CHAPITRE III -

LA POLITIQUE CONDUITE PAR LES POUVOIRS PUBLICS

I. LES GRANDES ORIENTATIONS DES POUVOIRS PUBLICS

A. UNE POLITIQUE EN FAVEUR DE LA SÉCURITÉ ET DE LA QUALITÉ ALIMENTAIRES

1. La réorganisation des services du Ministère de l'Agriculture

Les attributions du ministère de l'agriculture et de la pêche, relatives à l'alimentation humaine et à la protection des animaux, sont vastes.

En matière de protection des animaux, le ministère s'est fixé pour but d'éviter des souffrances inutiles aux animaux de rente et aux animaux de laboratoire, de moraliser le marché des animaux de compagnie et de sensibiliser leurs maîtres.

En matière d'alimentation humaine, il s'efforce de rendre dynamiques et performantes les filières agro-alimentaires. Il aide à la promotion et à la défense de la qualité des produits alimentaires et du savoir-faire culinaire français.

Enfin, axe prioritaire de sa politique, il met en place un dispositif réglementaire permettant de garantir aux consommateurs des denrées saines et sûres. Il prend l'avis, pour cela, d'experts réunis au sein d'instances consultatives tels le Conseil supérieur d'hygiène publique de France ou le Conseil national de l'alimentation.

Pour faire respecter son dispositif réglementaire, relatif à la sécurité alimentaire, le ministère de l'agriculture et de la pêche dispose d'un important potentiel humain et technique.

Depuis la fin de l'année 1996, une réorganisation des services du ministère de l'agriculture et de la pêche a été entreprise. Ainsi, les activités de production et d'organisation économique ont été nettement séparées des activités de contrôle, désormais sous l'autorité de la direction générale de l'alimentation (DGAL).

La DGAL, en relation constante avec les instances européennes et les organisations internationales, conçoit des textes relatifs à la protection des végétaux, à la santé animale, à l'hygiène et à l'absence de contaminants durant la préparation, le transport et la mise en vente des denrées. Deux réseaux de laboratoires spécialisés apportent leur expertise.

Une Brigade nationale d'enquêtes vétérinaires, structure " mobile " constituée d'agents spécialisés, mène des enquêtes dans le cadre et avec les moyens des autorités judiciaires, en matière de pharmacie vétérinaire, d'épidémiologie et de lutte contre l'utilisation licite de " facteurs de croissance ".

Aux plans régional et départemental, deux réseaux de services de contrôles déconcentrés font respecter les textes et des laboratoires les appuient scientifiquement.

- Des services vétérinaires pour protéger la santé animale, l'environnement et garantir la sécurité des denrées d'origine animale ;

- Des services de la protection des végétaux pour lutter contre les parasites et protéger les consommateurs et l'environnement ;

Votre rapporteur pour avis approuve sans réserve la réorganisation du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche.

2. La promotion de la qualité

La promotion de la qualité répond à un triple souci :

- démarquer des productions de masse les produits qui offrent un " plus " au consommateur dans le domaine organoleptique, du fait de leur mode de production et de leur origine géographique ;

- accroître au profit des producteurs la valeur ajoutée de productions spécifiques, qui sont souvent le fait de petites exploitations dans des zones rurales difficiles ;

- renforcer l'hygiène et la sécurité alimentaire.

Le dispositif français comporte quatre signes distinctifs de qualité : l'appellation d'origine contrôlée (AOC), le label rouge, la certification de conformité et l'agriculture biologique. Les signes de qualité sont délivrés par l'Institut national des appellations d'origine (INAO), établissement public qui gère et contrôle les AOC, et la commission nationale des labels et certifications (CNLC), instance consultative dont le secrétariat est assuré par le ministère de l'agriculture et de la pêche. La CNLC comprend trois sections : une pour l'examen des cahiers des charges, une pour l'agrément des organismes certificateurs et une compétente en matière d'agriculture biologique.

