchée avec la politique nationale d'aménagement du territoire conduite dans le cadre de contrats conclus entre l'Etat et les régions.

Cette compétence étatique relève d'un choix national. En effet, la réglementation européenne permet aux Etats membres de confier la gestion de certains programmes à des collectivités territoriales ainsi qu'à des organismes publics ou privés.

Des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et des groupements d'intérêt public se sont toutefois vu déléguer, dès 2000, la gestion de crédits destinés à favoriser la coopération interrégionale (programme Interreg) et la rénovation de quartiers urbains en difficulté (programme Urban). En 2003, l'Etat a confié à la région Alsace, par convention, la gestion des crédits affectés à la reconversion des zones en difficulté (crédits dits de l'« objectif 2 »).

La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a donné une base légale à ces initiatives, en les qualifiant de transferts expérimentaux de compétences organisés sur le fondement de l'article 37-1 de la Constitution, et prévu une évaluation de leurs résultats.

Le Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires (CIACT) qui s'est réuni le 6 mars 2006 a estimé, d'une part, que l'Etat restait le mieux à même de garantir la coordination et la cohérence des différentes aides, d'autre part, que les expérimentations conduites sur le fondement de la loi du 13 août 2004 étaient encore trop récentes pour donner des résultats probants.

En conséquence, seules quelques collectivités territoriales ont été désignées autorités de gestion de programmes opérationnels pour la période 2007-2013 :

- la région Alsace pour le programme opérationnel financé par le FEDER dans le cadre de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » de la politique de cohésion économique et sociale, pour le programme de coopération transfrontalière « Rhin supérieur » financé par le FEDER dans le cadre de l'objectif « coopération territoriale européenne » de cette même politique de cohésion, ainsi que pour le programme opérationnel de développement rural financé par le FEADER dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune ;

- la collectivité territoriale de Corse , pour le programme opérationnel de développement rural financé par le FEADER dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune ;

- la région Nord-Pas-de-Calais pour le programme de coopération transfrontalière « Mer du Nord », pour un programme de coopération interrégionale couvrant l'ensemble du territoire de l'Union européenne et pour le programme de coopération transnationale « Nord-ouest européen » financés par le FEDER dans le cadre de l'objectif « coopération territoriale européenne » de la politique de cohésion économique et sociale ;

- la région Haute-Normandie pour le programme de coopération transfrontalière « Manche » financé par le FEDER dans le cadre de l'objectif « coopération territoriale européenne » de la politique de cohésion économique et sociale ;

- la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur , conjointement avec la Sardaigne, pour un programme de coopération transnationale « Espace méditerranéen » financé par le FEDER dans le cadre de l'objectif « coopération territoriale européenne » de la politique de cohésion économique et sociale ;

- la région Guyane pour le programme de coopération transfrontalière « Amazonie » financé par le FEDER dans le cadre de l'objectif « coopération territoriale européenne » de la politique de cohésion économique et sociale ;

- la région Réunion pour deux programmes de coopération transfrontalière et de coopération transnationale « Océan indien » financés par le FEDER dans le cadre de l'objectif « coopération territoriale européenne » de la politique de cohésion économique et sociale ;

- la région Guadeloupe pour deux programmes de coopération transfrontalière et de coopération transnationale « Caraïbes » financés par le FEDER dans le cadre de l'objectif « coopération territoriale européenne » de la politique de cohésion économique et sociale.

D'importantes subventions globales n'en ont pas moins été consenties à de nombreuses collectivités territoriales pour la mise en oeuvre des programmes opérationnels financés par le FEDER et le FSE dans le cadre de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » de la politique de cohésion économique et sociale. A titre d'exemples, les crédits du programme opérationnel régional financé par le FEDER seront gérés par le conseil régional à hauteur de 44,64 % en Aquitaine, 44,2 % en Auvergne, 40,8 % en Basse-Normandie, 38,8 % en Bretagne, 40,68 % dans la région Centre, 40 % en Bourgogne, 38,6 % en Champagne-Ardenne, 39,7 % en Poitou-Charentes, 40,1 % dans la région Limousin ou encore 45 % dans la région Pays de Loire.

II. Le dispositif initialement proposé

L'article 33 du projet de loi de modernisation de l'économie a pour objet de donner une base légale à ces décisions, prises il y a environ un an .

Il reprend pour l'essentiel les dispositions initiales du projet de loi n° 31 (2006-2007) relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens qui, après son adoption avec modifications par le Sénat le 24 janvier 2007, ne fut jamais inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et ne fut pas non plus retransmis à son bureau après les élections législatives de juin 2007.

Le premier paragraphe (I) modifie l'article 44 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales afin de prévoir que l'Etat peut, à titre expérimental et dans le cadre d'une convention, confier aux régions ou à la collectivité territoriale de Corse , si elles en font la demande ou, à défaut, aux autres collectivités territoriales, à leurs groupements ou à un groupement européen de coopération territoriale prévu à l'article L. 1115-4-2 du code général des collectivités territoriales :

- la fonction d'autorité de gestion et celle d'autorité de certification de programmes relevant , pour la période 2007-2013, de l'objectif de coopération territoriale européenne de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne ou de l'instrument de voisinage et de partenariat de la Communauté européenne ;

- ainsi que la fonction d'autorité nationale, correspondante de l'autorité de gestion, chargée de mettre en oeuvre les réglementations nationale et communautaire afférentes aux programmes de coopération territoriale et de voisinage et portant sur le zonage retenu pour la partie française du programme, ainsi que de veiller à l'application de ces mêmes réglementations.

A l'instar de ce qui avait été prévu en 2004, les troisième et quatrième alinéas du texte proposé pour l'article 44 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales :

- d'une part, précisent le contenu de la convention , en exigeant notamment qu'elle prévoie les conditions dans lesquelles l'autorité retenue satisfait aux obligations de l'État résultant des règlements communautaires et supporte la charge des corrections et sanctions financières décidées à la suite des contrôles nationaux et communautaires ou par des arrêts de la Cour de justice des communautés européennes ;

- d'autre part, permettent à l'autorité retenue de confier par convention la fonction d'autorité de certification au Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) ou à des institutions financières telles que la Caisse des dépôts et consignations , plutôt qu'au réseau de la comptabilité publique.

Le second paragraphe (II) prévoit la poursuite , au cours de la période 2007-2013, de l'expérimentation menée par la région Alsace d'exercice des fonctions d'autorité de gestion et d'autorité de paiement de plusieurs programmes de la politique de cohésion au cours de la période 2000-2006, concrètement le programme opérationnel de l'objectif compétitivité régionale et emploi financé par le FEDER et un programme opérationnel de l'objectif coopération territoriale.

Un bilan de ces nouvelles expérimentations devrait être établi par les collectivités et groupements concernées au 31 décembre 2010 . Ce bilan devrait donner lieu à un rapport du Gouvernement au Parlement au cours du premier semestre 2011.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté trois amendements rédactionnels présentés par sa commission des lois.

IV. La position de votre commission spéciale

En premier lieu, votre commission spéciale constate que le Gouvernement demande au Parlement d'entériner des décisions qui ont toutes déjà été prises il y a environ un an. Les dispositions qui seront adoptées seront ainsi sans aucune incidence sur la désignation des autorités de gestion et de certification des programmes relevant de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne : toutes ces autorités ont déjà été désignées par l'Etat français et leur candidature a été approuvée par la Commission européenne.

En deuxième lieu, votre commission spéciale est favorable à ce que la gestion des crédits de la politique communautaire de cohésion économique et sociale puisse être décentralisée, dans les régions où le contexte local s'y prête. En effet, dans la mesure où seuls les projets co-financés par les personnes publiques françaises sont éligibles aux financements communautaires, un consensus sur les décisions à prendre doit exister au niveau local entre les principaux financeurs publics que sont l'Etat, la région, les départements et les principales agglomérations. Tel était d'ailleurs le sens des débats qui ont présidé à l'adoption par le Sénat, au mois de janvier 2007, du projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens.

En troisième lieu, votre commission spéciale, à l'instar de votre commission des lois, n'est en revanche pas convaincue de la nécessité de recourir à la loi pour autoriser la décentralisation de la gestion des crédits de la politique communautaire de cohésion économique et sociale, dans la mesure où :

- d'une part, cette possibilité est expressément prévue par les règlements communautaires, qui sont d'application directe ;

- d'autre part, aucune disposition légale française ne semble y faire obstacle depuis que l'article 131 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a mis fin au rôle exclusif du préfet de région pour la mise en oeuvre des politiques communautaires.

Elle comprend cependant que le Gouvernement ait souhaité prévenir tout risque de contentieux car, malgré les efforts déployés année après année, les compétences de l'Etat et des collectivités territoriales restent enchevêtrées.

En dernier lieu, dès lors que la mise en oeuvre des programmes concernant la coopération décentralisée est confiée avec succès à des collectivités territoriales ou à des groupements de collectivités territoriales au moins depuis 2000, votre commission spéciale juge inutile et sans doute contraire à la Constitution de prévoir encore une expérimentation : l'article 37-1 de la loi fondamentale exige en effet de toute expérimentation qu'elle revête un objet et une durée limités.

Telles sont les raisons pour lesquelles elle vous soumet un amendement ayant pour objet d'introduire dans la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales des dispositions pérennes -et non plus transitoires et expérimentales- permettant à l'Etat, conformément aux règlements communautaires, de confier aux collectivités territoriales, à leurs groupements ou aux groupements européens de coopération territoriale qui en font la demande, la responsabilité de la mise en oeuvre de programmes relevant de la politique de cohésion économique et sociale de la Communauté européenne ou de l'instrument de voisinage et de partenariat de la Communauté européenne .

Il s'agirait d'une simple faculté offerte à l'Etat : dans la mesure où il est le seul interlocuteur des institutions de l'Union européenne et doit supporter d'éventuelles sanctions financières pour manquement aux règles communautaires, il paraît en effet normal qu'il prenne les décisions relatives aux modalités de mise en oeuvre des programmes relevant de la politique de cohésion économique et sociale et choisisse, en fonction des contextes locaux, la personne publique la mieux à même d'en assumer la responsabilité.

Enfin, les décisions proposées ne remettraient nullement en cause les décisions déjà prises mais leur donneraient simplement une base légale.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 33 bis (nouveau) - (article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques) Coûts de dépollution des immeubles cédés par l'Etat

Commentaire : cet article, ajouté par les députés, précise que les opérations de dépollution des immeubles cédés par l'Etat peuvent être réalisées par l'acquéreur, leur coût étant alors répercuté dans le prix de vente. Il prévoit en outre que les tiers construisant sur un terrain de l'Etat en cours de transfert sont redevables des impôts dus.

I. Les travaux de l'Assemblée nationale

Le 1° de l'article 33 bis , inséré par un amendement présenté M. Guy Teissier tend à faciliter la vente des implantations foncières détenues par l'Etat, notamment le ministère de la Défense. En effet, la restructuration de l'implantation des forces armées conduit à la libération de nombreux terrains qui, une fois cédés, pourraient permettre la mise en oeuvre d'opérations d'aménagement. Toutefois, la vente de ces terrains nécessite, au préalable, la mise en oeuvre de mesures de dépollution coûteuses. En l'occurrence, le ministère de la Défense n'a bien souvent pas les moyens financiers de les réaliser, ce qui bloque les transferts.

L'amendement ouvre donc la possibilité de mettre ces coûts à la charge de l'acquéreur et de les répercuter sur le prix de vente . Sa version initiale précisait que ce prix était fixé par un organisme expert indépendant. Le Gouvernement a souhaité, par un sous-amendement, préciser que l'organisme ne fixerait que le coût de la dépollution et non le prix de vente , qui doit relever selon lui de la compétence de France Domaine. En outre, il a transformé l'obligation de recours à cet organisme en simple faculté .

Le 2° de l'article 33 bis précise que les tiers construisant sur un terrain de l'Etat en cours de transfert sont redevables des impôts dus . Dans l'esprit de l'auteur du sous-amendement, M. Charles de Courson, il s'agit de s'assurer qu'une construction sur un terrain de l'Etat exonéré, dont le transfert est en cours, est bien assujettie à ces impôts, notamment la taxe sur le foncier bâti.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale souscrit totalement au dispositif du 1° de l'article 33 bis , qui devrait permettre d'accélérer les cessions et ainsi de libérer du foncier pour des opérations d'aménagement, et vous propose un amendement rédactionnel.

Elle partage également l'objectif poursuivi par le 2° de cet article, mais s'interroge sur son utilité au regard du droit existant. En effet, s'agissant de la taxe sur le foncier bâti, aux termes des principes généraux de la fiscalité, en cas de construction sur le sol d'autrui -cas soulevé ici- dès lors que la construction n'est pas destinée, à l'expiration du bail, à être abandonnée sans indemnité au propriétaire du terrain, le sol et la construction élevée sur ce sol sont la propriété de deux contribuables différents . Dans ce cas, il convient de répartir la valeur locative de l'immeuble entre le propriétaire de l'élévation et celui du sol et d'établir une imposition distincte au nom de chacun d'eux au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Votre commission spéciale souhaite donc, sous réserve d'un engagement du ministre en séance publique à faire appliquer ce principe par l'administration fiscale, supprimer le 2° de cet article et vous propose un amendement en ce sens.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 33 ter (nouveau) - (article L. 122-18 du code de l'urbanisme) Possibilité pour les syndicats mixtes de gérer les schémas de cohérence territoriale

Commentaire : cet article, ajouté par les députés, vise à permettre à des syndicats mixtes « ouverts » d'exercer les compétences d'élaboration, de suivi et de révision des schémas de cohérence territoriale (SCOT).

I. Le droit en vigueur

La loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains a prévu que le SCOT devait être élaboré par un EPCI ou par un syndicat mixte exclusivement composé des communes et EPCI compétents compris dans le périmètre du schéma.

Une dérogation transitoire à ce principe a été prévue à l'article L. 122-18 du code de l'urbanisme, qui prévoit que si l'EPCI chargé d'élaborer le SCOT est un syndicat mixte « ouvert » constitué avant le 3 juillet 2003, ce syndicat garde cette compétence jusqu'à l'approbation du SCOT.

Une autre dérogation a été ajoutée pour les parcs naturels régionaux , dont le syndicat peut élaborer le SCOT, sous réserve que seules les communes et EPCI situés à l'intérieur de son périmètre prennent part aux délibérations, et à condition que les autres communes comprises dans le périmètre du schéma adhérent au syndicat mixte pour cette compétence.

Le caractère limité de ces dérogations a conduit en pratique à l'obligation, dans certains cas, de créer un deuxième syndicat mixte pour exercer les seules compétences d'élaboration, de suivi et de révision du SCOT. Or, les deux syndicats rassemblent quasiment les mêmes personnes publiques et génèrent donc chacun des frais de fonctionnement.

C'est pourquoi l'article 15 de la loi de simplification du droit de décembre 2007 a modifié l'article L. 122-18 afin de permettre aux syndicats mixtes « ouverts » de conserver la compétence de gestion du SCOT. Toutefois, la rédaction adoptée laissait planer une ambiguïté sur l'application de ces dispositions aux syndicats créés après le 3 juillet 2003 .

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

Le présent article, inséré par un amendement présenté par M. Philippe Gosselin, vise à lever l'ambiguïté de l'article L. 122-18 en supprimant toute référence à la date du 2 juillet 2003.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne peut que souscrire à cette disposition destinée à simplifier les procédures pour les collectivités territoriales. Elle constate toutefois que l'amendement proposé supprime, de fait, le régime transitoire prévu à l'article L. 122-18. Elle vous propose donc un amendement déplaçant, dans un souci de clarté juridique, la disposition adoptée afin de l'insérer dans l'article relatif à la dérogation permanente applicable aux parcs naturels régionaux et de créer une dérogation générale, pour tous les syndicats mixtes.

Dans cette nouvelle rédaction, l'article 33 ter propose donc d'étendre les dispositions relatives aux parcs naturels régionaux à tous les syndicats mixtes : lorsque la majorité des communes comprises dans le périmètre du schéma de cohérence territoriale sont membres d'un syndicat mixte, celui-ci pourra exercer la compétence d'élaboration, de suivi et de révision du SCOT, sous les deux mêmes conditions que celles susmentionnées pour les parcs naturels régionaux.

En conséquence, le 2° de l'amendement propose de supprimer l'ancienne disposition transitoire (avant-dernier alinéa de l'article L. 122-18), qui se trouve désormais incluse dans la dérogation générale.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 33 quater (nouveau) Etude d'impact territoriale en cas de projet de réorganisation d'un service ou d'un établissement public dépendant de l'Etat

Commentaire : cet article prévoit la réalisation d'une étude d'impact territoriale sous l'autorité conjointe du représentant de l'Etat et de la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires quand un projet de réorganisation d'un service ou d'un établissement public dépendant de l'État est susceptible d'affecter l'équilibre économique d'un bassin d'emploi.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'exposé des motifs de l'amendement à l'origine de cet article nouveau précise que les réorganisations des services de l'Etat peuvent avoir un fort impact économique au niveau des bassins d'emploi , l'Etat étant parfois le premier employeur dans une ville, et que cet impact territorial peut être accentué lorsqu'une réorganisation d'un service de l'Etat succède à une autre, sans vision d'ensemble de l'avenir d'un territoire. Il note aussi qu'au-delà de la prise en charge des salariés licenciés dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, l'Etat impose aux entreprises, à l'article L. 321-17 du code du travail, une obligation de revitalisation du territoire.

C'est pourquoi, conclue l'exposé des motifs, il est paradoxal que l'Etat se désintéresse des conséquences socio-économiques de ses propres projets de restructurations sur l'avenir d'un territoire. De son côté, le président de la commission des affaires économiques a indiqué en séance que l'objectif du dispositif proposé était de fournir des outils permettant de rassurer, psychologiquement et concrètement, les populations et les élus face au traumatisme des fermetures d'établissements publics, quels qu'ils soient, et que les études d'impact permettront de lancer plus tôt les projets permettant de créer des emplois.

Le dispositif mis en place à cette fin prévoit que l'étude d'impact doit permettre d'évaluer les conséquences de la restructuration projetée sur le tissu économique du bassin d'emploi dans lequel le service ou l'établissement concerné est implanté ainsi que sur les finances locales. Elle doit aussi envisager les actions de nature à atténuer ces effets et à favoriser la création d'activités nouvelles. L'étude doit être transmise par le représentant de l'État aux collectivités territoriales intéressées et à leurs groupements, ainsi qu'aux organismes consulaires concernés.

II. La position de votre commission spéciale

Il est exact que le plan de sauvegarde de l'emploi imposé par l'article L. 1233-61 du code du travail dans les entreprises de cinquante salariés et plus lorsque un projet de licenciement concerne dix salariés ou plus dans une même période de trente jours doit comprendre, entre autres dispositifs, des mesures telles que des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi.

La référence à l'article L. 1233-61 du code du travail pose de façon pertinente le cadre territorial optimal de l'étude d'impact créée par l'article 33 quater du projet de loi. Peut-on suggérer pour autant que l'Etat s'exonère, lors de ses propres opérations, des obligations qu'il impose par ailleurs aux entreprises désireuses de se restructurer en procédant à des licenciements ?

Comme la ministre de l'économie en a fait la remarque au cours du débat en demandant le retrait de l'amendement à l'origine de cet article, la réorganisation territoriale des services et établissements publics dépendant de l'Etat est d'ores et déjà l'objet d'évaluations de la part du Gouvernement. Le ministère de la défense, en particulier, a fait la preuve de sa capacité à se réformer tout en accompagnant la reconversion des bassins d'emploi concernés, a-t-elle plaidé. Une étude d'impact est d'ores et déjà systématiquement réalisée dans ce domaine avec la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT) et le secrétariat d'Etat à l'aménagement du territoire.

Une fois les mesures prises, une étude des potentialités économiques et sociales, voire immobilières, sera proposée aux comités territoriaux réunis autour du préfet, a-t-elle aussi précisé. En ce qui concerne par ailleurs la réforme des services de la direction générale des finances publiques, a-t-elle ensuite exposé, le principe de proximité sera respecté. Une étude d'impact a, là aussi, été menée à l'échelon local pour évaluer les conséquences de chaque restructuration. Ces études d'impact peuvent, à la demande du préfet, être présentées à la commission départementale de modernisation et d'organisation des services publics, qui doit favoriser la concertation locale en cas de réorganisation. En outre, les préfets doivent de manière générale veiller à ce que les réorganisations se passent au mieux sur le plan local.

L'article 33 quater ne comble donc pas un vide béant, il faut en prendre acte.

Il est néanmoins justifié de donner une valeur normative et générale aux démarches préventives déjà menées . On peut se référer à cet égard au modèle fourni par le régime juridique des études d'impact environnemental.

Ce régime est le produit d'une expérience législative déjà ancienne. Rappelons en effet que c'est la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature qui a posé le principe selon lequel les travaux et projets d'aménagement entrepris aussi bien par une collectivité publique ou ceux qui nécessitent une autorisation ou une décision d'approbation, ainsi que les documents d'urbanisme, doivent respecter les préoccupations d'environnement. Des études d'impact doivent être menées à cette fin.

Le code de l'environnement rassemble dans ses articles L. 122-1 à L. 122-3 les dispositions régissant le domaine et le contenu de ces études d'impact. Ainsi l'article L. 122-1 dispose-t-il que les études préalables à la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages qui, par l'importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur le milieu naturel, peuvent porter atteinte à ce dernier, doivent comporter une étude d'impact permettant d'en apprécier les conséquences. Aucune liste des aménagements et ouvrages concernés n'est donnée par la loi, toutefois l'article L. 122-3 prévoit une liste limitative des ouvrages qui, en raison de la faiblesse de leurs répercussions sur l'environnement, ne sont pas soumis à la procédure de l'étude d'impact. Cette liste figure dans le décret n° 93-245 du 25 février 1993.

Par ailleurs, l'article L. 122-3 prévoit que le décret fixe le contenu de l'étude d'impact qui comprend au minimum, entre autres, une analyse de l'état initial du site et de son environnement, l'étude des modifications que le projet y engendrerait, l'étude de ses effets sur la santé et les mesures envisagées pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l'environnement et la santé.

Au vu de ce dispositif éprouvé, il semble que le texte adopté par l'Assemblée nationale soit de portée très large , dans la mesure où il couvre potentiellement l'ensemble des projets de réorganisation des services et établissements de l'Etat, tout projet étant « susceptible d'affecter l'équilibre économique d'un bassin d'emploi ». Il semble aussi qu'il soit d'ambition très vaste, dans la mesure où l'étude doit évaluer « les actions de nature à atténuer » les effets des réorganisations et à « promouvoir la création d'activités nouvelles ».

De fait, le président de la commission des affaires économiques a indiqué en séance publique qu'il faudrait sans doute s'efforcer, avec les rapporteurs du Sénat, de réduire la portée, un peu trop générale, du dispositif adopté.

A cette fin, il apparaît opportun de s'en tenir à la fixation dans la loi des objectifs et du cadre général de l'étude d'impact économique et sociale instituée.

Tel est l'objet de l' amendement de réécriture adopté par votre commission.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

CHAPITRE III - Développer l'économie de l'immatériel

Initialement composé de trois articles et en comportant désormais six, ce chapitre, dont l'intitulé reprend celui du rapport remis en décembre 2006 par MM. Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet au ministre chargé de l'économie, a pour objet de favoriser le développement des richesses immatérielles de l'économie, ce qui contribuera à renforcer l'attractivité de la France au service de la croissance : d'abord, en améliorant le système de protection des droits de propriété intellectuelle (articles 34 à 35 bis ) ; ensuite, en sécurisant le crédit d'impôt recherche (article 36) ; enfin, en modernisant le régime d'évaluation de la conformité et de certification des produits et services (article 36 bis ).

Article 34 - (articles L. 611-10, L. 611-11, L. 611-16, L. 612-12, L. 613-2, L. 613-24, L. 613-25, L. 614-6 et L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle) Adaptation du code de la propriété intellectuelle à la convention révisée sur le brevet européen

Commentaire : cet article vise à intégrer dans notre droit les principales modifications apportées par l'acte de révision de la convention sur le brevet européen (CBE) du 29 novembre 2000, entré en vigueur le 13 décembre 2007. Notamment, la deuxième application thérapeutique devient brevetable et le titulaire d'un brevet européen peut désormais limiter son titre, à titre rétroactif et de manière centralisée, en modifiant le libellé de ses revendications.

I. Le droit en vigueur

Les brevets d'invention font l'objet d'un titre du livre VI (« Protection des inventions et des connaissances techniques ») de la deuxième partie, consacrée à la propriété industrielle, du code de la propriété intellectuelle.

A. Le champ du brevetable

L'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle définit le champ de la brevetabilité : « sont brevetables les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle ». Son 4° y inclut les inventions portant sur un produit constitué de matière biologique ou sur un procédé relatif à la matière biologique, sous réserves des dispositions des articles L. 611-17 (contrariété à la dignité de la personne humaine, à l'ordre public ou aux bonnes moeurs), L. 611-18 (non brevetabilité du corps humain, sauf d'un de ses éléments associé à une fonction) et
L. 611-19 (non brevetabilité des races animales et variétés végétales) du même code.

L'article L. 611-11 définit le caractère de nouveauté exigé d'une invention pour qu'elle soit brevetable : est considérée comme nouvelle une invention « si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique ». Son dernier alinéa précise néanmoins qu'il est possible de breveter une substance ou une composition exposée dans l'état de la technique, si son utilisation pour une méthode de traitement chirurgical ou thérapeutique ou de diagnostic n'est pas, quant à elle, contenue dans l'état de la technique.

Enfin, l'article L. 611-16 interdit de considérer comme des inventions « susceptibles d'application industrielle au sens de l'article L. 611-10 » les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique et les méthodes de diagnostic. Cette disposition ne s'applique pas aux produits mis en oeuvre par ces méthodes.

Par cohérence, l'article L. 612-12 relatif à l'instruction des demandes prévoit le rejet de toute demande de brevet , notamment :

- qui aurait pour objet une invention manifestement non brevetable en application des articles L. 661-17, L. 611-18 et L. 611-19 (4° de l'article L. 612-12) ;

- dont l'objet ne peut manifestement être considéré comme une invention au sens de l'article L. 611-10 ou comme une invention susceptible d'application industrielle au sens de l'article L. 611-16 (5 ° de l'article L. 612-2).

Son dernier alinéa prévoit aussi, en cas de non-conformité partielle de la demande aux dispositions des articles L. 611-17 et L. 611-18 ou L. 612-1, la suppression d'office des parties correspondantes de la description et des dessins.

B. Les droits conférés par le brevet

Concernant la protection conférée par le brevet, l'article L. 613-12 du code de la propriété intellectuelle dispose que son étendue est déterminée par la teneur des revendications, la description et les dessins servant à interpréter ces dernières.

S'agissant de la révocation du brevet, l'article L. 613-24 prévoit que le propriétaire du brevet peut renoncer en tout ou partie aux revendications de son brevet.

Concernant la perte du brevet, l'article L. 613-25 prévoit trois motifs d'annulation du brevet :

- si son objet n'est pas brevetable ;

- s'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme de métier puisse l'exercer ;

- si son objet s'étend au-delà du contenu de la demande déposée.

C. Les brevets européens

L'article L. 614-6 prévoit qu'une demande de brevet européen ne peut être transformée en demande de brevet français que dans les cas prévus à l'article 135-1 (a) de la convention sur le brevet européen du 5 octobre 1973, dite « convention de Munich ». Si un rapport de recherche a été établi avant transformation de la demande, ce rapport est réputé satisfaire l'obligation légale française exigeant elle aussi d'établir un rapport de recherche pour faire le point sur l'état de la technique et apprécier ainsi la brevetabilité de l'invention.

Enfin, pour ce qui est de l'annulation d'un brevet européen en ce qui concerne la France, elle est également prévue, à l'article L. 614-12, et doit être prononcée pour l'un des motifs visés à l'article 138 (paragraphe 1) de la convention de Munich.

II. Le dispositif initialement proposé

Le projet de loi apporte à chacun de ces points des améliorations, découlant le plus souvent de la révision de la convention de Munich entrée en vigueur le 13 décembre 2007.

A. Le champ du brevetable

Plusieurs modifications concernant le champ des inventions brevetables sont opérées par les paragraphes I à IV de l'article 34 du projet de loi :

- il est proposé au I de préciser qu'un brevet peut être délivré pour toute invention « dans tous les domaines technologiques » , précision calquée sur celle apportée en 2000 à l'article 52 de la convention de Munich par alignement sur les dispositions internationales en la matière (à savoir l'article 27 de l'annexe à l'accord de Marrakech relative aux aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce - ADPIC -). Ne relèvent pas de cette catégorie : les découvertes, les théories scientifiques, les créations esthétiques et les programmes d'ordinateurs.

Par ailleurs, ce paragraphe I prévoit d'ajouter l'article L. 611-16, excluant de la brevetabilité les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique et les méthodes de diagnostic, à la liste des articles encadrant la brevetabilité des inventions relatives à la matière biologique ;

- le paragraphe II , en modifiant le quatrième alinéa de l'article L. 611-11 et en y ajoutant un alinéa, clarifie le caractère brevetable de produits déjà compris dans l'état de la technique mais faisant l'objet d'une nouvelle utilisation thérapeutique.

La protection des applications thérapeutiques ultérieures souffrait en effet d'un défaut de sécurité juridique, du fait d'une controverse jurisprudentielle relative à l'article 54(5) de la convention de Munich. La révision de cette convention en 2000, ici transposée, met fin à cette incertitude : toute application thérapeutique ultérieure d'une substance ou d'une composition qui est déjà connue comme médicament bénéficiera à l'avenir d'une protection limitée à l'application de cette substance.

La protection juridique des applications thérapeutiques ultérieures

Aux termes de l'article 54(5) de la convention de Munich de 1973, les substances ou compositions sont considérées comme nouvelles si elles sont utilisées pour la première fois dans une méthode thérapeutique, au sens de l'article 53(c). Cette disposition offre une compensation partielle à l'exclusion de la brevetabilité de méthodes thérapeutiques. Le but de cette compensation est d'éviter que les médecins ne soient gênés dans l'exercice de leur profession par les brevets existants.

La Grande Chambre de recours de l'Office européen des brevets interprète l'article 54(5) de manière large puisque ce dernier ne compense qu'en partie l'exclusion de méthodes thérapeutiques. Par conséquent cette disposition s'applique à chaque application thérapeutique ultérieure, pour autant que la revendication en question se limite à une forme précise, appelée « forme de revendication suisse ». Cette forme de revendication, qui trouve son fondement dans la pratique de l'office des brevets suisse, permet une revendication limitée, dans la mesure où elle représente l'utilisation d'une substance ou d'une composition pour la fabrication d'un médicament en vue d'un nouvel usage thérapeutique précis. Cette pratique a été reprise par la Grande Chambre de recours de l'Office européen des brevets, ainsi que par la plupart des tribunaux nationaux et des divisions de recours des offices des brevets des Etats parties à la CBE.

Le tribunal d'arrondissement de La Haye s'est cependant écarté de cette pratique le 16 février 2000. Il a estimé que la forme de revendication suisse décrivait effectivement une méthode thérapeutique et qu'elle n'était de ce fait pas brevetable.

Le nouvel article de la Convention, tel qu'il est issu de l'Acte de révision, élimine l'insécurité juridique concernant la brevetabilité d'applications thérapeutiques ultérieures, due notamment à la décision du tribunal de La Haye. Ainsi, toute application thérapeutique ultérieure d'une substance ou d'une composition qui est déjà connue comme médicament bénéficiera à l'avenir d'une protection limitée à l'application de cette substance.

Source : rapport n° 3 (2007-2008) sur le projet de loi autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance de brevets européens de M. Hubert Haenel, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

- le paragraphe III aligne la rédaction de l'article L. 611-16 relatif aux méthodes thérapeutiques sur la rédaction correspondante de l'article 53 de la convention de Munich de 2000 : ces méthodes seront désormais de facto non brevetables, alors que, dans le droit en vigueur comme à l'article 52(4) de la convention sur le brevet européen de 1973, elles sont considérées comme n'étant pas susceptibles d'application industrielle et, par conséquence indirecte, exclues de brevetabilité ;

- le paragraphe IV effectue de ce fait plusieurs coordinations à l'article L. 612-12, en transférant du 5° au 4° de ce dernier la référence à l'article L. 611-16, afin de l'intégrer dans la liste des articles au titre desquels une invention peut être exclue de brevetabilité, justifiant l'annulation d'un brevet. En outre, le 3° de ce paragraphe insère une référence nouvelle dans le dernier alinéa de l'article L. 612-12, lequel prévoit actuellement la suppression d'office des parties correspondantes de la description et des dessins en cas de non-conformité partielle de la demande aux dispositions des articles L. 611-17 et L. 611-18 ou L. 612-1 : il est proposé d'ajouter à cette liste une référence à l'article L. 611-19 (4°), afin de prendre en compte sa création en 2004. Ce 4° de l'article L. 611-19 interdit de breveter les procédés de modification de l'identité génétique des animaux de nature à provoquer chez eux des souffrances sans utilité médicale substantielle pour l'homme ou l'animal, ainsi que les animaux issus de tels procédés. Le dernier alinéa de l'article L. 612-12 traitant du cas de la non-conformité partielle ne peut concerner que le 4° de l'article L. 611-19 puisque, dès lors que sont applicables les 1° à 3° de l'article L. 611-19, il ne peut s'agir que de non-conformité totale.

B. Droits conférés par le brevet

Le paragraphe V modifie la rédaction de l'article L. 613-2 relatif à l'étendue de la protection conférée par le brevet pour l'aligner sur la nouvelle version de la convention de Munich entrée en vigueur en décembre dernier : le nouvel article 69 de la CBE 2000 stipule en effet que « l'étendue de la protection conférée par le brevet est déterminée par les revendications » et non par « la teneur des revendications ». Le projet de loi propose de retenir la même formulation pour l'article L. 613-2, afin de supprimer l'ambiguïté attachée au mot « teneur » qui n'a pas de réelle consistance juridique . La protection conférée par le brevet gagnerait ainsi en sécurité juridique.

Le paragraphe VI propose d'introduire en droit français la possibilité de limiter le brevet , comme le permet la CBE 2000. En effet, jusqu'à l'entrée en vigueur de la CBE 2000, l'article 68 de la convention de Munich ne connaissait que la révocation du brevet , par laquelle son titulaire renonce en tout ou partie aux revendications correspondantes. Désormais, il devient possible au titulaire de modifier les revendications pour limiter la portée du brevet.

Le paragraphe VI modifie en conséquence l'article L. 613-24 en précisant les modalités applicables à toute demande de limitation ou de renonciation (requête adressée à l'Institut national de la propriété intellectuelle -INPI- dont le directeur examine la conformité avec les conditions qui auront été fixées par voie réglementaire), et en prévoyant que les effets de la limitation (comme de la renonciation, ce qui est nouveau puisque, en l'état actuel du droit, la renonciation prend effet à compter du jour de sa publication) rétroagissent à la date du dépôt de la demande de brevet (conformément à l'article 69 de la CBE 2000).

Pour que la modification des revendications ne puisse être utilisée qu'afin de limiter le brevet et pour que l'assouplissement introduit par la possibilité de limiter un brevet n'en vienne à menacer la sécurité juridique, il est prévu, par le 1° du paragraphe VII , de créer un nouveau motif d'annulation du brevet à l'article L. 613-25 : le cas où, après limitation, l'étendue de la protection conférée par le brevet a en fait été accrue .

Il est également proposé de prévoir de compléter cet article du code par deux alinéas autorisant le titulaire d'un brevet à le limiter dans le cadre d'une action en nullité , qui serait dès lors dirigée contre le brevet ainsi limité. Néanmoins, un garde-fou est prévu pour éviter tout abus : une amende civile d'au plus 3.000 euros peut être infligée, en sus des dommages-intérêts éventuels, au titulaire de brevet qui, au cours d'une même instance, procèderait à plusieurs limitations du brevet « de manière dilatoire ou abusive ».

Des dispositions exactement symétriques s'appliquant aux brevets européens sont prévues par le 2° du paragraphe IX , qui propose de compléter à cette fin l'article L. 614-12 (le 1° du même paragraphe prévoyant simplement d'apporter des améliorations rédactionnelles à cet article L. 614-12).

Enfin, concernant la demande de brevet européen, prévue à l'article L. 614-6, le paragraphe VIII réduit à une seule hypothèse les circonstances où une demande de brevet européen peut être transformée en demande de brevet français : le cas où la demande de brevet européen est réputée retirée du fait du dépassement du délai exigé pour sa transmission à l'Office européen des brevets (OEB). C'est en effet ce que prévoit l'article 135-1 (a) de la convention de Munich révisée en 2000 (l'autre cas de transformation possible d'une demande de brevet européen en demande de brevet français étant devenu obsolète et ayant donc été supprimé). En outre, le 3° de ce paragraphe VIII corrige opportunément une référence figurant au dernier alinéa de cet article L. 614-6, renvoyant au rapport de recherche qui est effectivement prévu non pas à l'article L. 612-15 mais à l'article L. 612-14.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté en l'état cet article, sous réserve d'une légère précision rédactionnelle apportée au 1° du II.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale se félicite de ces dispositions qui sécurisent le droit applicable aux brevets . Les entreprises industrielles tireront assurément bénéfice de la clarification du champ de la protection conférée par leur brevet que permettra, notamment lors de procédures contentieuses en contrefaçon, la limitation de ce brevet à titre rétroactif.

Par ailleurs, l'affirmation de la possibilité de breveter toute application thérapeutique ultérieure d'une substance ou d'une composition déjà connue offre une visibilité et une sécurité précieuses pour les entreprises de l'industrie pharmaceutique ou médicale.

Votre commission spéciale vous propose simplement un amendement rédactionnel afin de clarifier la rédaction du dernier alinéa de l'article L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle. Il vise à affirmer le caractère alternatif et non cumulatif des cas justifiant une suppression d'office d'une partie de la description et des dessins contenus dans la demande de brevet.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 34 bis (nouveau) - (articles L. 513-3, L. 613-9 et L. 714-7 du code de la propriété intellectuelle) Protection du licencié non-inscrit aux registres nationaux

Commentaire : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, vise à assurer la protection du licencié même si sa licence n'est pas inscrite aux registres nationaux des marques, brevets, dessins et modèles.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté cet article additionnel qui a pour objet d'anticiper sur les ordonnances prévues à l'article 35. En effet, le Gouvernement projetait d'adapter par ordonnance l'exercice des droits attachés aux titres de propriété industrielle : précisément, il s'agit ici d'inscrire dans le droit national la possibilité, qu'introduit le traité de Singapour en matière de marques, de rendre opposables aux tiers, pour établir un préjudice, un contrat affectant une marque sans que ce contrat soit inscrit au registre national des marques .

C'est l'objet du III de cet article, qui complète à cet effet l'article L. 714-7 du code de la propriété intellectuelle. En l'état actuel, l'article L. 714-7 exige l'inscription au registre national des marques pour rendre opposable aux tiers toute transmission ou modification des droits attachés à une marque enregistrée. Le III de cet article 34 bis propose une exception à ce principe pour rendre un acte, avant son inscription, opposable aux tiers qui ont acquis des droits après la date de cet acte mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l'acquisition de ces droits. Il autorise aussi un licencié, partie à un contrat de licence non-inscrit au registre (national ou international) des marques, à intervenir dans une instance en contrefaçon engagée par le propriétaire de la marque, afin d'obtenir la réparation de sa part de préjudice.

Conformément au projet gouvernemental d'étendre aux brevets, dessins et modèles cette même possibilité, l'article 34 bis prévoit de compléter les articles L. 613-9 et L. 513-3 du code de la propriété intellectuelle.

Le II de l'article complète à cette fin l'article L. 613-9, qui exige aujourd'hui l'inscription au registre national des brevets d'un acte transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet pour qu'il soit opposable aux tiers. Le complément proposé par les députés vise à autoriser le licencié à intervenir dans une action en contrefaçon engagée par le propriétaire du brevet faisant l'objet de la licence. Il n'est pas ici proposé d'introduire une exception permettant l'opposabilité d'une licence avant son inscription car cette exception est déjà prévue dans la rédaction actuelle de l'article L. 613-9.

Enfin, le I de l'article concerne les dessins et modèles : il complète ainsi, dans des termes strictement identiques à ceux proposés pour compléter l'article L. 714-7 relatif aux marques, l'article L. 513-3 qui interdit d'opposer aux tiers tout acte modifiant ou transmettant les droits attachés à un dessin ou modèle déposé qui n'aurait pas été inscrit au registre national des dessins et modèles.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale accueille très favorablement cet assouplissement proposé par les députés, qui atténue, au bénéfice des entreprises, le formalisme des procédures .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 35 Habilitation du Gouvernement à adapter, par ordonnances, le code de la propriété intellectuelle pour le simplifier et le rendre conforme aux engagements de la France

Commentaire : cet article vise à habiliter le Gouvernement l'habilitation à prendre, par ordonnance, les dispositions nécessaires pour rendre le code de la propriété intellectuelle conforme à plusieurs traités internationaux et pour simplifier et améliorer les procédures en matière de titres de propriété industrielle.

I. Le dispositif initialement proposé

L'article 35 comprend trois paragraphes prévoyant la prise de deux ordonnances.

Le paragraphe I autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, les dispositions relevant du domaine de la loi et modifiant notamment le code de la propriété intellectuelle pour assurer sa conformité avec trois traités internationaux :

- le traité sur le droit des brevets, adopté à Genève le 1 er juin 2000 ;

- le traité de Singapour sur le droit des marques, adopté le 27 mars 2006 ;

- le protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949, relatif à l'adoption d'un signe distinctif additionnel (dit « Protocole III »), adopté à Genève le 8 décembre 2005.


• Le traité sur le droit des brevets
(dit PLT pour « Patent law treaty ») est entré en vigueur le 28 avril 2005 mais n'a pas encore été ratifié par la France (un projet de loi de ratification aurait toutefois été transmis au Conseil d'Etat). Il a pour objectif d'harmoniser les conditions de forme prescrites par les offices de brevets nationaux et régionaux et de simplifier les procédures d'obtention et de maintien en vigueur d'un brevet.

Aux yeux du Gouvernement et selon les informations recueillies par votre rapporteur, les modifications induites par ce traité sont pour l'essentiel des modifications des règles afférentes à l'attribution d'une date de dépôt pour les brevets et l'ouverture de la procédure dite de « restitutio in integrum » :

- l'article L. 612-2 nouveau, qu'envisage de créer le Gouvernement, devrait modifier les règles afférentes à l'attribution d'une date de dépôt pour les brevets . L'attribution d'une date de dépôt pour un brevet suppose aujourd'hui que soient produites notamment une description de l'invention ainsi que des revendications, soit la partie du brevet dans laquelle le déposant indique la portée du monopole qu'il entend revendiquer. Désormais la procédure sera plus souple puisque le dépôt des revendications ne sera plus obligatoire pour l'attribution d'une date de dépôt ;

- selon les projets gouvernementaux, les articles L. 612-16 et L. 612-16-1 nouveaux modifieront la procédure de recours en restauration en matière de brevet (procédure dite de « restitutio in integrum »). La procédure de délivrance d'un brevet contient de nombreux délais qui, s'ils ne sont pas respectés, peuvent entraîner la perte des droits du déposant. Dans un tel cas, et si le non respect de l'un de ces délais peut être justifié, le déposant peut alors être rétabli dans ses droits.

Actuellement, deux procédures distinctes existent dans le code de la propriété intellectuelle (les articles L. 612-16 et L. 613-22). Le PLT et un souci de rationalisation devraient conduire le Gouvernement à les fusionner et à ne conserver que l'article L. 612-16. Par ailleurs, jusqu'à ce jour, le délai de priorité institué par l'article 4 de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle était exclu du champ d'application d'un tel recours. Le PLT l'autorise désormais et c'est pourquoi devrait être créé un article
L. 612-16-1.

Qu'est-ce que le PLT ?

Le 1 er juin 2000, la Conférence diplomatique pour l'adoption du traité sur le droit des brevets, qui s'est tenue sous les auspices de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) et à laquelle ont participé 140 Etats souverains, a adopté par consensus le Traité sur le droit des brevets.

Le Traité sur le droit des brevets (PLT) a pour objectif d'harmoniser les conditions de forme prescrites par les offices de brevets nationaux et régionaux et de simplifier les procédures d'obtention et de maintien en vigueur d'un brevet. Il prévoit notamment :

1) des conditions minimum relatives à la date de dépôt et des procédures permettant d'éviter la perte de la date de dépôt si des conditions de forme ne sont pas remplies ;

2) une série unique de conditions de forme pour les demandes déposées auprès des offices nationaux et régionaux, qui sont harmonisées au niveau international et conformes aux conditions de forme prévues par le Traité de coopération en matière de brevets (PCT) ;

3) des formulaires normalisés qui doivent être acceptés par tous les offices ;

4) des procédures simplifiées devant l'office des brevets ;

5) des mécanismes permettant d'éviter la perte de droits du fait de l'inobservation d'un délai ou d'autres conditions de forme ;

6) des principes de base pour la mise en oeuvre du dépôt électronique.

Le PLT prévoit la liste maximale des conditions que l'office d'une partie contractante peut imposer. Cela signifie qu'une partie contractante est libre de prévoir des conditions plus favorables du point de vue des déposants et des titulaires. Les dispositions du PLT sont applicables aux demandes de brevet et aux brevets nationaux et régionaux, ainsi qu'aux demandes internationales selon le PCT dès lors qu'elles sont entrées dans la « phase nationale ».

Pourquoi le PLT est-il important ?

La normalisation et la simplification des conditions de forme prévues par le PLT réduiront les risques d'erreurs et donc de perte de droits. Outre la réduction des coûts, il s'agit d'un aspect important pour les inventeurs, les déposants et les conseils en brevet. L'abandon de procédures complexes et la simplification de la procédure de délivrance des brevets favorisent également l'efficacité des offices et, partant, la réduction de leurs coûts de fonctionnement.

Le PLT et son lien avec le PCT constitueront en outre une base solide pour les travaux futurs de l'OMPI dans le domaine du développement du droit des brevets et du système international des brevets.

Les formulaires internationaux types, qui seront élaborés par l'Assemblée du PLT et devront être acceptés par chacune des parties contractantes, faciliteront aussi le dépôt de demandes à l'étranger.

Qui bénéficiera des avantages du PLT ?

Les inventeurs, les déposants et les conseils en brevets des parties contractantes -pays industrialisés et pays en développement- ainsi que les tiers et les offices nationaux et régionaux bénéficieront tous des avantages du PLT.

Les utilisateurs du système des brevets sont favorables au PLT parce que l'harmonisation et la simplification des procédures entraînera une réduction des coûts. Au cours de cinq années de négociation qui ont conduit à la Conférence diplomatique pour l'adoption du PLT, des représentants des utilisateurs ont participé activement aux discussions, de manière positive et constructive.

Le PLT a-t-il des répercussions sur la gestion financière des offices de brevets nationaux ?

Comme indiqué plus haut, la suppression des procédures lourdes permettra un accroissement de l'efficacité des offices des brevets et donc une réduction des coûts de fonctionnement. En outre, étant donné que les conditions de forme prévues par le PLT sont alignées sur celles du PCT, l'office d'un Etat contractant du PCT pourra en principe rationaliser les procédures applicables aux demandes nationales ou régionales en les calquant sur les procédures applicables aux demandes internationales selon le PCT.

Quels sont les avantages de l'adhésion au PLT ?

Outre les avantages multiples déjà mentionnés, les ressortissants d'une partie contractante peuvent accéder plus facilement aux systèmes de brevets étrangers, puisqu'ils seront déjà familiers des conditions de forme à remplir pour déposer des demandes de brevet à l'étranger. Il convient de souligner que le PLT n'impose aucune obligation financière aux parties contractantes.

Source : OMPI


• Le Traité de Singapour
, qui révise le traité de 1994 sur le droit des marques et qui permettra une normalisation plus dynamique des procédures pour une plus grande efficacité du système des marques, n'est, pour sa part, pas encore entré en vigueur, seuls quatre Etats mentionnés l'ayant ratifié (Singapour le 26 mars 2007, la Suisse le 6 juillet 2007, la Roumanie le 25 mars 2008) ou y ayant adhéré (la Bulgarie le 21 janvier 2008).

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le Gouvernement souhaite essentiellement inscrire en droit national la disposition du traité de Singapour qui autorise le détenteur d'une licence de marque, qui n'aurait pas procédé à l'inscription de sa licence sur le registre des marques tenu par l'INPI, à faire tout de même valoir ses droits devant une juridiction pour obtenir réparation de son préjudice, en cas de contrefaçon .

Le traité de Singapour sur le droit des marques

La protection des marques dépend pour une large part de leur enregistrement. En effet, s'il est possible, dans de nombreux pays, de jouir de droits sur des marques non enregistrées, la meilleure protection est celle qui résulte de l'accomplissement de formalités auprès d'une autorité compétente, généralement l'office des marques du pays concerné. L'enregistrement d'une marque constitue aussi une démarche essentielle du point de vue de l'intérêt public, car il permet aux tiers -les registres étant accessibles à tous et les demandes d'enregistrement faisant l'objet de publications régulières- de savoir que quelqu'un détient des droits sur tel ou tel signe. Grâce aux registres de marques, les entreprises peuvent exercer une surveillance sur leurs propres marques ainsi que sur celles de leurs concurrents, et vérifier la disponibilité d'une nouvelle marque avant de la lancer sur le marché.

Les marques étant des droits territoriaux (accordés au niveau national ou régional), elles sont administrées, selon les Etats, dans le cadre d'un registre national ou régional. Pour les titulaires de marques, il est hautement souhaitable que les formalités d'enregistrement soient les mêmes pour tous ces registres, dans la mesure où cela permet une plus grande efficacité administrative et contribue à un meilleur contrôle de certains coûts de transaction. C'est sur la base de ces considérations que le Traité sur le droit des marques a été conclu, en 1994, afin d'harmoniser et de simplifier les procédures d'enregistrement des marques dans tous les Etats signataires.

Pourquoi avoir révisé le TLT ?

La nécessité de réviser le Traité sur le droit des marques est devenue évidente peu après l'adoption de ce dernier, et cela, pour une large part, à cause de la révolution que constituait l'arrivée de l'Internet, du courrier électronique et de la communication instantanée. Ces innovations, en effet, étaient encore peu connues en 1994, le moyen de communication le plus avancé dont disposaient alors les déposants et les offices de marques étant le télécopieur. Le TLT contient donc des dispositions qui obligent les Etats contractants à accepter les communications sur papier, mais ne prévoit aucune possibilité de communication électronique.

Le TLT devait également être révisé dans ses dispositions sur les types de marques protégés, car il s'applique uniquement aux marques consistant en des signes visibles, en excluant les signes non visibles tels que les marques sonores. Il fallait aussi remédier à certains problèmes relatifs aux procédures. Le Traité sur le droit des marques est en effet complété par un règlement d'exécution, et c'est ce dernier qui régit les questions de procédure. Il était prévu, à l'origine, que le règlement d'exécution pouvait être modifié par une décision de l'assemblée des parties contractantes, mais le TLT a été adopté sans qu'une telle assemblée soit créée, de sorte qu'il était impossible de modifier le règlement d'exécution après son adoption. D'autre part, le TLT ne contient aucune disposition en ce qui concerne l'enregistrement des licences de marque et ne prévoit aucun mécanisme de sursis en cas d'inobservation d'un délai par un titulaire de marques.

C'est donc essentiellement dans ces domaines que le Traité de Singapour introduit des changements.

Assemblée des parties contractantes

Le nouveau Traité de Singapour prévoit la mise en place d'une assemblée des parties contractantes ayant pouvoir de modification du règlement d'exécution. Si cette mesure peut paraître exagérément bureaucratique, elle n'en est pas moins essentielle, car elle permettra d'adapter le règlement d'exécution à l'évolution des technologies qui déterminent des aspects administratifs aussi importants que le mode de représentation des marques dans les demandes d'enregistrement ou la nature des systèmes d'authentification utilisés dans les communications avec les offices. La création d'une assemblée des parties contractantes du Traité de Singapour établit ainsi un cadre réglementaire dynamique à l'intérieur duquel les procédures administratives pourront être définies et modifiées en fonction des évolutions futures.

Types de marques

Le Traité de Singapour s'applique à tous les signes qui sont susceptibles d'enregistrement en tant que marques selon la législation des Etats contractants, sans toutefois imposer une obligation d'enregistrer tel ou tel type de marque. Il reconnaît donc expressément que les marques ne se limitent plus à des étiquettes en deux dimensions apposées sur des produits. Le Règlement d'exécution du Traité de Singapour mentionne d'ailleurs de nouveaux types de marques, dont les marques hologrammes, les marques de mouvement, les marques de couleur et les marques consistant en un signe non visible, telles que les marques sonores et les marques olfactives.

Le traité n'établit pour l'instant aucune norme en ce qui concerne la représentation de ces marques dans les demandes d'enregistrement ou les enregistrements, mais étant donné qu'il en est fait mention dans le règlement d'exécution, l'assemblée des Etats contractants pourra définir de telles normes une fois que le traité sera entré en vigueur et que l'on sera parvenu à un accord sur leur contenu. Bien que ces nouvelles marques suscitent beaucoup d'intérêt, elles sont encore relativement rares. À titre d'exemple, sur plus de 450.000 marques inscrites au registre international du système de Madrid, 29 seulement sont des marques sonores.

Communications

Les communications font partie intégrante d'un certain nombre d'aspects des procédures d'enregistrement de marques. Le Traité de Singapour laisse aux offices toute latitude pour choisir la forme sous laquelle elles doivent être transmises (sur papier ou électronique) et le moyen utilisé (physique, c'est-à-dire par courrier postal ou service de messagerie, ou électronique, c'est-à-dire par télécopieur ou courrier électronique). En ce qui concerne le contenu des communications et les documents justificatifs qui doivent être produits, ce sont toutefois les dispositions du Traité de Singapour qui s'appliquent. L'harmonisation des procédures se trouve ainsi réalisée sans que les parties contractantes aient besoin de changer de mode de communication.

Il est intéressant de noter qu'à l'heure actuelle, et bien qu'ils soient nombreux à offrir le dépôt électronique, aucun des offices des marques des Etats membres de l'OMPI ne prescrit l'utilisation exclusive de moyens de communication électroniques. Ce n'est probablement qu'une question de temps pour un certain nombre d'entre eux. Le Traité de Singapour ne s'applique pas aux communications entre les agents de marques et leurs clients, qui ne font, par conséquent, l'objet d'aucune réglementation.

Enregistrement des licences

L'enregistrement des licences de marque est prévu, sans être nécessairement obligatoire, dans plus de 100 Etats membres de l'OMPI. Étant donné que la concession de licences de marque est une pratique courante dans l'industrie des produits de marque, il est largement admis que la mise en place de règles communes dans ce domaine serait extrêmement souhaitable. Le Traité de Singapour contient, par conséquent, des dispositions relatives aux demandes d'enregistrement de licence ainsi qu'à la modification et à l'annulation des enregistrements.

Mesures de sursis

Les parties contractantes du Traité de Singapour ont l'obligation de prévoir des mesures de sursis à l'exécution de certains actes de procédure, afin d'éviter de porter préjudice aux droits des déposants en cas d'erreur de leur part, et notamment d'inobservation d'un délai. Un ensemble de règles précises est mis en place à cet égard, afin d'assurer la promptitude et la transparence des procédures des offices sans nuire au délicat équilibre qui doit exister entre les intérêts de l'auteur de l'erreur et ceux du grand public.

Source : OMPI


• En revanche, s'agissant du « protocole III », un projet de loi a été déposé le 23 janvier 2008 par le Gouvernement, proposant de ratifier ce protocole, qui, au nom des principes d'universalité, d'impartialité et de neutralité, consacre un emblème additionnel aux emblèmes existants de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, le « cristal rouge » , dénué de toute connotation politique ou religieuse et également utilisable par les services médicaux des forces armées des Etats, les hôpitaux civils au bénéfice d'une autorisation, les composantes du mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge - le CICR, les sociétés nationales, ainsi que leur fédération internationale. Ce protocole est entré en vigueur en janvier 2007.

Les Etats parties aux Conventions de Genève doivent assurer une protection des emblèmes de l'Organisation Internationale. Le Protocole III comporte néanmoins un article réservant les droits antérieurs acquis par les tiers. L'ordonnance permettra précisément la mise en oeuvre de cette réserve, c'est-à-dire qu'elle pérennisera les droits, détenus de bonne foi par les titulaires de marques, qui seraient sans cela fragilisés.

Le « Protocole III »

Dans le cadre du mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, les Etats Parties aux conventions de Genève ont adopté lors de la conférence diplomatique de 2005 (5-8 décembre 2005, Genève), un troisième protocole additionnel aux conventions de Genève de 1949, relatif à l'adoption d'un signe distinctif additionnel (protocole III). Ce protocole consacre un emblème additionnel aux emblèmes existants de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, le « cristal rouge », appellation consacrée en 2006 lors de la 29 ème conférence du mouvement.

L'adoption du protocole III répondait à l'appel lancé lors de la 28ème conférence internationale du mouvement réunie à Genève en 2003 (résolution n° 3 de la conférence internationale). Lors de la cérémonie de signature qui suivit la conférence diplomatique, vingt-sept délégations, parmi lesquelles la France, ont apposé leurs signatures au protocole III. Depuis, quarante autres Etats les ont rejoint, portant à soixante-sept le nombre d'Etats aujourd'hui signataires. À l'heure actuelle, le protocole III, en vigueur depuis janvier 2007, a été ratifié par dix-huit Etats, parmi lesquels les Etats-Unis, les Pays-Bas, la Suisse.

I. - La consécration d'un emblème additionnel dénué de toute connotation politique ou religieuse répond à une problématique ancienne et controversée

Le dispositif préexistant présentait de sérieux inconvénients reconnus depuis longtemps par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) :

- il crée tout d'abord l'impression d'un parti pris en faveur des pays chrétiens et musulmans, au détriment des autres religions, allant à l'encontre du principe de neutralité du mouvement ;

- la coexistence de plusieurs emblèmes (aujourd'hui deux, le lion et soleil rouge n'étant plus utilisés depuis les années 1980) ne reflète pas le principe de l'unité du mouvement et cette situation porte atteinte à son universalité : ainsi la majorité de la population israélienne estime ne se reconnaître ni dans l'un, ni dans l'autre de ces emblèmes, et plusieurs Etats et sociétés nationales ont demandé la reconnaissance de nouveaux emblèmes ;

- la coexistence de plusieurs emblèmes est une source de difficultés dans les pays où cohabitent des communautés religieuses différentes et menace le développement et l'action de la société nationale identifiée comme appartenant au groupe social évoqué par son emblème ;

- enfin, la coexistence de plusieurs emblèmes sur le champ de bataille tend à compromettre leur valeur protectrice, leur inviolabilité, ainsi que le principe de neutralité, particulièrement lorsque chaque Partie au conflit fait usage d'un emblème différent.

L'idée d'un emblème unique en lieu et place des emblèmes existants ayant été écartée du fait de l'attachement dont la croix et le croissant font l'objet, le but du troisième protocole additionnel adopté à Genève le 8 décembre 2005 est de compléter les dispositions conventionnelles existantes en consacrant un emblème additionnel dénué de toute connotation nationale, politique ou religieuse, mis à la disposition des Etats et sociétés nationales ne pouvant accepter pour leur propre usage ni la croix rouge ni le croissant rouge.

Cet emblème, bénéficiant d'une égalité de protection et de traitement, pourrait dès lors être utilisé partout sur la planète, conformément aux principes d'universalité, d'impartialité et de neutralité du mouvement. Il n'est néanmoins pas conçu comme remplaçant la croix rouge et le croissant rouge mais bien comme une option additionnelle (préambule du texte).

