INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi soumis à votre examen, adopté par l'Assemblée nationale le 18 décembre 1997, a pour objet de demander au Parlement la ratification de l'ordonnance n° 96-1122 du 20 décembre 1996 relative à l'amélioration de la santé publique à Mayotte 1( * ) . Il propose en outre d'apporter des précisions nécessaires à certains articles de l'ordonnance et des modifications permettant de rectifier des erreurs matérielles.

Cette ordonnance, publiée au journal officiel du 22 décembre 1996, a été prise sur le fondement de la loi d'habilitation n° 96-1075 du 11 décembre 1996 qui autorisait le Gouvernement à légiférer par ordonnance, avant le 31 janvier 1997, pour étendre et adapter à la collectivité territoriale de Mayotte les dispositions du code de la santé publique sur les établissements de santé, en donnant à l'hôpital de Mayotte un statut proche du droit commun, et pour réformer l'actuelle caisse de prévoyance sociale afin d'instituer un régime d'assurance maladie et une contribution sociale.

Elle prévoyait en outre que le projet de loi de ratification de l'ordonnance, accompagné de l'avis du conseil général de Mayotte, serait déposé devant le Parlement au plus tard le 15 mars 1997.

Le projet de loi de ratification a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 5 mars 1997 mais est devenu caduc en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale intervenue le 21 avril 1997.

Le nouveau Gouvernement a donc été contraint de déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale, le 23 juillet 1997, un nouveau projet de loi, identique au précédent, qui constitue le texte qui vous est aujourd'hui soumis.

S'agissant de Mayotte, le recours aux ordonnances est une pratique courante depuis que le statut particulier de la collectivité territoriale a été défini par la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976 relative à l'organisation de Mayotte. L'article 10 de cette loi prévoit que les lois nouvelles ne sont applicables à Mayotte que sur mention expresse ; l'article 7 autorisait le Gouvernement à prendre par ordonnance, avant le 1er juillet 1979, toutes mesures tendant à étendre et à adapter les textes intervenus dans le domaine législatif et qui n'étaient pas applicables à Mayotte. Cette habilitation générale a été réitérée par la loi du 22 décembre 1979 puis par celle du 23 décembre 1989, qui précisait notamment que le Gouvernement était autorisé à légiférer par ordonnances dans le domaine de la santé publique, de la protection sociale et du droit du travail.

L'ordonnance du 20 décembre 1996 et ce projet de loi de ratification s'inscrivent donc dans la cadre d'une pratique régulière qui permet aux compétences respectives de l'Etat et de la collectivité territoriale de Mayotte d'évoluer avec souplesse dans le sens d'un alignement progressif sur le droit commun départemental.

Malgré son aspect quelque peu technique, l'ordonnance qu'il vous est aujourd'hui demander de ratifier constitue un progrès considérable pour les habitants de Mayotte.

On évoquera tout d'abord le contenu de l'ordonnance avant d'examiner le projet de loi de ratification tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale.

I. L'ORDONNANCE N° 96-1122 DU 20 DÉCEMBRE 1996 VISE A AMÉLIORER LE SYSTÈME SANITAIRE DE MAYOTTE ET LA SANTÉ DE SA POPULATION

Mayotte présente des caractéristiques démographiques et sociales tout à fait particulières, qu'il convient de rappeler brièvement 2( * ) .

L'île, qui compte environ 120.000 habitants, connaît une progression démographique très élevée avec un taux d'accroissement de 5,9 % par an. Le taux de natalité est de 42,9 o / oo contre 12,5 o / oo en métropole et plus de la moitié de la population a moins de 20 ans. Le taux de chômage est de 50 % tandis que 5.000 familles vivraient en dessous du seuil de pauvreté. En outre, il y aurait plus de 20.000 étrangers en situation irrégulière, venus pour l'essentiel des Comores.

Malgré une amélioration sensible au cours des dernières années, la situation sanitaire de Mayotte reste aujourd'hui extrêmement préoccupante.

Le taux de mortalité infantile a fortement chuté entre 1978 et 1994 (de 82 o / oo à 21 o / oo ) mais reste encore trois fois supérieur au taux enregistré en métropole. D'inquiétants problèmes de malnutrition persistent, notamment chez les enfants, tandis que sévissent de graves pathologies (paludisme, lèpre, tuberculose...).

