TITRE II
AMÉLIORER LE DISPOSITIF D'ÉLOIGNEMENT
DES ÉTRANGERS REPRÉSENTANT UNE MENACE GRAVE POUR L'ORDRE PUBLIC

CHAPITRE IER
RENDRE POSSIBLE L'ÉLOIGNEMENT D'ÉTRANGERS CONSTITUANT UNE MENACE GRAVE
POUR L'ORDRE PUBLIC

Articles 9 et 10
Assouplir le régime de protection contre l'expulsion, l'interdiction du territoire français et l'obligation de quitter le territoire français

L'article 9 facilite la levée des protections contre les mesures administratives d'expulsion et le prononcé des peines judiciaires d'interdiction du territoire français (ITF) dont bénéficient certains étrangers dont les liens avec la France sont d'une particulière intensité. L'application de ces protections a pour conséquence le maintien sur le territoire de personnes représentant une menace grave pour l'ordre public ou d'empêcher le prononcé d'une ITF à l'encontre d'étrangers coupables d'infractions pénales. Suivant la même philosophie, l'article 10 autorise l'émission d'une OQTF à l'encontre de personnes aujourd'hui protégées lorsque leur comportement « constitue une menace grave pour l'ordre public ».

Considérant qu'il n'est pas tolérable que des étrangers auteurs de graves infractions puissent se maintenir impunément sur le territoire national, la commission a adopté les articles 9 et 10 . Afin de renforcer la portée de l'article 9 , elle a clarifié les critères de levée de la protection, systématisé cette levée à l'encontre des auteurs de violences intrafamiliales et généralisé la possibilité pour le juge de prononcer des ITF. La commission a également pleinement validé le principe de l'article 10, tout en admettant que ses modalités de mise en oeuvre était encore perfectibles et sans s'interdire de revenir sur le sujet en séance publique.

1. Les expulsions : une législation qui empêche l'éloignement d'étrangers auteurs de graves infractions

1.1 L'état du droit : des protections contre l'expulsion qui permettent le maintien sur le territoire d'étrangers lourdement condamnés

L'expulsion est une mesure administrative dont le régime est fixé aux articles L. 631-1 et suivants du Ceseda et qui permet d'éloigner durablement un étranger dont le comportement « constitue une menace grave pour l'ordre public », qu'il soit ou non en situation régulière sur le territoire national. L'expulsion est prononcée, selon les cas 135 ( * ) , par arrêté du préfet ou du ministre de l'intérieur et après avis de la commission d'expulsion 136 ( * ) .

Le prononcé d'un arrêté d'expulsion entraîne un éloignement immédiat du territoire national ou, à défaut, peut être assorti d'une mesure d'assignation à résidence ou de placement en centre de rétention administrative. L'expulsion est prononcée sans limitation de durée mais peut être abrogée à tout moment et fait l'objet d'un réexamen quinquennal. Il s'agit d'une mesure lourde visant des étrangers particulièrement dangereux et qui demande à l'autorité administrative d'apprécier l'ensemble des déterminants de la menace grave à l'ordre public 137 ( * ) , tout en veillant à assurer une conciliation équilibrée avec le droit au respect d'une vie privée et familiale normale garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

* Jusqu'au 5 décembre 2022.

Source : Commission des lois, à partir des données du ministère de l'intérieur.

Par conséquent, le volume d'arrêtés d'expulsion prononcés annuellement est relativement modeste , quoiqu'en augmentation sur les deux dernières années du fait des nouvelles consignes ministérielles visant à prioriser l'éloignement des profils les plus à risque en matière d'ordre public 138 ( * ) . En revanche, cette mesure d'éloignement se caractérise par un taux d'exécution significativement plus important que les OQTF ( voir infra ).

Toutefois, le seuil de menace à l'ordre public exigé pour émettre une décision d'expulsion est plus important pour certains étrangers dont les liens avec la France sont d'une particulière intensité. De nature « relatives » ou « absolues », ces protections peuvent toujours être levées, mais de manière plus ou moins aisée selon l'intensité et les motifs de la protection de l'individu, ainsi que selon la gravité de son comportement ( voir tableau ci-après ).

Synthèse des régimes de protection contre les arrêtés d'expulsion

Protections relatives
Article L. 631-2 du Ceseda

Protections absolues
Article L. 631-3 du Ceseda

Étrangers protégés

1° Étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France 139 ( * )

2° Étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française 140 ( * )

3° Étranger ayant sa résidence régulière en France depuis plus de 10 ans 141 ( * )

4° Étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %

1° Étranger ayant sa résidence habituelle en France depuis au plus l'âge de 13 ans

2° Étranger ayant sa résidence régulière en France depuis plus de 20 ans

3° Étranger résidant régulièrement en France depuis plus de 10 ans et marié depuis au moins 4 ans à un ressortissant français 142 ( * )

4° Étranger ayant sa résidence régulière en France depuis plus de 10 ans et parent d'un enfant français mineur résidant en France 143 ( * )

5° Étranger titulaire d'une carte de séjour dite « étranger malade »

Motifs de levée des protections

Nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique

(si l'étranger ne bénéficie pas d'une protection absolue)

- Atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État ;

- Activités terroristes ;

- Actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes

Exceptions aux protections

- Condamnation définitive à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans

- Vie en état de polygamie

- Violences intrafamiliales (pour les seuls étrangers mentionnés aux 3° et 4°)

- Vie en état de polygamie

Source : Commission des lois.

L'historique : retour sur la « fin de la double peine »

La « double peine » désigne le fait qu'un étranger condamné pour une infraction à la loi pénale puisse, en complément de la peine judiciaire correspondante, faire l'objet d'une mesure administrative ou judiciaire d'éloignement (respectivement une expulsion ou interdiction du territoire français).

Le législateur a réduit de longue date la possibilité de « double peine » . La loi dite « Defferre » du 29 octobre 1981 144 ( * ) a posé les premiers jalons du régime actuel de protection contre l'éloignement en créant des catégories d'étrangers protégés contre l'expulsion du fait de l'intensité de leurs liens avec la France. Par la suite, la loi du 31 décembre 1981 145 ( * ) est venue poser des limites similaires pour les décisions d'ITF, mais fut rapidement modifiée par la loi du 24 août 1993 146 ( * ) , dont l'objectif était d'éviter que l'édiction d'une ITF ne devienne totalement impossible. La fin de la « double peine » a finalement été consacrée par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité 147 ( * ) . Cette interdiction est encore aujourd'hui matérialisée par le dernier alinéa de l'article L. 631-3 du Ceseda qui prévoit que la circonstance qu'un étranger bénéficiant d'une protection absolue a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ne fait pas obstacle à ce qu'il jouisse de cette protection.

L'application des protections relatives et, surtout, absolues a pour effet collatéral le maintien sur le territoire national d'étrangers présentant pourtant une menace grave pour l'ordre public et parfois lourdement condamnés ( voir encadré infra ). L'étude d'impact du projet de loi chiffre par exemple à 60 le nombre expulsions qui n'ont pu être prononcées sur le seul mois de juillet 2022 du fait de ces protections . Au niveau local, les représentants de la préfecture du Rhône auditionnés par les rapporteurs ont, par exemple, indiqué que de telles situations survenaient environ deux fois par mois et concernaient en général trois profils : les multirécidivistes dès la minorité, en général arrivés sur le territoire national avant l'âge de 13 ans ; les braqueurs multirécidivistes-proxénètes, en général protégés du fait d'une résidence régulière en France supérieure à 10 ans et d'un mariage d'au moins quatre années ; les Européens disposant d'un droit au séjour permanent ou les ressortissants protégés au titre de l'entrée en France avant l'âge de 13 ans qui ont commis un crime (meurtre et viol).

