II. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES « ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » (RAPPORTEUR SPÉCIAL : PHILIPPE ADNOT)

Les programmes « Enseignement supérieur » correspondent aux programmes 150 « Formation supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante ».

1. Une exécution confirmant la préservation du budget de l'enseignement supérieur...

La loi de finances initiale pour 2015 avait sanctuarisé les crédits consacrés à l'enseignement supérieur (programmes 150 et 231) , avec 15,24 milliards d'euros en AE et 15,34 millions d'euros en CP, soit une prévision légèrement supérieure à celle de 2014.

Une réduction des crédits de 70 millions d'euros sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » avait été adoptée en première lecture, par l'Assemblée nationale, au cours de la seconde délibération. Ce montant a toutefois été finalement rétabli en nouvelle lecture , après l'opposition du Sénat et sous la pression du milieu universitaire.

Une nouvelle fois cette année, les crédits ont été très largement exécutés , avec une consommation globale des crédits des deux programmes consacrés à l'enseignement supérieur de 99,6 % en AE et 99,8 % en CP.

Consommation et évolution des crédits consacrés à l'enseignement supérieur au sein de la MIRES

Autorisations
d'engagement

Évolution 2014/2015

Crédits de paiement

Évolution 2014/2015

2014

2015

2014

2015

programme 150 - Formations supérieures et recherche universitaire

Prévision LFI*

12 558,8

12 732,0

1,4%

12 849,5

12 829,8

-0,2%

Consommation

12 664,4

12 636,8

-0,2%

12 743,5

12 743,7

0,0%

Taux de consommation

100,8%

99,3%

-

99,2%

99,3%

-

programme 231 -
Vie étudiante

Prévision LFI*

2 448,5

2 510,2

2,5%

2 458,9

2 507,6

2,0%

Consommation

2 463,3

2 548,3

3,4%

2 451,0

2 556,0

4,3%

Taux de consommation

100,6%

101,5%

-

99,7%

101,9%

-

TOTAL « ENSEIGNEMENT SUPERIEUR »

Prévision LFI*

15 007,3

15 242,20

1,6%

15 308,4

15 337,40

0,2%

Consommation

15 127,7

15 185,10

0,4%

15 194,5

15 299,70

0,7%

Taux de consommation

100,8%

99,6%

-

99,3%

99,8%

-

*Y compris fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2015

Depuis 2008, le budget de l'enseignement supérieur est préservé , malgré la forte contrainte budgétaire.

Évolution de la consommation des crédits de paiements relatifs à l'enseignement supérieur entre 2008 et 2015

Source : commission des finances d'après les données des rapports annuels de performances pour les années 2008 à 2015

La recherche universitaire a bénéficié de 3,76 milliards d'euros, correspondant à 99 % du budget initialement prévue et stable par rapport à 2014 (- 0,5 %).

Récapitulation de l'ensemble des mouvements de crédits opérés au sein des programmes 150 et 231 en 2015

(en millions d'euros)

LFI 2015*

Reports entrants

Décrets d'avance

Vire-ment ou transfert

Reports sortants ou crédits non consom-més

Annula-tions inter-venues en 2015

fonds de concours et attribu-tions de produits

Total des crédits consom-més

Total des crédits consom-més / crédits alloués en LFI 2015

programme 150

CP

12 787,9

44,91

-80,37

1,84

-26,83

-10,30

26,60

12 743,75

99,7%

programme 231

CP

2 498,1

16,22

43,76

0,25

-15,25

0,00

12,95

2 556,03

102,3%

Total
« Enseignement supérieur »

CP

15 286

61,13

-36,6

2,1

-42,1

-10,3

39,6

15 299,8

100,1%

*hors fonds de concours et attribution de produit

Source : ministère du budget

2. ...mais marquée par la ponction de 100 millions d'euros sur le fonds de roulement de certains établissements

Conformément à ce qui avait été prévu dans le projet de loi de finances pour 2016, le budget a été exécuté en tenant compte d'une contribution des établissements de l'enseignement supérieur à l'effort de redressement des comptes publics à hauteur de 96,7 millions d'euros (100 millions d'euros initialement prévus).