II. - Une égalité de protection et de traitement que les Etats s'engagent à garantir

En vertu du troisième protocole additionnel (articles 1 er § 2 et 2 § 3), les personnes et les entités autorisées à arborer le cristal rouge sont les mêmes que celles habilitées à utiliser les emblèmes reconnus des conventions de Genève de 1949 (croix rouge et croissant rouge) : services médicaux des forces armées des Etats, hôpitaux civils au bénéfice d'une autorisation, composantes du mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge - le CICR, les sociétés nationales, ainsi que leur fédération internationale.

Les Etats signataires s'engagent à prendre les mesures nécessaires pour prévenir et réprimer les abus de ce nouveau signe distinctif et de sa dénomination (article 6), et à faire bénéficier les emblèmes reconnus, porteurs d'une signification équivalente, d'une égalité de traitement et d'une même protection, qui doit se refléter dans la législation nationale (article 2 § 1). Il est à relever qu'en France, s'agissant des emblèmes de la croix rouge et du croissant rouge, l'utilisation sans droit est susceptible de constituer l'infraction prévue par l'article 433-14-2 du code pénal.

Les Etats s'engagent par ailleurs à diffuser le protocole dans leurs pays auprès des forces armées et de la population civile (article 7).

III. - Des modalités d'utilisation allant dans le sens d'une plus grande protection

Le troisième protocole additionnel prévoit que le cristal rouge dans sa forme pure doit être utilisé à titre protecteur. En revanche, notons que dans le cadre d'un usage à titre indicatif (article 3), il est également possible d'incorporer -au centre du cristal rouge- un des emblèmes déjà reconnus par les conventions de Genève, une combinaison de ces emblèmes ou un autre emblème déjà effectivement utilisé par un Etat Partie et qui a fait l'objet d'une communication aux autres Etats Parties et au CICR avant l'adoption du troisième protocole.

Le troisième protocole additionnel donne la possibilité de substituer le cristal rouge à la croix rouge ou au croissant rouge de manière permanente, ou temporaire (article 2 § 4, article 3 § 3, article 4 § 4), lorsque des circonstances exceptionnelles le justifient, afin de renforcer la protection des services médicaux des forces armées ou de faciliter le travail des sociétés nationales.

Enfin, il est important de noter que le troisième protocole additionnel est formulé de manière à prévenir toute prolifération future d'autres emblèmes.

IV. - L'adoption du troisième protocole représente un progrès considérable

Ce texte constitue en effet une étape décisive en vue de parvenir à une solution globale et durable de la question de l'emblème, pendante depuis des décennies, et qui représente un obstacle majeur au respect des principes d'universalité, d'impartialité et de neutralité.

Le troisième protocole constitue par ailleurs un renforcement des règles du droit international humanitaire s'appliquant aux emblèmes, et ouvre la voie à l'adhésion au sein du mouvement des sociétés nationales israéliennes et palestiniennes, que la France a toujours soutenu. Enfin, il ouvre également la porte à des développements importants dans le cadre d'actions internationales de secours et d'opérations de maintien de la paix.

Source : exposé des motifs du projet de loi n° 177 autorisant la ratification du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à l'adoption d'un signe distinctif additionnel (protocole III), déposé au Sénat le 23 janvier 2008.

Le paragraphe II autorise également le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de nature législative destinées à simplifier et améliorer les procédures de délivrance ou d'enregistrement des titres de propriété industrielle ainsi que celles relatives à l'exercice des droits qui en découlent.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, s'agissant de l'amélioration des procédures de délivrance ou d'enregistrement des brevets , le Gouvernement entend supprimer l'établissement différé du rapport de recherche, aujourd'hui autorisé par l'article L. 612-15 du code. Cette procédure d'établissement différé du rapport de recherche permet aujourd'hui à un déposant de différer l'établissement, par l'INPI, du rapport de recherche et, par conséquent, de ne payer à l'INPI la redevance correspondante que dix-huit mois après le dépôt de la demande.

Or cette souplesse a des conséquences néfastes :

- pour l'INPI , dans la mesure où l'existence de deux procédures distinctes (normale et différée) emporte des coûts de gestion, alors même que cette procédure de différé n'est que rarement utilisée (l'INPI enregistre moins de 700 demandes en ce sens sur près de 18.000 dépôts annuels, ce qui représente moins de 4 % des dossiers) ;

- pour le déposant également, dans la mesure où le recours à la procédure différée rend plus hasardeuse l'extension, pourtant coûteuse, de son brevet, le rapport de recherche n'étant pas disponible avant l'expiration du délai d'un an qui encadre la possibilité d'invoquer le droit de priorité en revendiquant la date du dépôt en France.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'exercice des droits attachés aux titres de propriété industrielle, le Gouvernement projette d'étendre aux brevets, dessins et modèles la possibilité, introduite en matière de marques par le traité de Singapour, de rendre opposable aux tiers, pour établir un préjudice, un contrat affectant ces titres de propriété industrielle sans que ce contrat soit inscrit sur les registres nationaux correspondants.

Le paragraphe III précise le délai durant lequel l'habilitation est valable : les ordonnances devront être prises dans les six mois suivant la publication de la présente loi. Il précise aussi que ces ordonnances seront caduques si un projet de loi de ratification de chacune d'elles n'est pas déposé devant le Parlement dans les trois mois suivant leur publication.

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

Les députés ont procédé à une nouvelle rédaction de l'ensemble de cet article afin d'en améliorer la lisibilité.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale souligne l'amélioration rédactionnelle issue des travaux de l'Assemblée. Elle s'étonne néanmoins que cet article 35 du projet de loi propose d'adapter par ordonnance le code de la propriété intellectuelle à des traités que la France n'a pas encore ratifiés et qui, de surcroît, pour certain d'entre eux (le traité de Singapour sur le droit des marques), ne sont pas encore entrés en vigueur et ne le seront probablement pas dans les six mois (il faudrait encore que six Etats ratifient le traité de Singapour ou y adhèrent dans cet intervalle), durée au terme de laquelle expire l'habilitation donnée au Gouvernement.

Surtout, à l'heure de la revalorisation annoncée des droits du Parlement, il est curieux que le Gouvernement demande au Parlement, par ce projet de loi, une habilitation pour adopter une ordonnance dont les dispositions seront directement applicables sans qu'elles soient débattues au Parlement, dès lors qu'un projet de loi de ratification de l'ordonnance aura simplement été déposé dans les trois mois suivant sa publication, et résultent d'un traité international que le Parlement n'a pas non plus examiné, tant qu'aucun projet de loi de ratification du traité ne lui a été soumis. Votre commission spéciale désapprouve ce procédé qui prive le Parlement de tout droit de regard sur les dispositions d'ordre législatif envisagées par le Gouvernement .

Toutefois, elle n'ignore pas les avantages, en termes de coûts mais aussi de sécurisation des droits, qu'apporteront aux entreprises les principales dispositions envisagées, à savoir : l'assouplissement des formalités de dépôt des demandes de brevet, l'extension du recours en restauration en matière de brevet ou encore la possibilité pour un licencié non-inscrit de faire valoir ses droits.

Votre commission spéciale s'interroge d'ailleurs sur le lien entre la modernisation de l'économie, objet du présent projet de loi, et le « protocole III » relatif à l'emblème de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui a certes des incidences sur le code de la propriété intellectuelle mais sans rapport direct avec l'économie, sinon dans la mesure où la pérennisation que permet le Protocole III d'un certain nombre de droits de propriété industrielle (des marques en l'espèce, voisines de celles de l'emblème de la croix rouge) apporte une sécurité et donc une amélioration pour les entreprises oeuvrant dans les secteurs économiques dans lesquels ces marques sont déposées.

Votre commission spéciale se contentera de proposer un amendement rédactionnel .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 35 bis (nouveau) - (articles L. 331-1, L. 521-3-1, L. 716-3 et L. 722-8 [nouveau] du code de la propriété intellectuelle) Compétence exclusive des tribunaux de grande instance en matière de droits de propriété industrielle

Commentaire : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, vise à confier une compétence exclusive aux tribunaux de grande instance en matière de droits de propriété industrielle, y compris en cas de concurrence déloyale.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Ce nouvel article adopté par les députés vise à lever une ambiguïté dans la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 relative à la lutte contre la contrefaçon. Il précise que seuls les tribunaux de grande instance spécialisés à cet effet sont compétents en matière d'action civile en contrefaçon . La contrefaçon représente à la fois une négation des droits de propriété intellectuelle, un préjudice évalué par certains à 6 milliards d'euros pour la France, et une source de plus en plus prégnante de dangers pour les consommateurs.

Cet article vise donc à accentuer la spécialisation des tribunaux compétents en la matière, pour plus d'efficacité : il complète à cette fin les articles L. 331-1, L. 521-3-1 (en matière de dessins et modèles), L. 716-3 (s'agissant des marques) et crée un article L. 722-8 pour traiter du cas des indications géographiques.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission estime tout à fait opportune cette unification du contentieux de la propriété intellectuelle auprès des tribunaux de grande instance.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 36 - (article L. 80 B du livre des procédures fiscales) Rescrit en matière de crédit d'impôt recherche

Commentaire : cet article propose de réformer la procédure de rescrit applicable en matière de crédit d'impôt recherche.

I. Le droit en vigueur

A. Le crédit d'impôt recherche (CIR)

Créé en 1983, le crédit d'impôt recherche (CIR) a fait l'objet de plusieurs modifications substantielles au cours des cinq dernières années. En particulier, la réforme très ambitieuse de ce dispositif par l'article 69 de la loi de finances pour 2008 en a fait l'un des régimes les plus attractifs du monde en matière de recherche et développement des entreprises.

Selon les données alors transmises par le Gouvernement à la commission des finances, le coût de la dépense fiscale liée au CIR doit passer, après la réforme, de 1,4 milliard d'euros en 2008 à 2,8 milliards d'euros en 2013. Encore était-il souligné par votre rapporteur qu'une telle prévision reposait sur une base statique, c'est-à-dire sur l'évolution de la dépense fiscale associée aux seules entreprises bénéficiant déjà du CIR. En tenant compte de l'effet d'entraînement de ces mesures, soit en adoptant un postulat raisonnable d'efficacité, il est plus vraisemblable que le niveau « de croisière » du montant de cette dépense fiscale s'établisse au sein d'une fourchette de 3,5 à 4,5 milliards d'euros.

Le CIR est codifié à l'article 244 quater B du code général des impôts. Aux termes du I de cet article, les entreprises peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Son taux s'élève à 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros et 5 % pour la fraction de dépenses supérieure à 100 millions d'euros . De plus, pour les entreprises qui n'ont pas bénéficié du CIR au cours des 5 dernières années , le taux du crédit d'impôt est majoré de 20 points la première année.

Les dépenses éligibles au CIR sont énumérées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts. Les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au CIR sont déduites des bases de calcul de ce crédit .

Dépenses éligibles au CIR

Type de dépenses

En % des dépenses déclarées (1)

Les dotations aux amortissements des immobilisations , créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique , y compris la réalisation de prototypes ou d'installations pilotes.

5,06

Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations . Lorsque ces dépenses se rapportent à des personnes titulaires d'un doctorat ou d'un diplôme équivalent, elles sont prises en compte pour le double de leur montant pendant les douze premiers mois suivant leur premier recrutement à condition que le contrat de travail de ces personnes soit à durée indéterminée et que l'effectif salarié de l'entreprise ne soit pas inférieur à celui de l'année précédente.

39,27

Les autres dépenses de fonctionnement exposées dans les mêmes opérations, lesquelles sont fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel mentionnées supra.

29,54

200 % des dépenses de personnel qui se rapportent aux personnes titulaires d'un doctorat ou d'un diplôme équivalent pendant les douze premiers mois suivant leur premier recrutement à la condition que le contrat de travail de ces personnes soit à durée indéterminée et que l'effectif salarié de l'entreprise ne soit pas inférieur à celui de l'année précédente.

0,15

Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche publics ou à des universités, dans la limite de 10 millions d'euros . Ces dépenses sont retenues pour le double de leur montant à la condition qu'il n'existe pas de liens de dépendance entre l'entreprise qui bénéficie du CIR et l'organisme ou l'université.

1,42

Les dépenses exposées pour la réalisation d'opérations de même nature confiées à des organismes de recherche privés agréés par le ministre chargé de la recherche, ou à des experts scientifiques ou techniques agréés dans les mêmes conditions, dans la limite de 10 millions d'euros.

21,02

Les frais de prise, de maintenance et de défense de brevets et de certificats d'obtention végétale.

2,05

Les dotations aux amortissements des brevets et des certificats d'obtention végétale acquis en vue de réaliser des opérations de recherche et de développement expérimental.

0,03

Les dépenses de normalisation afférentes aux produits de l'entreprise, pour la moitié de leur montant.

0,06

Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir.

1,39

(1) Déclaration CIR 2004, traitement DGRI

B. Le rescrit applicable au CIR

Cette procédure, définie au 3° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, permet aux entreprises de solliciter un avis préalable de l'administration avant le démarrage de leurs travaux de recherche si elles souhaitent s'assurer qu'ils ouvrent bien droit au CIR. L'administration dispose alors de trois mois pour répondre ; à défaut, un avis favorable est réputé obtenu.

Afin d'instruire cette demande, « l'administration des impôts sollicite l'avis des services du ministère chargé de la recherche lorsque l'appréciation du caractère scientifique et technique du projet de recherche présenté par l'entreprise le nécessite » (article R. 80 B-5 du livre des procédures fiscales). Cependant, dans ce cas, l'avis rendu par les services du ministère de la recherche ne lie pas l'administration fiscale.

II. Le dispositif initialement proposé

A. L'adjonction de nouveaux organismes pouvant juger du caractère innovant des dépenses des entreprises

Le A du I du présent article propose de compléter le 3° de l'article L. 80 B, relatif à la procédure de rescrit en matière de crédit d'impôt recherche, par trois alinéas, afin de prévoir que, pour l'examen des demandes introduites par un contribuable dans le cadre de ce rescrit, l'administration des impôts peut solliciter l'avis des services du ministère chargé de la recherche mais aussi d' « organismes chargés de soutenir l'innovation dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat » sur le caractère scientifique et technique d'un projet de recherche, lorsque l'appréciation du caractère scientifique et technique du projet de recherche présenté par l'entreprise le nécessite.

Selon les informations transmises à votre rapporteur par le Gouvernement, il s'agirait en pratique d'OSEO Innovation, société anonyme filiale à 100 % de l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) OSEO. Auditionné le 22 mai 2008 par le groupe de travail préfigurant votre commission spéciale, M. François Drouin, président-directeur général d'OSEO, a confirmé la disponibilité de son groupe à s'acquitter de cette mission.

Dans ce nouveau cadre, l'avis des services du ministère de la recherche et des organismes qui seront désignés par décret devra être notifié au contribuable et à l'administration des impôts.

De plus, le troisième alinéa du A du I du présent article propose que l'administration des impôts soit liée par l'avis des services et organismes consultés si celui-ci est favorable . En revanche, l'appréciation de toutes les autres conditions d'application du régime de l'article 244 quater B du code général des impôts continuera de relever de sa seule compétence. Mais elle ne pourra donc rejeter la demande du contribuable que pour un motif tiré de ce qu'une autre des conditions requises par l'article 244 quater B précité n'est pas remplie.

Le troisième alinéa du 3° de l'article L. 80 B, dans la rédaction proposée au troisième alinéa du A du I du présent article, précise que les personnes consultées dans le cadre du « rescrit CIR » sont soumises à l'obligation de secret professionnel définie à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales.

B. L'ouverture d'une nouvelle procédure de saisine

Le B du I du présent article propose d'insérer un 3° bis dans l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, aux termes duquel le contribuable pourrait saisir directement un tiers afin d'obtenir une prise de position formelle sur l'éligibilité de son projet de recherche au CIR . En coordination avec ce qui précède, ce tiers pourra être, soit l'administration de la recherche, soit « l'un des organismes chargés de soutenir l'innovation figurant sur la liste mentionnée au 3° » de l'article L. 80 B.

Le texte proposé pour le deuxième alinéa du nouveau 3° bis de l'article L. 80 B dispose que la prise de position formelle de ce tiers sera opposable à l'administration fiscale, à condition de lui avoir été notifiée et en tant qu'elle porte sur le caractère scientifique et technique du projet de recherche de l'entreprise.

Enfin, le texte proposé pour le troisième alinéa du nouveau 3° bis de l'article L. 80 B dispose que les personnes consultées sur le caractère scientifique et technique des projets de dépenses de recherche des entreprises dans le cadre du nouveau « rescrit CIR » sont soumises à l'obligation de secret professionnel définie à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales.

Le dernier alinéa du nouveau 3° bis de l'article L. 80 B renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les modalités d'application de ces dispositions.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels de sa commission des affaires économiques.

De plus, elle a adopté un amendement de sa commission des finances, tendant à ce que l'absence de réponse des services du ministère de la recherche ou de l'organisme chargé de l'innovation auquel les entreprises se seraient adressées directement pour demander si leur projet de recherche présente bien un caractère scientifique et technique le rendant éligible au CIR vaille accord tacite , dans les mêmes conditions que celles applicables lorsque l'administration fiscale est saisie directement. Le Gouvernement a sous-amendé cet amendement de façon à décaler l'entrée en vigueur de ce dispositif (au plus tard au 1 er janvier 2010) afin de laisser à OSEO un temps d'adaptation pour sa mise en oeuvre.

IV. La position de votre commission spéciale

A. Des dispositions utiles, qui devraient renforcer l'efficacité du CIR

Votre rapporteur approuve pleinement l'esprit des mesures proposées par le présent article .

En effet, il est très regrettable que des entreprises, notamment des PME, puissent être freinées dans leur effort d'innovation par crainte que leurs dépenses puissent être requalifiées, ce qui entraîne la perte du gain fiscal et un risque de pénalité.

Dès lors, si votre rapporteur a soutenu l'instauration du rescrit fiscal relatif au CIR, puis le raccourcissement de son délai, il ne peut que constater que cette procédure sécurisante n'a pas pleinement rencontré le succès escompté : d'après les données qui lui ont été transmises, seules quelques dizaines d'entreprises ont soumis un dossier à l'administration fiscale en 2007. La crainte, fondée ou non, de susciter, par cette procédure, la curiosité de cette administration paraît expliquer une telle réticence.

Il semble donc très opportun à la fois de permettre à un organisme comme OSEO, bien connu des entreprises innovantes et proche des préoccupations économiques, de participer à la procédure. De même, la possibilité d'une saisine directe de cet organisme va dans le bon sens, certaines entreprises étant plus susceptibles de s'adresser à un tel interlocuteur qu'à l'administration fiscale. L'Assemblée nationale a oeuvré dans le même sens en précisant que, dans le cas d'une saisine directe, l'absence de réponse au bout de trois mois devrait être considérée comme un accord tacite, par parallélisme des formes avec la saisine de l'administration fiscale.

B. Réserver à OSEO l'instruction des dossiers

Votre rapporteur vous propose d'aller au bout de la logique de cet article en ne mentionnant plus qu'OSEO comme organisme que l'administration fiscale peut consulter ou que les entreprises peuvent saisir (hormis l'administration fiscale elle-même).

En effet, d'une part, il ne semble pas souhaitable que plusieurs organismes ou administrations se voient confier en parallèle l'instruction des dossiers relatifs au CIR. Outre qu'une telle organisation ne présente aucune valeur ajoutée, elle présente le risque, à terme, de voir se former des jurisprudences contradictoires quant à l'éligibilité de telle ou telle dépense . Cette possible confusion ne profiterait à personne et serait de nature à renforcer une insécurité juridique que le présent article propose à juste titre de réduire.

D'autre part, les services du ministère de la recherche ne sont, en pratique, pas très bien outillés pour répondre à cette mission d'instruction. A l'inverse, OSEO paraît mieux à même de l'accomplir, notamment du fait du parallèle qui existe avec sa mission actuelle de « labellisation » des entreprises innovantes pouvant entrer dans le quota de 60 % des fonds communs de placement à l'innovation (FCPI).

C'est pourquoi il vous est proposé un amendement tendant à ce qu'un seul organisme désigné par décret en Conseil d'Etat puisse être consulté par l'administration fiscale ou être saisi directement par les entreprises afin qu'il se prononce quant à l'éligibilité de dépenses au CIR .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 36 bis (nouveau) - (section 5 du chapitre V du titre Ier du livre Ier, articles L. 115-27, L. 115-28, L. 115-29, L. 115-32 du code de la consommation) Régime de l'accréditation et de la certification

Commentaire : cet article définit l'accréditation, en confie la responsabilité à une instance nationale unique et modernise le régime juridique de la certification.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A. Le droit en vigueur

La certification est une procédure par laquelle une tierce partie donne une assurance écrite qu'un produit, un processus ou un service est conforme à des exigences spécifiées. Selon le rapport du conseil national de la consommation sur la certification de services et de produits autres qu'alimentaires en date du 17 décembre 2007, elle repose sur le principe selon lequel les parties intéressées (consommateurs ou utilisateurs, professionnels et administrations concernées) se mettent d'accord sur un ensemble de caractéristiques auxquelles le produit ou le service doit répondre. Un organisme tiers, l'organisme certificateur , atteste que le produit ou le service est conforme à des exigences spécifiées dans un référentiel ou une norme. Les référentiels sont publiés au Journal officiel sous forme d'avis, de même que les caractéristiques certifiées essentielles.

L'organisme certificateur doit déclarer son activité auprès des pouvoirs publics (sous-direction de la qualité, de la normalisation et de la propriété industrielle de la direction générale des entreprises du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi). La déclaration est accompagnée d'un dossier de nature à établir l'impartialité et la compétence de l'organisme certificateur, appréciées au regard des normes en vigueur relatives aux organismes de certification.

Sont dispensés de fournir ces dernières informations , les organismes qui bénéficient d'une accréditation délivrée par le Comité français d'accréditation (Cofrac), association créée en 1994 et liée aux pouvoirs publics par une simple convention. La démarche auprès du Cofrac est actuellement volontaire . Selon le rapport précité du conseil national de la consommation, son but est de garantir que les organismes d'évaluation de la conformité respectent les critères prévus dans les normes européennes et internationales relatives à la constitution et au fonctionnement des organismes, en particulier en termes d'indépendance, d'impartialité et de compétence. Le Cofrac répond lui-même, en termes de compétence et d'impartialité, à un ensemble d'exigences internationales qui s'appliquent aux organismes d'accréditation des différents pays.

Le Conseil national de la consommation, dans l'avis accompagnant le rapport du 17 décembre 2007, consécutif aux propositions présentées en févier 2007 par la Commission européenne en matière de prescriptions relatives à l'accréditation et à la surveillance du marché dans le contexte de la commercialisation des produits, s'est déclaré favorable :

- à la reconnaissance du Cofrac comme l'instance officielle d'accréditation en France ;

- à l'obligation d'accréditation des organismes agissant dans le cadre de la certification des produits ou services ou combinaison de produits et services, cette obligation constituant d'une part une garantie et une valeur ajoutée pour les clients bénéficiaires de la certification et pour les consommateurs et les utilisateurs de produits ou services certifiés, et d'autre part une garantie d'indépendance, de compétence et de sérieux de l'organisme certificateur, enfin une garantie de surveillance et d'évaluation périodique.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale introduit ces recommandations dans la loi.

B. L'apport de l'Assemblée nationale

Le texte adopté par l'Assemblée nationale :

- définit l'accréditation comme l'attestation de la compétence des organismes qui effectuent des activités d'évaluation de la conformité ;

- afin de garantir l'impartialité de l'accréditation, crée une instance nationale d'accréditation seule habilitée à délivrer les certificats d'accréditation en France, un décret en Conseil d'Etat devant désigner cette instance, qui sera le Cofrac, et fixer ses missions ;

- introduit dans l'article L. 115-27 du code de la consommation la précision que la certification peut porter sur une combinaison de produit et de service et celle que l'élaboration du référentiel de certification incombe à l'organisme certificateur qui recueille le point de vue des parties intéressées ;

- modifie l'article L. 115-28 du code de la consommation afin de disposer que seuls peuvent procéder à la certification les organismes qui bénéficient d'une accréditation délivrée par l'instance nationale d'accréditation ou par l'instance nationale d'accréditation d'un autre Etat membre de l'Union européenne, membre de la coopération européenne pour l'accréditation, tout en prévoyant qu'un organisme non encore accrédité pour la certification peut, dans des conditions définies par décret, effectuer des certifications sous réserve d'avoir déposé une demande d'accréditation ;

- précise dans l'article L. 15-29 du code de la consommation que ce dispositif ne s'applique pas à la certification des produits agricoles, forestiers, alimentaires ou de la mer (cette énumération porte actuellement sur les denrées alimentaires et les produits agricoles non alimentaires et non transformés).

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale est favorable à cette mise à jour qui s'inscrit dans la droite ligne des propositions de la Commission européenne approuvées par le Conseil national de la consommation.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE IV - Attirer les financements privés pour des opérations d'intérêt général

Dans sa version initiale, le chapitre IV comprenait le seul article 37, ayant pour objectif de créer en droit français les fonds de dotation. Le Gouvernement présentait cet outil de gouvernance à but non lucratif comme susceptible de permettre aux donateurs de contrôler l'utilisation des fonds et d'offrir ainsi aux donateurs, français comme étrangers, une nouvelle modalité de soutien financier, plus adaptée au contexte international.

Les députés ont ajouté 4 articles à ce chapitre.

Les articles 37 A et 37 B visent à aménager respectivement le régime des fondations universitaires et des fondations partenariales créées par la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, en particulier dans le but de les adapter au développement de la coopération entre établissements au sein de pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES).

L'article 37 bis tend à relever le seuil d'audience au-delà duquel s'applique le dispositif anti-concentration en matière télévisuelle afin de tenir compte du succès rencontré par les nouvelles chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT).

Enfin, l'article 37 ter a pour objet d'autoriser l'Etat à détenir directement ou indirectement RFI, afin d'apporter une sécurité juridique au transfert prévu de RFI vers la holding « Audiovisuel extérieur de la France ».

Article 37 A (nouveau) Aménagement du régime des fondations universitaires

Commentaire : cet article, introduit à l'initiative de notre collègue député Benoist Apparu, propose d'ouvrir la possibilité de créer des fondations universitaires directement au niveau des établissements publics de coopérations scientifiques (EPCS), supports juridiques des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES).

I. La proposition de l'Assemblée nationale

L'article 28 de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a créé des fondations universitaires destinées à permettre aux universités d'attirer les financements des entreprises et des particuliers . Ce dispositif, codifié à l'article L. 719-12 du code de l'éducation, favorise le rapprochement du monde académique et du monde économique. Il ouvre droit au régime fiscal des fondations reconnues d'utilité publique (réduction d'impôt égale à 60 % du montant des versements pris dans la limite de 5 pour mille du chiffre d'affaires pour les sociétés assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés et, pour les particuliers, réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % du montant des versements pris dans la limite de 20 % du revenu imposable).

Cependant, la faculté de créer de telles fondations est réservée aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), c'est-à-dire aux universités et autres établissements d'enseignement supérieur. Or, ces mêmes établissements développent de plus en plus des coopérations au sein de pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES), instruments créés par la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche.

Le présent article propose d'étendre aux PRES la faculté de créer des fondations universitaires .

II. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur ne peut qu'approuver la démarche de l'Assemblée nationale, qui ne fait que tirer la conséquence logique de l'évolution du paysage universitaire, avec l'émergence des PRES. C'est pourquoi il recommande l'adoption du présent article.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 37 B (nouveau) Aménagement du régime des fondations partenariales

Commentaire : cet article, introduit à l'initiative de notre collègue député Benoist Apparu, propose d'ouvrir la possibilité de créer des fondations partenariales directement au niveau des établissements publics de coopérations scientifiques (EPCS), supports juridiques des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES). Il ouvre également la possibilité de créer plusieurs fondations partenariales au sein d'un même établissement.

I. La proposition de l'Assemblée nationale

L'article 28 de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités a créé, à l'initiative de notre collègue Philippe Adnot, des fondations partenariales destinées à permettre aux universités d'attirer les financements des entreprises et des particuliers . Ce dispositif, codifié à l'article L. 719-13 du code de l'éducation, favorise le rapprochement du monde académique et du monde économique.

Dotées de la personnalité morale, à l'inverse des fondations universitaires, les fondations partenariales ouvrent également droit au régime fiscal des fondations reconnues d'utilité publique (réduction d'impôt égale à 60 % du montant des versements pris dans la limite de 5 pour mille du chiffre d'affaires pour les sociétés assujetties à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés et, pour les particuliers, réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % du montant des versements pris dans la limite de 20 % du revenu imposable).

Cependant, le dispositif paraît limitatif sur deux points :

- d'une part, comme pour les fondations universitaires, la faculté de créer de telles fondations est réservée aux seuls établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) ;

- d'autre part, une interprétation restrictive de l'article L. 719-13 du code de l'éducation pourrait limiter à un le nombre de fondation partenariale pouvant être créée par un établissement donné. Or, ces instruments étant destinés à soutenir des projets, il ne paraît pas inutile de pouvoir en créer plusieurs.

Le présent article propose donc d'étendre aux PRES la faculté de créer des fondations partenariales et précise que les établissements visés ont la faculté de créer plusieurs fondations partenariales . Il apporte, en outre, quelques précisions rédactionnelles à l'article L. 719-13 du code de l'éducation.

II. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur ne peut qu'approuver la démarche de l'Assemblée nationale, qui, comme l'article 37 A, tire la conséquence logique de l'évolution du paysage universitaire, avec l'émergence des PRES et apporte, par ailleurs, des précisions bienvenues au dispositif.

C'est pourquoi votre rapporteur recommande l'adoption du présent article.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 37 - (article L. 562-2-1 du code monétaire et financier et articles 200, 206, 219 bis, 238 bis et 1740 A du code général des impôts) - Création de fonds de dotation

Commentaire : le présent article a pour objet de créer des fonds de dotation qui permettront le financement d'oeuvres ou de missions d'intérêt général, ou d'offrir un complément de financement à une personne morale à but non lucratif dans l'accomplissement de ses missions d'intérêt général (hôpitaux, musées, universités, etc.).

I. Le dispositif initialement proposé

A. Dispositions statutaires et relatives au fonctionnement des fonds de dotation

1. Création et objet des fonds de dotation

Aux termes du I du présent article, le fonds de dotation est une personne morale de droit privé à but non lucratif. Son objet est de recevoir et de gérer, en les capitalisant, des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et d'utiliser les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d'une oeuvre ou d'une mission d'intérêt général. Le fonds peut également redistribuer ses revenus pour assister une personne morale à but non lucratif dans l'accomplissement de ses missions d'intérêt général.

Il est indiqué que le fonds de dotation peut être créé par une ou plusieurs personnes physiques ou morales pour une durée déterminée ou indéterminée.

2. Régime déclaratoire

Le 1 er alinéa du II de cet article propose que le fonds de dotation doit être déclaré à la préfecture du département dans le ressort duquel il a son siège social, ladite déclaration devant être assortie du dépôt de ses statuts.

Le 2 ème alinéa du II tend à préciser que le fonds jouit de la personnalité morale à compter de la date d'insertion au Journal officiel de la déclaration faite à la préfecture. Les modifications des statuts du fonds sont déclarées et rendues publiques dans les mêmes conditions ( 3 ème alinéa du II ). Il est précisé que toute personne a droit de prendre communication, sans déplacement des statuts du fonds de dotation et peut s'en faire délivrer, à ses frais, copie ou extrait ( 4 ème alinéa du II ).

3. Administration des fonds de dotation

Le V du présent article propose que le fonds de dotation soit administré par un conseil d'administration qui comprend au minimum trois membres nommés, la première fois, par le ou les fondateurs . La composition ainsi que les conditions de nomination et de renouvellement du conseil d'administration relèveraient de ses statuts.

4. Dissolution des fonds de dotation

Aux termes du VIII de cet article, la dissolution d'un fonds de dotation peut être statutaire ou volontaire. Elle peut également être judiciaire (voir infra ).

Il est procédé à la liquidation dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, à l'initiative du liquidateur désigné par l'autorité judiciaire. A l'issue de la liquidation du fonds, l'ensemble de son actif net est transféré à un autre fonds de dotation ou à une fondation reconnue d'utilité publique.

Les conditions d'application de ces dispositions et, notamment, les limites dans lesquelles un fonds de dotation à durée déterminée peut utiliser sa dotation à l'expiration du délai prévu pour la réalisation de son objet sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.

B. Dispositions de nature financière, comptable et fiscale

1. Financement des fonds de dotation

Aux termes du 1 er alinéa du III , le fonds est constitué par les dotations en capital qui lui sont apportées auxquelles s'ajoutent les dons et legs qui lui sont consentis. Il est précisé que l'article 910 du code civil, qui régit les dispositions entre vifs ou testamentaires au bénéfice de certaines catégories de personnes morales expressément énumérées, ne sont pas applicables à ces libéralités. Toutefois, le 1 er alinéa du IV propose qu'un legs puisse être fait au profit d'un fonds de dotation qui n'existe pas au jour de l'ouverture de la succession sous la condition qu'il acquière la personnalité morale dans l'année suivant l'ouverture de celle-ci. Dans ce cas, la personnalité morale du fonds de dotation rétroagirait au jour de l'ouverture de la succession. Le 2 ème alinéa du IV précise que, dans ces conditions, à défaut de désignation par le testateur des personnes chargées de constituer le fonds de dotation, il est procédé à cette constitution par une fondation reconnue d'utilité publique, un fonds de dotation, ou une association reconnue d'utilité publique.

D'après le 2 ème alinéa du III , le ou les fondateurs peuvent apporter une dotation initiale au fonds. En revanche, aucun fond public, de quelque nature qu'il soit, ne peut être versé à un fonds de dotation sauf dérogation, « à titre exceptionnel » , pour une oeuvre ou un programme d'actions déterminé au regard de son importance ou de sa particularité. Il est proposé que les dérogations soient accordées par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et du budget.

Les alinéas suivants du III décrivent les ressources du fonds qui sont constituées des revenus de ses dotations, des produits des activités autorisées par les statuts et des produits des rétributions pour service rendu . De plus, le fonds peut faire appel à la générosité publique après autorisation administrative .

Il est proposé que le fonds de dotation puisse disposer librement de ses ressources dans la limite de son objet social. En revanche, il ne pourrait disposer des dotations en capital dont il bénéficie ni les consommer et donc se comporter comme une fondation à capital consomptible.

Les modalités de gestion financière du fonds de dotation sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.

2. Obligations comptables et commissariat aux comptes

Le VI du présent article propose que le fonds de dotation établisse chaque année des comptes comprenant au moins un bilan et un compte de résultat, lesquels doivent être publiés au plus tard dans un délai de six mois suivant l'expiration de l'exercice. De plus, dès lors que le montant total de ses ressources dépasse 10.000 euros en fin d'exercice, le fonds doit nommer au moins un commissaire aux comptes et un suppléant .

Il est prévu que le président et les membres du conseil d'administration du fonds de dotation qui ne produisent pas, chaque année, des comptes dans les conditions prévues ci-dessus soient passibles d'une amende de 9.000 euros. En outre, il est précisé que les dispositions de l'article L. 820-4 du code de commerce leur sont également applicables.

3. Contrôle administratif

Aux termes du VII de cet article , le préfet pourrait s'assurer de la régularité du fonctionnement du fonds de dotation. A cette fin, il pourrait se faire communiquer tous documents et procéder à toutes investigations utiles. Le fonds de dotation devrait lui adresser chaque année un rapport d'activité auquel sont joints le rapport du commissaire aux comptes et les comptes annuels.

S'il constate des dysfonctionnements graves affectant la réalisation de l'objet du fonds de dotation, il pourrait suspendre l'activité du fonds pendant une durée de six mois au plus ou, lorsque la mission d'intérêt général n'est plus assurée, saisir l'autorité judiciaire aux fins de sa dissolution.

Les modalités d'application de ces dispositions sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.

4. Lutte contre le blanchiment

Le IX du présent article propose d'insérer un 7° à l'article L. 562-2-1 du code monétaire et financier, qui concerne l'obligation pour les banquiers, assureurs ou experts comptables de procéder à la déclaration des sommes inscrites dans leurs livres pouvant provenir de différents types d'opérations criminelles quand ils réalisent, dans le cadre de leur activité professionnelle, au nom et pour le compte de leur client, toute transaction financière ou immobilière ou quand ils participent en assistant leur client à la préparation ou à la réalisation d'un certain nombre de transactions, auxquelles le projet de loi ajoute la constitution ou la gestion de fonds de dotation.

5. Dispositions fiscales

a) L'exonération d'impôt sur les sociétés des fonds de dotation

Le B du X du présent article propose de compléter le 1° de l'article 206 du code général des impôts afin d'exonérer d'impôt sur les sociétés les fonds de dotation .

Le C du X propose que les fondations reconnues d'utilité publique et les fonds de dotation ne soient pas non plus assujettis à cet impôt au titre :

- de la location des immeubles bâtis et non bâtis dont ils sont propriétaires, et de ceux auxquels ils ont vocation en qualité de membres de sociétés immobilières de copropriété ;

- de l'exploitation des propriétés agricoles ou forestières ;

- des revenus de capitaux mobiliers dont ils disposent ;

- des dividendes des sociétés immobilières ;

- des dividendes des sociétés d'investissements immobiliers cotées.

b) La réduction d'impôt sur le revenu au profit des donateurs

Le A du X du présent article propose de compléter l'article 200 du code général des impôts, pour ouvrir droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou produits, effectués par les contribuables domiciliés en France au profit de fonds de dotation.

Cette réduction est soumise à deux conditions non cumulatives s'agissant du fonds de dotation concerné :

- avoir un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique , notamment à travers les souscriptions ouvertes pour financer l'achat d'objets ou d'oeuvres d'art destinés à rejoindre les collections d'un musée de France accessibles au public, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ;

- être fondé sur une gestion désintéressée, et reverser les revenus tirés des dons et versements à des organismes tels que les fondations, les associations reconnues d'utilité publique, les fondations universitaires, les fondations partenariales, les oeuvres ou organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, les établissements d'enseignement supérieur ou d'enseignement artistique publics ou privés, d'intérêt général, à but non lucratif, les organismes agréés dont l'objet est de verser des aides financières en faveur des petites et moyennes entreprises, les associations culturelles et de bienfaisance, ainsi que des établissements publics des cultes reconnus d'Alsace-Moselle, les organismes publics ou privés dont la gestion est désintéressée et qui ont pour activité principale la présentation au public d'oeuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques et de cirque ou l'organisation d'expositions d'art contemporain, ou à la Fondation du Patrimoine.

c) La réduction d'impôt au profit des entreprises

Le D du X de cet article propose de compléter l'article 238 bis du code général des impôts, afin de permettre aux entreprises effectuant des versements auprès de fonds de dotation, de bénéficier d'une réduction d'impôt égale à 60 % du montant de ces versements, pris dans la limite de 5 pour mille du chiffre d'affaires , que ces entreprises soient assujetties à l'IR ou à l'IS.

Le bénéfice de la réduction d'impôt est soumis aux mêmes conditions, concernant le fonds de dotation, que la réduction d'impôt des donateurs personnes physiques.

d) Sanction des irrégularités

Le E du X du présent article propose de compléter l'article 1740 A du code général des impôts, afin de prévoir l'application d'une amende en cas de délivrance irrégulière d'une attestation :

- justifiant le montant et l'affectation des versements effectués au profit d'un fonds de dotation, cette attestation devant permettre aux donateurs de bénéficier d'une réduction d'impôt ;

- ayant le même objet, mais devant permettre aux entreprises donatrices de bénéficier elles aussi d'une réduction d'impôt au même titre.

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

Outre sept amendements rédactionnels, l'Assemblée nationale a adopté au présent article :

- à l'initiative de nos collègues députés Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques, et Pierre Morange, un amendement précisant que les dons issus de la générosité publique peuvent être joints à la dotation en capital du fonds de dotation. Ainsi, une telle intégration n'est pas imposée de façon à permettre aux fonds de dotation, notamment modestes, qui ne disposent pas d'une capitalisation importante de financer à très court terme des opérations programmées à partir des seules ressources issues des dons de la générosité publique ;

- à l'initiative de notre collègue député Jean-Paul Charié, rapporteur de la commission des affaires économiques, un amendement supprimant les conseils d'orientation des fonds de dotation .

III. La position de votre commission spéciale

A. Un dispositif souple, de nature à attirer davantage de financements privés vers les oeuvres et organismes publics

Votre commission approuve l'économie et les objectifs du présent dispositif , qui, du fait de sa souplesse et de son caractère comparable à ce qui se pratique dans d'autres pays, paraît de nature à attirer davantage de fonds privés vers le financement d'oeuvres ou d'organismes publics.

En effet, malgré leur grand mérite, les outils existant actuellement dans le droit français peuvent décourager certaines initiatives en raison d'un excès de rigidité. Ainsi, s'il n'est évidemment pas question de les remettre en cause, il apparaît que les fondations reconnues d'utilité publique (FRUP) sont encadrées par des règles très contraignantes.

L'encadré suivant retrace les principales différences entre les FRUP et les fonds de dotation dont le présent article propose la création.

PRINCIPALES DIFFÉRENCES ENTRE LES FONDS DE DOTATION
ET LES FONDATIONS RECONNUES D'UTILITÉ PUBLIQUE

- La création d'un fonds de dotation par une ou plusieurs personnes physique ou morales se ferait par simple déclaration en préfecture, sans obligation de dotation initiale, pour une durée déterminée ou indéterminée . A l'inverse, le Conseil d'Etat exige des FRUP une dotation minimale. D'autre part, les ressources d'une dotation ne doivent pas êtres constituées d'actifs à risque, ni même d'actions ou d'autres parts sociales.

- La capacité des personnes morales de droit public à créer une FRUP, en dehors d'une autorisation législative, est incertaine, ce qui n'est pas le cas pour un fonds de dotation.

- Les FRUP doivent obtenir la reconnaissance d'utilité publique (par décret) à l'issue d'une procédure longue et complexe. Une telle obligation n'incomberait pas aux fonds de dotation.

- Les statuts d'un fonds de dotation détermineraient librement la composition de son conseil d'administration ; ses fondateurs pourraient donc le contrôler . Les statuts d'une FRUP doivent suivre un modèle contraint et son conseil d'administration doit garantir son indépendance à l'égard des fondateurs ; trois collèges de membres sont obligatoires : fondateurs, membres de droit (à défaut de commissaire du Gouvernement) et personnalités qualifiées.

- Un commissaire aux comptes certifie les comptes annuels de toutes les FRUP alors que seul un contrôle d'un commissaire aux comptes serait imposé aux fonds de dotation dont les ressources annuelles dépassent 10.000 euros.

- La FRUP est soumise à une tutelle administrative stricte , du fait de sa personnalité juridique liée à un décret lui accordant la RUP, de la soumission de ses statuts à l'approbation du gouvernement et de la soumission à approbation administrative de son droit à recevoir des legs ou des libéralités (article 910 du code civil). De plus, elle est soumise à une surveillance administrative de la part du ministère de l'intérieur et à un contrôle de la Cour des comptes si elle fait appel à la générosité publique. Le fonds de dotation serait soumis à un contrôle plus léger puisqu'il devrait remettre à l'autorité administrative un rapport d'activité annuel (auquel seraient joints le rapport du commissaire aux comptes et les comptes annuels), ainsi que « tous documents utiles » (à la demande de l'autorité administrative, dans le cadre du contrôle de la régularité du fonctionnement du fonds de dotation). Il serait également soumis à un contrôle de la Cour des comptes s'il faisait appel à la générosité publique.

Votre rapporteur se félicite de la souplesse des dispositions devant régir la création, le fonctionnement et le contrôle des fonds de dotation, estimant qu'il s'agit d'une condition nécessaire à leur succès .

Cependant, le texte proposé prévoit des garde-fous de nature à prévenir d'éventuelles dérives .

Si les fonds de dotation ne sont pas soumis aux dispositions de l'article 910 du code civil, ils relèvent cependant de celles de l'article L. 562-2-1 du code monétaire et financier relatives à la lutte contre le blanchiment.

De même, bien qu'exercé dans des conditions moins strict que pour celui des RUP, un contrôle administratif sera effectué. Comme indiqué supra , le préfet pourrait s'assurer de la régularité du fonctionnement d'un fonds de dotation et, s'il constatait des dysfonctionnements graves affectant la réalisation de son objet, il pourrait suspendre son activité pour une durée pouvant aller jusqu'à six mois ou même, si la mission d'intérêt général n'était plus assurée, saisir l'autorité judiciaire aux fins de sa dissolution.

Le présent article pose donc un bon équilibre, qu'il convient cependant de parfaire, notamment pour ce qui concerne le contrôle comptable et financier des fonds de dotation.

B. Un contrôle comptable renforcé apparaît nécessaire

Le VI du présent article définit les conditions dans lesquelles les fonds de dotation publient leur comptes et doivent se doter d'un commissaire aux comptes.

D'une part, il apparaît nécessaire de soumettre les fonds de dotation faisant appel à la générosité du public à certaines obligations comptables, sans que celles-ci ne soient trop contraignantes . La publication d'un compte d'emploi annuel de ressources, prévue par la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique, permettrait de répondre à cet objectif.

D'autre part, le 3 ème alinéa du VI définit une procédure d'alerte si le commissaire aux comptes était amené, au cours de sa mission, à découvrir des faits de nature à compromettre la continuité de son activité.

Cette procédure apparaît toutefois légère, le commissaire aux comptes devant « appeler l'attention » du président et des membres du conseil d'administration sur de tels faits. Aux termes du texte proposé, il pourrait alors demander au conseil d'administration d'en délibérer, sans qu'il soit fait obligation au dit conseil de se réunir et sans qu'un délai soit fixé pour une telle réunion.

Votre rapporteur estime donc nécessaire de renforcer ce pouvoir d'alerte du commissaire aux comptes, en le rapprochant de la procédure en vigueur pour les sociétés commerciales , qui fait l'objet des articles L. 234-1 à L. 234-4 du code de commerce. Votre commission vous propose un amendement en ce sens.

C. La règle imposant l'utilisation des seuls revenus de la capitalisation mérite d'être assouplie

A l'inverse, le présent article pose le principe de la non consommation de la dotation du fonds ; il ne peut disposer librement que de ses ressources, énumérées au 4 ème alinéa du III (voir supra ).

Or, une telle contrainte semble contradictoire avec la possibilité, visée au 2 ème alinéa du I, de créer un fonds de dotation pour une durée déterminée. Il s'agit là de permettre d'utiliser des fonds, pendant un temps donné, en vue de la réalisation d'un projet ou d'une oeuvre, comme peut le faire une fondation à capital consomptible.

Dans ces conditions, interdire l'utilisation de la dotation elle-même risque de réduire significativement l'efficacité du fonds de dotation, les moyens de son action étant limités aux ressources tirées de la capitalisation.

C'est pourquoi votre commission, tirant la pleine conséquence de la création de ce nouvel outil de financement dans le droit national, propose un amendement tendant à autoriser la consommation de la dotation des fonds de dotation, dans les conditions prévues par leurs statuts .

D. Le champ de l'avantage des donateurs doit être élargi aux fonds de dotation visant à restaurer des monuments historiques classés ou inscrits

Enfin, la rédaction actuelle du présent article ne prévoit pas d'avantage fiscal pour les particuliers ou les entreprises effectuant un don aux fonds de dotation qui réalisent des travaux de restauration, de conservation ou d'accessibilité sur des monuments historiques classés ou inscrits.

Or, les articles 200 et 238 bis du code général des impôts accordent de tels avantages aux donateurs de fondations ou d'associations effectuant ce type d'opérations. Votre rapporteur propose donc un amendement tendant à viser également les fonds de dotation dans ces dispositifs fiscaux .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 37 bis (nouveau) - (article 39 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) Assouplissement du dispositif anti-concentration pour les chaînes de télévision

Commentaire : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, tend à relever le seuil d'audience au-delà duquel s'applique le dispositif anti-concentration en matière télévisuelle.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative de leur collègue, M. Frédéric Lefebvre, les députés ont adopté cet article additionnel qui propose d'aménager le dispositif anti-concentration afin de tenir compte du succès rencontré par les nouvelles chaînes de la Télévision numérique terrestre (TNT).

A. L'historique de la règle des 49 %

Le I de l'article 39 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dispose qu'une même personne physique ou morale (agissant seule ou de concert) « ne peut détenir, directement ou indirectement, plus de 49 % du capital ou des droits de vote d'une société titulaire d'une autorisation relative à un service national de télévision diffusé par voie hertzienne terrestre dont l'audience moyenne annuelle par voie hertzienne terrestre, par câble et par satellite, tant en mode analogique qu'en mode numérique, dépasse 2,5 % de l'audience totale des services de télévision » . Il renvoie aussi à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les conditions dans lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) constate la part d'audience des divers services et, en cas de franchissement du seuil, impartit aux personnes concernées de se mettre en conformité avec la règle des 49 % dans un délai qui ne peut dépasser un an. Ce décret n'a, à ce jour, pas encore été pris.

Destiné à assurer le pluralisme interne au sein de l'actionnariat des grandes chaînes de télévision, ce dispositif communément appelé « règle des 49 % » est une des dispositions parmi les plus symboliques de la loi du 30 septembre 1986 . Il a été modifié à trois reprises.

D'abord, l'article 14 de la loi n° 94-88 du 1 er février 1994, dite « Loi Carignon », a porté le plafond de détention par une même personne de 25 % (seuil historique initial) à 49 % du capital ou des droits de vote et précisé que ce plafond devait s'appliquer à un actionnaire déterminé et à un éventuel concert d'actionnaires.

Lors de l'adoption du régime juridique de la télévision numérique de terre (TNT) par la loi n° 2000-719 du 1 er août 2000, cette disposition fut étendue sans modification particulière à l'ensemble des chaînes nationales de la TNT.

Mais à l'approche de la délivrance des premières autorisations de la TNT, cette extension est rapidement apparue à la fois trop rigoureuse pour les services existants et dissuasive à l'égard des divers candidats. Elle aurait en effet obligé les candidats issus du câble et du satellite -supports sur lesquels cette règle ne joue pas- à céder une partie de leur capital souvent concentré entre quelques mains ; pour les nouveaux entrants, elle aurait obligé à trouver de nouveaux partenaires minoritaires sur des projets dont le retour sur investissement apparaissait relativement lent. La loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social éducatif et culturel a en conséquence exonéré les chaînes à faible audience -en pratique l'ensemble des chaînes de la TNT- du jeu de la règle des 49 % par l'introduction du seuil d'audience de 2,5 %. Ainsi, TF1, Canal + et M6 continuent d'y être soumis, quand l'ensemble des nouveaux entrants de la TNT en sont exonérés tant qu'ils n'atteignent pas le seuil requis de 2,5 % de l'audience de l'ensemble des services de télévision.

B. Les nouvelles chaînes de la TNT, victimes de leur succès ?

Lors de l'année 2007, la part globale des chaînes de la TNT sur l'ensemble de l'audience des chaînes de télévision est passée de 3,6 % en janvier à 8,3 % en décembre . Ainsi, leur part de marché a plus que doublé en moins d'un an. Parmi les nouvelles chaînes gratuites de la TNT, certaines devraient prochainement approcher ou dépasser le seuil de 2,5 % de l'audience totale des services de télévision (tandis que Canal + devrait basculer en dessous de ce seuil).

Cinq chaînes nouvelles de la TNT connaissent une forte progression de leur audience : W9, TMC, NT1, Gulli et NRJ 12 . Considérées par rapport à l'audience totale des services de télévision, aucune de ces chaînes n'atteignait à la fin 2007 le seuil de 2,5 %. Cependant, si leur croissance se poursuit, le seuil de 2,5 % pourrait être atteint avant le basculement complet de la diffusion en mode analogique à la diffusion en mode numérique, prévu au 30 novembre 2011, et notamment par les deux chaînes les plus regardées, TMC et W9.

En effet, si l'on fait l'hypothèse que le paysage audiovisuel issu du basculement complet de l'analogique au numérique est préfiguré par l'univers actuel des personnes vivant dans un foyer disposant de la TNT via un adaptateur, alors les cinq chaînes W9, TMC, NT1, Gulli et NRJ 12 sont au dessus du seuil de 2,5 %. Et l'extension en cours de la couverture géographique de la TNT va contribuer mécaniquement à faire encore croître cette audience. Or chacune d'elles est détenue à plus de 49 % par un actionnaire.

1. La chaîne TMC

TF1 et AB détiennent chacune 50 % du capital et des droits de vote de la société Monte Carlo Participations qui détient 80 % de la société Télé Monte-Carlo (TMC), les 20 % restant étant détenus par la Principauté de Monaco. L'application de la règle des 49 % dès que TMC atteindra 2,5 % de part d'audience aurait donc pour conséquence de contraindre la société Monte Carlo Participations à réduire sa participation de 80 % à 49 %.

TMC

Avril 2008

Mars 2008

Décembre 2007

Part d'audience auprès de l'ensemble des personnes équipées TV

2,0 %

2,0 %

1,7 %

Part d'audience auprès des personnes vivant dans un foyer disposant de la TNT via un adaptateur

4,2 %

4,3 %

4,0 %

2. La chaîne W9

La chaîne W9 est détenue à 100 % par le groupe M6 (Métropole Télévision).

W9

Avril 2008

Mars 2008

Décembre 2007

Part d'audience auprès de l'ensemble des personnes équipées TV

1,7 %

1,6 %

1,3 %

Part d'audience auprès des personnes vivant dans un foyer disposant de la TNT via un adaptateur

3,8 %

3,7 %

3,7 %

3. La chaîne Gulli

Lagardère est l'actionnaire majoritaire de la chaîne Gulli (à hauteur de 66 % du capital), tandis que France Télévisions détient 33 %.

Gulli

Avril 2008

Mars 2008

Décembre 2007

Part d'audience auprès de l'ensemble des personnes équipées TV

1,4 %

1,6 %

1,1 %

Part d'audience auprès des personnes vivant dans un foyer disposant de la TNT via un adaptateur

3,8 %

4,3 %

3,5 %

4. La chaîne NT1

La chaîne NT1 est une filiale de AB Productions.

NT1

Avril 2008

Mars 2008

Décembre 2007

Part d'audience auprès de l'ensemble

des personnes équipées TV

1,1 %

1,1 %

0,8 %

Part d'audience auprès des personnes vivant dans un foyer disposant de la

TNT via un adaptateur

2,8 %

2,8 %

2,7 %

5. La chaîne NRJ 12

La chaîne NRJ 12 est une filiale du groupe NRJ.

NRJ 12

Avril 2008

Mars 2008

Décembre 2007

Part d'audience auprès de l'ensemble des personnes équipées TV

1,0 %

0,9 %

0,7 %

Part d'audience auprès des personnes vivant dans un foyer disposant de la TNT via un adaptateur

2,7 %

2,3 %

2,3 %

C. Le nécessaire relèvement du seuil d'audience pour l'application de la règle des 49 %

Si ces chaînes dépassaient le seuil d'audience de 2,5 %, elles seraient donc tenues par la réglementation en vigueur de ramener la part de leurs actionnaires au capital sous le seuil de 49 %. Cet effet mécanique risquerait de déstabiliser ces nouvelles chaînes, qui sont encore, pour la plupart, déficitaires et qui doivent financer l'extension de leur couverture suite à l'engagement qu'elles ont pris d'être diffusées en numérique par voie hertzienne sur 95 % du territoire.

Plutôt que d'acculer ces nouvelles chaînes de la TNT à modifier leur actionnariat dès le dépassement du seuil des 2,5 %, les députés proposent, avec l'accord du Gouvernement, de porter le seuil d'audience de 2,5 % à 8 % pour l'application de la règle des 49 %.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale se félicite de l'adoption de ce dispositif qui répond à une nécessité économique , à savoir permettre à des jeunes chaînes de se développer en s'appuyant sur un actionnariat stable, et à une nécessité culturelle , dans la mesure où ces nouveaux entrants sur la TNT apportent une contribution importante à la diversité et au pluralisme. Si la règle n'était pas modifiée dans le sens proposé par les députés, les actionnaires des nouveaux entrants devraient à moyen terme se désengager pour détenir moins de 49 % du capital : ce désengagement serait particulièrement dommageable à l'heure où l'implication de l'actionnariat est décisive pour l'avenir de la TNT et le succès du basculement de l'analogique vers le numérique.

Votre commission spéciale relève aussi que la disposition proposée par l'Assemblée nationale ne remet pas en cause l'économie globale du dispositif français anti-concentration , à commencer d'ailleurs par la règle des 49 %. La modification proposée est sans commune mesure avec l'assouplissement des règles anti-concentration dans les médias auquel ont récemment pu procéder d'autres grandes démocraties occidentales : ainsi, aux Etats-Unis, une réforme de ces règles datant de 1974 a été décidée en décembre 2007 par la Federal communications commission (FCC) afin de tenir compte des évolutions récentes survenues dans le secteur des médias, à savoir, essentiellement, la nouvelle répartition des recettes publicitaires du fait de la concurrence croissante d'Internet. Les restrictions sur le nombre de stations de radio ou de chaînes de télévision qu'un même propriétaire peut détenir sont donc désormais supprimées ; l'interdiction de la détention de plusieurs médias sur les marchés locaux est également levée, sous certaines conditions.

Dès 2003, le Royaume-Uni avait également révisé radicalement son cadre législatif en matière de propriété dans le secteur de la télévision, abrogeant certains dispositifs anti-concentration afin d'y substituer une procédure plus libérale d'examen au cas par cas, dès lors qu'une opération de fusion ou acquisition -de plus de 100 millions d'euros- implique une partie disposant d'une part de 25 % ou plus du marché pertinent de la radiodiffusion sonore, télévisuelle ou de la presse.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 37 ter (nouveau) - (article 47 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication) Possibilité de détention indirecte par l'Etat du capital de Radio France Internationale (RFI)

Commentaire : cet article, inséré par l'Assemblée nationale, autorise l'Etat à détenir directement ou indirectement RFI, ce qui apporte une sécurité juridique au transfert prévu de RFI vers la holding « Audiovisuel extérieur de la France ».

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Les députés proposent une nouvelle rédaction du premier alinéa de l'article 47 de la loi du 30 septembre 1986, qui dispose aujourd'hui que l'Etat détient la totalité du capital des sociétés France Télévisions, Radio France et RFI. La nouvelle rédaction viserait à préciser que la détention par l'Etat du capital de France Télévisions et Radio France est directe et surtout à autoriser une détention directe ou indirecte du capital de la société RFI.

L'objectif poursuivi est simplement de sécuriser juridiquement le schéma envisagé par le Gouvernement pour la réforme de l'audiovisuel extérieur . Conformément aux propositions du rapport remis au Président de la République par MM. Jean-David Levitte et Marc Georges Benamou en décembre 2007, cette réforme, qui vise à rationaliser les participations de l'Etat dans TV5 Monde, France 24 et RFI, reposera sur la transformation de ces trois sociétés en filiales d'une holding « Audiovisuel extérieur de la France ». Seraient mutualisées au sein de cette holding les fonctions support pour les trois sociétés (administration, ressources humaines, finances) mais aussi certaines fonctions « coeur de métier » (production d'information et distribution...), sans pour autant priver chaque antenne de la pleine maîtrise de sa programmation.

Il s'agit en effet de doter l'audiovisuel extérieur français d'une ambition et d'une vision stratégique ainsi que de le faire bénéficier d'une plus grande coordination et d'un meilleur partage des compétences. Le projet consiste donc à rendre audible l'offre éditoriale de l'audiovisuel extérieur de la France, en misant notamment sur les nouveaux réseaux et Internet. Pour ce faire, il est prévu d'intégrer les trois sociétés concernées et d'unifier les programmes budgétaires correspondants. Des synergies de coût significatives, ainsi que des revenus additionnels, sont escomptés de ce projet : le gain total de la réforme pourrait atteindre 56 millions d'euros à l'horizon 2012.

