II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une exécution budgétaire en diminution constante, et inférieure à la prévision initiale

Au titre de l'exercice 2015, et dans la continuité des exercices précédents, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » a apporté une contribution importante à l'effort de maîtrise de la dépense publique . Ainsi, les crédits exécutés en 2015, soit 11,1 milliards d'euros en CP, sont tout à la fois :

- en baisse de 1,3 % (151,5 millions d'euros) par rapport à 2014 ;

- inférieurs à 1,4 % (154,8 millions d'euros) aux crédits ouverts en loi de finances initiale , soit un taux d'exécution très élevé de 98,6 % en CP (et de 98 % en AE) qui témoigne d'un pilotage infra-annuel globalement rigoureux ;

- inférieurs de 2 % (171 millions d'euros) à la programmation pluriannuelle : la maîtrise des dépenses de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » permet d'aller au-delà de la norme « zéro valeur » applicable au budget de l'État en général (hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions »).

Programmation pluriannuelle de la mission

(en millions d'euros) (en CP)

Loi de programmation
des finances publiques 2015-2017

8 506

Exécution budgétaire 2015

8 335

Écart exécution / LPFP

- 171

Source : ministère du budget. Total sous norme de dépense, format constant 2015.
Hors contribution au CAS « Pensions », hors PIA et hors fonds de concours.

Si ces bons résultats doivent cette année encore être salués, il convient toutefois d'y apporter quelques nuances.

Premièrement, la maîtrise des dépenses s'explique en partie par une régulation budgétaire très forte , la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » étant coutumière des ajustements massifs en cours de gestion, à son détriment. En 2015, 170 millions d'euros ont ainsi été annulés par des mesures réglementaires (99 millions d'euros) et par la loi de finances rectificative (71 millions d'euros). Une programmation budgétaire « au plus près » serait bien entendu préférable. Dans le cas de l'exercice 2015, une partie des annulations est toutefois liée au financement des mesures urgentes du plan de lutte contre le terrorisme 110 ( * ) (cf. infra ), ce qui est bien entendu compréhensible.

Deuxièmement , si l'effort est partagé, il l'est inégalement entre les programmes, et surtout entre les catégories de dépenses - avec une préférence marquée pour les économies ponctuelles les plus « faciles », notamment sur les investissements.

2. Des dépenses de personnel pour la première fois en recul par rapport à l'exercice précédent

Sur l'ensemble de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », les dépenses de personnel exécutées en 2015 affichent une diminution de 0,2 % (17,5 millions d'euros) par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale, pour s'établir à 8 703,3 milliards d'euros. Surtout, les dépenses de titre 2 sont pour la première fois inférieures à celle de l'exercice précédent, avec une diminution de 0,8 % (71,2 millions d'euros) par rapport à l'année 2014 . Pour mémoire, ils étaient en hausse de 0,4 % de 2013 à 2014, et en hausse de 0,7 % de 2012 à 2013. L'exécution 2015 retrouve donc un niveau proche de l'exécution 2013 (8 739 millions d'euros). Il en va de même pour la contribution au CAS « Pensions », pour la première fois en recul (- 0,7 %) par rapport à l'exercice précédent. Ces bons résultats, qui marquent l'effort consenti sur longue période par la mission , devraient d'ailleurs se prolonger cette année, comme le prévoit la loi de finances initiale pour 2016, sous réserve d'un pilotage rigoureux.

Le plafond d'emplois est lui aussi respecté, avec 128 875 ETPT en exécution contre 132 202 ETPT autorisés en loi de finances initiale, soit un écart de 3 327 ETPT, supérieur à l'écart de 2 901 ETPT constaté en 2014. C'était déjà le cas les années précédentes, et de manière assez large, ce qui amène la Cour des comptes à estimer que « le plafond d'emplois ne constitue pas l'outil principal de réduction des emplois, qui résulte davantage de la norme de dépense et dans une moindre mesure du schéma d'emplois ». En exécution, le schéma d'emplois manque en effet sa cible de peu (46 ETP) , pour s'établir à - 2 354 ETP, un niveau néanmoins très proche de la prévision (- 2 400 ETP) et supérieur à la prévision révisée (- 2312 ETP).

