2. Une réponse judiciaire affaiblie et disparate
La loi
du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la
toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite
des substances vénéneuses a introduit l'article L. 628 du code de
la santé publique réprimant l'usage des substances
classées comme stupéfiants de deux mois à un an
d'emprisonnement et de 500 à 15.000 francs d'amende. Néanmoins,
l'article L. 628-1 du code de la santé publique prévoit une
procédure d'injonction thérapeutique : le procureur peut
décider de ne pas poursuivre un usager simple de drogues -quelles
qu'elles soient- si celui-ci accepte de se faire soigner.
Dorénavant,
les consommateurs encourent une peine d'un an
d'emprisonnement et 3.750 euros d'amende
sur la base de l'article
L. 3421-1 du code de la santé publique, tandis que la
procédure d'injonction thérapeutique est prévue aux
articles L. 3413-1 à L. 3413-3 du code de la santé publique.
a) L'injonction thérapeutique : une mesure longtemps laissée en jachère et dont la relance reste difficile
La mesure d'injonction thérapeutique, plus ou moins tombée en désuétude à la fin des années 1970, a vu son importance réaffirmée par la circulaire Chalandon du 12 mai 1987 puis les circulaires interministérielles des 15 février 1993 et 28 avril 1995 relatives respectivement aux programmes justice-santé et à l'harmonisation des pratiques relatives à l'injonction thérapeutique, ainsi que plus récemment la circulaire du ministre de la justice du 17 juin 1999 relative aux réponses judiciaires aux toxicomanies, qui a déterminé la politique menée ces dernières années.
(1) Une mesure mise en sommeil dès l'origine ?
De
1970 à 1986, cette procédure a été mise en sommeil
en raison des réticences du corps médical
,
considérant qu'on ne pouvait soigner par la contrainte.
Le
malaise est patent : le prévenu toxicomane n'est pas un
prévenu comme un autre, le magistrat devient un prescripteur
médical et le médecin l'exécutant d'une sentence
. De
même, les magistrats, découragés par l'absence
d'interlocuteur dans le champ sanitaire et le manque de retour sur le suivi des
traitements, les médecins refusant de communiquer des informations en
arguant du secret professionnel, ont répugné à y recourir.
Comme l'a indiqué le docteur Lucien Abenhaïm, directeur
général de la santé, à la commission
d'enquête, «
l'une des raisons de l'échec
thérapeutique était le fait que nous avions recours dans les
années 1970 à des thérapies inefficaces, qui
étaient surtout des approches psychosociales,
psychoéducatives
.
Il y a donc eu un découragement assez
rapide.
»
Par ailleurs, se pose le problème des relations entre les parquets et
les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, qui
peinent parfois à orienter les personnes vers les structures
adéquates, en nombre insuffisant.
Le rapport Pelletier, publié en 1978, souligne les disparités
de traitement entre usagers selon les produits, les magistrats et les
structures sanitaires
. Il propose donc de différencier les usagers
de drogues selon le produit consommé.
• La
circulaire Peyrefitte
du 7 mai 1978, inspirée de ce
rapport, indique que
l'usager de cannabis ne peut être
considéré comme un véritable toxicomane et ne
relève pas de la cure de sevrage et des dispositions de la loi sur
l'injonction thérapeutique
, préconisant une simple
admonestation, hormis les cas de multiples réitérations. Comme
l'a souligné lors de son audition le docteur Léon Hovnanian,
président du Centre national d'information sur la drogue :
«
Il (le garde des Sceaux) a ainsi
dépénalisé de fait le cannabis. Il a eu raison, à
mon avis, de supprimer la peine de prison pour obtenir le sevrage, car il y a
en effet de meilleurs moyens offerts par des prises en charge dans des
structures éducatives d'accueil protégées, à
condition de les créer.
L'erreur de la circulaire Peyrefitte a
été de supprimer une sanction sans proposer de mesures de
remplacement.
Elle a ainsi renforcé l'image du cannabis drogue
douce.
»
• La
circulaire Badinter
de 1984
porte un nouveau
coup à l'injonction thérapeutique
en exprimant de
manière voilée le discrédit frappant cette mesure. Elle
relève ainsi que cette mesure a montré ses limites, liées
au caractère contraint de la cure et à l'association du
médecin et du magistrat «
dans des conditions difficiles
à comprendre pour l'usager
».
Une seconde période s'ouvre ensuite, où les alternatives
sanitaires prévues par la loi disparaissent pour laisser la place
à une répression beaucoup plus dense, les usagers se livrant
à la revente étant assimilés à des trafiquants et
poursuivis pénalement. La faible progression du nombre de mesures
ordonnées et l'abandon par le ministère de la justice de tout
recueil de données concernant les alternatives sanitaires en sont
d'autres signes.
Le choc de l'épidémie de sida fait redécouvrir la
population des usagers, en particulier par voie intraveineuse. Les alternatives
sanitaires sont réactivées, sans aucune évaluation de leur
efficacité, avec comme nouvel objectif la mise en contact des usagers
avec les services sanitaires.
(2) Une relance laborieuse
• La circulaire Chalandon du 12 mai 1987 relance
l'injonction thérapeutique
, en opérant pour la
première fois une distinction entre l'usager simple, l'usager-trafiquant
ou auteur d'un autre délit et le trafiquant. Pour l'usager occasionnel
présentant des garanties suffisantes d'insertion sociale, le magistrat
du parquet peut se contenter d'adresser un avertissement, mais doit y
procéder personnellement, afin de donner à cette décision
toute sa signification. Pour l'usager d'habitude présentant des signes
d'intoxication ou déjà interpellé pour des faits
analogues, l'injonction thérapeutique est préconisée, une
fois les éléments d'information sur sa personnalité et son
environnement socio-professionnel recueillis.
