II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des dépenses d'exonération de charges en forte diminution malgré une situation de l'emploi toujours critique
a) Une diminution de la dette de l'État vis-à-vis des organismes sociaux à la suite de la réforme de 2014

Le dispositif d'exonérations de charges sociales spécifique à l'outre-mer a été créé par la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte. Il vise à réduire le coût du travail afin de favoriser le développement de l'emploi dans ces territoires.

Ce dispositif (action 01 « Soutien aux entreprises » du programme 138), constitue un outil essentiel de la politique de l'État en faveur des outre-mer. Il représente 1,1 milliard d'euros, soit plus de la moitié des crédits consommés au sein de la mission « Outre-mer » en 2015 et 83 % des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer ».

Il repose sur un mécanisme prenant en compte plusieurs facteurs : la taille de l'entreprise, son secteur d'activité et son éligibilité ou non au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et la rémunération du salarié. Les entreprises situées dans les territoires ultramarins bénéficient depuis le 1 er janvier 2015 de la baisse de 1,8 point des cotisations employeurs famille pour les salaires compris entre 1 SMIC et 1,6 SMIC ainsi que de l'allègement de cotisations sociales en faveur des indépendants.

Évolution de la dette et de la dette cumulée auprès
des organismes de sécurité sociale

(en millions d'euros)

Année

Montants liquidés par les organismes de sécurité sociale

Versements effectués

Dette annuelle

Dette cumulée

2013

1 206,8

1 208,3

-1,4

- 75,5

2014

1 192,6

1 124,7

67,8

- 143,3

2015

1080,8

1090,6

-9,8

-133,5

Source : direction générale des outre-mer

Ce dispositif est constitué pour l'essentiel des crédits destinés à compenser le coût des exonérations de charges sociales spécifiques aux territoires ultramarins aux organismes de sécurité sociale (régime social des indépendants, Caisse centrale de mutualité sociale agricole, Agence centrale des organismes de sécurité sociale, Établissement national des invalides de la marine et Caisse de protection sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon).

L'article 130 de la loi de finances pour 2014 a procédé à un recentrage de ce dispositif sur les bas salaires en modifiant les seuils pour les entreprises bénéficiant du CICE (les exonérations des autres entreprises n'ont pas été modifiées). Cette réforme a permis la rationalisation des dépenses de l'État liées à ces exonérations.

Cette réforme a permis d'amorcer la baisse du montant cumulé des impayés de l'État aux organismes de sécurité sociale au titre des exonérations spécifiques à l'outre-mer. Il s'élevait, fin 2014, à 143,3 millions d'euros, puis s'est réduit à 133,5 millions d'euros fin 2015.

Le dispositif a également bénéficié :

- du dégel de la réserve de précaution à hauteur de 51 millions en AE et CP ;

- de l'utilisation du reliquat disponible sur la ligne pour 180 154 euros en AE et en CP après dernières facturations à la Caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre et Miquelon.

La mise en oeuvre de ces dispositifs devra continuer à bénéficier de crédits importants afin d'apurer la dette élevée vis-à-vis des organismes sociaux.

b) Une performance en légère augmentation, qui justifie une préservation du dispositif

Impact des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale sur l'évolution des effectifs salariés dans les départements d'outre-mer

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Comme le montre le graphique ci-dessus, les entreprises exonérées bénéficient d'un taux de croissance de l'emploi inférieur de 0,4 point à celui de l'ensemble des entreprises ultramarines, ceci s'expliquant par un contexte économique globalement plus favorable aux secteurs des entreprises non exonérées .

Il convient en outre de noter que l'écart entre le taux de croissance de l'emploi salarié dans les entreprises d'outre-mer exonérées de cotisations sociales et le taux de croissance de l'emploi salarié dans les entreprises analogues de l'hexagone a légèrement augmenté en 2015. Les entreprises ultramarines bénéficiant d'exonérations de charges connaissent donc une situation de l'emploi moins défavorable que les entreprises des secteurs comparables de l'hexagone.

L'impact de telles exonérations, diffus, ne pouvant se dégager aisément, une analyse tendancielle doit être privilégiée. À cet égard, l'évolution 2014-2015 est positive.

Vos rapporteurs spéciaux renouvellent leurs interrogations sur le choix du gouvernement de réformer le dispositif d'exonérations de charges sociales outre-mer. Ils considèrent qu'après une réforme importante, eu égard à la situation de l'emploi dans les outre-mer, il convenait de stabiliser ce dispositif afin de permettre aux entreprises de bénéficier d'une visibilité sur l'évolution de leur masse salariale et de ne pas décourager les décisions de recrutement.