Exécution du plafond d'emplois et du schéma d'emplois

Plafond d'emplois (ETPT)

Schéma d'emplois (ETP)

LFI
2015

Exécution 2015

Écart

LFI
2015

Exécution 2015

Écart

P.156 - Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local

110 066

107 202

-2 864

-2 000

-2 000

0

P.302 - Facilitation et sécurisation des échanges

16 396

16 216

-180

-250*

-233

17

P.218 - Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

5 740

5 457

-283

-150*

-121

29

Total pour la mission

132 202

128 875

-3 327

-2 400*

-2 354

46

*En cours de gestion, les schémas d'emplois des programmes 302 et 218 ont été révisés à -215 ETP et -97 ETP respectivement. Le schéma d'emploi de la mission a en conséquence été révisé à -2312 ETPT.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires).

En valeur absolue, c'est logiquement sur la DGFiP que repose l'essentiel de l'effort sur le titre 2 , dont les dépenses diminuent de 0,8 % (59,8 millions d'euros) par rapport à 2014, et de 0,3 % (18,4 millions d'euros) par rapport à la prévision. Elle assume également, de loin, la majeure partie des baisses d'effectifs, soit 2 864 ETPT, et a respecté avec exactitude le schéma d'emplois (2 000 ETP supprimés). Les suppressions portent quasi-intégralement sur les services départementaux, en cours de rationalisation , au profit notamment des services ad hoc tels que le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) , dont les résultats (2,7 milliards d'euros en 2015), excellents quoiqu'en partie ponctuels, justifient le renforcement 111 ( * ) . Les effectifs du STDR ont été portés à 159 agents en 2015.

Ces bons résultats, incontestables, doivent toutefois être nuancés dans la mesure où ils tiennent en partie à la sous-évaluation chronique par la DGFiP des départs en retraite , ainsi que l'avaient déjà souligné vos rapporteurs spéciaux l'année dernière. Ceux-ci se sont ainsi élevés à 3 748 au lieu des 3 500 prévus, ce qui a opportunément contribué au strict respect du schéma d'emplois... et permis à la DGFiP de procéder à de nouveaux recrutement à partir des listes complémentaires des concours , notamment sur les catégories B et C, transformant ainsi une marge de manoeuvre à court terme en une charge à long terme. Chaque année supplémentaire où cette surévaluation se produit rend moins crédible son caractère « imprévisible », et met davantage en doute la sincérité de la programmation budgétaire .

La DGDDI, à l'inverse, se signale par un dépassement de 0,5 % (5,1 millions d'euros) de l'enveloppe ouverte en loi de finances initiale , ses crédits de personnel s'établissant en exécution à 1 136,8 millions d'euros. Le dépassement a été comblé par un virement du programme 156, en vertu du principe de l'auto-assurance. Certes, le recrutement de 35 ETP dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme, décidé à la suite des attentats du 11 janvier 2015, explique une partie du dépassement de l'enveloppe initiale . Ces recrutements ont d'ailleurs conduit à une correction du schéma d'emplois en cours de gestion, ramené de - 250 ETP à - 215 ETP. Toutefois, la sur-exécution des crédits de titre 2 s'explique aussi par la surévaluation des départs en retraite , lesquels n'ont finalement porté que sur 490 ETP au lieu des 515 ETP prévus en loi de finances initiale pour 2015. Si cette situation est inverse à celle que connaît la DGFiP, elle en partage le même caractère récurrent. Si des progrès restent à faire, il convient tout de même de relever une amélioration tendancielle du pilotage, qui a notamment permis un dépassement en exécution du schéma d'emplois corrigé, à - 233 ETP .