Elle vise donc à
adapter l'intervention répressive et supprime l'approche par produit.
• La circulaire
Vauzelle-Kouchner
du 9 février 1993 vise
à généraliser sur l'ensemble du territoire national
le
recours à l'injonction thérapeutique, estimant que cette
procédure permet d'insérer l'action de la justice dans une
perspective socio-médicale ;
elle rappelle que plus d'un usager
de drogue sur deux faisant l'objet d'une telle mesure entre à cette
occasion pour la première fois en contact avec un soignant.
Elle relève que malgré les recommandations de la circulaire de
1987, seules 4.000 mesures sont prononcées chaque année, et
qu'elles ne concernent encore qu'un faible nombre de toxicomanes. Ce nombre
variait en outre fortement d'un département à l'autre, ainsi
qu'à l'intérieur d'une même région, le recours
à l'injonction thérapeutique étant fonction des politiques
policières, judiciaires et sanitaires mises en oeuvre au plan local.
Elle rappelle en outre l'importance de la coopération.
• La circulaire interministérielle du
14 janvier 1993
visant à améliorer la prise en charge sanitaire et sociale des
toxicomanes relevant de la justice généralise
le recours
à l'injonction thérapeutique pour les usagers de
stupéfiants n'ayant pas commis d'autre infraction.
S'agissant des
toxicomanes impliqués dans d'autres infractions (atteintes aux biens,
atteintes aux personnes, revente de drogue), le plus souvent liées
à leur état de dépendance, elle préconise une
réponse répressive diversifiée et réellement
individualisée,
associée à une politique efficace de
prévention de la récidive, par le biais d'une prise en charge
sanitaire et sociale adaptée.
Pour ce faire, elle met en place des
conventions d'objectifs
pour mieux
prévenir la récidive en assurant la réinsertion
dans 15 départements prioritaires et à Paris, afin de renforcer
la coordination à l'échelle du département sous la
responsabilité du préfet, en liaison avec les autorités
judiciaires et si possible en étroite collaboration avec le
président du conseil général et les maires des grandes
villes.
Elles visent à accompagner sur le plan sanitaire et social l'ensemble
des mesures de sûreté et des peines ordonnées par les
juridictions à l'égard des délinquants
toxico-dépendants, afin de mieux prévenir la récidive,
qu'il s'agisse des alternatives à l'incarcération (contrôle
judiciaire, ajournement ou emprisonnement avec sursis assorti d'une mise
à l'épreuve, travail d'intérêt
général) ou des modalités particulières
d'application des peines de prison (semi-liberté, placement
extérieur et libération conditionnelle). Des démarches
spécifiques doivent concerner les mineurs.
Les préfets sont chargés d'une évaluation des besoins et
du recensement et de l'analyse des réponses apportées par le
dispositif sanitaire et social existant (en termes de prestations des
structures d'accueil et de prise en charge, spécialisées ou non,
de capacité d'accueil, de moyens et de circuits de financement). Les
directeurs départementaux de la protection judiciaire de la jeunesse,
des affaires sanitaires et sociales et le directeur chargé des services
de l'enfance relevant du conseil général doivent étudier
les modalités de prise en charge des mineurs usagers sous protection
judiciaire, recenser les associations partenaires locales, repérer les
liens existants avec le dispositif médical ou spécialisé
en toxicomanie, et vérifier la qualité des prestations.
Les conventions doivent notamment prévoir le type de prestations
dispensées par les associations, les modalités d'articulation des
actions des différentes associations, le nombre de toxicomanes pris en
charge, les modalités d'accueil du public (notamment en cas d'urgence),
la répartition des responsabilités entre les acteurs de la prise
en charge sanitaire ou sociale et les autorités judiciaires, la
durée de la convention, le montant des crédits et les financeurs,
ainsi que les modalités d'évaluation du dispositif.
• La circulaire interministérielle du 28 avril 1995
relative
à l'harmonisation des pratiques relatives à l'injonction
thérapeutique (Mme Simone Veil, MM. Pierre Méhaignerie et
Philippe Douste-Blazy)
restreint les catégories d'usagers
susceptibles de faire l'objet d'une injonction thérapeutique
en
insistant sur le critère de nécessité sanitaire :
«
les usagers de stupéfiants tels que
l'héroïne ou la cocaïne, ou ceux qui s'adonnant au cannabis en
font une consommation massive, répétée ou associée
à d'autres produits (médicaments, alcool...)
».
Dans le même temps, la notion d'injonction thérapeutique est
élargie, puisqu'elle doit permettre au toxicomane de favoriser son
insertion, l'aspect sanitaire et l'aspect social étant
étroitement liés
.
La circulaire souligne une nouvelle fois que le succès de l'injonction
thérapeutique dépend en grande partie de la confiance
réciproque entre magistrats et médecins et préconise la
signature de conventions d'objectifs pour en assurer le suivi. A cet
égard, elle rappelle une nouvelle fois que la DDASS doit
impérativement prévenir le parquet en cas d'échec, de
même que le parquet du domicile est seul en mesure de mettre en oeuvre
efficacement l'injonction thérapeutique.
Elle préconise le recours aux enquêtes de personnalité et
souligne que
les faits d'usage peuvent faire l'objet d'une réponse
très diversifiée
.
