CHAPITRE II
FAVORISER LE TRAVAIL
COMME FACTEUR D'INTÉGRATION

Article 3
Carte de séjour temporaire « travail dans des métiers en tension »

L'article 3 crée à titre expérimental et jusqu'au 31 décembre 2026, un nouveau titre de séjour « travail des métiers en tension » qui serait délivré de plein droit aux personnes exerçant une activité professionnelle figurant sur la liste des métiers et zones géographiques caractérisées par des difficultés de recrutement. La commission a pris acte des nombreuses réserves exprimées sur ce dispositif et tenant, selon les cas, à son opportunité et à ses modalités .

Prenant acte de l'ensemble de ces réserves, la commission des lois a estimé que l'éventuelle modification de l'article 3 relevait avant tout d'une question de principe qu'il revenait au Sénat de trancher en priorité en séance publique. Afin de garantir la lisibilité des débats, elle a estimé préférable que la discussion s'y déroule à partir du texte présenté par le Gouvernement. En conséquence, sans se prononcer sur le fond du dispositif et des amendements examinés elle a, à titre conservatoire, adopté cet article sans modification .

1. L'état du droit : des possibilités d'accès simplifié au séjour pour exercer dans des métiers en tension et de régularisation par le travail

Le projet du Gouvernement de créer un nouveau titre de séjour « travail dans des métiers en tension » poursuit trois objectifs : « créer une voie d'accès au séjour par le travail destinée à des étrangers déjà présents sur le territoire national et qui relève de la seule initiative du ressortissant étranger » ; « contribuer à la prévention et la répression des atteintes par l'employeur à l'ordre public social et protéger les droits de tous les travailleurs » ; « participer, de façon subsidiaire, à la réduction sur le marché du travail des tensions identifiées dans certains emplois ou zones géographiques » 64 ( * ) .

1.1. Des tensions de recrutement qui tendent à s'accroître

Cette proposition s'inscrit dans un contexte où de nombreux secteurs d'activités et zones géographiques connaissent des difficultés de recrutement.

Comme cela est rappelé dans l'étude d'impact, les statistiques élaborées par Pôle emploi montrent que plus d'un recrutement sur deux est désormais jugé « difficile » par les employeurs (58 %) , et ce principalement du fait du manque de candidats (86 %) ou de l'inadéquation de leur profil (71 %). Avec une augmentation de 13 points par rapport à 2021 de la part de ces recrutements « difficiles », les tensions tendent par ailleurs à s'accélérer, et ce quelle que soit la taille de l'entreprise 65 ( * ) . Par ailleurs, ce taux fluctue sensiblement selon les régions : il n'est « que » de 45,4 % en Île-de-France, tandis qu'il dépasse le 60 % dans six régions hexagonales 66 ( * ) .

Les éléments communiqués par les organisations patronales au cours des travaux font état de la même tendance : le MEDEF a ainsi rappelé que « malgré un taux de chômage supérieur à 7 % et 2,3 millions de personnes sans emploi, de nombreuses offres d'emplois ne trouvent aujourd'hui pas preneurs », tandis que la CPME a exposé les résultats d'une enquête interne démontrant que 53 % des dirigeants interrogés cherchaient actuellement à recruter et que 91 % d'entre eux évoquaient des difficultés pour le faire.

Ces tensions sont enfin particulièrement vives si l'on examine la situation de l'emploi par secteur d'activité . L'étude de Pôle emploi précitée dresse ainsi un « top 10 » des métiers où le taux de difficulté est le plus élevé, regroupant des profils aussi divers que les couvreurs, les aides à domiciles,

les pharmaciens ou les conducteurs de transport en commun 67 ( * ) . L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie a par ailleurs indiqué aux rapporteurs que le besoin de recrutement dans le secteur était actuellement de 250 000 personnes .

Pour ces métiers dits « en tension », la tendance est plutôt défavorable . L'étude « Les métiers en 2030 » co-produite par la Dares et France Stratégie 68 ( * ) indique ainsi que, pour certains métiers, les déséquilibres potentiels entre le besoin de recrutement et le vivier de candidats pourraient s'élever à un tiers à horizon 2030 69 ( * ) . En valeur absolue, 328 000 postes d'agents d'entretiens, 224 000 d'aides à domicile et 200 000 de conducteurs de véhicules pourraient être à pourvoir à horizon 2030.

1.2. Une délivrance facilitée des autorisations de travail visant à pallier les difficultés de recrutement dans certains secteurs et zones géographiques

En l'état du droit, seules les dispositions de l'article L. 414-13 du Ceseda tendent à faciliter le recrutement d'étrangers dans les métiers en tension . Celui-ci dispose que « Lorsque la délivrance du titre de séjour est subordonnée à la détention préalable de l'autorisation de travail prévue à l'article L. 5221-2 du code du travail, la situation du marché de l'emploi est opposable au demandeur sauf [...] lorsque la demande de l'étranger concerne un métier et une zone géographique caractérisée par des difficultés de recrutement ».

Concrètement, l'article R. 5221-20 du code du travail précise que le fait qu'un métier figure dans la liste précitée exonère l'employeur de la publication préalable de la fiche de poste pendant une durée de trois semaines. Comme l'illustre le graphique ci-dessous, le système est fonctionnel et les refus d'autorisation de travail pour cause d'opposabilité de l'emploi sont marginaux. La direction générale des étrangers en France (DGEF) estime qu'en 2022, 17 000 demandes d'autorisations de travail concernaient des postes non soumis à l'opposabilité de la situation de l'emploi, soit 7 % des projets de recrutement .

Au cours de leurs auditions, les rapporteurs ont néanmoins été alertés à plusieurs reprises sur les ralentissements provoqués par la dématérialisation des demandes d'autorisation de travail dans le cadre du déploiement de l'Administration numérique des étrangers en France (ANEF).

Source : Commission des lois, à partir des données du ministère de l'intérieur.

Une autre difficulté, plus sérieuse, tient à la représentativité imparfaite de la liste des métiers et zones géographiques en tension . Si celle-ci a été révisée en 2021 70 ( * ) , il s'agissait de la première actualisation depuis 2018. Les organismes syndicaux estiment pourtant que la périodicité optimale de révision devrait être au minimum d'un an, voire de six mois . Ils ont par ailleurs unanimement déploré le caractère très formel de leur association à la dernière révision.

Ce défaut de représentativité n'est pas sous-estimé par le ministère du travail qui a indiqué que la liste « n'apparait pas totalement représentative des tensions actuellement constatées sur le marché du travail », d'une part pour des raisons statistiques et, d'autre part, du fait de la méthodologie employée 71 ( * ) . À titre d'exemple, cette liste ne contient pas les métiers relatifs à l'hôtellerie et à la restauration.

Par ailleurs, il convient de signaler que la France est actuellement liée par de multiples accords bilatéraux dits « de gestion concertée » visant à favoriser l'admission au séjour de jeunes diplômés étrangers ou l'immigration professionnelle 72 ( * ) .

1.3. Des possibilités d'admission exceptionnelle au séjour pour des motifs économiques

Au-delà de ces voies d'accès au séjour légales pour des motifs économiques, les personnes en situation irrégulière sur le territoire national et exerçant un emploi peuvent prétendre à une régularisation de leur situation par le biais de l'admission exceptionnelle au séjour .

Ce dispositif est prévu à l'article L. 435-1 du Ceseda et ses modalités d'application sont précisées par la circulaire du 28 novembre 2012 dite « circulaire Valls ». L'étranger peut bénéficier d'une carte de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire » s'il satisfait une triple condition de résidence, d'actualité de l'emploi et d'ancienneté professionnelle ( voir tableau ci-après ) 73 ( * ) .

Les admissions exceptionnelles au séjour au titre du travail correspondent environ au tiers des régularisations accordées chaque année . Le volume est longtemps resté stable avec environ 7 000 admissions au séjour annuelles, avant une augmentation en 2021 (8 719) qui s'est poursuivie en 2022 (10 774) 74 ( * ) . La DGEF indique par ailleurs que ces admissions au séjour représentent 17 % des titres de séjour temporaire délivrés sur un fondement professionnel 75 ( * ) .

Critère n° 1 : résidence en France

Présence en France supérieure ou égale à cinq ans

Présence en France supérieure ou égale à trois ans

Critère n° 2 : actualité de l'emploi

Justification d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche

Critère n° 3 : ancienneté professionnelle

Huit mois sur les deux dernières années

OU

Trente mois sur les cinq dernières années

Vingt-quatre mois dont huit sur les douze derniers mois

Source : ministère de l'intérieur.

La régularisation au titre du travail n'est toutefois pas un droit et l'administration, en l'espèce le préfet, dispose d'un pouvoir d'appréciation total en la matière. Encore récemment, le Conseil d'État a rappelé que ladite circulaire « comportait des orientations générales destinées à éclairer les préfets dans l'exercice de leur pouvoir de prendre des mesures de régularisation des étrangers en situation irrégulière , mesures de faveur au bénéfice desquelles ceux-ci ne peuvent faire valoir aucun droit, et que les intéressés ne peuvent donc utilement se prévaloir de telles orientations à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir contre une décision préfectorale refusant de régulariser leur situation par la délivrance d'un titre de séjour » 76 ( * ) .

Source : commission des lois, à partir des données du ministère de l'intérieur.
La différence avec les données précédents s'expliquent par l'inclusion des carte de séjour temporaire délivrées pour des motifs professionnels à des jeunes majeurs précédemment pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance.

L'admission exceptionnelle au séjour au titre du travail est par ailleurs conditionnée à l'accord de l'employeur . Conformément aux dispositions de l'annexe10 du Ceseda (point 66), une demande d'autorisation de travail pour un salarié étranger signée par l'employeur doit être jointe au dossier 77 ( * ) . S'il est difficile d'estimer le volume de demandes non-déposées du fait d'un refus de l'employeur, la DGEF a rappelé au cours de son audition que l'emploi d'un ressortissant étranger sans titre représentait la deuxième infraction de travail illégal en 2019 et en 2020 (14 %) et qu'il était plausible qu'une part importante des employeurs concernés n'aient pas incité leurs employés à déposer une demande de régularisation, voire les en aient empêchés.