La question de la programmation des crédits de personnel de la DGDDI demandera à l'avenir une vigilance supplémentaire . En effet, les 35 recrutements supplémentaires dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme représentent un enjeu très modeste au regard des 1 000 postes supplémentaires à la DGDDI annoncés par le Président de la République le 16 novembre 2015 , devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, à la suite des attentats du 13 novembre 2015. Ces recrutements doivent avoir lieu en 2016 et en 2017, pour une création nette de 535 ETP , venant en correction de la trajectoire initiale 112 ( * ) . D'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, les 250 premiers agents de constatation de la branche surveillance de la DGDDI ont achevé leur formation à l'école de La Rochelle le 24 mai 2016. Si ces créations de postes sont évidemment souhaitables et justifiées compte tenu du contexte, elles doivent être distinguées des suppressions de postes liées à la nécessaire rationalisation du réseau territorial de la DGDDI, et ne sauraient être analysées au sein d'un même schéma d'emplois « synthétique » .

Par ailleurs, la question de l'évolution des effectifs de la douane doit s'accompagner d'une réflexion ambitieuse, et à long terme, sur la nature de ses métiers : ceux-ci pourraient connaître des évolutions profondes dans les prochaines années, du moins si l'État entend s'adapter aux nouveaux risques liés au terrorisme et aux grandes fraudes douanières, aux incertitudes actuellement pesant sur les limites du territoire douanier européen 113 ( * ) , et aux défis posés par la collecte des droits et taxes à l'heure d'Internet et du commerce en ligne - cette dernière remarque valant aussi pour la DGFiP.

Le schéma d'emplois initial du programme 218 , soit - 150 ETP, a été révisé en cours de gestion à - 97 EPT, de nombreux départs ayant déjà eu lieu à la fin de l'année 2014 en raison de l'arrêt de l'Opérateur national de paye (ONP, cf. infra ). L'exercice 2015 ayant à son tour été marqué par un très fort turnover (le programme regroupe entre autres les cabinets ministériels, les directions d'État-major et plusieurs structures de « projet »), le schéma d'emplois révisé a lui-même été dépassé, avec une diminution de 121 ETP, les crédits de personnel affichant quant à eux une baisse de 0,8 % (4,1 millions d'euros), pour s'établir à 507 millions d'euros.

3. Un effort sur le fonctionnement réel mais nécessairement limité en l'absence de réformes structurelles

Eu égard aux faibles marges de manoeuvre existant sur les dépenses de personnel, les efforts de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » reposent de fait en totalité sur les crédits hors titre 2 : ceux-ci, qui représentent 11,7 % des crédits de la mission, s'élèvent à 2,4 milliards d'euros en CP en 2015, en baisse de 3,2 % (80 millions d'euros) par rapport à l'exécution 2014.

Avec 82 % des crédits hors titre 2 de la mission (1 976,5 millions d'euros), les dépenses de fonctionnement constituent le principal gisement d'économies , surtout dans un périmètre ministériel très concerné par les enjeux liés à la dématérialisation et à la révolution numérique. De fait, un effort sensible est réalisé sur les dépenses de fonctionnement, qui diminuent en CP de 2,5 % par rapport à l'exécution 2014 et de 3,2 % par rapport à la prévision initiale. L'effort est encore plus notable en AE, avec une baisse de respectivement 3,8 % et 11,2 %. Pour autant, rappelons qu'aucune économie de fonctionnement ne saurait tenir lieu de réforme structurelle . On rappellera à cet égard, par exemple, que le réseau territorial des trésoreries est appelé à évoluer pour accompagner la mise en oeuvre des schémas départementaux de coopération intercommunale.

