II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une dépense de RSA « activité » qui continue d'augmenter

Comme l'année dernière, les dépenses de RSA « activité » ont été plus importantes que ce qui avait été prévu lors de la programmation budgétaire. En conséquence le Fonds national des solidarités actives (FNSA), qui est chargé à titre principal de financer la part « activité » du RSA, a perçu une contribution de l'État de 2,5 milliards d'euros, au lieu des 2,3 milliards d'euros initialement prévus.

Cet écart important entre prévision et exécution a nécessité, en cours de gestion, la levée intégrale de la réserve de précaution (pour un montant de 207,5 millions d'euros) ainsi que l'ouverture de crédits supplémentaires par la loi n° 2015-1800 de finances rectificative pour 2015 pour un montant de 209,3 millions d'euros.

L'augmentation des dépenses de RSA « activité » s'explique à la fois par la progression du nombre de bénéficiaires (le nombre d'allocataires a progressé de 8,9 % pour s'établir à 895 023) et par l' impact de la revalorisation exceptionnelle de 2 % du montant forfaitaire du RSA , au-delà de l'inflation, conformément au plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale adopté le 21 janvier 2013 prévoyant une revalorisation totale du RSA de 10 % sur cinq ans.

La mise en place, depuis le 1 er janvier 2016, de la prime d'activité qui remplace la part « activité » du RSA et la prime pour l'emploi (PPE) accroît le risque budgétaire associé à l'exécution du programme 304 compte tenu du montant de la dépense prévue (4,3 milliards d'euros) et de l'incertitude liée au taux de recours de cette prestation. La prévision budgétaire reposait sur l'hypothèse d'un taux de recours de 50 %, soit deux millions de foyers bénéficiaires. Or, au 20 avril 2016, il y avait déjà 2,3 millions de foyers bénéficiaires, ce qui nécessitera vraisemblablement des ouvertures de crédits en cours de gestion.

2. Une hausse des dépenses d'aide alimentaire afin de solder les paiements de la campagne 2014

Les crédits de l'action 14 « Aide alimentaire » du programme 304 ont principalement permis de financer la contribution nationale au Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) pour un montant de 11,9 millions d'euros en 2015 - soit 15 % des montants des crédits du FEAD attribués à la France (80,6 millions d'euros).

Par ailleurs, ces crédits ont permis d'apporter un soutien financier au fonctionnement des épiceries sociales, qui ne peuvent bénéficier des aides du FEAD, pour un montant de près de 8 millions d'euros, ainsi que le versement de subventions aux principales têtes de réseau associatives pour soutenir leurs programmes de distribution d'aide alimentaire.

Alors que la prévision initiale prévoyait une dépense totale de 33,4 millions d'euros, 45,6 millions d'euros de crédits de paiement ont été consommés. Cet écart s'explique par le fait qu'une avance de crédits sur la participation européenne d'un montant de 12 millions d'euros a été nécessaire afin de solder le paiement des marchés des denrées alimentaires de la campagne 2014. En effet, comme l'indique la Cour des comptes, « le versements des fonds européens à l'aide alimentaire s'effectue après certification des services faits, ce qui induit un décalage dans le temps entre les décaissements [...] et le remboursement de l'UE » 197 ( * ) .

Hors avance, les crédits d'aide alimentaire sont en légère progression par rapport à l'exercice précédent (+ 2,6 %). L'aide alimentaire a ainsi pu bénéficier à quatre millions de personnes en 2015.

3. Des dépenses d'AAH qui demeurent dynamiques compte tenu de la progression du nombre d'allocataires

La loi de finances pour 2015 avait prévu 8,51 milliards d'euros de crédits au titre de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Finalement, les dépenses d'AAH se sont élevées à 8,83 milliards d'euros , soit un montant supérieur de 3,7 % à la prévision initiale.

Si le rythme de la progression de l'AAH continue de ralentir par rapport aux années antérieures, il reste toutefois élevé (+ 4,1 %). Ceci s'explique à la fois par la revalorisation dont a bénéficié l'AAH, de 0,9 % au 1 er septembre 2015, pour atteindre le montant de 807,65 euros par mois, ainsi que par la progression du nombre de bénéficiaires de cette prestation - celui-ci a augmenté de 2,2 % pour s'établir à 1,062 million (contre 1,035 million en 2014).

Cette hausse concerne avant tout les allocataires de l'« AAH 1 », c'est-à-dire des bénéficiaires de l'AAH présentant un taux d'incapacité permanente supérieur à 50 % en inférieur à 80 % ainsi qu'une restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi, lorsque le nombre des bénéficiaires de l'« AAH 2 », qui présentent un taux d'incapacité permanente égal ou supérieur à 80 %, est resté stable. Ceci résulte principalement d'effets mécaniques liés au report de l'âge de la retraite et du vieillissement de la génération du baby-boom.

Comme pour les dépenses de RSA « activité », l'évolution des dépenses d'AAH a nécessité une levée intégrale de la réserve de précaution, pour un montant de 938 millions d'euros, ainsi qu'un abondement en loi de finances rectificative pour 2015 de 313,7 millions d'euros .