2. L'article 3 : un dispositif de régularisation supplémentaire destiné aux travailleurs dans des métiers en tension

2.1. Conditions de délivrance

L'article 3 crée, à titre expérimental et jusqu'au 31 décembre 2026, une nouvelle voie d'accès au séjour au bénéfice des personnes exerçant une activité professionnelle figurant sur la liste des métiers et zones géographiques en tension prévue à l'article L. 414-13 du Ceseda. Une nouvelle sous-section à la section 1 du chapitre I du titre II du livre IV serait spécifiquement consacrée à un dispositif dont les principales caractéristiques sont les suivantes :

- une délivrance de plein droit du titre de séjour dès lors qu'une triple condition de résidence, d'activité et d'ancienneté professionnelles serait satisfaite . Le demandeur devrait ainsi :

o résider en France de manière ininterrompue depuis au moins trois ans ;

o être en situation d'emploi dans un métier ou une zone géographique en tension au jour de l'introduction de la demande . À cet égard, l'opérationnalité du dispositif dépendra directement de la représentativité de la liste des métiers et zones géographiques en tension et de la périodicité de sa révision. Sur ce sujet, la DGEF a indiqué au cours de son audition que « la périodicité de révision optimale [...] pourra être définitivement fixée à l'issue de la période d'application temporaire du dispositif » ;

o justifier d'une période d'activité salariée dans lesdits secteurs ou zones de huit mois, consécutifs ou non, au cours des deux dernières années : il est néanmoins précisé que les périodes d'activité sous le statut d'étudiant, de travailleur saisonnier ou de demandeur d'asile ne seraient pas prises en compte. La DGEF justifie ces exceptions par les risques de contournement des refus d'asile afin de se maintenir sur le territoire national ou de détournement de leurs finalités des titres travailleur saisonnier - dont les titulaires s'engagent à conserver leur résidence habituelle hors de France - et étudiants - qui n'autorisent l'exercice d'une activité professionnelle qu'à titre subsidiaire 78 ( * ) . S'agissant de la nature de l'activité salariée, les professions obéissant à des conditions règlementaires d'exercice ne seraient pas non plus incluses dans le dispositif ;

- un titre de séjour d'une durée de validité d'un an et qui vaudrait autorisation de travail : ce dernier point constitue l'une des originalités du dispositif, dès lors que l'autorisation de travail est, dans le droit commun, adossée à un contrat de travail et non à un document de séjour . Par voie de conséquence, l'intéressé aurait la possibilité de changer d'emploi pendant la période de validité sans avoir à solliciter la délivrance d'une nouvelle autorisation de travail, et ce y compris dans l'hypothèse où le nouvel emploi ne relèverait pas des secteurs ou zones géographiques en tension 79 ( * ) ;

- une voie d'accès au séjour plus favorable que l'admission exceptionnelle au titre de la « circulaire Valls » : d'une part, car l'accord de l'employeur ne serait pas requis pour introduire la demande et, d'autre part, car les conditions d'éligibilité seraient relativement plus souples. La régularisation d'un étranger résidant depuis trois ans sur le territoire national est soumise à une condition d'ancienneté professionnelle trois fois supérieure dans le cadre de la « circulaire Valls » ( cf. supra ). À ancienneté professionnelle égale, la condition de résidence est inversement majorée de deux ans dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour. Le Gouvernement indique par ailleurs que la liste des pièces justificatives à produire pour attester de son ancienneté professionnelle serait alignée sur celle, relativement libérale, de l'admission exceptionnelle au séjour 80 ( * ) .

L'objectif affiché de manière constante par le Gouvernement étant de permettre la régularisation des travailleurs clandestins exerçant dans des métiers en tension , l'obligation de produire un visa long-séjour pour obtenir un primo-titre de séjour fixée à l'article L. 412-1 du Ceseda ne s'appliquerait logiquement pas.

Pour autant, ce titre serait également accessible aux personnes en situation régulière . Selon le Conseil d'État, certains étrangers pourraient en effet avoir intérêt à le demander pour « bénéficier de l'autorisation de travail qu'emporte le titre de séjour et acquise quel que soit l'employeur et le lieu d'emploi de l'étranger ». Les rapporteurs relèvent néanmoins que l'obligation de résider depuis plus de trois ans en France diminue significativement l'attractivité de ce titre pour les intéressés, dès lors qu'une grande majorité d'entre eux sera, selon toute vraisemblance, déjà titulaire ou éligible à une carte de séjour pluriannuelle. L'article 3 insère donc d'abord et avant tout dans la loi une nouvelle voie de régularisation pour certains travailleurs en situation irrégulière .

2.2. Conséquences pour l'employeur

Il est également mentionné dans l'étude d'impact que l'instruction d'une demande de titre de séjour « travail dans des métiers en tension » s'accompagnerait systématiquement d'une saisine des plateformes interrégionales main-d'oeuvre étrangère en vue de la réalisation des contrôles prévus à l'article R. 5221-20 du code du travail . Ceux-ci porteraient notamment sur le respect par l'employeur de ses obligations déclaratives sociales, de l'absence de sanctions pénales ou administratives antérieures pour des faits de travail illégal et sur la conformité du niveau de rémunération avec les minimums légaux ou conventionnels. Il est par ailleurs explicitement précisé qu'au terme de ces contrôles « un signalement pourra être transmis aux administrations compétentes en matière d'atteintes à l'ordre public social, de contrôle et d'engagement de procédures de sanctions » 81 ( * ) .

Comme le relève le Conseil d'État, l'opérationnalité du titre de séjour « travail dans des métiers en tension » sera directement corrélé à l'usage plus ou moins volontariste par l'administration de cette prérogative . Il indique ainsi, à juste titre, que le recours au dispositif pourrait significativement varier « selon que l'administration fera preuve de sévérité - avec le risque que l'entreprise sanctionnée n'en fasse subir les conséquences au salarié ou que celui-ci hésite à entreprendre la démarche d'obtention de la carte - ou qu'elle sera tolérante - avec des conséquences possibles sur le recours accru au travail illégal dans les métiers en tension ». Les syndicats d'employeurs ont également quasi-systématiquement fait état de cette préoccupation au cours de leurs auditions. Ils ont par ailleurs exprimé une certaine réserve quant au dispositif en tant que tel - qui ne répondait pas nécessairement à une demande de leur part - et ont en général suspendu leur jugement à l'obtention de précisions sur les modalités concrètes de sa mise en oeuvre.

2.3. Modalités de renouvellement

S'agissant des modalités de renouvellement du titre de séjour « travail dans des métiers en tension », il est tout d'abord explicitement prévu une possibilité de basculement vers une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « salarié » pour les seuls travailleurs « ayant exercé une activité professionnelle dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée ».

Ses modalités pourraient toutefois être précisées . Ni la temporalité ni la durée exigée de la période d'activité ne sont précisées dans le dispositif et l'étude d'impact se borne à indiquer que l'intéressé « justifie de l'exercice d'une activité professionnelle sous couvert d'un CDI » 82 ( * ) . L'intention du Gouvernement semble donc être que cette condition soit satisfaite au jour de l'expiration du titre.

L'intéressé devrait, en outre, remplir les conditions de droit commun fixées par l'article L. 433-6 du Ceseda s'agissant de l'obtention d'un nouveau titre de séjour avec changement de motif . Il devrait donc :

- satisfaire aux critères de délivrance de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « salarié » ;

- justifier de son sérieux et de son assiduité aux formations dispensées dans le cadre du CIR ;

- ne pas avoir manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 1 er que l'étranger devrait attester d'une maîtrise de la langue française au moins égale à un niveau « A2 » et de la réussite à un examen civique ( cf. infra ).

Pour autant, en l'état du dispositif, les modalités de renouvellement de droit commun s'appliqueraient . En l'absence de modification des articles L. 433-1, L. 433-5 et L. 433-6 du Ceseda, le renouvellement du titre ainsi que son remplacement par une carte de séjour pluriannuelle avec ou sans changement de motif serait en tout état de cause autorisé. La DGEF a ainsi indiqué aux rapporteurs au cours de son audition que « [le titulaire de la carte de séjour « travail dans des métiers en tension »] peut bénéficier, au moment de sa demande de renouvellement, d'une carte de séjour pluriannuelle soit au titre de l'article 3 du projet de loi s'il justifie d'un CDI ou soit en sollicitant la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle sur un autre fondement sous réserve d'en respecter les conditions de délivrance ».

Il est enfin prévu que les personnes titulaires d'un titre de séjour « travail dans des métiers en tension » dont la période de validité irait au-delà de la fin programmée de l'expérimentation puissent, à titre dérogatoire, procéder à son renouvellement ou à une demande de titre pluriannuel postérieurement à cette date.

2.4. Autres dispositions

L'article 3 exempte par ailleurs le demandeur du titre « travail dans des métiers en tension » du paiement de la taxe de 200 euros dont doivent s'acquitter, préalablement à la délivrance d'un premier titre de séjour, les étrangers qui sont entrés ou se sont maintenus irrégulièrement sur le territoire national 83 ( * ) . L'étranger demeurerait toutefois soumis au paiement de la taxe de primo-délivrance prévue à l'article L. 436-1 du Ceseda ainsi que du droit de timbre prévu à l'article L. 436-7 du même code, pour un montant total de 225 euros.

Enfin, l'article 3 prévoit la remise au Parlement d'un rapport d'évaluation de ce nouveau dispositif de régularisation six mois avant l'échéance du 31 décembre 2026. Selon les termes de l'exposé des motifs, il « précisera si la pérennisation de ce titre est nécessaire ».

3. Des réserves tenant à l'opportunité ou aux modalités du dispositif qui ont conduit la commission à réserver son jugement

La commission a pris acte des nombreuses réserves exprimées sur le mécanisme de régularisation prévu à l'article 3 et tenant, selon les cas, à son opportunité ou à ses modalités .

3.1. Les réserves sur l'opportunité du dispositif

D'un côté, l'on peut craindre que ce nouveau titre ne crée une incitation à l'immigration clandestine , alors même que celle-ci va croissante en France. Le ministre de l'intérieur lui-même évaluait le nombre de clandestins présents sur le territoire national « entre 600 000 et 900 000 » lors de son audition devant la commission des lois du Sénat le 2 novembre 2022. Il est à cet égard significatif que, parmi les trois objectifs de la mesure cités par le Gouvernement, celui de la régularisation soit mentionné en premier et celui de la réduction des tensions sur le marché de l'emploi en dernier.

