EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 10 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Action extérieure de l'État ».

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons maintenant le rapport spécial sur la mission « Action extérieure de l'État » (AEE). Je salue André Gattolin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, et Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » est un florilège de tout ce qu'il ne faut pas faire en matière budgétaire.

Avant d'en venir aux crédits de la mission pour ce projet de loi de finances, je souhaite dire quelques mots sur le suivi des recommandations de nos travaux de contrôle, en commençant par celui que nous avions conduit sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) en 2019.

Pour mémoire nous avions pointé le problème posé par les indemnités de résidence à l'étranger qui s'élevaient à 400 millions d'euros en 2017, soit 42 % de la masse salariale du ministère. Nous notions qu'il existait un décalage entre ce qui devrait être versé - ce que l'on appelle l'IRE théorique - et ce qui l'était effectivement - ce que l'on qualifie d'IRE réelle. - et nous appelions à le réduire. Or, nous constatons qu'il persiste, au détriment de l'équilibre des finances publiques. En pratique, il y a peu d'avancées sur ce sujet qui oppose le MEAE et Bercy, si ce n'est la suppression d'une « survocation » au profit des fonctionnaires de catégorie C. Nous avions relevé un écart global d'environ 25 %, entre l'IRE réelle et théorique, qu'il nous semblait normal de réduire par exemple sur cinq ans, mais nous ne sommes pas suivis sur cette recommandation.

Concernant plus spécifiquement le budget de la mission pour 2022, j'observe que les crédits du programme 105 augmentent de 1,8 %, soit 32 millions d'euros. Premier exemple de ce qu'il ne faut pas faire : plutôt que de provisionner un montant au moment du dépôt du PLF, le Gouvernement a préféré attendre les conclusions des négociations pour présenter un amendement de crédits s'élevant à 83 millions d'euros au titre de la participation du MEAE à la facilité européenne pour la paix. Or, la mission finançait déjà cette initiative en 2021 et il n'aurait pas été illogique, dans l'attente de connaitre le montant définitif, d'inscrire un montant reconduisant les crédits de l'année passée. En tout état de cause, l'adoption de cet amendement par l'Assemblée nationale entraîne une augmentation de ce budget de 4,5 %, bien loin de ce qui était initialement présenté.

De manière générale, je constate un relâchement des efforts consentis par le passé. Cette année, la hausse des dépenses s'explique principalement par des mesures catégorielles au bénéfice du personnel, ce six mois avant l'élection présidentielle...

Le réseau diplomatique est financé à hauteur de 689 millions d'euros, un montant qui inclut notamment les dépenses de fonctionnement des ambassades, qui augmentent de 2,7 millions d'euros. Cette hausse est justifiée en raison du différentiel d'inflation. Les moyens de l'action n°  6 « Soutien » s'élèvent à 261 millions d'euros, consacrés au financement de l'administration générale, des dépenses de gestion, des ressources humaines et des systèmes d'information. C'est le deuxième exemple de mauvaise pratique budgétaire : la hausse exceptionnelle de 22 millions d'euros des crédits de cette action, liée à la crise sanitaire, a été pérennisée en 2022, avec de surcroît une augmentation de 3 %. Par ailleurs, on note la création d'une école diplomatique et consulaire, pour un coût de 2,6 millions d'euros.

Ensuite, les contributions internationales s'élèvent à 652 millions d'euros pour ce qui relève du MEAE. Cependant, j'indique que dans le cadre de la mission de contrôle budgétaire que nous conduisons actuellement, nous n'arrivons pas encore à obtenir l'état global de ces contributions incluant celles des autres ministères. Toujours est-il qu'elles baissent, car la part de la France dans le revenu national brut (RNB) de l'ensemble des États membres baisse depuis 20 ans, signe du déclin de notre pays. Par ailleurs, je note que des gains conjoncturels liés aux taux de change ont été utilisés pour d'autres dépenses. C'est le troisième exemple de ce qu'il ne faut pas faire : une économie conjoncturelle a servi à engager dépense structurelle.

J'observe que l'action n° 1 « coordination de l'action diplomatique », qui englobe le fonctionnement du cabinet, du protocole, de la communication et du centre de crise et de soutien, enregistre une hausse de 5,3 % pour 2022, soit 4,9 millions d'euros. L'augmentation des dépenses de personnel s'élève à 6,3 millions d'euros. En revanche, on ne retrouve pas certaines dépenses immobilières, Bercy ayant permis au MEAE de recourir au compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » à hauteur de 36 millions d'euros sous la forme d'une avance non-remboursable.