L'effort de rationalisation entrepris par la DGFiP porte ses fruits , comme le montre la baisse de 5,6 % en un an de ses dépenses de fonctionnement. Les économies reposent principalement sur les frais d'affranchissement , qui constituent, avec environ de 360 millions de plis papiers, le second poste du budget de fonctionnement de la DGFiP. Elles sont exécutées à hauteur de 193,3 millions d'euros, en nette baisse par rapport à la prévision initiale de 219 millions d'euros. Le rapport d'avril 2015 rendu dans le cadre des « revues de dépenses » incite à « faire de la dématérialisation la règle et du papier l'exception », le cas échéant en facturant les envois au prix de deux euros 114 ( * ) . En matière immobilière, l'abandon de 61 000 mètres carrés en 2015 , en priorité sur le parc locatif, permet d'économiser près de 6,8 millions d'euros en année pleine. Il s'agit là d'économies vertueuses , qui avec la réorganisation du réseau territorial doivent permettre de moderniser la DGFiP ; elles doivent être préférées aux économies plus « faciles » sur les moyens courants (chauffage etc.) à tâches inchangées (voire alourdies, avec par exemple la gestion du CICE) , qui dégradent les conditions de travail des agents et in fine la qualité du service public.

Les dépenses de fonctionnement de la DGDDI sont en revanche en hausse de 3,7 % (170,6 millions d'euros) en CP par rapport à 2014 . Une partie s'explique par l'abondement de crédits dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme, par le décret d'avance du 9 avril 2015. Cela toutefois ne suffit pas à justifier un dépassement qui est régulièrement constaté, et régulièrement noté par vos rapporteurs spéciaux : de fait, la douane peine à maîtriser ses dépenses de fonctionnement courant , la programmation initiale du titre 3 étant souvent trop optimiste. Parmi les postes de dépenses problématiques 115 ( * ) , on signalera notamment les fournitures de bureau courantes (1,2 million d'euros, + 29,2 % par rapport à 2014) et les dépenses de bureautique (33,8 millions d'euros, + 52,2 %). Le titre 3 retrace aussi les intérêts et condamnations, en hausse de 160,1 % à 3,4 millions d'euros.

Les dépenses de fonctionnement du programme 218 sont stables (+ 0,3 %) par rapport à l'exécution 2014 : les économies sur les charges courantes prévues en loi de finances initiale ne se sont pas concrétisées.

Les dépenses de fonctionnement du programme 148 incluent les subventions pour charges de service public (SCSP) versées aux cinq instituts régionaux d'administration (IRA) et de l'école nationale d'administration (ENA), pour un total de 70,4 millions d'euros, seulement diminué de la mise en réserve initiale par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale. Structurellement, toutefois, la situation financière de l'ENA est préoccupante , ce que le rapport annuel de performances résume ainsi : « l'École mène en parallèle un travail approfondi sur ses métiers afin de dégager des marges de manoeuvre budgétaires nécessaires pour mettre en oeuvre le triennal 2015-2017, en dépit des réductions d'effectifs significatives 116 ( * ) ». De fait, la subvention de l'État est en diminution régulière (31,7 millions d'euros en 2014, 31,4 millions d'euros en 2015, 31,9 millions d'euros en 2016), alors que les charges augmentent (40,6 millions d'euros en 2015). Dès lors, il conviendra de réexaminer prochainement les conséquences de la double implantation de l'ENA, à Paris et à Strasbourg.

4. L'effondrement des investissements : entre tentation du court terme et menaces sur les grands chantiers informatiques

Alors qu'elles représentent seulement 1,7 % (187,4 millions d'euros en CP) du poids budgétaire de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », les dépenses d'investissement ont de loin constitué la principale variable d'ajustement en 2015 , en valeur relative et parfois même en valeur absolue.

L'investissement s'effondre ainsi de 18,1 % (36,4 millions d'euros) par rapport à l'exercice 2014 en AE, et même de 28,7 % (66,3 millions d'euros) par rapport à la loi de finances pour 2015 , dont les ambitions affichées en la matière auront fait long feu. En CP, la situation est à peine meilleure, avec une baisse de respectivement 11,6 % et 23,2 %.

Cette situation est d'autant plus grave qu'elle est récurrente, en dépit des appels réitérés chaque année par vos rapporteurs spéciaux à ne pas sacrifier l'investissement sur l'autel de l'équilibre budgétaire de court terme - d'autant que ces économies ponctuelles seront de toute évidence à la source de coûts sur longue période.