Le nombre d'étrangers potentiellement éligibles à ce nouveau titre de séjour n'est quant à lui pas connu . Le ministre du travail, de l'insertion et du plein emploi a indiqué le 28 février2023 devant la commission des lois que le volume de régularisation annuel pourrait être sensiblement équivalent à celui des admissions exceptionnelles au séjour au titre du travail, soit environ 7 000 chaque année 84 ( * ) . Les représentants des préfectures auditionnés par les rapporteurs n'étaient pas non plus en mesure de communiquer un chiffrage précis au niveau local : les projections restent hasardeuses et peuvent, par exemple, représenter « entre 150 et 200 personnes » dans le cas des Alpes-Maritimes ou « 15 % des étrangers concernés par la régularisation par le travail » dans le cas de la Haute-Garonne.

Quand bien même les étrangers concernés travailleraient dans des secteurs en tension, leur accorder de plein droit un titre de séjour créerait une prime à la fraude, où le maintien irrégulier sur le territoire national pendant une durée suffisamment longue serait in fine récompensé par l'acquisition d'un droit opposable à l'administration . Juridiquement, cela irait à l'encontre de l'ensemble des piliers autour desquels s'est construit le droit du séjour tandis que, sur le plan social, l'idée que la fraude puisse être créatrice de droits ne saurait être acceptée. Cela apparaît d'autant plus choquant que seuls les fraudeurs les plus habiles pourraient accéder au séjour , à savoir ceux qui ont réussi à échapper suffisamment longtemps à la vigilance de l'administration pour récolter les fruits de leur irrégularité.

L'admission exceptionnelle au séjour comporte son lot de vicissitudes, mais elle a au moins le mérite de ne créer aucun droit à la régularisation et de laisser celle-ci exclusivement à la main du préfet. Outre le fait qu'il ferait disparaître cet indispensable pouvoir d'appréciation des situations individuelles , l'octroi de plein droit du titre de séjour « travail dans des métiers en tension » entraînerait selon toutes probabilités le développement d'un nouveau contentieux .

Enfin, la conduite automatique de contrôles de l'employeur pourrait paradoxalement précariser encore davantage la situation du travailleur . Il est en effet difficile d'envisager pour le salarié d'autres conséquences au fait de révéler des infractions à la législation du travail commises par son employeur - et, par conséquent, de l'exposer à de multiples sanctions administratives et pénales 85 ( * ) - que la mise en oeuvre de mesures de représailles à son égard voire un licenciement. Dans cette dernière hypothèse, l'adossement de l'autorisation de travail au titre de séjour faciliterait relativement le retour à l'emploi, sans toutefois le garantir. Quant aux conséquences pour l'employeur, la conduite systématique de contrôle ne peut qu'interroger compte tenu des difficultés à distinguer l'employeur malhonnête de celui de bonne foi qui soit n'a pas été tenu informé de l'expiration d'un titre, soit a été abusé par la présentation de faux documents.

3.2. Les réserves sur les modalités du dispositif

D'un autre côté, ce dispositif pourrait avoir le mérite de tenir compte d'une réalité économique difficilement contestable et de s'inscrire dans une démarche pragmatique : ouvrir une voie d'accès au séjour qui ne procède pas du seul bon-vouloir de l'employeur et de l'administration au bénéfice d'étrangers, certes en situation irrégulière, mais qui travaillent, payent des cotisations et sont, pour une part importante d'entre eux, tout à fait intégrés dans notre société . Maintenir plus longtemps dans la clandestinité ces étrangers, parfois particulièrement vulnérables, tout en engrangeant les fruits de leur activité professionnelle n'est tout simplement pas acceptable. Le fait que le nouveau titre de séjour « travail dans des métiers en tension » puisse être demandé sans l'accord de l'employeur sécuriserait par ailleurs la situation d'étrangers souvent très vulnérables et parfois en situation d'exploitation.

De ce point de vue, l'enjeu est au moins autant celui de la régularité du séjour de personnes qui sont de toute façon déjà présentes sur le territoire national et dont l'éloignement n'est pas une perspective crédible que celui de l'attractivité des métiers en tension . Le risque principal de ce dispositif serait toutefois d'alimenter une « trappe à bas salaires » qui perpétuerait une situation où certains métiers mal payés et peu considérés sont exercés quasi-exclusivement par des étrangers .

Dans cette optique, il apparaît indispensable de coupler la question de l'accès au séjour avec celle de la qualité de l'emploi occupé . Un axe de réflexion pourrait être de conditionner l'octroi du titre non plus uniquement à la nature de l'activité exercée mais également au respect par l'employeur d'un critère de « mieux-disant social » permettant de garantir qu'un travail amont de renforcement de l'attractivité des métiers ait été réalisé. En contrepartie, l'administration renoncerait à l'exercice de poursuites à l'encontre de l'employeur ayant démontré sa volonté de jouer le jeu de la régularisation, comme cela est, du reste, déjà pratiqué dans le cadre de la « circulaire Valls ».

Par ailleurs, la modification du dispositif en ce sens n'est en aucun cas incompatible avec d'autres ajustements visant à pallier le risque précité d'incitation à l'immigration irrégulière. L'hypothèse d'un contingentement du nombre de titres « travail dans des métiers en tension » délivrés annuellement par l'administration pourrait notamment être étudiée , sous réserve d'une rédaction respectueuse du principe constitutionnel d'égalité.

La France n'est enfin pas le seul pays à conduire une réflexion sur le sujet . En Espagne, le décret royal du 26 juillet 2022 a récemment opéré une réforme significative du droit au séjour autour de la notion « d'enracinement professionnel ». L'étude d'impact précise ainsi que « les ressortissants étrangers justifiant d'un séjour continu de deux ans sur le territoire et qui s'engagent à suivre une formation professionnelle pour un emploi, de préférence dans un secteur en manque de main d'oeuvre, peuvent se voir accorder un permis de résidence de 12 mois » 86 ( * ) .

*

Prenant acte de l'ensemble de ces réserves, la commission des lois a estimé que l'éventuelle modification de l'article 3 relevait avant tout d'une question de principe qu'il revenait au Sénat de trancher en priorité en séance publique . Afin de garantir la lisibilité des débats, elle a estimé préférable que la discussion s'y déroule à partir du texte présenté par le Gouvernement . En conséquence, sans se prononcer sur le fond du dispositif et des amendements examinés elle a, à titre conservatoire, adopté cet article sans modification.

La commission a adopté l'article 3 sans modification .

Article 4
Accès du marché du travail immédiat pour certains demandeurs d'asile
à fort taux de protection internationale

L' article 4 tend à donner un accès immédiat au marché du travail aux demandeurs d'asile dont la nationalité les rend les plus susceptibles d'être protégés par la France.

Constatant l'absence de consensus, la commission a jugé préférable de ne pas modifier l'article pour que le débat puisse avoir lieu en séance.

À titre conservatoire, elle a l'a donc adopté sans modification.

1. Le projet de loi tend à donner un accès immédiat au marché du travail aux demandeurs d'asile les plus susceptibles de faire l'objet d'une protection internationale

1.1 Les demandeurs d'asile ont aujourd'hui accès au marché du travail à l'issue d'un délai de six mois à compter de l'introduction de leur demande, déjà réduit en 2018

L'accès au marché du travail des étrangers en situation régulière est soumis à un régime d'autorisation spécifique. L'article L. 5221-5 du code du travail dispose qu'« un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail » requise, conformément à l'article L. 5221-2 du même code.

Les demandeurs d'asile ont aujourd'hui accès au marché du travail, sur autorisation préfectorale 87 ( * ) , six mois après l'introduction de leur demande d'asile , si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) n'a pas statué sur leur demande pour des raisons qui ne leur sont pas imputables, en application de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda).

Ce délai différé d'accès au marché du travail spécifique aux demandeurs d'asile a été réduit de neuf à six mois par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, contre l'avis du Sénat clairement exprimé par François-Noël Buffet, alors rapporteur 88 ( * ) . Il est, depuis cette date, inférieur à l'obligation faite aux États membres de l'Union européenne par la directive « Accueil » 89 ( * ) , qui impose à son article 15 que « les demandeurs aient accès au marché du travail dans un délai maximal de neuf mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale lorsque aucune décision en première instance n'a été rendue par l'autorité compétente et que le retard ne peut être imputé au demandeur ».

D'après les informations communiquées aux rapporteurs par le ministère de l'intérieur, pour l'année 2022, 4 254 demandes d'autorisation de travail au profit de demandeurs d'asile ont été déposées, sur 103 164 demandes d'asile 90 ( * ) (soit une proportion de 4,1 %), pour 1 148 autorisations délivrées (soit 27 % de décisions favorables).

1.2 Le projet de loi tend à introduire un nouvel assouplissement en donnant l'accès immédiat au marché du travail pour les demandeurs d'asile les plus susceptibles d'être protégés

Par l'introduction d'un nouvel article L. 554-1-1, l'article 4 du projet de loi tend à déroger à l'article L. 554-1 du Ceseda en donnant un accès immédiat au marché du travail aux demandeurs d'asile originaires de pays pour lesquels le taux de protection internationale serait supérieur à un seuil fixé par décret 91 ( * ) . Il s'agit des demandeurs d'asile dont il est le plus probable, au regard de leur nationalité, qu'ils obtiendront une protection internationale en France. Feraient exception les étrangers dont la demande fait l'objet d'une procédure accélérée devant l'OFPRA 92 ( * ) , de même que ceux placés sous procédure « Dublin » 93 ( * ) .

Le demandeur concerné pourrait avoir accès à une formation à la langue française prise en charge par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ainsi qu'à des actions de formation professionnelle.

L'étude d'impact 94 ( * ) du projet de loi évoque un taux de protection de 50 % constaté sur l'année civile échue, ce qui représenterait, pour 2022, environ 14 500 demandeurs d'asile originaires de neuf pays.

Cette liste serait établie chaque année par le pouvoir réglementaire et révisable, le cas échéant, « en cas d'évolution rapide de la situation dans un pays d'origine ».

Le taux de protection de référence ne peut se concevoir que comme le taux agrégé par nationalité après réformation, le cas échéant, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Or, ce taux n'a pas été communiqué aux rapporteurs. Il est pourtant essentiel, car il ne peut se déduire du simple rapprochement des statistiques de protection publiées dans les rapports d'activité de l'OFPRA ou de la CNDA, qui présentent des données qui ne sont pas construites sur les mêmes bases.