Exemple de profil d'étrangers condamnés pour des infractions lourdes
mais protégés contre l'expulsion

Les représentants des préfectures auditionnés par les rapporteurs ont présenté de multiples exemples de profils d'étrangers condamnés pour des infractions lourdes mais protégés contre l'expulsion , principalement au titre des protections absolues prévues par l'article L. 631-3 au profit des étrangers résidant de longue date en France (1° et 2°) ou y bénéficiant de liens familiaux (3°). De l'avis général, les services préfectoraux sont régulièrement confrontés à de telles situations, à des fréquences variables , illustrées par les exemples suivants :

• Individu condamné en 2015 à 13 ans de réclusion pour viol commis sur un mineur de 15 ans et viol commis par un ascendant et agression sexuelle sur mineur de 15 ans par ascendant ( protection sur le fondement du 2° de l'article L. 631-3 du Ceseda - Préfecture de la Haute-Garonne ).

• Individu condamné en 2007 à 5 ans d'emprisonnement pour acquisition, détention, transport, offre ou cession de stupéfiants, contrebande de marchandises prohibées en bande organisée, puis condamné en 2020 à 7 ans de réclusion pour des faits similaires ( protection sur le fondement du 1° de l'article L. 631-3 du Ceseda - Préfecture de la Haute-Garonne ).

• Individu condamné à 42 reprises entre 1991 et 2019 pour des faits de vol, trafic de stupéfiants, violence sur conjoint, violence sur personne dépositaire de l'ordre public, outrage et agression sexuelle ( protection sur le fondement du 1° de l'article L 631-3 du Ceseda - Préfecture de la Haute-Garonne ).

• Ressortissant algérien condamné à 13 reprises pour un cumul de 7 ans et 8 mois d'emprisonnement, pour des faits de vol, vols aggravés, cambriolages, refus d'obtempérer et blessures involontaires par conducteur en état d'ébriété ( protection sur le fondement du 1° et de l'article L. 631-3 du Ceseda - Préfecture de police de Paris ).

• Ressortissant ivoirien entré en France à l'âge de huit ans, condamné à 5 reprises dont une par la cour d'assises à 15 ans de réclusion à la suite de l'attaque à main armée d'un bureau de poste ( protection sur le fondement du 1° et de l'article L. 631-3 du Ceseda - Préfecture de police de Paris ).

1.2. Le dispositif proposé : l'introduction d'une nouvelle exception aux protections relatives et absolues contre l'éloignement

L'article 9 introduit une nouvelle dérogation à l'impossibilité de prononcer une mesure d'expulsion à l'encontre de l'étranger bénéficiant de l'une des protections absolues listées à l'article L. 631-3 du Ceseda . Celle-ci vise les étrangers qui, d'une part, ont fait l'objet d'une condamnation définitive pour des crimes et délits passibles d'une peine d'au moins dix ans d'emprisonnement ou de cinq ans en réitération et qui, d'autre part, représentent toujours une menace grave pour l'ordre public.

Par symétrie, l'article 9 procède à deux aménagements dans le régime de protection relative prévu à l'article L. 631-2 du Ceseda. Le critère de levée des protections préexistant est tout d'abord assoupli afin que celle-ci puisse s'opérer lorsque l'intéressé a fait l'objet d'une condamnation définitive pour des crimes et délits passibles d'au moins cinq ans de réclusion, et non pas uniquement lorsqu'une peine ferme d'une telle durée a été prononcée . Ensuite, la possibilité de lever les protections absolues lorsque les faits à l'origine de la condamnation ont été commis à l'encontre du conjoint ou des enfants de l'intéressé est étendue aux protections relatives.

Cet assouplissement du dispositif de levée des protections relatives contre l'expulsion n'est en revanche pas étendu aux ressortissants de l'Union européenne séjournant régulièrement en France depuis plus de 10 ans, pour lesquels seul le critère de la « nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique » continuera à s'appliquer. La rédaction de l'article L. 252-2 du Ceseda est néanmoins modifiée afin de tirer les conséquences des modifications intervenues à l'article L. 631-2.

1.3. La position de la commission : renforcer la portée du dispositif

La commission des lois a accueilli favorablement l'objectif de facilitation de la levée des protections contre les mesures d'expulsion. Elle partage pleinement l'idée selon laquelle il n'est pas tolérable que des étrangers auteurs d'infractions lourdes puissent se maintenir sur le territoire national. Les rapporteurs ont notamment été frappés par les exemples évoqués par les représentants des préfectures auditionnés, avec des profils d'étrangers délinquants multirécidivistes, parfois auteurs de viols ou de violences aggravées, et pourtant inéloignables.

S'agissant du basculement opéré entre le critère d'une condamnation ferme à plus de 5 ans d'emprisonnement et celui d'une condamnation pour un crime ou pour un délit passible de la même peine, la commission a estimé qu'il était légitime de fonder une mesure administrative sur la gravité intrinsèque des faits et non sur l'appréciation qui en a été faite par le juge , lequel doit moduler sa décision selon les circonstances de l'espèce.

Par l'adoption d'un amendement COM-212 des rapporteurs, la commission a entrepris de clarifier encore davantage les critères de levée des protections contre l'expulsion . Dans la lignée de l'avis du Conseil d'État qui « interprète les nouvelles dispositions comme impliquant que l'administration, d'une part, pourra dans son appréciation de la menace grave et actuelle pour l'ordre public, tenir compte des faits à l'origine de la condamnation pour lesquels la peine encourue atteignait le seuil requis et, d'autre part, devra apporter d'autres éléments d'appréciation établissant que, à la date à laquelle elle statue, la personne concernée continue de présenter une menace grave pour l'ordre public », la commission a entendu garantir explicitement que les faits à l'origine de la condamnation puissent être pris en compte dans l'appréciation de la menace.

La coexistence de deux critères - une condamnation pour une infraction lourde et la permanence d'une menace grave à l'ordre public - est en effet de nature à créer de la confusion . Les déplacements et les auditions des rapporteurs ont du reste confirmé que les condamnations antérieures ne pouvaient, certes, jamais fonder à elles seules l'édiction d'une mesure d'éloignement, mais qu'elles étaient en revanche quasi-systématiquement invoquées à l'appui d'autres éléments.

La commission a également souhaité, par l'adoption d'un amendement COM-213 des rapporteurs, autoriser systématiquement la levée des protections contre l'expulsion en cas de condamnation pour des faits commis à l'encontre du conjoint ou des enfants . Alors que la lutte contre les violences intrafamiliales représente l'une des toutes premières priorités des pouvoirs publics, il est en effet incohérent que la commission de tels actes n'entraîne la levée des protections contre l'éloignement que lorsque lesdites protections découlent du statut marital ou parental de l'intéressé.

2. Les interdictions du territoire français : un aménagement du dispositif qui ne va pas assez loin

2.1. L'état du droit : des protections contre la peine complémentaire d'ITF qui privent le dispositif d'une partie de son efficacité

Contrairement à l'arrêté d'expulsion, l'interdiction du territoire français (ITF) n'est pas une mesure administrative mais judiciaire. Il s'agit d'une peine principale ou complémentaire dont le régime est fixé principalement par les articles 131-30, 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal et qui peut être prononcée par le juge lorsque le texte d'incrimination le prévoit expressément .