L'article 37 ter autorise donc explicitement l'Etat à détenir RFI via cette holding.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale ne peut que saluer l'insertion, par les députés, de ce nouvel article : en effet, il serait absurde que RFI soit tenue à l'écart de la holding qui portera l'audiovisuel extérieur de la France. Il est donc particulièrement utile de consolider la base juridique de ce projet nécessaire et d'autoriser explicitement l'Etat à détenir indirectement RFI.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE V - Garantir l'indépendance du service statistique public

Le présent chapitre V se compose désormais de deux articles. Dans la version initiale du projet de loi, il tendait à la création d'une Haute autorité de la statistique publique. Les députés ont modifié l'intitulé de cette division, désormais consacrée à l'indépendance du service statistique public, par coordination avec les modifications substantielles qu'ils ont introduites à l'article 38.

Pour les raisons exposées ultérieurement, votre commission spéciale vous propose de revenir à la proposition initiale du Gouvernement tendant à créer une autorité indépendante du Conseil national de l'information statistique pour veiller à l'indépendance professionnelle de l'INSEE, à une nuance près puisqu'il est proposé de dénommer cette instance : « Autorité de la statistique publique ». C'est pourquoi elle vous propose un amendement tendant à rétablir l'intitulé du chapitre V du titre III, dans une rédaction proche de celle du projet de loi initial.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet intitulé ainsi modifié.

Article 38 - (articles 1er et 1er bis [nouveau] de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951) Renforcement de l'indépendance du service statistique public

Commentaire : dans sa version initiale, l'article 38 proposait la création d'une Haute autorité de la statistique publique chargée de veiller à l'indépendance des organismes chargés de la statistique. Les députés ont rejeté cette proposition et ont adjoint au Conseil national de l'information statistique, transformé en Conseil supérieur de la statistique, un comité scientifique composé de neuf membres, chargé d'exercer cette mission.

I. Le droit en vigueur

Le service statistique public s'appuie actuellement sur l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), créé par les articles 32 et 33 de la loi du 27 avril 1946, et sur les services statistiques ministériels. L'INSEE est une direction générale du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, dont les attributions et missions sont fixées par le décret du 14 juin 1946. Il s'agit donc d'une administration publique , dont les salariés sont des agents de l'Etat, fonctionnaires ou non, soumis au pouvoir hiérarchique du ministre. Le directeur général de l'INSEE est, comme tout directeur d'administration centrale, nommé en conseil des ministres.

Cette situation contraste avec l'organisation adoptée dans les Etats membres de l'Union européenne puisque, dans la plupart d'entre eux, l'institut national des statistiques est bien souvent juridiquement et fonctionnellement indépendant de tout service ministériel, qu'il s'agisse de l'Allemagne, du Danemark, de l'Italie ou des Pays-Bas par exemple, pays dans lesquels ces organismes sont totalement autonomes.

L'article 1 er de la loi du 7 juin 1951 a quant à lui créé, auprès de l'INSEE, un Conseil national de l'information statistique (CNIS) chargé de coordonner les enquêtes statistiques des services publics, à l'exclusion des travaux statistiques d'ordre intérieur. Cet article précise que le CNIS établit le programme de travail annuel, mais réserve à l'autorité administrative le soin de fixer ce programme et ses modalités d'exécution. Cette répartition des rôles est reprise dans le décret du 7 avril 2005, aux termes duquel le Conseil émet un avis sur ce programme (article 1 er ), qui est défini par arrêté du ministre de l'économie (article 27). Les travaux du Conseil ont donc un caractère consultatif.

Ce décret précise que le CNIS a « une durée illimitée », exécute les missions qui lui sont dévolues par la loi du 7 juin 1951 et assure, pour ce qui concerne l'information statistique, « la concertation entre les utilisateurs de l'information, les services publics et, dans la mesure où ils y sont soumis, les autres services producteurs d'informations statistiques » . Le CNIS est présidé par le ministre de l'économie et son assemblée plénière comprend un représentant des assemblées parlementaires et du Conseil économique et social, un représentant de chaque membre du Gouvernement, des représentants des collectivités territoriales et des représentants d'autres administrations publiques ainsi que des représentants du monde professionnel (syndicats patronaux et de salariés, syndicats des enseignants, Union nationale des associations familiales, représentants des journalistes, Fédération bancaire française, assemblée permanente des chambres de métiers de l'artisanat, etc.).

Outre l'assemblée plénière, le CNIS comprend un bureau, un comité du contentieux des enquêtes statistiques obligatoires, un comité du label des enquêtes statistiques, une commission nationale des nomenclatures économiques et sociales, une commission nationale d'évaluation du recensement de la population et divers groupes de travail ou formations spécialisées, ainsi que le comité du secret statistique . Composé de deux sections, ce comité, présidé par un membre du Conseil d'Etat, traite les demandes d'accès à des fichiers de données individuelles d'ordre économique ou financier.

Jusqu'à la parution du décret du 7 avril 2005, le comité n'était compétent que pour les données statistiques relatives aux entreprises. Ses attributions ont alors été étendues aux données concernant toutes les catégories de personnes morales, y compris celles de droit public. En outre, il donne son avis sur l'accès, à des fins de recherche scientifique, aux données administratives déjà transmises à la statistique publique. Ces différentes instances du CNIS se réunissent selon des périodicités annuelles variables (son assemblée plénière se réunit une fois, son bureau trois fois et chacune de ses formations spécialisées -au nombre de treize- une ou deux fois). Au total, le nombre de réunions de l'ensemble de ses composantes est de l'ordre de soixante à quatre-vingts par an.

Les moyens budgétaires du Conseil sont prélevés sur ceux de l'INSEE, qui en assure le secrétariat (5 agents de catégorie A et 5 de catégories B ou C sont pris sur son plafond d'emplois). Ses membres et ceux du bureau sont entièrement bénévoles et ne perçoivent aucune rémunération ni avantage en nature. Les principaux postes de dépense sont :

- la prise de notes et l'enregistrement des réunions : 60.000 euros ;

- le routage et l'impression des documents : 50.000 euros ;

- les frais de location de salle : 20.000 euros.

L'organisation du système statistique national a dû s'adapter aux évolutions du droit communautaire . Ainsi, un règlement communautaire de 1997 a été adopté pour établir un cadre normatif visant à « organiser de façon systématique et programmée la production de statistiques communautaires en vue de la formulation, de l'application, du suivi et de l'évaluation des politiques de la Communauté » . Les autorités nationales et l'organe statistique communautaire, Eurostat, ont, chacun dans leur domaine de compétence, la responsabilité de la production de statistiques communautaires, qui doivent être élaborées sur la base de normes uniformes et, dans des cas spécifiques dûment justifiés, de méthodes harmonisées afin de garantir la comparabilité des résultats.

Au-delà de la nécessaire harmonisation de ces données, l'Union européenne s'est penchée sur la question de l'indépendance des organismes chargés de la production de statistiques. A ce titre, ce règlement, selon lequel les statistiques communautaires doivent notamment être régies par le principe d'impartialité, définit ce principe comme une « manière objective et indépendante de produire des statistiques communautaires, à l'abri de toute pression émanant de groupes politiques ou d'autres groupes d'intérêt, notamment en ce qui concerne le choix des techniques, des définitions et des méthodologies les mieux adaptées à la poursuite des objectifs définis » .

Le Traité sur l'Union européenne, tel que modifié par le Traité d'Amsterdam, a précisé ensuite, en son article 285, que l'établissement des statistiques devait être effectué « dans le respect de l'impartialité, de la fiabilité, de l'objectivité, de l'indépendance scientifique, de l'efficacité au regard du coût et de la confidentialité des informations statistiques » . Dans le prolongement de ces démarches visant à une meilleure indépendance des organismes statistiques, un code de bonnes pratiques de la statistique européenne a été adopté le 24 février 2005 par le comité du programme statistique. Ce code a été promulgué dans la recommandation de la Commission européenne du 25 mai 2005 sur l'indépendance, l'intégrité et la responsabilité des services statistiques nationaux et communautaires.

Créé par la décision 89/382/CE du Conseil du 19 juin 1989, le comité du programme statistique est composé de représentants des instituts statistiques des Etats membres et présidé par le directeur général d'Eurostat. Placé auprès de la Commission européenne, il est chargé de l'assister dans la coordination générale des programmes statistiques pluriannuels afin d'assurer la cohérence des actions à entreprendre avec celles décidées dans les programmes nationaux. Il adopte également les règlements d'application de la législation communautaire dans le domaine statistique.

Ce texte, dont la valeur juridique est inférieure à celle qui résulterait d'un règlement, d'une décision ou d'une directive, définit quinze principes que les pouvoirs publics et les autorités statistiques de l'Union européenne s'engagent à respecter. Pour ce faire, un contrôle régulier de leur application doit également être mis en oeuvre sur la base d'indicateurs de suivi.

Les quinze principes du code de bonnes pratiques

1) Indépendance professionnelle : l'indépendance professionnelle des autorités statistiques à l'égard aussi bien des autres services et organismes politiques, réglementaires ou administratifs, que des opérateurs du secteur privé, assure la crédibilité des statistiques européennes.

2) Mandat pour la collecte des données : les autorités statistiques doivent disposer d'un mandat légal clair les habilitant à collecter des informations pour les besoins des statistiques européennes. A la demande des autorités statistiques, les administrations, les entreprises et les ménages ainsi que le public en général peuvent être contraints par la loi à permettre l'accès à des données ou à fournir des données pour l'établissement de statistiques européennes.

3) Adéquation des ressources : les ressources dont disposent les autorités statistiques doivent être suffisantes pour leur permettre de répondre aux exigences statistiques au niveau européen.

4) Engagement sur la qualité : tous les membres du système statistique européen s'engagent à travailler et à coopérer dans le respect des principes définis dans la déclaration de qualité du système statistique européen.

5) Secret statistique : le respect de la vie privée ou du secret des affaires des fournisseurs de données (ménages, entreprises, administrations et autres répondants), la confidentialité des informations qu'ils communiquent et l'utilisation de celles-ci à des fins strictement statistiques doivent être absolument garantis.

6) Impartialité et objectivité : les autorités statistiques doivent produire et diffuser des statistiques européennes dans le respect de l'indépendance scientifique et de manière objective, professionnelle et transparente plaçant tous les utilisateurs sur un pied d'égalité.

7) Méthodologie solide : des statistiques de qualité sont fondées sur une méthodologie solide. Cela nécessite des procédures, des compétences et des outils adéquats.

8) Procédures statistiques adaptées : des statistiques de qualité sont fondées sur des procédures statistiques adaptées, depuis la collecte des données jusqu'à leur validation.

9) Charge non excessive pour les déclarants : la charge de réponse doit être proportionnée aux besoins des utilisateurs sans être excessive pour les déclarants. L'autorité statistique surveille la charge de réponse et fixe des objectifs en vue de sa réduction progressive.

10) Rapport coût-efficacité : les ressources doivent être utilisées de façon efficiente.

11) Pertinence : les statistiques européennes doivent répondre aux besoins des utilisateurs.

12) Exactitude et fiabilité : les statistiques européennes doivent refléter la réalité de façon exacte et fiable.

13) Actualité et ponctualité : les statistiques européennes doivent être diffusées en temps utile et aux moments prévus.

14) Cohérence et comparabilité : les statistiques européennes doivent présenter une cohérence interne et dans le temps et permettre la comparaison entre régions et pays ; il doit être possible de combiner et d'utiliser conjointement des données connexes provenant de sources différentes.

15) Accessibilité et clarté : les statistiques européennes doivent être présentées sous une forme claire et compréhensible, diffusées d'une manière pratique et adaptée, disponibles et accessibles pour tous et accompagnées de métadonnées et d'explications.

Chacun de ces principes est assorti d'indicateurs (77 au total) qui doivent faire l'objet d'une évaluation régulière.

L'adoption de ce code a d'abord amené les autorités statistiques nationales à engager un travail d'évaluation de l'application de ces principes, réalisé par leurs propres agents. Pour l'INSEE, les résultats de cette évaluation, effectuée à la fin de l'année 2005, ont mis en évidence un certain nombre de points forts et de faiblesses conduisant l'Institut à définir un plan d'action, décliné en vingt-six volets. Puis, au début de l'année 2007, un exercice d'évaluation de l'INSEE par ses pairs a été réalisé, sous la houlette d'une équipe se composant d'un président issu de l'institut statistique irlandais et de deux autres membres, l'un de l'institut belge et l'autre d'Eurostat.

Les résultats de ces travaux mettent en avant le fait que, bien que l'indépendance de l'INSEE en matière de statistiques ne soit pas inscrite dans le droit , en pratique, l'indépendance professionnelle est un point fort de sa culture . Toutefois, le groupe d'évaluation relève que ce sentiment d'indépendance est loin d'être partagé par tous les acteurs du système, comme le démontrent certaines critiques régulièrement relayées dans les médias. Le groupe recommandait ainsi, entre autres points, d'accorder à l'INSEE, dès que possible, une indépendance en matière statistique inscrite dans le droit et d'améliorer l'accessibilité des informations sur sa politique en matière de communication préalable des statistiques aux autorités publiques et à la presse.

Enfin, il convient de noter que, par décision en date du 11 mars 2008, les Etats membres de l'Union européenne ont décidé d'instituer un conseil consultatif européen pour la gouvernance statistique qui a pour mission de procéder à une évaluation, analogue à l'examen par les pairs des instituts nationaux statistiques, de la mise en oeuvre du code de bonnes pratiques par Eurostat.

II. Le dispositif initialement proposé

Afin de mettre en oeuvre dans le droit le principe n° 1 du code de bonnes pratiques, l'article 38 instaure une Haute autorité de la statistique publique chargée de s'assurer du respect du code. Cette proposition vise également à apporter une réponse forte aux critiques, récurrentes ces derniers mois, sur la fiabilité des données statistiques concernant le taux de chômage, l'inflation ou l'évolution du pouvoir d'achat . A cet effet, il est proposé une nouvelle rédaction pour l'article 1 er de la loi du 7 juin 1951, qui se composerait de trois paragraphes.

Ø Le paragraphe I pose le principe de la création de cette Haute autorité dont le rôle est de veiller au respect du principe d'indépendance professionnelle dans la conception, la production et la diffusion de statistiques publiques ainsi que des principes d'objectivité, d'impartialité, de pertinence et de qualité des données produites.

Ø Le paragraphe II est consacré au Conseil national de l'information statistique, qui demeurerait placé auprès de l'INSEE mais serait désormais chargé par la loi d'organiser la concertation entre les producteurs et les utilisateurs de la statistique publique. En outre, cette rédaction clarifie la responsabilité du CNIS au regard du programme annuel , puisque le Conseil aurait un simple rôle de proposition pour l'élaboration du programme de travaux statistiques et pour la coordination des enquêtes de l'ensemble des personnes chargées d'une mission de service public.

Ø Enfin, le paragraphe III renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les attributions, la composition et le fonctionnement de la Haute autorité et du CNIS, ainsi que la représentation, en leur sein, du Parlement et, pour le CNIS, du Conseil économique et social. Ce décret déterminerait également les conditions dans lesquelles l'autorité administrative déciderait du caractère obligatoire de chaque enquête s'inscrivant dans le cadre du programme annuel, dont elle aurait la charge.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'examen de l'article 38 a fait l'objet d'une longue discussion au terme de laquelle les députés , forts des conclusions d'une mission d'information commune sur la mesure des grandes données économiques et sociales rendues en avril 2008, ont décidé d'adopter une solution radicalement différente de celle présentée par le Gouvernement .

Faisant valoir que ce travail de réflexion avait associé des membres de la majorité et de l'opposition des trois commissions concernées par ce sujet et que les conclusions de la mission avaient été adoptées à l'unanimité, les députés se sont interrogés sur l'opportunité de créer une nouvelle structure sous la forme d'une Haute autorité . Ils ont ainsi estimé que la création d'une nouvelle autorité administrative indépendante ne constituait pas nécessairement la solution la plus appropriée, M. Hervé Mariton jugeant que ces organismes manifestaient généralement « une fâcheuse tendance à manquer de transparence à l'égard du pouvoir législatif » , faisaient preuve de « lourdeur dans certains cas » et que leur articulation avec les systèmes préexistants n'était pas toujours claire. Enfin, ils se sont interrogés sur les coûts qu'occasionnerait la création d'une nouvelle instance, malgré les engagements de la ministre de l'économie à ne doter la Haute autorité d'aucune ligne budgétaire et à ne lui affecter aucun agent.

A l'issue de ce débat, les députés ont adopté, contre l'avis du Gouvernement, un amendement de la commission des finances reprenant les trois préconisations de la mission d'information en matière d'indépendance des organismes statistiques. Ces trois propositions tendaient à inscrire dans le droit l'indépendance de la statistique publique tout en préservant la spécificité de l'INSEE ; à mettre en place un organe de surveillance , garant de la qualité et de l'impartialité des données statistiques, en renforçant les prérogatives et l'indépendance du CNIS ; à appliquer le code de bonnes pratiques à toutes les statistiques produites par les services ministériels ; et à renforcer le rôle de coordination de l'INSEE.

Ces préconisations trouvent une traduction directe dans la nouvelle rédaction proposée par l'Assemblée nationale pour l'article 38.

l Il porte tout d'abord nouvelle rédaction de l'article 1 er de la loi du 7 juin 1951, qui se décomposerait en cinq paragraphes.

Ø Le paragraphe I définit le service statistique public qui comprendrait l'INSEE et les services statistiques ministériels. Ce service aurait la charge de concevoir, produire et diffuser les travaux statistiques en toute indépendance professionnelle , mettant ainsi en oeuvre dans le droit, d'une manière différente, le premier principe du code de bonnes pratiques de la statistique européenne.

Ø Le paragraphe II procède à la transformation du Conseil national de l'information statistique en Conseil supérieur de la statistique (CSS), placé auprès du ministre de l'économie , qui aurait pour mission d'organiser la concertation entre les producteurs et les utilisateurs de la statistique publique. Le CSS serait, comme le CNIS dans le texte du projet de loi initial, chargé de faire des propositions pour l'élaboration du programme annuel des travaux statistiques. Les députés lui ont par ailleurs confié la tâche de veiller à la pertinence des orientations stratégiques du service statistique public.

Ø Selon le paragraphe III , le président du CSS serait nommé par décret en conseil des ministres, sur proposition de ses membres, pour un mandat de cinq ans.

Ø Le paragraphe IV permet de mettre en oeuvre les recommandations européennes en matière d'impartialité et d'indépendance du service statistique, d'une manière que les députés ont jugé plus conforme aux préconisations de leur mission d'information commune. Il prévoit la création, au sein du CSS, d'un comité scientifique , chargé d'assister son président pour veiller au respect du principe d'indépendance professionnelle dans la production et la diffusion de statistiques publiques par l'ensemble des personnes publiques.

Ce comité serait composé de neuf membres :

- deux personnalités qualifiées respectivement désignées par le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ;

- un membre du Conseil économique et social ;

- le président du comité du secret statistique ;

- un membre de la Cour des comptes nommé par le premier président de la Cour des comptes ;

- un membre de l'inspection générale des finances nommé par le chef de l'inspection générale des finances ;

- un membre de l'inspection générale des affaires sociales nommé par le chef de l'inspection générale des affaires sociales ;

- une personnalité qualifiée en matière statistique nommée par le ministre chargé de l'économie ;

- une personnalité qualifiée en matière d'utilisation des données de la statistique publique nommée par le ministre de l'économie.

Les membres du comité scientifique seraient membres de droit du Conseil supérieur de la statistique.

En pratique, ce comité scientifique constitue le pendant de la Haute autorité que le Gouvernement entendait créer avec le texte du projet de loi initial, à la différence qu' il sera , contrairement à la Haute autorité, intégré au sein du Conseil supérieur de la statistique . Comme l'a souligné Mme Christine Lagarde en séance, le Gouvernement souhaitait en effet que la Haute autorité puisse être placée en dehors du CNIS afin d'éviter les conflits d'intérêts. A l'inverse, les députés ont jugé que l'existence de deux autorités distinctes, CNIS et Haute autorité, pourrait être un facteur de confusion en cas de difficulté liée à l'interprétation ou à la production de statistiques.

Ø Le paragraphe V confie au CSS le soin de publier un rapport annuel sur la qualité de la statistique publique, le respect du code de bonnes pratiques de la statistique européenne et « la confiance de la population dans la statistique publique » .

Il autorise ensuite le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat ou le directeur général de l'INSEE à saisir le CSS et lui donne la faculté de se saisir sur les questions posées par des personnes autres que ces quatre personnalités ou par un ou plusieurs de ses membres. Ces dispositions prévoient également que les avis du CSS sont rendus publics et lui permettent de procéder à l'audition des responsables du service statistique public sur toute question relevant de sa compétence. Enfin, ce paragraphe précise que le rapport annuel et les avis du Conseil sont rendus après consultation du comité scientifique .

l Enfin, l'article 38 insère un nouvel article 1 er bis dans la loi du 7 juin 1951 qui renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les modalités d'organisation et de fonctionnement du CSS. Votre commission spéciale note en effet que l'adoption de l'article 38, dans la rédaction de l'Assemblée nationale, contraindrait le Gouvernement à prendre un nouveau texte d'application pour remplacer l'actuel décret du 7 avril 2005 relatif au CNIS.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale n'est pas persuadée que le système proposé par les députés soit de nature à garantir, de manière effective, l'indépendance de l'INSEE et des services statistiques ministériels. En effet, il apparaît plus opportun qu'un organisme extérieur au CSS (qui se substituerait, dans la version de l'Assemblée nationale, au CNIS), soit chargé de veiller à cette indépendance professionnelle. Il ne semble pas judicieux de confier une telle mission à un organe interne de ce Conseil (le comité scientifique créé par les députés), au sein duquel seraient représentés les statisticiens faisant l'objet de cette « surveillance ». Par ailleurs, votre rapporteur considère que cette organisation est source d'une grande confusion puisque le Conseil supérieur de la statistique aurait à la fois pour tâche d'émettre un avis sur le programme annuel des travaux statistiques et de surveiller, par l'intermédiaire de ce comité scientifique, les conditions de son exécution, notamment au regard du principe d'indépendance.

En outre, l'institution par les députés d'un « service statistique public » comprenant l'INSEE et les services statistiques ministériels, qui serait seul chargé de la « statistique publique », ignore le rôle confié en matière de statistiques à la Banque de France par la loi du 20 février 2007 et le fait qu'une partie importante des statistiques économiques sont réalisées par la Banque de France, notamment dans un cadre communautaire.

La définition de ce service statistique public vise manifestement, dans le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, à définir le périmètre auquel s'applique l'exigence d'indépendance professionnelle. Votre commission spéciale estime que la création d'une Autorité de la statistique permet d'atteindre cet objectif et juge inopportun d'adopter une définition de la statistique publique qui exclurait le périmètre couvert par la Banque de France (et plus largement par les règlements européens).

Enfin, votre rapporteur s'interroge sur l'application concrète de certaines dispositions du texte adopté par l'Assemblée nationale, comme la publication annuelle d'un rapport sur « la confiance de la population dans la statistique publique », ou encore la possibilité pour toute personne de saisir le CNIS.

Pour toutes ces raisons, votre commission spéciale juge préférable d'en revenir au texte initial du projet de loi et considère justifiée, compte tenu du caractère sensible des conditions de production des statistiques, la création d'une Autorité, qui permettra de renforcer la crédibilité et l'indépendance, déjà fortes, de l'INSEE. Votre rapporteur, particulièrement sensible au coût pour les finances publiques engendré par la multiplication d'instances extérieures à l'administration, a au demeurant pris bonne note des engagements souscrits par le ministre de l'économie à l'Assemblée nationale, aux termes desquels cette Autorité ne serait dotée d'aucune ligne budgétaire et ne se verrait affecter aucun personnel. Le coût budgétaire d'une telle création serait donc nul , ce qui est de nature à répondre aux préoccupations exprimées par les députés.

C'est pourquoi votre commission spéciale vous propose un amendement rétablissant l'article 38 du projet de loi dans une rédaction plus proche de celle du projet de loi initial, assortie de deux modifications tendant à :

- dénommer cet organisme « Autorité de la statistique publique », dans la mesure où l'adjonction du qualificatif « Haute » n'a qu'un caractère d'affichage et n'est pas en soi un gage de plus ou moins grande indépendance de l'instance considérée, comme l'avait fait valoir le législateur au moment de la création de l'Autorité de sûreté nucléaire ;

- fixer la composition de l'Autorité dans la loi et non dans le décret, conformément aux orientations retenues par les députés.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 38 bis (nouveau) - (articles L. 1411-8 et L. 2132-3 du code de la santé publique et articles 7 et 7 bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951) Coordination avec l'article 38

Commentaire : l'article 38 bis tire les conséquences dans plusieurs textes législatifs de la transformation du Conseil national de l'information statistique en Conseil supérieur de la statistique.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Sur proposition de la commission des finances, l'Assemblée nationale a adopté un article 38 bis qui tire les conséquences, dans les articles L. 1411-8 et L. 2132-3 du code de la santé publique et dans les articles 7 et 7 bis de la loi du 7 juin 1951, du changement de dénomination du Conseil national de l'information statistique et de sa transformation en Conseil supérieur de la statistique.

II. La position de votre commission spéciale

Par coordination avec le rétablissement d'une Autorité de la statistique publique à l'article 38, il convient, par un amendement que vous soumet votre commission spéciale, de supprimer l'article 38 bis du projet de loi.

Votre commission spéciale vous propose de supprimer cet article.

TITRE IV - MOBILISER LES FINANCEMENTS POUR LA CROISSANCE

Composé de quatre articles, le titre IV comprend, dans la version initiale du projet de loi, trois chapitres respectivement consacrés au livret A, à la gouvernance et aux personnels de la Caisse des dépôts et consignations et à la modernisation de la place financière de Paris. Les députés ont inséré après l'article 40 un chapitre I er bis , regroupant trois articles additionnels, qui concerne le réseau des Caisses d'épargne.

CHAPITRE IER - Moderniser le livret A

Le chapitre I er , constitué des articles 39 et 40, met en oeuvre la réforme du livret A afin de donner à tous les établissements de crédit la possibilité de distribuer ce produit d'épargne réglementée.

Article 39 - (section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II, articles L. 112-3, L. 221-27, L. 221-28, L. 221-38 [nouveau], L. 312-1 et L. 518-25-1 [nouveau] du code monétaire et financier, articles 157 et 1681 D du code général des impôts et article 166 A [nouveau] du livre des procédures fiscales) Réforme de la distribution du livret A

Commentaire : cet article a pour objet d'étendre à tous les établissements de crédit le droit de distribuer le livret A. Il modifie en outre les règles de collecte et de centralisation auprès de la Caisse des dépôts et consignations de cette épargne, renforce le contrôle de la multidétention et redéfinit les conditions dans lesquelles est assurée la mission d'accessibilité bancaire par le livret A. Enfin, il précise les conditions de mise en oeuvre de la procédure de droit au compte.

Créé en 1818 avec la Caisse d'épargne de Paris, le livret A, qui a reçu cette dénomination en 1966, constitue l'un des produits d'épargne les plus populaires en France. Il représente, depuis le début des années 1950, la principale source de financement du logement locatif social grâce à la centralisation de la ressource collectée auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui utilise ces fonds sous la forme de prêts à long terme aux organismes d'habitation à loyer modéré (HLM).

I. Les règles de fonctionnement du livret A

A. Les caractéristiques économiques et financières du produit

Le livret A est un produit d'épargne réglementée dont les revenus sont totalement exonérés de prélèvements fiscaux et sociaux (impôt sur le revenu, fiscalité sur les revenus de placement, CSG et CRDS).

Le livret bleu bénéficie d'un système particulier d'exonération des intérêts au terme duquel ceux-ci sont soumis à un prélèvement libératoire obligatoire assis sur le tiers des intérêts et calculé afin que l'intérêt servi à l'épargnant après tous prélèvements soit identique à celui du livret A. Ces intérêts sont donc calculés sur un taux brut du livret bleu sur lequel est assis le prélèvement libératoire. Une fois le prélèvement déduit, il est ainsi obtenu le taux net, égal à celui du livret A. Ce système devrait néanmoins disparaître à compter du 1 er janvier 2009 avec la disparition, sur le plan juridique, du livret bleu, les caractéristiques fiscales de ces deux livrets étant unifiées.

Il existe deux plafonds de dépôts sur le livret A, déterminés en fonction de la nature du titulaire :

- 15.300 euros pour les particuliers et pour les personnes morales de droit privé à but lucratif ;

- 76.500 euros pour les personnes morales de droit privé à but non lucratif.

Les organismes d'habitations à loyer modéré et de crédit immobilier sont, pour leur part, autorisés à effectuer des dépôts sur leur livret A sans être soumis à un plafond.

Depuis le mois de juillet 2004, les règles d'évolution du taux du livret A reposent sur l'application d'une formule arithmétique, qui a été modifiée le 28 janvier dernier.

Le taux du livret A est ainsi calculé tous les six mois (la modification du taux est applicable le 1 er février et le 1 er août) afin de correspondre au chiffre le plus élevé entre :

- soit la moyenne arithmétique entre, d'une part, la moitié de la somme de la moyenne mensuelle de l'EURIBOR à trois mois et de la moyenne mensuelle de l'Eonia et, d'autre part, l'inflation en France ;

- soit l'inflation majorée d'un quart de point.

Deux fois par an, ce taux, élaboré par la Banque de France qui transmet les résultats de son calcul au directeur général du Trésor et de la politique économique, est donc appelé à évoluer en fonction des mouvements de l'inflation et des taux d'intérêts à court terme.

Lorsque, à l'occasion de son calcul, la Banque de France estime que des circonstances exceptionnelles justifient une dérogation à l'application de ces paramètres, le gouverneur saisit le ministre de l'économie en sa qualité de président du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières. Dans ce cas, les taux sont maintenus à leur niveau antérieur et le comité examine l'opportunité de les modifier, ce qui permet en pratique au Gouvernement de déroger à l'application de ces règles automatiques.

B. Les circuits de distribution du livret A

La Caisse d'épargne et la Banque Postale bénéficient d'un droit spécial pour la distribution du livret A, tandis que le Crédit Mutuel dispose de l'exclusivité de la distribution du livret bleu, produit d'épargne dont les caractéristiques sont similaires à celles du livret A.

Au 1 er janvier 2008, 24 millions de livrets A étaient ouverts auprès des Caisses d'épargne, 21,1 millions auprès de la Banque Postale et 5,6 millions de livrets bleu auprès du Crédit Mutuel. Au total, il existe donc près de 50 millions de livrets A et bleu représentant un encours total de l'ordre de 140 milliards d'euros (Mds€), soit environ 4 % de l'épargne totale des Français.

C. Les usages des fonds collectés au titre du livret A

La totalité des dépôts du livret A et bleu fait l'objet d'une centralisation auprès de la CDC, au sein des fonds d'épargne dont elle assure la gestion. La CDC utilise ces fonds pour financer, notamment, les opérations de construction de logements sociaux sous la forme de prêts à long terme accordés aux organismes HLM, jusqu'à 40 ans pour la partie bâtie et 50 ans pour le foncier. A titre d'exemple, un prêt locatif à usage social (PLUS) présente un taux de 4,2 % indexé sur les variations du livret A. Il est remboursable sur quarante années, les annuités augmentant progressivement avec l'inflation.

Selon le dernier rapport annuel de la CDC sur la gestion des fonds d'épargne, à la fin de l'année 2007 , un peu plus de 140 Mds€ étaient collectés au titre des livrets A et bleu, soit près de 70 % des 200 milliards d'euros d'épargne réglementée centralisés à la CDC . En effet, outre celle des livrets A et bleu, est obligatoire la centralisation des fonds du livret d'épargne populaire (LEP), à hauteur de 85 %, et du livret de développement durable (auparavant dénommé Codevi), à hauteur de 9 %.

La CDC utilise une très grande majorité des fonds centralisés pour des prêts en faveur de la construction de logements sociaux ou pour l'acquisition du foncier, ainsi que pour le financement des opérations de rénovation urbaine mais aussi, et de manière plus récente, pour d'autres usages. Ainsi, le bilan 2007 fait apparaître que, sur un encours global de prêts s'élevant à 96,72 Mds, 88,1 Mds€ étaient consacrés aux prêts au logement social et à la politique de la ville , 1,8 Md€ aux prêts à l' équipement des collectivités territoriales , 1,19 Md€ aux prêts « infrastructures de transports » (soit un doublement par rapport à la fin de l'année 2006) et 5,5 Mds€ aux prêts divers .

En contrepartie de la centralisation des fonds des livrets A et bleu auprès de la CDC, les trois réseaux collecteurs bénéficient d'une commission de gestion dont le montant est fixé à 1,2 % des encours pour la Banque Postale, 1 % pour la Caisse d'épargne et 1,1 % pour le Crédit Mutuel, soit une rémunération moyenne de 1,12 % .

Ainsi, alors les fonds prêtés à un organisme HLM au titre du PLUS seront affectés d'un taux d'intérêt de 4,2 %, le coût de la ressource pour la Caisse sera de 4,62 %. Les activités liées aux usages à long terme des ressources étant « déficitaires », la CDC est tenue de placer le restant des fonds centralisés sur d'autres produits financiers (actions, obligations, capital investissement) pour en équilibrer l'exploitation et dégager un excédent, ce qui est systématiquement le cas. A ce titre, l'Etat prélève d'ailleurs chaque année la quasi-totalité des résultats d'exploitation des fonds d'épargne de la CDC.

Ce système permet donc de transformer une épargne totalement liquide, dans la mesure où les épargnants peuvent disposer librement de leurs dépôts, en fonds affectés à des financements de long terme.

D. Les caractéristiques commerciales du livret A

Tout Français , y compris mineur, a le droit d'être titulaire d'un seul livret A . Le cumul d'un livret A et d'un livret bleu est interdit, sauf pour les livrets bleu dont la date de souscription est antérieure au 1 er septembre 1979. Contrairement à la situation prévalant pour l'ouverture d'un compte bancaire classique, l'accès au livret A est plus large. Toutefois, seule la Banque Postale est tenue d'ouvrir gratuitement un livret A à toute personne en faisant la demande , quel que soit le niveau de ses revenus. Toutefois, les deux autres réseaux distributeurs font valoir que, dans la pratique, ils n'ont jamais refusé l'ouverture d'un livret A à une personne physique qui en faisait la demande.

Conformément à une décision de caractère général, modifiée en 2000, du Conseil national du crédit, l e montant minimal de toute opération de dépôt ou de retrait est fixé à 15 euros , mesure applicable à tous les produits d'épargne réglementés et donc au livret A. Pour la Banque Postale, ce montant est cependant fixé à 1,5 euro. En ce qui concerne les règles de domiciliation, les dispositions législatives font obligation aux Caisses d'épargne et à la Banque Postale d'accepter la domiciliation des paiements de l'impôt sur le revenu sur un livret A.

En outre, une série de textes, pris à la fin des années 1960, prévoient, toujours pour ces deux réseaux bancaires, la domiciliation du paiement des factures d'eau, d'électricité et de gaz, de la redevance audiovisuelle, de l'abonnement téléphonique et celle du versement des prestations sociales et des pensions de retraite. Sans être obligatoires, ces opérations de domiciliation sont également prévues pour le livret bleu.

Toutes ces caractéristiques ont donc amené ces livrets à jouer le rôle de « substitut » aux comptes courants classiques, en particulier pour les ménages les plus modestes, certes en nombre réduit. Cette situation est d'autant plus renforcée par le fait que, contrairement à un compte bancaire classique, le solde sur un livret A ne peut être débiteur. Cette pratique est, aux yeux de votre rapporteur, loin d'être satisfaisante dans la mesure où elle s'avère coûteuse pour les fonds d'épargne de la CDC qui supportent la rémunération des établissements bancaires. Au surplus, le consommateur est lui aussi pénalisé puisque les services offerts par un livret A restent largement moins développés que ceux attachés à un compte bancaire classique, y compris dans le cas de l'application du service bancaire de base.

E. Les fondements de la remise en cause du système actuel de distribution

A la fin de l'année 2005, plusieurs groupes bancaires ont saisi la Commission européenne pour obtenir une évolution du système de distribution du livret A. Dans leur recours, les requérants demandaient la possibilité de commercialiser le livret A à l'instar des trois réseaux collecteurs historiques, estimant le droit spécial de distribution actuel contraire aux principes de liberté d'établissement et de libre prestation de service, garantis par le droit communautaire et le jugeant constitutif d'une entrave au principe de concurrence libre et non faussée. Par ailleurs, ces établissements affirmaient que cette banalisation serait de nature à assurer une collecte plus importante, à un moindre coût pour les fonds d'épargne et pour le financement du logement social.

Après une phase d'instruction du dossier permettant aux parties de faire valoir leurs observations, la Commission européenne a décidé, le 10 mai 2007, d'enjoindre la France de donner à tous les réseaux bancaires le droit de distribuer le livret A avant le 9 février 2008. Elle considère en effet que les droits spéciaux constituent une restriction incompatible avec le droit communautaire et ne sont pas indispensables pour assurer de manière satisfaisante les deux services d'intérêt économique général invoqués par la France, à savoir le financement du logement social et l'accessibilité aux services bancaires de base, services qu'elle reconnaît par ailleurs dès lors que leurs coûts sont dûment justifiés.

Suite à cette décision, la France a introduit, le 23 juillet 2007, un recours devant le Tribunal de première instance (TPI) de l'Union européenne à l'encontre de la décision de la Commission. Depuis cette date, la procédure contentieuse a donné lieu à divers échanges de mémoires entre les deux parties qui se sont achevés au printemps. Le TPI est actuellement dans la phase d'examen de ces mémoires, la suite de la procédure prévoyant des échanges oraux mais qui ne se dérouleront pas avant plusieurs mois.

En tout état de cause, la décision du 10 mai 2007 est exécutoire depuis le 11 février 2008 et la France est donc passible d'une procédure en manquement. Depuis cette date, la Commission a mis la France en demeure de fournir ses observations sur la situation de manquement qui perdure depuis le 11 février. La France dispose de deux mois, soit jusqu'à mi-août, pour présenter officiellement la réforme qu'elle a engagée et qui permet de respecter les exigences de la décision de la Commission.

Au-delà des aspects procéduraux, votre rapporteur tient à rappeler que le Président de la République annonçait, dès le 11 décembre 2007, que le Gouvernement s'apprêtait, à la lumière des conclusions du rapport confié à M. Michel Camdessus sur la modernisation de la distribution du livret A et des circuits de financement du logement social, à élargir à d'autres réseaux bancaires cette faculté de distribution, en fixant trois conditions à cette évolution du système. De ce point de vue, votre rapporteur estime que la réforme proposée par le projet de loi répond pleinement à ces conditions et la considère de nature à renforcer un système qui a fait la preuve de son efficacité.

II. Le dispositif initialement proposé

Dans sa version initiale, l'article 39 se compose de neuf paragraphes qui modifient le code monétaire et financier (CMF), le code général des impôts (CGI) et le livre des procédures fiscales (LPF).

l Le paragraphe I , consacré à la réforme de la distribution du livret A, porte nouvelle rédaction de la section 1 du chapitre I er du titre II du livre II du CMF, actuellement composée de treize articles et qui n'en comporterait plus que neuf avec les articles L. 221-1 à L. 221-9. Cette section serait désormais intitulée « Le livret A ».

Ø L'article L. 221-1 dispose que le livret A peut être proposé par tout établissement de crédit habilité à recevoir du public des fonds à vue et qui s'engage à cet effet par convention avec l'Etat. Il tend donc à mettre en place, sur le plan du droit national, la banalisation de la distribution de ce produit d'épargne.

Selon les informations fournies par le Gouvernement à votre commission spéciale, une convention-type, identique pour tous les établissements, sera établie et reprendra les obligations des parties prenantes. Elle devrait être élaborée sur le modèle de celles qui existent déjà pour les autres produits d'épargne réglementée, notamment les plans et comptes d'épargne-logement, le LDD, le LEP, le livret jeune ou les comptes et livrets d'épargne-codéveloppement. Une telle convention permettra notamment le suivi des établissements distribuant le livret A.

Ø L'article L. 221-2 fait obligation à la seule Banque Postale d'ouvrir un livret A à toute personne en faisant la demande . Il rend donc cet établissement seul responsable de la mission d'accessibilité bancaire par le livret A , qui serait financée dans les conditions indiquées à l'article L. 221-6.

Ø L'article L. 221-3 définit quant à lui le champ des personnes autorisées à ouvrir un livret A . Son premier alinéa précise que sont concernés les personnes physiques, les associations mentionnées au 5 de l'article 206 du CGI et les organismes HLM.

Les associations visées par cet article du CGI sont celles qui ne sont ni assujetties à l'impôt sur les sociétés de droit commun (en particulier les associations à but lucratif), ni à l'impôt sur les sociétés réduit (associations qui ont une double activité, en partie lucrative et en partie non lucrative). Les associations qui relèvent du 5 de cet article sont des associations à but non lucratif, néanmoins passibles de l'impôt sur les sociétés, notamment au titre des revenus de capitaux mobiliers, sauf pour leurs revenus tirés du livret A (cette exonération expresse des revenus tirés du livret A étant posée par l'article 208 ter du CGI).

Le deuxième alinéa autorise les mineurs à se faire ouvrir un livret A sans l'intervention de leur représentant légal. Les retraits ne sont cependant autorisés sans cette intervention qu'après l'âge de seize ans et sauf opposition du représentant légal.

Enfin, le troisième alinéa rappelle l'interdiction pour une personne de détenir plusieurs livrets A.

Ø L'article L. 221-4 concerne les modalités d'ouverture et de fonctionnement du livret A , qui seront définies par décret en Conseil d'Etat. Ce décret fixera notamment les plafonds de dépôts ainsi que les montants minimaux des opérations individuelles de retrait et de dépôt au guichet, qui seront distincts pour la Banque Postale.

Les actuels plafonds de dépôts ne seront pas modifiés par la réforme et resteront donc fixés, pour le LDD, à 6.000 euros et, pour le livret A, à 15.300 euros. Les organismes HLM continueront à pouvoir ouvrir des livrets A sans plafond de dépôt.

Pour les opérations individuelles de retrait et de dépôt, ces montants devraient être fixés à 1,5 euro pour la Banque Postale, conformément à l'exercice de ses missions liées à l'accessibilité bancaire. Pour les autres établissements, ce montant s'élèverait à 10 euros . Ces niveaux sont au demeurant conformes avec l'organisation commerciale des banques dans la mesure où la Banque Postale est le seul établissement de crédit qui est véritablement en situation d'assurer, sur tout le territoire, la mise à disposition de caisses dans lesquelles la manipulation de pièces de monnaie sera possible.

Enfin, le décret devra déterminer les modalités de clôture du livret A.

Ø L'article L. 221-5 fixe les conditions de centralisation auprès de la CDC des sommes collectées par les établissements bancaires au titre du livret A. Alors que les fonds du livret A étaient jusqu'alors intégralement centralisés et que ceux du LDD ne l'étaient qu'à hauteur de 9 %, le projet de loi prévoit la fixation d'un taux unique de centralisation pour ces deux produits . Ce taux serait calculé de manière à ce que les ressources centralisées soient au moins égales au montant des prêts consentis au bénéfice du logement social par la CDC, affecté d'un coefficient multiplicateur de 1,25 . Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la commission de surveillance de la CDC, viendra préciser les conditions de mise en oeuvre de ces règles.

Dès lors que la distribution du livret A est banalisée, il devient en effet nécessaire d'harmoniser les règles de centralisation des deux produits d'épargne pour éviter qu'ils n'entrent en concurrence . Dans le cas de figure où les règles de centralisation auraient été différentes, les banques distribuant les deux livrets auraient pu être tentées d'inciter leurs clients à déposer leur épargne sur l'un ou l'autre de ces produits en fonction de considérations liées à leurs besoins de liquidité et au coût de cette liquidité sur le marché monétaire. Bien que ce risque doive être nuancé au regard de la renommée du livret A et du fait que son plafond est bien supérieur à celui du LDD (respectivement 15.300 € et 6.000 €), il n'en reste pas moins qu'une asymétrie dans le taux de centralisation aurait introduit un aléa qui aurait pu être préjudiciable au financement du logement social .

Actuellement, l'épargne des ménages résultant du cumul du livret A et du LDD représente environ 200 Mds€. L'encours des prêts consentis par la CDC aux organismes HLM s'élevant à 80 Mds€, l'application de la règle posée par cet article du code conduira à un taux de centralisation minimum de 50 % de l'encours total « livret A + LDD ». Toutefois, comme l'a précisé Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, le Gouvernement entend maintenir le montant actuel de fonds centralisés auprès de la CDC à un niveau supérieur à celui des encours de ses prêts afin d'assurer l'équilibre des fonds d'épargne . Aussi a-t-elle confirmé devant le groupe de travail, le 17 juin dernier, que le taux de centralisation fixé par décret devrait être « d'environ 70 % » .

Ø L'article L. 221-6 définit les modalités de rémunération des établissements bancaires distribuant le livret A et le LDD, en contrepartie des obligations de centralisation fixées par l'article précédent. Ces établissements percevront une rémunération calculée selon des modalités définies par décret en Conseil d'Etat. Les discussions conduites entre le ministère de l'économie et les établissements bancaires ont amené le Gouvernement à annoncer que le taux de rémunération serait désormais fixé à 0,6 % des encours .

En outre, la Banque Postale recevra une rémunération complémentaire , calculée selon des modalités elles aussi fixées par décret en Conseil d'Etat, au titre des obligations spécifiques qui lui incombent en matière de distribution et de fonctionnement du livret A (accessibilité et obligation d'accepter les dépôts et retraits en « pièces » supérieurs à 1,5 euro).

D'après les informations fournies à votre rapporteur, la rémunération versée à la Banque Postale au titre des obligations d'accessibilité bancaire par le livret A qui lui seront imposées prendra la forme d'une compensation, indépendante de l'encours. En revanche, le montant versé sera dégressif pour inciter cet établissement bancaire à réaliser des gains de productivité. La Banque Postale sera, au titre de ce dispositif, tenue de produire une comptabilité analytique pour cette compensation, qui s'inscrira donc clairement dans le cadre spécifique des services d'intérêt économique général (SIEG) au sens du droit communautaire. Sous réserve de l'accord de la Commission européenne, cette rémunération pourrait s'établir à 280 M€ en 2009 pour tendre vers 210 M€ en 2014.

Enfin, cet article précise que la rémunération « de base » versée à tous les établissements bancaires distribuant le livret A, ainsi que la rémunération complémentaire de la Banque Postale, seront supportées par la CDC.

Ø L'article L. 221-7 est consacré à la création du fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations.

Son I indique que les sommes collectées au titre du livret A et du LDD sont centralisées par la CDC dans un fonds géré par elle et dénommé fonds d'épargne . Cette disposition a pour conséquence d'unifier les différents fonds d'épargne de la CDC , au nombre de neuf actuellement, dans un fonds unique.

Son II précise que la Caisse peut, après accord de sa commission de surveillance et après autorisation du ministre de l'économie, émettre des titres de créances au bénéfice du fonds d'épargne. Il autorise ainsi la CDC à emprunter sur les marchés , faculté qui ne lui était pas ouverte jusqu'à présent. Au surplus, la Caisse se voit reconnaître cette capacité de recourir à l'endettement tout en bénéficiant de la garantie de l'Etat qui devrait lui être octroyée prochainement.

Son III dispose, quant à lui, que les sommes centralisées au titre du livret A et du LDD ainsi que, le cas échéant, le produit des titres de créances, sont employés en priorité au financement du logement social , consacrant par là même, pour la première fois dans le droit, la vocation première de ces fonds. Une partie des sommes pourra par ailleurs être utilisée pour l'acquisition et la gestion d'instruments financiers définis à l'article L. 211-1 du CMF.

Les instruments financiers visés sont :

- les actions et autres titres donnant ou pouvant donner accès, directement ou indirectement, au capital ou aux droits de vote, transmissibles par inscription en compte ou tradition ;

- les titres de créance qui représentent chacun un droit de créance sur la personne morale ou le fonds commun de créances qui les émet, transmissibles par inscription en compte ou tradition, à l'exclusion des effets de commerce et des bons de caisse ;

- les parts ou actions d'organismes de placements collectifs ;

- les instruments financiers à terme figurant sur une liste fixée par décret ;

- tous instruments financiers équivalents à ceux mentionnés précédemment, ainsi que les droits représentatifs d'un placement financier dans une entité, émis sur le fondement de droits étrangers.

Enfin, son IV précise que les emplois du fonds d'épargne sont fixés par le ministre chargé de l'économie.

Ø L'article L. 221-8 dispose que les opérations relatives au livret A sont soumises au contrôle sur pièces et sur place de l'inspection générale des finances.

Ø Enfin, dans le droit fil des recommandations du rapport Camdessus, l'article L. 221-9 procède à la création d'un Observatoire de l'épargne réglementée , chargé de suivre la mise en oeuvre de la généralisation et de la distribution du livret A, notamment son impact sur l'épargne des ménages, sur le financement du logement social et sur le développement de l'accessibilité bancaire. Bien qu'étant un organisme purement consultatif, dont la création relève donc juridiquement du pouvoir réglementaire, il est, dans le cas présent, nécessaire de lui fournir une base législative dans la mesure où cet observatoire serait habilité à recevoir des informations de la part des établissements de crédit pour l'exercice de sa mission. Un décret en Conseil d'Etat précisera l'organisation et le fonctionnement de l'observatoire ainsi que la liste et la périodicité des informations que les établissements distribuant le livret A devront lui adresser.

l Le paragraphe II du présent article, qui insère dans le CMF un nouvel article L. 518-25-1 composé de trois paragraphes , est relatif au statut de la Banque Postale , établissement bancaire agréé créé en application de l'article 16 de la loi du 20 mai 2005. Cette banque est désignée comme l'établissement de crédit dont « La Poste détient la majorité du capital ».

Le I indique que cet établissement bancaire reçoit les dépôts du livret A.

Le II prévoit la signature d'une convention entre l'Etat et la Banque Postale afin de déterminer les conditions applicables à cet établissement pour la distribution et le fonctionnement du livret A.

Le III rend obligatoire la conclusion d'une convention entre La Poste et la Banque Postale pour fixer les conditions dans lesquelles tout déposant muni d'un livret A peut effectuer des versements ou des retraits dans les bureaux de poste dûment organisés à cet effet .

Votre rapporteur observe que cette disposition a pu susciter des interrogations de la part de la profession bancaire, qui se demande si elle pourrait être de nature à autoriser la Banque Postale à restreindre le nombre de points de contact où ses clients pourraient effectuer des dépôts ou des retraits. Après avoir questionné le Gouvernement sur ce point, il a été répondu à votre rapporteur que cette rédaction ne constituait que la reprise du droit existant.

l Le paragraphe III concerne l'exonération d'impôt sur le revenu applicable aux intérêts provenant des dépôts sur le livret A. Il porte ainsi nouvelle rédaction du 7° de l'article 157 du CGI pour tenir compte de la nouvelle désignation législative des différents livrets, livrets A et livrets bleu, désormais regroupés sous l'appellation « livret A ». Comme dans le régime fiscal actuel, ces livrets continueront de bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu pour leurs intérêts. De même, il est prévu que jusqu'à l'entrée en vigueur de la réforme, au 1 er janvier 2009, les intérêts des comptes spéciaux sur livret du Crédit Mutuel (les livrets bleus) soient exonérés d'impôt sur le revenu. Après cette date, le Crédit Mutuel distribuera des livrets A, même si, en pratique, il sera libre de conserver l'appellation commerciale livret bleu.

l Le paragraphe IV adapte les dispositions de l'article 1681 D du CGI pour autoriser les banques à offrir à leurs clients, sous réserve qu'elles le prévoient dans leurs conditions générales de vente, la possibilité de se faire prélever leurs mensualités de paiement d'impôt sur le revenu sur un livret A.

l Le paragraphe V est relatif au livret de développement durable. Il tend à clarifier la rédaction de l'article L. 221-27 pour préciser que les versements effectués sur un LDD ne peuvent porter les sommes déposées au-delà d'un plafond fixé par voie réglementaire. En application de l'article D. 221-103, ce plafond est actuellement fixé à 6.000 euros et ne devrait pas évoluer.

l Le paragraphe VI modifie l'article L. 112-3 du CMF qui, dans sa rédaction actuelle, autorise, par dérogation à l'article L. 112-1 du même code, l'indexation du livret A sur l'inflation. Le paragraphe tend à adapter la rédaction de cet article à la généralisation de l'appellation « livret A » et rend applicable cette dérogation au LDD.

l Les paragraphes VII et VIII traitent du contrôle de la multidétention des produits d'épargne réglementée, notamment du livret A.

S'agissant du livret A, le droit en vigueur prévoit déjà qu'une personne ne peut être titulaire que d'un seul livret, et l'article L. 221-3 du CMF reprend cette disposition.

Des dispositions similaires sont également applicables aux :

- livret de développement durable, l'article L. 221-27 du CMF disposant qu'il « ne peut être ouvert qu'un livret par contribuable ou un livret pour chacun des époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité, soumis à une imposition commune » ;

- plan d'épargne populaire, l'article L. 221-18 précisant qu'il « peut être ouvert un plan par contribuable ou par chacun des époux soumis à une imposition commune » ;

- compte sur livret d'épargne populaire, l'article L. 221-16 indiquant qu'il « ne peut être ouvert qu'un compte sur livret d'épargne populaire par contribuable et un pour le conjoint de celui-ci » ;

- livret jeune, l'article L. 221-25 disposant qu'une « même personne ne peut être titulaire que d'un seul livret » ;

- compte d'épargne-logement, l'article R. 315-5 du code de la construction et de l'habitation (CCH) précisant que « nul ne peut être titulaire simultanément de plusieurs comptes d'épargne-logement, sous peine de perdre la totalité des intérêts acquis ainsi que la vocation à bénéficier du prêt et de la prime d'épargne » ;

- plan d'épargne-logement, l'article R. 315-26 disposant lui aussi que « nul ne peut souscrire concurremment plusieurs plans d'épargne-logement sous peine de perdre la totalité des intérêts acquis ainsi que la vocation à bénéficier du prêt et de la prime d'épargne » ;

- plan d'épargne en actions, l'article L. 221-30 réservant un seul plan à « chaque contribuable ou chacun des époux soumis à imposition commune ».

Dans la mesure où le livret A devrait être, à compter du 1 er janvier 2009, distribué par un grand nombre d'établissements bancaires, le contrôle de la détention multiple de livrets A sera plus difficile à effectuer. Le projet de loi prévoit donc de réformer les modalités de ce contrôle en les renforçant .

Le paragraphe VII insère ainsi un nouvel article L. 221-38 dans le code monétaire et financier pour améliorer le contrôle de la multidétention des produits d'épargne réglementée. Il dispose qu'un établissement saisi d'une demande d'ouverture d'un livret ou compte relevant du chapitre du CMF sur les produits d'épargne générale à régime fiscal spécifique est tenu de vérifier, préalablement à cette ouverture, si la personne détient déjà ce produit. Dans l'affirmative, l'établissement aurait interdiction de procéder à cette ouverture .

Un décret en Conseil d'Etat viendra préciser les modalités de cette vérification. Selon les précisions fournies à votre rapporteur, l'objectif est d'empêcher l'apparition de cas de multidétention dès la demande d'ouverture d'un produit d'épargne réglementée faite par le client. A cet effet, l'établissement de crédit saisi d'une demande d'ouverture serait tenu, avant l'ouverture du produit demandé par le client , de demander à l'administration fiscale, gestionnaire du fichier des comptes bancaires (FICOBA), si le client est déjà ou non titulaire d'un produit de la même catégorie que le produit demandé. Après consultation automatique de FICOBA, l'administration fiscale adressera sa réponse à l'établissement. Dans le cas où le demandeur serait déjà titulaire d'un tel produit, la banque serait dans l'impossibilité de procéder à cette ouverture.

Toutefois, il ressort des consultations auxquelles votre rapporteur a procédé que cet outil informatique n'est pas, sur le plan technique, adapté pour permettre de répondre rapidement aux sollicitations des établissements bancaires . Le Gouvernement souligne, à cet égard, que l'ampleur des travaux à déployer ne permettra pas d'envisager la mise en place de ce dispositif avant l'entrée en vigueur de la réforme, soit le 1 er janvier 2009. Dans cette attente, une procédure de déclaration sur l'honneur devrait être instaurée, le contrôle de FICOBA ne pouvant intervenir, dans l'immédiat, que postérieurement. Votre rapporteur juge ce dispositif largement insatisfaisant, compte tenu de la faiblesse des sanctions prévues en cas de situation de multidétention .

Le droit en vigueur prévoit plusieurs types de sanctions en cas de multidétention.

S'agissant des banques, les articles L. 221-35 à L. 221-37 du CMF disposent qu'il est interdit à « tout établissement de crédit (...) d'ouvrir ou de maintenir ouverts dans des conditions irrégulières des comptes bénéficiant d'une aide publique » et prévoit, outre les sanctions disciplinaires de la commission bancaire, la possibilité d'une « amende dont le taux est égal au montant des intérêts payés, sans que cette amende puisse être inférieure à 75 € ». Ces dispositions sont reprises à l'article 1739 du CGI, qui précise qu'il s'agit d'une amende fiscale. La banque peut également être sanctionnée sur le fondement de l'article 1736 du CGI, qui punit le défaut de déclaration s'imposant aux tiers déclarants et prévoit une amende égale à 50 % des sommes non déclarées puisqu'en cas de multidétention, la banque devrait normalement procéder à la déclaration des intérêts qui ne bénéficient pas de l'exonération.

S'agissant de l'épargnant :

- l'article R. 221-6 prévoit que les personnes en situation de multidétention peuvent être « frappées d'une pénalité qui peut aller jusqu'à la perte des intérêts de la totalité des sommes déposées pendant la période [de multidétention], sans que cette retenue puisse remonter à plus d'une année à compter du jour de la constatation de cette coexistence. Toutefois, si le montant cumulé ne dépasse pas le plafond du livret A, la retenue d'intérêts ne porte que sur le livret le plus récemment ouvert » ;

- le 7° de l'article 157 du CGI, qui pose le principe de l'exonération des intérêts perçus sur livret A, fournit par ailleurs une base juridique pour reprendre l'avantage fiscal indu en cas de multidétention. Dans ce cas, le contribuable est passible des sanctions de droit commun en cas de défaut de déclaration (majoration de 10 % si le contribuable régularise sa situation dans les 30 jours suivant la constatation de l'infraction, passant à 40 % au-delà de 30 jours, l'ensemble étant complété par les intérêts de retard de 0,40 % par mois de retard) ;

- enfin, et pour mémoire, la personne en situation de multidétention s'expose aux sanctions prévues en cas de fausse déclaration sur l'honneur (peines pouvant aller jusqu'à quatre années de prison et 9.147 € d'amende), qui apparaissent disproportionnées par rapport à la gravité de l'infraction et ne sont donc jamais appliquées.

Le paragraphe VIII complète, avec un nouvel article L. 166 A, le livre des procédures fiscales pour y introduire une nouvelle dérogation au secret professionnel en matière fiscale . Selon ses dispositions, à l'occasion de l'ouverture de tout produit d'épargne réglementée visé par le CMF, l'administration devrait transmettre aux établissements bancaires, sur leur demande, les informations indiquant si le demandeur est déjà détenteur de ce produit.

l Enfin, le paragraphe IX , qui modifie l'article L. 312-1 du CMF, apporte des précisions sur la procédure du droit au compte .

Instituée par la loi bancaire de 1984, cette procédure a été considérablement améliorée en 2006. En vertu de celle-ci, toute personne physique ou morale domiciliée en France, dépourvue d'un compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte dans l'établissement de crédit de son choix. En cas de refus de l'établissement, le demandeur a la possibilité de saisir la Banque de France qui lui désigne une banque tenue de procéder à l'ouverture du compte. En pratique, la Banque de France s'efforce de répartir les désignations en fonction des parts de marché des établissements bancaires. En application de mesures arrêtées le 30 janvier 2006 par le Comité consultatif du secteur financier (CCSF), mises en oeuvre par la profession bancaire depuis le 28 avril 2006, la Banque de France s'est engagée à effectuer les démarches dans le délai d'un jour ouvré. Par ailleurs, la banque qui a refusé l'ouverture du compte doit proposer au demandeur d'effectuer en son nom les démarches administratives auprès de la Banque de France.