Depuis le 14 mars 1996, les signes officiels de qualité sont régis par un seul décret. Ce texte constitue une refonte complète de la réglementation antérieure relative à l'agriculture biologique (décret de 1981), aux labels agricoles (décret de 1983) et la certification de conformité (décret de 1990). Il redéfinit également le fonctionnement de la commission nationale des labels et des certifications de produits agricoles et alimentaires précédemment régi par un décret de 1994.

La demande de signes de qualité est en forte croissance, notamment pour la viande bovine. En 1996, 34 organismes certificateurs dans le domaine des labels certifiaient et contrôlaient 361 labels concernant plus de 30.000 agriculteurs et 2.300 entreprises. Les produits sous labels ont généré un chiffre d'affaires de 6,2 milliards de francs en 1996 , dont près de la moitié réalisée par les volailles. Les demandes de certifications de conformité ont doublé avec 52 dossiers en 1996 et devraient dépasser les 100 dossiers en 1997. La certification de conformité couvre un chiffre d'affaires de 7,5 milliards de francs en 1996 dont 2,6 milliards pour le jambon cuit supérieur, 1 milliard pour la viande bovine, 1,2 milliard pour la viande de veau et devrait atteindre 12 milliards en 1997.

En 1995, plus de 120.000 exploitations agricoles tiraient leur revenu d'une production d'appellation d'origine contrôlée (AOC). Le chiffre d'affaires pour l'ensemble du secteur s'élève à 80 milliards de francs dont près de 70 milliards pour les vins et spiritueux et les exportations dépassent 30 milliards. La part des vins AOC atteint 41 % du volume total des vins produits. Pour les fromages, cette part est de 16 %.

La pratique française a inspiré l'élaboration d'une réglementation européenne qui a pour objet la protection juridique des dénominations géographiques des produits alimentaires. Deux règlements européens ont été adoptés en juillet 1992 : le règlement n° 2082/92 relatif aux attestations de spécificité et le règlement n° 2081/92 relatif à la protection des appellations d'origine et des indications géographiques. Ces textes définissent trois notions juridiques :

- l'appellation d'origine protégée (AOP) pour les produits qui tirent leur qualité essentiellement ou exclusivement du terroir,

- l'indication géographique protégée (IGP) pour les produits dont la notoriété, la qualité ou une autre caractéristique est liée à l'origine géographique ;

- l'attestation de spécificité pour des produits issus de matières premières traditionnelles selon des modes de productions traditionnels.

3. Les réformes en cours ou en attente

a) Le projet de loi sur la qualité sanitaire des denrées alimentaires

Après son examen par l'Assemblée nationale les 18 et 19 février dernier, la Commission des Affaires économiques a proposé l'adoption de ce projet de loi, le 26 mars 1997 1( * ) , après l'avoir quelque peu modifié. La dissolution de l'Assemblée nationale a suspendu l'examen de ce texte par le Sénat.

Votre rapporteur pour avis tient à en rappeler les grandes lignes.

Ce projet de loi était relatif à la qualité et la salubrité des denrées destinées à l'alimentation humaine ou animale. Ces notions de qualité et de salubrité ne concernent ni la loyauté des transactions, qui relève du code de la consommation, ni les garanties officielles de qualité et d'origine, inscrites dans le projet de loi de codification du Livre VI (nouveau) du code rural. Elles recouvrent, en fait, toutes les caractéristiques, tant physiques qu'organaleptiques, qui permettent d'assurer la sécurité alimentaire des consommateurs.

Ce texte, conçu avant le déclenchement de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), intéressait ainsi l'ensemble de la chaîne alimentaire et portait sur tous les produits destinés à l'alimentation humaine ou animale, qu'ils soient d'origine animale ou végétale.