À la DGDDI, les dépenses de titre 5 accusent une baisse de AE de 25 % (15,7 millions d'euros) par rapport à 2014 , et de 22,5 % (13,7 millions d'euros) par rapport à la loi de finances initiale - la comparaison entre la prévision et l'exécution étant encore plus marquée en CP, avec une diminution de 35,5 % (25,8 millions d'euros). Le renouvellement du parc aérien et naval de la douane est ainsi freiné (20,4 millions d'euros, - 22,4 % par rapport à 2014), de même que les investissements liés au projet PNR ( Passenger Name Record , 1,03 million d'euros, - 73,7 % par rapport à 2014).

Il convient toutefois de saluer l'achèvement du centre informatique douanier (CID), pour un coût total de 11,2 millions d'euros répartis sur 2014 et 2015 , de surcroît en respectant le budget initial. Ceci explique la hausse en 2015 des investissements immobiliers (+ 82,5 % par rapport à 2014, à 9,3 millions d'euros) et informatiques (+ 21,2 %, à 11,8 millions d'euros). Situé à Osny (Val d'Oise), le CID, troisième plus grand data center de l'État en Île-de-France, est un investissement vertueux par excellence :

- d'abord, il permet une baisse importante et durable des coûts de fonctionnement (immobilier, maintenance informatique, réfrigération etc.), tout en améliorant la performance des applications existantes de la DGDDI ;

- ensuite, il ouvre la possibilité de développer de nouveaux projets de dématérialisation des services de la DGDDI , dans des conditions favorables ;

- enfin, il est un exemple bienvenu de mutualisation et de valorisation des investissements : la DGDDI, qui n'occupe plus qu'un tiers du CID pour ses propres systèmes informatiques, a mis en place une offre d'hébergement à destination de plusieurs ministères . Le ministère de la justice et le ministère de la culture y sont déjà hébergés, ainsi que Tracfin, le CISIRH (cf. infra ) et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), et d'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, un tiers des capacités sont toujours disponibles.

Par ailleurs, les investissements de la DGDDI devraient reprendre, avec une enveloppe de 45 millions d'euros supplémentaires pour 2016 et 2017 pour l'achat d'équipements nouveaux, dans le cadre du plan de renforcement de l'action de la douane en matière de lutte contre le terrorisme et de contrôle aux frontières.

Les annonces du Pacte de Sécurité pour la DGDDI

Outre les 1 000 recrutements supplémentaires (cf. supra ), 45 millions d'euros seront alloués à l'achat d'équipements supplémentaires dont les agents ont besoin pour assurer leurs missions, ainsi répartis :

- 6,2 millions d'euros pour améliorer les équipements : habillement, gilets pare-balles, armement (pistolet mitrailleur UK UMP 9 mm), véhicules et motos ;

- 5,4 millions d'euros pour couvrir des travaux de sécurisation des sites de la DGDDI ;

- 15 millions d'euros pour le renforcement des capacités actuelles de la DGDDI en matière de détection des trafics illicites : spectromètres, systèmes d'inspection RX fixes et mobiles, analyseurs de particules (stupéfiants et explosifs), scanners fixes et mobiles à « haute énergie » ;

- 16,4 millions d'euros au titre de divers investissements informatiques , tant pour le programme PNR ( Passenger Name Record ) que pour l'informatique douanière ;

- 2 millions d'euros pour couvrir l'augmentation des frais de fonctionnement de l'École des Douanes .

Source : Plan de renforcement de l'action de la douane en matière de lutte contre le terrorisme et de contrôle aux frontières, 22 janvier 2016. Ce plan fait suite aux annonces du Président de la République le 16 novembre 2015, devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, après les attentats du 13 novembre 2015.

Les dépenses d'investissement du programme 218 sont certes assez stables en exécution par rapport à 2014 (- 0,1 % en CP), car elles avaient déjà connu une décrue importante l'année dernière, mais en recul très marqué par rapport à la loi de finances initiale, à -53,3 % en AE (31 millions d'euros) et - 41,2 % en CP (24,2 millions d'euros). Les dépenses d'investissement du programme 156 , quant à elles, sont certes en hausse de 37,8 % en CP (9,3 millions d'euros) par rapport à la prévision initiale, mais aussi en baisse de 12,8 % en CP (5 millions d'euros) par rapport à l'exercice 2014.