Le nombre de peines complémentaires d'ITF prononcées augmente régulièrement sur la dernière décennie, particulièrement en matière délictuelle où il a été multiplié par plus de trois entre 2014 et 2021 (1 792 contre 5 662, voir tableau infra ). Selon les éléments figurant dans l'étude d'impact 148 ( * ) , le taux de prononcé de cette peine pour les condamnations éligibles est ainsi passé de 16 % en 2014 à 23,5 % en 2019 . S'agissant de la nature des infractions, l'ITF est principalement prononcée en complément à des condamnations pour des faits de transport non autorisé de stupéfiants (25 %), d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier d'un étranger (22 %) et de vol avec effraction (17 %).

De la même manière que pour l'expulsion, le prononcé d'une ITF se traduit par la reconduite de plein droit de l'intéressé à la frontière, le cas échéant à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion. Aux termes de l'article 131-30 du code pénal, l'ITF est prononcée à titre définitif ou pour une durée de 10 ans au plus.

Comme les expulsions, les ITF se caractérisent enfin par un taux d'exécution tout-à-fait satisfaisant , estimé par le ministère de l'intérieur à près de 100 % pour l'année 2019, dernier exercice de référence avant la pandémie de covid-19, 75 % en 2020, 81 % en 2021 et 95 % en 2022 149 ( * ) .

*  Le volume d'ITF prononcées pour des faits délictuels en 2012 et 2013 n'est pas disponible.

Source : Commission des lois, à partir des données de la DACG.

En miroir du régime de protection existant contre les expulsions, certains étrangers aux liens d'une particulière intensité avec la France sont protégés contre le prononcé d'une ITF. Il s'agit là aussi d'un système de protection à « double-niveau » qui soit impose au juge, en matière correctionnelle, de motiver spécialement sa décision d'ITF « au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger », soit lui interdit de la prononcer, sous réserve d'exceptions.

Vis-à-vis du régime de l'expulsion, l es mêmes causes produisent les mêmes conséquences et l'existence de protections contre les ITF limite considérablement leur usage . Si l'obligation de motivation spéciale de la décision d'ITF demeure un régime plus souple que celui des protections relatives prévu à l'article L. 631-2 du Ceseda, les protections absolues privent néanmoins quasi-systématiquement le juge de la possibilité de prononcer une ITF lorsque le condamné rentre dans l'une des cinq catégories visées.

Synthèse du régime de protection
contre les ITF

Motivation spéciale
Article 131-30-1 du code pénal

Interdiction
Article 131-30-2 du code pénal

Étrangers protégés

Étranger mentionné aux 1° à 4° de l'article L. 631-2 du Ceseda 150 ( * )

Étranger résidant habituellement en France depuis plus de quinze ans 151 ( * )

Étranger mentionné aux 1° à 5° de l'article L. 631-3 du Ceseda

Exceptions aux protections

Vie en état de polygamie (pour les seuls étrangers mentionnés au 1°)

- Atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État ;

- Activités terroristes ;

- Infractions en matière de groupes de combat ou de mouvements dissous 152 ( * )

- Infractions en matière de fausse monnaie 153 ( * )

- Violences intrafamiliales (pour les seuls étrangers mentionnés aux 3° et 4°)

- Vie en état de polygamie (pour les seuls étrangers mentionnés aux 3° et 4°)

2.2. L'alignement des exceptions aux protections contre les expulsions et les ITF

En miroir au dispositif prévu en matière d'expulsion, l'article 9 insère de nouvelles exceptions analogues aux protections contre les ITF . Premièrement, il dispense le juge de procéder à une motivation spéciale des ITF prononcées en matière correctionnelle à l'encontre d'étrangers protégés dans deux cas de figure :

- lorsque l'étranger est déclaré coupable d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement ;

- lorsque l'étranger est déclaré coupable d'un délit commis à l'encontre de son conjoint ou de tout enfant sur lequel il exerce l'autorité parentale.

Deuxièmement, il revient sur l'interdiction absolue de prononcer une peine complémentaire d'ITF dans deux nouvelles situations :

- lorsque l'étranger est déclaré coupable d'un délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes tel que prévu à l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;

- lorsque l'étranger est déclaré coupable d'un crime ou d'un délit puni d'au moins dix ans de réclusion ou cinq ans en état de récidive.

L'article 9 assortit ces nouvelles exceptions d'une obligation de motivation spéciale de la décision visant à tenir compte, d'une part, de la gravité de l'infraction et, d'autre part, de la situation de l'étranger au regard de sa « situation personnelle et familiale ».

Enfin, l'article 9 élargit la possibilité de prononcer une peine complémentaire d'ITF à plusieurs nouvelles infractions . Sont concernées les violences commises à l'encontre du conjoint ou du concubin et ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours 154 ( * ) , les violences commises à l'encontre de membres des forces de l'ordre 155 ( * ) et les vols aggravés 156 ( * ) .

2.3. La position de la commission

Suivant le même raisonnement que précédemment au sujet de la facilitation de la levée des protections contre l'expulsion, la commission a accepté sans réserve le dispositif proposé par le Gouvernement en matière d'ITF . Afin de garantir une complète harmonie entre les deux régimes, elle a également autorisé la levée systématique des protections contre l'ITF à l'encontre des étrangers auteurs de violence intrafamiliales (même amendement COM-213 des rapporteurs).

La commission a également souhaité généraliser la possibilité pour le juge de recourir à l'ITF . Par l'adoption d'un amendement COM-214 , elle l'a autorisé à prononcer cette peine à l'encontre de tout étranger coupable d'infractions graves (crimes, délits punis de plus de cinq ans d'emprisonnement, délits pour lesquels la possibilité d'ITF est explicitement prévue), et non plus uniquement lorsqu'une disposition spécifique du code pénal le prévoit. Ce faisant, la commission a repris une proposition de longue date du Sénat, tendant à ce que l'ITF devienne une peine générale , à l'exception des délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure à cinq ans pour lesquels une mention expresse demeurerait nécessaire 157 ( * ) .

Enfin, la commission a adopté un amendement COM-81 de Stéphane Le Rudulier visant modifier le délai de computation des ITF, afin qu'il ne commence à s'écouler qu'à compter du moment où l'étranger a quitté le territoire national. Cela permet d'éviter quelques situations où, en l'absence de reconduite immédiate à la frontière, la durée de l'ITF commence à courir alors même que l'étranger est encore présent en France.

3. Les obligations de quitter le territoire français : un assouplissement du régime de protection qui reste à parfaire

3.1. L'état du droit : un dispositif de protection contre les OQTF qui produit les mêmes conséquences qu'en matière d'expulsion et d'ITF

L'obligation de quitter le territoire français (OQTF) est une mesure administrative d'éloignement dont le régime est fixé aux articles L. 611-1 et suivants du Ceseda et qui vise à tirer les conséquences de l'irrégularité du séjour d'un étranger en France . L'étranger ayant fait l'objet d'une OQTF édictée par le préfet de département doit quitter le territoire national, selon les cas, sans délai ou dans un délai de 30 jours. S'il s'agit de loin de la mesure d'éloignement la plus prononcée par l'autorité administrative, son taux d'exécution est notoirement dérisoire et tend à se dégrader.

OQTF prononcées et exécutées
(2011-2022)

Source : Commission des lois à partir des données du ministère de l'intérieur.

Comme pour les expulsions et les ITF, des dispositifs de protection contre l'émission d'une OQTF existent au profit de neuf catégories d'étrangers ( voir tableau ci-après ). Si les catégories d'étrangers protégés sont relativement similaires, les exceptions sont en revanche beaucoup plus limitées.

