B. UNE EXÉCUTION TRÈS TOURMENTÉE ET DES DÉPENSES EN FORTE EXPANSION

Synthèse de la gestion des crédits 2015 de la mission AAFAR

(en millions d'euros)

Source : ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Les dépenses ont excédé de 36,7 % les crédits votés en loi de finances initiale. C'est dire que l'exécution budgétaire a été particulièrement difficile en 2015.

Elle s'est accompagnée d'une forte inflation des dépenses globales de la mission entre 2014 et 2015, avec, toutefois, des variations très disparates des dépenses des différents programmes.

Au demeurant, la spectaculaire augmentation des dépenses globales et la dispersion des dépenses par programme ne sont pas sans lien.

1. Une augmentation très forte des dépenses mais sans toujours un profit direct appréciable pour le système agro-alimentaire

Les dépenses réalisées en 2015 ont excédé celles de 2014 de 379,3 millions d'euros marquant une augmentation supérieure à 10 %.

Les différentes catégories de dépenses ont connu des variations disparates .

Celle-ci a touché les dépenses de fonctionnement qui ont connu une progression de 408 millions d'euros (+ 35,5%).

Les autres catégories de dépenses ont diminué (excepté les dépenses liées à des opérations financières qui ne représentent qu'environ 1 % des opérations), mais dans des proportions plus modérées.

Il faut souligner la baisse des dépenses d'intervention, de 2,3 % en nominal. Elle a contribué à la réduction des revenus des acteurs du secteur (avec une ampleur démultipliée en termes réels compte tenu de l'inflation) effet particulièrement malheureux dans une conjoncture agricole aussi difficile que celle traversée en 2015.

Doit aussi être mentionnée la baisse des dépenses de personnel. Elles se montaient à 31 % des crédits prévus en loi de finances initiale et ont été ramenées à 23 % des crédits consommés. Ce glissement vient principalement de la dérive des autres dépenses. Néanmoins, les charges de personnel ont connu une baisse en valeur courante de 1,4 % (13 millions d'euros d'économies par rapport à 2014).

Dans ces conditions, les évolutions des dépenses ont été très variables selon le programme considéré.

En réalité seul le programme 154 a connu une hausse de ses dépenses. De 21,4 %, elle a atteint 443,1 millions d'euros d'une année sur l'autre.

Les autres programmes ont enregistré une inflexion de leurs charges. Celle-ci a été particulièrement prononcée pour le programme 149 consacré à la politique publique pour la forêt (un recul de plus de 15 %). Les dépenses de santé animale et végétale et de sécurité sanitaire des aliments ont également baissé dans un contexte pourtant marqué par la résurgence de nombreux dangers sanitaires.

2. Une programmation budgétaire débordée
a) Une programmation budgétaire prise à revers

Les dépenses de fonctionnement avaient déjà excédé les crédits programmés en 2014, de 413 millions d'euros. Malgré cela, la programmation budgétaire pour 2015 avait retenu des ouvertures de crédits inférieures à celles de 2014 avec une économie de plus de 6,5 % (proche de 50 millions d'euros). Cette programmation ouvrait la perspective d'une diminution des dépenses considérable par rapport aux consommations de 2014 ; 462 millions d'euros devaient être épargnés en 2015. Hélas, c'est tout le contraire qui s'est produit. Les dépenses effectives ont excédé les crédits ouverts en loi de finances initiale de 870 millions d'euros, soit près de 2,2 fois les prévisions budgétaires.

D'un point de vue fonctionnel, le programme 154 est celui dont la programmation budgétaire initiale a été la plus éloignée de l'exécution. Sur ce programme, l'excédent de dépenses dépasse 1,1 milliard d'euros si bien que les dépenses effectives se sont élevées à 1,78 fois les crédits ouverts en loi de finances initiale.

Les dépassements de crédits du programme 154 :
toutes les actions ont été concernées

Toutes les actions ont été concernées.

La première responsable est l'action 15 correspondant aux moyens de mise en oeuvre des dépenses d'intervention avec un dérapage de 805 millions d'euros . Il s'inscrit dans la problématique commentée ci-après des refus d'apurement communautaire.

L'action 11 « Adaptation des filières à l'évolution des marchés », de son côté, a fait face à des dépenses effectives (315,1 millions d'euros) supérieures de 136,3 millions d'euros à la dotation de la loi de finances initiale. L'essentiel du dépassement provient de l'abondement de crédits de 95,3 millions d'euros nécessité en cours d'année pour financer le plan de soutien à l'élevage dans le contexte de crise apparu dans le courant de l'année. Ce plan, annoncé le 22 juillet 2015 avait été estimé à 600 millions d'euros. Son dénouement pèsera lourdement sur l'année 2016.

L'action 14 « Gestion équilibrée et durable des territoires » a dépensé plus de 60 millions d'euros de plus que prévu alors même que la campagne d'indemnités compensatrice de handicaps naturels pour 2015 a pris du retard (voir infra ). Le protocole d'accord transactionnel consécutif à l'abandon du barrage de Sivens a contribué un dépassement de 1,8 million d'euros en crédits de paiement (3 millions d'euros en autorisations d'engagement). Une part importante (près de 20 millions d'euros) de la surconsommation des crédits ouverts en loi de finances initiale est attribuable à une progression plus forte que prévu des compensations d'exonérations de cotisations sociales pour l'embauche de travailleurs occasionnels avec un nombre de contrats supérieur aux anticipations.