Enfin, les efforts entrepris dans le cadre du programme « Action publique 2022 », suspendus en 2020, ne reprendront pas en 2022. La sortie de la situation exceptionnelle dans laquelle nous étions ne marque donc pas un retour à cette trajectoire : c'est le dernier exemple de ce qu'il ne faut pas faire en matière de finances publiques.

En conséquence, j'émets un avis de sagesse négative sur les crédits de cette mission.

M. Rémi Féraud , rapporteur spécial . - Je vais vous présenter les crédits affectés aux programmes 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » et 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ».

La diplomatie d'influence est devenue stratégique. À ce titre, les crédits affectés au programme 185 ne sont pas à la hauteur de la compétition mondiale. Toutefois, ils n'ont été sacrifiés ni dans le cadre du PLF pour 2022 ni au cours des années précédentes du quinquennat.

L'enseignement du français à l'étranger bénéficie du plus grand réseau d'enseignement à l'étranger relevant d'un État, avec plus de 540 établissements dans le monde. Je sais à quel point nos collègues représentant les Français établis hors de France y sont attachés. La subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est stable en 2022, actant la hausse de 2021. La diminution de 10 millions d'euros des crédits consacrés aux bourses aux familles sera absorbée en mobilisant la réserve de 70 millions d'euros qui avait pu être constituée avec les budgets précédents. En outre, conformément aux recommandations que nous avions formulées il y a quelques années, la part de participation des familles au budget des établissements n'augmente plus.

Le réseau d'enseignement du français à l'étranger a été mis à rude épreuve par la crise sanitaire. Il a bénéficié d'aides au cours des différents projets de loi de finances rectificative (PLFR), en particulier le troisième PLFR pour 2020. Une centaine de millions d'euros, engagée au titre des années 2020 et 2021, a permis d'aider les établissements et les familles françaises et étrangères. Je précise d'ailleurs que la majorité des élèves sont étrangers, avec des familles parfois en détresse sociale et financière. Cependant, l'AEFE fait face à d'importants défis. Le Président de la République avait ainsi annoncé il y a quelques années l'objectif de doubler le nombre d'élèves du réseau à l'horizon de 2030. Leur nombre étant stable aujourd'hui, il faudrait allonger le calendrier ou revoir l'objectif à la baisse.

Ensuite, il y a une différence de conception entre Bercy et le réseau d'enseignement français à l'étranger sur la trésorerie des établissements - que Bercy considère comme agrégée -, leur participation au financement de l'AEFE et leur capacité d'endettement pour réaliser des travaux. Ils n'y sont pas autorisés aujourd'hui alors que, recevant une majorité de financements privés, ils devraient pouvoir le faire selon les critères de l'Insee. Le MEAE nous a indiqué qu'un groupe de travail étudiait cette question.

Atout France, qui est l'opérateur chargé du tourisme, percevra 28,7 millions d'euros au titre des subventions pour 2022, auxquelles s'ajoutent les recettes des visas. Ces ressources arrivent à la suite d'un effondrement du tourisme et du plan d'économies de 4,5 millions d'euros décidé en 2019. Nous nous étions d'ailleurs interrogés, à l'époque, sur la nécessité de bénéficier d'un opérateur comme Atout France dans la mesure où le tourisme était particulièrement dynamique. La situation a cependant évolué depuis puisqu'il faut amplifier la reprise du tourisme et préparer les Jeux olympiques de 2024, en partenariat avec les comités régionaux du tourisme. Selon nos interlocuteurs, il faudrait 5 millions d'euros supplémentaires dans le PLF pour 2022. Nous n'avons cependant pas proposé une telle augmentation par voie d'amendement, dans l'attente d'une stabilisation des perspectives en matière de tourisme.

Les autres opérateurs du programme, comme les Instituts français, voient leurs moyens légèrement augmenter, de même que les bourses internationales pour les étudiants étrangers présents en France ou sur les campus français à l'étranger. Après l'effondrement lié à la crise sanitaire, l'objectif est d'arriver à 500 000 étudiants étrangers en 2027.