Pour contribuer au renforcement de la lutte contre l'exclusion bancaire, le projet de loi prévoit l'adoption d'une charte par l' Association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (AFECEI) aux fins d'assurer l' effectivité du droit au compte . La charte serait homologuée par le ministre de l'économie, après avis du CCSF et du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF). Elle serait applicable à tout établissement de crédit.

Selon les termes de l'article L. 511-29 du CMF, l'AFECEI a « pour objet la représentation des intérêts collectifs des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, notamment auprès des pouvoirs publics, l'information de ses adhérents et du public, l'étude de toute question d'intérêt commun et l'élaboration des recommandations s'y rapportant en vue, le cas échéant, de favoriser la coopération entre réseaux, ainsi que l'organisation et la gestion de services d'intérêt commun ». Elle a également « la possibilité d'engager un dialogue social sur les questions d'ordre général concernant l'ensemble des établissements de crédit et des entreprises d'investissement avec les organisations syndicales représentatives de ce secteur ».

Cette charte devrait préciser les délais et les modalités de transmission par les établissements de crédit à la Banque de France des informations appropriées à l'ouverture d'un compte, les documents d'information mis à disposition de la clientèle et les actions de formation réalisées par les établissements concourant au droit au compte à destination de leurs personnels.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

Votre commission spéciale note que les députés n'ont, en définitive, pas bouleversé l'économie générale de la réforme proposée pour la distribution du livret A . En revanche, ils ont adopté un amendement qui apporte des précisions importantes sur la procédure de droit au compte .

l S'agissant du paragraphe I consacré au livret A, l'Assemblée nationale avait dans un premier temps adopté, malgré l'avis défavorable de sa commission des finances et du Gouvernement, un amendement déposé par M. François Scellier prévoyant une centralisation totale des fonds du livret A et partielle du LDD . Outre que cet amendement remettait en cause un aspect majeur de la réforme, son libellé posait au surplus des problèmes juridiques. Dans ces conditions, les députés ont, à l'occasion d'une seconde délibération , rétabli un texte plus conforme à l'esprit de la réforme et plus efficient sur le plan juridique .

Ce texte diffère cependant du projet de loi initial en précisant que le coefficient multiplicateur de 1,25 porte sur l'encours total des prêts consentis, non seulement au bénéfice du logement social, mais aussi au bénéfice de la politique de la ville . En pratique, cet ajout permet d'augmenter le volume des prêts servant de référence à ce calcul , ce qui conduit, sur le fondement des éléments financiers rendus publics pour l'année 2007 par la CDC, à porter de 80 à 88 Mds€ l'encours des prêts auquel il convient d'affecter un coefficient multiplicateur de 1,25. Au total, toujours dans l'hypothèse d'un encours total des fonds du livret A et du LDD de 200 Mds€, cette règle garantit un taux minimal de centralisation de 55 % .

Puis, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de la commission des finances afin d'encadrer l'utilisation des ressources collectées par les banques au titre du livret A et du LDD ne faisant pas l'objet d'une centralisation auprès de la CDC. En vertu de ces dispositions, ces ressources devront être employées au financement des petites et moyennes entreprises, notamment pour leur création et leur développement, ainsi qu'au financement des travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens. A défaut, les dépôts ne satisfaisant pas à l'une de ces deux conditions seraient centralisés auprès de la CDC .

En conséquence, les établissements bancaires seraient tenus de rendre public, chaque année, un rapport présentant l'emploi des ressources collectées non centralisées au titre de ces deux produits d'épargne. Tous les trimestres, ils se verraient contraints d'adresser au ministre de l'économie une information écrite, dont la forme et le contenu seraient précisés par arrêté, sur les concours financiers accordés à l'aide des ressources collectées.

Il apparaît que les règles définissant les produits financiers satisfaisant aux conditions d'utilisation des fonds du LDD sont aujourd'hui largement obsolètes et inadaptées au fonctionnement des petites et moyennes entreprises. En effet, seuls certains secteurs économiques sont éligibles, certaines formes juridiques d'entreprises sont exclues, ou encore la quotité de financement apporté par le prêt ne peut être supérieure à 70 % du coût de l'investissement, alors que les PME ont souvent besoin de financer la totalité de ce coût par endettement. Dans ces conditions, il appartiendra au Gouvernement de « mettre de l'ordre » dans ces règles dans la perspective de l'entrée en vigueur de la réforme.

L'Assemblée nationale a également précisé que le décret fixant les modalités de calcul de la rémunération versée aux établissements de crédit en contrepartie de la centralisation des fonds serait pris après avis de la commission de surveillance de la CDC .

S'agissant du fonds d'épargne de la CDC, l'Assemblée a souhaité que cette même commission de surveillance présente au Parlement le tableau des ressources et des emplois du fonds pour l'année expirée. De même, elle a prévu que l' Observatoire de l'épargne réglementée remette un rapport annuel au Parlement et au Gouvernement sur la mise en oeuvre de la généralisation de la distribution du livret A.

l Les députés ont ensuite adopté les paragraphes II, III et IV sans modification.

l Au paragraphe V , ils ont adopté un amendement de coordination à l'article L. 221-27 pour tirer les conséquences des nouvelles règles de centralisation et d'usage des fonds issus du LDD. Un amendement a également été adopté au paragraphe VI afin d'abroger, pour les mêmes motifs de coordination, l'article L. 221-28 du CMF relatif à l'information des titulaires d'un LDD et du ministre de l'économie sur l'usage des fonds de ce produit d'épargne.

l L'Assemblée nationale a inséré un paragraphe VI bis pour procéder à une coordination au 9° quater de l'article 157 du CGI.

l Le paragraphe VII a été adopté sans modification et le paragraphe VIII a fait l'objet d'un amendement rédactionnel.

l Enfin, l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition de la commission des finances, un amendement de rédaction globale du paragraphe IX (article L. 312-1 du CMF) qui vise à améliorer la procédure de droit au compte et préciser les dispositions relatives à la charte d'accessibilité bancaire .

Dans cette nouvelle rédaction, le 1° tend à intégrer dans la loi les décisions prises par le CCSF au début de l'année 2006 . Le CMF préciserait ainsi qu'une personne s'étant vue refuser l'ouverture d'un compte courant pourrait saisir la Banque de France afin qu'elle lui désigne un établissement de crédit situé à proximité de son domicile ou d'un autre lieu de son choix , dans un délai d' un jour ouvré à compter de la réception des pièces requises. Cette disposition prévoit également que l'établissement refusant la demande est tenu d'informer le demandeur de l'existence de cette faculté de saisir la Banque de France, laquelle devrait, pour la désignation de l'établissement, prendre en compte les parts de marché de chaque établissement concerné. Enfin, l'établissement de crédit devrait proposer au demandeur d'agir en son nom et pour son compte en transmettant la demande et les pièces requises à la Banque de France.

Le 2° est consacré à la charte d'accessibilité bancaire , pour laquelle les députés ont adopté une rédaction plus claire. Ils ont également spécifié que le contrôle du respect de la charte serait assuré par la commission bancaire et relèverait de la procédure prévue à l'article L. 613-15.

Cet article dispose que « lorsqu'un établissement de crédit a manqué aux règles de bonne conduite de la profession, la commission bancaire, après avoir mis ses dirigeants en mesure de présenter leurs explications, peut leur adresser une mise en garde ». Une telle mise en garde constitue une étape préalable au processus disciplinaire qui, si celle-ci n'était pas suivie d'effets, pourrait exposer l'établissement aux sanctions disciplinaires prévues par l'article L. 613-21 du code monétaire et financier, qui vont de l'avertissement ou du blâme à la radiation de l'établissement de crédit dans les cas les plus graves.

IV. La position de votre commission spéciale

Au-delà de la nécessité de réformer la distribution du livret A au regard des règles juridiques communautaires, votre rapporteur est persuadé que les propositions du Gouvernement sont de nature à améliorer ce système au bénéfice des épargnants et du financement du logement social .

Ainsi, l'épargnant sera assurément le grand gagnant de cette réforme puisqu'il aura la possibilité, à compter du 1 er janvier prochain, d'ouvrir un livret A dans l'établissement bancaire de son choix s'il n'en était pas déjà titulaire. De ce point de vue, votre rapporteur est convaincu que la banalisation de la distribution constitue un élément qui va favoriser le développement de ce produit d'épargne dans le pays, ce qui n'est d'ailleurs pas sans poser un certain nombre d'interrogations en termes de niveau de collecte auprès de la CDC. Les personnes déjà titulaires d'un livret A auprès de l'un des trois réseaux historiques sans y avoir pourtant domicilié leurs comptes auront, quant à elles, la possibilité de regrouper leurs comptes et produits d'épargne auprès du même établissement, ce qui constitue un facteur de simplification de gestion pour leurs finances personnelles.

Le financement du logement social devrait lui aussi être renforcé par la réforme , qui maintient la spécificité d'utilisation des fonds du livret A au bénéfice de la construction des logements sociaux. Ainsi, pour la première fois, la loi reconnaîtrait que les sommes centralisées au titre du livret A et du LDD sont employées en priorité au financement du logement social. A cet égard, le projet de loi prévoit également un mécanisme garantissant un montant de fonds centralisés largement supérieur à l'encours des prêts de la CDC aux organismes HLM .

Surtout, comme le montre le tableau ci-dessous, la réforme permet de baisser de façon durable le coût de financement du logement social avec la réduction des commissions versées aux banques pour distribuer le livret A, puisque le taux moyen de commission passera de 1,12 % à 0,6 % (hors financement de l'accessibilité bancaire) à l'horizon 2014.

Commissions par établissement

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Nouveaux réseaux

0,6 %

0,6 %

0,6 %

0,6 %

0,6 %

0,6 %

Caisses d'épargne

Commission de base

0,6 %

0,6 %

0,6 %

0,6 %

0,6 %

0,6 %

Commission transitoire

0,3 %

0,3 %

0,1 %

-

-

-

Total

0,9 %

0,9 %

0,7 %

0,6 %

0,6 %

0,6 %

Crédit mutuel

Commission de base

0,6 %

0,6 %

0,6 %

0,6 %

0,6 %

0,6 %

Commission transitoire

0,3 %

0,2 %

0,1 %

-

-

-

Total

0,9 %

0,8 %

0,7 %

0,6 %

0,6 %

0,6 %

La Banque Postale

Commission de base

0,6 %

0,6 %

0,6 %

0,6 %

0,6 %

0,6 %

Commission transitoire

0,15 %

0,15 %

0,15 %

0,1 %

0,05 %

-

Accessibilité

280 M€

270 M€

260 M€

250 M€

235 M€

210 M€

Total

0,75 %

+ 280 M€

0,75 %

+ 270 M€

0,75 %

+ 260 M€

0,7 %

+ 250 M€

0,65 %

+ 235 M€

0,6 %

+ 210 M€

La commission transitoire versée aux opérateurs historiques, prévue par l'article 40, devrait quant à elle écarter tout risque de déstabilisation de l'équilibre financier de ces réseaux.

Pour votre rapporteur, la preuve est donc faite que tous les acteurs concernés devraient sortir gagnants de la réforme, ce qui répond au demeurant parfaitement aux trois conditions fixées par le Président de la République dans son discours du 11 décembre 2007 .

S'agissant du dispositif adopté par les députés, votre commission spéciale s'est interrogée sur la nature des garanties proposées par le projet de loi tendant à assurer à la CDC un niveau de dépôts suffisamment élevé pour, à la fois, permettre le financement du logement social et garantir l'équilibre des fonds d'épargne, cette seconde condition nécessitant un niveau de ressources libre d'emploi suffisant pour assurer la péréquation des usages des fonds.

A cet égard, elle a examiné les propositions tendant à fixer, dans la loi, un niveau de centralisation défini, non pas par rapport aux encours de prêts, mais en pourcentage des encours de dépôts. Après réflexion, elle se déclare convaincue par le système élaboré par le Gouvernement, que l'Assemblée nationale a encore amélioré . En particulier, l'intégration , dans l'encours pris en compte pour l'affectation du coefficient multiplicateur de 1,25, des prêts consentis pour la politique de la ville constitue une garantie forte pour le niveau de centralisation .

Enfin, au delà du financement des PME, l'affectation d'une partie des fonds non centralisés du livret A et du LDD aux travaux de rénovation thermique de l'habitat ancien est une proposition opportune, compte tenu des décisions du Grenelle de l'environnement en la matière qui devraient mobiliser des ressources financières conséquentes.

Ainsi, l'article 5 du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, présenté en conseil des ministres le mercredi 11 juin 2008, fixe comme objectif la réduction des consommations d'énergie du parc des bâtiments existants d'au moins 38 % d'ici 2020. Surtout, il prévoit un objectif de rénovation de l'ensemble du parc de logements sociaux, en commençant par les 800.000 logements sociaux dont la consommation annuelle d'énergie est supérieure à 230 kilowattheures d'énergie primaire par mètre carré. A cet effet, une enveloppe de prêts à taux privilégiés sera accordée aux organismes bailleurs de logements sociaux. Pour le parc privé, l'Etat mettra en place des actions spécifiques incluant un ensemble d'incitations financières destinées à encourager la réalisation des travaux, en favorisant notamment la conclusion d'accords avec le secteur des banques et des assurances pour développer le financement des investissements d'économies d'énergie.

Votre rapporteur estime par ailleurs que la fixation d'un taux de centralisation dans la loi constituerait un facteur de rigidité , notamment dans la perspective de l'organisation du système transitoire entre le régime actuel et le régime dans lequel les taux de centralisation du livret A et du LDD seront identiques. Dans ce débat, il a été objecté par un certain nombre d'intervenants qu'aucun élément objectif n'imposait la fixation d'un tel taux unique. Votre rapporteur est, pour sa part, persuadé que la solution retenue est, de loin, la plus satisfaisante tant pour les épargnants que pour la stabilité des encours centralisés auprès de la CDC.

L'unicité du taux est en effet de nature à garantir l'absence de stratégie d'arbitrage de la part des banques en fonction de considérations liées à l'écart entre les taux des livrets réglementés et celui du marché monétaire. Il est également la seule stratégie envisageable pour sécuriser les fonds centralisés auprès de la CDC à leur niveau actuel.

Il ne faut certes pas négliger les difficultés techniques occasionnées par le passage d'un taux de centralisation de 100 % à 70 % pour le livret A et de 9 % à 70 % pour le LDD, aux niveaux macro et microéconomique. Afin de ne pas déstabiliser les établissements bancaires et éviter tout « assèchement » d'une part substantielle de leurs liquidités, il est en effet inenvisageable de procéder à un changement de ces règles du jour au lendemain et une période transitoire est donc indispensable . La définition des modalités de cette évolution fait ainsi l'objet d'un groupe de travail réunissant le ministère de l'économie, la CDC et les banques.

D'après les informations fournies à votre rapporteur, ce processus, qui pourrait s'étaler sur sept à huit années, comprendrait une première phase de transition, d'une durée de deux à trois ans pour éviter la déstabilisation de la liquidité des banques distribuant uniquement du LDD et de l'encours centralisé de la CDC. Au cours de cette première période, les règles de centralisation seraient établies en volume et non pas en pourcentage et les mouvements de centralisation ou de décentralisation ne porteraient que sur les volumes transférés des distributeurs « historiques » du livret A vers les réseaux ne le distribuant pas encore, ainsi que sur les flux résultant d'une collecte supplémentaire. Pour les transferts de fonds du livret A entre établissements, le volume transféré resterait centralisé en totalité ; quant à la collecte nouvelle, elle ne serait pas centralisée mais devrait être répartie entre les anciens et nouveaux distributeurs selon une règle à déterminer. La deuxième phase, d'une durée de cinq ans, verrait quant à elle s'établir une convergence progressive des taux de centralisation. Les fonds du LDD non centralisés conserveraient leurs obligations d'emplois qui s'imputeraient sur les 30 % non centralisés et la seule ressource libre éventuellement conservée par les banques serait donc, dans la première phase, dépendante de la collecte supplémentaire qui ne serait pas centralisée, et, dans la deuxième phase, de l'aménagement des règles d'emploi du LDD.

Enfin, sur le plan de la gestion des dépôts, votre rapporteur se félicite de la fusion des neufs fonds d'épargne de la CDC dans un fonds unique , qui est indéniablement un élément de simplification de la gestion de cette masse financière par la Caisse. Il relève que ces modifications vont d'ailleurs rendre nécessaire une évolution des règles applicables à la garantie des dépôts , l'Etat devant prochainement apporter sa garantie au fonds d'épargne de la CDC. Cette disposition n'est cependant pas inscrite dans le projet de loi puisque la loi organique relative aux lois de finances réserve aux seules lois de finances la possibilité pour le législateur d'octroyer une garantie de l'Etat, évolution qui pourrait être proposée à l'occasion de l'un des prochains textes budgétaires de l'automne 2008.

Votre rapporteur juge également satisfaisantes les dispositions relatives à la rémunération des établissements , en ce qui concerne tant le nouveau taux de rémunération pour la collecte des fonds du livret A que les principes de fixation de la rémunération de la Banque Postale.

S'agissant de l'accessibilité bancaire , il estime que le texte du projet de loi, amendé sur ce point par les députés, formalise opportunément la pratique suivie par la Banque de France pour la mise en oeuvre du droit au compte qui, grâce notamment aux engagements pris par la profession bancaire début 2006, concerne désormais près de 30.000 personnes par an. Enfin, votre rapporteur ne peut que renouveler son attachement à voir se développer la bancarisation des ménages en situation d'exclusion par le biais de ce dispositif plutôt que par le livret A , dans la mesure où les services bancaires offerts aux personnes sont plus développés et où le coût de cette mission est alors financé par les banques et non par les fonds publics.

En revanche, votre rapporteur se déclare particulièrement soucieux sur le problème de la multidétention, compte tenu de ses conséquences pour les finances publiques. A cet égard, la moins-value de recettes fiscales liée à l'exonération d'impôt sur le revenu des intérêts du livret A et du livret bleu, hors impact sur les finances sociales, est estimée à 300 millions d'euros . En effet, en l'état des systèmes d'information et en l'absence de données incontestables sur le nombre de personnes disposant de plusieurs livrets, les informations recueillies par le FICOBA, à supposer que ces données soient fiables, laisseraient apparaître un total de 8 millions de personnes disposant de plusieurs livrets A ou bleu .

Selon le Gouvernement, ces statistiques doivent cependant être maniées avec prudence dans la mesure où la fiabilité des informations disponibles à ce sujet n'est pas absolue et, surtout, la très grande majorité des cas de multidétention concerne des personnes dont l'un des livrets a été « perdu de vue » par son détenteur . A cet égard, ce chiffre de 8 millions est à rapprocher du nombre de livrets A présentant un solde de moins de 150 € et qui n'ont fait l'objet d'aucun mouvement depuis au moins 10 ans, qui est de l'ordre de 9 millions .

Au total, même en l'absence de statistiques précises sur le nombre de personnes en situation de multidétention et dont le total des livrets excède 15 300 €, il n'en reste pas moins que les situations de multidétention sont loin d'être marginales. A cet égard, votre rapporteur juge nécessaire de saisir l'occasion offerte par le projet de loi pour améliorer les conditions de lutte contre la multidétention. Ces incertitudes sur l'ampleur du phénomène, ainsi que l'insuffisance des sanctions prévues en cas de multidétention, justifient ainsi des initiatives de votre commission spéciale sur cette question .

A cet effet, un amendement vous est présenté pour préciser que le cumul d'un livret bleu ouvert avant le 1 er janvier 2009, date d'entrée en vigueur de la réforme, et d'un livret A n'est pas autorisée. En effet, la rédaction actuelle du texte proposé pour le dernier alinéa de l'article L. 221-3 du CMF laisse ouverte une telle possibilité et il est donc proposé de remédier à cet oubli.

Par ailleurs, votre rapporteur a invité la commission spéciale à débattre de l'opportunité de renforcer les sanctions applicables en cas de multidétention. A cet effet, lors de l'examen du rapport, il lui a présenté un amendement tendant à sanctionner cette situation et qui, pour dissuader les épargnants d'ouvrir ou de détenir plus d'un livret A, proposait d'instaurer une amende fiscale de 150 euros pour chaque livret bleu ou livret A surnuméraire, applicable à toute personne physique ayant sciemment ouvert ou maintenu ouvert un tel produit d'épargne réglementée. Votre commission spéciale a alors longuement discuté de cette proposition, se demandant si sa rédaction était véritablement de nature à répondre aux objections formulées par votre rapporteur.

En particulier, il lui est apparu nécessaire de limiter le cadre de cette sanction aux seules situations de multidétention qui naîtraient après l'entrée en vigueur de la réforme , afin de ne pas pénaliser les épargnants détenant plusieurs livrets, soit de bonne foi pour les multidétenteurs d'un livret A et d'un livret bleu ouvert entre 1976 et 1979, soit par ignorance. En outre, les membres de votre commission spéciale ont jugé indispensable de proportionner la sanction à la gravité de l'infraction. Dès lors, une amende de 150 euros leur est apparue excessive pour les personnes détenant plusieurs livrets, dont l'un oublié de longue date et ne contenant qu'un dépôt minime, et insuffisante pour les personnes détenant plusieurs livrets dotés d'encours élevés voire supérieurs au plafond de 15.300 euros.

Dans ces conditions, au regard des questions soulevées par votre commission spéciale, votre rapporteur a décidé de retirer cet amendement afin de mettre à profit le temps séparant l'examen du rapport de la discussion du projet de loi pour affiner sa réflexion sur ce point. Il a donc été convenu qu'il présenterait, à l'occasion de l'examen des amendements extérieurs, une proposition modifiée tenant compte des observations faites en commission.

Par ailleurs, outre trois amendements de précision et de simplification , votre commission spéciale préconise l'adoption d'un amendement étendant les vérifications de l'inspection générale des finances aux livrets bleu ouverts avant le 1 er janvier 2009 .

Enfin, votre commission spéciale vous soumet un amendement tendant à clarifier les dispositions adoptées par les députés sur la procédure à suivre par la Banque de France en cas de mise en oeuvre de la procédure du droit au compte.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 40 - (Section 4 du chapitre VIII du titre Ier du livre V, article L. 518-101 du code monétaire et financier et article 125 A du code général des impôts) Règles transitoires relatives à la réforme du livret A

Commentaire : le présent article du projet de loi détermine les règles de transition qui vont permettre de mettre en place les nouvelles règles de distribution du livret A, de centralisation des fonds collectés et de rémunération des trois établissements qui disposaient de l'exclusivité de distribution de ce produit d'épargne.

I. Le dispositif initialement proposé

L'article 40, dont une partie des dispositions ne sont pas codifiées, se compose de sept paragraphes.

l Le paragraphe I traite de l'avenir des conventions conclues pour la gestion du livret A et du livret bleu et de la rémunération complémentaire versée aux trois réseaux « historiques » pour compenser les « perturbations » liées à la banalisation du livret A et la diminution de la commission de gestion à 0,6 % des encours.

Ø Selon son 1°, les conventions conclues antérieurement au 1 er janvier 2009 en application des dispositions des articles L. 221-1 à L. 221-12 (règles actuelles relatives au livret A et au livret bleu), L. 512-101 (fonds de réserve et de garantie des caisses d'épargne et de prévoyance auprès de la CDC) et L. 518-26 à L. 518-28 (gestion du livret A par la Banque Postale) du code monétaire et financier, dans leur rédaction en vigueur antérieurement à la promulgation de la loi de modernisation de l'économie, par les Caisses d'épargne et de prévoyance, la Banque Postale, ou le Crédit mutuel, avec la Caisse des dépôts et consignations ou avec l'État, cessent de produire effet à compter du 1 er janvier 2009.

Pour La Banque Postale, il s'agit de la convention Etat/Poste/Banque Postale relative à la gestion de la Caisse nationale d'épargne, en date du 22 décembre 2005 et de la convention CDC/Poste/Banque Postale relative à la centralisation des fonds à la CDC, signée le 28 décembre 2005.

Il n'existe pas de convention liant l'Etat et les Caisses d'épargne, mais plusieurs conventions ont été passées par la CDC, agissant au nom de l'Etat, avec les Caisses d'épargne. La convention de base est une convention du 21 octobre 1994, qui a donné lieu à une convention d'application le 31 octobre 1995 et à plusieurs avenants.

Pour le Crédit mutuel, il existe une convention dite du « mémorandum » entre l'Etat et cet établissement, datée du 1 er septembre 2004, et une convention entre la CDC et le Crédit mutuel relative à la centralisation des fonds à la CDC, également datée du 1 er septembre 2004.

Ø Le 2° précise que les règles et conventions, en vigueur antérieurement au 1 er janvier 2009, relatives aux domiciliations de revenus, aux opérations de paiement et aux opérations de retraits et dépôts, restent applicables à la Banque Postale, aux Caisses d'épargne et au Crédit mutuel pour les livrets A ou livrets bleu ouverts avant cette date. Cette disposition vise à garantir la sécurité juridique des relations entre les établissements et leurs clients pour les livrets A et bleu ouverts avant la réforme.

Ø Le 3° fixe des règles de lissage du choc commercial que va constituer, pour les trois réseaux historiques, la banalisation de la distribution du livret A. Il indique que ces trois réseaux perçoivent une rémunération complémentaire, financée par le fonds d'épargne de la CDC, dont la durée et le montant seraient fixés par décret en Conseil d'Etat.

l Le paragraphe II procède à la fusion des fonds d'épargne de la CDC dans un fonds d'épargne unique. En application de cette disposition, les neufs fonds d'épargne seraient fusionnés au 1 er janvier 2009.

Les neufs fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations

1. Livret A des Caisses d'épargne et de prévoyance

1.1 Fonds « Livret A CEP »

Ce fonds permet la centralisation des sommes déposées sur le livret A des Caisses d'épargne et de prévoyance (CEP). Aucun texte réglementaire n'a directement prévu son existence mais sa création découle de la mise en oeuvre de l'article L. 221-8 du code monétaire et financier qui prévoit que « les sommes déposées sur le livret A des Caisses d'épargne et de prévoyance sont centralisées à la CDC ».

1.2 Fonds de réserve et de garantie des CEP (FRG CEP)

Ce fonds constitue le fonds de réserve du précédent. Il est prévu à l'article L. 512-101 du CMF.

2. Livret A de La Banque Postale

2.1 Fonds « Livret A de la CNE »

Ce fonds correspond à la centralisation des fonds collectés sur le livret A distribué par La Banque Postale (qui transite en réalité par la Caisse nationale d'épargne (CNE), celle-ci étant le véhicule servant de réceptacle au livret A distribué par La Banque Postale). La CNE est elle-même régie par les articles L. 518-26 à L. 518-28 du CMF.

2.2 Fonds de réserve et de garantie de la CNE (FRG CNE)

Ce fonds est le miroir du FRG CEP mentionné précédemment. Le FRG CNE est prévu à l'article L. 518-28.

3. Livret d'épargne populaire

3.1 Fonds « LEP »

Ce fonds correspond à la centralisation des fonds collectés sur le livret d'épargne populaire. Il est prévu par l'article R. 221-58 du CMF (« les dépôts collectés au titre [du LEP] sont centralisés et versés à un fonds géré par la CDC »).

3.2 Fonds de réserve du LEP (FR LEP)

Ce fonds est le miroir pour le LEP des fonds FRG CEP et FRG CNE. Il est prévu par l'article R. 221-60 (« les dépôts [du LEP] donnent lieu à constitution d'un fonds de réserve à laquelle sont affectés [les résultats du « fonds LEP » ] ).

4. Fonds du livret de développement durable

Ce fonds n'est pas explicitement prévu par les textes mais est nécessaire pour matérialiser la centralisation des fonds collectés sur le LDD.

5. Fonds de réserve et de financement du logement (FRFL)

Ce fonds est prévu par l'article 1 er du décret n°93-735 du 29 mars 1993.

6. Fonds de garantie des sociétés de développement régional

l Le paragraphe III opère le transfert des dépôts du livret A de la Caisse nationale d'épargne vers la Banque Postale.

Ø En application du 1°, les dépôts du livret A reçus au 31 décembre 2008 par la Caisse nationale d'épargne (CNE), les dettes qui y sont attachées, et la créance détenue à la même date par la CNE sur la CDC au titre de la centralisation des dépôts du livret A, sont transférés, au 1 er janvier 2009, à la Banque Postale, de même que les droits et obligations relatifs à ces éléments de bilan. Les autres actifs, passifs, droits et obligations de la CNE sont transférés au 1 er janvier 2009 au bénéfice du fonds d'épargne.

Ø Le 2° précise que ces transferts sont réalisés gratuitement et de plein droit, sans qu'il soit besoin d'aucune formalité nonobstant toutes disposition ou stipulation contraires. Ils entraînent l'effet d'une transmission universelle de patrimoine ainsi que le transfert de plein droit et sans formalité des accessoires des créances cédées et des sûretés réelles et personnelles les garantissant. Le transfert des contrats en cours d'exécution, quelle que soit leur qualification juridique, conclus par la Caisse nationale d'épargne, n'est de nature à justifier ni leur résiliation, ni la modification de l'une quelconque de leurs clauses non plus que, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l'objet. De même, ces transferts ne sont de nature à justifier la résiliation ou la modification d'aucune autre convention conclue par la Caisse nationale d'épargne. Les opérations visées au présent alinéa ne donnent pas lieu à la perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit.

Ø Le 3° abroge la section 4 du chapitre VIII du titre I er du livre V du code monétaire et financier, composée des articles L. 518-26 à L. 518-28, qui concerne la Caisse nationale d'épargne, qui n'a plus de raison d'être avec la suppression de la CNE.

La CNE existait toujours pour le seul livret A. Le II de l'article 16 de la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales n'avait organisé le transfert à LBP que de l'épargne réglementée de la CNE hors livret A. Le III de l'article 40 achève ce mouvement en transférant le livret A de la CNE à LBP et en supprimant définitivement la CNE.

l Le paragraphe IV précise que le décret prévu à l'article L. 221-5 du CMF, qui organisera les nouvelles règles de centralisation des fonds collectés au titre du livret A et du LDD, pourra prévoir une période de transition pendant laquelle la part des sommes centralisées par la CDC est fixée en fonction de la situation propre à chaque catégorie d'établissement ou établissement.

l Le paragraphe V procède à plusieurs modifications de coordination.

Ø Le 1° abroge l'article L. 512-101 du CMF qui fixe les règles relatives au fonds de réserve et de garantie des caisses d'épargne et de prévoyance auprès de la CDC.

Ø Le 2° supprime le II bis de l'article 125 A du code général des impôts qui a pour objet l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des intérêts tirés des livrets bleu. Dans la mesure où le livret bleu devient, sur le plan juridique, un livret A, il se verra appliquer les mêmes caractéristiques fiscales et il convenait de supprimer la spécificité du livret bleu à cet égard.

l Le paragraphe VI prévoit que les dispositions relatives au contrôle de la multidétention des livrets A, qui obligeront les banques à vérifier si un client demandant l'ouverture d'un tel produit d'épargne n'en est pas déjà détenteur, entreront en vigueur au moment de la publication du décret d'application. Dans le cas où FICOBA ne serait pas opérationnel au 1 er janvier 2009, cas le plus probable, les établissements bancaires n'auront d'autre solution que de demander à leurs clients une déclaration sur l'honneur.

l Enfin, le paragraphe VII indique que l'article 39 du projet de loi devient applicable le 1 er janvier 2009. En pratique, ce n'est donc qu'à compter de cette date que tous les établissements bancaires pourront distribuer le livret A.

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale n'a pas procédé à des modifications substantielles de cet article.

l Au paragraphe I , outre une précision rédactionnelle, les députés ont adopté un amendement tendant à prévoir un avis préalable de la commission de surveillance de la CDC sur le décret en Conseil d'Etat fixant les conditions de la rémunération complémentaire versée aux trois réseaux historiques pour compenser les conséquences économiques de la banalisation.

l Les paragraphes II, III et IV ont ensuite été votés sans modification.

l Au paragraphe V , ils ont adopté un amendement de précision juridique et deux amendements de coordination, respectivement aux articles 208 ter et 208 ter B du code général des impôts.

l Enfin, des amendements rédactionnels ont été adoptés sur les paragraphes VI et VII .

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale n'a pas de remarques particulières à formuler sur cet article.

Elle vous présente néanmoins un amendement tendant à encadrer les conditions de transferts des livrets A entre établissements bancaires. Ainsi, cette proposition, qui complète le I de l'article, dispose que pour ouvrir un livret A dans un autre établissement, les personnes déjà titulaires d'un livret doivent préalablement le clôturer ou en demander le transfert vers le nouvel établissement. L'amendement renvoie à un arrêté du ministre chargé de l'économie la fixation des conditions dans lesquelles ces transferts seront réalisés, ainsi que les délais que devront respecter les établissements pour procéder au transfert demandé. Votre rapporteur note à ce sujet que cette question des délais est particulièrement importante pour que les établissements titulaires de livrets A puissent, conformément au souhait qui aurait été exprimé par les épargnants, procéder à ces opérations de transfert dans les meilleures conditions.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

CHAPITRE IER BIS (NOUVEAU) - Dispositions relatives aux caisses d'épargne

L'Assemblée nationale a inséré au titre IV trois articles additionnels relatifs au fonctionnement et à la gouvernance des caisses d'épargne . Ces amendements ont été complétés par un amendement de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur au nom de la commission des finances saisie pour avis, insérant, par souci de clarification, un nouveau chapitre I er bis intitulé « Dispositions relatives aux caisses d'épargne ».

Article 40 bis (nouveau) - (articles L. 512-85, L. 512-91, L. 512-92, L. 512-94, L. 512-95, L. 512-99 et L. 512-100 du code monétaire et financier) Adaptation du statut et des missions des caisses d'épargne

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, a pour objet de poursuivre la « banalisation » du statut et des missions des caisses d'épargne. Elles ne seraient ainsi plus soumises à des obligations de missions d'intérêt général et d'affectation d'une quote-part du résultat net à des projets d'économie locale et sociale, mais conserveraient des missions spécifiques de promotion des actions de responsabilité sociétale.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative de notre collègue député Elie Aboud, et avec l'avis de sagesse du gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à poursuivre la « banalisation » du statut et des missions des caisses d'épargne , présentée comme une contrepartie nécessaire de celle de la distribution du Livret A.

Le I du présent article propose ainsi de reformuler l'article L. 512-85 du code monétaire et financier, relatif aux missions du réseau des caisses d'épargne, afin de supprimer les dispositions relatives aux missions d'intérêt général et à l'obligation de consacrer une partie du résultat net au financement de projets d'économie locale et sociale (PELS). Cette disposition a également pour effet de rendre inutile la nomination d'un commissaire du gouvernement .

Les autres missions fondamentales sont en revanche maintenues : mise en oeuvre des principes de solidarité et de lutte contre les exclusions, promotion de la collecte de l'épargne, protection de l'épargne populaire, développement de la prévoyance, financement du logement social, lutte contre l'exclusion bancaire et financière, et amélioration du développement économique local et régional.

Il convient de préciser que les caisses d'épargne ont ainsi consacré 55,7 millions d'euros aux PELS en 2007, et 240 millions d'euros depuis 2001 (soit environ 11.000 projets soutenus).

Par coordination, le III supprime la référence aux missions d'intérêt général confiées aux sociétés locales d'épargne, figurant dans l'article L. 512-92 du même code. De même, le V supprime, dans le 11 de l'article L. 512-95 du même code (relatif aux missions de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance - CNE), la mention des missions d'intérêt général des caisses d'épargne.

Le II abroge les articles L. 512-91 et L. 512-100 du même code, respectivement relatifs :

- aux modalités d'affectation d'un minimum du tiers des sommes disponibles, après versement aux réserves légales et statutaires, au financement des projets d'économie locale et sociale ;

- et à la possibilité pour les caisses d'épargne de recevoir les dons et legs qui seraient faits en leur faveur, dans les formes et selon les règles prescrites pour les établissements d'utilité publique.

Le IV supprime , dans l'article L. 512-94 du même code relatif au statut et à la gouvernance de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, le principe de l'agrément préalable du ministre chargé de l'économie pour la nomination du président du directoire.

Enfin, dans la continuité de ces nouvelles dispositions, le VI du présent article propose une nouvelle rédaction du cinquième alinéa de l'article L. 512-99 du même code, relatif aux missions de la Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, afin d'introduire parmi ces missions la coordination et la promotion des actions de responsabilité sociétale des caisses d'épargne , en cohérence avec les orientations commerciales et financières de la CNE.

A l'appui de son amendement, M. Elie Aboud a précisé que ces dispositions n'impliquaient nullement que les caisses d'épargne renoncent à mettre en oeuvre des principes de solidarité et de lutte contre les exclusions, mais permettaient de desserrer des contraintes relevant d'une logique purement administrative. Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a ajouté que les caisses d'épargne s' étaient engagées auprès d'elle et par écrit à continuer d'honorer leurs engagements sur les missions décrites supra .

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve ces dispositions, qui permettront aux caisses d'épargne d'affronter dans des conditions équitables la nouvelle concurrence des réseaux bancaires traditionnels, née de la généralisation de la distribution du Livret A.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 40 ter (nouveau) - (articles L. 512-93 et L. 512-99 du code monétaire et financier) Mesures d'adaptation de la gouvernance des caisses d'épargne

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, a pour objet d'élargir la composition des sociétaires des caisses locales d'épargne et la représentation des caisses régionales au sein de la Fédération nationale.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur au nom de la commission des finances saisie pour avis, et avec l'avis favorable du gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à adapter la gouvernance et la représentation des caisses locales et régionales d'épargne.

Le I du présent article complète le premier alinéa de l'article L. 512-93 du code monétaire et financier, relatif aux sociétaires des caisses locales d'épargne, pour étendre aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre la possibilité de devenir sociétaire , cette faculté étant aujourd'hui seulement ouverte aux collectivités territoriales.

Le 1° du II modifie la représentation des caisses régionales à l'assemblée générale de la Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, régie par le premier alinéa de l'article L. 512-99 du même code. Compte tenu de la réduction du nombre de caisses d'épargne, il propose d'accroître le nombre de leurs représentants. La représentation de chacune des caisses régionales passe ainsi de trois à cinq personnes , soit trois membres de leur conseil d'orientation et de surveillance, dont le président (au lieu de deux membres actuellement), et deux membres de leur directoire, dont le président (seul représentant dans le droit actuel).

Il en résulte une pondération légèrement plus favorable qu'actuellement aux directeurs des caisses (deux représentants sur cinq au lieu de un représentant sur trois) mais en préservant une représentation majoritaire des conseils d'orientation et de surveillance .

Le 2° du II étend également, dans le 7 de l'article L. 512-99 précité, l'aire de coopération des caisses d'épargne à tous les établissements étrangers de même nature , alors qu'elle est actuellement limitée à ceux européens.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve ces dispositions, qui tiennent compte de certains changements de l'environnement des caisses d'épargne, que ce soit l'importance croissante des EPCI dans l'économie locale ou la rationalisation du réseau des caisses d'épargne.

Elle vous propose toutefois d'adopter un amendement rédactionnel.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 40 quater (nouveau) Représentation des EPCI au sein des conseils d'orientation et de surveillance des sociétés locales d'épargne dont ils sont sociétaires

Commentaire : cet article, introduit à l'initiative du député Nicolas Forissier, rapporteur au nom de la commission des finances saisie pour avis, propose de permettre aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre d'être représentés au sein des conseils d'orientation et de surveillance des caisses d'épargne et de prévoyance des sociétés locales d'épargne affiliées dont ils sont sociétaires.

I. Les travaux de l'Assemblée nationale

Le présent article est le complément logique de l'article 40 ter du projet de loi, qui vise à permettre aux EPCI à fiscalité propre de devenir sociétaires d'une société locale d'épargne affiliée à une caisse d'épargne et de prévoyance.

Il propose de modifier les deuxième et septième alinéas de l'article L. 512-90 du code monétaire et financier de manière à permettre aux EPCI d'être représentés au sein des conseils d'orientation et de surveillance qui contrôlent les caisses d'épargne et de prévoyance auxquelles sont affiliées les sociétés locales d'épargne dont ils sont sociétaires .

Le conseil d'orientation et de surveillance serait toujours composé de 17 membres et comprendrait, dans des conditions prévues par son statut :

- des membres élus directement par les salariés sociétaires de la caisse d'épargne et de prévoyance ;

- des membres élus directement par les collectivités territoriales et les EPCI, sociétaires des sociétés locales d'épargne affiliées à la caisse d'épargne et de prévoyance ;

- des membres élus par l'assemblée générale des sociétaires de la caisse d'épargne et de prévoyance. Il est précisé que sont pas éligibles à ce titre les collectivités territoriales, ni les salariés de la caisse d'épargne et de prévoyance.

Par ailleurs, comme actuellement, dans chaque conseil d'orientation et de surveillance, le nombre des membres élus par les salariés serait identique à celui des membres élus par les collectivités territoriales et les EPCI, et ne pourrait être supérieur à trois.

II. La position de votre commission spéciale

Votre rapporteur ne peut qu'être favorable à ce que les EPCI sociétaires de sociétés locales d'épargne puissent désigner des représentants au sein des structures dirigeantes des caisses d'épargne et de prévoyance auxquelles ces sociétés sont affiliées, aux côtés et dans les mêmes conditions que les collectivités territoriales sociétaires.

C'est pourquoi il recommande l'adoption du présent article.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 40 quater - (article L. 512-57 du code monétaire et financier) Suppression de la présence du commissaire du Gouvernement auprès du Crédit Mutuel

Commentaire : le présent article propose de supprimer la présence d'un commissaire du Gouvernement dans les instances de gouvernance du Crédit Mutuel.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 512-57 du code monétaire et financier dispose que :

- le ministre chargé de l'économie désigne auprès de la Confédération nationale du Crédit Mutuel un commissaire du Gouvernement , qui exerce également ses pouvoirs auprès de la Caisse centrale du Crédit Mutuel, des fédérations régionales et des caisses départementales ou interdépartementales du Crédit Mutuel. A cet effet, il est convoqué à leurs assemblées générales et peut assister aux réunions de leurs conseils d'administration ;

- les caisses de crédit mutuel sont soumises aux vérifications de l'inspection générale des finances.

II. La position de votre commission spéciale

La fin de l'exclusivité de distribution du livret A, et de son équivalent le livret bleu au Crédit Mutuel, ne justifie plus guère la présence d'un commissaire du Gouvernement dans les instances de cet établissement de crédit. L'article 42 bis du présent projet de loi prévoit du reste la suppression du commissaire du Gouvernement auprès du réseau des caisses d'épargne .

De même, compte tenu du rétablissement du contrôle de l'inspection générale des finances pour les livrets bleus ouverts avant le 1 er janvier 2009, proposé par votre commission spéciale dans un amendement à l'article 39 du présent projet de loi, le principe général d'un contrôle de l'IGF sur les caisses de crédit mutuel n'est plus opportun.

Votre commission spéciale vous propose donc d'abroger , par le présent article additionnel , l'article L. 512-57 précité.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

CHAPITRE II - Dispositions relatives à la gouvernance et au personnel de la Caisse des dépôts et consignations

Ce chapitre est constitué d'un article unique.

Article 41 - (articles L. 512-94, L. 518-1, L. 518-4, L. 518-5 à L. 518-10, L. 518-15-2 [nouveau], L. 518-15-3 [nouveau] et L. 566-3 du code monétaire et financier) Dispositions relatives à la gouvernance et au personnel de la Caisse des dépôts et consignations

Commentaire : le présent article tend à moderniser la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations et à introduire des dispositions relatives à la représentation et à l'épargne salariale de son personnel. Il modifie en particulier la composition et étend le champ de compétences de la commission de surveillance, crée un comité des investissements et élargit la portée du contrôle de la commission bancaire sur l'établissement.

I. Le droit en vigueur

A. La Caisse des dépôts et consignations, une entité sui generis dotée d'attributions larges

1. Un statut ad hoc et hors du périmètre de la loi bancaire

La Caisse des dépôts et consignations (CDC), créée par l'article 110 de la loi du 28 avril 1816, n'est légalement ni un établissement public stricto sensu ni un établissement de crédit placé sous la surveillance de la commission bancaire, mais, aux termes de l'article L. 518-1 du code monétaire et financier, un « groupe public au service de l'intérêt général et du développement économique du pays ». Il fait partie des établissements non-assimilés à des établissements de crédit mais autorisés à effectuer certaines de leurs opérations.

A l'instar du Trésor public, de la Banque de France et de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, la CDC peut en effet effectuer des opérations de banque sans être soumise au régime des établissements bancaires. Cette exclusion du champ de la loi bancaire de 1984 a été validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 83-167 DC du 19 janvier 1984, qui souligne que la CDC est « un organisme soumis par son statut au contrôle du Parlement ».

L'article L. 518-1 précité dispose toutefois que certains arrêtés du ministre chargé de l'économie relatifs à la réglementation bancaire et financière, ainsi que les règlements du Comité de la réglementation comptable sont susceptibles d'être étendus à la Caisse (comme à la Poste).

L'article L. 518-1 dispose également que cette institution « remplit des missions d'intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l'Etat et les collectivités locales et peut exercer des activités concurrentielles ». L'article L. 518-2 du même code la qualifie également d' « établissement spécial » .

Le statut juridique incertain de la CDC et son caractère autonome ont suscité des interrogations jurisprudentielles . Dans son arrêt Bergerat du 4 janvier 1865, le Conseil d'Etat a ainsi admis que la Caisse était « un établissement spécial, vivant sa propre vie et distinct de l'Etat » , puis a jugé dans un arrêt d'assemblée du 18 avril 1947 qu'elle était un établissement public, à caractère administratif si l'on se réfère à certaines qualifications retenues par la section du rapport et des études et la section des finances.

2. Un champ d'activité particulièrement étendu

Ce statut relativement flou est assorti de missions d'intérêt général très variées . La CDC est ainsi plus particulièrement chargée, aux termes de l'article L. 518-1 précité, « de la gestion des dépôts réglementés et des consignations, de la protection de l'épargne populaire, du financement du logement social et de la gestion d'organismes de retraite. Elle contribue également au développement économique local et national, particulièrement dans les domaines de l'emploi, de la politique de la ville, de la lutte contre l'exclusion bancaire et financière, de la création d'entreprise et du développement durable » .

Plus concrètement, la CDC assure les missions suivantes :

- la centralisation, la transformation et la gestion d'une part substantielle de l'épargne des livrets défiscalisés (livret A, livret bleu, livret d'épargne populaire) en vue d'accorder des prêts bonifiés aux acteurs du logement locatif social et de la politique de la ville. Les encours des fonds d'épargne et des prêts s'élevaient respectivement à 200,5 milliards d'euros et 88,2 milliards d'euros fin 2007 ;

- en tant que « banquier » du service public de la justice , la CDC gère les consignations et fonds confiés aux professions juridiques (notaires, mandataires judiciaires...), soit 44 milliards d'euros en 2007 ;

- la gestion de régimes publics de retraite par répartition (soit près de 3 millions de pensionnés et 7 millions d'actifs) et des mandats de gestion pour des fonds tels que le Fonds de réserve des retraites et le Fonds d'insertion des handicapés dans la fonction publique ;

- une expertise et un appui financier au développement territorial (490 millions d'euros en 2007) : participation au capital de sociétés d'économie mixte, investissements directs dans des domaines où l'offre est insuffisante et dans le cadre de partenariats public-privé, universités.

Au-delà de ces missions d'intérêt général, la CDC exerce des activités commerciales très diversifiées :

- la filiale CNP Assurances occupe la première place de l'assurance de personnes avec 18 % de part de marché et 14 millions d'assurés ;

- les filiales SNI et Icade (société immobilière cotée) sont présentes sur divers marchés immobiliers : gestion directe de 260.000 logements sociaux et intermédiaires, immobilier public, équipement commercial, promotion et services ;

- la CDC est un acteur majeur de tous les segments du capital-investissement et gère 4,1 milliards d'euros au travers de ses filiales CDC Entreprises et CDC Capital Investissement ;

- des filiales de services interviennent dans le transport public de voyageurs (Transdev), l'ingénierie des infrastructures (EGIS) et les loisirs (Compagnie des Alpes et Belambra VVF) ;

- des actions dans les domaines de l'environnement et du développement durable : finance carbone, énergies renouvelables.

Enfin la CDC se positionne comme un investisseur institutionnel de long terme , en particulier dans les grands groupes français cotés (37 milliards d'euros de participations en actions et 120 milliards d'euros en obligations fin 2007).

La Caisse assurait également, au travers de sa filiale bancaire CDC Ixis (et de diverses sous-filiales), des activités de financement structuré et de haut de bilan, de gestion d'actifs et de dépositaire de titres. Un rapprochement avec les caisses d'épargne a abouti à la création de la banque d'investissement Ixis CIB, qui a fusionné le 17 novembre 2006 avec Natexis, filiale du groupe Banque Populaire, pour donner lieu à une filiale commune cotée baptisée Natixis .

Le groupe de la Caisse des dépôts et consignations disposait fin 2007 d'un bilan consolidé de 227 milliards d'euros , d'un résultat net de 2,5 milliards d'euros et de 28 milliards d'euros de fonds propres.

B. Un mode de gouvernance original

1. La commission de surveillance

La législation se révèle beaucoup plus précise sur la gouvernance de la CDC que sur son statut et ses missions. La CDC présente ainsi la particularité d'être sous le contrôle du Parlement , l'article L. 518-2 du code monétaire et financier disposant qu'elle est « placée, de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative » , représentée au sein d'une commission de surveillance. Le contrôle de la Caisse est également assuré par la Cour des comptes, dans le cadre de l'article L. 131-3 du code des juridictions financières.

Présidée par notre collègue député Michel Bouvard et comprenant trois autres parlementaires (dont un sénateur, qui est votre rapporteur), cette commission de surveillance est une instance indépendante et composée, aux termes des articles L. 518-4 et L. 518-6 du code précité, de 12 personnalités qualifiées nommées pour trois ans et rééligibles, soit, outre les quatre parlementaires :

- deux conseillers d'Etat et deux conseillers-maîtres de la Cour des comptes ;

- le gouverneur ou l'un des sous-gouverneurs de la Banque de France ;

- le président ou l'un des membres de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) ;

- le directeur général du Trésor et de la politique économique ;

- et le président du conseil de surveillance de la Caisse nationale des caisses d'épargne (CNCE).

Elle exerce particulièrement son contrôle sur les décisions majeures, les orientations stratégiques, les prises de participation, la gestion des fonds d'épargne et la vérification des comptes. Elle comporte ainsi deux comités spécialisés que sont le comité des fonds d'épargne et le comité d'examen des comptes et des risques.

Aux termes des articles L. 518-7 à L. 518-9, elle contrôle notamment la gestion du fonds de réserve et de garantie des caisses d'épargne et de prévoyance et arrête les sommes à prélever dans certains cas de perte. Elle est saisie préalablement, chaque année, du programme d'émission de titres de créance de la CDC et en fixe l'encours annuel maximal. Un compte-rendu trimestriel de la situation de la Caisse lui est présenté avant publication. Elle vérifie également, toutes les fois qu'ils le jugent utile, et au moins une fois par mois, l'état des caisses et la bonne tenue des écritures.

L'article L. 518-15-1 dispose que les comptes annuels et consolidés de la CDC sont certifiés par deux commissaires aux comptes, désignés (ainsi que leurs suppléants) par la commission de surveillance sur proposition du directeur général de la Caisse, et présentés chaque année aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette procédure se distingue de celle prévalant pour les établissements publics, dont les commissaires aux comptes, en l'absence d'assemblée générale, sont désignés par le ministre chargé de l'économie.

En application de l'article L. 518-9, la commission peut adresser au directeur général des observations qui ne sont pas obligatoires pour lui, et reçoit de lui tous les documents et renseignements qu'elle juge utiles. Le rapport de la commission de surveillance sur la direction morale et la situation matérielle de la Caisse au cours de l'exercice antérieur est adressé au Parlement avant le 2 juillet.

2. La direction générale et les instances de décision

La CDC est dirigée et administrée par un directeur général (actuellement M. Augustin de Romanet), nommé par décret du Président de la République pour un mandat de cinq ans . A son entrée en fonction, il prête serment devant la commission de surveillance « de maintenir de tout son pouvoir l'inviolabilité » de la Caisse. Il peut être mis fin à ses fonctions, après avis de la commission de surveillance, qui peut décider de le rendre public, ou sur proposition de la commission.

Le directeur général est assisté du comité de direction et du comité de direction groupe, qui comprennent respectivement huit et cinq membres.

C. Une volonté de renouveau avec le plan stratégique « Elan 2020 »

Le 13 décembre 2007, le directeur général de la CDC a présenté un nouveau plan stratégique de long terme, intitulé « Elan 2020 », qui affirme quatre priorités sectorielles au service du développement durable de la France.

Les nouvelles priorités sectorielles du plan « Elan 2020 »

1) Le logement et la ville : financer et construire 90.000 logements par an à compter de 2010, soit 40 % de plus qu'en 2007, et rénover 18.000 logements de son parc par an avec un objectif de haute qualité environnementale.

2) L'université et l'économie de la connaissance : accompagner l'autonomie et la modernisation des universités, soit 10 millions d'euros d'études dès 2008 puis 20 % des dépenses d'intérêt général sur fonds propres, soit 500 millions d'euros sur 3 ans, afin de créer un effet de levier en faveur des universités.

3) Les PME au service de la croissance : financer 1.000 PME (soit 1 milliard d'euros sur 3 ans) d'ici 2010 pour développer leurs capacités exportatrices.

4) L'environnement et le développement durable :

- investir dans l'énergie renouvelable pour permettre le développement du marché avec l'objectif de détenir 5 % de la production française d'ici 2010 et 10 % d'ici 2020 ;

- lancement en 2008 du premier opérateur financier de la biodiversité, doté de 15 millions d'euros ;

- « être exemplaire » en matière environnementale dans chacun des métiers et appliquer systématiquement les principes de l'investissement « socialement responsable ».

Source : site Internet de la Caisse des dépôts et consignations

Le plan « Elan 2020 » comporte également un volet relatif à la gouvernance de la CDC, qui en réaffirme l'originalité et promeut une doctrine transparente. Outre l'adoption d'une démarche d'investissement « socialement responsable », la CDC entend investir un tiers de son résultat dans des activités d'intérêt général, mieux associer ses parties prenantes (experts, ONG, entreprises, organisations syndicales) à ses orientations et à l'évaluation de ses activités, et appliquer les meilleures normes de place en matière de déontologie, de normes comptables et de contrôle des risques, quand bien même elle n'y est pas soumise statutairement.

De façon plus précise, le plan annonce la création d'un futur comité des investissements au sein de la commission de surveillance, chargé d'examiner a priori (et non plus en étant simplement informé a posteriori ) les projets d'investissement à caractère stratégique envisagés par la Caisse et ses filiales non cotées et majoritaires. Le présent article en apporte la traduction législative.

D. Le statut et la représentation du personnel

Les effectifs du groupe Caisse des dépôts et consignations s'élèvent à 65.000 salariés , de statut public ou privé, dont 5.200 au sein de l'établissement public stricto sensu . Le décret du 4 juillet 1926 a soumis les agents de la CDC à un statut très proche de celui des fonctionnaires ministériels, avant que la loi du 19 octobre 1946 portant statut général des fonctionnaires de l'Etat ne permette à la Caisse d'intégrer ses agents dans les corps interministériels de fonctionnaires et d'en recruter au sein des nouveaux corps. La variété de ses missions a toutefois accru le besoin de recourir à des agents de droit privé.

La CDC a ainsi créé avec la CNP et le groupement d'intérêt économique (GIE) « Groupement de sociétés constituées sous l'égide de la CDC » un autre GIE nommé « Bureau des techniques d'actuariat et de management » ( BETAM ), dédié au recrutement, à la gestion et à la mise à disposition de personnels disposant de compétences spécifiques dans les domaines bancaire et financier. Dans un arrêt du 19 mars 1993, le Conseil d'Etat a cependant invalidé ce dispositif au motif qu'il tendait à déposséder le directeur général de la Caisse d'une partie de ses pouvoirs de nomination et à écarter l'application des statuts particuliers à l'ensemble du personnel.

L'article 34 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d'ordre sanitaire, social et statutaire a confirmé l'application du droit public au personnel de la CDC, tout en l'autorisant à conserver les agents contractuels recrutés et affectés par le GIE BETAM avant le 28 mai 1996, et à recruter dans les mêmes conditions, sous le régime des conventions collectives, des personnels de droit privé pour certains postes d'encadrement et fonctions spécifiques définis par décret en Conseil d'Etat.

Le même article a également prévu la détermination réglementaire des instances de concertation propres à la CDC et des modalités selon lesquelles ses agents y sont représentés. Le décret du 13 juillet 1998 a ainsi mis en place des comités mixtes paritaires et comités mixtes d'hygiène et de sécurité centraux et locaux pour l'ensemble des personnels, de droit public ou privé. La défense des intérêts individuels, selon la catégorie des agents, est quant à elle assurée par des délégués (pour les salariés de droit privé), des fonctionnaires de commissions administratives paritaires et des agents contractuels de droit public de commissions paritaires spécifiques.

Deux collèges statutaires assurent la représentation du personnel au sein des instances de concertation : celui des fonctionnaires et contractuels de droit public et celui des salariés de droit privé sous convention collective.

II. Le dispositif initialement proposé

Le présent article ( I à XIII ) modifie et insère plusieurs articles dans la section 2, relative à la Caisse des dépôts et consignations, du chapitre VIII ( « Les établissements et services autorisés à effectuer des opérations de banque » ) du titre premier ( « Etablissements du secteur bancaire » ) du livre V ( « Les prestataires de services » ) du code monétaire et financier, afin de moderniser la gouvernance de la CDC selon les axes suivants :

- la reconnaissance législative de la mission d'investisseur à long terme de la Caisse ;

- une modification de la composition de la commission de surveillance, une clarification de ses règles de fonctionnement par un règlement intérieur (qui détermine notamment le régime de prévention des conflits d'intérêt) et un élargissement de ses attributions ;

- la mise en place de comités spécialisés au sein de la commission de surveillance, et en particulier d'un comité des investissements permettant à la commission de surveillance d'examiner a priori les investissements importants de la Caisse ;

- une réforme du contrôle externe des activités bancaires de la Caisse, exercé dans des conditions proches du droit commun par la commission bancaire, notamment en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Il contribue également ( XIV et XV ) à garantir la représentation des ex-agents de la Caisse autonome de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) désormais employés par la CDC, et à établir le fondement juridique de dispositifs d'intéressement et d'épargne salariale pour l'ensemble des salariés du groupe.

A. La consécration de la mission d'investisseur de long terme

Le 1° du I du présent article complète l'article L. 518-1 du code monétaire et financier, précité, pour préciser que la Caisse des dépôts et consignations « est un investisseur de long terme et contribue, dans le respect de ses intérêts patrimoniaux, au développement des entreprises » . La reconnaissance législative de cette mission d'investisseur, que la Caisse met particulièrement en valeur, revêt une portée importante et correspond aux orientations du plan « Elan 2020 ».

Il convient en effet de rappeler que la Caisse détient un portefeuille d'actions de sociétés cotées pour un montant substantiel (évalué à 37 milliards d'euros fin 2007) et se positionne comme actionnaire de référence -le cas échéant représenté au sein des organes dirigeants- dans une vingtaine de sociétés du CAC 40. Si, ainsi qu'en témoigne la mention du respect des intérêts patrimoniaux de la Caisse, l'objectif de ces participations est essentiellement financier et patrimonial -apporter sur le long terme une contribution positive au résultat de la Caisse par des plus-values et dividendes-, elles correspondent également au souhait de plusieurs grandes sociétés françaises de disposer d'un actionnariat stable et le cas échéant solidaire en cas de tentative de prise de contrôle non sollicitée.

Sans pour autant faire de la CDC un « fonds souverain à la française », qui ne disposerait pas de moyens financiers équivalents à ceux des plus grands fonds, cette nouvelle reconnaissance législative n'en contribue pas moins à conforter sa mission d'actionnaire fidèle, vigilant et fiable dans certains des plus grands groupes français .

