CHAPITRE III
MIEUX PROTÉGER LES ÉTRANGERS
CONTRE LES EMPLOYEURS ABUSIFS
(Supprimé)

Article 8 (supprimé)
Amende administrative sanctionnant les employeurs d'étrangers ne détenant pas un titre les autorisant à travailler

L'article 8 tend à compléter le dispositif de sanction du recours à une main d'oeuvre illégale par une nouvelle amende administrative.

Constatant qu'un tel dispositif existe déjà et que la création d'une nouvelle sanction pour les mêmes faits serait dès lors inconstitutionnelle, la commission a supprimé cet article .

1. De multiples dispositifs de sanction

L'alinéa premier de l'article L. 8251-1 du code du travail dispose que « nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France . » Cette disposition est la conséquence nécessaire des restrictions à l'accès au marché du travail prévues par le droit des étrangers. Son respect est garanti par plusieurs sanctions cumulables pesant sur les employeurs directs ou indirects, personnes morales ou personnes physiques.

1.1. Des sanctions pénales

Les articles L. 8256-2 à L. 8254-8 du code du travail prévoient les sanctions pénales applicables aux différents types d'employeurs, les peines principales pour les personnes physiques allant de cinq à dix ans de prison et les amendes de 15 000 à 100 000 euros par étranger illégalement employé. Parmi les peines complémentaires prévues pour les personnes physiques comme pour les personnes morales figure l'exclusion des marchés publics (articles L. 8256-3 et L. 8256-7) et la fermeture de l'établissement (articles L. 8256-4, L. 8256-7 et L. 8256-7-1). À l'exception de la fermeture de l'établissement d'une personne physique, pour laquelle aucune borne de durée n'est fixée, ces peines peuvent être définitives ou pour un durée de cinq ans au plus.

1.2. Des sanctions administratives

Les sanctions administratives auxquelles s'exposent les employeurs sont prévues dans un chapitre dédié du code du travail 133 ( * ) (articles L. 8272-1 à L. 8272-5). Les sanctions non pécuniaires font pour partie miroir avec les sanctions pénales mais leur effet est temporaire. Ainsi l'article L. 8272-2 prévoit la possibilité pour l'autorité administrative d'ordonner la fermeture de l'établissement ayant servi à commettre l'infraction, à titre temporaire et pour une durée ne pouvant excéder trois mois. L'article L. 8272-4 prévoit pour sa part la possibilité d'exclure un employeur des contrats publics, pour une durée maximale de six mois.

Deux sanctions pécuniaires sont également prévues par le code du travail et le Ceseda. Elles sont collectées au profit de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dont elles constituent l'une des ressources en application de l'article R. 121-28 du Ceseda.

Ces sanctions sont :

- la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, dont le montant s'élève à 1 000, 2 000 ou 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti (soit 3 730, 7 460 ou 18 650 euros) par salarié. Il est porté à 15 000 fois ce taux (55 950 euros par salarié illégalement employé) en cas de réitération. L'OFII constate et fixe le montant de la contribution spéciale sur la base des rapports de contrôle qui lui sont adressés ;

- le cas échéant, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue par les articles L. 822-2 à L. 822-6 du Ceseda. Le montant est fixé en fonction de l'origine de l'étranger par un arrêté ministériel 134 ( * ) .

2. L'oubli partiel des sanctions administratives existantes

L'article 8 du projet de loi propose d'insérer dans le code du travail un nouvel article L. 8272-6 prévoyant la possibilité pour l'autorité administrative destinataire d'un procès-verbal d'infraction de prononcer une amende de 4 000 euros applicable autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés. Le plafond de l'amende est porté au double en cas de nouveau manquement de même nature constaté dans un délai de deux ans.

L'exposé des motifs indique que « l'amende administrative pour emploi d'étranger non autorisé à travailler s'inscrit dans une gradation des sanctions, en s'appliquant dans les situations où cette infraction est caractérisée mais où les conditions ne sont pas rassemblées pour justifier une fermeture administrative ». Il semble donc ne prendre en compte au titre des sanctions administratives que la possibilité de fermeture d'un établissement et ce malgré le détail fourni par l'étude d'impact qui présente les autres sanctions non pécuniaires existantes.

Surtout, cette présentation néglige les contributions spéciales et forfaitaires prononcées par l'OFII qui constituent déjà des amendes administratives. Il apparaît donc que l'amende administrative prévue ne constitue pas une modalité supplémentaire dans la gradation des sanctions contre les employeurs ayant recours à une main d'oeuvre illégale.

3. La position de la commission : supprimer un dispositif inutile

Il ne saurait faire de doute qu'il existe déjà des amendes administratives pour réprimer le recours à une main d'oeuvre illégale.

Dès lors, venant sanctionner les mêmes faits que les contributions déjà prévues par le code du travail et le Ceseda, l'amende administrative prévue par cet article est contraire au principe général non bis in idem . À ce titre elle est, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et donc inconstitutionnelle.

On peut par ailleurs s'interroger sur son efficacité, son montant se situant au bas de l'échelle des contributions susceptibles d'être prononcées par l'office, puisqu'elle va de 4 000 à 8 000 euros pour chaque employé illégal, tandis que les contributions fixées par l'OFII s'échelonnent d'un minimum de 3 750 euros à un maximum de 55 950 euros en cas de réitération.

La commission des lois a donc adopté les amendements identiques de suppression COM-210, COM-166 et COM-182 des rapporteurs, de Guy Benarroche et d'Eliane Assassi .

La commission a supprimé l'article 8.


* 133 Le chapitre II, du Titre VII du Livre II du code du travail relatif à la lutte contre le travail illégal.

* 134 En l'occurrence l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine qui prévoit les montants suivants :

ZONE DE DESTINATION

MONTANT de la contribution
(en euros)

Afrique Subsaharienne...................

2 553

Amériques..................................

3 266

Asie du Sud-Est/Moyen-Orient........

2 309

Caucase/Europe centrale.................

2 398

Maghreb....................................

2 124

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