J'en arrive au programme 151, qui s'élève à 374 millions d'euros. L'augmentation de ce budget concerne les élections de 2022. Il n'est pas prévu de vote électronique pour l'élection présidentielle, contrairement aux élections législatives qui concernent les Français de l'étranger. Le transfert de 12 millions d'euros du ministère de l'intérieur semble adéquat au vu des expériences précédentes. En revanche, la soutenabilité des efforts demandés aux réseaux consulaires ces dernières années n'est pas certaine. L'année 2022 marque un retour en arrière sur la baisse des crédits et des emplois des années précédentes. Un tiers des suppressions d'effectifs du MEAE depuis 2018 s'est faite sur le réseau consulaire, mais celui-ci a été fortement sollicité avec la crise sanitaire.

En outre, la dématérialisation a ses limites : même si tout est indiqué sur internet, beaucoup préfèrent se déplacer ou téléphoner. Durant la crise sanitaire, des centaines de milliers de Français ont dû être rapatriés ou pris en charge et accompagnés sur place. L'accueil téléphonique reste particulièrement déficient. Le MEAE a donc décidé de remettre en place un accueil centralisé pour certains postes consulaires, via un opérateur privé sis à La Courneuve, dans les locaux et sous la supervision d'agents du ministère. Cette création semble nécessaire, mais il y a un problème de cohérence de l'action publique : on recrée des postes qui avaient été supprimés dans un but de maîtrise des finances publiques.

Enfin, les recommandations que nous avons émises, avec Vincent Delahaye, dans notre rapport d'information sur les ambassadeurs thématiques, ne sont pas encore mises en oeuvre, mais un projet de décret, en cours d'élaboration, en reprend certaines. Nous serons attentifs aux suites qui y seront données.

Pour conclure, j'émets un avis de sagesse favorable à ces crédits, pour soutenir un ministère régalien qui a consenti à des efforts budgétaires importants sur dix ans, mais dont le volume des dépenses à l'échelle de l'État reste restreint. Cette légère hausse des crédits répond à de réelles nécessités.

M. André Gattolin , rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Je connais l'exercice traditionnel de la commission des finances qui cherche à faire des économies - j'y ai participé - et dès que nous renvoyons les crédits aux commissions saisies pour avis, tout le monde, quel que soit le groupe politique, en demande davantage. Nous sommes toujours dans ce paradoxe. Je vais donc essayer de ne pas tomber dans ce défaut, d'être dépensier après avoir économe, suivant le leadership en la matière de Vincent Delahaye.

Mon collègue Jean-Pierre Grand, qui ne pouvait pas être là ce matin, s'est beaucoup préoccupé de la question de l'immobilier, car un vrai travail est à faire. Il propose d'ailleurs depuis deux ans déjà d'envisager des opérations sous partenariat public-privé (PPP), comme cela se fait dans un certain nombre de domaines.

Il est vrai qu'un grand nombre de biens du ministère ont été vendus ces dernières années pour faire des économies et que, de ce fait, les consuls français ne trouvent rien à louer, dans les différentes régions d'Allemagne, notamment à Sarrebruck ou à Francfort, où les bailleurs ne souhaitent pas louer pour trois ans et estiment que les sommes proposées ne sont pas suffisamment élevées. Il a fallu que je fasse appel au maire de Francfort pour trouver un logement au nouveau consul.

Nous pouvons donc nous demander si la politique que nous avons menée consistant à nous séparer d'un certain nombre de « bijoux de famille » qui avaient un certain sens n'a pas conduit à des coûts nouveaux que nous n'avions pas envisagés.

Concernant l'augmentation du budget du programme 105, qui passe de 1,8 % à 4,5 %, grâce à la nouvelle contribution pour la facilité européenne pour la paix, nous oublions souvent que le Royaume-Uni était le deuxième ou troisième pays en termes de contributions aux organisations internationales. Son départ a donc eu un impact considérable que nous devons compenser.

Le total des contributions de la France aux organisations internationales et européennes s'élèvera cette année à 700,8 millions d'euros, contre 718,8 millions d'euros précédemment. Une économie liée à tous les pays occidentaux qui, en proportion, voient leur niveau de revenu national brut (RNB) par habitant diminuer au profit des pays émergents.

Aujourd'hui, la réaction française - et des grands pays occidentaux - est d'augmenter nos contributions volontaires pour continuer à peser dans ces organisations. Si nous avons gardé le poste de secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des opérations de maintien de la paix, occupé par Jean-Pierre Lacroix, c'est bien parce que la France les augmente depuis deux ans.