Pays dont le taux de protection accordé par
l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)
est supérieur à 50 % en 2021

Pays

Taux de protection OFPRA (en %)

Total de demandes

Afghanistan

72,7

11 360

Afrique du Sud

59,4

2

Chine

80,5

554

Érythrée

63,2

1 092

Jamaïque

66,7

18

Soudan du Sud

73,8

44

Syrie

80

1 368

Turkménistan

100

6

Yémen

57,7

132

14 576

Source : ministère de l'intérieur

Pays dont le taux de protection accordé par
la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) est supérieur à 50 % en 2021

Pays

Taux de protection CNDA (en %)

Total de recours

Afghanistan

67

3 783

Iran

54

233

Koweït

70

107

Libye

50

128

Syrie

68

799

Territoires palestiniens

68

54

Yémen

72

96

5 200

Source : rapport annuel 2021 de la Cour nationale du droit d'asile 95 ( * )

Le Gouvernement souhaite, par cette mesure, accélérer le parcours d'intégration des demandeurs concernés et lutter contre le travail illégal 96 ( * ) .

Sur le plan strictement juridique, le Conseil d'État relève dans son avis que cette mesure n'est pas contraire à la jurisprudence constitutionnelle sur le principe d'égalité 97 ( * ) , dans la mesure où « les étrangers ayant la nationalité de pays dont les ressortissants bénéficient d'un fort taux de protection et donc d'une haute probabilité de demeurer sur le territoire français ne sont pas placés dans la même situation que les autres demandeurs d'asile au regard de leur vocation à s'intégrer en France, notamment par le travail ».

2. En l'absence de consensus, la commission a préféré ne pas modifier l'article

À l'issue d'un débat nourri, la commission a constaté que deux analyses de cette disposition étaient en débat .

Selon une première analyse , ce dispositif d'accès immédiat au marché du travail comporte, en lui-même, le risque d'un appel d'air , alors que le droit européen ne l'impose pas et qu'aucun pays de l'Union européenne ne prévoit de mesure similaire. Si l'étude d'impact donne en effet trois exemples de pays donnant accès au marché du travail dans un délai inférieur à six mois (Allemagne dans les trois mois pour certains demandeurs, Belgique dans les quatre mois et Pays-Bas dans les six mois) elle ne mentionne en revanche aucun pays qui y donnerait un accès immédiat 98 ( * ) .

Les raisons pour lesquelles le Sénat s'était opposé à la réduction du délai de neuf à six mois sont donc, dans cette analyse, toujours d'actualité : si le demandeur est débouté , il est alors en situation irrégulière et l'État aura des difficultés à procéder à son éloignement . À cet égard, le rapport de François-Noël Buffet indiquait en outre que : « Son employeur se trouverait en situation illégale d'emploi d'étranger sans titre, étant précisé que seul l'étranger lui-même peut le tenir informé du rejet définitif de sa demande d'asile, ce dont il n'est donc pas certain qu'il y ait vraiment intérêt » 99 ( * ) .

De plus, le taux de 50 % - que le projet de loi renvoie au pouvoir réglementaire - demeure assez aléatoire sur la possibilité d'obtention de la protection internationale, d'autant que le t aux global de rejet des demandes d'asile 100 ( * ) s'élève à 60 % en 2021 101 ( * ) .

La seconde analyse postule à l'inverse que cette mesure faciliterait l' intégration des demandeurs d'asile qui ont de grandes chances d'être protégés et de rester en France, par un accès le plus rapide possible au travail , considérant comme marginal le risque de rejet de leur demande d'asile.

Pour les défenseurs de cette analyse, le risque d'appel d'air n'est pas réel , ce dont témoignerait le faible nombre de demandeurs d'asile qui demandent à travailler , a fortiori ceux issus des nationalités potentiellement concernées par le présent article. L'étude d'impact indique en effet que seulement 374 demandeurs issus de pays dont le taux de protection est supérieur à 50 % ont obtenu une autorisation de travail entre le 1 er septembre 2021 et le 1 er septembre 2022 (sur 2 535 autorisations délivrées, soit environ 14 %).

Du reste, l'État conserverait toujours la police administrative du travail via l'exigence d'une autorisation de travail. Dès lors, la simple expiration d'un délai de six mois aujourd'hui ou l'absence de tout délai à l'avenir pour certains pays à fort taux de protection ne suffirait pas, en toute hypothèse, à permettre l'accès au marché du travail.

À titre conservatoire, dans l'attente du débat en séance publique, la commission a donc maintenu l'article sans lui apporter d'amendement.

La commission a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5 (supprimé)
Conditionnement de l'accès au statut d'entrepreneur individuel
à la régularité du séjour

L'article 5 vise à conditionner l'accès au statut d'entrepreneur individuel à la détention d'un titre de séjour pour les étrangers ressortissants de pays non membres de l'Union européenne . L'objectif de cette disposition est de lutter contre les systèmes de fraude permettant l'activité de travailleurs indépendants étrangers en situation irrégulière, phénomène particulièrement observé dans certains secteurs d'activités tels que la livraison.

Considérant que cette obligation est déjà prévue par plusieurs dispositions législatives et réglementaires et qu'elle ne répond pas à l'objectif poursuivi, la commission a supprimé cet article 102 ( * ) .

1. L'état du droit : une condition déjà prévue par de nombreuses dispositions législatives

Comme l'a relevé le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi 103 ( * ) , l'obligation de régularité du séjour pour les étrangers souhaitant exercer une activité professionnelle est déjà inscrite à plusieurs reprises dans le droit positif, y compris pour les entrepreneurs individuels. L'article L. 414-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impose en effet l'obligation générale de présenter un titre de séjour valide pour exercer toute activité professionnelle.

Ce principe est repris dans les dispositions dudit code spécifiques aux travailleurs indépendants. L'article L. 421-5 précise ainsi que « l'étranger qui exerce une activité non salariée , économiquement viable et dont il tire des moyens d'existence suffisants » se voit délivrer une carte de séjour lui permettant d'exercer son activité professionnelle. Il en est de même pour les étrangers éligibles au titre de séjour dit « passeport talent » pour des motifs de création d'entreprise et d'investissement (articles L. 421-16 à L. 421-18 du même code).

Cette exigence est déclinée au niveau réglementaire, l'article R. 123-95-1 du code de commerce prévoyant que le greffier vérifie la validité du titre de séjour produit par le déclarant avant de procéder à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) 104 ( * ) . L'annexe 1-1 du code de commerce détaille d'ailleurs, parmi les diverses pièces justificatives devant être fournies pour voir sa société inscrite au RCS, les copies de titres devant être fournis pour les étrangers résidant en France 105 ( * ) .

En ce qui concerne les entreprises exerçant une activité artisanale, l'arrêté du 29 décembre 2021 relatif aux pièces justificatives à produire à l'appui des demandes d'inscription et de radiation au répertoire des métiers mentionne également l'obligation de présenter un titre de séjour en cours de validité 106 ( * ) .

2. L'article 5 : une tentative de lutter contre la fraude permettant l'emploi de travailleurs indépendants étrangers en situation irrégulière dans certains secteurs d'activité

L'article 5 prévoit d'inscrire à l'article L. 526-22 du code de commerce l'interdiction d'accéder au statut d'entrepreneur individuel pour tous les étrangers non ressortissants de pays membres de l'Union européenne qui ne disposent pas d'un titre de séjour leur permettant d'exercer cette activité professionnelle.

Ce faisant, il s'inspire de l'article L. 122-1 du code de commerce, qui prévoyait qu'un « étranger qui exerce sur le territoire français, sans y résider, une profession commerciale, industrielle ou artisanale, dans des conditions rendant nécessaire son inscription ou sa mention au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, doit en faire la déclaration au préfet du département dans lequel il envisage d'exercer pour la première fois son activité » 107 ( * ) . L'article L. 122-2 assortissait cette obligation d'une sanction pénale de son irrespect 108 ( * ) .

Cette obligation de déclaration en préfecture, dont étaient dispensés les ressortissants des États membres de l'Union européenne, des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, a été supprimée par la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises 109 ( * ) . Jugeant que « rien ne justifie ce régime spécial de déclaration préalable en préfecture des commerçants étrangers » 110 ( * ) et que sa disparition serait de nature non seulement à « [ alléger ] les démarches des entrepreneurs étrangers cherchant à développer leur activité en France » 111 ( * ) mais également à exonérer les préfectures d'une « activité pour laquelle elles n'apportaient pas une valeur ajoutée particulière » 112 ( * ) , le législateur avait logiquement procédé à sa suppression .

3. La position de la commission des lois : supprimer une disposition inutile aux effets de bord mal mesurés

3.1. Une disposition à l'effet juridique limité, voire nul

D'après l'étude d'impact du projet de loi, l'article poursuit deux objectifs 113 ( * ) :

- la lutte contre le phénomène de sous-traitance à des étrangers en situation irrégulière des comptes des entrepreneurs individuels qui exercent leur activité professionnelle à travers les plateformes dites « collaboratives », notamment dans le secteur de la livraison ;

- la création d'une obligation générale de régularité du séjour pour tous les travailleurs indépendants , les professions libérales n'étant pas soumises à l'obligation de s'inscrire au RCS ou au répertoire des métiers.

S'agissant du premier objectif, l'article 5 ne permet pas de lutter plus efficacement contre les fraudes liées aux plateformes puisque celles-ci contournent déjà les obligations légales et réglementaires existantes et que cet article ne prévoit pas de renforcer le contrôle de la sous-traitance . La création d'une nouvelle obligation dans la loi sans garantie supplémentaire ne semble donc pas de nature à atteindre l'objectif poursuivi. D'autres initiatives, comme la signature en mars 2022 d'une charte entre l'État et les quatre plateformes principales de livraison de repas destinée à harmoniser les standards de sécurité et à renforcer les procédures de contrôle des documents d'identité, semblent plus pertinentes 114 ( * ) .

Au demeurant, contrainte par les conditions enserrant l'initiative parlementaire, la commission n'a pas pu, à peine d'adopter une disposition manifestement irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution, substituer à ce dispositif une disposition plus consistante tendant à mieux encadrer le statut des travailleurs des plateformes et son contrôle . L'on peut souligner à cet égard l'intérêt du dispositif de la proposition de loi relative aux travailleurs en situation de dépendance économique vis-à-vis des plateformes numériques de Bruno Retailleau et Frédérique Puissat, déposée en août 2022, prévoyant en particulier l'accomplissement en personne de la prestation de service par le travailleur dans le cadre du contrat de dépendance économique 115 ( * ) . A défaut de pouvoir substituer à ce dispositif une réelle avancée juridique pour le statut des travailleurs des plateformes, la commission a donc considéré cet article inutile.

