II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des investissements qui demeurent insuffisants pour remettre en état un réseau routier non concédé dont la lente dégradation se poursuit

En 2015, le principal indicateur de performance relatif à l'état du réseau routier non concédé , celui de l'état des structures des chaussées , a de nouveau atteint un niveau inférieur à sa cible et a poursuivi sa baisse progressive entamée depuis plusieurs années.

Ainsi, seulement 83,3 % des structures des chaussées du réseau non concédé se sont vues attribuer une note satisfaisante 60 ( * ) , alors que le projet annuel de performance 2015 visait un objectif de 84 % .

Votre rapporteur spécial s'inquiète surtout de voir que ce chiffre se dégrade année après année , puisqu'il est passé de 85 % en 2012 , à 84,5 % en 2013 , puis 83,8 % en 2014 et désormais 83,3 % , même si la note moyenne pour l'ensemble du réseau routier national paraît se stabiliser à 16,3 (après 16,2 en 2013 et 16,4 en 2014 ).

La dynamique n'est guère favorable non plus en ce qui concerne les ouvrages d'art : alors que 88,1 % d'entre eux étaient dans un état satisfaisant en 2013 , ce chiffre s'est établi à 86,8 % en 2015 , ce qui signifie que le patrimoine en mauvais état structurel se dégrade plus vite qu'il n'est réparé.

Il devient donc urgent de faire de l'entretien , courant et préventif, et de la régénération des chaussées de notre réseau routier non concédé, mis à mal notamment lors des périodes hivernales , une véritable priorité .

Les annonces récentes du Gouvernement - décision en juin 2015 d'allouer 100 millions d'euros supplémentaires pour engager des travaux de régénération routière et de restauration du grand gabarit et de sécurisation du réseau , annonce le 8 février 2016 d'un plan d'investissement exceptionnel pour l'entretien du réseau routier national et des voies navigables - paraissent traduire une réelle prise de conscience, même si elle est tardive .

2. La situation financière de l'AFITF après l'abandon de l'écotaxe demeure précaire

L'annonce par le Gouvernement de sa décision de résilier le contrat de partenariat conclu avec la société Ecomouv' pour le prélèvement de l'écotaxe poids lourds a eu deux conséquences très importantes pour l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) :

- le paiement d'une lourde indemnité ;

- un niveau de recettes désormais insuffisant pour faire face à ses engagements .

a) La résiliation du contrat avec Ecomouv' a entraîné le paiement d'une indemnité de 969,2 millions d'euros, dont 527,4 millions d'euros dès 2015

L'abandon de l'écotaxe a conduit à la signature le 18 février 2015 d'un avenant à la convention du 20 octobre 2011 relative au financement du contrat de partenariat écotaxe conclue entre le Gouvernement de l'époque et Ecomouv', prévoyant une indemnité totale de 969,2 millions d'euros entièrement financée par l'État, donc par le contribuable, via l'AFITF .

Ce montant recouvre notamment :

- l'indemnité totale versée à la société Ecomouv', soit 395,1 millions d'euros ;

- les frais de rupture des SWAP (contrats d'échanges de flux financiers) pour 11 millions d'euros ;

- le rachat aux sociétés habilitées de télépéage (SHT) des équipements embarqués, soit 142 millions d'euros ;

- le montant des créances Dailly 61 ( * ) détenues par les établissements de crédit sur Ecomouv' pris en charge par l'État en 2015 ( 46,8 millions d'euros ) et de 2016 à 2024 (pour 439,8 millions d'euros ) ;

- le coût des mesures de sauvegarde et d'urgence des dispositifs (serveurs et portiques) pour 10 millions d'euros .

Pour 2015, l'AFITF a décaissé 527,4 millions d'euros le jour même de la conclusion de l'avenant précité auxquels se sont rajoutés les frais de rupture des SWAPS calculés le 26 février ( 384 782 euros ), soit un total de 527,8 millions d'euros .