La DDASS est chargée de faire procéder à un examen
médical de l'usager et de son orientation. Le suivi thérapeutique
exercé par la DDASS doit articuler une prise en charge médicale,
lorsque l'état de l'usager de drogue le justifie, avec un suivi
psychologique et un suivi social, mobilisant à cette fin des profils
différents : médecins, psychologues, éducateurs ou
assistants sociaux.
S'agissant des mineurs, la circulaire déplore la rareté des
saisines des magistrats de la jeunesse et invite à recourir à
l'injonction thérapeutique en cas de consommation importante de
produits stupéfiants ou de polytoxicomanie. Il convient dans tous les
cas pour le parquet des mineurs de faire convoquer dans les meilleurs
délais le mineur usager et ses parents, de saisir les services de la
DDASS et dans le même temps le service éducatif auprès du
tribunal (SEAT) pour enquête.
La circulaire appelle enfin, ce qui est récurrent depuis 1971 (et avait
été rappelé notamment en 1987), les services
d'enquête à dresser des procès-verbaux et non des mains
courantes pour toutes les interpellations pour usage, le recours à
l'injonction thérapeutique ne pouvant avoir lieu sans une
procédure préalable. De plus, elle insiste sur le fait qu'en cas
d'impossibilité de déferrement, l'intéressé
reçoit du service enquêteur une convocation à se
présenter au parquet dans un délai inférieur à 8
jours (les toxicomanes éprouvant souvent de grandes difficultés
à se situer dans le temps et tout retard risquant de se solder par un
échec).
(3) Le bilan mitigé de l'injonction thérapeutique à la fin des années 90
La répétition, circulaire après circulaire, et ce pendant plus de 25 ans, des mêmes recommandations laisse songeur . Les difficultés d'ordre pratique, responsables dans une large mesure de l'échec de la procédure d'injonction thérapeutique sont bien connues, ainsi que leurs remèdes.
(a) Le constat : un faible nombre d'injonctions thérapeutiques
Le
rapport de la Cour des comptes de 1998 notait que le dispositif avait
été peu appliqué, malgré les circulaires
publiées depuis 1987.
Les relances successives de l'injonction thérapeutique ont permis de
faire progresser le nombre de mesures, mais sans commune mesure avec la
progression exponentielle des interpellations pour usage illicite de
stupéfiants, passées de moins de 2.000 en 1970 à
près de 58.000 en 1996. Le nombre d'injonctions thérapeutiques,
inférieur à 1.000 jusqu'en 1978, passe à 2.075 en 1981 et,
après les relances successives, à 8.052 en 1997. En 1993, moins
de 9 % des interpellations d'usagers aboutissaient à des
injonctions thérapeutiques, dont un tiers seulement aurait abouti
à des résultats satisfaisants
85(
*
)
.
Par ailleurs, si la circulaire du 28 avril 1995 visait à relancer la
mesure, elle préconisait également d'en exclure les usagers de
cannabis occasionnels. Le nombre d'injonctions thérapeutiques dans
certains parquets a ainsi paradoxalement diminué.
De plus, 5,6 % seulement des consultations ou admissions de toxicomanes
dans les centres de soins agréés étaient le
résultat d'une injonction thérapeutique.
L'injonction thérapeutique, à vocation essentiellement
sanitaire, apparaît en outre inadaptée aux nouveaux produits et
modes de consommation.
La prise en compte de la personne dans sa globalité, incluant les
problèmes sociaux et psychologiques, conduit à rechercher
d'autres modes de prise en charge des usagers de drogues. De plus, il
paraît difficile de proposer les mêmes traitements à des
usagers de cannabis ayant une consommation à caractère dit festif
ou récréatif et à des héroïnomanes fortement
dépendants.
(b) La diversité des pratiques selon les parquets
Le
rapport de la Cour des comptes relevait en outre le manque
d'homogénéité de l'application de cette mesure sur le
territoire national. Ainsi, les résultats varient
considérablement d'une localité à l'autre, en fonction de
la réalité des relations entre les diverses institutions
impliquées dans la procédure.
La mise en place de l'injonction thérapeutique a été
circonscrite à la région parisienne jusqu'au début des
années 1980. Elle s'est ensuite étendue sur le reste du
territoire national sans pour autant toucher tous les départements, la
moitié des mesures prononcées en 1997 concernant l'Ile-de-France,
alors même que la circulaire du 28 avril 1995 visait l'extension du
dispositif à l'ensemble du territoire. Aucune injonction n'avait
été prononcée dans 19 départements en 1995,
même si 31 départements disposaient désormais d'une
convention départementale d'objectifs pour la prise en charge des
toxicomanes suivis par la justice. En 1996, en France métropolitaine,
sur 175 tribunaux de grande instance, 17, soit 10 %, n'avaient
prononcé aucune mesure et 13 % en avaient prononcé plus de
100.
Ces disparités régionales peuvent difficilement s'expliquer par
la seule présence ou absence d'usagers de stupéfiants dans les
régions
86(
*
)
, même
si les disparités dans les poursuites résultent notamment du
nombre d'affaires soumises au parquet. Malgré les circulaires et les
formations destinées aux magistrats, ces derniers sont toujours
perplexes sur le rôle de la justice pénale dans la prise en charge
des usagers. M. Setbon
87(
*
)
note que les magistrats des parquets les plus farouchement opposés
à l'injonction thérapeutique réfutent la
réalité même de l'usage de l'héroïne, en
estimant que tout consommateur est également vendeur, ce qui exclut
l'orientation pénale vers une injonction thérapeutique.