La situation de ces deux programmes, presque impossible à lire dans les documents budgétaires mais de toute évidence inquiétante, s'explique en fait par un seul et même problème : les difficultés et les retards dans le déploiement du projet RENOIRH, un projet de système d'information des ressources humaines (SIRH) développé à destination des ministères qui en feraient la demande, et piloté par le centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines (CISIRH) du programme 218. Toutefois, les principaux enjeux budgétaires concernent la version du SIRH développée pour l'usage des ministères économiques et financiers (MEF), le projet SIRHIUS, dont la DGFiP (programme 156) est le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre .

Rappelons avant toute chose que les projets SIRHIUS et RENOIRH sont tout ce qu'il reste du projet de l'Opérateur national de paye (ONP) , dont le volet « SI-Paye » a été interrompu en mars 2014, après six années de développement en pure perte - évaluée à environ un milliard d'euros , et à près de 286 millions d'euros sur la seule période comprise entre 2009 et 2013 117 ( * ) . Le logiciel unifié de paye pour les 2,5 millions d'agents de l'État devait en effet être connecté aux nouveaux SIRH, et c'est dans cette connexion que se trouvaient l'essentiel des gains attendus.

Or il se trouve que d'importantes incertitudes pèsent également sur SIRHIUS . Dans un référé du 20 avril 2016 118 ( * ) , la Cour des comptes note que « dix ans après son lancement, force est de constater que ce projet a pris un retard important et que son déploiement est loin d'être achevé ». Celui-ci devait initialement s'achever en 2014, mais n'a pas cessé d'être repoussé depuis, et pourrait se prolonger jusqu'à mi-2018 . À ce jour, seules quatre directions des ministères économiques et financiers ont effectué la bascule sur SIRHIUS 119 ( * ) , et encore avec retard et de manière partielle. Quant à la DGFiP, qui représente à elle-seule 74 % des effectifs concernés - et assure le développement du projet... - elle a repoussé cette échéance à juin 2018 120 ( * ) . Par ailleurs, aucune décision n'a été prise à ce jour concernant la réorganisation des services RH déconcentrés en lien avec le déploiement de SIRHIUS, alors que c'est pourtant de cela que dépend l'essentiel des réductions d'effectifs attendues (300 ETP).

D'après la Cour des comptes, l es difficultés du projet SIRHIUS, qui ne rappellent que trop celles de l'ONP, sont largement imputables aux défauts de gouvernance du projet 121 ( * ) , éclatée entre de multiples directions générales et « reposant sur le consensus des parties prenantes, au lieu de la confier au secrétaire général, à l'opposé des bonnes pratiques reconnues pour la gestion des grands projets informatiques », ce qui témoigne de « la faiblesse du positionnement institutionnel du secrétariat général ».

Si les documents budgétaires ne permettent pas d'évaluer le coût complet de SIRHIUS , la Cour des comptes estime que celui-ci pourrait être de 104 millions d'euros depuis son lancement, et qu'il pourrait atteindre 140 millions d'euros à horizon 2019 , soit un surcoût (pour l'instant) de 23 %. S'y ajoutent, entre autres, les coûts de RENOIRH, évalués par le rapport annuel de performances à 33,5 millions d'euros, soit plus du double de l'estimation initiale de 16 millions d'euros.

En comparaison, les dépenses d'investissement du programme 148 , d'un montant plus modeste, sont « presque » épargnées en CP, puisqu'elles s'établissent à 6,6 millions d'euros (- 17,2 % par rapport à la prévision), mais s'effondrent en AE à 1,9 million d'euros (soit - 72,8 % par rapport à la prévision, et - 82,7 % par rapport à l'exécution 2014) , signe d'un report sine die de nombreux projets.