Je rappelle que, sur les quinze grandes organisations internationales des Nations unies, quatre sont aujourd'hui présidées par des responsables chinois et qu'ils en convoitent d'autres. Nous devons donc, si nous voulons continuer à peser dans l'ordre international, être très prudents.

Enfin, la volonté de créer une école diplomatique et consulaire a pour but d'inciter nos hauts fonctionnaires à se tourner vers les postes ouverts dans les grandes organisations et notamment à l'Organisation des Nations unies (ONU), où la Chine a augmenté ses effectifs. Nous nous battons pour les top jobs , mais aujourd'hui les Français sont en train de disparaître de tous les services.

M. Gérard Longuet . - Le corps diplomatique va être supprimé, nous n'aurons plus de candidats.

M. André Gattolin , rapporteur pour avis . - C'est une autre façon de voir.

J'ai visité avant-hier soir le Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, croyez-moi, ce n'est pas du luxe. Gérer la crise de la covid-19 et la crise afghane aboutit à des explosions budgétaires. Mais la commission des affaires étrangères et de la défense est favorable à un budget qui augmente.

M. Claude Kern , rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - Je vous remercie de votre invitation, monsieur le président, ainsi que les rapporteurs spéciaux pour leur présentation et surtout leur éclairage, puisque mes auditions ne débuteront que cet après-midi.

Je serai bref. Je note d'abord avec satisfaction la stabilité du budget de la mission « Action extérieure de l'État ». Ensuite, j'estime que le doublement des effectifs scolaires, tel qu'il est prévu par le Président de la République, est très peu réaliste, notamment avec les moyens qui y sont affectés.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je remercie nos deux rapporteurs, dont tout le monde loue la sagesse, mais qui, si je comprends bien, ne penchent pas forcément du même côté.

Je souhaiterais demander aux rapporteurs si, au travers des auditions notamment, ils ont pu aborder le sujet important des personnels, notamment la question des effectifs qui opèrent pour le compte de l'État. Ainsi, en reprenant un exemple mis en exergue par Rémi Féraud dans votre rapport, je vois que, concernant l'accueil téléphonique, des effectifs ont été supprimés au niveau consulaire puis qu'il a finalement été nécessaire, pour répondre à la demande, de recourir à une centrale d'appel privée. Disposez-vous, messieurs les rapporteurs, d'un bilan consolidé sur cette question ?

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - André Gattolin a indiqué qu'un bon budget est un budget qui augmente. Ce n'est pas mon avis, surtout quand il a autant de défauts. En effet, nous pérennisons des dépenses exceptionnelles, nous prenons des mesures catégorielles, nous transformons des économies conjoncturelles en dépenses structurelles et pérennes. Tout cela n'est pas bon. Je rappelle que les mesures catégorielles sont d'un montant trois fois supérieur aux économies que nous avons pu faire avec « Action publique 2022 ».

Par ailleurs, monsieur Gattolin, non le budget n'augmente pas « un peu » ; 4,5 %, ce n'est pas rien, c'est une augmentation importante. J'aimerais que le budget de chaque collectivité augmente d'autant.

Concernant l'immobilier, à ma connaissance aucun partenariat public-privé n'est engagé dans le réseau consulaire. Si, effectivement, des biens ont été vendus, cette démarche a été freinée - il y en a beaucoup moins. Par ailleurs, vous citez l'Allemagne pour exemple, or tous les pays ne sont pas l'Allemagne. Je ne suis pas certain que les difficultés de logement soient les mêmes partout.

Concernant les contributions internationales, effectivement le Royaume-Uni avait une politique de contribution volontaire plus importante que nous. Nous avons intérêt à les développer, à condition de bien les cibler et d'avoir une stratégie claire et définie. Car aujourd'hui quand nous demandons au ministre de nous présenter sa stratégie sur cette question, il n'en a pas vraiment ou en tout cas elle n'est pas lisible.

Enfin, s'agissant du personnel dans le réseau consulaire, il est vrai qu'il y a eu une évolution : des réductions de postes ont été effectuées, et nous pourrions, en centralisant les réponses - les demandes sont toujours les mêmes -, faire des économies de postes assez substantielles.

M. Roger Karoutchi . - Je partage totalement l'opinion de Vincent Delahaye. Le ministère, du fait des lourdeurs traditionnelles du Quai d'Orsay, ne parvient pas à se réformer. Et c'est comme cela non pas depuis 2017, mais depuis quinze ou vingt ans.