Le reste à payer au titre de cet avenant est donc de 441,4 millions d'euros . Les paiements s'échelonneront jusqu'en 2024 par tranche d'un peu moins de 50 millions d'euros par an au titre des créances Dailly prises en charge par l'État.

Pour remplacer les recettes que l'AFITF aurait dû percevoir au titre de l'écotaxe et lui permettre de faire face aux décaissements engendrés en 2015 par la résiliation du contrat, la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 lui avait affecté la totalité du produit d'une augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole pour les véhicules légers (2 centimes d'euros par litre) et le déremboursement d'une partie de l'exonération sur le gazole des poids lourds (4 centimes d'euros par litre) , soit la somme de 1 139 millions d'euros pour l'année 2015.

b) La situation financière de l'AFITF ne lui permet pas de faire face à ses engagements

En 2015, l'AFITF a dépensé 2,29 milliards d'euros pour une ressource globale de 2,36 milliards d'euros , constituée par les recettes des taxes affectées à l'agence (redevance domaniale autoroutière, taxe d'aménagement du territoire, produit des amendes radars, fraction de la taxe intérieur de consommation des produits énergétiques - TICPE en remplacement de l'écotaxe poids lourds) auxquelles est venue s'ajouter une contribution exceptionnelle de 100 millions d'euros versée par les sociétés concessionnaires d'autoroutes dans le cadre du plan de relance autoroutier.

94 % des autorisations d'engagement (soit 1,4 milliard d'euros sur 1,5 milliard d'euros) et 96,2 % des crédits de paiement ouverts pour les dépenses d'intervention ont été consommés . Les paiements routiers représentent 32,4 % du total contre 41,4 % en cumul depuis 2005 et les paiements ferroviaires 30,9 % du cumul contre 38,5 % en cumul depuis 2005 .

Le fonds de roulement, quant à lui, a augmenté de 40,5 millions d'euros en 2015, passant de 63,4 millions d'euros fin 2014 à 103,9 millions d'euros fin 2015 .

Toutefois, la situation financière de l'AFITF demeure préoccupante .

En effet, le cumul des engagements qu'elle a contractés depuis sa création représentait fin 2015 33,2 milliards d'euros tandis que le cumul des paiements effectués s'élevait à seulement 21,2 milliards d'euros .

Les « restes à payer » s'élèvent donc à 11,9 milliards d'euros , dont 35 % sont des fonds de concours à l'État et 65 % sont des engagements vis-à-vis d'organismes tiers , ce qui signifie, comme le précise la Cour des comptes dans le compte général de l'État 2015 qu' « au 31 décembre 2015, les engagements hors bilan au titre des conventions suivies par l'agence s'élèvent à 7,53 milliards d'euros , en baisse de 592 millions d'euros par rapport à 2014 ».

S'il convient de noter que le montant de ces « restes à payer » a diminué en 2014 de 3,3 milliards d'euros , en raison de la résiliation de la convention conclue avec Ecomouv' et de décaissements supérieurs aux engagements nouveaux, il demeure toutefois beaucoup trop élevé à l'heure où l'AFITF va devoir faire face à des financements supplémentaires avec la mise en service des nouvelles lignes LGV ainsi que l'entrée en phase opérationnelle du projet de construction de la ligne transfrontalière Lyon-Turin .

3. La Société du Grand Paris a poursuivi en 2015 sa montée en puissance

Les dépenses de la Société du Grand Paris sont passées de 292 millions d'euros en 2014 à 563 millions d'euros en 2015 , soit un quasi-doublement. Pour autant, la SGP n'a dépensé en 2015 que les deux tiers des sommes prévues dans son budget pour 2015 en raison du report sur 2016 de volumes significatifs de dépenses, notamment des acquisitions foncières sur les lignes 14 nord, 16, 17 sud et 15 ouest.