S'agissant du second objectif poursuivi par cet article, il est déjà satisfait. D'une part, l'obligation de la régularité du séjour pour exercer une activité professionnelle étant déjà inscrite dans le droit positif, l'apport juridique de l'article est limité, voire nul . Les réponses fournies par la direction générale des étrangers en France (DGEF) montrent d'ailleurs que la difficulté posée par l'activité irrégulière d'entrepreneurs individuels étrangers résidant en France relève moins du droit que de la pratique : selon les indications fournies par ces services « le contrôle de la régularité du séjour n'étant prévu dans les codes du commerce et de l'artisanat que dans le cadre des arrêtés fixant la liste des pièces à fournir à l'appui de la demande d'immatriculation, les greffes des tribunaux de commerce ou les chambres de métiers et de l'artisanat peuvent développer des pratiques divergentes sans tenir compte, par ailleurs, des dispositions du Ceseda (notamment de l'article L. 414-10 du Ceseda) . » L'unification des pratiques des greffes des tribunaux de commerce relevant davantage d'une circulaire que d'une disposition législative, la disposition proposée n'a apparemment qu'une vocation symbolique, voire pédagogique , et sa suppression s'impose.

D'autre part, les mêmes services ont souligné que les entrepreneurs individuels « exerçant une activité professionnelle libérale ne sont pas assujettis à l'obligation de justifier d'un titre de séjour en cours de validité lors de la création de leur entreprise », estimant dès lors que seuls les entrepreneurs individuels exerçant une activité libérale réglementée pouvaient voir la régularité de leur séjour contrôlée. L' « éclatement des modalités de contrôle » évoqué ne pouvant être résolu par une nouvelle disposition législative , l'application effective du droit existant paraît devoir être privilégiée.

3.2. Un dispositif potentiellement problématique

Enfin, le dispositif proposé ne paraît pas dépourvu d'effets de bord, dont la mesure exacte ne semble pas avoir été prise par le Gouvernement.

En effet, il ne semble pas exclu que la disposition proposée fasse obstacle à la création par une personne physique étrangère résidant hors de l'Union européenne d'une entreprise individuelle - aux fins de facilitation des relations commerciales avec ses clients par exemple -, sans intention de résider en France. Selon une lecture littérale du dispositif proposé par le Gouvernement, le cas d'une personne physique britannique, exerçant depuis le territoire du Royaume-Uni une activité qu'elle souhaiterait développer en France par la création d'une entreprise individuelle, ne devrait être permis. Il ne semble pas souhaitable de procéder à une telle interdiction , qui paraît d'ailleurs excéder l'intention du Gouvernement.

Au surplus, la rédaction actuelle du dispositif omet de prévoir qu'en soient exemptés les ressortissants des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, une garantie qui semble nécessaire.

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission a adopté les amendements COM-207 de Muriel Jourda et COM-181 d'Éliane Assassi et des membres du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) tendant à supprimer l'article 5 .

Après avoir examiné les implications, même indirectes, de l'article 5 sur l'activité des plateformes dites « collaboratives », Philippe Bonnecarrère, rapporteur, a formulé une déclaration de déport exclusivement pour ledit article.

La commission a supprimé l'article 5.

Article 6
Fusion de titres « passeport talent »
et simplification de leur dénomination

L'article 6 prévoit de supprimer la mention de « passeport » dans les titres de séjour dits « passeport talent » et de fusionner trois de ces titres liés à la poursuite de projets économiques sous la dénomination « talent-porteur de projet ».

Partageant le but poursuivi, la commission a adopté cet article en allant plus loin dans la simplification du passeport talent : elle a également unifié les titres destinés aux jeunes diplômés qualifiés salariés, aux salariés de jeunes entreprises innovantes et aux salariés en mission.

1. L'état du droit : un dispositif complexe qui s'adresse à onze catégories de demandeurs

Le « passeport talent » est une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans délivrée à certains demandeurs 116 ( * ) , dont la résidence en France constitue un atout économique pour le pays, ainsi qu'aux membres de leur famille. Actée par l'article 17 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, la création de cette catégorie de titres visait un double objectif : réunir les titres en faveur de l'attractivité du territoire « sous une même appellation (...) pour les rendre plus lisibles et élargir les critères d'accès afin que 10 000 "passeports talent" soient délivrés chaque année » 117 ( * ) . .

Le premier de ces objectifs ne semble pas atteint. Il existe en effet onze catégories de titres « passeport talent ». Ces catégories sont disparates puisqu'elles concernent à la fois les jeunes diplômés qualifiés salariés, les chercheurs, les investisseurs économiques ou encore les artistes interprètes. À chaque catégorie correspondent des critères d'éligibilité spécifiques (articles L. 421-7 à L. 421-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile), ce qui contribue à rendre l'ensemble du dispositif peu lisible et attractif.

Les différentes cartes de séjour pluriannuelle regroupées
sous la dénomination « passeport talent »

Fondement légal

Catégorie de demandeur

Critères d'éligibilité cumulatifs

Durée maximale

Possibilité de travailler

Titres destinés aux salariés qualifiés

Article L. 421-9 du Ceseda

Jeunes diplômés qualifiés salariés

Exercer une activité professionnelle salariée

Percevoir une rémunération brute annuelle d'au moins 41 023 euros

Être titulaire d'un diplôme au moins équivalent au grade de master

4 ans

Uniquement pour exercer l'activité professionnelle salariée ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-10 du Ceseda

Salariés d'une jeune entreprise innovante

Être recruté dans une jeune entreprise innovante réalisant des projets de recherche et de développement ou dans une entreprise innovante reconnue par un organisme public pour exercer des fonctions en lien avec le projet de recherche et de développement de cette entreprise ou avec son développement économique, social, international et environnemental

Percevoir une rémunération brute annuelle d'au moins 41 023 euros

4 ans

Uniquement pour exercer l'activité professionnelle salariée ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-11 du Ceseda

Travailleurs hautement qualifiés

(carte bleue européenne)

Occuper un emploi hautement qualifié depuis au moins un an

Percevoir une rémunération brute annuelle d'au moins 53 836,50 euros

Être titulaire d'un diplôme sanctionnant au moins trois années d'études supérieures ou d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans d'un niveau comparable 118 ( * )

Durée égale à celle figurant sur le contrat de travail dans la limite de 4 ans

Uniquement pour exercer une activité professionnelle salariée correspondant aux critères ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-13 du Ceseda

Salariés en mission

Séjourner en France dans le cadre d'une mission entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe

Justifier d'au moins 3 mois d'ancienneté professionnelle dans le groupe ou l'entreprise établi hors de France

Justifier d'un contrat de travail conclu avec l'entreprise établie en France

Percevoir une rémunération brute annuelle d'au moins 36 920,52 euros

4 ans

Uniquement pour exercer l'activité professionnelle salariée ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Titres destinés aux entrepreneurs

Article L. 421-16 du Ceseda

Créateurs d'entreprise

Être titulaire d'un diplôme au moins équivalent au grade de master ou justifier d'une expérience professionnelle d'au moins 5 ans d'un niveau comparable

Justifier d'un projet économique réel et sérieux

Créer une entreprise en France

4 ans

Uniquement pour exercer une activité commerciale en lien avec la création de l'entreprise ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-17 du Ceseda

Porteurs d'un projet économique innovant

Justifier d'un projet économique innovant reconnu par un organisme public

4 ans

Uniquement pour exercer une activité commerciale en lien avec la création de l'entreprise ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-18 du Ceseda

Investisseurs économiques

Réaliser un investissement économique direct en France

4 ans

Uniquement pour exercer une activité commerciale en lien avec la création de l'entreprise ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Autres catégories de titres

Article L. 421-14 du Ceseda

Chercheurs

Être titulaire d'un diplôme au moins équivalent au grade de master

Mener des travaux de recherche ou dispenser un enseignement de niveau universitaire dans le cadre d'une convention d'accueil

4 ans

Uniquement pour exercer l'activité professionnelle salariée dans le cadre de la convention d'accueil ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-19 du Ceseda

Mandataires sociaux

Occuper la fonction de représentant légal dans un établissement ou une société établi en France

Être salarié ou mandataire social dans un établissement ou une société du même groupe

Percevoir une rémunération brute annuelle d'au moins 61 534,20 euros

4 ans

Uniquement pour exercer une activité commerciale en lien avec la création de l'entreprise ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-20 du Ceseda

Artistes interprètes

Exercer la profession d'artiste-interprète ou être l'auteur d'une oeuvre littéraire ou artistique mentionnée à l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle

Percevoir une rémunération mensuelle brute d'au moins 1 196,50 euros

4 ans

Uniquement pour exercer l'activité professionnelle ayant justifié la délivrance du titre de séjour

Article L. 421-21 du Ceseda

Étrangers ayant une renommée nationale ou internationale

Bénéficier d'une renommée nationale ou internationale établie ou être susceptible de participer de façon significative et durable au développement économique, à l'aménagement du territoire ou au rayonnement de la France

Exercer une activité dans un domaine scientifique, littéraire, artistique, artisanal, intellectuel, éducatif ou sportif

4 ans

Cette carte permet l'exercice de toute activité professionnelle

Source : commission des lois

À ces onze catégories de titres vient s'ajouter celle des titres délivrés aux membres de la famille des titulaires d'un titre « passeport talent », dont le régime est prévu aux articles L. 421-22 à L. 421-25 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La procédure dite « famille accompagnante » qui y est attachée est plus favorable et nécessite des formalités administratives allégées par rapport à celle prévue pour le regroupement familial.

Néanmoins, le second des objectifs évoqués plus haut ne semble que très partiellement atteint , la barre des 10 000 titres primo-délivrés - hors titres familiaux - n'ayant été atteinte depuis 2018 qu'en 2022.