B. Le renforcement de la commission de surveillance

1. Une composition plus représentative des missions de la CDC et un statut clarifié pour ses membres

Le II du présent article renouvelle la rédaction de l'article L. 518-4 du code monétaire et financier, précité, pour modifier la composition de la commission de surveillance, en particulier le nombre de parlementaires (5 membres au lieu de 4), tout en maintenant inchangé le nombre total de membres (12).

Quatre représentants ne feraient plus partie de cette commission : un membre du Conseil d'Etat, un membre de la Cour des comptes, le président de la CCIP et le président du conseil de surveillance de la CNCE. Ils seraient remplacés par un sénateur (soit deux au total) et trois personnes désignées par les présidents des deux assemblées (dont deux par celui de l'Assemblée nationale) en raison de leurs compétences dans les domaines financier, comptable ou économique. Le grade des membres issus du Conseil d'Etat et de la Cour des comptes n'est plus précisé, ce qui permet d'élargir le choix et de mieux appliquer le critère de compétence.

Votre commission spéciale approuve ces orientations : le Parlement serait mieux représenté, conformément à la nature particulière de la commission de surveillance consacrée par la loi, et l'admission de personnalités qualifiées est de nature à enrichir l'expertise et les moyens de contrôle de la commission.

Le III du présent article modifie la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 518-5 du code monétaire et financier pour préciser que le président de la commission de surveillance est nécessairement choisi parmi les parlementaires qui la composent, ce qui tend à légaliser la pratique actuelle.

Le IV propose une nouvelle rédaction pour l'article L. 518-6 du même code, qui apporte les modifications suivantes par rapport au droit actuel :

- comme aujourd'hui, les membres de la commission sont nommés pour trois ans, mais il est précisé que ces nominations sont publiées au Journal officiel ;

- l'article ne prévoit plus explicitement la reconduction de ces membres ni le caractère gratuit de leurs fonctions. La commission de surveillance pourra donc prévoir une indemnité de fonction pour ses membres, conformément à ce qui prévaut en général pour les administrateurs de sociétés. Il n'y a cependant guère de raisons de principe ou ayant trait au fonctionnement de la commission pour que des membres dont la compétence serait reconnue soient soumis à une règle stricte de mandat unique. En l'absence de disposition contraire, le principe de la possibilité de reconduction demeure ;

- un nouvel alinéa fait opportunément référence à un règlement intérieur de la commission de surveillance, qui dans les faits existe déjà et détermine notamment les modalités de prévention des conflits d'intérêt , en particulier les déclarations d'intérêts que les membres doivent faire au président de la commission. Ce dispositif de prévention et de déclaration des conflits d'intérêt n'est pas sans rappeler celui de l'Autorité des marchés financiers (AMF), que l'article L. 621-4 du code monétaire et financier expose toutefois avec davantage de précision et dont le règlement intérieur de la commission de surveillance pourrait utilement s'inspirer.

2. Des attributions à la fois élargies et mieux définies

Le V du présent article modifie et complète substantiellement l'article L. 518-7 du code monétaire et financier, relatif aux missions de la commission de surveillance. Le 1° dispose ainsi que la commission contrôle la gestion du fonds d'épargne , fonds unique qui remplace les neuf fonds existants et fait l'objet d'une nouvelle référence législative à l'article L. 221-7 du code monétaire et financier, créée par l'article 39 du présent projet de loi. Il n'est plus fait mention que la commission arrête les sommes à prélever dans les cas de perte prévus par décret. Elle doit en revanche donner son accord (ainsi que le ministre chargé de l'économie) pour toute émission de titres de créances au bénéfice du fonds d'épargne.

Rappelons que l'article L. 221-7, dans sa nouvelle rédaction, précise la composition, l'affectation prioritaire au logement social et certaines modalités de gestion (possibilité d'émettre des titres de créances et de souscrire des instruments financiers, dont des produits dérivés) du fonds d'épargne.

Le texte proposé pour le 2° de l'article L. 518-7 innove par rapport au droit actuel en énonçant précisément (en particulier en matière financière et comptable) les cinq thèmes dont la commission de surveillance, parmi ses attributions, serait saisie pour avis au moins une fois par an :

- les orientations stratégiques de l'établissement public et de ses filiales ;

- la mise en oeuvre des missions d'intérêt général ;

- la définition de la stratégie d'investissement du groupe et de ses filiales ;

- la situation financière et la situation de trésorerie de l'établissement public, et la politique en matière de contrôle interne ;

- les comptes sociaux et leurs annexes, le périmètre et les méthodes de consolidation, les réponses aux observations des contrôleurs externes et l'examen des engagements hors bilan significatifs.

Le texte proposé pour l'avant-dernier alinéa de l'article L. 518-7 prévoit également, en reprenant les dispositions actuelles de l'article L. 518-8, que les membres de la commission de surveillance vérifient, chaque fois qu'ils le jugent utile et au moins selon une périodicité mensuelle , l'état de caisses et la bonne tenue des écritures. Il n'est plus précisé qu'ils vérifient « tous les détails administratifs » , ce qu'on pouvait effectivement juger flou et superflu.

Le périmètre d'investigation de la commission de surveillance est donc étendu, précis et proche de celui d'un conseil d'administration ou de surveillance de société. Ce champ relève toutefois de l'avis, donc de la bonne et complète information , et du contrôle stratégique, plutôt que de la gestion, qui est confiée au directeur général.

Enfin, tirant les conséquences du dénouement des liens capitalistiques entre la CDC et la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance, le XI du présent article supprime le dernier alinéa de l'article L. 512-94 du code monétaire et financier, qui prévoit que la commission de surveillance est saisie pour avis préalablement à toute opération portant sur le capital de la CNCE et affectant la participation de la CDC.

3. Une architecture rénovée et qui consacre un nouveau comité des investissements

Le VI du présent article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 518-8 du code monétaire et financier afin de préciser l'organisation de la commission de surveillance. A l'instar des conseils d'administration, la commission devra constituer en son sein des comités spécialisés consultatifs , dont les attributions et règles de fonctionnement seront fixées par son règlement intérieur. Dans les faits, trois comités sont déjà en place sur les fonds d'épargne, les comptes et risques, et les investissements.

Suite aux préconisations du Conseil d'Etat, le seul de ces comités explicitement reconnu et décrit par la loi est le comité des investissements , chargé de « surveiller la mise en oeuvre de la politique d'investissement » de la CDC. Ce comité est saisi a priori des opérations significatives de la Caisse , qui la conduisent à acquérir ou céder les titres donnant accès au capital d'une société au-delà de seuils définis dans le règlement intérieur. Ces modalités conduisent à formuler deux remarques :

- il n'y a pas lieu de limiter la compétence du comité aux seuls titres donnant accès au capital (bons de souscription et titres « hybrides » tels que les obligations échangeables, remboursables ou convertibles en actions), mais bien d'y inclure les placements sous forme d'acquisition directe de titres de capital ;

- les seuils devront être définis par la commission de surveillance non seulement en fonction du montant de l'investissement, mais également de la part du capital détenue et de la nature de l'investissement , selon par exemple qu'il répond à une simple exigence de rentabilité ou de constitution d'un groupe d'actionnaires stables.

4. Une meilleure information du Parlement

Le VII du présent article complète l'article L. 518-9 du code monétaire et financier pour préciser que la commission de surveillance peut décider de rendre public ses avis . Le VIII modifie, dans l'article L. 518-10 du même code, la « date-butoir » avant laquelle la commission de surveillance doit adresser au Parlement son rapport sur la direction morale et la situation matérielle de la CDC au cours de l'année expirée, soit avant le 30 juin et non plus le 2 juillet.

Le IX complète également l'article L. 518-15-1, relatif à la certification des comptes de la CDC par deux commissaires aux comptes, pour préciser qu'en cas de refus de certification, le rapport de ces commissaires est joint aux comptes. Les commissions des finances des deux assemblées pourront ainsi être pleinement informées d'un éventuel refus de certification.

5. Les dispositions transitoires sur la composition de la commission

Le XIII du présent article assure la continuité du mandat des membres de la commission de surveillance dans sa composition actuelle, en prévoyant que la commission en fonction dans sa composition antérieure à la publication de la présente loi est maintenue en fonction jusqu'à la désignation complète des membres dans la nouvelle composition issue de la réforme.

Les parlementaires déjà en fonction avant la publication de la loi demeureront donc membres jusqu'à l'expiration de leur mandat initial de trois ans.

C. L'approfondissement du contrôle externe de la commission bancaire

Le X du présent article introduit un nouveau dispositif complet de contrôle externe des activités bancaires et financières de la Caisse des dépôts et consignations, confié par la commission de surveillance à la commission bancaire , autorité de surveillance, de contrôle prudentiel et de sanction des établissements de crédit de droit commun. Un nouveau paragraphe 6, intitulé « Contrôle externe », est ainsi créé et introduit deux nouveaux articles L. 518-15-2 et L. 518-15-3 dans le code monétaire et financier.

1. La « banalisation » du contrôle prudentiel et comptable des activités bancaires et financières de la CDC

Le texte proposé pour l'article L. 518-15-2 prévoit l'application à la CDC , par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la commission de surveillance et sous réserve des adaptations nécessaires, de certaines règles fondamentales du secteur bancaire à caractère comptable, prudentiel et relatives au contrôle interne , prévues aux articles L. 511-36, L. 511-37, L. 511-40 et L. 511-41 du code monétaire et financier :

- l'établissement des comptes consolidés selon les règles définies par le Comité de la réglementation comptable (CRC), ou selon les normes comptables internationales telles qu'importées dans le droit communautaire, et la publication des comptes annuels dans les conditions fixées par le CRC ;

- les règles prudentielles afférentes à l'actif, à la liquidité, à la solvabilité, aux ratios de couverture et de division des risques, et à l'équilibre de la structure financière de manière générale. La CDC, à l'instar des établissements de crédit, doit également disposer d'un système adéquat de contrôle interne permettant notamment de mesurer les risques et la rentabilité de ses activités.

Par voie de conséquence, le 2° du I supprime, dans l'article L. 518-1 du même code, la mention selon laquelle certains arrêtés du ministre chargé de l'économie relatifs à la réglementation bancaire et financière, ainsi que les règlements du Comité de la réglementation comptable peuvent être étendus à la CDC, désormais redondante avec les nouvelles dispositions.

2. L'expertise de la commission bancaire au service du pouvoir renforcé de la commission de surveillance

Le texte proposé pour l'article L. 518-15-3 dispose, dans son premier alinéa, que la commission de surveillance confie, pour le contrôle des seules activités bancaires et financières, à la commission bancaire l'examen du respect de ces obligations par la CDC . Cet examen est effectué dans les conditions de droit commun prévues aux articles L. 613-6 à L. 613-11, relatifs au fonctionnement et aux contrôles de la commission bancaire, et L. 613-20, relatif au secret professionnel des personnes ayant participé à ces contrôles.

Le deuxième alinéa du nouvel article L. 518-15-3 expose les modalités d'utilisation des rapports de la commission bancaire dont la commission de surveillance est destinataire. Celle-ci délibère sur les rapports de l'autorité de contrôle, qui peuvent être assortis de propositions de recommandations « permettant de restaurer ou de renforcer la situation financière et, dans les domaines concernés, d'améliorer les méthodes de gestion ou d'assurer l'adéquation de l'organisation aux activités et aux objectifs de développement » de la CDC.

Il est également prévu que la commission de surveillance puisse par la suite adresser au directeur général de la Caisse des mises en garde, recommandations ou injonctions qu'elle peut décider de rendre publiques. Contrairement au droit commun des établissements de crédit (articles L. 613-15 et L. 613-19 du code monétaire et financier) , la commission bancaire ne sera donc pas investie de ce pouvoir de mise en garde et d'injonction .

Ce pouvoir important de la commission de surveillance, véritable « mise sous tension » confortée par le recours à l'expertise et aux moyens de la commission bancaire, permettra de renforcer le contrôle sur les activités de la Caisse, et in fine leur crédibilité et leur transparence.

En application du texte proposé pour le dernier alinéa de l'article L. 518-15-3, ces contrôles sont mis en oeuvre dans le cadre du récent dispositif communautaire de contrôle prudentiel des banques et des entreprises d'investissement, qui décline les innovations du régime de « Bâle II » et a été transposé en droit français par l'ordonnance du 19 avril 2007. Les dispositions relatives à la nouvelle surveillance sur une base consolidée des groupes financiers et à la coopération avec les autorités de contrôle des autres Etats membres, prévues aux articles L. 613-20-1 et L. 613-20-2 du code monétaire et financier, sont ainsi applicables à la CDC.

De même, les dirigeants de la CDC sont soumis aux dispositions pénales de l'article L. 571-4 du code monétaire et financier, qui punit d'un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende le fait, pour tout dirigeant d'un établissement de crédit ou d'une de ses filiales, de ne pas répondre, après mise en demeure, aux demandes d'informations de la commission bancaire, d'entraver ses contrôles ou de lui communiquer des renseignements inexacts. Il en est de même pour les peines relatives au non-respect du secret professionnel .

3. L'exercice du pouvoir disciplinaire par la commission bancaire dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

Le 2° de l'article L. 566-3 du code monétaire et financier prévoit aujourd'hui que l'inspection générale des finances contrôle le respect par la CDC (ainsi que la Poste) des dispositions légales et réglementaires afférentes à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Le résultat de ses investigations est porté à la connaissance de la commission de surveillance.

Le XII du présent article poursuit cette normalisation du contrôle de la CDC en supprimant le contrôle de l'inspection générale des finances et en attribuant à la commission bancaire -autorité de contrôle de droit commun pour la lutte contre le blanchiment- « le contrôle et le pouvoir disciplinaire » sur la CDC. En effet, le régime actuel présente un risque de non-conformité aux dispositions de la troisième directive « anti-blanchiment » du 26 octobre 2005, considérant que :

- la directive, qui concerne le secteur financier, certaines professions réglementées (professions juridiques et du chiffre), les casinos et certains paiements importants en espèces, a bien vocation à s'appliquer à la CDC . L'article 2 de la directive prévoit ainsi la possibilité d'une exception pour « les personnes morales et physiques qui exercent une activité financière à titre occasionnel ou à une échelle très limitée et où il y a peu de risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme » , dont ne relève manifestement pas la CDC, dont les activités de dépôt, d'émission et d'investissement couvrent annuellement des dizaines de milliards d'euros ;

- les articles 37 et 39 de la directive imposent aux Etats membres de prévoir une autorité externe chargée d'assurer le respect des obligations afférentes au nouveau régime, disposant de pouvoirs de surveillance renforcés , parmi lesquels ceux d'inspection sur place (s'agissant des établissements de crédit, des autres établissements financiers et des casinos), d'exigence d'information et de sanction. Les professionnels du chiffre et du droit peuvent en revanche être contrôlés par des organismes d'autorégulation, pourvu qu'ils disposent également des ressources et pouvoirs appropriés. Or l'inspection générale des finances, quoique disposant des compétences nécessaires et d'un pouvoir de contrôle sur place, ne répond pas à l'ensemble de ces conditions.

Le contrôle de la commission bancaire sur la CDC s'exerce donc dans le respect du secret professionnel prévu à l'article L. 613-20 précité, et des conditions d'exercice de ses pouvoirs d'urgence sans procédure contradictoire, prévus au I de l'article L. 613-23 du code monétaire et financier. Il s'exerce selon les modalités de droit commun figurant aux articles L. 613-6 à L. 613-11, précités, et inclut les pouvoirs de mise en garde (article L. 613-15), de recommandation et d'injonction (article L. 613-16).

La commission bancaire peut prononcer à l'encontre de la Caisse les sanctions disciplinaires prévues aux 1° à 3° du I de l'article L. 613-21 du même code, soit l'échelle habituelle suivante : avertissement, blâme, interdiction à titre temporaire ou définitif d'effectuer certaines opérations. Il est également proposé que la commission bancaire puisse, en sus ou à la place de ces sanctions, prononcer une sanction pécuniaire plafonnée au montant du capital minimum auquel sont astreintes les banques. Les sommes correspondantes, comme il est d'usage, seraient recouvrées par le Trésor public et versées au budget de l'Etat.

D. Les dispositions relatives au personnel de la CDC

1. Une meilleure représentation des agents de la CDC relevant du régime des mines

La CDC s'est vue transférer le 1 er mai 2005, par l'ordonnance du 28 avril 2005, les contrats de travail des 418 salariés de la Caisse autonome de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM), qu'elle emploie en sus des personnels de droit public ou privé évoqués supra . Ces agents ont continué de bénéficier des droits et obligations attachés à leur statut antérieur, qui prévoit notamment des instances représentatives, et pouvaient exercer l'option irrévocable pour le bénéfice de la convention collective de la CDC.

Les ex-agents de la CANSSM ne se rattachent cependant pas clairement à l'un des deux collèges de personnel (cf. supra ) qui siègent dans les instances représentatives de la Caisse, dans la mesure où ils ne sont pas des personnels de droit privé sous convention collective mais de droit privé répondant au statut établi par le décret du 27 novembre 1946.

Pour pallier cette lacune, le XIV du présent article prévoit que les conditions de représentation des ex-agents de la CANSSM dans les instances de concertation de la Caisse sont déterminées par le décret pris en application du quatrième alinéa de l'article 34 de la loi du 28 mai 1996. De nouvelles dispositions réglementaires viendront donc compléter le décret du 13 juillet 1998, précédemment évoqué.

2. L'indispensable fondement juridique des dispositifs d'intéressement et d'épargne salariale

La Caisse des dépôts et consignations a mis en place en 1999 et 2002 des accords-cadres couvrant l'ensemble de ses effectifs pour assurer la cohérence de sa politique de gestion des ressources humaines. Ces accords doivent être compatibles avec le droit de la fonction publique et s'inscrire, s'agissant des salariés de droit privé, dans la continuité des conventions collectives, accords de branche et accords d'entreprise.

Au terme d'un contrôle sur la gestion des personnels et les dépenses d'action sociale de la CDC pour la période 1997-2000, la Cour des comptes avait relevé des irrégularités dans l'accord-cadre de 1999 , liées à des avantages indemnitaires octroyés aux fonctionnaires sans fondement juridique. Dans le cadre du suivi de ses observations figurant dans son rapport public annuel pour 2008, la Cour des comptes a estimé que ses recommandations avaient été en partie suivies et que la Caisse n'était pas allée « jusqu'au bout des réformes visant à donner un fondement juridique à l'ensemble des primes versées aux fonctionnaires ». Ce constat s'appliquait plus particulièrement à l'intéressement , que les dispositions de la loi de finances pour 2006 visant à mettre en place l'intéressement dans la fonction publique devaient toutefois permettre de régulariser.

Le XV du présent article fournit donc la base juridique manquante en étendant à l'ensemble des personnels de la Caisse des dépôts et consignations l'application des dispositions de droit commun figurant dans les titres premier ( « Intéressement » ), III ( « Plans d'épargne salariale » ) et IV ( « Dispositions communes » ) du livre III ( « Intéressement, participation et épargne salariale » ) de la partie III ( « Durée du travail, salaire, intéressement, participation et épargne salariale » ) du code du travail. Un plan d'épargne retraite collectif (PERCO) devrait également pouvoir être mis en place.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté treize amendements (dont certains identiques) de portée variable :

- un amendement rédactionnel , à l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur au nom de la commission des finances saisie pour avis ;

- avec l'avis favorable du gouvernement, un amendement de notre collègue député Nicolas Forissier tendant à réécrire les articles L. 518-1 et L. 518-2 du code monétaire et financier pour mieux en distinguer la portée, sans modifier leur fond. L'article L. 518-1 comprend ainsi des dispositions générales relatives aux établissements et services publics autorisés à effectuer des opérations de banque sans être soumis à la réglementation bancaire ; et l'article L. 518-2 réunit l'ensemble des dispositions relatives aux missions d'intérêt général de la CDC, dont la nouvelle mission légalement consacrée d'investisseur de long terme contribuant au développement des entreprises ;

- avec l'avis de sagesse du gouvernement, trois amendements du même auteur, précisant respectivement que, conformément à la pratique actuelle, les parlementaires membres de la commission de surveillance sont issus des commissions de finances des deux assemblées, et que l'un au moins des membres élus par chaque assemblée appartient à l'opposition .

Votre commission spéciale estime qu'il appartient à chaque assemblée de définir ses propres pratiques ;

- avec l'avis de sagesse du gouvernement et l'avis défavorable de la commission des finances saisie pour avis, un amendement de notre collègue député Michel Bouvard, tendant à maintenir en l'état actuel le nombre de membres de la commission de surveillance issus de la Cour des comptes , soit deux membres au lieu d'un dans la nouvelle configuration. M. Michel Bouvard a précisé que ces derniers exerçaient aujourd'hui les fonctions de rapporteurs des comités spécialisés, et que la mise en place d'un comité des investissements renforçait leur légitimité. Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a rappelé son souhait d'une commission de surveillance « resserrée » , et considéré que les magistrats de la Cour des comptes n'étaient pas les seuls à même de pouvoir remplir les tâches qui leur sont actuellement dévolues au sein de la commission de surveillance.

Votre commission spéciale, sur ce point, estime préférable de revenir à la composition prévue dans le projet de loi initial ;

- avec l'avis favorable du gouvernement, un amendement de nos collègues députés Nicolas Forissier, Michel Bouvard et Jean-Marie Binetruy, tendant à rétablir la rédaction initiale de l'avant-projet de loi sur les comités spécialisés , qui plaçait « à égalité » les trois comités déjà existants. La rédaction proposée pour l'article L. 518-8, précité, prévoit ainsi que la commission de surveillance « dispose en son sein de comités spécialisés consultatifs, en particulier le comité d'examen des comptes et des risques, le comité des fonds d'épargne et le comité des investissements » . La description spécifique des missions du comité des investissements est maintenue, et il est opportunément précisé que sa compétence porte également sur l'acquisition ou cession de titres de capital d'une société, et non des seuls titres donnant accès au capital, supérieurs à certains seuils définis dans le règlement intérieur.

Votre commission spéciale approuve sans réserve ces initiatives ;

- enfin, avec l'avis favorable du gouvernement, un amendement de notre collègue député Nicolas Forissier, sous-amendé par M. Michel Bouvard, tendant à préciser le champ des sanctions que la commission bancaire pourrait imposer à la CDC en matière de lutte contre le blanchiment, afin de mieux respecter les spécificités de cet établissement. Les modifications suivantes sont en particulier apportées :

à il n'est plus fait mention de ce que « la commission bancaire exerce le contrôle et le pouvoir disciplinaire » sur la CDC en matière de lutte contre le blanchiment, mais qu'elle est soumise au régime légal correspondant ;

à il est précisé que la CDC ne peut être interdite à titre définitif d'effectuer certaines opérations (sanction encourue en cas d'infraction grave), compte tenu de ses missions de service public ;

à lorsqu'elle statue sur les sanctions applicables à la Caisse, la commission bancaire doit recueillir l'avis préalable de la commission de surveillance .

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve la modernisation de la gouvernance de la Caisse des dépôts et consignations proposée par le présent article, qui préserve un subtil équilibre entre la spécificité de la Caisse, incarnée par la tutelle du Parlement, et une relative banalisation du contrôle de ses activités bancaires et financières, sous l'égide de la commission bancaire.

Cette réforme s'inscrit dans la continuité de critiques et recommandations déjà exprimées par notre assemblée . A plusieurs reprises, en particulier dès un rapport d'information de notre collègue Roger Chinaud en 1992, et plus récemment dans son rapport d'information sur la gouvernance publique dans le cadre de « l'affaire EADS », la commission des finances a regretté les ambiguïtés et insuffisances du contrôle de la CDC .

Notre collègue Roger Chinaud déplorait ainsi un « statut alibi » et même « perverti » , dépourvu des contrôles traditionnels et constituant un « tabou largement fictif » , « un régime inutilement confidentiel » , « une préférence pour le pouvoir réglementaire » et « une prédilection pour « l'auto-réforme » » , « une interprétation restrictive des initiatives du Parlement » et le manque de pouvoirs effectifs de la commission de surveillance. Nombre de ces critiques ont depuis été atténuées mais n'ont pas nécessairement perdu de leur actualité.

Dans son rapport sur le contexte et les modalités de l'opération de reclassement de titres EADS réalisée par le groupe Lagardère au premier semestre de 2006, la commission des finances a souligné les lacunes du mode de prise de décision sur les investissements de l'établissement, la nécessité d'une réforme de sa gouvernance -en approuvant plus particulièrement la création d'un comité des investissements -, et les ambiguïtés nées de son statut hybride.

Extraits du rapport d'information n° 251 « « L'affaire » EADS : des pistes pour une meilleure gouvernance publique »

1) Sur les lacunes du mode de prise de décision : « Cet épisode [de l'achat des actions EADS] illustre ainsi qu'aucun droit de regard a priori n'est exercé, en particulier par la commission de surveillance de la Caisse, sur les investissements décidés par son directeur général, confinant dans une certaine illusion tout contrôle de la représentation nationale sur les investissements de cet établissement public. (...) Or, ce mode de fonctionnement présente le risque réel de soumettre le seul directeur général de la Caisse des dépôts et consignations à des pressions potentiellement importantes. Cette concentration du pouvoir ne correspond pas aux exigences d'une bonne gouvernance publique et risque de faire peser un doute sur les motivations des opérations d'investissement réalisées par la CDC (...) ».

2) Sur la création d'un comité des investissements : « (...) Votre commission des finances juge favorablement cette réforme annoncée, et attendue, de la gouvernance de la Caisse. Elle permettra de mieux encadrer un pouvoir de décision très concentré et correspond aux règles de bonne gouvernance largement répandues dans les banques privées d'investissement » .

3) Sur la permanence de la question de l'exercice du contrôle effectif de la Caisse : « Néanmoins l'ambiguïté est manifeste car si les liens organisationnels et financiers avec l'Etat sont réels (notamment le mode de désignation du directeur général, le dividende annuel versé au profit du budget de l'Etat, et la présence d'un représentant de la DGTPE au sein des 11 membres de la commission de surveillance), ils ne font pas pour autant de la Caisse le « bras financier de l'Etat » au sens propre, puisqu'elle remplit des missions d'intérêt général distinctes des intérêts financiers ou patrimoniaux de l'Etat, voire supérieures à ces derniers et qui ont contribué à justifier dès l'origine une surveillance par le Parlement.

« Outre la concomitance de prérogatives publiques et d'activités concurrentielles, l'ambiguïté organisationnelle de la Caisse se traduit en termes statutaires : ni établissement public industriel et commercial (EPIC), ni établissement de crédit soumis au contrôle prudentiel de la commission bancaire, mais institution financière publique sui generis sans tutelle publique directe ».

Parmi les trois options de réforme envisagées, la commission des finances se prononçait en faveur d'une « banalisation atténuée » consistant, outre la création du comité des investissements :

- d'une part, à instaurer une plus grande transparence des relations avec l'Etat , via un comité conjoint avec l'Agence des participations de l'Etat et un reporting régulier au ministre chargé de l'économie et des finances ;

- et d'autre part (à plus long terme), à ériger la commission de surveillance en véritable conseil de surveillance de la CDC dans le cadre d'une structure dualiste avec directoire (correspondant à l'actuel comité de direction), comportant des comités spécialisés parmi lesquels le comité des investissements. L'Etat, en tant que détenteur de la CDC, aurait naturellement vocation à être représenté au sein de cette instance, et ses membres disposeraient de prérogatives et devoirs similaires à ceux du droit commun des mandataires sociaux de sociétés commerciales dualistes.

En renforçant la légitimité et les compétences de la commission de surveillance et en formalisant le pouvoir du régulateur bancaire sur les activités de même nature de la CDC, le nouveau dispositif doit permettre à la Caisse de retrouver une certaine sérénité dans la poursuite de son développement commercial et l'intensification de ses actions d'intérêt général, sous une vigilance accrue du Parlement.

Les aménagements adoptés par l'Assemblée nationale -en particulier la clarification rédactionnelle des missions de la Caisse, la reconnaissance explicite des trois comités spécialisés (sans préjudice de la création de nouveaux) et le compromis trouvé sur l'application des sanctions de la commission bancaire en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme- ne peuvent que conforter cette démarche de consolidation de la légitimité de la Caisse des dépôts et consignations.

Néanmoins, la relative banalisation des attributions de la commission de surveillance, au regard du droit commun des sociétés, devra sans doute à terme se traduire dans la banalisation de ses statuts, selon les recommandations formulées par la commission des finances.

A cet article, votre commission spéciale vous propose trois amendements. Les deux premiers ont trait à la composition de la commission de surveillance : l'un supprime la présence d'un second membre de la Cour des comptes et l'autre l'obligation de prévoir au moins un membre de l'opposition parmi les représentants de chaque assemblée. Le dernier amendement est un amendement de coordination .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

CHAPITRE III - Moderniser la place financière
Article 42 Ordonnances tendant à la modernisation de la place financière française

Commentaire : le présent article a pour objet d'habiliter le Gouvernement à prendre par diverses ordonnances de nombreuses mesures législatives tendant à renforcer l'attractivité de la place financière française, à moderniser le droit financier -en particulier les dispositions relatives à l'appel public à l'épargne, à la gestion collective et aux titres-, à créer une autorité unique des normes comptables et à transposer diverses directives communautaires.

La compétitivité de la place financière est devenue une priorité nationale , qui s'est traduite par l'installation d'un Haut comité de place le 4 octobre 2007, sous l'égide de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Cette initiative traduit une prise de conscience, assez nouvelle au plan politique mais opportune, de la nécessité de disposer d'une régulation et d'un droit financiers compétitifs, de nature à améliorer les capacités de financement des entreprises et à attirer les émetteurs étrangers, sans compromettre la protection des investisseurs profanes. La démarche « Meilleure régulation » que l'AMF conduit depuis 2007 s'inscrit également dans ce contexte de promotion de la place.

Il importe en effet de rappeler que l'industrie financière représente, selon les estimations de l'association Paris-Europlace, près de 700.000 emplois et 5 % du PIB de la France (12 % de celui de la région Ile-de-France).

Le présent article propose d'habiliter le Gouvernement à prendre toute une série d'ordonnances selon quatre axes principaux (la création d'une autorité unique de normalisation comptable, la modernisation du droit financier, l'harmonisation des conditions de commercialisation des produits financiers et la transposition de trois directives) et dans des délais de six à douze mois.

I. De nombreuses réformes favorables à l'attractivité des activités et du droit financiers français

A. La nécessaire refonte de l'appel public à l'épargne

1. L'appel public à l'épargne, une notion cardinale, complexe et partiellement en phase avec le droit communautaire

La notion d'appel public à l'épargne est un des pivots de notre droit financier et des sociétés . Le recours par un émetteur à une opération financière par voie d'appel public à l'épargne (APE) emporte en effet une série d'obligations d'information des investisseurs et un contrôle approfondi de l'Autorité des marchés financiers (AMF). Le statut de société faisant appel public à l'épargne , sans équivalent dans les autres pays européens, est un critère important de distinction des formes sociales, de gradation des sanctions pénales, et entraîne un régime d'obligations permanentes d'ordre législatif ou réglementaire.

Cette notion spécifiquement française , introduite par la loi sur les sociétés commerciales du 24 juillet 1966 et définie par les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code monétaire et financier, comporte deux branches distinctes :

- l'admission d'un instrument financier aux négociations sur un marché réglementé ;

- et l'émission ou la cession d'instruments financiers dans le public en ayant recours à des moyens particuliers : publicité, démarchage, établissements de crédit ou prestataires de services d'investissement (PSI).

L'article L. 411-2 précité prévoit en outre une liste étendue d'exceptions au régime de l'APE pour la plupart imposées par la législation communautaire, selon la nature de l'émetteur et les caractéristiques de l'offre (montant et destinataires). N'est ainsi pas constitutive d'APE, nonobstant le recours au démarchage, à la publicité ou à un PSI, une offre s'adressant à certains investisseurs réputés disposer des compétences et de la connaissance suffisantes : les sociétés de gestion de portefeuille pour compte de tiers, les investisseurs qualifiés ou un « cercle restreint d'investisseurs » (soit moins de cent souscripteurs) agissant pour compte propre.

Le droit français s'est appuyé sur cette notion pour la transposition des importantes directives « Prospectus », « Abus de marché » et « Transparence ». Or la réglementation européenne , hormis la directive « Prospectus » qui repose sur la notion transversale d'« offre au public » de valeurs mobilières, n'établit pas un régime commun pour les deux situations constitutives de l'APE . Les directives « Abus de marché » et « Transparence » privilégient ainsi l'admission des titres sur un marché réglementé.

La réforme envisagée répond donc à une double nécessité : rendre le régime de l'APE plus sûr, lisible et simple en vue de favoriser le développement de la bourse française comme place de cotation d'émetteurs français ou étrangers, et rapprocher le droit français des définitions communautaires comme des normes de référence des autres Etats membres.

2. Les évolutions envisagées

Bien que l'ordonnance relative à la réforme de l'APE soit moins avancée que les autres, les changements devraient être les suivants :

- la suppression de la notion d'APE au profit d'une distinction entre offre au public (alignée sur la définition européenne), qui reprendrait l'essentiel des caractéristiques actuelles du régime d'APE, et admission à la négociation sur un marché réglementé ;

- la suppression du statut de société faisant APE ou, à tout le moins, la redéfinition des conditions de sortie de l'APE pour faciliter cette dernière et remédier à la difficulté de l'APE « subie », source d'insécurité juridique pour les émetteurs ;

- la révision de dispositions sur le champ d'application desquelles la réduction effective du champ de l'APE a une incidence : marché réglementé, systèmes multilatéraux de négociation ;

- la révision de certaines dispositions relatives à l'offre d'instruments financiers, en particulier afin de sécuriser, sur le plan juridique, la création sur le marché Euronext d'un compartiment sans offre préalable au public (donc dédié aux investisseurs professionnels), faisant suite au régime du placement privé sur Alternext.

La réforme permettra également d'éviter le risque de requalification en APE sur le marché secondaire , en particulier pour les PME, lorsque les investisseurs initiaux, en nombre restreint, ont ensuite revendu leurs titres à un nombre d'actionnaires supérieur au seuil de cent ou parmi lesquels figurent des investisseurs profanes.

La réforme ne conduira pas à amoindrir la protection des épargnants et investisseurs non avertis , dès lors que ceux-ci bénéficient des garanties d'information et de conseil liées à la transposition de la directive sur les marchés d'instruments financiers, comme des obligations d'information et de transparence associées aux statuts des sociétés par actions, et ne sont guère positionnés sur les compartiments professionnels et marchés non réglementés prioritairement concernés par la diminution du champ de l'APE.

B. L'assouplissement des obligations d'information des émetteurs

Le c) du 1° du présent article prévoit de réformer par ordonnance les obligations d'information applicables aux émetteurs, et les règles applicables à la diffusion et à la conservation des informations en vue d'achever leur mise en conformité avec le droit communautaire.

Il s'agit plus particulièrement de supprimer certaines obligations de publication d'information financière au Bulletin des annonces légales obligatoires (BALO), qui font double emploi avec celles d'effet équivalent nées de la transposition des directives « Transparence » et « Prospectus », précitées. Cette transposition a notamment donné lieu à la publication du décret n° 2008-258 du 13 mars 2008 relatif à la publication de l'information financière réglementée, c'est-à-dire aux informations dues par les émetteurs en cas de cotation sur un marché réglementé ou d'émission de valeurs mobilières.

Le projet d'ordonnance du Gouvernement, accessible sur le site Internet du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, modifie pour ce faire les articles L. 228-43 et L. 232-7 du code de commerce, en particulier pour faire référence à la publicité des conditions d'émission d'obligations et de l'information périodique, selon les modalités prévues par le code monétaire et financier et l'article L. 451-1-2 de ce code.

La mise en conformité des « règles applicables à la conservation des informations » fait référence à la directive « Transparence » précitée, qui prévoit que chaque Etat membre doit désigner un organisme d'archivage de l'information financière réglementée , et dont la directive d'application du 8 mars 2007 prévoit que cette désignation ait lieu avant le 31 décembre 2008. Le Gouvernement souhaite à cet égard attribuer cette responsabilité à la direction des Journaux officiels .

Bien qu'une telle mesure soit probablement d'ordre réglementaire, le Gouvernement souhaite se réserver la possibilité de l'inclure dans l'ordonnance si le Conseil d'Etat se prononçait en faveur d'une disposition législative.

C. La réforme des actions de préférence et du régime des rachats d'actions

1. Les actions de préférence

Le d) du 1° propose de réformer par ordonnance le régime des actions de préférence, essentiellement afin de supprimer le droit préférentiel de souscription (DPS) attaché à l'émission de certaines de ces actions lors d'une augmentation de capital.

Rappelons que les actions de préférence, introduites par l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme des valeurs mobilières, sont inspirées du régime anglo-saxon des « preferred shares » et regroupent les anciennes catégories qu'étaient les actions de priorité, les actions à dividende prioritaire sans droit de vote et les certificats d'investissement. Elles offrent une grande souplesse pour l'émetteur , qui peut aménager les droits patrimoniaux et politiques qui leur sont attachés : attribution d'un dividende prioritaire, droit de contrôle spécifique, suspension ou suppression du droit de vote, droits dans une filiale non cotée (actions dites « traçantes » ou « reflets »)... Elles ne peuvent représenter plus de la moitié du capital des sociétés non cotées et un quart de celui des sociétés cotées.

Contrairement aux régimes étrangers analogues, les émissions d'actions de préférence sont assorties d'un DPS , conformément au droit commun des augmentations de capital et à l'article L. 225-132 du code de commerce. Ce droit, que les actionnaires peuvent céder sur le marché ou auquel ils peuvent renoncer individuellement, permet aux actionnaires existants de souscrire en priorité aux actions nouvelles a due proportion du nombre d'actions qu'ils détiennent, et ainsi d'éviter une « dilution » à l'issue de l'augmentation de capital.

La suppression de ce DPS permettra aux sociétés françaises, et en particulier aux banques , de bénéficier d'un régime équivalent à celui de leurs concurrents anglo-saxons et de faciliter leur financement. Elle sera toutefois cantonnée, sauf disposition statutaire contraire, aux actions de préférence , avec ou sans droit de vote, comportant un droit limité de participation aux dividendes, aux réserves ou au partage du patrimoine en cas de liquidation, conformément aux critères retenus par la deuxième directive « droit des sociétés » du 13 décembre 1976 , qui permet que des actions de préférence soient définitivement privées du DPS.

2. Les rachats d'actions en vue d'accroître la liquidité

Le e) du 1° prévoit de réformer le régime des rachats d'actions en vue de favoriser la liquidité des titres de la société et de simplifier les règles de publicité. Le régime des rachats d'actions sert de cadre juridique à la pratique courante des contrats de liquidité , conclus entre une société cotée et un prestataire de services d'investissement pour assurer ou renforcer la liquidité du titre. Le fonctionnement et les caractéristiques de ces contrats, qui doivent être conformes à la charte de l'Association française des entreprises d'investissement (AFEI), ont été exposés dans le commentaire de l'article 10 bis du présent projet de loi.

L'ordonnance aura essentiellement pour effet de faciliter le recours à cette technique, qui a été consacrée par l'AMF comme « pratique admise de marché » dans sa décision du 22 mars 2005 mais demeure strictement encadrée, compte tenu des risques d'abus de marché (manipulation de cours en particulier) qu'elle peut comporter. Les contrats de liquidité ne sont aujourd'hui autorisés que pour les titres de capital admis à la négociation sur les marchés réglementés.

Le Gouvernement souhaite étendre cette technique aux sociétés cotées sur des marchés organisés , et plus particulièrement sur Alternext, eu égard à l'enjeu déterminant que représente la liquidité pour ce marché des PME en croissance. L'article 10 bis du présent projet de loi procède directement à cette extension. Il est également prévu de mettre fin à l'obligation de mettre au nominatif les titres entrant dans le champ d'un tel contrat, et de supprimer l'obligation de publicité mensuelle des rachats d'actions , obligation dont votre commission spéciale conçoit cependant le bien-fondé.

D. La modernisation de la gestion d'actifs

Le f) du 1° du présent article propose une réforme de grande ampleur du régime de différentes catégories d'organismes de placement collectif : organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), organismes de placement collectif immobilier (OPCI), sociétés d'investissement à capital fixe (SICAF), et fonds d'investissement de type fermé, ces derniers étant susceptibles d'être cotés sur un marché réglementé.

Il importe à cet égard de rappeler que si la gestion d'actifs française demeurait la première en Europe en 2007 en montants d'actifs gérés avec une part de marché de 21 % (soit 2.453 milliards d'euros sous gestion), elle subit une concurrence croissante de la part du Luxembourg et de l'Irlande du fait de la dissociation fréquente entre moyens de gestion et domiciliation des fonds. En outre, le capital-investissement français demeure largement distancé par celui du Royaume-Uni, où sont investis des montants près de quatre fois supérieurs (environ 40 milliards d'euros). Il importe donc de maintenir cet avantage compétitif déterminant pour l'industrie financière française , et d'adapter son cadre juridique aux nouveaux enjeux.

Cette réforme s'inscrit également dans un contexte européen marqué par l'adoption de plusieurs directives dans le cadre du Plan d'action pour les services financiers, dont certaines dispositions sont applicables aux OPCVM ouverts et fermés : les deux directives « OPCVM » du 21 janvier 2002 (pour les fonds ouverts dits « coordonnés »), la directive « Prospectus » du 4 novembre 2003, qui couvre les fonds fermés, la directive du 21 avril 2004 sur les marchés d'instruments financiers, qui établit un cadre européen pour la cotation des fonds fermés, et la directive du 19 mars 2007 portant notamment sur les actifs éligibles des OPCVM.

Cette réglementation européenne fait actuellement l'objet de réflexions approfondies dans la continuité du Livre blanc de novembre 2006, qui devraient conduire à la révision des directives OPCVM.

1. La gestion pour compte de tiers

Le i du f a trait à la gestion d'actifs pour compte de tiers. Cinq axes de réforme sont envisagés :

1) Moderniser « les règles applicables aux OPCVM réservés à certains investisseurs » : les véhicules concernés sont les OPCVM à règles d'investissement allégées (dits « OPCVM ARIA ») réservés aux investisseurs qualifiés ou ceux disposant d'un « ticket d'entrée » ou d'un patrimoine élevé. Introduits par la loi de sécurité financière du 1 er août 2003, ils constituent le support des OPCVM de gestion alternative, c'est-à-dire des « hedge funds » à la française, plus sécurisés que des fonds off shore .

Outre la création des fonds communs de placement à risque (FCPR) contractuels (également dédiés aux investisseurs institutionnels) par l'article 10 du présent projet de loi, il est prévu :

- d'élargir les conditions de création de catégories de parts ou actions au profit de la société de gestion du fonds ou de ses salariés, donnant droit à une quote-part de la performance du fonds (mécanisme du « carried interest » déjà appliqué par les FCPR de droit commun). Cet intéressement devrait permettre d'affronter plus efficacement la concurrence de Londres et Dublin, places européennes de référence en matière de fonds alternatifs ;

- de permettre aux OPCVM contractuels d'investir en tous types d'actifs et de déterminer librement leurs modalités de souscription et rachat ;

- de contractualiser le régime de responsabilité des dépositaires ;

- et la possibilité de mettre en place un plafonnement des rachats (système des « gates » ) lors de chaque sortie du fonds, afin de mieux faire face aux demandes importantes et de gérer la liquidité.

2) Ajuster « le cadre relatif à l'information des porteurs de parts ou actions des OPCVM en vue de faciliter la diffusion des fonds français à l'étranger » : il s'agit de permettre aux OPCVM de droit français, destinés aux investisseurs qualifiés ou à l'exportation, de recevoir l'agrément sur le fondement d'un prospectus élaboré en anglais .

3) Développer « les mécanismes permettant aux OPCVM de gérer leur liquidité » : il est prévu de permettre aux OPCVM, par un mécanisme de scission du fonds, de cantonner leurs actifs les moins liquides en cas de circonstances exceptionnelles et si l'intérêt des porteurs de parts (en tant qu'objet exclusif des OPCVM) le justifie.

A l'instar des « gates » , un tel mécanisme est susceptible de renforcer l'équité de traitement entre porteurs de parts puisqu'en cas d'accident de marché, tel que la crise des subprimes qui a affecté plusieurs fonds français de « trésorerie dynamique » durant l'été 2007, les petits porteurs (dont l'information et la réactivité sont généralement moindres que celles des investisseurs institutionnels) n'auront pas à subir la forte baisse de la valeur liquidative que pourrait entraîner, en l'absence de cantonnement, la cession forcée d'actifs peu liquides fortement dépréciés.

4) Ecarter « l'application aux OPCVM de certaines dispositions du code de commerce » : cette mesure vise à supprimer l'obligation pour les sociétés d'investissement à capital variable (SICAV) de désigner un commissaire aux comptes suppléant et de publier le nombre de droits de vote. En effet, le fonctionnement et la vocation des SICAV en font des structures très différentes des sociétés par actions de droit commun.

5) Enfin modifier « le régime des OPCI réservés à certains investisseurs » , c'est-à-dire celui des OPCI à règles de fonctionnement allégées , dits « OPCI RFA », réservés aux investisseurs institutionnels et fortunés : il s'agit d'exclure les créances d'exploitation du régime de conservation des actifs par le dépositaire du fonds, d'y inclure les parts de sociétés immobilières, et d'appliquer le système de plafonnement des rachats précédemment décrit.

2. Les SICAF

Les sociétés d'investissement à capital fixe (SICAF), régies par l'ordonnance n° 45-2710 du 2 novembre 1945, sont des structures fermées et ne sont donc pas soumises à une obligation d'émission et de rachat de parts ou actions à la demande du porteur. Ce véhicule demeure très peu utilisé , en particulier en comparaison des fonds analogues de droit britannique ou irlandais ( closed-end funds ).

Les ajustements apportés par le décret du 10 août 2007 ne suffisent cependant pas à garantir la compétitivité des SICAF de droit français ni la cotation de fonds étrangers en France , afin de concurrencer les places d'Amsterdam et de Londres qui accueillent aujourd'hui l'essentiel des cotations. Une réforme législative, inspirée de celle récemment adoptée au Royaume-Uni, est donc nécessaire.

Il est ainsi prévu de mettre en place un cadre juridique harmonisé de cotation sur Euronext Paris des fonds de droits français et étrangers, quel que soit leur Etat d'enregistrement, dans la continuité du régime introduit par la directive du 19 mars 2007, précitée, qui rend éligibles les parts et actions de fonds fermés à l'actif des OPCVM.

E. La réforme du droit des titres et des infrastructures post-marché

Le g) du 1° du présent article habilite le Gouvernement à réformer par ordonnance le droit applicable aux instruments financiers et aux infrastructures de marché. Il s'agit de rendre le droit des titres plus cohérent et lisible , afin de le rendre plus attractif pour les investisseurs et émetteurs étrangers et de renforcer la sécurité juridique des acteurs de marché.

Les émetteurs et intermédiaires financiers utilisent quotidiennement ce que l'on appelle communément le « droit des titres », qui regroupe, au sein du code monétaire et financier, diverses mesures relatives aux instruments financiers, à leur inscription en compte, à leur conservation et transmissibilité... En 1984, la France s'était posée en précurseur avec la dématérialisation obligatoire des valeurs mobilières et leur inscription en compte. Néanmoins de multiples aménagements et le maintien de certaines notions aujourd'hui désuètes (telles que les « titres au porteur ») ont depuis rendu ce droit peu accessible et cohérent.

Une modernisation de ce droit s'impose d'autant plus que d'importants travaux internationaux ont actuellement lieu sur ce thème, ainsi que le précise le i du g , en particulier avec le « Groupe de sécurité juridique » au niveau européen et la négociation d'une convention internationale, sous l'égide d'Unidroit, sur le droit des titres intermédiés. La réforme portera sur les dispositions relatives à la « vie du titre », qui figurent dans le code monétaire et financier, et doit se traduire par :

- la modernisation et la simplification de la rédaction de certains articles ;

- le regroupement de l'ensemble des articles correspondants dans le livre II du code, relatif aux produits ;

- et surtout par l'introduction de la nouvelle notion de « titre financier » , en tant que sous-catégorie des instruments financiers regroupant l'ensemble des instruments inscrits en compte et transmissibles par virement. Il devrait en résulter une simplification des actuelles références du code aux titres, valeurs mobilières et instruments financiers, et une homogénéisation du régime juridique applicable.

Cette réforme ne règle toutefois pas la dichotomie entre le code de commerce, qui privilégie la notion de valeur mobilière (elle-même reconnue par les directives européennes), et celle, proche, d'instrument financier contenue dans le code monétaire et financier. Une harmonisation complète, par suppression de la notion de valeur mobilière, serait sans doute préférable à terme , mais l'articulation entre les deux codes pourra être préservée par le maintien d'une définition de cette notion dans le code monétaire et financier.

Le ii du g du 1° propose une réforme à caractère technique, consistant à modifier la liste des participants à un système de règlement et de livraison d'instruments financiers, prévue par l'article L. 330-1 du code monétaire et financier et qui ne correspond plus à la pratique. Les dépositaires centraux seront ainsi insérés dans cette liste.

F. L'assouplissement des limites d'indexation de certains instruments financiers

Le h) du 1° du présent article prévoit de réformer les limites d'indexation applicables aux titres de créance (soit les obligations) et instruments financiers à terme (soit les produits dérivés), dans un objectif d'assouplissement et d'extension des facultés d'indexation.

Actuellement, le 1° de l'article L. 112-3 et l'article D. 112-1 du code monétaire et financier ne permettent une indexation de ces instruments que l'indice des prix à la consommation hors tabac établi par l'INSEE ou l'indice équivalent d'Eurostat. La réforme consisterait, d'une part, à permettre de recourir à des indices de prix d'autres Etats membres de l'OCDE , conformément au souhait exprimé par des acteurs de la place, et d'autre part, à supprimer certaines contraintes d'indexation, en particulier celle relative à l'exclusion du tabac. Cette mesure impliquera une dérogation à la loi du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, mais qui semble justifiée au regard des indices de prix constitués par d'autres Etats.

G. Les mesures de simplification dans le secteur de la réassurance

Le i) du 1° du présent article propose de réformer la législation applicable aux entreprises de réassurance afin de mieux prendre en compte leur spécificité , par rapport aux entreprises d'assurance, dans les dispositions des titres I ( « Dispositions générales et contrôle de l'Etat » ) et II ( « Régime administratif » ) du livre III (relatif aux entreprises) du code des assurances.

Les activités d'assurance et de réassurance sont traitées de la même manière dans le code des assurances, notamment au regard de l'agrément et des sanctions, relevant de la compétence de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM). Or les assurés des réassureurs, eux-mêmes entreprises d'assurance, ne requièrent pas le même niveau de contrôle et de protection que les assurés consommateurs .

L'habilitation à transposer par ordonnance la directive du 16 novembre 2005 relative à la réassurance, conférée par la loi du 17 décembre 2007, ne permettant pas au Gouvernement de prendre des mesures de simplification juridique pour cette activité, un nouvelle habilitation est nécessaire et portera essentiellement sur les mesures suivantes :

- la suppression de la notification préalable à l'ACAM pour exercer en libre prestation de services (donc sans établissement stable dans le pays d'accueil), prévue par l'article L. 310-12 du code des assurances. Cette contrainte freine la diversification géographique de l'activité de réassurance, et l'agrément de l'ACAM doit pouvoir intégrer cette modalité d'exercice de l'activité ;

- une révision du dispositif de sanctions applicables, afin d'en réduire le nombre (certaines sanctions n'étant pas prévues par la directive sur la réassurance) sans pour autant en atténuer la sévérité ;

- la suppression , au sein des mesures de sauvegarde que peut prendre l'ACAM, du transfert d'office de portefeuille , qui n'est pas opposable en droit étranger et ne trouverait à s'appliquer en France qu'à une seule grande entreprise de réassurance.

H. Les mesures de codification

Le 4° du présent article propose d'améliorer la codification pour inclure dans le code monétaire et financier des mesures qui ne l'auraient pas encore été, remédier aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification, et abroger les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet.

Les dispositions codifiées qui seront prises en compte seront celles en vigueur au moment de la publication de la présente loi, sous réserve des modifications introduites par les ordonnances prévues par le présent article, et de celles rendues nécessaires pour assurer la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes.

II. L'harmonisation des conditions de commercialisation des produits financiers et la modernisation de certaines activités d'assurance

A. Les conditions de commercialisation des produits financiers

1. Une approche transversale pour assurer l'égalité de traitement des épargnants

Le 2° du présent article prévoit d'étendre par ordonnance certaines règles applicables à la commercialisation d'instruments financiers aux produits d'épargne et d'assurance comparables, et d'adapter les produits d'assurance aux évolutions du marché de l'assurance. Un certain nombre de ces dispositions législatives figuraient dans la version initiale du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié, dont les articles 39 et 40 portaient sur le devoir de conseil en matière d'assurance-vie et l'introduction et de codes professionnels de bonne conduite dans le secteur financier.

L'intention du Gouvernement, à laquelle souscrit pleinement votre commission spéciale, est bien de mettre en oeuvre une approche transversale de la protection du consommateur-épargnant , qui doit bénéficier d'un niveau de protection et de conseil équivalent en matière de produits d'épargne, quel que soit le « guichet » auquel il s'adresse : banque, PSI, intermédiaire en assurance ou assureur. De même, la commission des finances du Sénat a plaidé, de manière constante, pour une égalité de traitement commercial entre tous les bénéficiaires de produits financiers.

La modernisation du régime de commercialisation de ces produits et la protection de l'investisseur supposent un continuum cohérent de normes , reposant sur des principes législatifs, des précisions réglementaires et des codes professionnels adaptés aux spécificités de chaque type de prestataire et de client.

Cette réforme traduirait certaines recommandations formulées par M. Jacques Delmas Marsalet dans son rapport sur la commercialisation des produits financiers , remis en novembre 2005. Elle s'inscrit également dans la continuité de la transposition de la directive sur les marchés d'instruments financiers , précitée, qui a instauré des obligations d'information et de conseil précises pour les PSI à l'égard de leurs clients, destinées à mieux prévenir la vente de produits financiers inadaptés et à faciliter la bonne exécution des ordres.

2. Une démarche mixte de législation et d'autorégulation

Le a) du 2° a trait à la modernisation des conditions de commercialisation et de la législation des produits d'assurance sur la vie, notamment la publicité, les obligations de conseil à l'égard des assurés et les rapports entre producteurs et distributeurs . Les modifications apportées au code des assurances devraient en particulier prévoir un principe général selon lequel tout document à caractère promotionnel relatif à certains contrats d'assurance doit, quel que soit son support, présenter un contenu exact, clair et non trompeur , selon une formulation inspirée de celle de l'article L. 533-12 du code monétaire et financier.

De même, de nouveaux articles du code monétaire et financier et du code des assurances devraient prévoir le principe d'une convention entre le producteur et le distributeur , selon laquelle le premier devrait mettre à disposition du second l'ensemble des informations nécessaires à la bonne compréhension des produits proposés. Dans le cas où le producteur ne concevrait pas également la communication à caractère promotionnel, et afin d'assurer la parfaite cohérence entre celle-ci et les documents d'information du public, la convention devrait prévoir que le distributeur soumet au producteur ces documents publicitaires pour vérification de conformité .

Ces conventions permettront notamment de préciser les responsabilités des acteurs de la chaîne de commercialisation, dont les actuelles zones de flou ont pu donner lieu à des contentieux entre professionnels et engagés par les investisseurs.

Le b) du 2° prévoit la mise en place, à l'initiative des professionnels, de codes de conduite en matière de commercialisation de produits financiers (instruments financiers, assurance-vie et produits d'épargne divers). Selon une démarche d'autorégulation encadrée , ces codes seraient élaborés par les associations représentatives des professionnels concernés et pourraient (sans obligation) être homologués par arrêté du ministre chargé de l'économie, à la demande des associations et après avis conforme du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF). Par parallélisme des formes, toute proposition de suppression ou de modification suivrait le même cheminement.

De même, le ministre aurait la faculté de décider l'extension de l'application de ces codes au-delà des seuls signataires , après avis simple du CCLRF et des deux organisations « faîtières » des secteurs financier et de l'assurance. Votre commission spéciale considère cependant que les caractéristiques envisagées pour cette procédure d'extension, qui se révèle plus souple que celle d'homologation, semblent entrer en contradiction avec le principe de l'autorégulation des acteurs.

L'ensemble de ces dispositions révèle aussi la difficulté d'établir un cadre juridique réellement pérenne pour les produits d'assurance , en particulier ceux d'assurance-vie qui se situent au confluent des logiques assurantielle et financière. Ces ajustements récurrents sont source de coûts de formation et de modification des documents. Il faut donc espérer que l'ordonnance permettra de stabiliser sur le long terme la réglementation de la commercialisation.

B. La modernisation des activités de retraites professionnelles supplémentaires

Le c) du 2° du présent article propose de moderniser par ordonnance les règles relatives aux opérations pratiquées par les entreprises d'assurance pour les activités de retraites professionnelles supplémentaires (RPS, équivalents de fonds de pension), prévues aux articles L. 143 et suivants du code des assurances, en vue de procéder à un ajustement des mesures issues de la transposition de la directive du 3 juin 2003 sur les institutions de retraite professionnelle. Les contrats de RPS signés avec les assureurs agréés revêtent en effet un caractère irrévocable , ce qui dissuade les entreprises d'y souscrire.

III. La transposition de trois directives communautaires

A. La directive du 8 mars 2007 portant mesures d'exécution de certaines dispositions de la directive « transparence »

La directive-cadre « transparence » du 15 décembre 2004, transposée en droit français par les articles 32 et 33 de la loi du 26 juillet 2005 et dans le règlement général de l'AMF, est entrée en vigueur le 1 er janvier 2007. Adoptée dans le cadre de l'ambitieux Plan d'action pour les services financiers de la Commission européenne, mis en oeuvre entre 2000 et 2005, elle a introduit un cadre harmonisé d'information réglementée (permanente et périodique) pour les émetteurs cotés sur un marché réglementé européen, se traduisant notamment par des obligations d'information financière trimestrielle, semestrielle et annuelle, et en cas de franchissement de certains seuils de détention de droits de vote.

Après consultation pour avis technique des principales associations professionnelles européennes et du Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières (CERVM), une directive d'application a été adoptée le 8 mars 2007 et devait être transposée au plus tard le 8 mars 2008 . Ses 26 articles comportent des définitions et précisions relatives, par exemple, au contenu minimal des états financiers semestriels consolidés, à la publication des principales transactions entre parties liées, aux conditions d'indépendance applicables aux sociétés de gestion et aux entreprises d'investissement fournissant des services de gestion individualisée, ou aux présomptions d'exigences équivalentes applicables aux pays tiers (en particulier les Etats-Unis).

Le a) du 3° du présent article propose donc d'habiliter le Gouvernement à prendre les mesures d'adaptation de la législation nécessaires pour transposer cette directive. Le délai d'habilitation est fixé par le dernier alinéa du présent article à 6 mois , ce qui tient compte de l'urgence de la transposition et de la nature des dispositions envisagées, qui devraient se cantonner à des mesures de stricte transposition dans le code de commerce et le code monétaire et financier.

B. La directive du 5 septembre 2007 sur l'évaluation prudentielle des acquisitions et participations dans le secteur financier

La directive du 5 septembre 2007 sur l'évaluation prudentielle des acquisitions et augmentations de participation dans des entités du secteur financier doit contribuer à faciliter les consolidations transfrontalières. Elle couvre en priorité les acquisitions, filialisations et prises de « participations qualifiées » (supérieures à 20 %) dans les établissements de crédit, mais également celles dans des entreprises d'assurance, de réassurance et d'investissement.