Évolution des dépenses d'AAH et du nombre de bénéficiaires depuis 2010

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Nombre de bénéficiaires

915 000

956 580

996 957

1 023 300

1 041 775

1 062 900

Montant de la dépense d'AAH (en millions d'euros)

6 624,6

7 150

7 806,2

8 165,4

8 482

8 831

Montant moyen mensuel de l'allocation

619

596

622

640

653

693

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

4. Une baisse continue et préoccupante du nombre d'adoptions en France, qui pose la question du rôle et des missions de l'Agence française de l'adoption (AFA)

Le nombre d'adoptions internationales réalisées en France a continué de décroître en 2015 pour s'établir à 815. Ceci représente une diminution de 73 % par rapport à 2009 , où ce chiffre atteignait 3 019.

Cette baisse du nombre d'adoptions internationales n'est pas propre à la France mais concerne l'ensemble des pays d'accueil. Elle s'explique notamment par l'émergence d'une classe moyenne dans les pays d'origine qui aboutit à une diminution du nombre d'enfants proposés à l'adoption.

Évolution du nombre d'adoptions internationales depuis 2009

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Nombre d'adoptions internationales

3 019

3 508

2 003

1 569

1 343

1 069

815

dont adoptions réalisées par l'intermédiaire de l'AFA

514

568

402

304

256

239

201

Part des adoptions internationales réalisées par l'intermédiaire de l'AFA

17 %

16,2 %

20,1 %

19,4 %

19,1 %

22,4 %

24,7 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le nombre d'adoptions réalisées par l'intermédiaire de l'agence française de l'adoption (AFA) est de 201 , ce qui représente une part de 24,7 %, en hausse par rapport aux années antérieures. Les autres adoptions ont été réalisées soit par le biais d'organismes autorisés pour l'adoption (OAA), soit il s'agit d'adoptions individuelles.

Créée en 2005, l'AFA a pour mission d'informer, de conseiller et de servir d'intermédiaire pour l'adoption des mineurs étrangers de quinze ans. Dans son rapport public annuel de 2014 198 ( * ) , la Cour des comptes faisait un constat en demi-teinte s'agissant du fonctionnement de l'AFA. Si la Cour saluait le fait que l'AFA ait renforcé la coordination de son réseau départemental ainsi que l'information et l'accompagnement des familles adoptantes, elle relevait une implantation internationale malaisée, des délais d'attentes importants ainsi qu'un coût de l'adoption élevé et supérieur à celui des OAA (soit 15 000 euros par adoption tous pays confondus contre 3 145 à 9 112 euros pour les organismes).

La baisse continue du nombre d'enfants adoptés, bien qu'elle s'accompagne d'un renforcement de l'accompagnement des adoptants , pose la question de l'organisation de la politique d'adoption en France , et de la coexistence de l'agence et des autres intermédiaires que sont les 34 organismes agréés, dont l'action est parfois mal coordonnée.

Votre rapporteur spécial souscrit ainsi à la recommandation de la Cour des comptes selon laquelle il convient d'« engager une réflexion sur les missions et les modalités d'intervention de l'agence française de l'adoption, en l'inscrivant dans un questionnement plus large sur l'adoption internationale en France et sur l'économie générale de son organisation ».

5. Les ARS fortement mises à contribution

Le programme 124 regroupe les crédits de fonctionnement des administrations du secteur des affaires sociales, de la santé, du sport, de la jeunesse, de la vie associative et de la ville. L'année 2015 a été marquée par une sur-exécution des crédits de ce programme, avec 1 493,2 millions d'euros de crédits consommés contre 1 491,7 millions d'euros prévus (soit un écart de 1,5 million d'euros).

Toutefois il est difficile d'interpréter ce résultat, puisque le programme 124 a bénéficié en gestion d'un transfert de crédit de 38,3 millions d'euros en CP à partir du programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » couvrant les dépenses de fonctionnement courant, d'immobilier, et d'informatique du ministère du travail et de l'emploi. En effet les fonctions support de ce ministère et du ministère des affaires sociales sont mutualisées sous l'égide du secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales (SGMAS). Votre rapporteur spécial déplore cette présentation budgétaire qui ne permet pas au Parlement d'appréhender correctement l'évolution des dépenses de fonctionnement des différents ministères concernés.

Hors transfert, il apparaît que les dépenses de fonctionnement ont été inférieures aux prévisions (- 27,7 % pour les dépenses de fonctionnement des services, - 13 % pour les dépenses informatiques et - 18,3 % pour les dépenses immobilières).

Par ailleurs, une nouvelle fois, les agences régionales de santé ont été fortement mises à contribution , puisqu'elles ont reçu une subvention pour charges de service public (SCSP) de 569,69 millions d'euros, inférieure de près de 30 millions d'euros à ce qui était prévu initialement, en raison de l'annulation de la réserve de précaution portant sur la SCSP ainsi que d'annulations de crédits. D'après le ministère des affaires sociales, ces annulations ont eu pour seule conséquence de réduire les fonds de roulement des ARS sans porter atteinte à leurs moyens de fonctionnement - la baisse ayant visé en priorité les ARS disposant d'un fonds de roulement supérieur à quinze jours.


* 197 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2015 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

* 198 Cour des comptes, «L'organisation de l'adoption internationale en France : une réforme à poursuivre », insertion au rapport public annuel 2014.

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