5. L'entretien des bâtiments de l'État : des dépenses de plus en plus faibles, qui n'ont plus leur place au sein de la mission

La diminution des investissements sur le programme 309 est plus marquée encore : les crédits de titre 5 affichent une baisse d'environ 18 % (15 millions d'euros), à la fois par rapport à l'exécution 2014 et par rapport à la loi de finances initiale, pour s'établir à 65 millions d'euros en CP. La tendance est similaire en AE.

Cette situation, qui se répète et s'accentue d'année en année, appelle à des remarques spécifiques.

Premièrement , les diminutions et annulations sont concentrées sur l'action 06 « Travaux lourds - Mise en conformité et remise en état », qui porte à elle seule près de la moitié des crédits du programme 309. Le choix des gestionnaires est donc de réaliser des économies ponctuelles et pour ainsi dire « faciles », en renonçant à des travaux lourds, mais ceci au détriment du maintien en état de l'immobilier de l'État , ce qui ne manquera pas d'être source de coûts récurrents pendant de nombreuses années.

Deuxièmement , ainsi que le relèvent vos rapporteurs spéciaux au sujet du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », l'architecture budgétaire de la politique immobilière de l'État est trop complexes et source d'irrégularités , et de nombreuses dépenses relevant en théorie du programme 309 sont en pratique imputées sur le CAS. Dès lors, et compte tenu de l'attrition progressive de l'enveloppe allouée au programme 309, sa suppression peut être envisagée , dans le cadre d'une refonte globale des règles financières de la politique immobilière de l'État.

De plus amples développements sont consacrés à ce sujet par vos rapporteurs spéciaux dans l'annexe relative au CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».


* 110 Annulation de 18,9 millions d'euros (AE = CP) sur l'ensemble de la mission et ouverture de 5 millions d'euros (AE = CP) sur le programme 302, par le décret n° 2015-402 du 9 avril 2015 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 111 Le 1 er juin 2015, cinq pôles régionaux du STDR ont été ouverts : Lyon, Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Paris, Saint-Germain-en-Laye et Vanves. S'y ajoutent depuis juin 2016 trois nouveaux pôles à Lille, Nantes et Ermont.

* 112 Plan de renforcement de l'action de la douane en matière de lutte contre le terrorisme et de contrôle aux frontières, 22 janvier 2016.

* 113 Notamment à la suite du vote du 23 juin 2016 sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne.

* 114 Rapport établi par le service du pilotage et du budget de la DGFiP dans le cadre des « revues de dépense », avril 2015.

* 115 Le tableau présentant l'analyse synthétique des coûts du programme 302 constitue un outil bienvenu. D'une manière générale, vos rapporteurs spéciaux notent l'amélioration de la qualité de certains éléments présentés dans le rapport annuel de performances de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

* 116 Les emplois de l'ENA sont passés de 498 ETPT en exécution 2014 à 488 ETPT en exécution 2015. On notera que le plafond d'emploi fixé en loi de finances initiale, soit 520 ETPT, n'a pas grand sens.

* 117 D'après les chiffres fournis par le directeur interministériel des systèmes d'information et de communication (DISIC), Jacques Marzin, à l'occasion de l'audition conjointe du 21 mai 2014 sur le projet de l'Opérateur national de paye devant la commission des finances.

* 118 Référé S 2016-0980 sur le déploiement du système d'information des ressources humaines des ministères économiques et financiers (SIRHIUS), 20 avril 2016.

* 119 La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), le secrétariat général et l'Institut national des statistiques et des études économiques (Insee). S'y ajoute, également de manière partielle, le ministère des affaires étrangères et du développement international (MAEDI).

* 120 Réponses du ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, et du secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, aux observations de la Cour des comptes. Cette échéance a été fixée après la publication du référé. Par ailleurs, les ministres précisent que « le retour sur investissement est désormais clairement mesuré », et que la cible de -300 ETP est confirmée.

* 121 C'est tout le sens de la création en 2015 de la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC), placée directement auprès du Premier ministre.

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