« Passeports talent »
attribués en premier titre depuis 2018

2018

2019

2020

2021 (définitif)

2022 (estimé)

2022/2021

2021/2018

Économique

3261

4059

2606

3521

6832

94,04 %

7,97 %

4660

5145

3179

3986

4394

10,24 %

-14,46 %

280

289

213

289

501

73,36 %

3,21 %

174

109

107

117

219

87,18 %

-32,76 %

Total économique

8375

9602

6105

7913

11946

50,97 %

-5,52 %

Total familial

2513

3976

3335

4395

5840

32,88 %

74,89 %

Total général

10888

13578

9440

12308

17786

44,51 %

13,04 %

Source : ministère de l'intérieur 119 ( * ) , commission des lois du Sénat 120 ( * )

L'efficacité du dispositif des « passeports talent » pose ainsi question. Au surplus, malgré la survenance sur cette période de la crise liée à l'épidémie de covid-19, qui a affecté les flux de personnes, il est particulièrement révélateur que le nombre annuel de titres pour les membres de famille accompagnant les personnes se voyant délivrer ces titres ait augmenté entre 2018 et 2021 de près de 75 % alors que le même nombre a diminué pour les « passeports talent » proprement dits de 5,5 %.

L'ensemble des « passeports talent » représente in fine une proportion modeste de l'ensemble des titres de séjour délivrés . En 2021, 12 308 121 ( * ) « passeports talent » ont été délivrés pour un total de 373 055 primo-délivrances de titres de séjour 122 ( * ) , soit environ 3,3 % 123 ( * ) . En 2019, année moins marquée par l'entrée sur le territoire de Britanniques et avant la crise liée à l'épidémie de covid-19, cette proportion était de 4,53 % 124 ( * ) .

Ces chiffres s'expliquent à la fois par les critères d'éligibilité très stricts des différents régimes qui y sont associés et par la complexité globale du dispositif.

2. L'article 6 : simplifier le passeport talent en modifiant
sa dénomination et en fusionnant les régimes liés
à la poursuite de projets économiques

L'article 6 du projet de loi entend donc améliorer la lisibilité du passeport talent pour renforcer son attractivité. Il prévoit, d'une part, de supprimer la mention « passeport » dans la dénomination du « passeport talent » au sein du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'à l'article L. 5523-2 du code du travail qui y fait référence. Cette disposition a pour but de limiter la confusion induite par l'usage de ce terme puisqu'il s'agit d'une carte de séjour pluriannuelle et non d'une voie d'accès à la nationalité française. Mesure d'ajustement, à l'impact certainement limité, elle ne présente néanmoins aucune difficulté .

L'article 6 vise, d'autre part, à unifier les trois régimes liés à la poursuite de projets économiques (création d'entreprise, projet économique innovant et investissement économique) sous la dénomination « talent-porteur de projet » . Ces trois régimes sont en effet très proches puisque les droits qui y sont associés et leur durée maximale de validité sont identiques. Leur distinction se fonde sur leurs critères d'éligibilité. En intégrant à l'article L. 421-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif au passeport talent « création d'entreprise » les critères d'éligibilité alternatifs des régimes « projet économique innovant » et « investisseurs économiques », l'article 6 du projet de loi fusionne ainsi ces trois régimes et améliore la lisibilité globale du passeport talent.

Cette simplification est d'autant plus justifiée que ces titres sont très peu demandés . En 2021, 70 titres ont été délivrés en première demande au motif d'une création d'entreprise, 56 pour des projets économiques innovants et 30 pour des investissements économiques en France 125 ( * ) . Le maintien de trois régimes distincts paraît donc inutile au regard du flux migratoire que représentent ces titres. Ces titres ne représentent ainsi que 1,97 % du total des titres « passeport talent » primo-délivrés en 2021.

Par ailleurs, la fusion des régimes dédiés aux étrangers porteurs de projet permet de simplifier l'instruction des demandes de renouvellement de titres de séjour pour les demandeurs qui rempliraient un critère d'éligibilité différent de celui qui a justifié la délivrance de leur premier passeport talent. Cette mesure va donc dans le sens d'une meilleure prise en compte de l'évolution du parcours des porteurs de projets économiques qui réalisent des investissements économiques après avoir créé leur entreprise sans que l'instruction de leur demande de titre de séjour ne constitue un frein à leur activité professionnelle.

3. La position de la commission des lois : aller plus loin
dans la simplification du passeport talent en fusionnant d'autres régimes

Partageant l'objectif de simplification et d'amélioration de l'attractivité du « passeport talent », la commission a adopté la suppression de la mention « passeport » ainsi que l'unification des régimes dédiés aux porteurs de projet tout en procédant à des ajustements de coordination visant à assurer l'opérationnalité de cette dernière disposition.

Souhaitant néanmoins inviter le Gouvernement à une réflexion plus approfondie sur la multiplicité des titres de séjour, résultant d'une sédimentation qui n'est que trop rarement mise en question, elle a considéré qu'il était possible de poursuivre l'effort de simplification en fusionnant trois autres régimes aux caractéristiques similaires : le « passeport talent » dédié aux jeunes diplômés qualifiés salariés, le « passeport talent » destiné aux salariés d'une jeune entreprise innovante et celui prévu pour les salariés en mission. En effet, la durée maximale de validité de ces titres et les droits qui y sont associés sont identiques.

Au surplus, les deux premiers de ces régimes se fondent sur deux critères d'éligibilité communs : l'obligation d'être salarié et celle de percevoir une rémunération brute annuelle minimale dont le montant, fixé par décret, et de 41 023 euros. La distinction ne s'opère que sur le niveau de diplôme, le grade de master étant requis pour obtenir le titre dédié aux jeunes diplômés qualifiés salariés, contrairement aux salariés de jeunes entreprises innovantes qui ne sont pas soumis à cette condition. S'agissant de ces deux premiers titres, l'étude d'impact relève d'ailleurs qu'ils constituent « historiquement une seule et même catégorie de passeport talent » 126 ( * ) .

Par ailleurs, les critères d'éligibilité varient à la marge pour les salariés en mission , dont il est exigé qu'ils effectuent une mission entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe, qu'ils justifient d'au moins 3 mois d'ancienneté professionnelle dans le groupe ou l'entreprise établi hors de France et d'une rémunération brute annuelle d'au moins 36 920,52 euros.

La commission a donc considéré opportun, au regard des similitudes que présentent ces titres, de les fusionner en un titre « talent - salarié qualifié » . Elle a donc adopté, à l'initiative des rapporteurs, l'amendement COM-208 tendant à modifier l'article L. 421-9 relatif au « passeport talent » dédié aux jeunes diplômés salariés qualifiés pour y intégrer les critères liés aux titres « salarié d'une jeune entreprise innovante » et « salarié en mission ». En conséquence, les articles définissant le régime de ces titres ont été abrogés. La commission a également procédé aux coordinations nécessaires dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour tirer les conséquences de cette fusion.

La commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 7
Modification du régime d'exercice et d'accueil
des praticiens de santé à diplôme hors Union européenne (PADHUE)

L'article 7 tend à créer deux cartes de séjour pluriannuelles à destination des praticiens de santé à diplôme hors Union européenne (PADHUE), à prévoir une autorisation d'exercice provisoire et à modifier les conditions dans lesquelles de telles autorisations sont octroyées .

Simplification administrative bienvenue et facteur d'attractivité, la création d'une carte de séjour pluriannuelle pour les praticiens ayant réussi les épreuves de vérification des connaissances (EVC) a été conservée par la commission. Celle-ci a néanmoins supprimé l'ensemble des autres dispositions de l'article et adopté l'article ainsi modifié.

1. L'état du droit : un statut juridique historiquement précaire, incapable de juguler l'exercice irrégulier

Les articles L. 4111-1 et L. 4221-1 du code de la santé publique prévoient que l'exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme ou pharmacien n'est ouvert qu'aux personnes réunissant trois conditions cumulatives :

- être titulaire d'un diplôme, d'un certificat ou d'un titre reconnu dans le code de la santé publique ;

- être de nationalité française, de citoyenneté andorrane, ressortissant d'un État membre de l'UE, ressortissant d'un État partie à l'accord sur l'espace économique européen (EEE), ou de nationalité marocaine ou tunisienne ;

- être inscrit au tableau de l'ordre de la profession concernée.

La loi proscrit donc, en principe, l'exercice de ces professions par les praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) .

Cet exercice a néanmoins été rendu possible par des interventions législatives et réglementaires successives, la première datant de 1972 et la plus récente datant de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, dite « OTSS ». Comme le rappelait Martine Berthet dans un rapport de décembre 2018, le cadre juridique résultant de ces interventions, « complexe et lentement sédimenté » 127 ( * ) , s'articule autour de trois dispositifs réunis sous la dénomination de « procédure d'autorisation d'exercice » (PAE) définis notamment à l'article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2007.

La procédure de droit commun (dite de « la liste A ») est généralement présentée comme une voie accessible aux « nouveaux venus », n'ayant jamais exercé au sein d'un établissement de santé français. Elle comprend quatre étapes :

- le passage d'un concours, particulièrement sélectif, appelées « épreuves de vérification des connaissances » (EVC), le nombre de candidats susceptibles d'être reçus pour chaque profession étant fixé par arrêté et le nombre de candidatures par personne limité à quatre ;

- l' affectation sur un poste en France en qualité de praticien associé , le choix du poste étant effectué par chaque lauréat au sein d'une liste fixée par arrêté et l'affectation prononcée par le ministre ;

- la validation, pendant cette affectation, d'un parcours de consolidation de compétences (PCC) d'une durée de deux ans en médecine et en pharmacie et d'un an pour les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes ;

- la délivrance d'une autorisation de plein exercice après avis d'une commission comprenant notamment des délégués des conseils nationaux des ordres et des organisations nationales des professionnels concernés.

La procédure dite de « la liste B » est réservée aux réfugiés, apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire lorsqu'ils sont titulaires d'un diplôme permettant l'exercice de la profession dans le pays d'obtention. Ils se voient délivrer une attestation permettant un exercice temporaire , et s'engagent en contrepartie à passer un examen - non un concours -, également sélectif.