Seul le fait de vivre en France en état de polygamie autorise la levée de ces protections, à l'exception des mineurs et des étrangers bénéficiaires d'un titre dit « étranger malade ».

Synthèse du régime de protection
contre les OQTF

Catégorie d'étranger protégé

Exceptions à la protection

1° Mineur de dix-huit ans

9° Étranger bénéficiaire d'un titre de séjour dit « étranger malade »

/

2° Étranger ayant sa résidence habituelle en France depuis au plus l'âge de 13 ans

3° Étranger ayant sa résidence régulière en France depuis plus de 10 ans 158 ( * )

4° Étranger ayant sa résidence régulière en France depuis plus de 20 ans

5° Étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France 159 ( * )

6° Étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français 160 ( * )

7° Résidence régulière en France depuis plus de 10 ans et marié depuis au moins trois ans avec un étranger mentionné au 2°

8° Étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %

Vie en état de polygamie

Source : commission des lois.

L'existence de ces protections empêche fréquemment l'autorité administrative de prononcer une OQTF à l'encontre d'étrangers en situation irrégulière, y compris lorsque ceux-ci représentent une menace à l'ordre public. Une étude réalisée par le ministère de l'intérieur aboutit ainsi à la conclusion que, sur le seul mois de juillet 2022, 289 OQTF n'ont pu être prononcées pour cette raison .

Au niveau local, les représentants de la préfecture du Rhône auditionnés par les rapporteurs ont indiqué que cette situation survenait environ 200 fois par an . S'agissant de la préfecture de police de Paris, une OQTF sur deux émises sur le fondement d'un trouble à l'ordre public 161 ( * ) n'a pu être exécutée en 2022 du fait du statut protégé de l'étranger. Sur la même année, 84 dossiers n'ont pu se traduire par l'édiction d'une OQTF du fait d'une entrée en France antérieure à l'âge de 13 ans des intéressés. La préfecture de police a, par exemple, illustré cette situation hautement insatisfaisante par le cas d'un ressortissant congolais entré en France à l'âge de 11 ans, condamné par la suite pour deux affaires de vol ayant entraîné le retrait de son titre de séjour - il est alors rentré dans la catégorie des « ni régularisables ni expulsables » - avant d'être interpellé en avril 2022 pour des faits répétés de troubles à l'ordre public comprenant des violences, outrages et menaces de morts.

3.2. Le dispositif proposé : une possibilité de lever les protections en cas de menace grave pour l'ordre public

Suivant la même philosophie que l'article 9, l'article 10 facilite l'émission d'une OQTF à l'encontre des personnes aujourd'hui protégées lorsque leur comportement « constitue une menace grave pour l'ordre public » . Le dispositif comprend une unique exception au profit des mineurs de dix-huit ans. L'émission d 'une OQTF ne serait néanmoins en aucun cas automatique et l'administration devrait toujours procéder à un examen individuel de chaque situation.

Comme cela est indiqué dans l'exposé des motifs, l'article 10 préserve également un régime particulier applicable aux ressortissants de l'Union européenne et aux membres de leur famille qui séjournent légalement en France depuis plus de 10 ans. Au titre de l'article L. 234-1 du Ceseda, ces derniers ne pourraient ainsi être éloignés qu'en cas de « nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique ».

3.3. La position de la commission : valider le principe d'un dispositif qui reste perfectible

Si la commission des lois s'est pleinement associée à la volonté du Gouvernement de lever les freins à l'émission d'OQTF - en particulier en cas de trouble à l'ordre public -, elle a néanmoins estimé que le dispositif proposé demeurait largement perfectible .

D'une part, fonder la levée des protections contre l'OQTF sur l'existence d'une menace grave à l'ordre public pourrait, premièrement, conduire à dénaturer une mesure dont l'objectif premier reste de sanctionner l'irrégularité du séjour en France d'un étranger.

D'autre part, la commission ne peut que regretter le caractère difficilement lisible du dispositif présenté par le Gouvernement. Celui-ci a fait l'objet de deux saisines rectificatives devant le Conseil d'État, dont l'avis ne porte finalement pas sur le dispositif soumis à la représentation nationale mais sur un projet antérieur du Gouvernement, ce qui en réduit significativement l'utilité.

Enfin, la combinaison de l'article 10 avec les dispositions de l'article 13 semble inaboutie , notamment en ce que le retrait de la carte de résident et la levée des protections contre l'OQTF sont facilitées pour un même motif lié à l'existence d'une menace grave à l'ordre public mais sans qu'une OQTF puisse être émise en conséquence de ce retrait. En effet, l'article 10 ne revient pas sur la dégradation d'une carte de résident en carte de séjour pluriannuelle lorsque l'étranger bénéficie de protections contre l'expulsion. Si le Gouvernement a justifié ce point par l'existence d'un risque d'inconstitutionnalité découlant d'une forme de contournement des garanties procédurales prévues par le régime d'expulsion, la commission estime néanmoins que cela affecte la lisibilité d'ensemble du régime .

Partageant la volonté du Gouvernement de résoudre les difficultés engendrées par les protections contre les OQTF prévues à l'article L. 611-3 du Ceseda, la commission n'a pas remis en cause l'article 10 . Elle l'a adopté sans modification à ce stade, sans s'interdire de revenir sur le sujet en séance publique .

La commission a adopté l'article 9 ainsi modifié et l'article 10 sans modification .

Article 11
Relevé des empreintes digitales et prise de photographie
d'un étranger sans son consentement

L'article 11 autorise le relevé des empreintes digitales et la prise de photographie d'un étranger sans son consentement afin de rendre plus efficiente l'identification des étrangers en situation irrégulière.

Sur proposition des rapporteurs, la commission a apporté des garanties supplémentaires à ce dispositif coercitif.

Elle a adopté l'article 11 ainsi modifié .

1. L'état du droit : le relevé d'empreintes digitales et la prise de photographie ne peuvent s'effectuer sous la contrainte en droit des étrangers alors qu'ils sont possibles, sous certaines conditions, en matière pénale

1.1. Le refus de se soumettre à la prise d'empreintes ou de photographie constitue un délit, mais ne peut s'effectuer sous la contrainte en droit des étrangers ce qui pose des difficultés

L'article L. 142-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) permet la mémorisation et le traitement automatisé des empreintes digitales et de la photographie des étrangers qui sollicitent un visa, un titre de séjour, sont en situation irrégulière sur le territoire ou bénéficient d'une aide au retour, ainsi que ceux faisant l'objet d'une décision de refus d'entrée ou d'éloignement 162 ( * ) .

De même, afin d'assurer le bon fonctionnement de l'espace Schengen et du règlement « Dublin » 163 ( * ) , le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac 164 ( * ) impose à chaque État membre de relever dans des délais très rapides les empreintes digitales de tous les demandeurs d'asile et des personnes interceptées lors du franchissement irrégulier d'une frontière, âgées d'au moins 14 ans.

Sur le territoire français, tout étranger doit également être en mesure de présenter ses documents de séjour (article L. 812-1 du Ceseda) et, à défaut, peut faire l'objet d'une retenue dans un local de police ou de gendarmerie pour vérification de son droit de circulation ou de séjour pour une durée maximale de 24 heures 165 ( * ) . S'il ne produit pas ces documents, il peut être soumis au relevé de ses empreintes digitales et à la prise de photographie, après information du procureur de la République (article L. 813-10 du Ceseda) .