Pour faire face à cette situation, il n'existe à Mayotte qu'un hôpital, implanté sur deux sites, représentant au total 130 lits, et 17 dispensaires correspondant à 57 lits. Avant l'ordonnance, le personnel était composé en grande partie de médecins volontaires de l'aide technique (VAT) et d'un nombre important d'infirmières et d'aides soignantes qui ne disposaient pas du niveau de fonctionnement exigé en métropole.

Par ailleurs, l'absence de certaines spécialités et l'insuffisance du plateau technique contraignent à de coûteuses évacuation sanitaires vers La Réunion, prises en charge au titre de l'aide médicale des hôpitaux de La Réunion.

Enfin, la collectivité territoriale n'a plus les moyens de financer seule ce système de santé, pourtant modeste.

Conformément aux recommandations du rapport établi en mai 1995 par M. Contis, inspecteur général des affaires sociales, l'ordonnance a donc pour objet d'améliorer la situation sanitaire de Mayotte en réformant l'hôpital et la Caisse de prévoyance sociale de Mayotte.

Elle comprend 37 articles, répartis en trois titres.

A. L'ORDONNANCE ÉRIGE L'HÔPITAL DE MAYOTTE EN ÉTABLISSEMENT PUBLIC DE SANTÉ TERRITORIAL ET MODIFIE EN CONSÉQUENCE LE STATUT DE SON PERSONNEL

Le titre premier de l'ordonnance étend et adapte le titre premier du livre VII du code de la santé publique à la collectivité territoriale de Mayotte. Il transforme l'hôpital actuel en un établissement public de santé, relevant de la compétence de l'Etat.

Sur la base des articles 10 et 29 de l'ordonnance, le représentant du Gouvernement a donc pris un arrêté en date du 8 mars 1997 érigeant l'hôpital de Mayotte - qui n'était jusqu'alors qu'un service non personnalisé de la collectivité territoriale - en établissement public de santé territorial.

En conséquence, les dispositions du titre premier du livre VII du code de la santé publique, relatif aux établissements de santé et modifié par l'ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée, lui sont applicables sous réserve de mesures d'adaptation rendues nécessaires par le caractère particulier de la collectivité territoriale de Mayotte.

Ne sont ainsi pas applicables les dispositions relatives aux groupements de coopération sanitaire ou aux communautés d'établissements de santé, du fait de l'absence d'établissements de santé privés à Mayotte.

Le statut du personnel est défini par l'ordonnance qui reprend le statut général des fonctionnaires en l'aménageant pour favoriser l'accueil de personnels médicaux et non médicaux de métropole ou des départements d'outre-mer et pour maintenir le statut et l'emploi des personnels non médicaux de la collectivité territoriale.

S'agissant des personnels non médicaux, l'ordonnance a dû concilier deux impératifs :

- maintenir le statut et l'emploi des personnels non médicaux de la collectivité territoriale (infirmières, aides-soignantes, sages-femmes), même s'ils ne sont pas titulaires d'un diplôme d'Etat. Le principe de la mise à disposition de ces personnes à l'hôpital par la collectivité territoriale a été choisi par le Gouvernement pour permettre le maintien de leur statut local et leur emploi à l'hôpital ;

- éviter une dérive des dépenses de personnel de la collectivité.

En effet, l'application pour ces personnels de la collectivité territoriale du barème de rémunération de la métropole comportait le risque d'une revendication salariale étendue à l'ensemble des agents de la collectivité territoriale, que cette dernière n'aurait pu supporter. C'est pourquoi le principe de l'intégration immédiate des agents territoriaux dans le titre IV du statut général des fonctionnaires a été écarté.

Comme en témoigne le tableau ci-dessous, la transformation juridique de l'hôpital a permis de recruter davantage de personnel médical (+ 67 %), personnel qui lui faisait auparavant véritablement défaut. Il semble que le changement de statut de l'établissement ait rendu celui-ci plus attractif auprès des personnels hospitaliers (praticiens et assistants hospitaliers), qui devraient progressivement occuper la majorité des postes offerts.

Evolution des effectifs de l'hôpital de Mayotte

 

1995

1998

%
1998/1995

Médecins

15

25

+ 67 %

Paramédicaux

233

275

+ 18 %

Administratif

20

32

+ 60 %

Techniques

25

33

+ 32 %

TOTAL

293

365

+ 24 %

L'ordonnance du 20 décembre 1996 comporte en outre un second volet permettant d'assurer le financement de nouvel établissement public de santé territorial.

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