B. LA MULTIPLICATION DES MONTAGES JURIDIQUES FONDANT LE DROIT DE JOUISSANCE PÉRIODIQUE

Les formes juridiques retenues en matière d'acquisition de droits de jouissance à temps partagé se sont diversifiées en France mais aussi à l'étranger.

1. En France :

A l'origine, ce fut une adaptation du statut de la copropriété qui permit de fonder les opérations de " multipropriété " : la société constituée en vue de l'attribution en jouissance d'immeubles aux associés par fractions divises, régie par le titre II de la loi n° 71-579 du 16 juillet 1971 .

La société d'attribution pouvait adopter les différentes formes prévues par la loi mais ce fut le plus souvent la forme civile qui fut utilisée. En général, une société de construction-vente se portait acquéreur d'un terrain et construisait l'immeuble en vue de le céder, achevé ou en état futur d'achèvement, à la société d'attribution, chargée d'attribuer des fractions de l'immeuble aux associés en jouissance et de mettre à leur disposition les moyens nécessaires à l'exercice de leurs droits (équipement mobilier).

La société d'attribution devenait propriétaire de l'immeuble et les associés ne détenaient qu'un droit privatif de séjour, ce droit correspondant à une créance mobilière.

Mais ce cadre juridique s'est révélé inadapté à la spécificité du fonctionnement de ces sociétés et aux besoins de protection de leurs associés. En outre, des publicités souvent tapageuses faisaient souvent croire aux intéressés qu'en cédant leurs parts, ils deviendraient propriétaires de l'immeuble [7] .

Ces difficultés ont conduit le législateur, après un débat juridique approfondi au cours duquel a été rejeté l'aménagement du régime de l'indivision jugé trop complexe, à opter en faveur de la création d'un contrat de société. Aux termes de la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé, le droit de jouissance découle d'un droit personnel d'associé, la société ayant pour objet d'acquérir ou de construire l'immeuble et de le gérer. Cet objet peut s'étendre à la fourniture de services et au fonctionnement des équipements collectifs conformes à la destination de l'immeuble.

Le régime juridique ainsi défini contient un ensemble de dispositions protectrices de l'acquéreur et des associés. Dans tout document constatant l'acquisition de parts ou d'actions, la qualité d'associé et non de propriétaire doit apparaître clairement. De même, dans les publicités, toute mention du terme " propriétaire " est interdite.

Lors de la constitution de la société, divers documents sont établis : un état descriptif de division, un tableau d'affectation des parts ou actions aux lots et par période.

Un règlement précise la destination de l'immeuble et organise l'utilisation des équipements collectifs. Il fixe la quote-part des charges ou des bases selon lesquelles la répartition est faite.

Concernant le contrat, toute souscription ou cession de parts ou d'actions doit faire l'objet d'un acte sous seing privé ou d'un acte notarié, qui précise la nature des droits attachés à la part ou à l'action et leur consistance, telles que celles-ci résultent de la localisation de l'immeuble et du local correspondant au lot, et la détermination de la période de jouissance attribuée.

S'il s'agit d'une cession, l'acte doit préciser la situation comptable du cédant, attestée par la société, et sauf si la cession a lieu à titre gratuit, le prix à payer au cédant.

L'acte de souscription ou de cession doit faire mention également du dépôt au rang des minutes d'un notaire, soit du contrat de vente d'immeubles à construire, soit du contrat de promotion immobilière, de l'acte en tenant lieu ou de l'acte de cession de l'un de ces contrats.

Doivent être annexées à l'acte de souscription ou de cession les statuts de la société, l'état descriptif de division, le tableau d'affectation des parts ou actions, le règlement, une note sommaire indiquant les caractéristiques techniques de l'immeuble et des locaux et s'il y a lieu, le bilan du dernier exercice, le montant des charges afférentes au lot pour l'exercice précédent ou, à défaut, le montant prévisionnel de celles-ci et un inventaire des équipements et du mobilier. Cet acte peut faire référence à ces documents s'ils sont déposés au rang des minutes d'un notaire. En ce cas, une copie en est remise à l'associé et l'acte doit mentionner cette communication.

Le régime juridique résultant de la loi de 1986 prévoit également des garanties financières.

Les sociétés ne peuvent se porter cautions. Les associés ne répondent des dettes sociales à l'égard des tiers qu'à concurrence de leurs apports.

Sauf entre associés, aucun contrat de cession de parts ou d'actions ne peut être conclu avant l'achèvement de l'immeuble, à moins que n'aient été fournies une garantie financière et la justification d'un contrat de vente d'immeuble à construire ou d'un contrat de promotion immobilière.

La garantie est destinée à assurer, en cas de défaillance d'un ou plusieurs associés, le règlement des appels de fonds nécessaires au paiement du prix d'acquisition des biens sociaux ou à la réalisation des travaux de construction, d'aménagement ou de restauration. Elle est donnée par un établissement de crédit habilité par une entreprise d'assurance agréée à cet effet ou par une société de caution mutuelle.

Des organes de contrôle sont prévus : il est institué un conseil de surveillance, élu par l'assemblée générale (celle-ci se réunissant au moins une fois par an), parmi les associés, qui a un rôle consultatif. A défaut de commissaire aux comptes, le contrôle de la gestion est effectué chaque année par un technicien non associé désigné par l'assemblée, à laquelle il rend compte de sa mission.

Les droits et obligations des associés sont clairement définis. Chaque associé a le droit de louer ou de prêter le local qui lui est attribué en jouissance.

Les associés sont tenus envers la société de répondre aux appels de fonds nécessités par la construction, l'acquisition, l'aménagement ou la restauration de l'immeuble social, en proportion de leurs droits dans le capital social et de participer aux charges.

La loi distingue les charges relatives au fonctionnement de la société, à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes, dont le montant est défini en fonction du nombre de parts, et les charges entraînées par les services collectifs, les éléments d'équipement et le fonctionnement de l'immeuble, pour lesquelles leur montant est établi en fonction de l'utilisation ou de l'occupation effective.

Malgré cette instauration, par la loi de 1986, d'un statut juridique protecteur, les autres formes juridiques se sont multipliées. Mais ces autres produits aujourd'hui commercialisés en France sont tous de nature mobilière (baux à loyer en meublé, contrats d'hôtellerie, trust) : le titulaire du droit de jouissance est détenteur d'une créance mobilière.

Ce dernier mécanisme (le trust), d'origine anglo-saxonne, n'a pas encore reçu de qualification au regard du droit français mais des litiges sont actuellement portés devant les juridictions françaises.

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