La procédure ayant remplacé celle préexistante de la « liste C », envisagée comme une procédure transitoire de régularisation , a constitué depuis 2007 le principal noeud des difficultés de ce régime juridique. Elle vise initialement à sécuriser l'exercice de praticiens recrutés pour combler des besoins de recrutement hors de tout cadre légal. Dans sa rédaction résultant de la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé (dite « OTSS ») de 2019 128 ( * ) , ces modalités dérogatoires et transitoires d'autorisation d'exercice comprennent deux niveaux :

- les PADHUE présents dans un établissement de santé au 31 décembre 2018 et recrutés avant le 3 août 2010 se sont vus octroyer une autorisation temporaire d'exercice jusqu'à la fin de l'année 2020 ;

- les PADHUE présents dans un établissement de santé à la fin de l'année 2018 et ayant exercé pendant au moins deux ans depuis le 1 er janvier 2015 peuvent suivre une procédure d'autorisation pérenne d'exercice ad hoc . Cette dernière comprend une instruction des dossiers par les commissions compétentes d'autorisation d'exercice, et donne lieu à la délivrance d'une autorisation temporaire d'exercice pour les candidats. Il était initialement prévu qu'elle s'éteigne au plus tard le 31 décembre 2020.

Ce dispositif transitoire devait donc être supprimé au plus tard à la fin de l'année 2020. Néanmoins, ces dispositions ont fait l'objet de modifications successives, durant la crise sanitaire puis postérieurement, pour allonger la période transitoire et reporter les dates butoirs qu'elles prévoyaient. Dernièrement, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a reporté au 30 avril 2023 129 ( * ) la date de fin des autorisations temporaires d'exercice visant les PADHUE recrutés avant le 3 août 2010 comme la date de fin de la procédure d'autorisation pérenne d'exercice ad hoc .

2. Le dispositif proposé : favoriser l'attractivité de la France en créant deux cartes de séjour pluriannuelle « talent » et en créant une nouvelle autorisation dérogatoire d'exercice

L'article 7 du présent projet de loi vise à favoriser l'attractivité pour les PADHUE de l'exercice sur le territoire français. Le dispositif de cet article est triple.

En premier lieu, il crée deux nouvelles cartes de séjour pluriannuelles dites « talent » (I de l'article). Pour ce faire, il insère un nouvel article L. 421-13-1 dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) prévoyant la délivrance d'une carte de séjour « talent - professions médicales et de la pharmacie » permettant l'exercice de la profession :

- pour une durée maximale de 4 ans , aux étrangers bénéficiant d'une décision d'affectation, d'une attestation permettant un exercice temporaire ou d'une autorisation de plein exercice mentionnée aux articles L. 4111-2 et L. 4221-12 du code de la santé publique - en d'autres termes, ayant réussi les EVC - et justifiant du respect d'un seuil de rémunération fixé par décret en Conseil d'État ;

- pour une durée maximale de 13 mois , aux étrangers occupant un emploi pour une durée égale ou supérieure à un an au sein d'un établissement de santé public ou privé à but non-lucratif 130 ( * ) , titulaires des nouvelles attestations permettant un exercice provisoire ( voir ci-dessous ) et justifiant du respect même seuil de rémunération qu'évoqué ci-dessus.

En deuxième lieu, l'article 7 du présent projet de loi crée une nouvelle autorisation d'exercice provisoire . Les 1° et 2° du II insèrent deux nouveaux articles L. 4111-2-1 et L 4221-12-1 au sein du code de la santé publique, prévoyant que l'autorité compétente peut, après avis de la commission d'autorisation d'exercice, délivrer une autorisation provisoire ne pouvant excéder 13 mois, renouvelable une fois, d'exercice dans un établissement de santé public ou privé à but non lucratif à un PADHUE remplissant trois conditions cumulatives : être titulaire d'un diplôme permettant l'exercice de la profession visée dans le pays d'obtention du diplôme, justifier par tout moyen de son expérience professionnelle et disposer d'un niveau suffisant de la langue française. Le praticien concerné serait également tenu de s'engager à passer les EVC.

En dernier lieu, l'article 7 du présent projet de loi tend à modifier le processus de délivrance des autorisations d'exercice . En effet, les 3° et 4° du II modifient les articles L. 4111-2 et L. 4221-12 du code de la santé publique pour remplacer la référence au ministre chargé de la santé par une référence à « l'autorité compétente » et, à titre principal, modifier la composition des commissions d'autorisation d'exercice pour prévoir qu'elles ne sont plus composées de délégués nationaux des ordres et des organisations nationales des professions, mais « notamment de professionnels de santé ». Il tend ainsi à substituer aux commissions nationales d'autorisation d'exercice des commissions régionales .

3. La position de la commission : une méthode discutable, un dispositif à recentrer sur ses dispositions les plus utiles

3.1. Une méthode particulièrement discutable

Les rapporteurs déplorent avant tout qu'il ne soit pas proposé, au sein d'un véhicule législatif dédié, de solution pérenne aux problèmes posés par le cadre juridique des PADHUE . Ils font leurs les mots d'Alain Milon, dans son rapport sur le projet de loi dit « OTSS » en 2019 : « la situation actuelle des PADHUE, qui résulte de l'adoption successive de mesures d'urgence et transitoires sans vision d'ensemble, est inacceptable et doit faire l'objet d'un règlement définitif 131 ( * ) . » Force est de constater que cette initiative législative ne fait pas exception et vient à nouveau proposer une réforme dépourvue de vision d'ensemble du sujet. À supposer que le dispositif prévu par cet article soit utile aux praticiens dont l'autorisation d'exercice temporaire parvient à échéance au 30 avril 2023, un tel dispositif ne sera en tout état de cause pas adopté avant cette date, posant la question du statut de ces praticiens dans l'intervalle. Les rapporteurs déplorent à cet égard un manque manifeste d'anticipation de la part du Gouvernement , qui témoigne de l'insuffisante considération portée au cadre juridique régissant l'exercice de ces praticiens.

En second lieu, s'il est parfaitement légitime d'examiner dans le cadre du présent projet de loi des titres de séjour dont peuvent bénéficier les PADHUE, les rapporteurs s'étonnent d'avoir à traiter des dispositions relatives aux conditions d'exercice des PADHUE dans un projet de loi dédié à l'immigration.

3.2. Un dispositif à recentrer sur ses dispositions les plus utiles

a) Étendre le bénéfice de la CSP de 4 ans

Sur le fond, une seule disposition a emporté l'assentiment de la commission : la création d'une CSP d'une durée maximale de quatre ans pour les praticiens ayant réussi les EVC . Il lui a paru légitime que ces professionnels ayant fait la preuve de leur compétence, dont l'insertion au sein de notre système de santé garantit une qualité de soins égale à celle délivrée par des praticiens diplômés en France, puissent bénéficier des avantages apportés par cette carte de séjour , à l'exemple de la possibilité de faire venir leur famille en France par la procédure de « famille accompagnante » ouverte aux membres de famille d'un titulaire de CSP dite « talent », plus favorable que celle du regroupement familial.

Au surplus, ces personnes, qui disposent d'une situation professionnelle stable en ce qu'elles disposent d'une autorisation d'exercice pérenne, n'auraient plus l'obligation de renouveler leur carte de séjour temporaire (CST) chaque année en préfecture, allégeant ainsi la charge administrative qu'une telle démarche représente pour les personnes comme pour les services administratifs concernés .

Convaincue du bien-fondé de ce dispositif, la commission en a d'ailleurs étendu le bénéfice à l'ensemble des praticiens lauréats des EVC, quel que soit leur établissement d'exercice . En l'état de la rédaction, n'étaient en effet éligibles à la CSP de quatre ans que les seuls praticiens occupant un emploi « tel que défini » 132 ( * ) pour le bénéfice de la CSP de 13 mois, soit un « emploi au sein d'un établissement public ou privé à but non lucratif de santé, social ou médico-social » au titre d'une des quatre professions concernées par le dispositif. Ce champ d'application restreint poserait deux difficultés :

- si l'occupation d'un emploi dans un établissement public ou privé à but non lucratif peut effectivement être nécessaire, dans le cadre d'obligations de formation, pour des praticiens non lauréats des EVC et pour des praticiens lauréats des EVC éligibles à la délivrance d'une CSP de quatre ans suivant un parcours de consolidation des compétences, une telle obligation paraît superfétatoire pour des praticiens ayant achevé leur parcours de formation et disposant d'une autorisation d'exercice de plein droit ;

- il pourrait poser une difficulté au regard du principe d'égalité, des PADHUE disposant d'une autorisation pérenne d'exercice et exerçant en libéral ne pouvant voir renouvelée leur CSP de quatre ans alors même que leurs collègues exerçant à l'hôpital le pourraient. La différence de traitement ainsi créée ne reposant pas sur une différence objective de situation, il en résulterait une potentielle rupture d'égalité.

Par l'adoption de l'amendement COM-209 des rapporteurs, la commission n'a donc pas repris, pour l'éligibilité à la CSP de 4 ans, le critère tenant à l'exercice au sein d'un établissement public ou privé à but non lucratif .

b) Supprimer les dispositions relatives aux conditions d'exercice des PADHUE et à la CSP de 13 mois

La commission a en revanche supprimé, par l'adoption du même amendement COM-209 , l'ensemble des autres dispositions de l'article 7. Elle a, à titre principal, souhaité supprimer la CSP de 13 mois et l'autorisation dérogatoire d'exercice qui y serait attachée pour des praticiens n'ayant pas encore réussi leurs EVC.

D'une part, la création d'une nouvelle autorisation dérogatoire n'apparaît pas conforme aux objectifs fixés par le législateur dans le cadre de la loi dite « OTSS » de 2019 , visant à régulariser les conditions d'exercice des PADHUE et à limiter l'exercice aux seuls lauréats des EVC. D'autre part, en l'état, le titre de séjour lié à cette autorisation dérogatoire d'exercice offre aux PADHUE concernés le bénéfice de la procédure de « famille accompagnante », modalité simplifiée de procéder à un regroupement familial. Alors que leur maintien sur le territoire français est lié à la réussite aux EVC, ne présentant donc pas de garantie pérenne, et que des moyens effectifs de contrôle en cas de maintien irrégulier sur le territoire ne semblent pas présents, procéder à un tel rapprochement semblerait disproportionné .

La commission a également supprimé la modification de la composition et des modalités d'organisation des commissions d'autorisation d'exercice - qui deviendraient régionalisées . L'ensemble des ordres professionnels consultés par les rapporteurs ont indiqué leur

particulière opposition à une telle disposition, qui semble de nature à créer des divergences d'appréciation à l'échelle du territoire sur des cas pourtant similaires.

La commission a adopté l'article 7 ainsi modifié .


* 64 Étude d'impact, p. 149.