Cet « ajustement exceptionnel », comme l'indique le projet annuel de performances pour 2015, s'est opéré sur les opérateurs du programme 150 qui disposaient « de fonds de roulement hors normes », c'est-à-dire au-delà de deux fois le seuil prudentiel fixé par le ministère à trente jours de dépenses de fonctionnement décaissables.

Les établissements concernés et la fixation des montants ont été déterminés au regard des résultats de la mission menée conjointement par l'inspection générale des finances (IGF) et l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), sur la situation financière des universités, dont le rapport a été rendu en mars 2015 et qui proposait notamment « une méthodologie permettant de déterminer la part du fonds de roulement qui n'est pas préemptée par des engagements réglementaires ou pluriannuels et qui est mobilisable par les établissements pour soutenir leur politique de développement ». C'est à partir de cette part mobilisable que les montants des prélèvements ont été décidés.

Concrètement, un prélèvement n'a pas été nécessairement opéré sur le fonds de roulement de ces opérateurs mais la dotation qui leur a été versée par l'État a été diminuée du montant correspondant à la somme arrêtée.

Cette baisse a touché 46 établissements , dont onze universités (pour 61,7 millions d'euros) et vingt-et-une écoles d'ingénieurs (pour 23,5 millions d'euros). Les chancelleries des universités ont également contribué. Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire, la Cour des comptes précise que, pour ces dernières, « les montants prélevés excédant le montant de la subvention pour charges de service public, celles-ci ont restitué des crédits au moyen de quatre fonds de concours ouverts en décembre 2015 ».

La mise en oeuvre de ce prélèvement a conduit à ce que la notification aux établissements de leur dotation annuelle n'intervienne qu'en avril 2015 , avec un premier versement équivalant à 25 % du montant perçu en 2014 alors qu'en principe, chacun est informé avant le début de l'année.

S'il peut être entendu que les établissements d'enseignement supérieur participent à l'effort de redressement des comptes publics, de telles pratiques de prélèvement , si elles étaient réalisées de façon trop répétées, risqueraient de dissuader les présidents d'universités et les directeurs d'écoles de gérer leurs établissements avec la prudence qui s'impose . Il convient de ne pas punir les plus vertueux et les meilleurs gestionnaires.

Fort heureusement, concernant 2016, un tel prélèvement n'a pas été prévu et un amendement du Gouvernement présenté en cours de discussion du projet de loi de finances initiale a même abondé de 100 millions d'euros supplémentaires le budget initial consacré à l'enseignement supérieur.

3. Les difficultés rencontrées par certains établissements malgré la situation financière globalement saine des universités

Le prélèvement de près de 100 millions d'euros précédemment évoqué a été permis sur le fonds de roulement de certains établissements d'enseignement supérieur dont la situation financière s'avérait particulièrement saine.

L'enquête de la Cour des comptes, réalisée à la demande de la commission des finances, sur le bilan de l'autonomie financière des universités 167 ( * ) , a confirmé que leur situation financière étaient « globalement satisfaisante », avec, en 2014, un « excédent agrégé de 680 millions d'euros dégagé par l'activité courante », une « capacité d'autofinancement reconstituée » de 438 millions d'euros ainsi qu'un fonds de roulement et un niveau global de trésorerie équivalant respectivement à 1,5 milliard d'euros et 2,2 milliards d'euros.

Au regard des éléments contenus dans le rapport annuel de performances pour 2015, il apparaît que, si 53 universités passées aux responsabilités et compétences élargies disposent d'un fonds de roulement correspondant à plus de trente jours de fonctionnement, soit le seuil prudentiel fixé par le ministère, vingt établissements n'atteignent pas ce seuil. Sept d'entre elles ont même un fonds de roulement inférieur à vingt jours dont trois n'atteignent pas dix jours (universités d'Orléans, d'Angers et de Pau).

Fonds de roulement des universités en fonction du nombre
de jours de fonctionnement couverts

Source : commission des finances d'après les données du rapport annuel de performances de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2015

D'après la note d'analyse d'exécution budgétaire de la Cour des comptes, neuf universités se trouvaient en « situation financière insoutenable » en décembre 2015 et quatorze étaient en « situation dégradée avec risque d'insoutenabilité à court terme ».