Afin d'identifier l'étranger, les forces de sécurité intérieure peuvent comparer ces données avec celles enregistrées dans les fichiers auxquels elles ont accès. S'il apparaît que ce ressortissant étranger est en situation irrégulière en France ou qu'il ne remplit pas les conditions d'entrée sur le territoire français, ses données peuvent être mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé.

Pour autant, les autorités ne peuvent utiliser la contrainte pour relever les empreintes ou prendre des photographies d'un étranger qui s'y oppose .

Dans l'étude d'impact du projet de loi, le Gouvernement souligne que le refus d'un étranger de se soumettre à la prise d'empreintes et de photographie empêche la consultation des fichiers d'identification 166 ( * ) . Certains étrangers peuvent dès lors communiquer une fausse identité, se créer plusieurs identités ou se prétendre mineurs , ce qui ne permet pas de sécuriser juridiquement la décision administrative ou judiciaire, de retracer de manière fiable le parcours d'un étranger ou d'obtenir un laissez-passer consulaire de l'État dont il est ressortissant.

Le refus de l'étranger constitue une infraction punie d'un an d'emprisonnement, de 3 750 € d'amende et de trois ans d'interdiction du territoire français , tant à l'occasion du franchissement de la frontière Schengen (article L. 821-2 du Ceseda) qu'en cas de situation irrégulière sur le territoire français (article L. 822-1 du Ceseda). Pour autant, ces sanctions sont peu dissuasives. D'après les informations communiquées aux rapporteurs par le ministère de l'intérieur, les condamnations sont faibles, et très rarement de l'emprisonnement ferme. Elles ne permettent pas, en outre, d'atteindre l'objectif d'identification de l'étranger.

1.2. La possibilité, en matière pénale, de recourir à la contrainte sous certaines conditions

À la différence du droit des étrangers, le code de procédure pénale autorise le recours à la contrainte depuis la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Cette faculté, qui n'est possible que pour les infractions d'une certaine gravité dans le cadre d'une enquête de flagrance , est assortie de garanties .

En application de l'article 55-1, lorsque la prise d'empreintes digitales ou palmaires ou d'une photographie constitue le seul moyen d'identifier une personne qui est entendue pour un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement , cette opération peut être effectuée sans le consentement de la personne.

L'officier de police judiciaire, qui doit au préalable recueillir l'autorisation écrite du procureur de la République saisi d'une demande motivée, ne doit recourir à la contrainte que dans la mesure strictement nécessaire et de manière proportionnée . Il doit tenir compte, s'il y a lieu, de la vulnérabilité de la personne.

Un procès-verbal , mentionnant les raisons pour lesquelles l'opération constitue l'unique moyen d'identifier la personne, est transmis au procureur de la République , copie en ayant été remise à l'intéressé.

Des dispositions analogues existent à l'égard d'un mineur qui apparaît manifestement âgé d'au moins treize ans , pour des infractions qui constituent des crimes et délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement (articles L. 413-16 et L. 413-17 du code de la justice pénale des mineurs).

L'avocat du mineur ainsi que, sauf impossibilité, ses représentants légaux ou, à défaut, l'adulte approprié mentionné à l'article L. 311-1 du code de la justice pénale des mineurs, sont préalablement informés de cette opération.

1.3. Les réserves apportées par la décision du Conseil Constitutionnel du 10 février 2023 à la prise d'empreintes et de photographie sous contrainte dans le cadre pénal

Saisi par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur ces dispositions pénales , le Conseil constitutionnel a censuré leur application pour le régime de l'audition libre, dans sa décision n° 2022-1034 QPC du 10 février 2023 , car elles « permettent de recourir à la contrainte (...) alors que le respect des droits de la défense dans ce cadre exige que la personne intéressée soit entendue sans contrainte et en droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue ».

Le Conseil constitutionnel a également émis une réserve pour le régime de la garde à vue, jugeant que « les opérations de prise d'empreintes digitales ou palmaires ou de photographies sans le consentement de la personne , qu'elle soit mineure ou majeure , ne sauraient , sans priver de garanties légales les exigences constitutionnelles [des droits de la défense et selon laquelle la liberté personnelle ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire] , être effectuées hors la présence de son avocat, des représentants légaux ou de l'adulte approprié ».

2. Le projet de loi : autoriser le recours à la contrainte afin d'identifier de manière certaine les étrangers et de mieux lutter contre l'immigration irrégulière

L' article 11 vise à autoriser le recueil d'empreintes digitales et la prise de photographie par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, sans le consentement de l'étranger , en cas de refus « caractérisé » de sa part, tant à l'occasion du contrôle du franchissement d'une frontière extérieure que d'une vérification de son droit de circulation ou de séjour en France .

L'objectif est de permettre l'identification de manière certaine de l'étranger qui n'est pas en mesure de produire les pièces qui l'autorisent à entrer ou séjourner sur le territoire français.

Des garanties toutefois plus faibles qu'en matière pénale sont prévues :

- il ne pourrait être recouru à la contrainte qu'en cas de refus caractérisé de l'étranger de se soumettre aux opérations, après avoir été dûment informé des conséquences de son refus . En effet, la prise d'empreintes et de photographie sous contrainte n'exclut pas les poursuites pénales contre l'étranger qui s'y est refusé ;

- le procureur de la République devrait en être informé préalablement ;

- la contrainte devrait poursuive les objectifs des articles L. 331-2 et L. 813-10 du Ceseda , c'est-à-dire les contrôles aux frontières extérieures et la vérification du droit de circulation ou de séjour des étrangers en France ;

- être strictement proportionnée et tenir compte de la vulnérabilité de la personne.

3. La position de la commission des lois : renforcer les garanties en cas de recours à une mesure de coercition à l'égard d'un étranger

Partageant l'objectif du projet de loi de rendre plus efficiente la lutte contre l'immigration irrégulière , qui contribue à l'objectif constitutionnel de sauvegarde de l'ordre public 167 ( * ) , la commission a considéré que la contrainte exercée sur un étranger , bien que réalisée pour d'autres finalités que la recherche d'auteurs d'infractions, devait être assortie des mêmes garanties , pour tirer pleinement les conséquences de la décision n° 2022-1034 QPC du Conseil constitutionnel du 10 février dernier.

Dans cet esprit, si le principe du recours à la contrainte lui a semblé admissible dès lors qu'il est nécessaire, subsidiaire et proportionné , la commission a renforcé l'encadrement du dispositif par les garanties suivantes :

- elle a prévu, adoptant deux amendement identiques COM-125 des rapporteurs et COM-14 de Maryse Carrère, l'autorisation préalable du procureur de la République saisi préalablement par l'officier de police judiciaire pour recourir à la contrainte, en lieu et place de sa simple information ;

- et elle a prévu la présence de l'avocat lorsque le relevé d'empreintes digitales et la prise de photographie seront réalisés, comme le Conseil constitutionnel l'a exigé dans sa décision du 10 février 2023.

Enfin, elle a également précisé, par l'adoption de trois amendements identiques des rapporteurs, de Maryse Carrère et de Guy Benarroche (COM-217, COM-15 et COM-168), que ce dispositif ne concernerait que les étrangers « manifestement âgés d'au moins dix-huit ans », dans un double objectif :

- exclure formellement les mineurs du dispositif. Il ne saurait en effet être exercé une telle contrainte à l'égard des mineurs qui bénéficient d'un statut particulier en droit des étrangers car ils ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement et sont, par défaut, considérés comme étant en situation régulière 168 ( * ) ;

- tout en évitant que certains étrangers se prétendent mineurs de 18 ans pour échapper au relevé contraint lors d'une vérification de leur droit de circulation ou de séjour.