Elle propose un cadre détaillé et harmonisé d'évaluation prudentielle des fusions et acquisitions dans ce secteur, de nature à accroître la sécurité juridique des parties prenantes et à réduire la marge d'interprétation comme les tentations protectionnistes des autorités de contrôle. La directive prévoit ainsi 5 critères limitatifs et objectifs , proches des critères d'agrément et dont l'examen et les demandes d'information doivent être proportionnés « au degré d'implication du candidat acquéreur dans la gestion de l'entité visée » :

- la réputation du candidat acquéreur ;

- l'honorabilité et l'expérience des futurs dirigeants de l'entité visée ;

- la solidité financière du candidat acquéreur, compte tenu notamment du type d'activités exercées et envisagées au sein de l'entité visée ;

- la capacité de l'entité cible et du futur groupe à satisfaire et continuer à satisfaire aux obligations prudentielles et d'information des autorités compétentes ;

- l'existence de « motifs raisonnables de soupçonner qu'une opération ou une tentative de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme (...) est en cours ou a eu lieu en rapport avec l'acquisition envisagée, ou que l'acquisition envisagée pourrait en augmenter le risque » .

La période d'évaluation par l'autorité compétente est limitée à deux mois (60 jours ouvrables) à compter de la date d'accusé de réception de la notification et de tous les documents requis. La directive dispose également que « les autorités compétentes ne peuvent s'opposer à l'acquisition envisagée que s'il existe des motifs raisonnables de le faire » sur le fondement des critères précédemment exposés, « ou si les informations fournies par le candidat acquéreur sont incomplètes » . En outre, les Etats membres ne peuvent imposer de conditions préalables sur le niveau de participation à acquérir, ni autoriser les autorités compétentes « à examiner l'acquisition envisagée du point de vue des besoins économiques du marché » .

Le b) du 3° du présent article propose d'habiliter le Gouvernement à prendre les mesures de transposition de cette directive. Le délai est fixé à douze mois par le dernier alinéa du présent article, la date limite de transposition ayant été fixée au 21 mars 2009 .

C. La directive du 13 novembre 2007 sur les services de paiement dans le marché intérieur

1. Une directive nécessaire à l'intégration européenne des systèmes de paiement

Adoptée fin 2007 après d'âpres débats, la directive sur les services de paiement (dite « PSD ») fournit le cadre juridique nécessaire à la mise en place d'un marché européen unique des paiements , au travers de l'espace unique des paiements en euros, le SEPA ( Single Euro Payment Area ). Le SEPA se traduira par la mise en place de trois instruments transfrontaliers et harmonisés : le SCT ( SEPA Credit Transfer ) pour les virements bancaires, le SDD ( SEPA Direct Debit ) pour autorisations de prélèvement, et le SCF ( SEPA Card Framework ) pour les cartes de crédit. La directive doit aussi faciliter l'essor de services de paiement intégrés , fournis par des filiales de groupes de grande distribution ou de télécommunications par exemple.

D'harmonisation maximale , elle instaure un ensemble complet et détaillé de règles applicables à tous les services de paiement dans l'Union européenne, en particulier les paiements électroniques, afin de rendre les paiements transfrontaliers aussi aisés et sécurisés que ceux effectués à l'intérieur d'un Etat membre. Elle harmonise ainsi les informations qui devront être fournies à la clientèle des payeurs et des bénéficiaires, comme les modalités d'exécution et de contestation des paiements. La directive entend également renforcer la concurrence et innove en ouvrant les marchés des services de paiement à de nouveaux acteurs, dans une perspective de réduction des coûts.

2. Le statut novateur d'établissement de paiement

La principale innovation juridique de cette directive, qui nécessitera des aménagements substantiels de notre droit et l'exercice d'options, réside dans la création d'un nouveau statut d'« établissement de paiement » , accessible aux prestataires non bancaires, moins contraignant que le statut d'établissement de crédit et bénéficiant du « passeport » européen.

L'encadrement prudentiel de ces établissements est ainsi allégé. Ils doivent néanmoins être agréés et contrôlés par une autorité désignée par chaque Etat membre (en France, ce devraient être le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement - CECEI - et la commission bancaire), sont soumis à des exigences en capital minimum , fonction de la nature des services proposés, et de protection des fonds remis par les utilisateurs en cas de faillite de l'établissement. Ils doivent également remettre à l'autorité d'agrément une description des mécanismes de contrôle interne mis en place pour se conformer aux obligations communautaires en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

3. Une directive équilibrée et qui préserve la protection du consommateur

La directive représente un équilibre entre protection et sécurité pour les consommateurs d'une part, souplesse et contractualisme d'autre part . Parmi les dispositions protectrices, on peut mentionner les possibilités de contestation d'un ordre de paiement, l'encadrement strict de la phase de transfert des fonds, la possibilité d'une responsabilité sans faute des prestataires afférente à l'exécution du service de paiement, ou la limitation des crédits que les établissements de paiement pourront fournir.

Les dérogations au profit des petits établissements (qui ne peuvent toutefois bénéficier du passeport) ou les dispositions relatives à la phase de transmission des ordres de paiement (qui précède celle de transfert des fonds) constituent en revanche des facteurs de souplesse.

Compte tenu de ses importants enjeux économiques et pour les consommateurs, le Sénat avait témoigné de sa vigilance sur la proposition de directive originelle, qui avait fait l'objet d'une proposition de résolution de notre collègue Yann Gaillard, rapportée par votre rapporteur, et devenue résolution du Sénat le 16 février 2007 . La grande majorité des modifications que cette résolution préconisait figurent dans le texte final de la directive.

Le c) du 3° du présent article propose donc d'habiliter le Gouvernement à prendre les mesures de transposition de cette directive. Le délai est fixé à douze mois par le dernier alinéa du présent article, la date limite de transposition ayant été fixée au 1 er novembre 2009 .

IV. La création d'une autorité des normes comptables

A. Le cadre aujourd'hui inadapté de la normalisation comptable française

Le a) du 1° du présent article propose de réformer le Conseil national de la comptabilité (CNC) en vue de créer une nouvelle autorité chargée de définir les normes de la comptabilité privée - provisoirement dénommée Autorité nationale comptable (ANC) - qui naîtrait de la fusion du CNC et du Comité de la réglementation comptable (CRC). Cette réforme, qui apparaît effectivement nécessaire, devrait s'appuyer largement sur les axes et recommandations du rapport de M. Jean-François Lepetit , ancien président du Conseil des marchés financiers (CMF) et actuel président du CNC, remis en avril 2007.

Il convient de rappeler que le système actuel de normalisation comptable relève de trois niveaux normatifs : la loi, les décrets et les règlements du CRC, adoptés après avis de l'assemblée plénière du CNC puis homologués par arrêté ministériel. Le CNC n'est cependant qu'un organe consultatif et son fonctionnement repose sur le bénévolat, ce qui limite ses capacités d'action.

Cette organisation s'est de surcroît révélée inadaptée dans un environnement comptable et financier en profonde mutation , marqué par l'adoption aux plans européen et national des normes comptables internationales IAS/IFRS pour les comptes consolidés des sociétés cotées. L'inspiration anglo-saxonne et le caractère novateur de ces normes, caractérisées par la primauté « de la substance sur la forme » ( « substance over form » ), la prise en compte de la valeur de marché et une approche économique davantage orientée vers les investisseurs, ont accru la nécessité de participer plus activement à leur élaboration et interprétation.

Au surplus, les critiques actuelles sur la pertinence de certaines règles - parfois perçues comme facteurs d'instabilité et de procyclicité - et la gouvernance de l'organe privé qui préside à la conception de ces normes, l'IAS Board , plaident en faveur d'une plus grande implication des professionnels français dans le processus de normalisation internationale.

B. La réforme du CNC de 2007, préfiguration de l'autorité unique

Une première étape a été franchie avec la réorganisation du CNC par le décret n° 2007-629 du 29 avril 2007 . Cette réforme était présentée dans le rapport de M. Jean-François Lepetit comme un préalable nécessaire et la préfiguration de la future autorité comptable unique. Si les missions du CNC n'ont pas évolué ( « émettre, dans le domaine comptable, des avis et recommandations concernant l'ensemble des secteurs économiques » , aux termes de l'article 2 du décret), son architecture a été revue et comprend désormais :

- un collège composé de 16 membres nommés pour trois ans et qui exerce, à l'instar du collège de l'Autorité des marchés financiers, les attributions du CNC ;

- des commissions spécialisées , dont une commission des normes comptables internationales et une commission des normes comptables privées, comprenant chacune neuf membres ;

- et un comité consultatif composé de 25 représentants du monde économique et social, dont deux représentants des syndicats représentatifs de salariés, nommés pour une durée de trois ans renouvelable par arrêté du ministre chargé de l'économie après avis du président du collège.

C. Les principaux axes de la future autorité

Selon les propositions formulées dans le rapport de M. Jean-François Lepetit et qui inspireront l'ordonnance, la future autorité appelée à remplacer le CNC et le CRC aura trois missions :

- adopter les règlements comptables nationaux applicables aux comptes individuels de toutes les entreprises françaises, après homologation par arrêté ministériel et en les adaptant si nécessaire aux normes IFRS ;

- contribuer à l'évolution des normes comptables internationales et donner un avis sur leur interprétation, le cas échéant en concertation avec des normalisateurs d'autres pays. L'ANC ne se substituera naturellement pas à l'IFRIC ( International Financial Reporting Interpretation Committee ), instance internationale chargée d'établir des règles d'interprétation des nouvelles normes, mais sera un lieu de débat et de réflexion ;

- donner un avis sur les normes comptables publiques et établir toutes les synergies utiles entre les processus de normalisation des comptabilités publique et privée, qui partagent désormais nombre d'enjeux communs.

L'autorité serait également organisée en trois pôles traitant l'ensemble des problématiques comptables, soit les normes comptables privées, les normes internationales (soit les deux commissions spécialisées mentionnées supra ) et les normes publiques , ce dernier pôle étant notamment chargé de préparer les travaux du Comité des normes de comptabilité publique.

La création de l'ANC devrait dans un premier temps se faire à moyens constants , en héritant des 19 équivalents temps plein actuels du CNC et de sa dotation financée sur le programme « Politique économique et de l'emploi » de la mission « Pilotage de l'économie française ».

Il est toutefois vraisemblable que ces moyens devront rapidement être révisés à la hausse. Ils pourraient à cet égard reposer sur un financement mixte associant subvention budgétaire, cotisations des professionnels et droits fixes ou variables sur certains actes, à l'instar de la réforme récemment adoptée (par l'article 86 de la loi de finances pour 2008) pour le Haut conseil du commissariat aux comptes, à l'initiative de nos collègues Roland du Luard, Jean-Jacques Hyest et Yves Détraigne.

Votre commission spéciale soutient la création de cette future autorité comptable , qui mettra un terme à une forme d'archaïsme dans le processus de production des normes et contribuera à ce que les professionnels français s'impliquent davantage en amont dans la conception et l'interprétation des normes internationales, palliant en cela à une lacune trop fréquemment constatée dans les instances professionnelles de notre pays.

V. Les travaux de l'Assemblée nationale

A. Les amendements rédactionnels et de précision

A l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur au nom de la commission des finances saisie pour avis, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels .

A l'initiative du Gouvernement , l'Assemblée nationale a également adopté trois amendements tendant à lever deux ambiguïtés afférentes à la commercialisation des produits d'épargne et d'assurance comparables :

- le choix d' « harmoniser » les règles de commercialisation plutôt que de les « étendre » , afin de privilégier une approche qui ne soit pas uniforme mais permette de tenir compte de la spécificité de certains produits ;

- une précision (par deux amendements) sur les dispositions relatives à l'organisation des rapports entre producteurs et distributeurs lorsqu'ils établissent des documents publicitaires : elles n'ont pas vocation à s'appliquer au seul secteur de l'assurance-vie, ainsi que la rédaction initiale pouvait le suggérer, mais bien à l'ensemble du secteur financier.

B. La transposition de la troisième directive « anti-blanchiment »

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un important amendement , dans la continuité des habilitations à transposer certaines directives, qui prévoit de moderniser le cadre juridique français de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Il propose :

- d'habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive 2005/60/CE du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, dite troisième directive anti-blanchiment (qui abroge les deux premières directives adoptées en la matière en 1990 et 2001), ainsi que sa directive portant mesures d'exécution, la directive 2006/70/CE du 1 er août 2006, dont les délais de transposition étaient fixés au 15 décembre 2007 ;

- d'autoriser le Gouvernement à prendre des mesures pour rendre plus efficace la législation relative à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, afin notamment de mettre en conformité le dispositif français avec les recommandations du GAFI (Groupe d'action financière) qui ne ressortissent pas au premier pilier des Communautés européennes et ne sont donc pas appréhendées par la directive précitée. Cette mise en conformité a été présentée comme particulièrement importante en vue de l'évaluation de la France par ses pairs du GAFI, qui débutera fin 2009 ;

- d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures visant à faciliter la mise en oeuvre des mesures de gel des avoirs non terroristes , décidées en application des résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la charte des Nations Unies ou des actes pris en application de l'article 15 du Traité sur l'Union européenne. L'objectif principal de cette mesure est d'éviter l'évasion de fonds entre le moment où une entité est visée par une mesure de gel des avoirs et le moment où la mesure entre effectivement en vigueur après l'adoption d'un règlement européen, qui nécessite parfois des délais de plusieurs semaines.

L'urgence de la transposition de la troisième directive « anti blanchiment » est réelle , compte tenu du retard pris et de l'imminence de la présidence française de l'Union européenne. Cette directive a cependant suscité de vives controverses -en France comme dans d'autres Etats membres- au sein des professions juridiques, particulièrement celle des avocats compte tenu de leur déontologie, qui ont contribué à ralentir le processus.

Les principales innovations de la troisième directive anti-blanchiment

La liste des personnes assujetties au dispositif anti-blanchiment a été élargie à de nouvelles catégories de professionnels : les personnes négociant des biens destinés à être payés en espèces pour un montant supérieur ou égal à 15.000 euros ainsi que les prestataires de services aux sociétés et fiducies.

La directive consacre une approche pragmatique, graduée en fonction du risque, et une plus grande latitude laissée à chaque établissement pour définir le niveau et la nature des diligences à mettre en oeuvre, en fonction de la nature de sa clientèle et des services offerts. Les obligations de vigilance sont ainsi proportionnées selon la nature du risque encouru . Elles sont assouplies (« obligations de vigilance simplifiées ») lorsque le client ou l'opération ne présente qu'un risque limité de blanchiment (par exemple si le client est un établissement de crédit ou un établissement financier établi dans un pays respectant les recommandations du GAFI), et renforcées pour les entrées en relation sans contact physique, les « personnes politiquement exposées » ou les relations de correspondance bancaire avec un établissement situé dans un pays non-européen ;

La directive introduit une logique de groupe : elle consacre la possibilité d'échanger des informations au sein des groupes et des réseaux bancaires, et même entre établissements non membres d'un groupe lorsqu'ils sont soumis à des obligations équivalentes.

Elle prévoit un principe de reconnaissance et d'acceptation mutuelle des résultats des mesures d'identification des clients lorsqu'elles sont effectuées par des établissements bancaires ou financiers européens.

L e champ de la déclaration de soupçon (sans information du client) a été considérablement étendu , puisqu'elle englobe désormais, outre le financement du terrorisme, toutes les infractions passibles d'une peine d'emprisonnement supérieure à un an , ce qui couvre tous les délits économiques et financiers et en particulier la fraude fiscale.

Elle prévoit une obligation d'identification des ayants-droit économiques . Lorsque le client est une société ou une entité assimilable à un trust , ce sont les personnes physiques qui possèdent plus de 25 % des actions ou droits de vote de l'entité juridique, ou sont bénéficiaires d'au moins 25 % de ses actifs.

VI. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve le champ d'habilitation proposé par le présent article. Bien que le principe d'une habilitation sur un champ de réforme aussi vaste et substantiel soit contestable et ne puisse guère être justifié par le seul caractère « technique » des mesures envisagées, la consultation en amont des parlementaires (en particulier votre rapporteur), associés au Haut comité de place, et la mise en ligne sur Internet de la plupart des projets d'ordonnance illustrent une volonté louable de transparence et d'implication de toutes les parties prenantes.

Les réformes envisagées, en particulier celles relatives à l'appel public à l'épargne, à la gestion collective et au droit des titres, apporteront les aménagements indispensables à l'impulsion d'une nouvelle dynamique pour les marchés et acteurs financiers français , facteur de croissance de l'économie. La protection et l'information des épargnants individuels seront également renforcées par l'harmonisation des conditions de commercialisation des produits financiers.

Outre un amendement à caractère rédactionnel et de précision , votre commission spéciale vous propose trois amendements tendant à :

- en premier lieu (par deux amendements), habiliter le gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures législatives nécessaires à la fusion des deux autorités de contrôle prudentiel que sont la commission bancaire et l'ACAM .

Votre commission spéciale considère en effet que la récente crise des subprimes et le constat d'une « marchéisation » croissante des risques ne font que plaider davantage en faveur d'une rationalisation de l'architecture française de surveillance des acteurs financiers. Il est aujourd'hui nécessaire de prévoir une régulation reposant sur deux piliers correspondant à deux logiques : la surveillance des marchés et émetteurs, assurée par l'AMF, et la surveillance prudentielle intersectorielle ;

- en second lieu, compléter la modernisation du droit financier par une habilitation à réformer par ordonnance, dans un délai de six mois équivalent aux autres mesures, le régime de l'information sur les participations significatives dans les sociétés et des déclarations d'intention , d'une part, et le régime des droits de vote attachés aux opérations de cession temporaire d'actions en période d'assemblée générale , d'autre part.

Il s'agit en particulier d'améliorer la prévention de certains risques liés à la pratique des prêts et emprunts de titres en période d'assemblée générale. Les mesures législatives correspondantes pourront intégrer certaines des propositions formulées par M. Yves Mansion, membre du collège de l'AMF, dans un rapport publié en janvier 2008, et de celles qui le seront prochainement par le groupe de travail sur les déclarations de franchissement de seuil et les déclarations d'intention, présidé par M. Bernard Field, également membre du collège de l'AMF.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 42 - (article L. 433-4 du code monétaire et financier) Elargissement de l'obligation de dépôt d'une offre publique de retrait

Commentaire : le présent article a pour objet de compléter l'article L. 433-4 du code monétaire et financier, relatif aux cas et à la procédure d'offre publique de retrait, pour élargir le régime de dépôt d'une offre publique de retrait au cas de modification significative des statuts et de la consistance économique de la société contrôlée.

I. Le droit en vigueur

Le I de l'article L. 433-4 du code monétaire et financier prévoit deux hypothèses dans lesquelles la protection des intérêts des actionnaires minoritaires requiert d'obliger le ou les actionnaires majoritaires à lancer une offre publique de retrait (OPR) d'une société cotée sur un marché réglementé :

- la détention, seul ou de concert, d'une certaine fraction des droits de vote de la société (95 % pour une OPR obligatoire) ;

- ou le projet de transformation en société en commandite par actions.

L'article 236-6 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) prévoit également une procédure spécifique dans les cas où le ou les actionnaires de contrôle personnes physiques ou morales :

- envisagent de faire adopter des résolutions tendant à apporter aux statuts de la société contrôlée des modifications significatives , telles que la forme de la société, les conditions de cession et de transmission des titres de capital et des droits de vote qui y sont attachés ;

- ou prennent une décision tendant à modifier significativement la consistance économique ou les droits des actionnaires de la société , telle que :

à la fusion-absorption de la société ;

à la cession ou l'apport de tout ou partie de ses actifs à une autre société, ou la réorientation de son activité ;

à la suppression, pendant plusieurs exercices, de toute rémunération des titres de capital.

Dans chacun de ces cas, l'actionnaire de contrôle doit en informer l'AMF qui apprécie alors, au vu notamment des conséquences du projet sur les droits des actionnaires minoritaires, s'il y a lieu de lui imposer de lancer une offre publique de retrait.

Ce dispositif se veut donc protecteur des intérêts des actionnaires minoritaires , en ce qu'il leur offre un « droit de sortie », lorsque le pacte social doit être modifié dans un ou plusieurs de ses éléments essentiels. Son effectivité est cependant aléatoire, faute de base légale précise.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale vous propose donc d'inscrire ce dispositif dans la loi , par un complément à l'article L. 433-4 du code monétaire et financier, en lui conservant les caractères qu'il a aujourd'hui, en particulier quant au pouvoir d'appréciation reconnu à l'AMF.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article 42 bis (nouveau) - (article L. 511-41 du code monétaire et financier) Renforcement du contrôle interne des établissements de crédit

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, propose de renforcer les obligations d'information et de suivi, au sein des organes sociaux des établissements de crédit, de l'efficacité des systèmes de contrôle et d'audit internes et des incidents qu'ils sont susceptibles de révéler. Il instaure également un « devoir d'alerte » de la commission bancaire.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative de nos collègues députés Nicolas Forissier, rapporteur au nom de la commission des finances saisie pour avis, et Didier Migaud, président de cette même commission, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à accroître les obligations de contrôle interne des banques . Ce nouvel article prend ainsi en compte certaines propositions qui avaient été formulées pendant les auditions des commissions des finances des deux assemblées sur la crise financière et la situation de la Société générale.

Rappelons que cette banque a en effet subi une perte de 4,9 milliards d'euros, liée au dénouement, entre le 21 et le 23 janvier 2008, de positions directionnelles spéculatives prises durant l'année 2007 et début 2008 par un trader sur produits dérivés (essentiellement des futures sur indices boursiers européens et des warrants), dont certaines étaient couvertes par des positions fictives. Cet opérateur de marché avait dépassé les limites d'exposition de son mandat, révélant ainsi de sérieuses défaillances du contrôle interne de la banque .

Le II du présent article propose donc de compléter l'article L. 511-41 du code monétaire et financier, relatif aux nouvelles obligations prudentielles et de contrôle interne des établissements de crédit nées de la transposition du régime dit « Bâle II », par un alinéa ayant un double objet :

1) Créer une obligation spécifique de suivi par les organes sociaux des établissements de crédit, et d'information de ces derniers, sur « les systèmes de contrôle interne, leur mise en oeuvre et le suivi des incidents révélés notamment par ces systèmes ou signalés par l'autorité organisatrice d'un marché » .

Dans un amendement distinct et beaucoup plus détaillé, MM. Nicolas Forissier et Didier Migaud avaient proposé de confier le cas échéant au comité d'audit (ou à l'organe équivalent) le suivi de l'efficacité des systèmes de contrôle interne, d'audit interne et de gestion des risques, et de formaliser davantage les obligations de disposer d'un contrôle interne adéquat et d'avertir le comité d'audit des incidents, manquements et actions correctrices entreprises.

Cet amendement a finalement été retiré au motif que la « huitième directive » sur le contrôle légal des comptes, dont la transposition par ordonnance (dans un délai de six mois) est prévue par l'article 26 B du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation du droit des sociétés au droit communautaire, prévoit que les « entités d'intérêt public », parmi lesquelles figurent les établissements de crédit et les entreprises d'assurance, doivent être dotées d'un comité d'audit , dont les attributions pourront donc le cas échéant être complétées.

2) Instaurer une obligation de transmission de ces informations à la commission bancaire , autorité de surveillance prudentielle des banques, que les incidents aient été révélés par le contrôle interne de l'établissement ou par « l'autorité organisatrice » d'un marché.

Les modalités y afférant sont déterminées par un arrêté ministériel.

Par cohérence, le I du présent article complète l'intitulé de la section 7 du chapitre premier ( « Règles générales applicables aux établissements de crédit » ) du titre premier ( « Etablissements du secteur bancaire » ) du livre V ( « Les prestataires de services » ) du code monétaire et financier, qui devient donc « Dispositions prudentielles et contrôle interne » .

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve ce dispositif , qui permet de mieux impliquer les dirigeants et mandataires sociaux des établissements de crédit dans le suivi et l'amélioration du contrôle interne, et de les inciter à une plus grande vigilance dans la correction d'éventuels incidents.

L'information en amont de la commission bancaire permettra également d'améliorer la pertinence et le ciblage de ses contrôles, recommandations et sanctions, afin de contribuer à une plus grande fiabilité et exhaustivité des systèmes de contrôle des risques opérationnels et de marché, dont les établissements de crédit doivent juridiquement être dotés en application du régime prudentiel de « Bâle II ».

Cependant, plutôt que de faire référence à l' « autorité organisatrice d'un marché » , notion floue et qui ne figure pas dans le code monétaire et financier, votre commission spéciale vous propose un amendement tendant à prévoir le signalement des incidents relevés par un éventail plus complet d'acteurs de marché : l'Autorité des marchés financiers (dans le cadre de ses échanges réguliers d'informations avec la commission bancaire), une entreprise de marché gestionnaire d'un marché réglementé, l'exploitant d'un système multilatéral de négociation ou une chambre de compensation, entités toutes définies par le code monétaire et financier.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 42 ter (nouveau) - (article L. 515-13 du code monétaire et financier) Elargissement des facultés de refinancement des sociétés de crédit foncier

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, a pour objet de permettre aux sociétés de crédit foncier d'améliorer leurs facultés de refinancement, par la constitution en gage d'un compte d'instruments financiers.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur au nom de la commission des finances saisie pour avis, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à modifier l'article L. 515-13 du code monétaire et financier, relatif au statut et à l'objet des sociétés de crédit foncier , établissements de crédit agréés en qualité de sociétés financières.

Il complète ainsi le III de cet article, qui expose les facultés de refinancement de ces sociétés, afin de leur permettre de recourir également à la constitution en gage d'un compte d'instruments financiers . Les sociétés de crédit foncier peuvent d'ores et déjà se refinancer par les techniques de mise en pension et de cessions de créances professionnelles dites « Dailly ».

Le gage de compte d'instruments financiers, dont le régime et les formalités de constitution sont définis par l'article L. 431-4 du code monétaire et financier et ont été modernisés par l'ordonnance du 24 février 2005 dans le cadre de la transposition de la directive du 6 juin 2002 sur les contrats de garantie financière, permet notamment à un créancier de constituer un gage sur un compte que le débiteur peut utiliser (selon des termes contractuels) tant que le montant des instruments financiers inscrits couvre la garantie initiale.

L'assiette de ce gage est très étendue en ce qu'elle couvre tous les instruments financiers susceptibles d'être inscrits en compte soit, selon la définition posée par l'article L. 211-1 du code monétaire et financier, les actions et titres donnant accès au capital, les titres de créances, les parts ou actions d'organismes de placement collectif, la catégorie très diversifiée des instruments financiers à terme (produits dérivés), et tous les instruments et droits représentatifs équivalents émis sur le fondement de droits étrangers.

L'objet de cet article est donc d'étendre les facultés de refinancement des sociétés de crédit foncier, en particulier auprès des « guichets » de la Banque de France, et de rapprocher ainsi leur régime de celui des banques .

Il importe à cet égard de rappeler que dans le contexte de la crise de liquidité et de solvabilité bancaires liée aux défaillances sur les « subprimes », le refinancement par la banque centrale s'est avéré essentiel pour la stabilité de nombreux établissements de crédit . La Banque de France a ainsi récemment élargi la gamme des techniques utilisées pour garantir ses opérations de politique monétaire et accepte en collatéral, via le mécanisme du gage de compte d'instruments financiers, une large palette d'instruments financiers, parmi lesquels des produits dérivés de qualité variable.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale estime que cet élargissement des instruments de refinancement est opportun et peut contribuer, dans un contexte de raréfaction du financement interbancaire, à renforcer la solidité financière des sociétés de crédit foncier et, partant, des obligations foncières qu'elles émettent et qui bénéficient du meilleur échelon des agences de notation.

En tant qu'établissements de crédits, ces sociétés financières sont fondées à disposer du même régime de refinancement que les banques, et l'exclusion du gage de compte d'instruments financiers constituait à cet égard probablement un oubli.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 42 quater (nouveau) - (articles L. 515-15 et L. 515-16 du code monétaire et financier) Adaptation du régime de refinancement de créances sur des personnes publiques détenues par les sociétés de crédit foncier

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, a pour objet d'harmoniser le régime des expositions des sociétés de crédit foncier sur des personnes publiques d'Etats de l'OCDE.

I. Le droit existant

Les articles L. 515-15 et L. 515-16 du code monétaire et financier définissent les éléments d'actif éligibles au refinancement par une société de crédit foncier, résultant d'expositions sur les « personnes publiques » . Ils ont été récemment modifiés par l'ordonnance du 19 avril 2007 relative aux établissements de crédit, aux entreprises d'investissement et aux sociétés de crédit foncier, qui transposait certaines dispositions de deux directives communautaires du 14 juin 2006, relatives au nouveau régime prudentiel de « Bâle II ».

Les sociétés de crédit foncier peuvent ainsi refinancer, en particulier par voie de titrisation, des éléments d'actifs (prêts garantis, titres de créances, engagements hors bilan, créances de sommes d'argent résultant de contrats à exécution successive, créances nées de contrats de crédit-bail ou de contrats équivalents) résultant d'expositions sur des personnes publiques ou totalement garanties par ces dernières . Aux termes de l'article L. 515-15, ces personnes sont :

- les administrations centrales, banques centrales, établissements publics, collectivités territoriales ou leurs groupements, d'un Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE). Ces émetteurs et emprunteurs sont exonérés de notation externe établie par un organisme externe d'évaluation de crédit (OEEC) reconnu par la commission bancaire ;

- les administrations centrales ou banques centrales d'Etats non européens et bénéficiant du meilleur échelon de qualité de crédit établi par un OEEC ;

- la Communauté européenne, les institutions financières internationales et les banques multilatérales de développement dont la liste est établie par arrêté du ministre chargé de l'économie, et les autres institutions internationales bénéficiant de la meilleure notation de crédit ;

- les établissements publics et collectivités territoriales ou leurs groupements relevant d'Etats non européens lorsque les expositions sur ces personnes sont assorties, pour la détermination des exigences de fonds propres, de la même pondération que celle des créances accordées à des administrations centrales, des banques centrales ou des établissements de crédit, ou totalement garanties par ces mêmes personnes, et qu'elles bénéficient de la meilleure notation de crédit ;

- enfin les établissements publics, collectivités territoriales ou leurs groupements bénéficiant du deuxième meilleur échelon de qualité de crédit.

Aux fins de refinancement par titrisation , l'article L. 515-16 assimile également à ces prêts et expositions, dans certaines conditions de composition de l'actif et de notation de crédit (qui doit correspondre au meilleur échelon), les parts et titres émis par des fonds communs de créances ou par des entités similaires ( special purpose vehicles ) soumises au droit d'un Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'EEE.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur au nom de la commission des finances saisie pour avis, et avec l'avis favorable du gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à modifier les articles L. 515-15 et L. 515-16 du code monétaire et financier, précités.

Afin de maintenir la compétitivité des sociétés françaises de crédit foncier et de les placer sur un pied d'égalité avec leurs concurrents européens également soumis à la réglementation prudentielle de « Bâle II », le présent article propose d'aligner le régime des expositions sur des personnes publiques issues de six pays de l'OCDE non membres de la Communauté européenne et non parties à l'accord sur l'EEE (Etats-Unis, Canada, Japon, Suisse, Australie et Nouvelle-Zélande) sur celui des personnes publiques européennes aujourd'hui éligibles . Il tend donc :

- à exonérer de notation externe les expositions sur des personnes publiques issues de ces cinq pays (1°, 2° et 3° du I ) ;

- à harmoniser les facultés de transférer des actifs étrangers par voie de titrisation sur le nouveau périmètre d'éligibilité sans condition préalable de notation des expositions publiques dans ces six Etats (1° du II ) ;

- à élargir les conditions d'éligibilité des créances nées de contrats de crédit-bail ou de contrats équivalents à l'ensemble des personnes publiques du nouveau périmètre, soit, outre les personnes publiques françaises, les 27 Etats membres de la Communauté europénne, les autres Etats parties à l'accord sur l'EEE (Islande, Norvège et Liechtenstein) et les six Etats précédemment mentionnés (4° du I et 3° du II ).

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve cette harmonisation du régime de refinancement des sociétés de crédit foncier, qui permet d'établir une équité de traitement entre des émetteurs et emprunteurs publics d'Etats dont la crédibilité des finances publiques et de la règlementation financière est équivalente.

Il est cependant nécessaire, pour respecter les intentions initiales afférentes à l'élargissement des conditions d'éligibilité des créances nées de contrats de crédit-bail, et par cohérence avec les autres dispositions, de prévoir un amendement supprimant la condition de nationalité française pour la personne publique partie au contrat en qualité de crédit-preneur ou de locataire.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 42 quinquies (nouveau) - (article L. 613-21 du code monétaire et financier) Décuplement du plafond de sanction pécuniaire de la commission bancaire

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, renforce le pouvoir de dissuasion et de sanction de la commission bancaire en multipliant par dix le plafond de sanction prévu à l'article L. 613-21 du code monétaire et financier, soit 50 millions d'euros.

I. Le pouvoir de sanction de la commission bancaire

L'article L. 613-21 du code monétaire et financier prévoit l'échelle de sanctions susceptibles d'être appliquées par la commission bancaire , organe de régulation et de surveillance des établissements de crédit. Son pouvoir de sanction s'exerce -sous réserve des compétences de l'Autorité des marchés financiers (AMF)- non seulement sur les établissements de crédit, mais également, pour certaines dispositions législatives et réglementaires, sur les prestataires de services d'investissement (PSI) autres que les sociétés de gestion de portefeuille (lesquelles sont régies par l'AMF), les membres des marchés réglementés, les adhérents aux chambres de compensation, et les personnes habilitées à exercer les activités de conservation ou d'administration d'instruments financiers.

Un tel établissement encourt des sanctions s'il a enfreint les dispositions législatives ou réglementaires, s'il n'a pas répondu à une recommandation, n'a pas tenu compte d'une mise en garde, n'a pas déféré à une injonction de la commission bancaire, ou n'a pas respecté les conditions particulières posées ou les engagements pris à l'occasion d'une demande d'agrément ou d'une autorisation ou dérogation prévue par les dispositions législatives ou réglementaires. La commission bancaire peut alors prononcer l'une des sanctions disciplinaires suivantes, selon une gradation traditionnellement appliquée par les régulateurs :

- l'avertissement ;

- le blâme ;

- l'interdiction temporaire ou définitive d'effectuer certaines opérations et toutes autres limitations dans l'exercice de l'activité ;

- la suspension temporaire d'un ou plusieurs dirigeants avec ou sans nomination d'administrateur provisoire ;

- la démission d'office de l'une ou de plusieurs de ces mêmes personnes avec ou sans nomination d'administrateur provisoire ;

- enfin la radiation de l'établissement de crédit ou de l'entreprise d'investissement concerné de la liste des établissements agréés, avec ou sans nomination d'un liquidateur.

En outre, la commission bancaire peut décider, soit à la place, soit en sus de ces sanctions :

- une sanction pécuniaire au plus égale au capital minimum auquel est astreinte la personne morale sanctionnée, soit 5 millions d'euros s'agissant des établissements de crédit. Les sommes correspondantes sont versées au budget de l'Etat ;

- d'interdire ou de limiter la distribution d'un dividende aux actionnaires ou d'une rémunération des parts sociales aux sociétaires.

Lorsqu'elle prononce une sanction disciplinaire à l'encontre d'un PSI, la commission bancaire en informe l'AMF.

Elle peut enfin décider, à l'instar de l'AMF, que ses sanctions fassent l'objet d'une publication aux frais de la personne morale sanctionnée, à moins que cette publication ne risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative de nos collègues députés Nicolas Forissier, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, Didier Migaud, président de cette même commission, et Gilles Carrez, rapporteur général du budget, et avec l'avis très favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à relever sensiblement le plafond de sanction pécuniaire que peut prendre la commission bancaire.

Il précise ainsi, dans l'article L. 613-21 précité, que la commission bancaire peut prendre une sanction égale au décuple du capital minimum auquel est astreinte la personne morale sanctionnée, soit 50 millions d'euros pour les banques.

Cette mesure a été présentée comme une des conséquences de la fraude massive découverte au sein de la Société Générale le 18 janvier 2008, qui s'était soldée par une perte de 4,9 milliards d'euros à l'issue du dénouement des positions prises, et répond aux souhaits exprimés par le gouverneur de la Banque de France lors de ses auditions par les commissions des finances des deux assemblées, au Sénat le 30 janvier 2008 et à l'Assemblée nationale le 4 février 2008.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve le principe d'un relèvement substantiel du plafond de sanction de la commission bancaire mais considère que les récents événements qui ont affecté les marchés financiers internationaux et français ne sauraient être évités à l'avenir par une simple réaction de « surréglementation », de nature à apaiser les consciences sans pour autant combler les interstices de non-régulation.

L'approfondissement du pouvoir de sanction de la commission bancaire présente néanmoins une vertu préventive et incitative , et vient rappeler la nécessité pour les banques de se doter d'un contrôle interne des risques (de crédit, opérationnel, de marché...) fiable, actualisé et disposant de moyens financiers et humains adéquats, en conformité avec la réglementation prudentielle de « Bâle II ». Ce renforcement du contrôle interne est aussi la contrepartie d'une approche plus pragmatique et fine des risques , susceptible de diminuer les exigences réglementaires en capital.

Ce nouveau plafond se veut en rapport avec le coût des investissements matériels et humains exigés par la commission bancaire pour la mise en place d'un contrôle interne. De fait, il correspond au coût estimé du programme « Fighting Back » mis en oeuvre par la Société Générale en deux étapes dès le mois de février 2008.

Une comparaison internationale, telle qu'elle figure dans les tableaux ci-après, révèle que la commission bancaire serait potentiellement le régulateur bancaire européen le plus sévère , la Financial Services Authority (FSA) britannique ne disposant pas, pour sa part, de plafond de sanctions. Les trois régulateurs américains peuvent quant à eux infliger des sanctions très élevées , jusqu'à 1 % du montant des actifs de l'établissement, et ont prononcé une sanction de 40 millions de dollars à l'encontre d'une grande banque européenne en 2005. Néanmoins le plafond des différents régulateurs n'est que très rarement atteint.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Comparaison des régimes légaux de sanction des autorités de supervision

Manquements et infractions

Compétences sectorielles

Plafond de sanction

Echelle de sanctions

Pouvoir d'imposer des sanctions pécuniaires aux personnes physiques

France : Commission bancaire

- Infractions aux dispositions législatives et réglementaires

- Non prise en compte d'une recommandation, mise en garde ou injonction de la commission bancaire

- Non-respect de conditions particulières ou engagements pris lors d'une demande d'agrément

- Etablissements de crédit

- Entreprises d'investissement

- Autres prestataires susceptibles d'appliquer la réglementation bancaire

5.000.000 €

Gradation : avertissement, blâme, interdiction d'activité, suspension, démission d'office, radiation

Non

Royaume-Uni :

FSA

- Conduite des affaires, respect des règles du marché

- Mise en place de systèmes de gestion des risques

- Ressources adéquates

- Respect des intérêts des consommateurs

- Communication envers les consommateurs

- Gestion des conflits d'intérêts

- Protection des avoirs des clients

- Coopération avec les autorités de régulation

Régulateur intégré :

- Banques

- PSI

- Secteur des assurances

- Marchés financiers

Non

Non, mais liste de critères pour fixer le montant :

- Nature, sérieux et impact de la violation

- Comportement

- Antécédents disciplinaires

- Respect des normes

- Jurisprudence de la FSA

- Jurisprudence d'autres autorités

Oui lorsqu'il existe des preuves de la culpabilité d'un individu, en cas de comportement délibéré ou lorsque le comportement ne correspond pas à ce que les circonstances auraient exigé

Pays-Bas :
DNB

- Crédibilité et expertise de la personne en charge de la détermination de la politique de l'établissement

- Opérations réalisées

- Externalisation de certaines activités

- Fonds propres réglementaires, solvabilité et liquidité

- Etablissements de crédit

- Fonds de pension

- Assurances

- Entreprises d'investissement

- OPC

- Trusts offices

900.000 €

Oui selon l'infraction.

Tarif variant de 1 à 5 (500 à 90.000 €) pour une liste réglementaire d'infractions.

Ces montants doivent être multipliés par un facteur de moyens financiers allant de 1 à 5, selon le montant des fonds propres

Non

Allemagne : BAFIN

- Décisions de la Bafin (démission des dirigeants, interdiction d'exercer, publicité mensongère, obligation à l'égard des créanciers)

- Obligations relatives à l'actionnariat

- Règles de gestion (fonds propres, ratio de solvabilité, contrôle des grands risques)

- Obligations relatives à l'octroi de crédit

- Conditions particulières posées à l'occasion d'une demande d'agrément

- Règles de conservation des données nominatives dans des fichiers et accès de la Bafin à ces données

- Manquement aux obligations d'informer la clientèle sur la nature du fonds de garantie des dépôts

Régulateur intégré :

- Etablissements de crédit

- PSI

- Secteur des assurances

- Marchés financiers

Cette supervision s'effectue néanmoins en coopération avec la Bundesbank, la Bafin étant seule en charge de la politique de sanction

500.000 €

Oui, 3 plafonds prévus :

- 500.000 € : non-respect de décisions de la Bafin relatives à la démission des dirigeants, une interdiction d'exercer, à l'accomplissement des obligations à l'égard des créanciers, non-respect des règles de gestion

- 150.000 € : manquement à l'obligation de transmission d'informations, notamment les états mensuels, obstacle à la réalisation des contrôles sur pièces ou sur place

- 50.000 € : toute autre infraction

Non (article 56
de la loi bancaire allemande)

Italie :
Banca d'Italia

- Conduite d'opérations de banque et d'opérations financières non autorisées

Infractions relatives :

- au devoir d'information du banquier ;

- à l'octroi de crédit ;

- à la communication d'informations aux autorités ;

- à l'interdiction faite aux dirigeants de contracter avec l'entreprise administrée sans autorisation préalable ;

- à la suspension d'un dirigeant pour cause d'insuffisance de compétence ;

- à la transmission des états et informations destinées à la Banca d'Italia et à l'UIC ;

- aux pouvoirs de la Banca d'Italia ;

- à l'obligation de publier certaines sanctions.

- Banques et des intermédiaires financiers

- Concurrence dans le secteur financier

Depuis la réforme du 27/04/06, la Banca d'Italia est en charge de la procédure de sanction (commission d'examen puis directoire).

L'Office italien du change (UIC, détenu par la banque centrale) assure le contrôle des changeurs manuels.

51.645 €

Oui selon l'infraction (loi du 29/07/88). Chaque infraction fait l'objet d'une peine plancher et d'un plafond, allant de 206 à 51.645 €

Oui

Espagne :
Banco de España

Infractions relatives :

- à l'agrément ;

- au capital ;

- aux obligations comptables ;

- à la communication d'informations aux autorités administratives ;

- aux pouvoirs des autorités de contrôles ;

- aux obligations de communication ;

- aux dispositions régissant le crédit.

Réitération d'une infraction grave sanctionnée dans les 5 années précédant leur commission ou d'une infraction légère sanctionnée dans les 2 années précédant leur commission

- Banques

- Caisses d'épargne

- Banques de crédit coopératif

- Etablissements de crédit spécialisés

- Etablissements de monnaie électronique

La Banco de España travaille en coopération avec les autorités nationales, notamment la Commission pour la prévention du blanchiment et les délits monétaires.

1 % des fonds propres, plafonné à 300.000 € pour les infractions très graves

Oui selon les infractions, précisément définies.

Pour les personnes morales :

- infractions très graves : 1 % des fonds propres plafonnés à 300.000 €. Exécution de certaines opérations sans autorisation ou en violation d'une autorisation, capital inférieur au capital minimum pour une durée de plus de 6 mois, exécution habituelle d'actes ou transactions interdits ;

- infractions graves : 1,5 % des fonds propres ou 150.00 €. Exécution de façon occasionnelle d'actes ou de transactions interdits, violation des règles relatives aux ratios réglementaires, à l'octroi de crédit ;

- infractions légères : 60.000 €.

Pour les personnes physiques, pour les infractions ci-dessus citées :

- violations très graves : 150.000 € ;

- violations graves : 90.000 €.

La sanction prononcée tient compte de critères : conséquences de l'infraction, profits réalisés, taille de l'assujetti.

Oui, pour les dirigeants, de fait ou de droit, de l'assujetti responsable de l'infraction

Etats-Unis :
Federal Reserve

OCC

FDIC

Infractions aux :

- lois ou réglementations ;

- mesures individuelles édictées par l'autorité bancaire ;

- conditions imposées par écrit par l'autorité bancaire dans le cadre d'une demande d'autorisation ;

- stipulations d'un accord écrit entre la banque et l'autorité bancaire ;

- obligations relatives aux états réglementaires.

Cf. N.B.

5.000.000 $ par jour ou 1 % du total des actifs

- 5.000 $ par jour pouvant monter jusqu'à 25.000$ par jour ;

- 1.000.000 $ par jour ou 1 % du total des actifs de la banque ;

- 1 à 5.000.000 $ par jour ou 1 % du total des actifs.

La détermination des sanctions tient compte de facteurs :

- ressources financières de l'assujetti ;

- bonne foi ;

- gravité de la violation ;

- antécédents.

Oui pour les personnes responsables de pratiques malsaines ou financièrement précaires, ou pour celles responsables de violations des obligations fiduciaires. Cela inclut une mauvaise gestion des crédits, une prise de risque anormale, une direction défaillante, un paiement de dividende excessif ou une infraction à la réglementation bancaire.

Source : commission bancaire

N.B : la régulation bancaire aux Etats-Unis est fragmentée entre quatre principales autorités de surveillance :

- la Réserve fédérale pour les banques à charte d'Etat, holdings bancaires et leurs filiales non bancaires, succursales et agences de banques étrangères aux Etats-Unis et leurs maisons-mères, administrateurs, directeurs, employés et autres catégories d'individus associés aux banques, compagnies et organismes précédents ;

- l' Office of the Comptroller of the Currency (OCC) pour les banques nationales, fédérales et succursales de banques étrangères commerciales ;

- l' Office of Thrift Supervision (OTS) pour les caisses d'épargne ;

- et le Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) qui assure la garantie des dépôts auprès de 5.300 établissements bancaires affiliés.

Nombre et montant des sanctions prononcées en 2005 et 2006 par les principales autorités de supervision

2005

2006

2005-2006

Personnes morales

Personnes physiques

Personnes morales

Personnes physiques

Griefs les plus fréquemment retenus (par ordre décroissant)

France :
Commission bancaire

Nombre

Montant le plus élevé

Montant moyen

16

400.000 €

125.937 €

-

6

3.000.000 €

771.666 €

-

- Contrôle interne (14 sanctions)

- Blanchiment (14 sanctions)

- Transmission d'informations

- Comptes consolidés

- Normes quantitatives de gestion

Royaume-Uni : FSA

Nombre

Montant le plus élevé

Montant moyen

5

13.900.000 £

3.000.000 £

1

30.000 £

30.000 £

7

300.000 £

113.928 £

2

35.000 £

27.500 £

Contrôle interne (6 sanctions)

Allemagne : BAFIN

Nombre

0

-

-

-

N.D.

Italie : Banca d'Italia

Nombre

Montant le plus élevé

Montant moyen

-

58

45.000 €

5.837 €

-

33

171.645 €

13.011 €

- Contrôle interne (61 sanctions)

- Reporting sur
les positions de marché

- Carences dans la distribution et le contrôle du crédit

Espagne :
Banco de España

Nombre

23

61

59

161

N.D.

Etats-Unis :
Federal Reserve Bank

Nombre

Montant le plus élevé

Montant moyen

OCC

Nombre

Montant le plus élevé

Montant moyen

FDIC

Nombre

Montant le plus élevé

Montant moyen

2

40.000.000 $

26.250.000 $

6

24.000.000 $

6.508.333 $

11

12.500.000 $

1.142.106 $

2

2.500.000 $

1.255.000 $

7

250.000 $

102.642 $

25

2.500.000 $

122.900 $

1

87.500 $

87.500 $

2

150.000 $

85.000 $

13

6.000.000 $

526.443 $

2

87.500 $

46.250 $

6

100.000 $

83.333 $

31

75.000 $

12.564 $

- Blanchiment

- Prise de participation importante sans notification

- Holding bancaire non autorisée

- Conservation de données

- Crédit aux dirigeants

- Blanchiment

- Conflits d'intérêts et bénéfice personnel

- Violation du Patriot Act et déclaration d'opérations suspectes

Source : commission bancaire

Article additionnel après l'article 42 quinquies - (article L. 621-15 du code monétaire et financier) Relèvement du plafond de sanction pécuniaire de l'Autorité des marchés financiers

Commentaire : le présent article additionnel propose de relever le plafond de sanctions de l'Autorité des marchés financiers, actuellement de 1,5 million d'euros ou du décuple des profits éventuellement réalisés.

I. Le pouvoir de sanction de l'Autorité des marchés financiers

L'article L. 621-15 du code monétaire et financier prévoit le champ matériel et personnel et l'échelle des sanctions susceptibles d'être appliquées par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF), à l'issue d'une procédure contradictoire de sanction. Aux termes du II de cet article, les personnes passibles de ces sanctions sont :

- les professionnels personnes morales contrôlés par l'AMF, au titre de tout manquement à leurs obligations professionnelles définies par les lois, règlements et règles professionnelles approuvées par l'Autorité ;

- les personnes physiques placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte (mandataires) ;

- selon un double critère de compétence territoriale, toute personne dont les pratiques sont de nature à porter atteinte aux droits des épargnants ou ont pour effet de fausser le bon fonctionnement des marchés (en particulier le délit d'initié, la manipulation de cours et la fausse information).

L'AMF, comme la commission bancaire, peut prononcer des sanctions disciplinaires à l'encontre des professionnels, selon la gradation suivante : avertissement, blâme, retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle (pour les personnes physiques), interdiction à titre temporaire ou définitif de l'exercice de tout ou partie des services fournis.

Elle peut également, à la place ou en sus, prononcer une sanction pécuniaire plafonnée à 1,5 million d'euros ou au décuple des profits réalisés s'agissant des personnes morales , et à 300.000 euros ou au quintuple des profits lorsqu'il s'agit d'une personne physique, hors le cas de manipulation de marché pour lequel les sanctions encourues sont les mêmes que pour les personnes morales. Les sommes correspondantes sont versées au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public

Ces sanctions pécuniaires ne sont pas appliquées selon une échelle précise mais doivent respecter un principe de proportionnalité . Le montant de la sanction est ainsi fixé en fonction de la gravité des actes commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements.

II. La position de votre commission spéciale

L'actuel plafond de sanction de l'AMF apparaît insuffisant au regard de l'étendue du préjudice qu'un abus de marché caractérisé est susceptible de porter aux investisseurs et membres d'un marché.

La récente crise des crédits hypothécaires à risques ( subprimes ), qui a révélé l'ampleur de la « marchéisation » du risque et de l'opacité qui caractérise certains véhicules de titrisation de droit étranger, est venue renforcer cette perception et la nécessité de disposer d'une autorité boursière investie de pouvoirs de sanction assurant une prévention et une dissuasion efficaces.

En outre, l'article 40 quinquies du présent projet de loi procède au décuplement du plafond de sanction de la commission bancaire , qui passe de 5 à 50 millions d'euros. Il n'est donc guère logique que celui de l'AMF, qui constitue le « deuxième pilier » de la surveillance financière, demeure en l'état.

Votre commission spéciale vous propose donc de relever de 1,5 million d'euros à 10 millions d'euros le plafond des sanctions pécuniaires applicables aux personnes morales. Le plafond demeurerait en revanche inchangé pour les personnes physiques.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article 42 sexies (nouveau) - (article L. 621-15 du code monétaire et financier) Amélioration des moyens dédiés à l'éducation financière du public

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, permet d'affecter une partie du produit des sanctions prononcées par l'Autorité des marchés financiers à des actions éducatives dans le domaine financier.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté le présent article additionnel, sous-amendé par notre collègue député Lionel Tardy, dont le I tend à compléter le III de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, relatif à l'affectation du produit des sanctions pécuniaires prononcées par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF), afin de prévoir qu'une partie de ce produit puisse être affectée à des actions éducatives dans le domaine financier .

Les a) et b) du III de l'article L. 621-15 prévoient en effet que le produit des sanctions prononcées à l'encontre des intermédiaires financiers personnes morales mentionnés à l'article L. 621-9 du même code, et des personnes physiques agissant pour leur compte, est versé au fonds de garantie auquel est affiliée la personne sanctionnée ou, à défaut, au Trésor public. Ces fonds de garantie font en particulier référence aux différents mécanismes du Fonds de garantie des dépôts, tels que la garantie des dépôts bancaires proprement dits et la garantie des instruments financiers.

Le fonds de garantie pourra donc désormais, dans des conditions fixées par son règlement intérieur, consacrer une partie du produit des sanctions pécuniaires qu'il perçoit à des actions d'éducation financière.

Rappelons que ces sanctions de l'AMF sont actuellement plafonnées à 1,5 million d'euros ou au décuple du montant des profits éventuellement réalisés, tant pour les personnes morales que physiques.

A l'initiative de notre collègue député Lionel Tardy, le II du présent article dispose que le Gouvernement remet un rapport au Parlement, avant le 31 décembre 2008, retraçant l'effort effectué sur fonds publics en faveur des actions éducatives dans le domaine financier.

II. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale approuve les dispositions du I du présent article , considérant l'enjeu majeur qu'est aujourd'hui l' « éducation financière » des Français, qui représente un véritable objectif d'intérêt général . Elle souligne que cette pédagogie constitue un volet indispensable de l'ensemble des mesures législatives et réglementaires qui, depuis cinq ans, poursuivent un objectif de régulation proportionnée et de meilleure responsabilisation des acteurs . Parmi ces réformes, on peut ainsi mentionner :

- les nouveaux régimes du démarchage bancaire et financier et des conseillers en investissements financiers, introduits par la loi de sécurité financière du 1 er août 2003 ;

- la transposition en 2007 de la directive sur les marchés d'instruments financiers, qui entre autres avancées, permet une montée en expertise des conseillers de clientèle, une harmonisation du devoir de conseil, et le passage d'une culture du conseil oral au conseil écrit et formalisé ;

- et la mise en place de codes tendant à une meilleure identification des responsabilités des concepteurs et distributeurs de produits financiers, recommandée par le rapport de M. Jacques Delmas-Marsalet, remis en novembre 2005, sur la commercialisation des produits financiers.

L'actionnariat individuel tend toutefois à décroître en France depuis dix ans et nombre de nos concitoyens s'estiment légitimement intimidés ou démunis devant la complexité croissante des produits d'épargne qui leur sont proposés, de surcroît selon des méthodes parfois très persuasives de commercialisation, telles que le « push product » des agences bancaires et le démarchage bancaire et financier.

Les nombreux soubresauts qui ont affecté les marchés depuis le début de la présente décennie -explosion de la bulle spéculative sur les valeurs technologiques, scandales comptables, volatilité et resserrement des cycles boursiers, contentieux sur la commercialisation de certains fonds à capital garanti, crise des subprimes - n'ont également pas contribué à renforcer la confiance et l'appétence des Français pour l'investissement financier.

Une réelle acclimatation de nos concitoyens à la sphère bancaire et financière est toutefois indispensable car :

- elle conditionne l'acceptabilité et la compréhension de l'économie de marché et participe du dynamisme entrepreneurial ;

- elle permet d'apprécier en meilleure connaissance de cause l'offre abondante et très diversifiée de produits financiers et de mieux se prémunir de désagréments et litiges éventuels ;

- elle contribue, par l'actionnariat individuel, au financement des entreprises et à consolider un actionnariat domestique stable pour les grandes sociétés françaises cotées ;

- elle incite les Français à se familiariser avec des véhicules diversifiés d'épargne-retraite, dans un contexte de diminution tendancielle des prestations servies par les régimes par répartition.

Ce constat a conduit, au cours des dernières années, à la mise en place de plusieurs initiatives utiles et complémentaires mais pas nécessairement coordonnées :

- la création d'un Institut pour l'éducation financière du public (IEFP), sous l'égide de l'AMF. Cet institut est en particulier doté d'un portail Internet aux grandes vertus pédagogiques, intitulé « La finance pour tous » . Ses moyens, qui s'élèvent aujourd'hui à 600.000 euros par an (dont la moitié apportée par l'AMF) et huit personnes (dont trois mises à disposition par Euronext), pourront être améliorés par le présent dispositif ;

- le Conseil pour la diffusion de la culture économique (CODICE), créé en juillet 2006 par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et qui comprend 16 membres issus de l'enseignement ou de la direction de grandes entreprises ;

- l'Ecole d'économie de Paris, créée en 2005 et qui se veut un pôle de renommée internationale pour la recherche économique ;

- l'Institut pour le développement de l'information économique et sociale (IDIES), association créée en avril 2008 et dirigée par un conseil d'administration de 12 membres ;

- les actions de sensibilisation menées par les différentes associations professionnelles et en particulier par la Fédération bancaire française.

L'éducation financière suscite également un intérêt croissant des institutions européennes puisqu'une étude comparative portant sur les initiatives d'éducation financière dans l'Union européenne, réalisée par un cabinet de conseil sous l'égide de la Commission européenne, a été publiée fin 2007. La Commission a publié, le 18 décembre 2007, une communication sur l'éducation financière, dans laquelle elle définit des principes de base consistant notamment à permettre aux citoyens de bénéficier d'une éducation financière tout au long de leur vie, dès l'âge scolaire, à garantir l'impartialité et l'objectivité de l'éducation financière et à adapter les programmes de formation aux besoins réels du public visé.

La Commission doit aussi publier une base de données en ligne sur les programmes et la recherche en matière d'éducation financière, fondée sur les résultats de l'étude précitée, et perfectionnera Dolceta, outil de formation en ligne dédié aux enseignants. Enfin un groupe d'experts européens en éducation financière sera prochainement constitué, l'appel à candidatures ayant été clos le 13 juin 2008.

Il convient par ailleurs de relever que la Financial Services Authority , autorité financière britannique, a initié un programme d'éducation doté de 29 millions d'euros par an .

A présent que les instances de pédagogie économique et financière existent, il importe d'engager des actions de communication de plus grande envergure , susceptibles de mieux faire connaître et diffuser des outils et formations de qualité.

En revanche, le rapport du Gouvernement prévu par le II du présent article ne présente pas une utilité flagrante . Outre le fait que la plupart des actions éducatives dans le domaine financier, en particulier celles conduites par l'IEFP, ne sont pas directement financées sur fonds publics mais par l'AMF (et à terme par une fraction du produit de ses sanctions), l'information sur les initiatives des différentes structures existantes est aisément accessible. Votre commission spéciale vous en propose donc la suppression par un amendement .

Par un second amendement , elle vous propose également de plafonner à 300.000 euros par an la fraction du produit des sanctions de l'AMF (transitant par le fonds de garantie des dépôts) affectée à ces actions d'éducation financière.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 42 septies (nouveau) - (article 1er de la loi n° 71-578 du 16 juillet 1971 sur la participation des employeurs au financement des premières formations technologiques et professionnelles, article 228 du code général des impôts, article L. 214-14 du code de l'éducation) Exonération de la taxe d'apprentissage à raison des dépenses exposées pour la réalisation des parcours de formation personnalisés mis en oeuvre par les écoles de la deuxième chance

Commentaire : cet article crée un nouveau motif d'exonération de la taxe d'apprentissage au bénéfice des écoles de la deuxième chance.

I. Le droit en vigueur

A. Les écoles de la deuxième chance

Les écoles de la deuxième chance (E2C) sont une des initiatives présentées dans le Livre Blanc « Enseigner et apprendre : vers une société cognitive », présenté par la Commission européenne lors du sommet des chefs d'Etat de Madrid de décembre 1995, et adopté par les ministres de l'éducation des Etats membres de l'Union européenne. Elles sont régies par l'article L. 214-14 du code de l'éducation, qui dispose : « Les écoles de la deuxième chance proposent une formation à des personnes de dix-huit à vingt-cinq ans dépourvues de qualification professionnelle ou de diplôme. Chacune d'entre elles bénéficie d'un parcours de formation personnalisé ».

Cette démarche répond à une nécessité croissante : en France, le taux d'emploi des personnes de dix-huit à vingt-cinq ans est parmi les plus bas d'Europe et la situation des jeunes vivant dans les quartiers en difficulté s'est régulièrement dégradée depuis plusieurs années. Or l'expérience des écoles de la deuxième chance vise à remédier au dysfonctionnement majeur de notre système de formation, les sorties sans diplômes ou sans qualification d'environ 160.000 jeunes chaque année.