Ainsi, si la situation financière globalement positive des universités doit être soulignée de même que les importants progrès constatés depuis le passage aux responsabilités et compétences élargies, les difficultés importantes rencontrées par ces établissements ne doivent pas être ignorées . Les dispositifs de suivi, d'alerte et d'accompagnement mis en place par le ministère de l'enseignement supérieur doivent notamment permettre cela.

4. Des plafonds d'emplois des opérateurs du programme 150 qui restent sous-consommés

En 2015, les plafonds d'emplois des opérateurs du programme 150, dont l'essentiel est constitué par ceux des universités et établissements assimilés, sont loin d'être atteints , en tenant compte du passage aux responsabilités et compétences élargies de cinq nouveaux établissements au 1 er janvier 2015 et l'intégration des 22 communautés universitaires (COMUE) dans la catégorie des opérateurs du programme 150 168 ( * ) .

Ainsi, alors que la prévision s'établissait initialement à 161 228 emplois sous plafond, la réalisation enregistrée pour cette année s'établit à seulement 151 990 emplois, soit une différence de 9 238 emplois représentant plus de 5 % .

Le nombre d'emplois continue de croître au fil des années, avec une évolution de + 1 % entre 2014 et 2015 (soit 1 615 emplois). En outre, les emplois hors plafond connaissent une réalisation supérieure à la prévision, avec 26 327 emplois rémunérés contre 24 639 initialement prévus, ce qui s'explique essentiellement par les emplois des COMUE (+ 922 emplois hors plafond transférés au sein du programme et non prévus par la loi de finances initiale).

S'agissant plus spécifiquement des universités, alors que la prévision s'établissait à 162 803 emplois (sous et hors plafond), la consommation n'atteint finalement que 154 232 emplois. L'année 2015 confirme ainsi la tendance des années passées.

Emplois des universités et établissements assimilés (en ETPT)

Prévision 2015*

Réalisation 2015

Emplois sous plafond

143 408

134 288

Emplois hors plafond

19 395

19 944

dont contrats aidés

490

452

Total des emplois rémunérés par l'opérateur

162 803

154 232

Source : rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2015

Si ce constat a plusieurs explications, notamment techniques, la principale d'entre elles réside dans la prudence des établissements qui, afin de garantir leur équilibre budgétaire , cherchent à dégager ainsi des marges de manoeuvre et engagent avec mesure leurs recrutements . Cela a été mis en évidence par la Cour des comptes dans le cadre de l'enquête précitée et réalisée à la demande de la commission des finances du Sénat sur le bilan de l'autonomie financière des universités.

Concernant plus spécifiquement la création des 1 000 emplois par an dans l'enseignement supérieur, à laquelle s'est engagé le Gouvernement sur cinq ans, le rapport annuel de performances indique que 88 % d'entre eux ont été ou étaient projetés pour être mis en recrutement en 2013 et 2014 et 93 % en 2015. Cela ne garantit pas pour autant qu'ils l'ont vraiment été ni que d'autres emplois n'ont pas, parallèlement, été gelés.

5. Une légère sur-exécution des crédits consacrés aux aides sociales directes principalement due au maintien de l'aide au mérite

Avec une dépense qui s'élève à 2,56 milliards d'euros en crédits de paiement, le programme 231 « Vie étudiante » est en légère sur-exécution (101,9 %) .

Cette dépense augmente par ailleurs de 4,3 % par rapport à 2014 , sous l'effet principalement de la poursuite de la réforme des aides sociales directes (extension de l'échelon « 0 bis » à 77 500 boursiers supplémentaires, 1 000 allocations nouvelles notamment) et de l'augmentation du nombre d'étudiants.

Plus spécifiquement concernant les aides sociales directes, qui concentrent à elles-seules 83,5 % des dépenses du programme, près de 100 millions d'euros supplémentaires ont été consommés entre 2014 et 2015.

Dans le compte général de l'État, les bourses sur critères sociaux constituent l'un des principaux engagements hors bilan de l'État et l'ensemble des aides sociales directes versées aux étudiants figurent parmi les dispositifs majeurs de transfert aux ménages dans.

Comme l'an dernier, les crédits nécessaires aux bourses sur critères sociaux ont fait l'objet d'une prévision plutôt sincère , ce qui mérite d'être, une nouvelle fois, souligné dans la mesure où, au cours des années passées, ils étaient très largement sous-budgétés.