On notera que les données administratives publiées ne
répartissent pas les injonctions thérapeutiques par produit
.
Néanmoins, il apparaît que la part de chaque produit dans les
injonctions thérapeutiques prononcées est variable selon les
juridictions et montre une évolution vers une diversification des
produits.
La part de l'héroïne a tendance à baisser, du fait du
développement des traitements de substitution. La part de la
cocaïne est non négligeable dans la banlieue parisienne où
elle tend à augmenter.
Certains parquets appliquent l'injonction thérapeutique à tous
les usagers de drogues illicites, quel que soit le produit consommé,
ecstasy, cannabis ou héroïne. Les injonctions thérapeutiques
s'appliquent majoritairement à des usagers de cannabis (en 1997,
seulement 36 % des mesures concernaient les héroïnomanes),
contrairement aux orientations interministérielles recommandant de les
réserver aux usagers toxico-dépendants.
Selon une enquête effectuée en 1996 auprès des parquets,
une majorité d'entre-eux mettait en oeuvre l'injonction
thérapeutique pour les usagers de cannabis, alors même que
certains relativisaient l'existence d'un état de dépendance pour
ceux-ci. Les parquets plutôt favorables aux poursuites pénales des
usagers de stupéfiants tendaient à prononcer les injonctions
thérapeutiques pour le cannabis, tandis que ceux qui voulaient
éviter les poursuites classaient sans suite pour le cannabis et
prononçaient l'injonction thérapeutique pour les autres drogues.
L'extension de la conception de l'injonction thérapeutique,
intégrant des préoccupations de suivi socio-éducatif, de
prise en charge psychologique et de délivrance d'un message
préventif et informatif en terme de santé publique, a
également été diversement appréciée par les
tribunaux de grande instance.
(c) Un cloisonnement des acteurs préjudiciable
Les
réponses judiciaires à la toxicomanie demeuraient encore trop
marquées par le cloisonnement des interventions des différents
acteurs du processus (police, justice, autorité sanitaire),
malgré quelques progrès. Ainsi, si les circulaires des gardes des
Sceaux successifs depuis 1978 recommandaient pour les usagers de
privilégier le soin et la réinsertion, les interpellations pour
usage avaient plus que doublé en cinq ans, avec une proportion
croissante d'usagers de cannabis (environ 85 % en 1998), alors que moins
de 5 % de ces interpellations donnaient lieu à des condamnations
pénales, rarement sévères.
Par ailleurs, si la circulaire du 25 août 1971 indiquait
déjà : «
il est évident que
l'application des prescriptions exige une concertation réelle entre les
magistrats du parquet et les responsables des services de l'action sanitaire et
sociale de manière à définir en commun les
modalités pratiques qui donneront à la loi son maximum
d'efficacité. A cette fin, des rapports étroits seront
entretenus
avec les services intéressés et les magistrats
des parquets ne devront pas hésiter à prendre l'initiative de les
établir »
, tel n'a pas été le cas partout.
De même, certains parquets ont expérimenté certaines
procédures originales, comme l'incitation aux soins, afin de pallier
l'inertie des DDASS.
b) La politique du gouvernement pour la période 1999-2001 : des intentions louables
La politique du précédent gouvernement en matière de répression de l'usage des drogues illicites s'est articulée autour du plan triennal 1999-2001 de la MILDT, décliné, s'agissant de la réponse judiciaire, dans la circulaire du garde des Sceaux du 17 juin 1999 et, s'agissant de la réponse répressive, dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 11 octobre 1999.
(1) Le plan triennal 1999-2001 de la MILDT
Ce
plan triennal adopté le 16 juin 1999 vise à définir les
conditions d'une meilleure articulation entre les politiques sanitaire et
répressive.
S'il n'envisage pas une modification de la loi du 31 décembre 1970, qui
réprime le simple usage d'une peine d'emprisonnement pouvant aller
jusqu'à un an, il recentre la lutte sur le trafic, tout en rappelant
l'interdit aux usagers.
Comme l'a indiqué lors de son audition Mme Nicole Maestracci, ancienne
présidente de la MILDT : «
Sur l'application de la
loi, nous avons essayé de mieux articuler l'action de la justice et
l'action sanitaire et sociale par des conventions entre les services de soins
et les procureurs de la République (...).
L'objectif est que
l'ensemble des usagers qui ont affaire à la justice pour une
consommation excessive d'alcool ou un délit lié à la
drogue puissent bénéficier d'une orientation sanitaire et
sociale, quelle que soit la sanction pénale par ailleurs :
s'ils ont commis d'autres délits, ils peuvent avoir une sanction
pénale et, en même temps, une orientation sanitaire et
sociale.
».
Une diversification des réponses judiciaires offertes est donc
préconisée à tous les stades de la procédure.
Les conventions départementales d'objectifs justice-santé
,
qui définissent localement les priorités de la politique
judiciaire à l'égard des usagers de substances psychoactives
(drogues illicites, alcool, polyconsommations) sont l'outil principal de cette
politique, en appuyant financièrement les structures socio-sanitaires
susceptibles d'accueillir les publics orientés par les instances
judiciaires.