La commission a adopté l'article 11 ainsi modifié .

Article 11 bis (nouveau)
Renforcement des sanctions en cas de refus de décliner son identité
ou de se soumettre à une prise d'empreinte

L'article 11 bis issu d'un amendement de Nathalie Delattre tend à renforcer les peines encourues en cas de refus de prise d'empreintes ou de photographie pour les personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction.

La commission a adopté l'article 11 bis ainsi rédigé.

En cas de crime ou délit flagrant, le code de procédure pénale donne prérogative à l'officier de police judiciaire de procéder à des prises d'empreintes et de photographie « sur toute personne susceptible de fournir des renseignements sur les faits en cause ou sur toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction ».

Dans le cadre d'une enquête ou d'un contrôle d'identité, ces relevés et la prise de photographie sont possibles sous le contrôle du procureur de la République ou du juge d'instruction si une « personne interpellée maintient son refus de justifier de son identité ou fournit des éléments d'identité manifestement inexacts », lorsqu'ils constituent « l'unique moyen d'établir l'identité de l'intéressé ».

Comme le rappelle l'objet de l' amendement COM-29 de Nathalie Delattre, le rapport d'information de la commission des lois et de la commission des affaires sociales sur les mineurs non accompagnés 169 ( * ) avait constaté que ces relevés s'avèrent particulièrement difficiles à opérer pour les jeunes en errance. Ceci malgré l'existence de peine d'amende et d'emprisonnement en cas de refus.

Afin de renforcer le caractère dissuasif des peines, cet article prévoit donc de modifier les articles 55-1 (relatif aux prérogatives de l'officier de police judiciaire en cas de crimes et délits flagrants) et 78-5 (relatif aux peines applicables en cas de refus ou d'impossibilité de décliner son identité dans le cadre d'une enquête ou d'un contrôle) du code de procédure pénale afin de double, les peines d'amende et d'emprisonnement encourues.

La commission considère que la possibilité d'usage de la contrainte, votée dans le cadre de la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure permet déjà de résoudre partiellement la question des refus.

Cependant, les peines actuellement prévues en cas de refus de donner ses empreintes peuvent paraître trop faibles et sont trop peu appliquées. La commission a donc adopté l' amendement COM-29 .

La commission a adopté l'article 11 bis ainsi rédigé .

Article 11 ter (nouveau)
Création d'un fichier relatif aux personnes se déclarant mineures impliquées dans des infractions à la loi pénale

Afin de faciliter l'identification des personnes se déclarant mineures impliquées dans des infractions à la loi pénale et de favoriser l'établissement de rapprochements entre des infractions commises par une seule de ces personnes, la commission a autorisé la création d'un fichier où leurs photographies et empreintes digitales seraient enregistrées. Il s'agit, à l'initiative de Philippe Tabarot, de la transposition directe d'une recommandation du rapport d'information transpartisan de septembre 2021 et intitulé « Mineurs non accompagnés, jeunes en errance : 40 propositions pour une politique nationale », commun aux commissions des affaires sociales et des lois.

La commission a adopté l'article 11 ter ainsi rédigé.

La commission a adopté un amendement COM-143 de Philippe Tabarot visant à la création d'un fichier relatif aux personnes se déclarant mineures impliquées dans des infractions à la loi pénale . Inscrit dans un nouvel article L. 142-3-1 du Ceseda, ce fichier serait caractérisé par les éléments suivants :

- s'agissant de ses finalités : il viserait, d'une part, à faciliter l'identification des personnes mises en causes pour des infractions à la loi pénale et se déclarant mineur non accompagné et, d'autre part, à faciliter le rapprochement entre plusieurs infractions commises par une seule de ces personnes . Sur ce point, la commission a par ailleurs relevé que l'inscription dans un fichier des données relatives à des personnes mises en cause dans le cadre d'une infraction pénale mais non condamnées n'avait rien de nouveau. Elle est ainsi déjà possible dans le cadre du fichier dit « Traitement des antécédents judiciaires » (TAJ), pour lequel l'article 230-7 du code de procédure pénale autorise par ailleurs le traitement des informations des personnes mises en cause « sans limitation d'âge » ;

- s'agissant des données conservées : le fichier comprendrait les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des intéressés ;

- s'agissant des garanties : les données seraient enregistrées dès que la personne impliquée se déclarerait mineure. Dans l'hypothèse où la minorité de l'individu serait établie en cours de procédure, elles ne pourraient être conservées que « pour la durée strictement nécessaire à leur prise en charge et à leur orientation, en tenant compte de leur situation personnelle ».

La commission a relevé que l'amendement de Philippe Tabarot reprenait en tout point la proposition n° 23 du rapport d'information transpartisan commun aux commissions des affaires sociales et des lois de septembre 2021 intitulé « Mineurs non accompagnés, jeunes en errance : 40 propositions pour une politique nationale ». Ses rapporteurs Hussein Bourgi, Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli et Henri Leroy y plaidaient ainsi pour « la création d'un fichier national relatif aux MNA délinquants [qui] viserait à répertorier l'ensemble des infractions commises par des jeunes en errance et faciliterait le rattachement, a posteriori, d'une infraction à son auteur ». Ils estimaient également qu'« un tel fichier rendrait plus aisée l'identification des jeunes multirécidivistes utilisant un alias différent à chaque interpellation ».

La commission a par ailleurs soutenu l'ouverture aux forces de l'ordre des données contenues dans le fichier dit « Appui à l'évaluation de la minorité » (AEM) prévu à l'article L. 142-3 du Ceseda 170 ( * ) . Alors que celles-ci doivent régulièrement composer avec des personnes interpellées se prétendant indûment mineures afin de se soustraire aux conséquences de leurs actes, l'accès aux informations contenues dans AEM leur permettrait d'écarter immédiatement la minorité d'un mis en cause précédemment reconnu majeur par un département 171 ( * ) . Du reste, l'extension de l'accès aux données d'AEM, qui concernent l'âge de l'individu, serait tout à fait complémentaire avec le nouveau fichier prévu au présent article, qui comprendraient des données relatives aux antécédents judiciaires des personnes se déclarant mineures .

La commission a adopté l'article 11 ter ainsi rédigé .

Article 12
Interdiction du placement en centre de rétention administrative
des mineurs de seize ans

L'article 12 tend à interdire le placement des mineurs de seize ans en centre de rétention administrative (CRA).

Au bénéfice d'une modification rédactionnelle , la commission a pris acte de cette mesure , approuvant l'objectif du Gouvernement de mobiliser en priorité les places en CRA pour l'éloignement des étrangers en situation irrégulière présentant une menace pour l'ordre public.

Elle a adopté l'article 12 ainsi modifié.

1. Le droit en vigueur permet le placement en rétention de mineurs s'ils accompagnent un adulte dans des conditions très strictes

Le principe de l' interdiction du placement des mineurs isolés en rétention résultait avant la loi du 2018 de leur exclusion des mesures d'éloignement : ni une OQTF 172 ( * ) ni une expulsion 173 ( * ) ne peuvent en effet être prononcées à leur encontre. Il a été formellement consacré à l'article L. 741-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, à l'initiative du Sénat, sur le rapport de François-Noël Buffet 174 ( * ) .

Le droit français est ainsi plus protecteur que le droit de l'Union européenne , puisque la directive « Retour » permet à son article 17 la rétention des mineurs isolés en dernier ressort et pour la durée la plus brève possible 175 ( * ) .