L'action 12 « Gestion des crises et des aléas de production » avait été dotée de 27,4 millions d'euros en loi de finances initiale. Les dépenses ont largement excédé cette ouverture avec 81,8 millions d'euros (un excès de 54,4 millions d'euros ). Le Fonds d'allègement des charges a été particulièrement sollicité dans le cadre du plan de soutien à l'élevage et des dispositions prises pour restructurer la dette des exploitations (48,5 millions d'euros de suppléments de crédits ont été exécutés). De même, le Fonds national de gestion des risques en agriculture, sans dotations en loi de finances initiale, a dû supporter une dépense de 1,5 million d'euros.

Enfin, l'action 13 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations » a consommé 46,1 millions d'euros de plus que ses dotations initiales. Les aides à la modernisation des exploitations (+ 27,5 millions d'euros) et les financements de prêts à l'installation (+ 19,9 millions d'euros) sont responsables de ce surcroît de dépenses.

Un second programme a connu une exécution plus forte que prévu : le programme 206. Mais le dépassement des crédits initiaux a été nettement plus modéré (moins d'un million d'euros) avec toutefois des écarts non négligeables sur certaines actions. Ainsi, l'action 2 a fait face à des dépenses supérieures de l'ordre de 5 % par rapport aux prévisions (un supplément de près de cinq millions d'euros). La lutte contre les maladies animales a requis plus de moyens que prévu du fait du poids budgétaire d'épizooties nouvelles. De même l'action 6 a connu environ 5,5 millions d'euros de dépenses supplémentaires en raison de la budgétisation d'une partie du contentieux récurrent avec les vétérinaires en mission relativement à leur protection sociale (voir infra ).

À l'inverse, les autres programmes ont connu une sous-exécution par rapport aux dotations de loi de finances initiale.

Tel a été particulièrement le cas du programme 149 consacré à la forêt pour une économie de 40 millions d'euros représentant près de 14 % des dotations initiales.

Enfin, 10 millions d'euros ont été économisés sur le programme de soutien 215.

b) Des initiatives de gestion déconcertantes

La discussion parlementaire du projet de loi de finances pour 2015 a donné lieu à des amendements du Gouvernement dont le bien-fondé apparaît rétrospectivement particulièrement discutable. Il en est allé ainsi de la réduction de crédits initialement prévus pour financer le dispositif d'exonérations sociales des travailleurs occasionnels, minorés lors des débats mais dépassés de près de 20 millions d'euros en exécution.

Au-delà, l'application systématique d'une mise en réserve de précaution au taux de 7,1 % a entraîné un gel de près de 100 millions sur le programme 154 alors même que les perspectives d'un très large dépassement des ouvertures étaient certaines.

Quant à l'exécution des engagements communautaires, c'est plutôt le défaut d'initiatives pour en assurer une due exécution qu'il faut déplorer. Des engagements remontant à l'exercice 2013 ont été exécutés en 2015. Surtout, l'exécution de la nouvelle PAC s'est trouvée perturbée par le défaut de réunion des conditions nécessaires par la France.

c) De multiples ajustements en gestion

Dans ce contexte de très importants mouvements de crédits sont intervenus en cours de gestion.

Sur le programme 154 , 29,6 millions d'euros de reports de crédits sont intervenus mais, surtout, 1,09 milliard d'euros ont été ouverts par la loi de finances rectificative de fin d'année. Un solde de 13 millions d'euros demeure reportable en fin de gestion.

Sur le programme 149, le total des annulations de crédits a atteint 39 millions d'euros en crédits de paiement soit une proportion élevée des crédits initiaux. Une annulation de 10 millions d'euros a été décidée tôt dans l'année dans le cadre du décret d'avance du 9 avril 2015. Elle a été complétée par des annulations en loi de finances rectificative (19,2 millions d'euros). Ces mouvements laissent un reliquat de crédits reportables minime compte tenu des crédits effectivement consommés.

Sur le programme 206 des ouvertures de crédits (29,7 millions d'euros) ont été partiellement compensées par des annulations (11,1 millions d'euros). Une part importante des mouvements est attribuable à des rattachements de fonds de concours en provenance de l'UE. Il est notable qu'en dehors de ces rattachements, dont une grande partie au titre de reports sur l'exercice antérieur, les annulations de crédits excèderaient les ouvertures pratiquées en gestion.

Enfin , le programme 215 a dû enregistrer en gestion la création de 340 ETPT au titre de la mesure FEAGA destinée à réduire l'ampleur de la correction financière envisagée par la Commission européenne dans le cadre du contentieux sur les apurements. Ces créations d'ETPT qui auraient pu intervenir dès la loi de finances initiale pour 2015 ont été acquises dans le cadre du collectif de fin d'année. Elles n'ont pas conduit à dépasser le plafond d'emplois en 2015. Mais, en revanche, elles l'ont saturé. Leur impact sur les crédits de personnel a été limité du fait de la disponibilité des crédits en loi de finances initiale.

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