(a) Des objectifs compris et partagés par tous les acteurs
Le plan
préconise que les objectifs poursuivis par la répression de
l'usage soient partagés par tous les acteurs de la politique publique,
qu'ils aient une action sanitaire ou répressive, grâce à
une formation spécifique. Il rappelle que ces objectifs sont de diminuer
les consommations, d'éviter le passage de l'usage à l'usage
abusif, en particulier chez les jeunes, de diminuer la délinquance
liée à la situation sociale et sanitaire des toxicomanes, ainsi
que les dommages sanitaires et sociaux subis par les consommateurs excessifs ou
dépendants, en les mettant en contact avec les structures du
réseau sanitaire et social.
Soulignant que les logiques d'ordre public et de santé publique devaient
être indissolublement liées, il préconise de
réserver les poursuites aux cas où l'usager est source de danger
pour lui-même ou pour son environnement.
L'injonction thérapeutique doit par ailleurs être
réservée aux usagers toxicodépendants, d'autres
alternatives sociopsychologiques devant être trouvées pour les
autres consommateurs.
Une telle diversification des réponses judiciaires nécessite la
mise en place de permanences d'orientation sanitaire et sociale, servant
d'interlocuteur spécialisé pour éclairer les
décisions des magistrats et assurer le suivi des mesures.
(b) Prévenir la récidive en privilégiant les alternatives à l'incarcération et le suivi à la sortie de la prison
Pour les
toxicomanes les plus en difficulté et les plus susceptibles de
récidiver, la mesure d'individualisation doit devenir la règle.
En l'absence de délit connexe, les usagers de drogues doivent
systématiquement pouvoir bénéficier de mesures
alternatives à l'incarcération.
En outre, la détention doit être l'occasion d'entamer une
démarche de soins, qui doit se prolonger après la sortie de
prison.
(c) La généralisation des conventions départementales d'objectifs comme instruments de mise en oeuvre des orientations de politique pénale
Le plan s'appuie sur les CDO, créées en 1993 et généralisées à l'ensemble des départements. Ce dispositif doit être adapté aux besoins identifiés localement par les autorités judiciaires et les services relevant du ministère de la justice (orientation et prise en charge des usagers interpellés, classement sous condition, prise en charge des mineurs toxicomanes, contrôle judiciaire socio-éducatif, condamnation assortie d'une obligation de soins, développement du travail d'intérêt général ou de mesures d'aménagement de la peine de prison, type semi-liberté ou liberté conditionnelle, intervention en détention, prise en charge immédiate des sortants de prison).
(2) La circulaire Guigou du 17 juin 1999 : utiliser la réponse judiciaire aux toxicomanies comme tremplin pour une orientation sanitaire ou psychosociale
Cette
circulaire décline les orientations du plan triennal de la MILDT
s'agissant des usagers de drogues sous main de justice.
Elle considère que l'approche judiciaire ne peut être
limitée au seul produit, ni au seul aspect sanitaire de la situation
d'un toxicomane, mais que les magistrats doivent tenir compte de la
personnalité de l'intéressé, de son mode de consommation
et du contexte général dans lequel il évolue (famille,
activité professionnelle, scolaire, domicile, conditions de vie...),
afin d'individualiser le choix de la mesure, à tous les stades de la
procédure, depuis l'interpellation jusqu'à la sortie de prison.
La réponse judiciaire doit participer à la lutte contre la
récidive en évitant l'engrenage de la délinquance et
l'exclusion des toxicomanes.
Elle insiste sur la nécessité pour les magistrats de
systématiquement trouver un interlocuteur compétent dans le champ
sanitaire et social pour l'orientation de tout usager interpellé, et les
invite à s'appuyer sur les permanences d'orientation pénales et
les services chargés de l'exécution des injonctions
thérapeutiques.
Elle reconnaît enfin que la démarche effectuée par un
toxicomane pour lutter contre son lien de dépendance est
nécessairement longue et souvent chaotique, et qu'une nouvelle
consommation de produits illicites ne signifie pas automatiquement que cette
démarche est vouée à l'échec.
(a) Une enquête de personnalité plus approfondie à tous les stades de la procédure
Les
procureurs de la République doivent ainsi recourir aux enquêtes
sociales rapides prévues à l'article 41 du code de
procédure pénale, après concertation avec les services
pénitentiaires d'insertion et de probation et les associations
habilitées. La personne chargée de l'enquête sociale doit
notamment informer le magistrat des mesures propres à favoriser
l'insertion sociale et professionnelle de l'usager de drogues et formuler des
propositions. Elle recueille des informations auprès de la famille, des
établissements scolaires et dans le milieu professionnel ainsi
qu'auprès des services judiciaires le cas échéant.
Dans le cadre d'informations judiciaires, l'intérêt des
enquêtes sur la personnalité (article 81 du code de
procédure pénale), permettant une investigation approfondie sur
la personne dépendante, mais également sur ses
possibilités de réinsertion, et surtout des expertises
médico-psychologiques ou psychiatriques, est rappelé.
Par ailleurs, lorsque le juge de l'application des peines est saisi par le
ministère public (article D 49-1 du code de procédure
pénale), un rapport sur la situation de la personne condamnée en
lien avec une conduite addictive devrait être établi, afin
d'éviter les effets désocialisants d'une courte
incarcération, comme la perte d'un emploi ou la rupture d'une prise en
charge.
Dans l'hypothèse d'une détention, les procureurs de la
République sont invités à rédiger une notice
relative à la situation de chaque détenu toxicomane,
destinée à l'administration pénitentiaire afin de
permettre une individualisation du suivi en milieu carcéral.