Ses recettes se sont élevées à 519 millions d'euros , en légère croissance par rapport à 2014 ( 505 millions d'euros ). Alors que le budget 2015 prévoyait des recettes de 500 millions d'euros, la taxe sur les bureaux a été plus dynamique que prévue, permettant une recette supplémentaire de 19 millions d'euros .

Au total, la SGP a perçu 330,5 millions d'euros au titre de la taxe annuelle sur les bureaux , 117,1 millions d'euros au titre de la taxe spéciale d'équipement et 60 millions d'euros au titre de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) , recettes fiscales auxquelles se sont ajoutées quelques recettes non fiscales, en particulier une subvention européenne de 7,3 millions d'euros accordée au titre de l'amélioration des liaisons entre le centre de Paris et les aéroports et les gares.

En 2015, la SGP a consacré 261,1 millions d'euros à ses dépenses d'investissement , soit une hausse de + 45 % par rapport à 2014 ( 180,1 millions d'euros ), marquant ainsi une forte montée en puissance . Ces dépenses ont surtout financé des acquisitions foncières (elles sont passées de 89,8 millions d'euros en 2014 à 96,3 millions d'euros en 2015), des dépenses d'études ainsi que d'assistance à maîtrise d'ouvrage , en particulier pour les travaux préparatoires de la ligne 15 sud (les dépenses relatives à cette ligne se sont élevées à 101,2 millions d'euros en 2015).

4. Malgré l'annulation de la réserve de précaution des crédits du programme 203, Voies navigables de France a pu augmenter légèrement ses investissements en faveur de son réseau grâce à un plan de relance annoncé en cours d'année

Voies navigables de France (VNF) , établissement public placé sous la tutelle du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer et chargé de la gestion des voies navigables au nom de l'État, bénéficie d'une subvention pour charges de service public portée par le programme 203 .

Alors que la loi de finances initiale avait prévu que cette somme s'élèverait à 258 millions d'euros en 2015 , elle s'est finalement limitée à 245,8 millions d'euros en 2015, soit 12,2 millions d'euros de moins . Cette réduction s'explique essentiellement par le non-versement de la réserve de précaution sur cette subvention , soit une réduction de crédits de 10,5 millions d'euros . Au total, la subvention versée à VNF a donc diminué en exécution de 10 millions d'euros par rapport à 2014 ( 255,5 millions d'euros en 2014 ).

Toutefois, le Gouvernement a annoncé le 6 mai 2015 devant l'Assemblée nationale la mise en place d'un plan de relance de 100 millions d'euros en 2015 en faveur d'investissements complémentaires pour le réseau routier et les voies navigables, qui s'est traduit par une subvention d'investissement supplémentaire de 20 millions d'euros pour VNF .

VNF a également perçu 139,7 millions d'euros en 2015 au titre de la taxe hydrauliqu e.

Hors dépenses en faveur du projet Canal Seine-Nord-Europe, dont VNF assurait en 2015 la maîtrise d'ouvrage dans l'attente de la constitution du nouvel établissement qui sera en charge de la réalisation de cette infrastructure, les dépenses d'investissement de VNF ont atteint 161,5 millions d'euros , un niveau supérieur de 14,6 millions d'euros par rapport à 2014 qui s'explique par les crédits supplémentaires obtenus dans le cadre du plan de relance.

Ces investissements ont porté sur la remise en état du réseau à grand gabarit , qui demeure insuffisante , la modernisation des méthodes d'exploitation , la protection de l'environnement et la sécurité mais également sur des opérations de développement des voies navigables (projet Seine-Escaut, canal du Rhône à Sète).


* 60 Supérieure ou égale à 12/20, une chaussée en parfait état obtenant la note de 20/20 et une chaussée à reconstruire intégralement obtenant la note de 0/20.

* 61 La cession de créances Dailly est une convention en vertu de laquelle un créancier (ici, Ecomouv') transmet sa créance qu'il détient sur l'un de ses débiteurs (l'État, dans le cas d'espèce) à des établissements de crédit.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page