2. Des dispositifs d'insertion professionnelle à préserver

Les crédits consommés pour l'action 2 « Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle » du programme 138 « Emploi outre-mer », qui couvrent les deux dispositifs d'insertion professionnelle, s'élèvent en 2015 à 265 millions en AE et 269 millions en CP, soit une légère hausse par rapport à l'exercice 2014.

a) Une hausse du taux d'insertion professionnelle des jeunes ayant bénéficié d'une mesure de formation professionnelle en mobilité traduisant l'efficacité du dispositif
Taux d'insertion professionnelle des jeunes ayant bénéficié
d'une mesure de formation professionnelle de LADOM

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le travail mené par LADOM, chargée de ce dispositif de formation, pour rapprocher son offre de service des besoins identifiés auprès des partenaires socio-économiques a permis, avec une hausse de quelque 4 points du taux d'insertion, une amélioration de l'insertion professionnelle de ses publics.

b) Une montée en puissance du SMA poursuivie, conformément à l'objectif « SMA 2000 » fixé en 2017

Le plafond d'emplois autorisé (PEA) du SMA était fixé à 5 309 ETPT pour la gestion 2015, soit une augmentation de + 2 ETPT par rapport au PEA pour 2014. Ce plafond d'emplois se répartit entre 1 105 ETPT du personnel civil et militaire et 4 204 ETPT volontaires.

En exécution 2015, les effectifs restent en deçà de ce plafond avec 5 296 ETPT annuels moyens. L'écart de 13 ETPT porte principalement sur les cadres militaires dont le rythme d'installation n'a pas permis de saturer le plafond d'emplois attribué à cette catégorie de personnel.

Le PEA des Volontaires a, quant à lui, été atteint et l'objectif en emplois a bien été réalisé.

Taux d'insertion des volontaires du SMA en fin de contrat

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'efficacité du SMA est relativement contrastée, avec un taux de sorties anticipées du dispositif sans insertion professionnelle de 14,5 %, qui reste stable, malgré la réduction du taux d'encadrement. Ceci peut être expliqué par une baisse du taux d'encadrement engendrée par l'augmentation des effectifs (+ 98 volontaires par rapport à 2014) et, consécutivement, un élargissement à un public plus fragile.

Depuis 2013, l'insertion des volontaires stagiaires se maintient au-dessus de la cible des 76 %. Le fléchissement constaté par rapport à 2014 (- 1,1 %) est la conséquence de la baisse du nombre de volontaires ayant bénéficié d'une mesure de mobilité pour s'insérer en métropole.

Vos rapporteurs spéciaux tiennent à rappeler la nécessité de poursuivre la montée en puissance de ces deux dispositifs complémentaires.

3. Une poursuite de la baisse des dépenses de la ligne budgétaire unique difficilement compatible avec la priorité affichée en matière de logement

Les dépenses de la ligne budgétaire unique s'élèvent en 2015 à 198 millions d'euros en CP et 178 en AE, soit une baisse de respectivement 8 % et 7 % par rapport à la consommation 2014.

Vos rapporteurs spéciaux s'inquiètent de la baisse inquiétante de logements sociaux financés par rapport à 2014 : 4 712 en 2015 contre 5 491 en 2014 (soit une baisse de 14 %), alors même que cette action revêt un caractère prioritaire.

À cet égard, vos rapporteurs spéciaux soulignent que les arbitrages d'annulation de crédits intervenus entre le programme 138 « Emploi outre-mer » et le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » apparaissent peu compatibles avec les priorités affichées par la mission en matière de logement. En effet le programme 123 porte 64 % des crédits annulés en CP par décrets d'avance alors qu'il ne représente que 31 % des crédits de paiement de la mission « Outre-mer ».