C'est pourquoi la récente mission commune du Sénat sur la formation professionnelle a estimé nécessaire de s'intéresser près à cet instrument, auquel elle a consacré de substantiels développements dans son rapport, tirant en particulier la leçon d'une visite effectuée dans l'école de Marseille, la première fondée en Europe. Il convient de rappeler la substance de ses appréciations.

Le fonctionnement des écoles de la deuxième chance se fonde sur trois grands principes :

- renforcer la prise en compte de la situation sociale des stagiaires et de leur sentiment d'exclusion ;

- associer dès le départ les entreprises à l'effort de formation ;

- utiliser des pédagogies actives.

Chaque école de la deuxième chance doit s'adapter à son territoire et à son environnement institutionnel et économique afin de mobiliser tous les acteurs qui adhèrent à ses principes fondateurs.

La réussite de chaque projet repose sur trois conditions essentielles :

- les jeunes qui s'engagent dans le dispositif doivent être volontaires et devenir « acteurs » de leur insertion ;

- les écoles de la deuxième chance accueillent les jeunes tels qu'ils sont, sans autre critère que leur motivation ; elles développent une pédagogie basée sur l'individualisation et la dynamique collective, et ouvre des pistes de réussites personnelles ;

- le rôle déterminant et l'implication des entreprises dans le projet des écoles de la deuxième chance.

Tout jeune engagé dans le système devient stagiaire de la formation professionnelle. Sa rémunération varie, selon sa situation familiale, entre 300 et 600 euros.

La durée du parcours au sein de l'école de la deuxième chance est flexible. Selon le rythme de chaque jeune, la sortie peut indifféremment intervenir au terme de six mois pour certains, de vingt-quatre mois pour d'autres. Le parcours-type est de dix mois mais, en pratique, sa durée moyenne avoisine sept mois.

L'alternance en entreprise, qui intervient dès les premières semaines d'entrée à l'école, est gérée de manière progressive afin d'éviter de déstabiliser les élèves ou les entreprises d'accueil. La confrontation directe avec le monde du travail constitue en effet un principe de réalité indispensable pour structurer le projet professionnel.

La période d'intégration du jeune dans l'école est déterminante. Dès son entrée, il est invité à réaliser un bilan pour faire émerger l'ensemble des compétences qu'il possède. Un travail est ensuite mené pour construire un ou plusieurs projets professionnels. L'individualisation des parcours se traduit par des enseignements délivrés en groupes réduits ; par ailleurs, chaque élève bénéficie d'un suivi individualisé assuré par un « référent » unique. Les formateurs sont des salariés sous contrat de droit privé dont la durée du travail est de trente-neuf heures par semaine et qui se caractérisent par leur polyvalence.

Les résultats obtenus justifient d'encourager fortement la généralisation des écoles de la deuxième chance.

C'est ainsi que l'école visitée par la mission sénatoriale à Marseille a accueilli plus de 410 stagiaires pour la seule année 2006, le nombre d'inscriptions n'ayant cessé d'augmenter depuis 2002. Au total, près de 2.500 jeunes adultes ont été stagiaires de l'école de la deuxième chance de Marseille depuis sa création. Plus de 1.700 entreprises, majoritairement très petites ou petites, sont partenaires de l'E2C. Localisées principalement à Marseille, elles embauchent et accueillent des stagiaires dans plus de cent métiers différents : l'éducation, la santé, l'action sociale, le commerce, les services et la construction sont les activités les plus représentées. Cette structure reflète une stratégie centrée sur l'accès à l'emploi puisque les principaux secteurs partenaires sont aussi ceux qui proposent le plus grand nombre d'emplois aux jeunes adultes sans qualification : hôtellerie restauration, commerce, grande distribution, bâtiment et travaux publics. On recense plus de 60 % de sorties « positives » et 66 % d'accès à l'emploi pour les 1.600 stagiaires sortis d'avril 1998 à fin 2006. Dans ces conditions, l'école a engagé la phase expérimentale d'extension de ses activités, dont l'objectif est le quadruplement de ses capacités d'accueil. En effet, sur les 4.500 jeunes qui quittent le système scolaire sans diplôme à Marseille, 1.500 jeunes par an environ relèvent du dispositif de l'E2C.

A ce jour, près de quarante écoles de la deuxième chance ont été créées en Europe. En France, quatorze écoles sont en activité, créées et soutenues par les conseils régionaux, les conseils généraux, les villes et communautés d'agglomération, les organismes consulaires. Certaines écoles disposent de plusieurs « sites, antennes ou opérateurs décentralisés », ce qui porte à près à trente le nombre d'établissements en opération. De nouveaux projets sont en cours de développement, au sein de la région Ile-de-France, en Bourgogne, en Auvergne, en Loire-Atlantique, en Guadeloupe et en Martinique.

La mission sénatoriale a conclu de ses investigations qu'une proportion significative des jeunes en échec scolaire pourrait trouver dans l'école de la deuxième chance un outil de réinsertion.

B. La taxe d'apprentissage

Les entreprises contribuent au financement de l'apprentissage au travers de la taxe d'apprentissage (TA), qui représente 0,50 % des salaires versés. A compter de 2006, pour chaque entreprise de 250 salariés ou plus, ce taux a été porté à 0,60 % si le nombre de jeunes de moins de vingt-six ans en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation est inférieur à un certain seuil, fixé à 1 % de l'effectif annuel moyen pour 2006. En outre, depuis 2005, une contribution au développement de l'apprentissage (CDA), destinée aux régions, se superpose à la taxe d'apprentissage. Les entreprises y sont soumises à un taux fixé à 0,06 % en 2005, à 0,12% en 2006, puis à 0,18 % à compter de 2007. Il convient d'ajouter que, parallèlement, plusieurs motifs d'exonération de la taxe d'apprentissage ont été supprimés.

La taxe d'apprentissage est scindée en deux parties :

- le « quota » (52 % de la TA), réservé au financement des CFA et des sections d'apprentissage. Dans cette enveloppe, 22 % de la TA sont désormais affectés à un Fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage (FNDMA) qui a pour mission, d'une part, d'assurer une péréquation interrégionale entre les CFA, d'autre part, de financer des contrats d'objectifs et de moyens (COM) avec les régions visant au développement de l'apprentissage. En 2005, vingt-trois COM ont été conclus. Le « quota » librement affecté par l'entreprise au CFA de son choix représente ainsi 30 % de la TA. Dans la limite de cette enveloppe, les entreprises qui accueillent des apprentis doivent cependant verser un concours financier minimal de 1.500 euros aux CFA chargés de leur formation ;

- le « barème », ou « hors quota » (48 % de la TA), affecté par les entreprises aux écoles assurant des premières formations technologiques et professionnelles suivant une répartition calibrée.

L'article 1 er de la loi du 16 juillet 1971 sur la participation des employeurs au financement des premières formations technologiques et professionnelles prévoit actuellement que les employeurs visés au 2 de l'article 224 du code général des impôts (qui identifie les employeurs assujettis à la TA) bénéficient d'une exonération totale ou partielle de celle-ci à raison des dépenses réellement exposées en vue de favoriser les premières formations technologiques et professionnelles. Ces premières formations sont celles qui, avant l'entrée dans la vie active, préparent les jeunes à un emploi d'ouvrier ou d'employé, spécialisé ou qualifié, de travailleur indépendant et d'aide familial, de technicien, technicien supérieur, d'ingénieur ou de cadre supérieur des entreprises des divers secteurs économiques. Ces premières formations sont dispensées, soit par un établissement d'enseignement à temps complet de manière continue, soit dans tout autre établissement fonctionnant en application de la loi n° 71-577 du 16 juillet 1971 relative à l'enseignement technologique ou de la loi n° 60-791 du 2 août 1960, relative à l'enseignement et à la formation professionnelle agricoles, soit dans les conditions prévues par la loi n° 71-576 du 16 juillet 1971 relative à l'apprentissage. Les écoles de la deuxième chance ne sont pas couvertes par cette énumération.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'article 42 septies du projet de loi insère dans l'article 1 er de la loi du 16 juillet 1971 un nouveau motif d'exonération, à raison des dépenses réellement exposées par l'entreprise pour la réalisation des parcours de formation personnalisés mis en oeuvre par les écoles de la deuxième chance. On a évoqué ci-dessus le contenu concret de ces parcours. Un décret en Conseil d'État définira les conditions d'application de cette mesure.

L'article 42 septies insère par ailleurs dans l'article 228 du code général des impôts, à l'instar de ce qui est actuellement prévu pour les exonérations à raison des dépenses en faveur des premières formations technologiques et professionnelles, une formule précisant que les exonérations ne sont applicables que dans les limites de la répartition, fixée par voie réglementaire, des dépenses en faveur des parcours de formation personnalisés mis en oeuvre par les écoles de la deuxième chance.

Enfin, l'article 42 septies supprime par cohérence, dans l'article L. 214-14 du code de l'éducation, régissant les écoles de la deuxième chance, une phrase prévoyant qu'un décret fixe les conditions dans lesquelles ces écoles peuvent percevoir les financements de la formation professionnelle ou les versements des entreprises pouvant donner lieu à exonération de la taxe d'apprentissage.

III. La position de votre commission spéciale

Au vu des appréciations très positives portées sur les écoles de la deuxième chance par la récente mission commune d'information du Sénat sur la formation professionnelle, votre commission spéciale ne peut que souscrire aux propositions contenues dans l'article 42 septies pour consolider leur financement en leur ouvrant de plein droit l'accès aux ressources de la taxe d'apprentissage.

Elle observe par ailleurs que l'Etablissement public d'insertion de la Défense (EPIDE), qui gère des centres « défense deuxième chance », est doté de missions fort comparables à celles des écoles de la deuxième chance. En effet, cet établissement public de l'Etat, dont le régime juridique est fixé par les articles L. 3414-1 à L. 3414-8 du code de la défense, a pour objet l'insertion sociale et professionnelle des jeunes sans diplômes ou sans titres professionnels ou en voie de marginalisation sociale. A cette fin, il organise des formations dispensées dans des institutions et par un encadrement s'inspirant du modèle militaire, accueille et héberge des jeunes dans le cadre de ces formations. Il peut aussi développer des actions de coopération nationale ou internationale avec des collectivités publiques, des entreprises, des organismes publics ou privés de formation ou intéressés à ce type d'action.

A ce titre, l'EPIDE est autorisé par l'article L. 3414-5 du code de la défense à recevoir des versements donnant lieu à exonération de la taxe d'apprentissage au titre du 4° du II de l'article 1 er de la loi du 16 juillet 1971 sur la participation des employeurs au financement des premières formations technologiques et professionnelles.

La référence au 4° du II de cet article 1 er a pour effet de limiter pour l'EPIDE le bénéfice du hors quota de la taxe d'apprentissage au financement des dépenses afférentes à l'information et à l'orientation scolaire et professionnelle ainsi qu'à l'enseignement ménager.

La gamme des actions de l'EPIDE finançables par hors quota est donc des plus limitées, notablement plus limité que ce qui est envisagé en faveur des écoles de la deuxième chance, éligibles au financement de l'ensemble des premières formations technologiques et professionnelles.

C'est pourquoi votre commission a adopté un amendement alignant l'accès de l'EPIDE au hors quota sur le régime consenti aux écoles de la deuxième chance.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 42 octies (nouveau) - Rapport du Gouvernement au Parlement faisant le bilan de l'amélioration de l'attractivité de la place financière française

Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, prévoit que le Gouvernement présente au Parlement, d'ici le 31 décembre 2009, un rapport faisant le bilan de l'attractivité de la place financière française.

I. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur au nom de la commission des finances saisie pour avis, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à prévoir que le Gouvernement présente au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2009, un rapport :

- faisant le bilan de l'application des dispositions législatives destinées à améliorer l'attractivité de la place financière française , que le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance en application de l'article 42 du présent projet de loi ;

- identifiant les difficultés éventuelles liées à la cotation des petites et moyennes entreprises (PME), ainsi que les mesures qui permettraient d'y remédier.

A l'appui de son amendement, M. Nicolas Forissier a rappelé que NYSE Alternext, marché financier organisé dédié aux PME créé en mai 2005, ne pouvait pas encore rivaliser avec son homologue britannique AIM ( Alternative Investment Market ). Alternext accueillait en effet 137 sociétés fin mai 2008 (dont quatre émetteurs étrangers), et AIM près de 1.590 sociétés fin 2007 (représentant une capitalisation de près de 75 milliards d'euros), dont 283 émetteurs étrangers.

II. La position de votre commission spéciale

Bien qu'elle ne soit pas une fervente adepte des rapports demandés au Gouvernement, votre commission spéciale approuve cette proposition, qui permettra de disposer d'un état des lieux clair sur la réalité de l'attractivité de la place française, notamment d'Alternext, et sur les mesures qui pourraient encore être prises pour la renforcer. Cette nécessaire compétitivité appelle en effet une vigilance permanente, nombre de places internationales (en particulier New-York, Londres et Francfort) étant engagées dans une démarche analogue.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE V - DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

Ce titre était initialement constitué des seuls articles 43 et 44, respectivement consacrés à la création d'un recours portant sur le contentieux de l'autorisation et de l'exécution du droit de visite et de saisie afin de renforcer les droits de la défense, et à une habilitation du gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives nécessaires pour l'application de la loi outre-mer.

L'Assemblée nationale a complété ce titre par un nouvel article 45 destiné à prolonger le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché.

Article 43 - (articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales, article 64 du code des douanes) Amélioration des voies de recours contre les perquisitions fiscales

Commentaire : le présent article tire les conséquences d'une jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l'homme, tendant à invalider le droit de visite et de saisie en matière fiscale et douanière au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Il étend donc les facultés de recours effectif du contribuable -en appel et en cassation- et propose de légiférer par ordonnance pour réformer les autres procédures administratives analogues.

I. Le droit en vigueur

A. Le droit de visite et de saisie de l'administration fiscale et douanière

1. Le champ du droit de « perquisition » fiscale

L'administration fiscale dispose de pouvoirs de vérification et de contrôle étendus et graduels : examen de la situation fiscale personnelle, vérification de comptabilité, demande de justifications et d'éclaircissements, contrôle sur pièces et sur place, droit de communication de documents, droit d'enquête ou contrôle inopiné.

La procédure la plus intrusive est celle du droit de visite et de saisie domiciliaire , instituée par la loi de finances rectificative pour 1984 et susceptible d'intervenir en cas de présomption de fraude fiscale . Certaines caractéristiques juridiques et pratiques (cf. infra ) de cette procédure l'apparentent à une véritable perquisition plutôt qu'à une simple « visite », bien qu'elle n'en ait pas strictement la nature selon la jurisprudence de la Cour de cassation. Il s'agit là de l'outil le plus puissant dont dispose l'administration pour repérer et combattre la fraude fiscale.

Elle se distingue cependant de la procédure de flagrance fiscale , introduite par l'article 15 de la loi de finances rectificative pour 2007 et prévue par l'article L. 16 0A du livre des procédures fiscales. Celle-ci ne requiert pas d'autorisation judiciaire préalable , ouvre une possibilité de contrôle sans qu'aucune obligation déclarative ne soit échue, donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal et emporte des conséquences spécifiques.

Le droit de visite et de saisie est distinct selon les impôts. La procédure la plus connue, prévue par l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ne concerne que la recherche d'infractions aux impôts professionnels sur le revenu ou les bénéfices et à la TVA . Une procédure analogue est en revanche prévue par l'article L. 38 du même livre pour la recherche et la constatation des infractions sur les contributions indirectes et taxes diverses.

De même, l'article 64 du code des douanes prévoit une procédure pour la recherche et la constatation des délits visés aux articles 414 à 429 et 459 du même code, dont les modalités sont très proches de celles de la perquisition fiscale (cf. infra ), en particulier l'autorisation préalable par une ordonnance du juge des libertés et de la détention, susceptible du seul pourvoi en cassation, et l'assistance d'un officier de police judiciaire durant les opérations.

La procédure de visite et de saisie, qui se veut exceptionnelle, se traduit en moyenne par 240 opérations par an , donnant lieu à des centaines de millions d'euros de pénalités, et dans 20 % des cas à des poursuites pénales. Sa mise en oeuvre est réservée à une direction spécialisée (la direction nationale d'enquêtes fiscales) et des situations présentant un certain degré de gravité, et repose sur des présomptions de fraude dont l'article L. 16 B énumère précisément des manifestations :

- se livrer à des achats ou à des ventes sans facture ;

- utiliser ou en délivrer des factures ou documents ne se rapportant pas à des prestations réelles ;

- omettre sciemment de passer ou de faire passer des écritures, ou passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables.

2. Les conditions d'autorisation par le juge et les obligations incombant à l'administration fiscale

L'article L. 16 B prévoit un certain nombre de garanties destinées à assurer le respect des droits fondamentaux du contribuable. L'administration ne peut pas engager la procédure sans avoir préalablement saisi l'autorité judiciaire, qui autorise la visite si elle estime qu'il existe des présomptions de fraude . Selon une jurisprudence de la Cour de cassation, l'administration est tenue de produire à l'appui de la demande du juge tous les éléments d'information à charge et à décharge dont elle dispose, assurant a priori le respect du contradictoire en l'absence du contribuable.

Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. Le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation est fondée, contrôler la licéité des documents produits par l'administration et motiver sa décision par les éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée.

L'ordonnance doit comporter l'adresse des lieux à visiter, et le nom et la qualité du fonctionnaire habilité à procéder aux opérations de visite comme de l'officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations. Elle est notifiée verbalement sur place au moment de la visite. En l'absence de l'occupant des lieux ou de son représentant, l'ordonnance est notifiée après la visite par lettre recommandée avec accusé de réception. A défaut de réception, il est procédé à la signification de l'ordonnance.

L'ordonnance ne peut être contestée que par la voie d'un pourvoi en cassation non suspensif , ce qui illustre les restrictions apportées aux droits du contribuable. Le pourvoi ne doit tendre qu'à contester l'ordonnance elle-même, et plus particulièrement sa régularité (insuffisance de motivation ou absence de certaines mentions obligatoires par exemple), à l'exclusion de toute autre contestation.

3. L'encadrement de l'exécution des visites et saisies

La visite ne peut avoir lieu qu'entre 6 heures et 21 heures . Les opérations sont effectuées par les agents des impôts ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet, en présence d'un officier de police judiciaire (OPJ), ainsi que de l'occupant des lieux, de son représentant ou à défaut de deux témoins indépendants requis par l'OPJ. Seuls les lieux autorisés par le juge peuvent être visités.

L'OPJ désigné par le juge assiste aux opérations et informe le magistrat de leur déroulement. Il est le seul, avec l'agent des impôts, à prendre connaissance des documents avant leur saisie. Il est chargé de veiller au respect du secret professionnel et aux droits de la défense , l'article 58 du code de procédure pénale sur les communications et divulgations non autorisées étant applicable.

S'il l'estime utile, le juge peut se rendre dans les locaux pendant l'intervention et décider à tout moment la suspension ou l'arrêt de la visite.

Lorsque le juge a autorisé les fouilles dans le cadre des visites sans en préciser les modalités, seuls les actes courants d'investigation sont permis. En revanche, à la différence du contrôle inopiné, les agents de l'administration peuvent dresser l'inventaire des stocks de marchandises existantes. En cas de difficulté, le juge peut être à nouveau saisi par toute personne intéressée pour que soient précisées l'étendue et la nature des mesures autorisées.

Les interrogatoires ne sont pas autorisés . Il est toutefois possible de consigner les déclarations faites spontanément par les personnes titulaires des locaux visités. Les pièces et documents saisis doivent être restitués à l'occupant des lieux dans un délai de 6 mois à compter de la visite. La sanction du non-respect de ce délai de restitution n'est pas l'irrégularité des opérations, mais l'inopposabilité au contribuable des informations recueillies.

L'administration fiscale est tenue de solliciter du juge une nouvelle autorisation lorsqu'elle découvre, au cours des opérations autorisées, de nouveaux lieux où les preuves recherchées sont susceptibles d'être détenues. Cette autorisation supplémentaire est accordée par voie d'ordonnance, sauf pour les coffres en banque qui sont soumis à un régime particulier. Le juge n'a alors pas à se prononcer de nouveau sur les présomptions d'agissement frauduleux, mais l'ordonnance complémentaire doit viser la précédente de manière précise.

Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées doit être dressé sur le champ par les agents fiscaux habilités. Ce procès-verbal, et le cas échéant l'inventaire des pièces et documents saisis, sont signés par les agents des impôts, l'OPJ et l'occupant des lieux (ou son représentant ou les deux témoins). Si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés.

4. La contestation de la régularité des opérations

Le contentieux de l'exécution, distinct du contentieux de l'autorisation, ne concerne que les seules contestations relatives à la régularité des opérations au regard de l'ordonnance les ayant autorisées. A cet égard, la jurisprudence de la Cour de cassation conduit à envisager deux voies de recours .

Le juge judiciaire qui a autorisé la visite domiciliaire est compétent pour contrôler l'exécution de celle-ci, mais sa mission prend fin avec les opérations et il ne peut être saisi, a posteriori , d'une éventuelle irrégularité sur ces opérations. Une telle contestation relève du juge de l'impôt, soit le juge administratif compétent pour le contentieux relatif au redressement fiscal (engagé sur le fondement des documents saisis), ou du juge pénal, en cas de poursuites correctionnelles pour fraude fiscale.

B. La récente jurisprudence de la CEDH impose des aménagements urgents

1. Un arrêt plus sévère que la jurisprudence antérieure

Dans un récent arrêt du 21 février 2008 Ravon et autre c/ France , la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a fait droit aux demandes des requérants et considéré à l'unanimité que les modalités du système français de perquisition fiscale ne garantissaient pas le respect du droit au procès équitable , prévu par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Cet arrêt de principe tend à contredire la position de la chambre commerciale de la Cour de cassation, qui dans un arrêt Feingold du 9 février 1993 avait estimé que ce régime était conforme aux exigences de la Convention, et en particulier à son article 8 relatif au respect de la vie privée et familiale.

Dans son arrêt Keslassy c/ France du 8 janvier 2002 , la CEDH avait également considéré que l'encadrement de la procédure de visite et de saisie constituait certes une ingérence dans la vie privée, mais qu'eu égard aux garanties prévues par l'article L. 16 B précité, cette ingérence était proportionnée aux buts légitimes poursuivis et donc compatible avec l'article 8 de la CEDH . La jurisprudence née de l'arrêt du 21 février 2008 a donc constitué une forme de « surprise » pour l'administration française.

2. Les éléments de procédure contestés par la CEDH

En matière de visite domiciliaire, l'article 6 § 1 de la Convention suppose que les personnes concernées aient de jure et de facto accès à un contrôle juridictionnel effectif de la régularité de la décision autorisant ou prescrivant la visite et des opérations réalisées sur son fondement. En l'espèce et sur le fond, la CEDH a contesté le caractère effectif de deux caractéristiques de la procédure, telles que prévues par la loi et interprétées par la jurisprudence française, ayant trait aux voies de recours concernant, respectivement, l'autorisation et la régularité de la visite :

- l'ordonnance autorisant les visites domiciliaires n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation . Or selon la CEDH, « la Cour de cassation, juge du droit, ne permet pas un examen des éléments de fait fondant les autorisations litigieuses » ;

- le contrôle juridictionnel de la régularité des mesures d'exécution prises sur le fondement de l'ordonnance n'est ni équitable ni suffisant et l'accès des personnes concernées au juge « apparaît plus théorique qu'effectif » .

La CEDH relève que, ainsi que « cela ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation, les agents qui procèdent à la visite n'ont pas l'obligation légale de faire connaître aux intéressés leur droit de soumettre toute difficulté au juge, lequel n'est tenu de mentionner dans l'ordonnance d'autorisation ni la possibilité ni les modalités de sa saisine en vue de la suspension ou de l'arrêt de la visite » . La présence des intéressés n'est pas requise puisqu'il suffit que deux témoins tiers soient présents, et la loi ne prévoit pas la possibilité pour ceux-ci de faire appel à un avocat ou d'avoir des contacts avec l'extérieur. En outre, à tout le moins dans le cas d'espèce, les coordonnées du juge compétent ne figuraient pas sur les ordonnances d'autorisation et n'ont pas été fournies aux requérants par les agents qui ont procédé aux visites.

La Cour constate également qu'en raison d'un revirement de la jurisprudence de la Cour de cassation (arrêt Bec Frères du 30 novembre 1999, précité), les contribuables sont privés d'un recours effectif en l'absence de redressement consécutif à la visite : les intéressés n'ont plus la faculté de saisir le juge qui a autorisé les opérations après l'achèvement de celles-ci, et le juge de l'impôt ne peut être saisi faute de redressement.

Ces vices de procédure ont dès lors conduit la CEDH à juger que le système français de perquisition administrative ne garantissait pas le recours effectif à un tribunal indépendant, dans le cas d'une absence de contrôle ou de rehaussement d'imposition, et sans invalider le principe ni les autres modalités de la procédure.

II. Le dispositif initialement proposé

Le présent article modifie les articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales et l'article 64 du code des douanes, précités, pour renforcer les garanties effectives de recours juridictionnel du contribuable, en conformité avec les exigences de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, que le droit de visite et de saisie soit ou non suivi d'une procédure de contrôle ou de rehaussement .

Il est donc proposé d'introduire une double voie de recours, afférente aux contentieux de l'autorisation et de l'exécution de la perquisition, consistant en un appel (non suspensif) puis un pourvoi en cassation , dans un délai de 15 jours et selon les règles prévues par le code de procédure civile.

Ces nouvelles dispositions s'appliquent aux trois procédures de visite et de saisie, soit celles afférentes aux impôts directs et à la TVA ( I ), aux impôts indirects et autres taxes ( II ) et aux infractions douanières ( III ). Les IV et V prévoient des dispositions transitoires de portée majeure, puisque susceptibles de remettre en cause des décisions en cassation, dans un objectif de meilleure effectivité des voies de recours .

En outre, le VI du présent article tend à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance , dans un délai de 8 mois, les mesures législatives permettant de réformer dans le même esprit les autres procédures administratives de visite et de saisie.

A. Une réforme importante des voies de recours contre les mesures d'autorisation et d'exécution

1. Le recours contre la décision d'autorisation de la perquisition

S'agissant de la procédure de visite et de saisie de l'article relative aux impôts sur le bénéfice et le revenu et à la TVA, le 1° du I modifie le II de l'article L. 16 B, précité, afin de permettre au contribuable de former un recours en appel contre l'ordonnance autorisant la visite domiciliaire , auprès du premier président de la cour d'appel compétente. Les précisions suivantes sont ainsi apportées :

- l'ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute ( a ), soit dès la production de la copie de l'ordonnance du juge délivrée par le greffe du tribunal de grande instance saisi, ce qui constitue une mesure de simplification. A défaut de réception, il est procédé à la signification de l'ordonnance par acte d'huissier de justice (deuxième alinéa du b ) ;

- la mention selon laquelle « l'ordonnance n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation » non suspensif est désormais supprimée et remplacée par une procédure « classique » en deux étapes : appel devant le premier président de la cour d'appel, sans que les parties soient tenues d'avoir recours à un avoué (quatrième alinéa du b ), et possibilité de pourvoi en cassation contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel, dans un délai de 15 jours (septième alinéa du b ). Le délai comme la voie de recours doivent être mentionnés dans l'ordonnance. L'appel auprès d'un juge distinct de celui des libertés et de la détention offre des garanties d'impartialité et respecte pleinement les exigences de la CEDH ;

- suivant les règles du code de procédure civile, l'appel doit être formé par déclaration au greffe dans un délai non suspensif de 15 jours, qui court à compter de la remise, de la réception ou de la signification de l'ordonnance (cinquième alinéa du b ).

Malgré l'intervention en première instance du juge des libertés et de la détention, ce choix de la procédure civile, plutôt que de la procédure pénale, s'impose car la Convention européenne des droits de l'homme comme la Cour de cassation -bien que la chambre criminelle soit compétente pour connaître ces pourvois- considèrent la fiscalité comme relevant de la matière civile. Un système analogue existe d'ailleurs pour le droit de rétention administrative, prévu par l'article L. 552-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- enfin le greffe du tribunal de grande instance doit transmettre sans délai le dossier de l'affaire au greffe de la cour d'appel où les parties peuvent le consulter (sixième alinéa du b ). Ces dispositions offrent bien des garanties réelles de respect des droits de la défense et d'information du contribuable.

2. Le recours contre les mesures d'exécution

Le 2° du I modifie le V de l'article L. 16 B précité et introduit une voie de recours effectif portant sur le déroulement des opérations de visite et de saisie , analogue à celle portant sur l'autorisation et formée devant le premier président de la cour d'appel. Le 2° prévoit ainsi les dispositions suivantes :

- une copie des originaux du procès-verbal de visite et de l'inventaire de saisie est adressée par lettre recommandée avec avis de réception à l'auteur présumé des agissements frauduleux ( a du 2°), permettant ainsi de renforcer son information et les droits de la défense . Dans le régime actuel, les originaux sont adressés au juge qui a autorisé la visite, et une copie est remise au seul occupant des lieux ou à son représentant, qui peuvent ne pas être la personne principalement concernée par la visite domiciliaire ;

- l'administration est alors déliée de l'obligation de secret professionnel , définie aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal et précisée par l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, afin de protéger ses agents de tout risque de poursuite par l'auteur présumé des faits incriminés ;

- un recours contre le déroulement des opérations est introduit ( b du 2°), selon les mêmes formes et garanties d'information que le recours contre l'autorisation des opérations : il est non suspensif et doit être formé, selon les règles du code de procédure civile, dans un délai de 15 jours par déclaration au greffe de la cour d'appel compétente, et les parties ne sont pas tenues de constituer avoué. Le procès-verbal et l'inventaire doivent mentionner le délai et la voie de recours ;

- l'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation selon les règles du code de procédure civile, dans un délai de 15 jours.

Ce système de recours à deux étages répond donc pleinement aux exigences de la CEDH et invalide la jurisprudence Bec Frères de la Cour de cassation (cf. supra ) qui confiait au juge administratif le contentieux de l'exécution. Le contribuable pourra former un recours dès l'achèvement des opérations de visite et de saisie, sans plus attendre les conclusions d'un éventuel contrôle consécutif.

3. Les dispositions analogues pour les autres perquisitions fiscales et douanières

Les II et III du présent article prévoient des solutions semblables pour réformer les voies de recours contre la décision d'autorisation et le déroulement des visites et saisies domiciliaires afférentes aux contributions indirectes et taxes diverses (prévues par l'article L. 38 du livre des procédures fiscales) et aux infractions douanières (prévues par l'article 64 du code des douanes).

Les dispositions des II et III sont identiques à celles du I (ordonnance exécutoire au seul vu de la minute, information de l'auteur présumé des infractions, modalités d'appel non suspensif selon les règles du code de procédure civile, pourvoi en cassation dans un délai de 15 jours), sous réserve d'adaptations rédactionnelles :

- le a) du 1° du II prévoit, pour le premier alinéa du 2 de l'article L. 38 précité, que c'est bien le juge des libertés et de la détention qui délivre l'ordonnance autorisant la visite et la saisie, et non le président du tribunal de grande instance ou un juge délégué par lui ;

- et le 1° du III fait référence, dans le 1 de l'article 64 du code des douanes, au ministre chargé des douanes plutôt qu'au directeur général des douanes et droits indirects.

B. La rétroactivité favorable des voies de recours malgré un éventuel rejet par le juge de cassation

1. Les cas d'application de la rétroactivité du recours

Le IV du présent article prévoit, de manière assez inédite, la rétroactivité intégrale des nouvelles règles de recours afférentes aux trois types de perquisitions, tant pour les affaires à venir que pour les visites et saisies déjà survenues, y compris si le juge de cassation a déjà rejeté le pourvoi formé contre l'ordonnance .

Le 1° du IV a trait à la procédure de l'article L. 16 B. Il dispose que pour les opérations de visite et de saisie dont le procès-verbal ou l'inventaire a été remis ou réceptionné avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l'ordonnance , « alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation » , ou un recours contre le déroulement des opérations peut être formé devant le premier président de la cour d'appel. Ce pourvoi ou recours peut être formé dans les 4 cas suivants, prévus par les a) à d) du 1° du VI , selon la survenance des différentes étapes de la procédure de contrôle ou de redressement :

- lorsque les opérations réalisées à compter du 1 er janvier de la troisième année qui précède l'entrée en vigueur de la présente loi , soit le 1 er janvier 2005, n'ont donné lieu à aucune procédure de contrôle fiscal visée aux articles L. 10 à L. 47 A du livre des procédures fiscales. Le délai de reprise de 3 ans étant expiré, aucun contrôle n'est susceptible d'intervenir. Ce faisant, un recours du contribuable et une possible mise en cause de l'administration viseraient à obtenir une satisfaction essentiellement morale ;

- en cas de contrôle mis en oeuvre à la suite d'une perquisition réalisée durant la même période de 3 ans, et s'étant conclu par une absence de proposition de rectification ou de notification d'imposition d'office ;

- lorsque le contrôle réalisé à la suite d'une perquisition n'a pas donné lieu à une mise en recouvrement ou, en l'absence d'imposition supplémentaire, à la réception soit de la réponse aux observations du contribuable, soit de la notification des éléments de calcul de l'imposition d'office, soit de la notification de l'avis rendu par la commission départementale ou nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Il s'agit donc essentiellement des affaires en cours d'instruction par l'administration fiscale ;

- enfin lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies ou des rectifications ne se traduisant pas par des impositions supplémentaires ont été effectuées, et qu'elles font ou sont encore susceptibles de faire l'objet, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, d'une réclamation ou d'un recours devant le juge . En revanche ni l'appel ni le recours ne sont ouverts lorsque la décision est passée en force de chose jugée. Lorsque le juge a été saisi et informé par le contribuable requérant ou l'administration fiscale, il doit surseoir à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel.

Le 2° du VI fixe le même principe d'appel (contre l'ordonnance) ou de recours (contre le déroulement de la visite), même lorsque l'ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à une décision de rejet du juge de cassation, pour les procédures de visite et de saisie prévues à l'article L. 38 du livre des procédures fiscales et à l'article 64 du code des douanes , précités, qui ont été réalisées dans les trois années qui précèdent la date de publication de la présente loi. Cet appel ou ce recours peut être formé devant le premier président de la cour d'appel dans les deux cas suivants :

- lorsque la procédure de visite et de saisie est restée sans suite ;

- ou lorsqu'elle a donné lieu à une notification d'infraction pour laquelle une transaction ou une décision de justice définitive n'est pas encore intervenue à la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

2. Les modalités d'information du contribuable

Le 3° du VI précise les modalités d'information des contribuables sur leurs nouveaux droits dans les cas précédemment mentionnés. L'administration informe les contribuables visés par l'ordonnance ou les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de 2 mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours. En l'absence d'information de la part de l'administration, cette condition de délai ne s'applique plus.

Ces deux voies contentieuses, exercées selon les nouvelles modalités décrites supra , sont exclusives de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement de la perquisition. Le juge administratif ne se prononcera donc plus en tant que juge de l'exécution.

Enfin le V du présent article dispose, de façon logique, que le nouveau régime des visites et saisies fiscales et douanières est applicable aux opérations pour lesquelles l'ordonnance d'autorisation a été notifiée ou signifiée à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

3. Une entorse relative et légitime à l'autorité de chose jugée

Ces dispositions sont de nature à renforcer les droits du contribuable , mais aussi à contrevenir au principe général du droit de l'autorité de la chose jugée , attachée en l'espèce aux décisions du juge de cassation. Mais dans la mesure où le contribuable se voit garantir un droit effectif au tribunal pour les affaires en cours, quel que soit le stade de la relation avec l'administration fiscale à la suite d'une perquisition réalisée depuis trois ans ou en cours, on est fondé à considérer que l'entorse faite aux décisions de rejet du juge de cassation sert en réalité l'intérêt général, une fin équivalente, l'accès au prétoire, et une norme de droit supérieure, l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Il convient également de rappeler que l'article 626-1 du code de procédure pénale permet de remettre en cause une décision pénale pourtant définitive rendue à l'encontre d'une personne reconnue coupable d'une infraction, lorsqu'il résulte d'un arrêt de la CEDH que la condamnation a été prononcée en violation des dispositions de la Convention précitée ou de ses protocoles additionnels.

C. La réforme de l'ensemble des procédures administratives de visite domiciliaire proposée par voie d'ordonnance

Le VI du présent article tend à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai de 8 mois à compter de la publication de la présente loi, afin de tirer toutes les conséquences de la nouvelle jurisprudence de la CEDH, qui appellent une révision globale de l'ensemble des procédures administratives de visite et de saisies domiciliaires , au-delà des seuls régimes douanier et fiscaux. Il s'agit également d'assurer la pérennité et l'efficacité des procédures en cours , initiées avant la publication de la présente loi.

Le caractère récent de l'arrêt Ravon de la CEDH, l'urgence des modifications qu'il induit, et la complexité du recensement comme des mesures d'adaptation des procédures potentiellement concernées justifient le recours à l'ordonnance. Selon les termes du VI , celle-ci porterait sur les mesures nécessaires pour :

« 1° Adapter, dans le sens d'un renforcement des droits de la défense, les législations conférant à l'autorité administrative un pouvoir de visite et de saisie ;

« 2° Rendre applicable les dispositions nouvelles à des procédures engagées antérieurement à la publication de l'ordonnance. »

Parmi les régimes qui devraient être concernés, deux ont trait au droit boursier et au droit de la concurrence et présentent donc une certaine importance pour le droit public économique :

- l'article L. 621-12 du code monétaire et financier relatif à la recherche des infractions au fonctionnement régulier et à l'information d'un marché réglementé . Le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter peut, sur demande motivée du secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers, autoriser les enquêteurs de l'Autorité à effectuer des visites en tous lieux ainsi qu'à procéder à la saisie de documents. Les modalités de la visite sont analogues à celles précédemment décrites pour les perquisitions fiscales, en particulier l'examen par le juge de la justification de la demande d'autorisation et le pourvoi non suspensif en cassation ;

- l'article L. 450-4 du code de commerce relatif aux enquêtes en matière d'entente et d'abus de position dominante , menées sous l'égide du Conseil de la concurrence et du ministre chargé de l'économie. Les enquêteurs ne peuvent ainsi procéder aux visites en tous lieux ainsi qu'à la saisie de documents « que dans le cadre d'enquêtes demandées par la Commission européenne, le ministre chargé de l'économie ou le rapporteur général du Conseil de la concurrence (...), sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter » .

On peut également mentionner le droit de visite et de saisie, prévu par l'article L. 232-19 du code du sport, dans le cadre des contrôles diligentés par l'Agence française de lutte contre le dopage, ou demandés à celle-ci par les fédérations sportives, en vue de la recherche et de la preuve d'infractions à la législation sur le dopage . Cette procédure fait actuellement l'objet d'une réforme par l'article 4 du projet de loi relatif à la lutte contre le trafic des produits dopants, examiné par le Sénat le 21 mai 2008.

III. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté quinze amendements , dont deux sous-amendés par le Gouvernement :

- trois amendements du Gouvernement tendant opportunément à renforcer l'information et les garanties du contribuable : l'ordonnance autorisant la visite et la saisie doit ainsi mentionner la faculté pour le contribuable de contacter le juge qui a autorisé la procédure et les coordonnées du greffe du juge des libertés et de la détention, et la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil de son choix. Afin de maintenir l'équilibre entre les droits du contribuable et la possibilité de rechercher et sanctionner la fraude, il est précisé que ces deux facultés ne doivent pas entraîner la suspension des opérations, ni de conséquence sur sa validité ;

- à l'initiative de notre collègue député Nicolas Forissier, rapporteur au nom de la commission des finances saisie pour avis, deux amendements, sous-amendés par le Gouvernement, précisant que l'appel du contribuable (sans représentation obligatoire) doit être formé par déclaration remise, adressée par pli recommandé ou, à compter du 1 er janvier 2009, adressée par voie électronique au greffe de la cour ;

-  avec l'avis favorable du Gouvernement, quatre amendements du même auteur, précisant en diverses occurrences que l'auteur de l'infraction est « présumé » tel ;

- enfin six amendements rédactionnels du même auteur, dont un précisant, dans la procédure de l'article L. 38 du livre des procédures fiscales, que les agents procédant aux opérations de visite et de saisie doivent être habilités par le ministre chargé des douanes, et non par l'administration des douanes et des droits indirects.

IV. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale considère que le présent article relève d'un équilibre délicat entre le respect de libertés individuelles constitutionnellement protégées et la nécessité de garantir l'efficacité des perquisitions fiscales et douanières, procédures indispensables pour constater des faits constitutifs de fraude fiscale et en rapporter la preuve.

L'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale suppose en effet de pouvoir ménager un « effet de surprise » à l'encontre du fraudeur présumé. La contestation parfois avancée et consistant à ne retenir que l'hypothèse d'une perquisition judiciaire sur saisine de l'administration fiscale est inopérante, compte tenu des délais qu'une telle procédure exige et de la possibilité dont dispose alors le fraudeur éventuel de dissimuler des commencements et éléments de preuve.

De même, le fait que le droit de « perquisition » de l'article L. 16 B précité ne repose que sur de simples « présomptions » , et de surcroît, ne portant pas nécessairement sur des infractions d'une particulière gravité, a pu être considéré comme attentatoire aux libertés publiques. Il importe cependant de souligner que ces présomptions sont encadrées , dans la mesure où elles n'émanent pas exclusivement de l'administration fiscale mais sont le fruit de la réflexion du juge, saisi par l'administration et sur le fondement des informations que celle-ci lui remet. La Cour de cassation a également eu l'occasion d'insister sur la motivation de l'ordonnance. Hors les cas de flagrance, la preuve d'actes délictueux repose nécessairement sur des présomptions d'infraction, dont une liste limitative est légalement prévue.

Dès lors, le droit de visite et de saisie ne doit pas être perçu comme une procédure ultime , survenant en dernière instance à l'issue de vérifications de comptabilité et contrôles fiscaux, mais comme un moyen parmi d'autres pour déceler la fraude, certes particulièrement intrusif mais que le juge a la faculté de suspendre à tout moment. Il répond à un objectif d'intérêt général et permet la saisie de documents non comptables (courriers, fausses factures, notes internes...) et à valeur potentiellement probatoire, qui n'entrent pas dans le champ de la procédure plus courante de vérification de comptabilité.

Ce droit de visite et de saisie de l'administration doit également être analysé à la lumière de la problématique de l'évasion dans des « paradis fiscaux » intra ou extra-européens, connue de longue date mais particulièrement mise en lumière par les récents cas de fraude réalisée par l'intermédiaire de fondations détenues au Liechtenstein. Une telle sensibilisation, y compris au sein de l'opinion publique, est de nature à atténuer la « douce négligence » dont font parfois preuve nos concitoyens à l'égard de la fraude fiscale. Ce rapprochement connaît cependant des limites, dès lors que la perquisition de l'article L. 16 B ne s'applique qu'aux revenus professionnels et n'est donc guère adaptée à la détection d'actifs non déclarés et délocalisés dans des paradis fiscaux.

A la question de savoir si les nouvelles dispositions permettent de remplir les exigences posées par la CEDH et l'article 6 § 1 de la Convention précitée, la réponse est incontestablement positive . Les nouvelles facultés de recours ouvertes au contribuable sont désormais conformes au droit commun, et excèdent même les exigences de la CEDH en ce que le recours au juge judiciaire est effectif, que la procédure de visite et de saisie soit ou non suivie d'un contrôle. Le vote de l'Assemblée nationale a également permis d'améliorer l'information du contribuable et partant, l'accès au tribunal.

Ce respect des droits de la défense et d'un droit effectif de recours est fondamental, car le droit de visite et de saisie, très détaillé dans ses modalités, prête logiquement le flanc à l'erreur humaine et aux vices de procédure . En outre l'absence, dans la majorité des cas, de constat de preuve de fraude pénalement répréhensible à l'issue des opérations implique, le cas échéant, que le contribuable dispose de garanties fortes d'accès au tribunal, a fortiori s'il est de bonne foi et entend légitimement obtenir une réparation morale.

Le caractère urgent de cette réforme est également patent, le nombre de contrôles fiscaux et douaniers potentiellement concernés par l'arrêt Ravon étant difficile à déterminer avec précision, mais estimé à environ 2.000. Il apparaît dès lors indispensable d'assurer la pérennité des procédures en cours.

Au total, votre commission spéciale estime que le présent dispositif, qui demeure exorbitant du droit commun et susceptible de porter préjudice, permet de garantir le respect de deux exigences constitutionnelles que l'on pourrait considérer comme difficilement conciliables : la liberté individuelle et les droits de la défense d'une part, la lutte contre la fraude fiscale attraite par la nécessité de l'impôt d'autre part, considérant que les premiers ne sauraient excuser la seconde. Rappelons également que la CEDH a jugé, dans son arrêt Keslassy c/ France du 8 janvier 2002, que l'éventuelle intrusion dans le domicile était justifiée et proportionnée aux buts poursuivis, et partant, conforme à l'article 8 de la Convention.

Dans ce cadre législatif que l'on peut désormais considérer comme stabilisé, il importe que les pratiques de l'administration fiscale et douanière respectent sa lettre comme son esprit, et par conséquent évitent une banalisation du droit de visite et de saisie , qui doit dans les faits être réservée aux cas de grande fraude, ainsi que s'en prévaut l'administration. A cet égard, certaines pratiques évoquées par les professionnels, telles que des ordonnances pré-rédigées par les services fiscaux ou le fait de soumettre au juge un volume important de documents quasiment impossible à examiner dans les délais requis, sont de nature à contrevenir au respect des droits du contribuable.

Votre commission spéciale vous propose cinq amendements rédactionnels et précisant, dans un souci de parallélisme des formes pour chacune des procédures concernées, que le pourvoi en cassation afférent au contentieux de l'autorisation de la « perquisition » doit s'effectuer « selon les règles prévues par le code de procédure civile » , à l'instar du contentieux de l'exécution.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 44 Habilitation à prendre par ordonnance les mesures d'adaptation et d'application outre-mer de la présente loi et de certaines législations préexistantes

Commentaire : cet article habilite le Gouvernement à prendre, par ordonnance, les mesures permettant d'appliquer ou d'adapter outre-mer les dispositions du présent projet de loi ainsi que certaines règles préexistantes relevant du domaine de la loi.

I. Le droit en vigueur

Si les départements et régions d'outre-mer sont soumis, en application de l'article 73 de la Constitution, au régime de l'assimilation législative, les collectivités d'outre-mer de l'article 74 de la Constitution sont, elles, soumises au principe de la spécialité législative.

Il est donc nécessaire, pour que les dispositions d'une loi s'appliquent aux collectivités soumises au principe de spécialité, que celle-ci précise expressément son application à leur égard.

En outre, lorsque les dispositions d'une loi sont rendues applicables outre-mer, les caractéristiques et les contraintes particulières qui s'exercent outre-mer peuvent conduire à certaines adaptations, également possibles dans certaines collectivités soumises à un régime d'assimilation législative.

II. Le dispositif initial du projet de loi

Afin de rendre applicables aux collectivités d'outre-mer les dispositions de la présente loi et, le cas échéant, de les y adapter, le présent article prévoit une habilitation du Gouvernement à intervenir par ordonnance.

Le de cet article prévoit qu'une ordonnance, qui devra être prise dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi :

- rendra applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions du projet de loi dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Compte tenu de la répartition des compétences entre l'Etat et ces territoires, cette application, le cas échéant adaptée, n'interviendra que pour les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat ;

- procédera aux adaptations nécessaires des dispositions de la loi en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, les statuts de ces collectivités d'outre-mer les placent en régime d'assimilation législative, tout comme les départements d'outre-mer.

Le prévoit une habilitation semblable concernant les ordonnances prises sur le fondement du présent projet de loi .

Plusieurs dispositions du projet de loi prévoient en effet le recours à des ordonnances, en particulier ses articles 5 ter , 18, 19, 23, 35 et 42.

Ces ordonnances, applicables de droit en France métropolitaine, dans les départements d'outre-mer et dans les collectivités d'outre-mer soumises à un régime d'assimilation, seront adaptées pour Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon et rendues applicables avec certaines adaptations à Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française par le biais de nouvelles ordonnances. Celles-ci devront être prises dans un délai de six mois à compter de la publication de l'ordonnance concernée.

Les et de cet article ne constituent pas, stricto sensu , des mesures d'adaptation ou d'application des dispositions de la présente loi ou des règles prises sur leur fondement.

Ils visent en effet à rendre applicables tout en les adaptant, ou à adapter seulement les règles relatives :

- aux informations sur le donneur d'ordre accompagnant les virements de fonds. Il s'agit, en particulier, des dispositions issues du règlement CE n° 1781/2006 du 15 novembre 2006 qui a pour objet d'assurer la traçabilité des virements de fonds en appliquant des exigences d'identification pour des donneurs d'ordre et de vérification pour les prestataires de services de paiement. Afin d'assurer une certaine cohérence en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, le Gouvernement souhaite doter les collectivités territoriales d'outre-mer du même corps de règles sur l'ensemble du territoire national ;

- aux sanctions financières non liées à la lutte contre le financement des activités terroristes, prononcées à l'encontre de certaines entités ou de certains États . L'objet de l'habilitation est de prévoir un corps de règles proche de celui de la métropole, sous réserve des quelques adaptations juridiques rendues nécessaires.

Ces différentes règles seraient ainsi rendues applicables, avec adaptations, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Pierre-et-Miquelon et dans les îles Wallis et Futuna.

Elles seraient applicables, dans les mêmes conditions qu'en métropole, dans les départements d'outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion), dans la collectivité de Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.

II. Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale souhaite que les mesures de modernisation prévues par le présent projet de loi puissent s'appliquer, moyennant les adaptations nécessaires, à l'ensemble des collectivités territoriales d'outre-mer . Les habilitations proposées constituent le moyen le plus efficace pour y parvenir.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 45 (nouveau) - (article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 et article 15 de la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006) Prolongation du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché

Commentaire : le présent article prolonge jusqu'au 1 er juillet 2010 la durée d'application du tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché, dont l'extinction progressive était prévue entre le 1 er juillet et le 31 décembre 2009.

I. Le droit en vigueur

A l'occasion de l'examen du projet de loi relatif au secteur de l'énergie, le législateur a créé un dispositif de « retour » à une forme de tarif réglementé , le tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TaRTAM), applicable aux consommateurs professionnels ayant exercé leur éligibilité. Cette faculté leur a été offerte pour répondre aux difficultés qu'ils rencontraient du fait de la très forte hausse des prix sur les marchés de l'électricité. A cet effet, ce droit de retour leur a été accordé pour une durée de deux ans non renouvelable.

Le bénéfice du TaRTAM était ouvert à tout consommateur final d'électricité ayant exercé son éligibilité et en ayant fait la demande à son fournisseur avant le 1 er juillet 2007. Ce tarif s'applique alors de plein droit aux contrats en cours à compter de la date à laquelle la demande est formulée. Il s'applique également aux contrats conclus postérieurement à cette demande écrite, y compris avec un autre fournisseur. Dans tous les cas, la durée de fourniture au niveau du TaRTAM était limitée à deux ans à compter de la date de la première demande d'accès à ce tarif.

La loi ayant précisé que le niveau du TaRTAM ne pouvait excéder de 25 % le niveau du tarif réglementé de vente hors taxes applicable à un site de consommation présentant les mêmes caractéristiques, l'arrêté du 3 janvier 2007 a fixé les taux de majoration dans une fourchette allant de 10 à 23 % par rapport aux « tarifs classiques ». Il en résulte un prix de vente de l'électricité se situant à mi-chemin entre les tarifs réglementés et les prix de marché.

Pour l'application de ce mécanisme, les fournisseurs qui alimentent leurs clients au niveau du TaRTAM et qui établissent qu'ils ne peuvent produire ou acquérir les quantités d'électricité correspondantes à un prix inférieur à la part correspondant à la fourniture de ces tarifs bénéficient d'une compensation couvrant la différence entre le coût de revient de leur production ou le prix auquel ils se fournissent et les recettes correspondant à la fourniture de ces tarifs. Cette compensation est financée par :

- une contribution, qui ne peut excéder 1,3 euro par mégawattheure (MWh), prélevée sur les producteurs d'électricité exploitant des installations d'une puissance installée totale de plus de 2 000 mégawatts (MW) et assise sur le volume de leur production d'électricité d'origine nucléaire et hydraulique au cours de l'année précédente ;

- la compensation des charges de service public de l'électricité (CSPE).

La durée de fourniture au TaRTAM ne pouvant excéder deux années, les premiers consommateurs ayant souscrit à ce mécanisme dès son entrée en vigueur, en janvier 2007, allaient se trouver prochainement confrontés à son extinction pour, sans décision de prolongation prise par le législateur, devoir se réalimenter sur les marchés libéralisés.

Conscient de cette difficulté, le Sénat avait ainsi prévu, dans le cadre de la loi du 7 décembre 2006, l'élaboration d'un rapport par le gouvernement, qui aurait dû être présenté au Parlement au cours de l'automne 2008, analysant les mécanismes de formation des prix sur le marché de l'électricité et dressant le bilan d'application du TaRTAM. Ce rapport se serait ainsi attaché à évaluer les effets de ce dispositif pour, éventuellement, envisager sa prolongation.

II. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Au vu de l'évolution des prix sur les marchés de l'électricité et sensibles aux difficultés tenant, moins de six mois avant son extinction programmée, à l'absence de visibilité pour les entreprises sur le renouvellement du TaRTAM, les députés ont adopté, avec l'avis favorable du gouvernement, un amendement tendant à prolonger son existence jusqu'au 1 er juillet 2010.

l Le I de cet article modifie l'article 30-1 de la loi du 9 août 2004 pour supprimer les dispositions précisant que la durée de fourniture au TaRTAM ne pouvait excéder deux ans à compter de la première demande du consommateur à en bénéficier. Il indique également qu'un site de consommation ne pourra plus être alimenté au niveau de ce tarif à compter du 1 er juillet 2010.

l En conséquence, le II repousse au 31 décembre 2009, dans l'article 15 de la loi du 7 décembre 2006, la date limite fixée au gouvernement pour présenter au Parlement son rapport d'application sur le TaRTAM.

III. La position de votre commission spéciale

Votre commission spéciale souscrit pleinement à cette initiative de l'Assemblée nationale , qui se justifie dans la mesure où les prix sur les marchés de l'électricité sont aujourd'hui supérieurs à leur niveau de l'année 2006. En effet, une sortie brutale de ce mécanisme aurait conduit les entreprises à se retrouver confrontées à des difficultés plus graves qu'en 2006.

Au demeurant, l'évolution du prix des hydrocarbures et la nécessité d'accroître la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre laissent à penser qu'un tel dérapage des prix de l'électricité sur les marchés est appelé à se poursuivre. Votre commission spéciale ne peut néanmoins s'empêcher de s'étonner du changement de position du gouvernement sur ce sujet qui, il y a moins de six mois, s'était opposé à une proposition de même nature faite par M. Jean Arthuis, soutenue par notre collègue Philippe Marini, à l'occasion de la discussion de la proposition de loi relative aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz.

Au-delà de cet étonnement, votre commission spéciale a adopté un amendement sur cet article afin de préciser qu'à compter de la promulgation de la loi de modernisation de l'économie, et ce jusqu'à l'extinction du TaRTAM le 1 er juillet 2010, le renoncement par un consommateur à cette formule tarifaire sera définitif .

Il s'agit, par cette proposition, d'interdire les aller-retour entre le TaRTAM et le prix de marché , selon que l'un ou l'autre est plus avantageux. Votre commission spéciale souligne également qu'elle entend poursuivre sa réflexion sur ce sujet d'ici à la discussion du projet de loi en séance publique afin d'envisager les modalités d'une harmonisation du système retenu par les députés à la faveur de cette prolongation sur celui qui avait été adopté en 2006.

Dans ces conditions, elle se demande s'il ne serait pas opportun de recréer une procédure de « guichet » entre la date de promulgation du texte et le 1 er janvier 2009, en vertu de laquelle les entreprises seraient tenues de demander le bénéfice du TaRTAM avant cette date, et de prévoir que la durée d'alimentation au niveau du TaRTAM ne pourrait alors excéder, à nouveau, deux années.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 45 - (article 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 et article L. 332-15 du code de l'urbanisme) Mise en cohérence du droit électrique et du droit de l'urbanisme pour le financement des extensions de réseaux électriques

Commentaire : cet article additionnel vise à harmoniser les terminologies utilisées dans le droit électrique et dans le droit de l'urbanisme afin d'éviter des difficultés de financement des opérations de construction individuelles et de lotissements.

I. Le droit en vigueur

L'article 18 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation du service public de l'électricité et le décret du 28 août 2007 ont défini avec précision les notions de « branchements sur les réseaux électriques existants » et d' « extensions des réseaux électriques » rendus nécessaires par de nouvelles constructions ou de nouveaux aménagements.

Tout en apportant une clarification indispensable, la rédaction de ces dispositions n'est toutefois pas entièrement en concordance avec les textes applicables en matière d'urbanisme, dont l'élaboration était antérieure . Cette divergence de rédaction est de nature à créer de réelles difficultés pour les lotisseurs et les promoteurs d'immeubles. Compte tenu de ces nouvelles définitions, certains des réseaux situés à l'intérieur des lotissements ou des constructions seront désormais qualifiés d'extension et, en conséquence, mis à la charge de la commune. Les communes, qui ne peuvent répercuter légalement cette charge sur le constructeur ou sur l'aménageur, seront alors tenues de refuser les permis de construire ou les permis d'aménager.

II. La position de votre commission spéciale

Afin de lever cette difficulté, qui pourrait s'avérer préjudiciable pour nombre d'opérations de construction, il est proposé, par un amendement portant article additionnel après l'article 45, d'unifier les dispositions de l'article 18 de la loi du 10 février 2000 (paragraphe I) et de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme (paragraphe II).

Les définitions des branchements et des extensions de réseau figurant dans le code de l'urbanisme pourront ainsi être rendues identiques à celles retenues par la législation sur l'électricité. Par ailleurs, ces dispositions précisent, dans les deux législations, que les réseaux situés sur le terrain d'assiette de l'opération d'aménagement ou de construction seront toujours à la charge des aménageurs ou des constructeurs , qu'ils soient qualifiés de branchement ou d'extension.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel après l'article 45 - (articles L. 114-12 et L. 114-13 du code de la mutualité) Modalités de vote des délégués à l'assemblée générale d'un organisme mutualiste

La lecture combinée des articles L. 114-12 et L. 114-13 du code de la mutualité donne lieu à des difficultés d'interprétation en ce qui concerne les modalités de vote des délégués à l'assemblée générale d'un organisme mutualiste.

L'article L. 114-12 du code prévoit expressément que les membres des assemblées générales de tout organisme mutualiste (mutuelle, union ou fédération) participant au vote des résolutions sont les membres présents, représentés ou ayant fait usage de la faculté de vote par correspondance lorsque celle-ci est prévue par les statuts.

De son côté, l'article L. 114-13 du code généralise le droit pour les membres autres que les délégués de voter par procuration ou par correspondance, ce qui sous-tend que, pour ces membres, les statuts ne peuvent interdire ces modalités de vote.

Selon certaines interprétations, la procuration serait interdite aux délégués , notamment aux motifs que les délégués sont désignés pour assister aux assemblées générales. Or, une interprétation aussi restrictive ne se justifie pas au regard de la liberté qui doit être laissée aux groupements mutualistes d'organiser au travers de leurs statuts leur vie organique.

Il est proposé en conséquence de modifier les dispositions de l'article L. 114-12 et de l'article L. 114-13 du code de la mutualité afin de prévoir de manière plus explicite que les délégués composant l'assemblée générale d'une mutuelle, union ou fédération, sont autorisés à voter par procuration si les statuts le prévoient.

Tel est l'objet de cet amendement .