Par dérogation, le droit français permet la rétention d'un mineur s'il accompagne un adulte faisant l'objet d'une mesure d'éloignement , « pour la durée la plus brève possible » et dans un lieu adapté, aux fins de préservation de l'unité familiale et dans trois hypothèses strictement définies :

- lorsqu'il accompagne un étranger lui-même placé en rétention qui s'est soustrait de manière avérée aux obligations résultant d'une assignation à résidence ;

- lorsque l'étranger qu'il accompagne a pris la fuite ou opposé un refus à la mise en oeuvre d'une mesure d'éloignement ;

- ou si l'intérêt de l'enfant le commande, lorsque le placement en rétention de l'étranger qu'il accompagne est limité aux quarante-huit heures précédant immédiatement le départ programmé aux fins de limiter les transferts.

Aux termes de l'article L. 741-5 du Ceseda, l'intérêt supérieur de l'enfant doit, notamment au regard des conditions de la rétention, faire l'objet d'une attention particulière dans la mise en oeuvre de ces mesures. De fait, la durée moyenne de retenue des familles n'était en 2022 que de 25 heures 176 ( * ) .

Saisi de ces dispositions en 2018, le Conseil constitutionnel a jugé que le placement en rétention des mineurs était conforme à la Constitution car le législateur avait opéré une juste conciliation entre « d'une part, l'intérêt qui s'attache, pour le mineur, à ne pas être placé en rétention et, d'autre part, l'inconvénient d'être séparé de celui qu'il accompagne ou les exigences de la sauvegarde de l'ordre public » 177 ( * ) , qui n'est pas contraire au droit de mener une vie familiale normale, ni au principe selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire et les atteintes à cette liberté doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées.

Sans interdire par principe le placement des mineurs en rétention, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a pourtant condamné la France à plusieurs reprises jusque récemment 178 ( * ) , pour des raisons tenant aux conditions concrètes de rétention du mineur dans certains cas d'espèce : durée de rétention trop longue, inadaptation des locaux ou absence de prise en compte du bas âge.

La proposition faite en 2018 par le Sénat de plafonner la durée de rétention des mineurs accompagnant un étranger en rétention (à cinq jours) aurait probablement pu éviter cette condamnation de la CEDH, si elle n'avait pas été refusée à l'époque par le Gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale.

2. La commission a approuvé l'interdiction du placement des mineurs les plus jeunes en centre de rétention administrative, ce qui ne doit conférer aucune immunité aux adultes devant être éloignés

L'article 12 du projet de loi propose d' interdire le placement en centre de rétention administrative (CRA) des mineurs de seize ans .

Les rapporteurs ont pu constater que le nombre de placements de mineurs accompagnant un adulte en rétention était déjà très faible en métropole : 276 en 2019, puis 107 en 2022, ce qui représente environ 1 % du total de placements en rétention. Aucune statistique ne permet toutefois de distinguer les mineurs de seize ans de ceux âgés de seize à dix-huit ans.

Si le Gouvernement indique dans l'étude d'impact vouloir transcrire dans la loi les apports de la jurisprudence de la CEDH, il est apparu clairement lors des auditions et du déplacement des rapporteurs dans le Haut-Rhin qu'il s'agissait plutôt de tirer les conséquences des nouvelles instructions du ministre de l'intérieur en matière d'éloignement .

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, a ainsi confirmé lors de son audition devant la commission des lois, prioriser le placement en CRA d'étrangers les plus susceptibles de troubler l'ordre public , considérant qu'« il vaut mieux concentrer nos moyens sur l'expulsion des étrangers délinquants en situation irrégulière plutôt que sur celle des étrangers en situation irrégulière qui ne sont pas délinquants » 179 ( * ) . Dans ces conditions, « nombre de places sont réservées aux familles alors qu'elles pourraient être libérées en faveur de délinquants étrangers, qui sont, à 98 %, des hommes » 180 ( * ) .

Le ministre a en outre indiqué à la commission qu'il n'y avait actuellement pas de mineurs en CRA en métropole, sur ses instructions.

Bien qu'il ne s'agisse pas d'une exigence constitutionnelle ni conventionnelle, la commission a approuvé le principe d'interdiction des mineurs de seize ans , au bénéfice d'un amendement rédactionnel COM-218 des rapporteurs, qui découle de la priorisation du placement en CRA des étrangers représentant une menace à l'ordre public .

Refusant toutefois de conférer une immunité absolue contre la rétention et l'éloignement à des étrangers adultes en situation irrégulière au seul motif qu'ils seraient accompagnés d'un enfant mineur , la commission rappelle que les familles pourront toujours, dans ce cas, être placées dans un local adapté de rétention administrative (LRA) pour une durée maximale de 48 heures et ce dans l'objectif d'éviter que les adultes ne se soustraient à leur éloignement.

La commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .

Article 12 bis (nouveau)
Autoriser le refus d'octroi d'un contrat jeune majeur
à une personne faisant l'objet d'une OQTF

La possibilité de prolonger la prise en charge par l'ASE jusqu'à l'âge de 21 ans pour les jeunes majeurs les plus vulnérables introduite en 2022 engendre des difficultés d'application lorsque les intéressés font parallèlement l'objet d'une OQTF. Interprétant strictement cette nouvelle disposition, le juge des référés du Conseil d'État a ainsi enjoint des conseils départementaux à délivrer des « contrats jeunes majeurs » à des individus pourtant soumis à une mesure d'éloignement.

Cela place les départements dans une situation paradoxale où ils doivent agir pour l'insertion de personnes qui ont vocation à être éloignées . Pour y remédier, la commission a inscrit explicitement dans la loi, à l'initiative des rapporteurs et de Claudine Thomas, que la possibilité de conserver le bénéfice de l'ASE après l'accession à la majorité ne s'applique pas aux jeunes majeurs faisant l'objet d'une OQTF . Elle a adopté l'article 12 bis ainsi rédigé.

L'article 10 de la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a introduit la possibilité de maintenir postérieurement à l'acquisition de leur majorité et jusqu'à leurs 21 ans la prise en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE) d'individus « qui ne bénéficient pas de ressources ou d'un soutien familial suffisants (...), y compris lorsqu'ils ne bénéficient plus d'aucune prise en charge par l'aide sociale à l'enfance au moment de la décision ». Aux termes de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, cette prolongation de la prise en charge est de droit lorsque la condition d'absence de ressources et de soutien familial suffisant est satisfaite.

L'application de cette disposition a, en pratique, été source de difficultés pour les conseils départementaux . Considérant que l'émission d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) à l'encontre d'un jeune majeur est sans effet sur son droit à bénéficier du maintien du suivi par l'ASE, le juge des référés du Conseil d'État a en effet suspendu des décisions des conseils départementaux de refus d'octroi ou de retrait de « contrats jeunes majeurs » prises en conséquence de l'édiction parallèle d'une décision d'éloignement.

À titre d'exemple, le juge des référés du Conseil d'État a suspendu le 28 novembre 2022 181 ( * ) l'exécution de la décision de la présidente du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle mettant fin à la prolongation de la prise en charge par l'ASE d'une ressortissante angolaise de moins de 21 ans qui avait fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une OQTF du fait de son incapacité de justifier de son état civil. Il a par ailleurs enjoint le conseil départemental à lui proposer un contrat jeune majeur.