Parce que la qualité sanitaire de notre alimentation est d'ores et déjà reconnue, la France est, en effet, aujourd'hui capable d'exporter ses produits dans le monde entier. Pour autant, c'est un domaine dans lequel s'impose une vigilance permanente, les filières étant de plus en plus longues, la circulation des produits s'effectuant à un rythme toujours plus rapide et leur hétérogénéité s'accentuant. Ainsi l'hygiène est l'affaire de tous : des pouvoirs publics, qui doivent contrôler les produits et les opérateurs ; mais aussi des professionnels, qui doivent être responsabilisés et placer la sécurité sanitaire en tête de leurs priorités.

Or, le dispositif législatif actuel ne permet pas une approche globale et coordonnée dans ce domaine. Par exemple, le contrôle de la qualité et de la salubrité alimentaire relève du code rural pour les produits animaux et du code de la consommation pour les produits végétaux, l'utilisation de médicaments vétérinaires du code de la santé publique, celle des matières fertilisantes de la loi du 13 juillet 1979.

Afin d'assurer cette sécurité alimentaire et de donner des moyens d'action supplémentaires pour intervenir encore plus rapidement en cas de risque, ce texte tendait tout d'abord à mettre en place un dispositif de contrôle unifié et cohérent, et plus opérationnel. Il mettait en place un dispositif de contrôle de l'hygiène proprement dit par des mécanismes plus efficaces et mieux coordonnés en amont de la production, ainsi qu'à l'entrée de nos frontières.

En raison de l'importance de ce texte, votre rapporteur pour avis souhaite que ce projet de loi soit rapidement examiné par le Sénat.

b) Les conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi relative à la sécurité alimentaire des produits alimentaires

La proposition de loi présentée par MM. Charles Descours, Claude Huriet et plusieurs de leurs collègues avait pour objet de donner un prolongement législatif aux conclusions de la mission d'information de la commission des affaires sociales consacrées aux conditions du renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme 2( * ) .

L'état des lieux réalisé par la mission d'information de la commission des affaires sociales a montré que " la multiplication des structures, la confusion des missions de contrôle et de gestion, la complexité de l'organisation, l'insuffisance de la réglementation et la dispersion des travaux nuisent à l'efficacité de l'organisation de sécurité et de veille sanitaire en France 3( * ) ".

Au terme de ce constat, la commission des affaires sociales a formulé des conclusions destinées à réformer l'action de l'État en matière sanitaire.

Cette réforme, qui présente selon votre rapporteur un caractère d'urgence, a pour ambition d'améliorer les structures administratives chargées du contrôle des produits et de la veille sanitaire et de leur donner les moyens législatifs d'assumer pleinement leur mission, afin que la sécurité sanitaire soit mieux garantie.

Répondant à un souci d'exhaustivité en matière de sécurité sanitaire (évaluation des actes et des pratiques, contrôle des produits et veille sanitaire) votre commission s'est félicitée que la réforme proposée ne vise pas à faire table rase de l'existant mais utilise les compétences et les structures actuelles des administrations sanitaires et se fonde sur la législation en vigueur afin d'en accroître les performances.

Votre commission a considéré que la création d'un système de contrôle identique pour le médicament et pour les produits alimentaires aurait conduit à un inévitable échec : l'histoire différente de ces deux catégories de produits, leur spécificité tant dans leur finalité que dans leur production et leurs techniques de contrôle rendent nécessaire de distinguer les produits de santé des produits alimentaires.

Ainsi les conclusions du Sénat sur la proposition de loi prévoient-elles la création de quatre organismes : un Institut de veille sanitaire, une Agence de sécurité sanitaire des produits de santé et un Conseil national de sécurité sanitaire. Le titre III du texte des conclusions de la Commission des Affaires sociales a institué, en outre, une Agence de sécurité alimentaire des aliments. Cet établissement public sera placé sous la tutelle des ministres chargés de la santé, de l'agriculture et de la consommation. Cette agence aura pour mission d'évaluer les risques sanitaires des produits alimentaires depuis la production des matières premières jusqu'à leur distribution au consommateur final.

Votre commission a émis au mois de septembre dernier un avis 4( * ) favorable à l'adoption des conclusions de la commission des affaires sociales du Sénat. Le Sénat a adopté le 25 septembre dernier les conclusions du rapport de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi n° 329.