Ainsi, même s'il existe un écart de 25 millions d'euros entre la prévision et l'exécution, celui-ci, comme l'indique la Cour des comptes 169 ( * ) , « demeure réduit et ne remet pas en cause le constat, fait en 2014, de meilleure budgétisation des bourses de l'enseignement supérieur . »

Prévision et exécution des crédits consacrés
aux bourses sur critères sociaux

(en euros)

Source : commission des finances d'après les données des projets annuels de performances et des rapports annuels de performances pour 2009 à 2016

Certes, la réserve de précaution , qui s'élevait à 181,4 millions d'euros en AE et 180,8 millions d'euros en CP, a été quasi intégralement dégelée en fin d'année (avec 173,4 millions d'euros en AE et 172,8 millions d'euros en CP) pour le programme 231 et le décret d'avance du 27 novembre 2015 a ouverts des crédits supplémentaires pour un montant de 51,1 millions d'euros en AE et 51,8 millions d'euros en CP, afin de couvrir les besoins nécessaires.

En outre, un report de charges de 43 millions d'euros est également prévu, selon les estimations de la Cour des comptes, et correspond à des « charges à payer sur les dossiers de bourses traités avant la fin de l'exercice et à des dossiers validés après le 31 décembre . »

En pratique, à l'occasion de l'élaboration de son rapport sur le contrôle des conditions de maintien des droits des étudiants boursiers, il a été confirmé à votre rapporteur spécial que certains CROUS devaient « jongler » avec les crédits disponibles entre décembre et janvier pour payer les bourses et les autres aides sociales directes à la fin de l'année.

La sur-exécution des crédits constatée sur le programme 231 ne s'explique pas uniquement par l'augmentation du nombre de bénéficiaires mais également par le maintien de l'aide au mérite 170 ( * ) . En effet, alors que le Gouvernement avait décidé de la supprimer pour tous les étudiants entrant en licence, à compter de la rentrée universitaire 2014, et qu'elle se trouvait donc en cours d'extinction, cette aide a finalement été maintenue sous l'effet de la décision du Conseil d'État du 17 octobre 2014 171 ( * ) .

Votre rapporteur spécial a déjà eu l'occasion de manifester son désaccord avec la suppression d'une aide qui reposait sur le mérite et la réussite, d'autant qu'elle ne pouvait être accordée qu'à des étudiants issus des foyers les plus modestes puisqu'ils devaient, par ailleurs, également être boursiers sur critères sociaux. En outre, il a regretté qu'en maintenant cette aide complémentaire, le Gouvernement décide de diviser par deux son montant (900 euros annuels au lieu de 1 800 euros) pour les nouveaux entrants dans le dispositif qui ne pourront plus, par ailleurs, en bénéficier qu'en licence (et plus en master).

D'un point de vue budgétaire, comme cela était attendu, le maintien de l'aide au mérite a conduit à ce que les dépenses ne puissent être intégralement couvertes par la prévision initiale de l'année 2015. 66,34 millions d'euros ont été consommés à ce titre, pour un budget initialement fixé à 28,1 millions d'euros dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2016, soit un dépassement de + 136 %.


* 167 Enquête de la Cour des comptes de juin 2015, réalisée à la demande de la commission des finances du Sénat en vertu de l'article 58-2 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), « L'autonomie financière des universités : une réforme à poursuivre ».

* 168 Pour rappel, l'essentiel des dépenses de personnel et des emplois relevant du programme 150 relèvent désormais des opérateurs et figurent dans la subvention pour charges de service public qui leur est versée, et non plus au sein du titre 2. Ainsi, seuls 7 112 emplois temps plein travaillés (ETPT) restent financés par le titre 2 du programme en 2015, contre 8 423 ETPT en 2014 et 9 272 ETPT prévus.

* 169 Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Recherche et enseignement supérieur », mai 2016.

* 170 Cette aide est attribuée aux étudiants déjà boursiers sur critères sociaux et qui ont obtenu une mention très bien au baccalauréat ou, pour l'accès au master, lorsqu'ils ont figuré parmi les meilleurs diplômés de licence.

* 171 La juridiction administrative a ainsi ordonné, pour des raisons de forme, la suspension de l'ordonnance du 2 juillet 2014 qui prévoyait l'extinction du dispositif.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page