On nous dit que les crédits sont à peu près stables pour l'enseignement français à l'étranger. D'abord, ils le sont à peine. Ensuite, l'état des établissements français à l'étranger - je pense au Maroc et à Madagascar - est dramatique. Les établissements anglophones reçoivent des crédits de façon massive et nous « mangent la laine sur le dos ». Nous sommes en train de disparaître, y compris dans un pays comme le Maroc, où les jeunes veulent désormais apprendre anglais. La France n'a aucune stratégie et la francophonie est en train de s'effondrer, y compris dans des bastions.

Par ailleurs, en 2017, le Gouvernement nous avait dit qu'il mènerait une politique, de préférence, stratégique pour définir ou installer les antennes les plus fortes, à savoir dans des pays où nous avons des intérêts. Or rien n'a été fait et nous continuons de dire très fièrement que nous sommes le réseau consulaire le plus important après celui des États-Unis, alors que nous diluons l'importance de nos antennes. À vouloir être partout, nous ne pouvons pas renforcer les effectifs dans des pays stratégiques.

Je ne voterai pas ces crédits.

M. Emmanuel Capus . - Tout d'abord, je souhaiterais avoir des précisions, car, sur la forme, j'ai des éléments d'incompréhension. Je pense qu'il y a une erreur sur la fiche de synthèse qui nous a été présentée. Il y est indiqué que l'évolution des crédits est de 1,2 % et non 4,5 % comme évoquée par Vincent Delahaye. Par ailleurs, en page deux, dans l'évolution des dépenses de personnel de la mission, le graphique qui nous est présenté donne l'impression qu'elles ont explosé, alors qu'elles passent de 951 millions d'euros à 1,26 milliard d'euros.

Sur le fond, j'ai bien compris que l'ambiance était pessimiste. Je ne partage pas ce pessimisme, je suis beaucoup plus enthousiasmé par le rapport de Rémi Féraud. L'influence de la France est essentielle, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas voter ces crédits, d'autant qu'ils sont en augmentation. Nous nous tirerions une balle dans le pied.

Enfin, l'influence de la France passant par notre réseau d'enseignement français, je voudrais savoir quels sont les pays que nous devons abandonner ? Dans combien de pays sommes-nous ? Combien d'établissements cela représente-t-il et combien d'élèves ?

M. Jérôme Bascher . - Mon colonel me disait : « Qui fait effort partout, fait effort nulle part. » Nous mettons de l'argent partout dans le monde, à la fois dans les établissements d'enseignement et dans le réseau consulaire, mais notre influence n'augmente pas. Est-ce bien la conclusion que nous pouvons en tirer ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Nous avons un enjeu stratégique qui est de faire revenir les touristes étrangers, alors que les contraintes sanitaires pèsent encore sur les vols longs courriers. Dans ce contexte, je ne vois pas quelle est l'évolution réelle des crédits d'Atout France ? Par ailleurs, que faisons-nous de concret pour faire revenir la clientèle mondiale ?

Mme Christine Lavarde . - Un des deux rapporteurs spéciaux a rappelé l'annonce du Président de la République de voir une augmentation très forte du nombre d'enfants scolarisés dans les écoles soutenues par la France. L'année dernière, du fait de la crise sanitaire et de l'explosion du port de Beyrouth, des écoles au Liban qui n'appartenaient ni au réseau AEFE ni au réseau des missions laïques ont été aidées et le nombre d'élèves francophones scolarisés a progressé de manière fulgurante.

M. Vincent Delahaye , rapporteur spécial . - Je partage les propos de Roger Karoutchi sur l'absence de politique stratégique et ceux de Jérôme Bascher.

Je souhaiterais dire à Emmanuel Capus que ce n'est pas parce que nous ne votons pas une mission et ses crédits que nous sommes contre l'action extérieure de l'État, la culture ou l'agriculture. Sinon, ce n'est pas la peine de se réunir, de travailler et de procéder à des auditions, disons « oui » tout de suite. Et rejeter un budget ne veut pas dire que nous sommes contre à 98 %. En revanche, je le rejoins sur la forme.

D'abord, l'augmentation de 1,2 % fait référence à ce qui a été inscrit au projet annuel de performance tandis que le pourcentage de 4,5 % auquel je faisais référence correspond à la situation après l'examen de la mission par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement aurait d'ailleurs pu nous le signaler, tout comme les personnes qui ont été auditionnées.