Cette décision est motivée de la manière suivante : « dès lors qu'il est constant que [l'intéressée] ne bénéficie d'aucun soutien familial ni d'aucune ressource ni d'aucune solution d'hébergement, [le département est] légalement tenu de poursuivre [sa] prise en charge. Si le département fait valoir que le refus de titre de séjour opposé à la jeune femme par le préfet de Meurthe-et-Moselle fait obstacle à toute perspective d'insertion sociale et professionnelle [...], de telles considérations, qui pouvaient être prises en compte dans le cadre du large pouvoir d'appréciation dont disposait auparavant le président du conseil départemental pour accorder ou maintenir la prise en charge d'un jeune majeur, ne sauraient suffire , pour l'application des dispositions du 5° de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles issues de la loi du 7 février 2022, à justifier la décision mettant fin à sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance ».

Les départements doivent donc composer avec des injonctions contradictoires, dès lors qu'ils sont tenus d'accorder le bénéfice de dispositifs d'accompagnement à des jeunes majeurs qui ont vocation à quitter le territoire national. La commission a considéré qu'il était logique que le prononcé d'une OQTF délie les conseils départementaux de leur obligation de prolonger la prise en charge de certains étrangers par l'ASE . Elle a adopté deux amendements identiques des rapporteurs ( COM-219 ) et de Claudine Thomas ( COM-64 ) précisant explicitement dans la loi que la possibilité de conserver le bénéfice de l'ASE jusqu'à 21 ans ne s'applique pas aux jeunes majeurs faisant l'objet d'une OQTF .

La commission a adopté l'article 12 bis ainsi rédigé .


* 135 En application des articles R. 632-1 et R. 632-2 du Ceseda, l'autorité administrative compétente pour prononcer l'expulsion est en principe le préfet de département et, par exception, le ministre de l'intérieur lorsque l'intéressé bénéficie de protections ou en cas d'urgence absolue.

* 136 En application de l'article L. 632-1 du Ceseda, celle-ci est composée du président du tribunal judiciaire du chef-lieu du département, ou d'un juge délégué par lui, d'un magistrat désigné par l'assemblée générale du tribunal judiciaire du chef-lieu du département et d'un conseiller de tribunal administratif. Elle rend son avis dans un délai d'un mois à compter de la convocation de l'étranger.

* 137 Comme précisé à la page 211 de l'étude d'impact, l'ensemble du comportement de l'étranger est pris en compte, en incluant par exemple la nature des faits commis (caractère isolé ou non, gravité) ou le comportement en détention.

* 138 Instruction au préfet du 29 septembre 2020 (INTK2023921J).

* 139 À condition qu'il contribue effectivement à son entretien et son éducation depuis sa naissance ou depuis au moins un an.

* 140 À condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française.

* 141 À l'exception des étrangers ayant résidé en France exclusivement sous le statut étudiant.

* 142 Ou un ressortissant étranger résidant habituellement en France depuis au plus l'âge de 13 ans. Dans tous les cas, la communauté de vie ne doit pas avoir cessé depuis le mariage.

* 143 Sous les mêmes conditions que pour le 1° de l'article L. 631-2 du Ceseda.

* 144 Loi n° 81-973 du 29 octobre 1981 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France

* 145 Loi n° 91-1383 du 31 décembre 1991renforçant la lutte contre le travail clandestin et la lutte contre l'organisation de l'entrée et du séjour irréguliers d'étrangers en France

* 146 Loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France

* 147 Comme cela est mentionné dans l'étude d'impact du projet de loi, « les modifications ultérieures n'ont fait évoluer les conditions du prononcé d'une mesure d'expulsion que de façon marginale » (p. 208).

* 148 Étude d'impact, p. 213.

* 149 Le taux d'exécution annuel constitue toutefois un indicateur imparfait, notamment en raison du décalage temporel entre l'édiction d'une ITF et son exécution.

* 150 Pour les étrangers mentionnés au 2°, le mariage doit être antérieur aux faits à l'origine de la condamnation.

* 151 À l'exception des étrangers ayant résidé en France exclusivement sous le statut étudiant.

* 152 Prévues par les articles 431-14 à 431-17 du code pénal.

* 153 Prévues par les articles 442-1 à 442-4 du code pénal.

* 154 En application du 6° de l'article 222-13 du code pénal.

* 155 En application de l'article 222-14-5 du code pénal.

* 156 En application des articles 311-4 et 311-4-1 du code pénal.

* 157 Un dispositif analogue avait été adopté lors de l'examen en commission du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie (amendement COM-223).

* 158 À l'exception des étrangers ayant résidé en France exclusivement sous le statut étudiant.

* 159 À condition qu'il contribue effectivement à son entretien et son éducation depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans.

* 160 À condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage.

* 161 Sur le fondement du 5° de l'article L. 611-1 du Ceseda.

* 162 Ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 97-389 DC du 22 avril 1997 sur la loi portant diverses dispositions relatives à l'immigration selon laquelle ces mesures de police administrative n'ont pas « (...) porté d'atteinte excessive à la liberté individuelle de nature à méconnaître la Constitution ».

* 163 Règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

* 164 Voir notamment les articles 9 et 14 du règlement (UE) n° 603/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et relatif aux demandes de comparaison avec les données d'Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) n° 1077/2011 portant création d'une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice.

* 165 La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a porté de seize à vingt-quatre heures la durée maximale de retenue d'un étranger aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans sa décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 sur ce projet de loi, le Conseil constitutionnel a jugé qu'en « en fixant à vingt-quatre heures, et non au-delà, la durée maximale de la retenue, le législateur a assuré entre la protection de la liberté individuelle et de la liberté d'aller et de venir et l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de l'ordre public, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ».

* 166 Étude d'impact, p. 241 et suivantes.

* 167 Conseil constitutionnel, décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011 sur la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

* 168 Leurs empreintes peuvent toutefois être relevées avec leur consentement lors du franchissement d'une frontière à partir de 14 ans.

* 169 « Mineurs non accompagnés, jeunes en errance : 40 propositions pour une politique nationale », Rapport d'information n° 854 (2020-2021) du 29 septembre 2021, de MM. Hussein Bourgi, Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli et Henri Leroy, fait au nom de la commission des lois et de la commission des affaires sociales

* 170 Aux termes de l'article R. 221-15-3 du code de l'action sociale et des familles, les données du fichier AEM ne sont ouvertes qu'aux « agents des préfectures et des sous-préfectures chargés de la mise en oeuvre de la réglementation concernant les ressortissants étrangers », aux « agents relevant des services centraux du ministère de l'intérieur chargés de l'immigration et du séjour ainsi que des applications et des systèmes d'information relatifs aux étrangers en France » et aux « agents chargés des études et des statistiques affectés à la direction générale des étrangers en France et à la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère chargé des affaires sociales ».

* 171 Le rapport d'information précité de Hussein Bourgi, Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli et Henri Leroy défendait déjà l'idée que cet accès aux données d'AEM «  ne permettrait certes pas de résoudre l'ensemble des difficultés liées à l'identification des jeunes interpellés, mais accélérerait a minima le processus pour les jeunes s'étant préalablement présentés aux services de l'ASE ».

* 172 Article L. 611-3 du Ceseda.

* 173 Article L. 631-4 du même code.

* 174 Rapport n° 552 (2017-2018) de François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois, déposé le 6 juin 2018, sur le projet de loi en première lecture, consultable au lien suivant :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl17-464.html

* 175 Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

* 176 Étude d'impact, p. 251 et suivantes.

* 177 Décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018 sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.

* 178 Voir notamment, Cour européenne des droits de l'homme, 31 mars 2022, N.B. et autres c. France, requête n° 49775/20.

* 179 Voir audition du ministre en fin de rapport.

* 180 Idem .

* 181 Conseil d'État - Juge des référés, 28 novembre 2022, Mme AB (n° 468184).

Page mise à jour le

Partager cette page