(b) L'adaptation des réponses judiciaires tout au long de l'enquête initiale
En ce
qui concerne les interpellations et les placements en garde à vue
d'usagers de stupéfiants, les procureurs de la République doivent
attirer l'attention des
services de police et de gendarmerie sur les
personnes dont la consommation cause des dommages sanitaires ou sociaux pour
elles-mêmes ou pour autrui.
Les interpellations, du seul chef d'usage de stupéfiants, à
proximité immédiate des structures à bas seuil ou des
lieux d'échange de seringues sont proscrites. En tous lieux, le seul
port d'une seringue ne doit plus être considéré comme
susceptible de justifier une interpellation. De plus, les traitements de
substitution doivent être assurés au cours de la garde à
vue.
S'agissant du parquet, il est recommandé une fois de plus que le parquet
saisi soit celui du lieu de domicile de l'usager, afin de permettre un
réel suivi.
La circulaire appelle en outre à une diversification des alternatives
aux poursuites, l'injonction thérapeutique devant prioritairement
toucher les personnes dépendantes. Elle confirme donc la circulaire du
28 avril 1995 la réorientant vers les héroïnomanes et autres
toxicomanes faisant un usage massif ou répété de produits
illicites.
Le rappel à la loi, sous la forme d'un classement des poursuites avec
avertissement, est donc à privilégier s'agissant des
consommateurs occasionnels de produits stupéfiants, et surtout de
cannabis, dont la situation ne paraît pas nécessiter de soins mais
justifie une réponse judiciaire. Le classement avec orientation vers une
structure sanitaire, sociale ou professionnelle paraît plus adapté
pour les usagers de substances psychoactives dont l'interpellation laisse
paraître soit des difficultés d'ordre familial, médical,
social, professionnel ou scolaire, soit un usage récréatif, comme
les personnes consommant de l'ecstasy lors de raves, et qui peuvent ainsi se
voir délivrer un message de prévention sanitaire, soit les
héroïnomanes ou cocaïnomanes lors de leur première
interpellation lorsqu'ils ne paraissent pas relever de l'injonction
thérapeutique. Ceux-ci peuvent également se voir appliquer un
classement sous condition de se rendre auprès d'une structure
désignée.
La DDASS, structure pivot, doit rechercher la réponse la plus
adaptée. Il est par ailleurs rappelé que les articles L. 355-16
et L. 355-17 du code de la santé publique prévoient que
l'autorité sanitaire contrôle le déroulement du traitement
et informe régulièrement le parquet de la situation
médicale et sociale de la personne, notamment en cas d'interruption du
traitement.
(c) L'adaptation des réponses judiciaires dans la phase pré-sentencielle
Entre
l'engagement des poursuites et l'audience de jugement, le prévenu doit
être particulièrement sensibilisé à
l'intérêt de commencer une démarche d'insertion ou de
soins.
L'incitation aux soins
doit permettre à la personne poursuivie
d'entamer une démarche de soins avant de se présenter devant le
tribunal correctionnel, qui en tiendra compte lors de son jugement. La
convocation à l'audience ne doit donc pas être trop
rapprochée (quatre mois). Ce pôle d'orientation et
d'accompagnement a déjà été développé
par certaines juridictions sous la forme d'une « permanence
toxicomanie » tenue par des partenaires sociaux ou sanitaires. Cette
orientation ne constitue pas une obligation pour le prévenu, et lui seul
peut informer la juridiction de jugement de l'avancée de sa
démarche. Elle est également possible dans le cadre d'un
ajournement de peine simple.
En outre, les
mesures de contrôle judiciaire
, et notamment de
contrôle judiciaire socio-éducatif (article 138 du code de
procédure pénale) font partie d'un cadre coercitif fort.
Au-delà du mandat de surveillance assigné au contrôleur
judiciaire, celui-ci peut développer une mission d'aide et d'assistance
(en matière de soins, d'insertion sociale, de difficultés
personnelles ou familiales...).
(d) L'adaptation des réponses judiciaires dans les phases sentencielle et post-sentencielle : l'emprisonnement ferme à l'encontre d'un usager n'ayant pas commis d'autre délit connexe, utilisé comme un ultime recours
La
circulaire préconise de recourir plus fréquemment aux
ajournements de peine, aux peines alternatives à l'incarcération
et aux mesures d'aménagement de peines, rarement prononcées en
faveur des toxicomanes, alors qu'il s'agit de mesures structurantes, dont la
mise en oeuvre à l'égard des personnes présentant une
dépendance avérée aux opiacés est aujourd'hui
facilitée par les traitements de substitution, permettant une
stabilisation de leur état. En 1998, les services de l'administration
pénitentiaire ont suivi plus de 138.000 mesures, dont 105.000
mesures de sursis avec mise à l'épreuve, 24.000 mesures de
travail d'intérêt général et 763 mesures
d'ajournement avec mise à l'épreuve.
L'ajournement de peine
avec mise à l'épreuve permet de
responsabiliser le prévenu, à qui le travailleur social peut
rappeler l'échéance du jugement comme ultime recours à son
inertie. Il permet la mise en oeuvre d'un suivi socio-éducatif
général, d'un accompagnement dans le cadre de démarches de
soins, mais aussi d'actions à vocation préventive comprenant des
séances d'information sur les produits et leurs effets.
La circulaire souligne toutefois que cette mesure n'est pleinement
opérationnelle que si elle est mise en oeuvre immédiatement, et
préconise la tenue par le service pénitentiaire d'insertion et de
probation de permanences d'audition afin que dès la sortie de
l'audience, une convocation soit fixée au prévenu et que les
pièces nécessaires à la notification de la mesure par le
juge de l'application des peines soient rapidement rassemblées.