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel après l'article 45 - (article L. 114-23 du code de la mutualité) Cumul des mandats d'administrateur
d'organismes mutualistes

Commentaire : cet article additionnel, proposé par votre commission spéciale, tend à exclure du champ des limitations du cumul des mandats d'administrateur ceux détenus par une personne physique dans les organismes mutualistes faisant partie d'un ensemble soumis à l'obligation d'établir des comptes consolidés ou combinés.

La transposition des directives « assurance » dans le code de la mutualité s'est notamment traduite, pour les mutuelles, par la nécessité de respecter le principe de spécialité, ce qui a conduit à la création de nouveaux organismes spécialisés, et à la constitution de groupes mutualistes conformes à la nouvelle réglementation.

Or, les mutuelles étant des groupements de personnes, les liens qui les unissent ne résultent pas de la propriété du capital mais des rapports entre leurs dirigeants. De ce fait, les règles de cumul de mandats revêtent une importance particulière puisque c'est par ce biais que se constituent les groupes mutualistes.

En s'inspirant d'un mécanisme admis pour les sociétés d'assurance mutuelle par l'article  R. 322-55-5 du code des assurances, votre commission spéciale estime souhaitable d'aménager les règles de cumul prévues par le code de la mutualité afin de faciliter l'émergence de groupes cohérents au sein de la Mutualité.

Il est ainsi proposé de poser une exception au principe de limitation du cumul des mandats, en excluant du champ des limitations les mandats d'administrateur détenus par une personne physique dans les organismes mutualistes faisant partie d'un ensemble soumis à l'obligation d'établir des comptes consolidés ou combinés.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel après l'article 45 Unions mutualistes de groupe

Commentaire : cet article additionnel propose d'insérer dans le code de la mutualité des dispositions permettant aux sociétés mutuelles de se regrouper au sein d'unions mutualistes de groupe, sur le modèle du cadre relatif aux sociétés de groupe d'assurances mutuelles (SGAM) figurant dans le code des assurances.

Le code des assurances comporte des dispositions permettant la création de sociétés de groupe d'assurances mutuelles (SGAM), qui sont un véritable outil de structuration des groupes d'assurance pouvant pratiquer des opérations d'assurance ou de réassurance. Ces SGAM ont notamment pour vocation d'organiser au sein d'un groupe leurs différentes activités d'assurance, notamment dans la perspective de l'adoption de la directive européenne dite « Solvabilité II ».

Or, dans l'état actuel du droit mutualiste, les mutuelles ne disposent pas d'une structure régie par le code de la mutualité leur permettant d'organiser un groupe mutualiste , alors que le mouvement de concentration du tissu mutualiste a accru l'importance des outils de structuration des groupes constitués autour des mutuelles.

Certes, depuis la transposition des directives assurance dans le code de la mutualité, les groupes mutualistes se sont concentrés et restructurés, et ils intègrent désormais des structures spécialisées dont la forme n'est pas mutualiste (groupement d'intérêt économiques, coopératives, associations, etc.). Cependant, la transformation des unions de regroupement de moyens qui existent actuellement en groupement d'intérêt économique n'est pas une solution satisfaisante , une structure mutualiste ne pouvant affecter son reliquat d'actifs après dissolution qu'à une autre structure mutualiste ou au Fonds national de solidarité et d'action mutualistes (FNSAM).

C'est la raison pour laquelle il est proposé de créer dans le code de la mutualité un outil spécialisé de structuration des groupes mutualistes, sur le modèle des dispositions relatives aux SGAM.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

Article additionnel après l'article 45 - (sections III, IV et V du chapitre III du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales ; article 73 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 ; article 1609 nonies D du code général des impôts) Réforme des taxes communales sur la publicité

Commentaire : cet article vise à réformer les trois taxes communales sur la publicité.

Il propose de fusionner les actuelles taxes communales sur les affiches et sur les emplacements dans une taxe unique sur les emplacements, aux tarifs simplifiés et modernisés. Cette taxe serait d'instauration automatique, sauf délibération contraire de la commune ou de l'EPCI concerné. L'ensemble de l'affichage temporaire serait taxé, quel que soit le type de support, selon un tarif de droit commun de 15 euros par m², porté à 20 euros par m² pour les communes de plus de 70.000 habitants, et à 30 euros par m² pour les communes de plus de 250.000 habitants. Les communes de moins de 70.000 habitants situées dans un EPCI de plus de 70.000 habitants et les communes de plus de 70.000 habitants situées dans un EPCI de plus de 250.000 habitants auraient la possibilité de porter cette taxe à, respectivement, 20 et 30 euros par m². L'assiette de la nouvelle taxe sur les emplacements serait étendue aux enseignes de plus de 7 m² (qui constitueraient le principal facteur d'augmentation du produit de la taxe), au mobilier urbain et aux préenseignes dites « dérogatoires ».

Les collectivités territoriales auraient en outre la possibilité d'instaurer une taxe spéciale sur la publicité dans les transports. L'actuelle taxe sur les véhicules publicitaires serait supprimée.

I. Le droit en vigueur

A. Les trois taxes communales sur la publicité

Il existe trois taxes communales sur la publicité :

- une taxe sur les affiches (TSA) dont l'intitulé complet est « taxe sur la publicité frappant les affiches, réclames et enseignes lumineuses », instaurée en 1950 et parfois dénommée « taxe sur la publicité » ;

- une taxe sur les véhicules publicitaires, instituée en 1979 ;

- une taxe sur les emplacements publicitaires fixes (TSE), instaurée en 1981 et présentant, pour les communes, l'intérêt d'être d'application plus facile que la taxe sur les affiches, mais l'inconvénient d'être d'un rendement moins élevé.

Ces trois taxes sont facultatives.

La taxe sur les affiches et la taxe sur les emplacements fixes concernent en pratique à peu près les mêmes supports, et sont exclusives l'une de l'autre.

Le tableau ci-après indique les principales caractéristiques de chaque taxe.

Taxe sur les affiches

Taxe sur les véhicules

Taxe sur les emplacements fixes

Instauration

Article 3 de la loi n° 50-939 du 8 août 1950

Articles 14 et 40 de la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes

Article 55 de la loi de finances pour 1981

Redevable

Ceux dans l'intérêt desquels l'affiche a été apposée

Propriétaire du véhicule

Exploitant de l'emplacement

Exclusivité

Institution exclusive de l'application de la taxe sur les emplacements fixes

Pas de règle d'exclusivité

Institution exclusive de celle de la taxe sur les affiches, ainsi que de la perception, au titre de cet emplacement, de tout droit de voirie ou de redevance d'occupation du domaine public

Fixation initiale des tarifs (montants apparaissant dans le CGCT)

1984 puis 2007 (article 116 de la loi de finances rectificative pour 2006)

Même montant que celui de la « vignette » automobile

1984

Indexation des tarifs

Remarque : les tarifs résultant de l'indexation ne sont pas intégrés au CGCT, mais publiés dans des circulaires du ministère de l'intérieur.

De 1984 à 2006 : indexation sur la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu (soit sur l'inflation)

A partir de 2008 : indexation sur la DGF

-

Indexation sur la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu (soit sur l'inflation)

Recouvrement

Services municipaux

Services municipaux

Services municipaux

Sources : code général des collectivités territoriales, direction générale des collectivités locales.

1. La taxe la plus rentable pour les communes, mais la plus complexe à mettre en oeuvre : la taxe sur les affiches (TSA)

La taxe la plus intéressante pour les communes, mais la plus complexe à mettre en oeuvre, est la taxe sur les affiches.

a) Des tarifs très complexes

Le tableau ci-après, extrait d'une circulaire du ministère de l'intérieur, indique les tarifs de la taxe sur les affiches en 2008. Sa lecture est pour le moins complexe.

Les tarifs de la taxe sur les affiches (2008)

(en euros par m²)

NATURE DES AFFICHES

TARIFS

APPLICABLES

EN 2007

TARIFS APPLICABLES

EN 2008

Ville de

- 30 000 hab.

Ville de

+ 30 000 hab.

Ville de

- 30 000 hab.

Ville de

+ 30 000 hab.

1 ère catégorie

• Affiches sur papier ordinaire, imprimées ou manuscrites.

Par m² ou fraction de m²

0,8 euro

0,8 euro

0,8 euro

0,8 euro

2 ème catégorie

• Affiches ayant subi une préparation quelconque en vue d'en assurer la durée, soit que le papier ait été transformé ou préparé, soit qu'elles se trouvent protégées par un verre, un vernis ou une substance quelconque, soit qu'antérieurement à leur apposition, on les ait collées sur une toile, plaque de métal, etc.

• Affiches sur papier ordinaire, imprimées ou manuscrites, qui sont apposées soit dans un lieu couvert public, soit dans une voiture servant au transport du public.

3 fois le tarif

des affiches

de 1 ère catégorie

2 fois le tarif

des affiches

de 1 ère catégorie

2,4 euros

1,6 euro

2,4 euros

1,6 euro

2,4 euros

1,6 euro

2,4 euros

1,6 euro

3 ème catégorie

• Affiches peintes et généralement toutes les affiches, autres que celles sur papier, qui sont inscrites dans un lieu public, quand bien même ce ne serait ni sur un mur, ni sur une construction.

Par m² ou fraction de m² et par période quinquennale

3,2 euros

3,2 euros

3,3 euros

3,3 euros

Tarif automatiquement doublé pour la fraction

de la superficie excédant 50 m²

4 ème catégorie

• Affiches, réclames et enseignes lumineuses constituées par la réunion de lettres ou de signes installés spécialement sur une charpente ou sur un support quelconque pour rendre une annonce visible tant la nuit que le jour.

• Affiches sur papier, affiches peintes et enseignes éclairées la nuit au moyen d'un dispositif spécial.

• Ainsi que les affiches éclairées apposées sur les éléments de mobilier urbain.

Par m² ou fraction de m² par an

A la demande des assujettis par périodes mensuelles

3,2 euros

0,8 euro

6,4 euros

1,6 euro

3,3 euros

0,8 euro

6,6 euros

1,6 euro

Tarif automatiquement doublé pour la fraction

de la superficie excédant 50 m²

5 ème catégorie

• Affiches, réclames et enseignes lumineuses obtenues, soit au moyen de projections intermittentes ou successives sur un transparent ou sur un écran, soit au moyen de combinaison de points lumineux susceptibles de former successivement les différentes lettres de l'alphabet dans le même espace, soit au moyen de tout procédé analogue.

Par m² ou fraction de m² et par mois quel que soit le nombre des annonces

3,2 euros

4,8 euros

3,3 euros

4,9 euros

Tarif automatiquement doublé pour la fraction

de la superficie excédant 50 m²

Source : ministère de l'intérieur (actualisation des tarifs figurant dans le code général des collectivités territoriales).

Cette interprétation favorable aux communes a pris fin au début des années 2000, avec un arrêt du tribunal de grande instance de Nice, comme l'indique l'encadré ci-après.

La confirmation de la nature de « taxe sur les emplacements déguisée » de la taxe sur les affiches, dans le cas des affiches de 4 ème et 5 ème catégories

A la suite d'un recours de l'afficheur Decaux, une jurisprudence du début des années 2000 vide la taxe sur les affiches de l'essentiel de son intérêt, dans le cas des quatrième et cinquième catégories (correspondant aux affiches lumineuses), en les transformant de fait en une seconde taxe sur les emplacements.

L'interprétation de l'administration, de la direction générale des collectivités locales (DGCL) en particulier, était que chaque nouvelle affiche donnait lieu au paiement de la taxe, ce qui semblait logique pour une taxe sur les affiches.

Cependant, le tribunal de grande instance de Nice, saisi par l'afficheur Decaux, a estimé que la mention légale d'un tarif s'appliquant par année impliquait qu'un seul droit était dû chaque année.

En conséquence, le décret n° 2002-1550 du 24 décembre 2002 a inséré au dernier paragraphe de l'article D. 2331-21 du code général des collectivités territoriales une mention précisant que seules les modifications apportées aux affiches des catégories 1 à 3 (le cas échéant) entraînaient de nouvelles déclarations et donc nouveau paiement. En revanche, les affiches classées en 4ème et 5ème catégorie selon l'article L. 2333-7 du CGCT ne donnent plus lieu à déclaration, et donc à taxation, lors de chaque renouvellement.

Selon la DGCL, cette interprétation est contestable. En tout état de cause, elle n'est pas favorable aux communes.

b) Une faculté de majorer les tarifs qui rend les tarifs « bruts » peu significatifs

Le régime de la taxe sur les affiches est d'autant moins lisible que les conseils municipaux ont la faculté de doubler tous ces tarifs. Comme ils y recourent presque tous, dès lors qu'ils ont instauré la taxe sur les affiches, les tarifs figurant dans le tableau ci-avant doivent être multipliés par deux pour avoir une signification.

Par ailleurs, les conseils municipaux peuvent même, dans les communes de plus de 30.000 habitants :

- soit tripler ou quadrupler les tarifs pour les 4 ème et 5 ème catégories ;

- soit instituer, pour les affiches de 4 ème et 5 ème catégories, une échelle de tarifs variables selon les rues et allant du double au quadruple des tarifs prévus.

c) Une nomenclature obsolète

Il faut en outre souligner que la nomenclature de la taxe sur les affiches est obsolète.

Ainsi, elle ne mentionne pas le cas particulier des supports déroulants (qui peuvent comprendre jusqu'à 12 affiches) et les supports à lamelles (qui comprennent généralement 3 affiches), qui sont d'apparition récente. Selon les informations obtenues par votre rapporteur, certains afficheurs considèrent que ces supports relèvent de la 4 ème catégorie, et sont donc imposés pour seulement 1,6 euro par mètre carré et par mois, ce qui, compte tenu du « taux de rotation » élevé de leurs affiches, et donc de leur rentabilité, est paradoxal.

De même, les panneaux publicitaires numériques n'entrent dans aucune des catégories de la taxe sur les affiches.

2. La taxe sur les emplacements (TSE) : des tarifs plus simples, mais correspondant à une typologie différente

a) Présentation générale

Le régime de la taxe sur les emplacements est plus simple.

Cependant, la comparaison avec les tarifs de la taxe sur les affiches est délicate :

- tout d'abord, les tarifs de la taxe sur les emplacements sont définis en fonction du seul emplacement, quelle que soit la rotation des affiches ;

- ensuite, la nomenclature retenue n'est pas la même.

b) Les concessions d'affichage, le mobilier urbain et les enseignes sont explicitement exonérés de la taxe sur les emplacements

Deux types de supports sont explicitement exclus du champ de la taxe sur les emplacements. Dans le cas des concessions d'affichage et du mobilier urbain, l'article L. 2333-22 du code général des collectivités territoriales prévoit que sont exonérés de la taxe « les emplacements dépendant des concessions municipales d'affichage, ainsi que les abribus et autres éléments de mobilier urbain », et « les emplacements utilisés pour recevoir des plans, des informations ou des annonces dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ». Ces supports ne peuvent donc être soumis qu'à la taxe sur les affiches.

Dans le cas des enseignes, alors que l'article L. 2333-21 du code général des collectivités territoriales prévoit que la taxe sur les emplacements « est assise sur la superficie des emplacements publicitaires fixes visibles de toute voie ouverte à la circulation publique au sens du chapitre unique du titre VIII du livre V du code de l'environnement », l'article L. 581-3 du code de l'environnement, qui fait partie de ce chapitre, prévoit que les enseignes (apposées sur l'immeuble concerné) ne constituent pas des publicités, ce dont il découle qu'elles ne peuvent être soumises à la taxe sur les emplacements.

Il convient en outre de préciser que l'article L. 581-19 du code de l'environnement distingue deux types de préenseignes :

- celles soumises aux dispositions qui régissent la publicité (et sont donc soumises à la TSE), et concernent des panneaux de grande taille ;

- celles dérogeant à ces dispositions, soit en raison de leurs faibles dimensions, soit en raison de leurs fonctions, et qui ne sont donc pas soumises à la TSE.

La taxation des enseignes peut constituer un enjeu local important, dans la mesure où elle revient à taxer des commerçants. Il en découle une situation paradoxale :

- d'un côté, certaines communes déplorent cette limitation de la taxe sur les enseignes, qui les empêche d'imposer, en particulier, les enseignes de certaines grandes surfaces. Si en plus cette enseigne ne se situe pas sur le domaine public de la commune, celle-ci ne peut percevoir aucune redevance ;

- en sens inverse, certaines communes qui souhaiteraient recourir à la taxe sur les affiches instaurent la taxe sur les emplacements, pour ne pas se trouver obliger de taxer les enseignes et préenseignes.

c) L'impossibilité de percevoir un droit de voirie ou une redevance d'occupation du domaine public

Par ailleurs, l'article L. 2333-25 du code général des collectivités territoriales prévoit que « la perception de la taxe communale sur un emplacement publicitaire fixe exclut la perception par la commune, au titre de cet emplacement, de tout droit de voirie ou de redevance d'occupation du domaine public ».

3. Une tentative de comparaison des deux taxes

a) La taxe sur les affiches : une taxe 10 fois plus rentable environ que la taxe sur les emplacements, mais pas pour tous les types d'affiche

Afin de permettre une comparaison entre les tarifs des deux taxes, votre rapporteur s'est efforcé d'établir, à titre indicatif, une nomenclature commune. Cet exercice repose, par nature, sur certaines hypothèses, concernant la taxe sur les affiches. Ces hypothèses sont les suivantes : d'une part, les communes utilisent au maximum leur capacité de majorer leurs taux et, d'autre part, le taux de rotation des affiches est de 44 affiches par an.

Les résultats de cet exercice sont synthétisés par le graphique et le tableau de la page suivante.

Schématiquement, la situation est la suivante.

En combinant les nomenclatures des deux taxes, on arrive à la nomenclature ci-après, par ordre de « technicité » croissante :

1. affiches sur papier non éclairées « ordinaires » ;

2. affiches sur papier non éclairées « durables » ;

3. affiches sur papier non éclairées dans un lieu couvert ;

4. affiches non éclairées autres que celles sur papier ;

5. affiches non éclairées phosphorescentes ou fluorescentes ;

6. signes lumineux ;

7. affiches lumineuses ou éclairées « simples » (éclairées de l'extérieur pour la taxe sur les emplacements, dont le message n'apparaît pas par éléments successifs pour celle sur les affiches), ce qui inclut semble-t-il certains supports « modernes », comme les supports déroulants et les supports à lamelles ;

8. affiches lumineuses ou éclairées « perfectionnées » (éclairées par transparence pour la taxe sur les emplacements, dont le message apparaît par éléments successifs pour celle sur les affiches).

Pour les affiches non éclairées sur papier (catégories 1 à 3 de la nomenclature synthétique retenue ici pour permettre la comparaison entre les deux taxes), la taxe sur les affiches est de loin la plus rentable pour les communes.

En effet, alors que la taxe sur les emplacements ne rapporte alors que 13,7 euros par m², la taxe sur les affiches rapporte, selon le cas, entre 70 et 210 euros par m², si l'on suppose que les communes utilisent leur possibilité de doubler leurs tarifs (compris, selon le cas, entre 0,8 et 2,4 euros par m²), et que le support reçoit 44 affiches par an.

En revanche, si une affiche n'est ni éclairée, ni sur papier (4 ème catégorie de la nomenclature synthétique retenue ici pour permettre la comparaison), la taxe sur les emplacements devient la plus rentable. Cela provient d'un double phénomène :

- les tarifs de la taxe sur les emplacements sont à peu près multipliés par 3, passant de 13,8 euros par m² à 42,7 euros par m² ;

- surtout, comme la taxe sur les affiches est en réalité, à partir de la 3 ème catégorie (la 4 ème catégorie de la nomenclature synthétique utilisée ici pour permettre la comparaison), et de manière paradoxale, une taxe sur les emplacements, son rendement devient presque nul pour les affiches non éclairées autres que celles sur papier.

Les simples signes lumineux correspondent à une situation analogue.

En revanche, pour les affiches lumineuses ou éclairées, la taxe sur les affiches redevient la plus rentable pour les affiches de 5 ème catégorie (au sens de la taxe sur les affiches, soit la 8 ème au sens de la nomenclature synthétique utilisée ici pour permettre la comparaison), correspondant, à peu près, aux affiches éclairées dont le message apparaît par éléments successifs.

Au total, la taxe sur les affiches est bien la plus rentable.

b) La taxe sur les affiches permet la perception d'un droit de voirie ou d'une redevance d'occupation du domaine public

La taxe sur les affiches présente en outre l'avantage de ne pas être exclusive de la perception, pour l'emplacement concerné, d'un droit de voirie ou d'une redevance d'occupation du domaine public.

Le montant de ces recettes peut être considérable. Par exemple, dans le cas de la ville de Paris, en 2001 le montant total des redevances a été de 11 millions d'euros.

c) Le principal inconvénient de la taxe sur les affiches : sa complexité de mise en oeuvre

Si les communes recourent peu à la taxe sur les affiches, c'est à cause de la complexité de sa mise en oeuvre :

- ses tarifs sont, on l'a vu, d'une grande complexité ;

- sa nomenclature, qui date de 1950, est plus archaïque que celle de la taxe sur les emplacements, qui date de 1981 ;

- contrairement aux emplacements fixes, les affiches sont fréquemment renouvelées, ce qui oblige les communes à effectuer un suivi.

B. Le produit des taxes et les tarifs pratiqués

1. Le montant de taxes actuellement perçu ne peut être évalué avec précision, mais semble de l'ordre de 25 millions d'euros (hors enseignes)

De manière paradoxale, il n'est pas possible de connaître le montant de TSE ou de TSA effectivement perçu.

a) Un montant global de TSE et de TSA de l'ordre de 40 millions d'euros, selon le ministère de l'intérieur

Selon le ministère de l'intérieur, qui s'appuie sur les déclarations des communes, le produit global des deux taxes est de l'ordre de 40 millions d'euros par an, comme l'indique le graphique ci-après.

Les fluctuations apparentes observées en 2003, 2004 et 2005 proviennent de fortes variations du montant de TSA indiqué pour certaines grandes villes, ou du fait que leur montant de TSA n'est pas renseigné chaque année.

b) Un montant effectif de TSE et de TSA de l'ordre de 25 millions d'euros, selon les afficheurs (hors taxation des enseignes)

Selon les afficheurs, ces chiffres du ministère de l'intérieur seraient fortement surestimés.

Ainsi, selon l'Union de la publicité extérieure (UPE), qui consolide les données fournies par ses adhérents (essentiellement Avenir, Clear Channel et CBS Outdoor), et représente la quasi-totalité de l'affichage « grand format », le produit global de la TSE et de la TSA serait de l'ordre de 25 millions d'euros (hors enseignes), se répartissant entre :

- 22,65 millions d'euros pour l'affichage « grand format » (dont 21 millions d'euros pour l'UPE) ;

- environ 1,5 million d'euros pour le mobilier urbain, qui dispose d'une « niche » pour la TSE ;

- un montant de taxe également très faible pour l'affichage dans les transports, presque totalement exonéré.

Les afficheurs expliquent ces écarts par le fait :

- que de nombreuses communes confondraient comptablement la TSA et les redevances ou les droits de voirie ;

- que certaines communes pourraient déclarer le montant dû, qu'elles omettraient de recouvrer.

A cela s'ajoute le fait que les enseignes éclairées -et elles seules- sont taxées dans le cas des communes à la TSA, ce qui, pour les communes concernées, peut constituer une ressource appréciable. Ce produit n'est pas pris en compte par les afficheurs.

Les afficheurs « grand format » réunis au sein de l'UPE ont été à ce sujet catégoriques, indiquant à votre rapporteur qu'il n'y avait pas le moindre doute quant au fait que le produit de la TSE et de la TSA était bien de l'ordre de 22,65 millions d'euros pour l'affichage « grand format », et de l'ordre de 25 millions d'euros pour l'ensemble de la publicité extérieure, le ministère de l'intérieur surévaluant fortement le produit des deux taxes. Il va de soi que si ces estimations des afficheurs étaient erronées, les tarifs proposés par le présent amendement portant article additionnel pourraient devoir être modifiés en conséquence.

Les principaux afficheurs et leurs syndicats

Schématiquement, on peut décomposer ainsi le marché dit de la « publicité extérieure » :

- l'affichage « grand format » (les dispositifs « classiques ») a un chiffre d'affaires de l'ordre de 450 millions d'euros, réparti en quasi-totalité entre trois grands opérateurs, de taille équivalente : Avenir (filiale de JC Decaux), CBS Outdoor (ex-Giraudy) et Clear Channel (ex-Dauphin), qui sont les principaux adhérents de l'Union de la publicité extérieure (UPE), les « petits » afficheurs étant représentés par le Syndicat national de la publicité extérieure (SNPE) ;

- le mobilier urbain , dont le chiffre d'affaires est de l'ordre de 300 millions d'euros, et correspond en quasi-totalité à JC Decaux, qui n'appartient à aucun syndicat ;

- la publicité dans les transports , dont le chiffre d'affaires est de l'ordre de 300 millions d'euros, dont la moitié correspond à la société Métrobus , filiale de JC Decaux, et membre de l'UPE.

c) Les afficheurs paient chaque année au moins 5 millions d'euros de moins que ce qui résulterait de l'application des tarifs retenus par les communes

Si l'on applique les tarifs actuels des deux taxes aux superficies du parc transmises par l'UPE à votre rapporteur, on arrive à la conclusion que les afficheurs paient chaque année au moins 5 millions d'euros de moins que ce qui résulterait de l'application des tarifs retenus par les communes.

Selon les afficheurs, ce phénomène proviendrait de l'absence de recouvrement de la part de certaines communes.

2. Les tarifs pratiqués dans le cas de l'affichage « grand format »

Les trois principaux afficheurs « grand format » (Avenir, Clear Channel et CBS Outdoor) ont transmis à votre rapporteur, le 30 avril 2008, la superficie de leur parc et le produit des deux taxes pour une centaine de communes, sélectionnées par votre rapporteur.

Ces données permettent de calculer le produit par m² observé en 2007, et donc d'évaluer les transferts que susciterait une nouvelle tarification.

a) Les communes pratiquent une tarification moyenne généralement proche de 15 euros/m²/an

Sans entrer dans les détails de la tarification actuelle, rappelée ci-avant, on observe qu'une première série de communes (comme Toulouse) perçoivent de l'ordre de 15 euros par mètre carré et par an (il s'agit des communes à la TSA ayant surtout des affiches éclairées au tarif doublé et des communes à la TSE ayant surtout des affiches non éclairées).

b) Les communes de plus de 100.000 habitants à la TSA utilisant au maximum leur faculté de majoration des tarifs perçoivent autour de 35 euros/m²/an

Une deuxième série de communes (Paris, Lyon, Marseille, Nice...) perçoivent environ 35 euros par m² et par an : il s'agit exclusivement de communes à la TSA , généralement de plus de 100.000 habitants, dont les affiches éclairées, qui constituent l'essentiel de leur parc, ont vu leurs tarifs quadruplés pour atteindre 25,6 euros par m² et par an, le tarif moyen par affiche étant majoré par la présence d'affiches non éclairées, qui, paradoxalement, sont davantage taxés par la TSA (70,4 euros par m² et par an).

Par ailleurs, quelques dizaines de « petites » communes, toutes à la TSA , perçoivent nettement plus de 35 euros par m² et par an. Ainsi, certaines communes perçoivent environ 70 euros par m² et par an. Il s'agit de communes dont le parc est en totalité constitué d'affiches non éclairées. Sur les 75 communes à la TSA (sur un total d'environ 85) dont la superficie du parc a été transmise par les principaux afficheurs, 18 ont perçu en 2007 plus de 40 euros par m² et par an. On observe que ces communes sont de faible taille, ce qui est logique : plus la commune est petite, plus elle a un faible nombre d'affiches, et plus elle risque donc de se trouver avec la totalité de ses affiches éclairées ou non éclairées.

3. La taxation de la publicité extérieure repose en quasi-totalité sur l'affichage grand format

L'affichage grand format correspond aujourd'hui à la quasi totalité de la taxation de la publicité extérieure (22,65 millions d'euros sur environ 25 millions d'euros, selon l'UPE).

Cela vient du fait que :

- le mobilier urbain n'est taxé que dans le cas de la TSA, et bénéficie du fait que si une affiche de mobilier urbain est vendue à peu près le même prix qu'une affiche grand format, elle a une superficie beaucoup plus faible (2 m², contre 8 ou 12 m² pour l'affichage grand format), alors que le tarif de la TSA est défini par m² ;

- la publicité dans les transports n'est quasiment pas taxée : la publicité sur les véhicules n'est de fait pas taxée (la taxe existant actuellement n'a rapporté que 1.584 euros en 2006 selon la DGCL), et le code général des collectivités territoriales prévoit qu'est exonéré de TSA « l'affichage dans les locaux ou voitures de la SNCF, de la RATP, des transports régionaux ou locaux », de sorte qu'en pratique seuls sont soumis à la TSA les dispositifs situés le long des voies.

Ainsi, le taux d'imposition, exprimé en part du résultat d'exploitation, est de l'ordre de :

- 5 % dans le cas de l'affichage grand format ;

- 0,6 % dans celui du mobilier urbain ;

- environ 0 % dans celui de la publicité dans les transports.

4. Les incidences de la taxe sur les annonceurs et sur les loueurs d'emplacements

a) L'annonceur paie de fait une partie de la taxe

Juridiquement, la TSA et la TSE sont payées, respectivement, par l'annonceur (c'est-à-dire l'entreprise au profit de laquelle l'affiche est apposée) et par l'afficheur (c'est-à-dire l'entreprise d'affichage).

Cependant, cette différence est purement formelle. D'un point de vue économique, dans le cas de la TSE également, l'annonceur est mis à contribution.

Compte tenu de la situation globalement peu favorable de l'affichage grand format, qui comme cela est indiqué ci-après est en déclin structurel, il est cependant de plus en plus difficile aux afficheurs de reporter la charge de la taxe sur les annonceurs.

b) Les loyers versés aux bailleurs

Par ailleurs, les afficheurs versent des loyers aux propriétaires des emplacements sur lesquels se trouvent les supports. Ainsi, selon les données transmises par les afficheurs, les loyers versés seraient de l'ordre de 150 millions d'euros, soit environ un tiers du chiffre d'affaires de l'affichage grand format.

Le montant moyen des loyers serait de l'ordre de 1.000 euros par an, et concernerait environ 150.000 bailleurs, qui peuvent aussi bien être des personnes morales que des personnes physiques, résidant ou non dans la commune. Aucune étude spécifique n'a pu être menée en ce domaine, et votre rapporteur s'est borné à prendre note des indications transmises par les afficheurs.

C. Les initiatives récentes de votre commission des finances

1. La réévaluation des tarifs de la taxe sur les affiches et la demande d'un rapport au Gouvernement (loi de finances rectificative pour 2006)

a) Une réforme à la marge de la taxe sur les affiches

L'article 116 de la loi de finances rectificative pour 2006, inséré à l'initiative de votre commission des finances, apporte tout d'abord quelques modifications « à la marge » à la taxe sur les affiches.

Ces modifications consistent :

- à revaloriser d'environ 15 % en 2007 les tarifs (qui depuis 1984 n'avaient été revalorisés chaque année qu'en fonction de l'inflation) ;

- à indexer les tarifs sur la dotation globale de fonctionnement (DGF) (alors que jusqu'alors ils étaient indexés sur la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu, soit en pratique sur l'inflation) ;

- à abaisser le seuil de population à partir duquel les communes peuvent effectuer certaines majorations, ou instituer une échelle de tarifs variable selon les rues : ce seuil, jusqu'alors de 100.000 habitants, a été abaissé à 30.000 habitants.

Un amendement de votre commission des finances qui faisait suite
à trois amendements du groupe socialiste

L'amendement de votre commission des finances faisait suite à trois amendements du groupe socialiste, présentés dans un premier temps par notre collègue Marc Massion dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007, puis par notre ancien collègue Jean-Marie Bockel dans celui du projet de loi de finances rectificative pour 2006. Dans les deux cas, leurs auteurs avaient accepté de les retirer.

Un premier amendement (171-rect bis) :

- revalorisait les tarifs de la taxe sur les affiches de manière identique à celle proposée par votre commission des finances, soit un peu plus de 14 % (la version initiale de l'amendement proposait 40 %) ;

- indexait leur évolution sur l'inflation.

Un deuxième amendement (172 rect) accroissait les facultés des communes en matière de fixation des tarifs de la taxe sur les affiches :

- dans le cas des communes de moins de 100.000 habitants, il leur permettait non seulement de doubler tous les taux, mais aussi de les tripler et de les quadrupler ;

- dans le cas des communes de plus de 100.000 habitants, il leur permettait non seulement de les tripler ou de les quadrupler, mais aussi de les multiplier jusqu'à 6 fois.

Un troisième amendement (173) proposait de scinder les affiches de l'actuelle 4 ème catégorie, relative aux affiches lumineuses, en deux catégories :

- seules restaient dans la 4 ème catégorie les enseignes lumineuses utilisées par les commerçants ;

- une 6 ème catégorie aurait été créée, concernant les autres affiches lumineuses, en particulier celles apposées sur le mobilier urbain.

b) La demande d'un rapport au Gouvernement

L'article 116 de la loi de finances rectificative pour 2006 demandait en outre au Gouvernement de présenter, avant la fin septembre 2007, un rapport sur les perspectives de réforme des trois taxes sur la publicité (sur les affiches, sur les véhicules et sur les emplacements fixes).

2. L'adoption de dispositions obligeant à une réforme d'ampleur en 2008 (loi de finances rectificative pour 2007)

L'article 73 de la loi de finances rectificative pour 2007, adopté à l'unanimité à l'initiative de votre commission des finances, avec un avis défavorable du Gouvernement, prévoyait une réforme volontairement « maximaliste » des trois taxes communales sur la publicité.

On rappelle que cette réforme consistait essentiellement :

- tout en conservant une taxe sur les affiches et une taxe sur les emplacements, à simplifier, moderniser et harmoniser leurs régimes ;

- à supprimer la taxe sur les véhicules, dont le produit était évalué à seulement 1.584 euros en 2006 par la DGCL ;

- à proposer de nouveaux tarifs, harmonisés pour les deux taxes, et volontairement très élevés, cette harmonisation ayant pour effet principal de multiplier par près de 10 les tarifs maximaux de la taxe sur les emplacements.

Des tarifs maxima qui, malgré leur niveau très élevé,
n'avaient pas été fixés de façon arbitraire

Malgré leur niveau volontairement très élevé, les tarifs maxima prévus par l'article 73 de la loi de finances rectificative pour 2007 ( 100 euros/m²/an pour les affiches non éclairées, 150 euros/m²/an pour les affiches éclairées), n'ont pas été fixés de manière arbitraire, mais ont été conçus de manière à garantir :

- qu'aucune commune ne perde ;

- que les affiches éclairées soient 1,5 fois plus taxées que les affiches non éclairées, conformément à la logique de la taxe sur les emplacements.

Comme, actuellement, dans le cas de la TSA, dont les tarifs sont déjà les plus élevés, les affiches éclairées sont, paradoxalement, bien moins taxées que les affiches non éclairées, il en découlait une très forte augmentation des tarifs.

Le caractère excessif de l'augmentation qui en résultait montre donc l'incohérence de la tarification actuelle.

Comme votre rapporteur l'a indiqué lors du débat en séance publique, en tant que rapporteur général de votre commission des finances, le 18 décembre 2007, ces tarifs maxima n'avaient pas vocation à entrer en vigueur en tant que tels. Il s'agissait, en marquant une forte volonté de réforme du Parlement, exprimée par un vote à l'unanimité, de créer les conditions nécessaires à une négociation avec les représentants du secteur, l'objectif étant d'effectuer une « remise en ordre », c'est-à-dire une modernisation et une harmonisation des deux taxes.

Aussi, le II de l'article 73 de la loi de finances rectificative pour 2007 prévoyait que ses dispositions n'entraient en vigueur qu'en 2009.

Compte-rendu intégral des débats : séance du 18 décembre 2007 (extraits)

« M. Philippe Marini, rapporteur général. (...) Le secrétariat de la commission des finances, je l'en remercie particulièrement, s'est attelé à un travail important de réécriture et de rationalisation de tout ce dispositif. C'est ce que nous proposons aujourd'hui avec l'amendement n° 16.

Nous sommes bien conscients, monsieur le ministre, qu'il faudra négocier avec les professionnels. Cependant, nous négocierons à partir d'un cadre, et c'est ce cadre que vous propose la commission des finances.

Pour cette raison, l'amendement prévoit que la mise en oeuvre du dispositif n'interviendrait pas avant 2009.

C'est une réelle simplification administrative à laquelle nous souhaitons parvenir, tout en allant - nul ne peut nous le reprocher - dans le sens du rendement et de la bonne gestion des taxes locales.

(...)

Les tarifs qui figurent dans cet amendement peuvent, bien entendu, être discutés. Nous avons volontairement prévu un rendement élevé, mais là n'est pas l'essentiel.

Notre amendement vise à une remise en ordre.

(...)

Monsieur le ministre, bien entendu, ce n'est qu'une proposition, mais nous serions plus forts si elle était actée par un vote dès ce soir afin d'être véritablement le point de départ d'une utile concertation. En effet, nous avons déjà eu, d'année en année, des discussions sur ce thème, et différents amendements ont été présentés dans le passé, mais il n'en est jamais rien ressorti.

Il est vrai que le Gouvernement nous a transmis un rapport, tout à fait utile mais purement descriptif, qui comporte un grand nombre de pistes de solutions, sans en choisir aucune.

Si l'on en reste à une vision aussi désincarnée de la situation, rien ne changera, car, bien entendu, les professions concernées ont objectivement intérêt à rester dans le maquis actuel ; il faut donc la faire évoluer.

Par conséquent, monsieur le ministre, la commission souhaiterait que, d'une façon au moins symbolique, sa démarche - qui est une démarche initiale, bien entendu, tout pouvant être perfectionné - puisse être sanctionnée par un vote de la Haute Assemblée. »

II. Le dispositif proposé par votre commission spéciale

L'article 73 précité de la loi de finances rectificative pour 2007, adopté à l'unanimité, a permis à votre rapporteur d'engager, au début de l'année 2008, des discussions avec les afficheurs.

Votre rapporteur tient ici à souligner la grande coopération des afficheurs, qui lui ont transmis toutes les informations, parfois confidentielles, qu'il leur demandait. Cette coopération a permis de porter diverses améliorations au dispositif proposé fin 2007, et de déterminer le niveau optimal de tarification.

L'amendement proposé par votre commission spéciale présente les caractéristiques suivantes :

- fusion de la TSE et de la TSA dans une taxe unique, sur les emplacements ;

- taxation automatique - sauf délibération contraire du conseil communal - dans l'ensemble des communes (alors qu'actuellement la commune doit instaurer l'une des deux taxes pour la percevoir) ;

- possibilité de substitution des EPCI compétents en matière de voirie ou d'aménagement de zones d'activités commerciales à leurs communes membres pour la perception de la taxe ;

- tarif de droit commun de 15 euros/m², porté à 20 euros/m² dans les communes de plus de 70.000 habitants, et 30 euros/m² dans les communes de plus de 250.000 habitants ;

- possibilité de porter le tarif à 20 euros/m² dans le cas des communes de moins de 70.000 habitants appartenant à un EPCI de plus de 70.000 habitants, et à 30 euros/m² dans le cas des communes de plus de 70.000 habitants appartenant à un EPCI de plus de 250.000 habitants ;

- extension de la taxe, selon les tarifs de droit commun, au mobilier urbain et aux transports (sauf délibération contraire dans le cas du mobilier urbain, et en cas de délibération en ce sens dans le cas des transports), sauf pour les contrats en cours ;

- extension de la taxe aux préenseignes dérogatoires (soumises au droit commun) et aux enseignes (tarif spécifique, avec une franchise jusqu'à 7 m²).

A. Le contexte : la situation économique de la publicité extérieure

Contrairement à ce qui est parfois affirmé, la publicité extérieure n'est pas un secteur en crise.

1. La publicité extérieure n'est pas un secteur en crise

a) La part de la publicité extérieure dans le PIB est à peu près stable sur longue période

Sur longue période , le chiffre d'affaires de la publicité extérieure évolue à peu près comme le PIB. Ainsi, sa part dans le PIB n'a guère évolué depuis 1985.

Il n'est donc pas possible de parler d'une tendance structurelle au déclin du secteur, même si la tendance depuis 2000 est à la baisse.

b) Un secteur qui sur-réagit aux fluctuations du PIB

La publicité extérieure est, tout simplement, un secteur fortement cyclique, dont le chiffre d'affaires évolue en accentuant les fluctuations du PIB.

Le graphique ci-après, qui représente les mêmes données que le graphique précédent sous la forme d'un nuage de points, montre, schématiquement :

- que le chiffre d'affaires diminue si la croissance du PIB est inférieure à 1 % en volume ;

- qu'il se situe dans une « zone à risque » si la croissance du PIB est comprise entre 1 % et 2 % en volume ;

- qu'il augmente ensuite linéairement, pour atteindre environ 10 % pour une croissance du PIB de 4,5 % en volume.

Ainsi, si la part du chiffre d'affaires de la publicité extérieure dans le PIB a diminué depuis 2000, c'est parce que depuis cette date la croissance du PIB est faible, de moins de 2 % chaque année (sauf en 2004).

2. Le vrai enjeu : le déclin de l'affichage grand format

Le vrai enjeu semble donc être non un déclin global de la publicité extérieure, mais un déclin de l'affichage grand format.

Ainsi, en 1999 (première année pour laquelle cette décomposition est disponible), l'affichage grand format représentait 51 % du chiffre d'affaires de la publicité extérieure. En 2007, ce taux n'était plus que de 41 %.

L'affichage grand format doit en effet subir les conséquences de réglementations locales de plus en plus strictes, qui entraînent une diminution du nombre de dispositifs.

Il est donc vraisemblable que l'affichage grand format ait une tendance structurelle à la baisse de son chiffre d'affaires.

B. La réforme de la taxation de l'affichage « grand format »

1. Présentation générale

a) Fusionner les deux taxes dans une nouvelle TSE

Il est proposé de fusionner les deux taxes dans une taxe unique sur les emplacements.

En effet, aucune commune ne présentant de taux de rotation des affiches nettement supérieur à la moyenne de l'UPE, de 44 affiches par an, le maintien d'une taxe sur les affiches est une complexité inutile, qui dissuade certaines communes à la TSA de percevoir le produit de leur taxe (on a vu que ces sommes non perçues peuvent être évaluées à environ 5 millions d'euros).

b) Une taxation uniforme de l'ensemble des dispositifs « grand format » et des préenseignes

Le fait de taxer de manière uniforme l'ensemble constitué par les dispositifs « grand format » (éclairés ou non) et les préenseignes, contrairement au droit actuel, est justifié par plusieurs raisons :

- c'est la solution la plus simple, donc la plus susceptible d'être effectivement appliquée ;

- la tarification actuelle de la taxe sur les affiches, absurde, taxe davantage les affiches non éclairées que les affiches éclairées. Instaurer une progressivité « dans le bon sens » obligerait soit à accentuer la diminution des recettes des communes à la TSA ayant une forte proportion d'affiches non éclairées, soit à taxer davantage les affiches éclairées, et donc à se contraindre à une forte augmentation de la taxation ;

- la plupart des principaux afficheurs déclarent ne pas être en mesure de fournir un état fiable de leur parc, même pour une centaine de communes, qui distinguerait les affiches éclairées des affiches non éclairées, ce qui rendrait toute simulation impossible ;

- le prix de vente à l'annonceur d'un panneau, qu'il soit éclairé ou non, et « longue conservation » ou non, est analogue, quel que soit son type.

c) Distinguer trois tarifs, selon la taille de la commune ou de l'EPCI

Il semble inévitable de fixer, au sein de cette nouvelle taxe sur les emplacements, trois tarifs distincts :

- un tarif « de droit commun » ;

- un tarif majoré, réservé aux communes et aux EPCI de taille moyenne, et donc plus intéressants pour les afficheurs, le seuil pouvant être fixé à 70.000 habitants ;

- un tarif « super majoré », réservé aux communes et EPCI de grande taille, le seuil pouvant être fixé à 250.000 habitants.

Le seuil de 70.000 habitants proposé par votre commission spéciale

La proposition de permettre aux communes ou EPCI de plus de 70.000 habitants de majorer leur tarif se justifie par le fait que, selon les afficheurs, c'est autour de ce seuil de population que les communes deviennent suffisamment intéressantes pour les annonceurs pour supporter une tarification élevée. C'est pour cette raison que, dans le cas de la TSA, la possibilité de quadrupler les tarifs (au lieu de seulement les doubler) a été réservée, jusqu'en 2007, aux communes de plus de 100.000 habitants. Ce seuil a été rabaissé à 30.000 habitants par le premier amendement de votre commission des finances (adopté dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2006), mais un seuil intermédiaire de 70.000 habitants semble davantage adapté.

Votre rapporteur juge nécessaire de prévoir cette possibilité d'appliquer le tarif majoré non seulement dans le cas des communes de plus de 70.000 habitants, mais aussi dans celui des communes de moins de 70.000 habitants appartenant à un EPCI de plus de 70.000 habitants. En effet, bien que les communes que les afficheurs déclarent considérer comme les plus intéressantes soient celles ayant au moins une centaine de milliers d'habitants -sur lesquelles ils « ciblent » leurs réseaux de panneaux, correspondant environ à la moitié de leur chiffre d'affaires-, il peut arriver localement que la situation soit différente, et qu'une commune de moins de 70.000 habitants puisse appliquer le taux majoré sans faire disparaître l'affichage. Le critère de l'EPCI apparaît le plus approprié pour encadrer un tel mécanisme, et éviter des « dérapages » susceptibles de mettre en péril l'équilibre économique du secteur de l'affichage. Chacun sait au demeurant que le découpage communal n'a aucun rapport avec la valeur commerciale des emplacements, dès lors en particulier que la plupart des zones commerciales créées dans les trente dernières années se situent en périphérie d'agglomération, sur le territoire de communes souvent peu peuplées.

2. Des tarifs déterminés de manière à correspondre aux capacités contributrices des afficheurs

a) Comment « calibrer » la taxe ?

Pour déterminer les conséquences d'une augmentation de la taxe pour l'affichage grand format, il faut prendre en compte les faits suivants.

Tout d'abord, l es « trois grands » de l'affichage grand format ont un excédent d'exploitation de l'ordre de 15 millions d'euros par an, ce qui représente 3,5 % d'un chiffre d'affaires de l'ordre de 450 millions d'euros. Ce montant doit servir de point de comparaison à toute augmentation de la taxation de l'affichage grand format.

L'assiette et le taux d'imposition (TSE et TSA) des différentes composantes de la publicité extérieure (2007)

(en millions d'euros)

Taxation 2007 (TSE et TSA)

Résultat d'exploitation 2006

Chiffre d'affaires publicitaire (1)

En millions d'euros (3)

En % du CA publicitaire

En millions d'euros (2)

En % du CA publicitaire

Affichage grand format

460

22,65

4,9

Avenir

Env.150 (4)

ND

ND

7,8

Env. 5,0

CBS Outdoor

Env. 150 (4)

ND

ND

7,7

Env. 5,0

Clear Channel

Env. 150 (4)

ND

ND

-0,1

Env. 0,0

Transport

276

Très faible

Très faible

Métrobus

154 (2)

Très faible

5,4

3,5

Mobilier urbain

271

Env. 1,5

Env. 0,6

(~ JC Decaux)

6,1

2,3

Autres

95

Très faible

Très faible

TOTAL

1102

Environ 25

Environ 2,3

Sources : (1) IREP ; (2) Comptes au 31 décembre 2006 ; (3) UPE ; (4) Ordres de grandeur (le montant exact des chiffres d'affaires publicitaires, transmis par les afficheurs, est confidentiel).

Ensuite, comme cela a été indiqué ci-avant, l'affichage grand format est en déclin structurel , à cause de réglementations locales de plus en plus contraignantes, et de la concurrence d'Internet, et est actuellement victime d'une conjoncture défavorable (schématiquement, quand la croissance du PIB en volume est inférieure à 2 % par an, son chiffre d'affaires diminue), ce qui rend difficile la répercussion sur l'annonceur d'une augmentation de la taxe.

b) Se fixer un objectif d'augmentation maximale de la taxation de l'affichage « grand format » de l'ordre de 5 millions d'euros

Les considérations ci-avant conduisent à écarter les scénarios conduisant à une augmentation de la taxe supérieure à 10 millions d'euros pour l'affichage « grand format ». On a vu en effet que le résultat d'exploitation était de l'ordre de 15 millions d'euros pour ce segment du marché.

S'il est difficile de déterminer précisément quelle serait l'augmentation maximale économiquement supportable, on peut estimer qu'un alourdissement de l'ordre de 5 millions d'euros ne mettrait pas en péril l'équilibre de l'affichage grand format, et les loyers versés aux bailleurs.

Il faut par ailleurs souligner que si, avec le droit actuel, l'ensemble des communes utilisaient au maximum leur faculté de taxation de l'affichage « grand format », le produit des deux taxes s'en trouverait accru d'environ 8 millions d'euros.

Les communes perçoivent actuellement environ 8 millions d'euros de moins qu'elles le pourraient selon le droit actuel

Les communes à la TSA renonçant actuellement à percevoir leur taxe percevraient vraisemblablement la nouvelle taxe, ce qui, à tarifs inchangés, augmenterait, on l'a vu, le produit global d'environ 5 millions d'euros.

Par ailleurs, l'adoption de la taxe par de nouvelles communes accroîtrait le produit d'environ 3 millions d'euros supplémentaires.

c) La solution naturelle : des tarifs de 15, 20 ou 30 euros au m², selon la population de la commune ou de l'EPCI

Dans ces conditions, il ne paraît guère y avoir de choix en matière de fixation des nouveaux tarifs.

Le tarif de base serait, on l'a vu, nécessairement de l'ordre de 15 euros/m², ce qui correspond au tarif moyen, et au tarif minimal actuel de la taxe sur les emplacements (de 14 euros/m² en 2008).

Le tarif majoré , dont on a vu qu'il semblait devoir être réservé aux communes de plus de 70.000 habitants (ou, sur décision de la commune, aux communes de moins de 70.000 habitants appartenant à un EPCI de plus de 70.000 habitants), devrait donc nécessairement être « calibré » de manière à permettre une augmentation de l'ordre de 5 millions d'euros. Il résulte des données transmises par les afficheurs sur l'état de leur parc qu'il devrait en conséquence être fixé à 20 euros/m².

Enfin, le tarif « super-majoré », concernant les communes de plus de 250.000 habitants (ou, sur décision de la commune, aux communes de plus de 70.000 habitants appartenant à un EPCI de plus de 250.000 habitants), serait fixé à 30 euros/m², ce qui est supérieur à la moyenne des communes de plus de 200.000 habitants (de l'ordre de 25 euros/m²).

d) Une évolution des tarifs « lissée » sur 5 ans

Compte tenu du très grand nombre de contrats conclus par les afficheurs « grand format » avec leurs bailleurs (de l'ordre de 150.000), il n'est pas possible en pratique de prévoir que les nouveaux tarifs ne s'appliquent qu'à compter des futurs contrats. Un tel système serait en effet incontrôlable, et source de contentieux.

Il est donc proposé de prévoir que ce sont les tarifs maximaux eux-mêmes qui évoluent progressivement, dans chaque commune, jusqu'à ceux indiqués ci-avant.

C. L'extension de l'assiette de la taxe

1. L'élargissement de l'assiette

La réforme proposée par votre commission spéciale ne consiste que marginalement à augmenter les tarifs de l'affichage temporaire. L'essentiel de l'augmentation du produit de la nouvelle taxe proviendrait en effet d'un élargissement de l'assiette à l'ensemble de l'affichage « permanent ».

L'affichage « permanent » correspond à trois types de dispositifs :

- les enseignes, situées sur le commerce, et actuellement soumises à la seule TSA ;

- les préenseignes (ou « panneaux longue conservation »), situées à proximité du commerce, déjà taxées selon le droit commun (TSE ou TSA), et qui correspondent à environ 25 % de la superficie du parc des trois principaux afficheurs « grand format », et donc également à environ 25 % du produit de ces deux taxes ;

- les préenseignes dites « dérogatoires », c'est-à-dire les petits panneaux qui prolifèrent en entrée de ville, qui ne sont pas taxées.

Les possibilités d'élargissement de l'assiette concernent donc :

- les enseignes ;

- les préenseignes dérogatoires.

a) L'enjeu essentiel : les enseignes de grandes dimensions

Dans le cas des enseignes, il faut distinguer deux cas de figure :

- celui des enseignes de faible superficie , par exemple dans le cas des commerçants de centre ville, qui n'ont pas vocation à être taxées (actuellement, les enseignes sont taxées dans le seul cas de la TSA, et uniquement si elles sont éclairées) ;

- celui des enseignes de superficie élevée, par exemple dans le cas des grandes surfaces, et dont l'absence actuelle de taxation se justifie d'autant moins qu'elles sont souvent physiquement identiques à des préenseignes ou à des affiches « grand format », en particulier dans le cas des enseignes dites « portatives », c'est-à-dire montées sur pieds, et placées de manière à être vues de loin, par exemple au bord de voies à grande circulation.

L'élargissement de la taxe aux enseignes de grandes dimensions pourrait accroître le produit de la taxe de plusieurs dizaines de millions d'euros.

Le supplément de recettes permis par l'extension de la taxe aux enseignes pourrait être considérable

Il n'existe pas d'estimation centralisée de la superficie du parc d'enseignes, même de grandes dimensions.

Une première approche, retenue par les enseignistes, consiste à considérer que comme il y a environ 5.000 grandes surfaces en France, qui ont chacune environ 100 m² d'enseignes, la superficie globale des enseignes est de l'ordre de 500.000m², d'où un produit potentiel (à 60 euros/m² en moyenne) de 30 millions d'euros.

Selon les principaux afficheurs « grand format », qui s'appuient sur leur « expérience de terrain » mais ne peuvent fournir d'estimation précise, il y aurait de 100.000 à 300.000 enseignes de grand format, soit, en supposant une superficie moyenne (par enseigne) de 10 m², et selon une hypothèse de tarif de 30 €/m² en moyenne, un produit potentiel de 30 à 90 millions d'euros.

A titre de comparaison, on rappelle que le chiffre d'affaires de la grande distribution (magasins de 400 m² et plus) est, selon l'Insee, de l'ordre de 200 milliards d'euros. Même si la taxation des enseignes était de 30 millions d'euros, et concernait exclusivement la grande distribution, elle correspondrait donc à seulement 0,015 % de son chiffre d'affaires.

b) Les préenseignes dérogatoires : un enjeu financier peu significatif

Les préenseignes dites « dérogatoires », c'est-à-dire les préenseignes situées aux entrées de villes, exemptées de déclaration préalable, ne sont actuellement pas taxées.

Selon les estimations des principaux afficheurs, elles seraient de l'ordre de 30.000, ce qui, si on suppose que chacune d'elles mesure 1,5 m² (elles doivent mesurer au maximum 1 m de haut et 1,5 m de large), correspondrait à une superficie totale de l'ordre de 45.000 m². Ainsi, une taxation à hauteur de 15 euros/m² ne permettrait de dégager que moins de 700.000 euros.

Une telle disposition aurait aussi le grand avantage d'améliorer l'esthétique des centres de villes, ce qui est depuis longtemps une préoccupation de votre Haute Assemblée, notamment à la suite des travaux de notre collègue Ambroise Dupont.

2. L'extension de la taxe au mobilier urbain

Le droit actuellement en vigueur prévoit que le mobilier urbain n'est taxé que dans le cas des communes appliquant la TSA. Il existe en effet une exonération dans le cas de la TSE.

Afin de ne pas remettre en cause l'équilibre des contrats de mobilier urbain actuels, il est proposé de prévoir que, dans le cas des contrats en cours, la taxation serait égale à celle pratiquée en 2008, c'est-à-dire soit nulle, soit correspondant à celle résultant de la TSA (de l'ordre de 14 euros/m² en moyenne).

Dans le cas des contrats à venir , le droit commun s'appliquerait. L'existence éventuelle de la taxe serait bien entendu prise en compte dans les négociations de ces contrats.

3. La possibilité de taxer la publicité dans les transports

Comme on l'a indiqué ci-avant, la publicité dans les transports n'est presque pas taxée :

- la publicité sur les véhicules n'est de fait pas taxée (la taxe existant actuellement n'a rapporté que 1.584 euros en 2006 selon la DGCL) ;

- le code général des collectivités territoriales prévoit qu'est exonéré de TSA « l'affichage dans les locaux ou voitures de la SNCF, de la RATP, des transports régionaux ou locaux » , de sorte qu'en pratique dans le cas de la SNCF seuls sont soumis à la TSA les panneaux situés le long des voies.

Le présent article additionnel propose de soumettre l'affichage dans les transports au droit commun. Afin de ne pas remettre en cause l'équilibre des conventions actuelles (prévoyant le versement d'une redevance par l'afficheur à l'entreprise de transport), seules les futures conventions conclues entre les afficheurs et les entreprises de transports seraient concernées.

La taxe serait alors perçue par la collectivité organisant le transport, qui aurait la possibilité d'instaurer ou non la taxe.

D. Une augmentation des recettes des collectivités territoriales estimée à plusieurs dizaines de millions d'euros

Le tableau ci-après présente l'impact global de la réforme proposée, en « régime de croisière ». La taxe pourrait augmenter de 55 millions d'euros.

Le chiffrage de la réforme proposée (régime de croisière)

(en millions d'euros)

Affichage grand format, préenseignes (1)

Enseignes

Mobilier urbain (1)

Transports (2)

Total

Montant 2007 de la taxe

22,65

ND

1 500 000

N.D.

<25

Réforme des tarifs (impact net maximum)

5 (3)

5

Extension de l'assiette aux enseignes de grandes dimensions

30 (4)

5

15

50

Augmentation de la taxe

5

30

5*

15 *

55

Nouveau produit de la taxe

30

ND

6,5*

15 *

<80

* Ces montants théoriques pourraient se traduire par des gains nets nettement plus faibles pour les collectivités territoriales (cf. texte).

(1) Ces montants peuvent être calculés relativement précisément, grâce aux données fournies par les afficheurs. (2) Montants plus approximatifs (ce segment du marché est très éclaté, et ne dispose pas d'une organisation syndicale spécifique). (3) Augmentation brute de la taxe de l'ordre de 9 millions d'euros, dont il faut soustraire 1 million d'euros de droits de voirie (actuellement perçus par les communes à la TSA), qui ne seraient plus cumulables avec la taxe (comme dans le cas de la TSE), et 3 millions d'euros liés au fait que les tarifs maximaux ne seraient pas indexés pendant la période de transition. (4) Simple ordre de grandeur (cf. texte).

Source : calculs de votre commission spéciale, d'après les données fournies par les afficheurs.

Dans le cas du mobilier urbain et des transports, ces montants théoriques pourraient cependant se traduire par des gains nets nettement plus faibles pour les collectivités territoriales :

- dans le cas du mobilier urbain, l'augmentation de la taxe s'accompagnera d'une diminution des redevances ou contreparties en nature, selon les négociations locales ;

- dans le cas des transports, certaines collectivités pourraient ne pas vouloir étendre la taxe aux transports, afin de ne pas taxer indirectement des entreprises qu'elles subventionnent.

L'élément essentiel du nouveau dispositif, en matière d'évolution du produit, serait donc l'extension de la taxe aux enseignes de grandes dimensions , qui pourrait rapporter de l'ordre de 30 millions d'euros par an. Votre rapporteur est convaincu de l'opportunité d'une telle orientation, dans le cadre d'un projet de loi qui s'efforce de promouvoir un équilibre réaliste entre les formes de distribution, mais aussi dans le contexte d'un urbanisme maîtrisé et de réels progrès en matière d'environnement des espaces périurbains.

L'augmentation nette maximale de la taxation de l'affichage grand format serait de l'ordre de 5 millions d'euros.

Votre commission spéciale vous propose d'adopter cet article additionnel.

*

* *

Réunie le mardi 24 juin 2008 sous la présidence de M. Gérard Larcher, président, et de Mme Isabelle Debré, vice-présidente, la commission spéciale a approuvé, sous réserve de l'adoption des amendements proposés par ses trois rapporteurs, les dispositions du présent projet de loi.

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