Par ailleurs, le ministère de l'agriculture et de la pêche poursuit son effort financier en faveur de l'agriculture biologique par la prise en charge des frais de contrôle, l'aide à la recherche, la mise en place d'un observatoire économique, des aides à la conversion ou au maintien en agriculture biologique, l'élaboration d'un nouveau logotype " agriculture biologique " et l'aide aux associations professionnelles de la filière. La réglementation européenne (règlement du 24 juin 1991, modifié en dernier lieu le 22 juin 1995), toujours inspirée par le modèle français, fixe les conditions de production, d'étiquetage et de contrôle de ce mode de production pour les productions végétales. Le Conseil de l'Union européenne examine depuis la fin de l'année 1996 un projet de règlement sur les produits animaux et d'origine animale.

4. La traçabilité des produits agricoles et alimentaires

La politique des pouvoirs publics porte sur l'identification des produits agricoles et alimentaires dont la traçabilité constitue un des éléments du système. Cette politique est celle relative aux signes officiels de qualité (AOC, labels, certification de conformité, agriculture biologique), qui permettent d'identifier et de faire reconnaître des produits possédant des caractéristiques particulières ou obtenus selon des méthodes particulières.

Ces signes officiels de qualité, basés sur le respect de cahier des charges de production contrôlé par des organismes publics ou agréés par l'Etat, permettent d'apporter des garanties au consommateur.

La maîtrise complète de la traçabilité des produits bénéficiant de ces signes de qualité est systématiquement exigée afin de gérer la production et assurer les contrôles.

Ces démarches d'identification des produits sont des démarches volontaires, à l'initiative des professionnels.

Dans la filière bovine, une réglementation de 1978 modifiée en 1995 assure une identification de tous les animaux. Tout bovin adulte quelque soit sa destination commerciale (élevage, abattage, export...) est ainsi titulaire d'un document d'accompagnement véritable " passeport individuel " justifiant :

- de son identité, race, sexe et âge ;

- de son département de naissance ;

- de la qualification sanitaire de son cheptel de provenance vis-à-vis des maladies contagieuses ;

- de sa filiation, pour les bovins inscrits à un schéma de sélection.

Chaque bovin est par ailleurs répertorié dans un fichier informatique départemental permettant de gérer sa carrière et ses mouvements.

La crise de l'ESB et les nouvelles exigences en matière d'étiquetage des viandes en application du règlement n° 820/97 du Conseil du 21 avril 1997 ont renforcé les besoins en matière de traçabilité de l'animal vivant jusqu'à la remise de la viande au consommateur.

C'est l'objet de l'accord interprofessionnelle INTERBEV applicable depuis le 1er octobre dernier. En vertu de cet accord conclu en février 1997 et aussitôt étendu par les pouvoirs publics, l'étiquetage de la viande bovine doit nécessairement préciser, depuis le 1er octobre, l'origine nationale de l'animal (si tant est qu'il soit né, ait été élevé et abattu dans le même pays) et, s'il est d'origine française, sa catégorie (jeune bovin, boeuf, taureau, génisse, jeune vache, vache adulte : plus de 5 ans) et son type racial (laitier, mixte, à viande). A défaut d'attestation de l'origine nationale de la viande, l'étiquette devra indiquer " origine : non renseigné ". Initialement, l'accord interprofessionnel avait retenu la mention " origine indéterminée ", mais celle-ci avait suscité de vives réticences à Bruxelles où l'on flairait une tentative de dénigrement des viandes non françaises. Les nouvelles informations sur l'origine, la catégorie et le type racial compléteront les obligations réglementaires déjà en vigueur : nom du morceau, poids, prix, date d'emballage.

Dans les filières ovine et porcine, la traçabilité des animaux et de leurs produits s'appuient, de façon similaire, sur les schémas d'identification collective obligatoire des animaux et des procédures de contrôles spécifiques dans les abattoirs et ateliers de découpe.

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