Le sursis avec mise à l'épreuve
, du fait de sa grande
souplesse, est la principale sanction alternative prononcée par les
juridictions. L'obligation de soins consiste à amener la personne
à prendre contact avec un établissement sanitaire, puis à
s'engager dans une démarche de soins. La circulaire constate une
amélioration du partenariat avec les structures
spécialisées. Il doit prendre en compte l'ensemble des
difficultés d'insertion et repose donc sur la mise en oeuvre d'un suivi
socio-éducatif des condamnés réalisé par le service
d'insertion et de probation, et sur une orientation de ceux-ci vers les
dispositifs de droit commun : aide sociale, mission locale pour les
jeunes, formation professionnelle.
S'agissant
du travail d'intérêt général
, la
circulaire rappelle qu'il peut notamment être prononcé à
titre de peine principale (article 131-8 du code pénal), comme
obligation particulière dans le cadre d'une peine d'emprisonnement avec
sursis (article 132-54 du code pénal) ou comme conversion d'une courte
peine d'emprisonnement (article 132-57 du code pénal). Le TIG est une
peine alternative en vigueur depuis 1983 qui ne peut être
prononcée qu'avec l'accord du condamné. Il s'agit d'un travail
non rémunéré d'une durée de 40 à 240 heures
maximum, au profit d'une collectivité locale ou d'une association.
Les personnes toxicomanes bénéficient rarement de cette mesure,
et ne s'intègrent souvent que difficilement aux postes de travail
habituellement prévus à cet effet par les collectivités et
établissements publics et les associations habilitées. Ces
difficultés ont conduit plusieurs magistrats et services d'insertion et
de probation à définir des modalités spécifiques de
mise en oeuvre du travail d'intérêt général pour les
personnes toxicomanes reposant sur l'idée de progressivité dans
l'exécution du travail, intégrant des mesures éducatives
particulières et s'appuyant sur un partenariat soutenu.
L'exécution proprement dite d'une activité non
rémunérée au sein d'une équipe de travail peut
être précédée d'une période de
préparation (bilan sanitaire, soutien psychologique, remise à
niveau scolaire, bilan professionnel...), qui ne peut être ajoutée
à la durée du TIG prononcée par la juridiction. Un
accompagnement éducatif ou sanitaire au cours de la mesure est
indispensable, afin de préparer la sortie du dispositif et de
prévenir la récidive. Il doit donc englober la recherche d'une
insertion durable de l'intéressé, qu'il s'agisse de
l'hébergement, de la situation administrative, des ressources ou des
perspectives professionnelles ou de formation. La circulaire préconise
la prise en charge rapide des personnes condamnées, grâce à
l'exécution provisoire de la décision et à la tenue de
permanences par les services pénitentiaires d'insertion et de probation
pendant les audiences correctionnelles.
En outre, elle invite les juges de l'application des peines et les services
pénitentiaires d'insertion et de probation à rechercher des modes
de collaboration plus actifs et plus structurés avec les partenaires de
l'institution judiciaire et à présenter
régulièrement aux juridictions de jugement les projets
déjà mis en place ainsi que leur évaluation.
Enfin, la circulaire indique que lorsque la nature des faits, les
antécédents judiciaires et la personnalité du
prévenu justifient le prononcé d'une
peine d'emprisonnement
ferme
, la période de détention doit être mise à
profit pour favoriser une prise en charge des problèmes de
dépendance du condamné dès son accueil par un
meilleur repérage des personnes toxicomanes en vue d'une orientation
vers les structures sanitaires ou spécialisées et de
l'établissement d'un projet d'exécution des peines et de
préparation à la sortie.
Elle déplore en outre la diminution du nombre de
libérations
conditionnelles
, susceptibles pourtant de mieux préparer la sortie
des détenus incarcérés et d'éviter la
récidive. Le bénéfice de cette mesure peut être
subordonné à une obligation de soins, mais nécessite une
préparation précoce et rigoureuse de la part des services
d'insertion et de probation afin d'assurer la crédibilité des
projets présentés à la commission d'application des
peines.
S'agissant du
placement à l'extérieur
(article D. 126
du code de procédure pénale), exécuté soit sous
surveillance pénitentiaire directe soit par délégation
à un tiers (employeur, famille, partenaire sanitaire), la
circulaire indique qu'il peut être accordé en vue d'une prise en
charge sanitaire, mais que cela reste rare, l'obstacle majeur résidant
dans la prise en charge sanitaire, qui exige la création d'un
partenariat réel et efficace. Or cette mesure facilite dans un cadre
relativement contraignant l'élaboration d'un projet social ou
socio-professionnel (contrat emploi-solidarité, stage de formation
professionnelle) et dans le même temps la mise en place d'un suivi
sanitaire.
Enfin, elle souligne le faible nombre des
projets de
semi-liberté
.
Les diverses suites données aux interpellations d'usagers se
présentent comme suit, étant rappelé que l'objectif de la
directive de la Chancellerie du 17 juin 1999 était de
développer toutes les alternatives à l'incarcération et de
permettre une orientation psychosociale ou sanitaire à tout stade de la
procédure.