Fluidité du parc de logements sociaux

(en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'indicateur « fluidité du parc de logements sociaux » vise à mesurer « l'efficacité socioéconomique de la politique du logement des populations ultramarines les plus modestes et la qualité de service rendu dans le cadre de cette politique aux administrés ». Il comprend deux sous-indicateurs :

- le ratio du nombre de demandeurs de logements sociaux en fin d'année rapporté au nombre de relogements de demandeurs au cours de cette même année, qui mesure l'adéquation entre l'offre et la demande de logements sociaux. En 2014, pour un relogement, plus de cinq ménages restaient en attente d'un logement. Comme le montre le graphique ci-dessus, en 2014, ce ratio a connu une légère hausse. Le rapport annuel de performances de la mission « Outre-mer » précise que « les résultats obtenus en 2015 s'inscrivent dans la tendance encourageante entamée depuis l'année 2013 [...] Ils s'expliquent notamment par la poursuite de l'actualisation des fichiers des demandeurs (ne sont pas comptabilisés les demandeurs dont les dossiers sont irrecevables, les ménages dont la demande n'a pas été renouvelée, les ménages ayant abandonné leur demande), mais aussi par l'augmentation du parc de logement ces dernières années ».

- le taux de mobilité dans le parc social correspond au ratio entre le nombre d'emménagements dans des logements locatifs et le nombre de logements locatifs loués ou proposés à la location depuis au moins d'un an. Comme le montre le graphique supra , cet indicateur continue à connaître une évolution positive en 2015, passant de 8,5 % à 9 %.

4. Une forte baisse de la dépense de l'aide à la continuité territoriale à surveiller

Aux termes de l'article L. 1803-1 du code des transports, la politique nationale de continuité territoriale doit tendre « à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d'outre-mer ».

Les crédits de l'action 03 « Continuité territoriale » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » sont principalement destinés à abonder le fonds de continuité territoriale (FCT), qui est notamment chargé de financer :

- l'aide à la continuité territoriale (ACT) pour tous publics ;

- le passeport-mobilité études (PME) pour les étudiants et les lycéens ;

- le passeport-mobilité formation professionnelle (PMFP) pour les personnes ayant un projet d'insertion professionnelle.

En 2015, les crédits consommés de l'action 03 « Continuité territoriale » enregistrent une baisse de 29,6 % en AE et de 38,1 % en CP (contre + 13,7 % en AE et + 24,1 % en CP en 2014). Cette évolution s'explique par la réforme du dispositif en loi de finances pour 2015.

Les critères d'éligibilité de l'aide à la continuité territoriale ont ainsi été modifiés avec la mise en place d'un délai d'au moins trois années entre le versement de deux aides et la division de leurs montants par deux pour les foyers dont le quotient familial annuel est supérieur à 6 000 euros.

Les collectivités territoriales d'outre-mer connaissent une réalité géographique et économique particulière, en raison notamment de leur isolement, de leur éloignement et de leur taille réduite. Vos rapporteurs spéciaux expriment leurs doutes quant à l'impact de cette réforme, qui pourrait nuire au désenclavement des collectivités territoriales d'outre-mer.

a) Une baisse inquiétante de la dotation du fonds exceptionnel d'investissement

Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) a été créé par l'article 31 de la loi pour le développement économique des outre-mer. Les investissements financés par le FEI concernent notamment les thèmes suivants :

- adduction d'eau potable et assainissement ;

- gestion des déchets ;

- désenclavement ;

- infrastructures numériques ;

- infrastructures d'accueil des entreprises ;

- prévention des risques naturels ;

- équipements publics de proximité dans le domaine sanitaire et social ;

- énergies renouvelables et développement durable.

La consommation en AE de l'action 08 « Fonds exceptionnel d'investissement » observe une baisse de 44 % par rapport à 2014 qui s'explique notamment par une diminution de 10 millions d'euros observée entre la dotation initiale de 2014 et celle de 2015.

Crédits du fonds exceptionnel d'investissement consommés

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

AE

40

10

17

50

50

26

CP

17

21,5

19

25,9

25,9

23

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Selon le rapport annuel de performances, l'écart constaté sur les autorisations d'engagement entre les montants programmés en loi de finances initiale et l'exécution est le résultat :


• de l'application de la réserve de précaution ainsi que des redéploiements opérés en cours d'année entre les missions du budget général de l'État en raison de nouvelles priorités gouvernementales ;


• du report en 2016 de deux opérations initialement programmées sur 2015 ;


• de l'annulation d'une opération programmée en 2015.

Vos rapporteurs spéciaux rappellent que ce fonds constitue un dispositif précieux, permettant de financer des projets structurants pour les outre-mer. Cette baisse des crédits, si elle était poursuivie, remettrait largement en cause l'objectif fixé par le Président de la République d'une enveloppe total de 500 millions d'euros d'ici 2017.

Dans le cadre de leur contrôle budgétaire sur les crédits du FEI, vos rapporteurs spéciaux établiront un bilan et une évaluation détaillée de ce dispositif.

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