Ensuite, j'entends votre remarque concernant le graphique figurant sur la note de synthèse. Comme souvent pour mieux visualiser les différentes informations, l'échelle a été coupée. Il est d'usage de le préciser, ce qui n'est effectivement pas le cas en l'espèce et sera corrigé pour la publication de notre note de présentation.

M. Rémi Féraud , rapporteur spécial . - Concernant le tourisme, la subvention d'Atout France est de 28,7 millions d'euros, en hausse de 400 000 euros. Son rôle est de faire des campagnes de communication, notamment en partenariat avec les comités régionaux du tourisme et des acteurs privés. Ils se sont recentrés cette année sur le tourisme national et européen, et moins sur la clientèle asiatique ou américaine. Cependant, ils devront se tourner vers le public international pour maximiser le poids de la France, et pour lequel ils demandent 5 millions d'euros supplémentaires. Si je n'ai pas proposé d'amendement en ce sens, c'est parce que je ne sais pas combien de temps va durer la crise sanitaire. Si nous nous demandions à quoi servait vraiment Atout France en 2019, nous avons aujourd'hui besoin de ce volontarisme pour relancer le tourisme le moment voulu.

Concernant l'enseignement français à l'étranger, voici quelques chiffres : 545 établissements, dans 170 pays et pour 370 000 élèves, dont 40 % sont des Français. Le plan de développement présenté par le Président de la République est destiné à de nouveaux élèves étrangers pour revaloriser la francophonie et notre influence dans le monde, même si quelques élèves français seront concernés. Cela implique les efforts réalisés pour le Liban. D'ailleurs, une grande partie des efforts budgétaires réalisés en faveur du Liban en 2021 sont passés par le budget de l'enseignement français à l'étranger. Par ailleurs, la stabilisation du nombre d'élèves dans le monde inclut l'augmentation du nombre d'élèves au Liban, certains établissements étant entrés dans le réseau pour pouvoir être sauvés.

Au titre de l'aide que la France a apportée au Liban, l'aide à l'enseignement est certainement l'outil le plus efficace et concret, puisqu'il a permis à l'éducation au Liban de résister - et ce sont des aides qui ne peuvent pas être détournées.

Concernant le personnel, il y a une forme de stabilité autour du nombre de 12 000 agents du ministère. Il est vrai que le choix a d'abord été de garder l'universalité du réseau. Mais si nous devons fixer des priorités, il faudra faire des sacrifices. Et si nous voulons fixer des priorités sans perdre l'universalité du réseau, il faudra alors vraiment augmenter le budget.

Nous-mêmes nous sommes parfois un peu contradictoires dans nos demandes, car s'il est un atout de posséder le plus grand réseau et consulaire du monde avec les États-Unis et la Chine, cela a aussi un coût budgétaire. En fait, nous ne tirons pas vraiment les conséquences budgétaires de nos volontés. Ensuite, quand nous voulons donner priorité à l'Europe, à l'Afrique parce que nos liens sont importants et à l'Asie et l'espace indopacifique parce que c'est là que tout se passera demain, nous ne faisons pas vraiment de priorités. Nous avons quelques projets mutualisés de nos représentations avec l'Allemagne, mais ils restent epsilon.

Ces dernières années, ont été créés des postes de présence diplomatique permettant d'être présent sans avoir un ambassadeur sur place, mais aucun poste de présence n'est créé dans le PLF pour 2022.

Pour ce qui est des affaires consulaires, qui intéressent beaucoup nos compatriotes vivant à l'étranger, c'est le programme qui a fait le plus d'efforts budgétaires. Dans « Action Publique 2022 », dont l'un des éléments était de réduire le nombre d'agents de l'État à l'étranger, 332 emplois ont été supprimés pour le ministère, dont un tiers concerne les affaires consulaires. Nous avons tous constaté que, dans un certain nombre de postes, le réseau des affaires consulaires est à l'os.

C'est aussi le choix qui a été fait de mettre en place un projet pilote dont l'enveloppe budgétaire reste relativement floue et sur laquelle nous devrons nous pencher l'année prochaine pour définir quelles sont les implications budgétaires de créer un accueil téléphonique centralisé à La Courneuve.

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

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Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - La commission des finances n'a pas adopté les crédits de la mission. Je vous propose de confirmer cette décision.

M. Rémi Féraud , rapporteur spécial . - Il est délicat pour moi de me prononcer, car j'avais personnellement émis un avis de sagesse positive, et mon collègue rapporteur spécial Vincent Delahaye un avis de sagesse négative...

La commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission.

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