* 65 Pôle Emploi, Enquête « Besoins en Main-d'oeuvre » (2022).

* 66 Nouvelle-Aquitaine (67,8 %) Bretagne (66 %), Pays de la Loire (64,3 %), Centre Val-de-Loire (64,1 %), Normandie (63,9 %) et Auvergne Rhône-Alpes (62,7 %).

* 67 Dans l'ordre : couvreurs ; aides à domicile et aides ménagère ; pharmaciens ; chaudronniers, tôliers, traceurs, serruriers, métalliers, forgerons qualifiés ; mécaniciens et électroniciens de véhicules ; carrossiers automobiles ; conducteur de transport en commun sur route ; plombiers et chauffagistes ; infirmiers et puéricultrices ; menuisiers.

* 68 Dares et France Stratégie, « Les métiers en 2030 : quelles perspectives de recrutement en région et au niveau national ? » (24 janvier 2023).

* 69 « Parmi les quinze métiers aux plus forts déséquilibres potentiels, neuf figurent dans les quinze métiers aux plus forts besoins de recrutement. On retrouve ainsi les agents d'entretien et les aides à domicile, les conducteurs de véhicules, les ouvriers qualifiés de la manutention, deux métiers de cadres (cadres commerciaux et de services administratifs et financiers), les aides-soignants, les ouvriers qualifiés du second oeuvre du bâtiment et, enfin, les enseignants » (p.7 de la synthèse).

* 70 Arrêté du 1 er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (disponible à cette adresse : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043317444).

* 71 La DGEFP indique que, premièrement, les données utilisées dataient de 2019 et n'intégraient donc pas les évolutions intervenus du fait de la pandémie de la Covid-19 et que, deuxièmement, le choix a été fait de privilégier des métiers pour lesquels il n'existait pas de levier de court terme pour faciliter les recrutements.

* 72 Informations publiées sur le site internet du ministère de l'intérieur, disponibles à cette adresse : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Europe-et-International/Les-accords-bilateraux/Les-accords-bilateraux-relatifs-a-la-mobilite-professionnelle.

* 73 La « circulaire Valls » prévoit par ailleurs des critères alternatifs lorsque l'étranger justifie d'une résidence en France supérieure à sept ans, d'un emploi dans le secteur de l'économie solidaire ou lorsqu'il a cumulé des contrats de faible durée ou exercé des postes d'intérim.

* 74 DGEF, L'essentiel de l'immigration (26 janvier 2023).

* 75 Étude d'impact, p. 143.

* 76 Conseil d'État, Avis n° 462784 et 462786 du 14 octobre 2022.

* 77 Formulaire CERFA n° 15186*03, de demande d'autorisation de travail pour un salarié étranger avec les pièces justificatives précisées en annexe du formulaire correspondant à la situation du salarié

* 78 Conformément aux articles L. 422-1, L. 422-4, L. 422-5 du Ceseda, l'étudiant étranger est autorisé à exercer, à titre accessoire, une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle.

* 79 Si l'étude d'impact mentionne le fait que l'étranger pourrait travailler « dans un autre métier en tension » , le fait que l'autorisation de travail soit matérialisée par la carte de séjour tend, a priori, à autoriser l'exercice de n'importe quelle activité.

* 80 Le point 66 de l'annexe 10 du Ceseda cite les exemples suivants : « bulletins de salaire ou à défaut relevés ou virements bancaires, certificat de travail, attestation Pôle Emploi, avis d'imposition sur le revenu correspondant aux périodes de travail ».

* 81 Étude d'impact, p. 145.

* 82 Le terme « justifie » est également utilisé au présent dans l'exposé des motifs, ce qui tend à confirmer cette analyse.

* 83 Conformément aux dispositions de l'article L. 436-4 du Ceseda, qui fixe en outre à 200 euros le montant de ladite taxe.

* 84 La différence avec le graphique présenté ci-dessus s'explique, au moins partiellement, par l'inclusion des jeunes majeurs précédemment pris en charge par l'ASE dans les volumes d'admission exceptionnelle au séjour présentés.

* 85 Voir commentaire de l'article 8.

* 86 Étude d'impact, p. 148.

* 87 Depuis la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, en application de l'article L. 554-3 du Ceseda, le silence de l'administration au terme d'un délai de deux mois. L'autorisation de travail est, en outre, applicable pour la durée du droit au maintien au séjour du demandeur d'asile.

* 88 Rapport n° 552 (2017-2018) de François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 juin 2018, sur le projet de loi en première lecture, consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl17-464.html

* 89 Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale.

* 90 Pour 2021, les chiffres 2022 ne sont pas disponibles.

* 91 Il s'agit du taux synthétique prenant en compte les décisions de l'OFPRA et de la CNDA, de demandeurs ayant obtenu au cours d'une année donnée la reconnaissance du statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire.

* 92 Cette procédure « rapide » est appliquée par l'OPFRA (articles L. 531-24 et suivants du Ceseda) : soit dans certains cas déterminés par la loi (demandeur provenant d'un pays d'origine sûr ou maintenu en rétention) ; soit de sa propre initiative lorsque le demandeur a présenté de faux documents ou fait des déclarations contradictoires par exemple ; soit à la demande de l'autorité administrative lorsque le demandeur refuse de donner ses empreintes digitales ou constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'État.

* 93 Il s'agit des personnes dont la demande d'asile relève d'un autre État membre.

* 94 Étude d'impact, p. 156 et suivantes.

* 95 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.cnda.fr/content/download/187619/1803267/version/7/file/RA2021%20VF1%20maj%2001%202023.pdf

* 96 Étude d'impact, p. 156 et suivantes.

* 97 Le Conseil constitutionnel juge de manière constante que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ».

* 98 Étude d'impact, p. 159 et 160.

* 99 Rapport n° 552 (2017-2018) de François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 juin 2018, sur le projet de loi en première lecture, consultable au lien suivant :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl17-464.html

* 100 En prenant en compte les protections accordées directement par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) suite à l'annulation d'une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

* 101 Le taux synthétique de protection OFPRA + CNDA est en 2021 de 39,2 % selon le ministère de l'intérieur, « Les chiffres clés de l'immigration » 2021, p. 65, consultables à l'adresse suivante :

https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Etudes-et-statistiques/Chiffres-cles-sejour-visas-eloignements-asile-acces-a-la-nationalite/Les-chiffres-cles-de-l-immigration-2021

* 102 En application de l'article 4 quater de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et de l'article 91 ter du règlement du Sénat, Philippe Bonnecarrère a estimé ne pas devoir prendre part aux travaux du Sénat sur cet article.

* 103 Avis du Conseil d'État sur le projet de loi, p. 7.

* 104 L'inscription au RCS est obligatoire pour toutes les entreprises dont l'activité est commerciale.

* 105 Voir les pièces mentionnées au 1.1.3.2. de l'annexe 1-1 du code de commerce.

* 106 L'annexe II de cet arrêté prévoit ainsi qu'il soit fourni lors de l'immatriculation, pour l'étranger résidant en France, « copie d'un des documents de séjour en cours de validité prévus à l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'exclusion des documents prévus aux 1°, 7° et 8° dudit code ».

* 107 Le dispositif proposé s'écarte néanmoins de l'ancien article L. 122-1 du code de commerce dans son champ d'application : il ne s'appliquait ainsi qu'aux non-résidents et aux seules professions commerciales, industrielles ou artisanales - certaines professions libérales en étant donc exemptées.

* 108 La peine prévue était un emprisonnement de six mois et une amende de 3 750 euros, le tribunal judiciaire pouvant au surplus ordonner la fermeture de l'établissement concerné.

* 109 Article 21 de ladite loi.

* 110 Voir le commentaire de l'article 17 du rapport n° 201 (2013-2014) de Thani Mohamed Soilihi, fait au nom de la commission des lois, déposé le 4 décembre 2013, relatif au projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises.

* 111 Étude d'impact du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, p. 76.

* 112 Ibidem .

* 113 Étude d'impact, p. 99.

* 114 Étude d'impact, p. 97.

* 115 Alinéa 10 de l'article 1 er de la proposition de loi n° 852 (2021-2022) relative aux travailleurs en situation de dépendance économique vis-à-vis des plateformes numériques de Bruno Retailleau, Frédérique Puissat et plusieurs de leurs collègues, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-852.html .

* 116 Les jeunes diplômés qualifiés salariés, les salariés d'une jeune entreprise innovante, les travailleurs hautement qualifiés, les salariés en mission, les chercheurs, les créateurs d'entreprise, les porteurs d'un projet économique innovant, les investisseurs économiques, les mandataires sociaux, les artistes interprètes et les étrangers ayant une renommée nationale ou internationale.

* 117 Rapport n° 716 (2014-2015) de François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 septembre 2015, p. 90, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l14-716/l14-716.html .

* 118 Ou avoir obtenu une carte de séjour identique dans un autre État membre de l'Union européenne et y avoir séjourné au moins 18 mois

* 119 Chiffres clefs, « L'essentiel de l'immigration », direction générale des étrangers en France, 26 janvier 2023, consultable à l'adresse suivante : https://www.immigration.interieur.gouv.fr/Info-ressources/Etudes-et-statistiques/Chiffres-cles-sejour-visas-eloignements-asile-acces-a-la-nationalite/Les-chiffres-2022-publication-annuelle-parue-le-26-janvier-2023 .

* 120 Calculs pour l'évolution entre 2021 et 2018.

* 121 En incluant les passeports « famille ».

* 122 En incluant les Britanniques.

* 123 Source : Chiffres clefs, « L'essentiel de l'immigration, op. cit. ; calculs : commission des lois du Sénat.

* 124 Elle n'est que de 3,2 % si l'on en exclut les titres « passeport talent » familiaux.

* 125 Source : exposé des motifs du projet de loi.

* 126 Étude d'impact, p. 104.

* 127 Pour un rappel historique de ces dispositifs, voir le rapport n° 205 (2018-2019) de Martine Berthet sur la proposition de loi visant à sécuriser l'exercice des PADHUE, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l18-205/l18-205.html .

* 128 Article 70 de la loi n° 2019-774 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.

* 129 Article 48 de la loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

* 130 En seraient notamment exclus les centres de santé.

* 131 Rapport n° 524 (2018-2019) d'Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 22 mai 2019, consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l18-524/l18-524.html .

* 132 Alinéa 3 de l'article.

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