Parcours de l'usager de substances psychoactives (drogues
illicites)
dans la chaîne pénale
POLICE
GENDARMERIE
DOUANES
Interpellation
(constatation de l'infraction)
Orientation pénale
(enquête et décision
de
poursuite)
Réponse judiciaire
(jugement et fixation
de la sanction)
Exception
de la peine
(application des peines)
Classement sans suite
Alternative
aux poursuites
(classement sans suite provisoire)
Interpellation
(a)
Injonction thérapeutique
(b) Classement avec rappel à la loi et/ou avertissement
(c) Classement avec orientation sanitaire et/ou sociale
Transactions douanières pour ILS
Sanction
Mesure
présentencielle (avant jugement)
(a) Contrôle judiciaire
(b) Liberté surveillé, placement...
(c) Enquête sociale
Amende
Peine
alternative à incarcération
Emprison
nement
(a) Travail
d'intérêt général (TIG)
(b) Peine de substitution
(c) Mesure éducative
- * Avec sursis
(b) Probatoire
(c) TIG
(a) Partiel
(b) Total
Ferme
(a) Placement à l'extérieur
(b) Semi-liberté
(c) Liberté conditionnelle
Poursuite
PARQUET
TRIBUNAL
(e) L'adaptation des réponses judiciaires aux problématiques des mineurs usagers de drogues
La
circulaire souligne l'importance pour les jeunes, quand l'usage existe, de
prévenir sa répétition ou son abus.
A l'égard des mineurs ne présentant pas de difficulté
personnelle ou sociale méritant une intervention éducative et
impliqués dans un simple usage ou une revente occasionnelle, elle
privilégie des mesures de
rappel à la loi et de classement
sous condition
, de non renouvellement notamment, notifiées aux
intéressés et à leurs représentants légaux
par le substitut spécialement chargé des affaires de mineurs ou
par le délégué du procureur de la République. Une
évaluation par le service éducatif auprès du tribunal est
préconisée, suivie si cet usage se révèle important
d'une saisine du juge des enfants aux fins d'investigations approfondies.
En raison de leurs modes d'intoxication, les mineurs ne sont
qu'exceptionnellement concernés par la mesure d'injonction
thérapeutique, qui nécessite en ce qui les concerne l'avis des
parents.
S'agissant de mineurs fortement impliqués dans la diffusion des
produits, au sein des écoles ou à l'extérieur ou
récidivistes, la circulaire préconise la
saisine
systématique du juge des enfants ou du juge d'instruction
spécialisé dans les affaires de mineurs
, dans le cadre de
l'ordonnance du 2 février 1945. En ce qui concerne les
enquêtes et les éléments de personnalité, les
services éducatifs auprès des tribunaux peuvent être saisis
pour recueillir des renseignements socio-éducatifs comme le
prévoit l'article 12 de l'ordonnance du 2 février 1945,
susceptibles d'être complétés
ultérieurement
88(
*
)
.
Elle propose en outre de recourir à toute la palette de réponses
éducatives de l'ordonnance du 2 février 1945 :
mesures de liberté surveillée, de mise sous protection
judiciaire ou de placement en établissement éducatif ou
sanitaire.
Elle appelle également au développement de protocoles de
collaboration entre la protection judiciaire de la jeunesse et le secteur
sanitaire, l'usage de drogue pouvant nécessiter une prise en charge
sanitaire en complément d'une mesure éducative.
La consommation de drogues constituant parfois le symptôme de
difficultés d'ordre à la fois personnel, familial et social, elle
invitait les parquets de mineurs à demander à être
systématiquement avisés de ces situations afin qu'ils puissent
saisir les juges des enfants à chaque fois qu'apparaissait une notion de
danger pour permettre une évaluation approfondie de la situation dans sa
globalité.
(3) L'objectif de la circulaire Chevènement du 11 octobre 1999 relative au renforcement de la lutte contre l'usage et le trafic local de stupéfiants : préciser la place de la police dans la chaîne judiciaire
La
circulaire du 11 octobre 1999 relative au renforcement de la lutte contre
l'usage et le trafic local de stupéfiants vise notamment à
expliciter les orientations de la MILDT à des policiers parfois
perplexes.
Elle part du constat que les policiers, dans leurs missions quotidiennes sur la
voie publique, sont souvent le premier contact entre l'usager de drogue et le
monde institutionnel. Elle préconise que ce contact puisse être
décliné sous tous ses aspects : prévention de
l'usage, marque de l'interdit, aide à la décision judiciaire.
Si la circulaire rappelle que doivent être privilégiés les
contrôles susceptibles de conduire à l'interpellation d'usagers
dont la situation sanitaire ou le comportement font courir des risques non
seulement à eux-mêmes, mais aussi à autrui, elle la nuance
sur deux points :
- ces priorités sont sans préjudice de l'action des services
commandée par un contexte particulier tels que le flagrant délit,
le trouble à l'ordre public, la requête de riverains,
l'intérêt d'une enquête ... ;
-
« cette priorité ne dispense pas, par ailleurs,
d'intervenir à propos des consommations de tous les produits
prohibés par la loi, notamment le cannabis
», connu pour
accompagner ou générer une polytoxicomanie avec d'autres
produits, tel l'alcool, des comportements délictuels, dangereux
(conduite de voiture), des troubles à l'ordre public et des
incivilités à l'origine du sentiment d'insécurité
dans les quartiers sensibles.
Par ailleurs, il convient, lorsqu'elles sont inexistantes, de définir en
concertation avec le chef de projet les modalités d'action des services
de police à proximité immédiate des structures d'accueil
de toxicomanes dépendants et des lieux d'échanges de seringues.
En matière d'usage, il est nécessaire d'éviter tout lien
automatique entre l'interpellation et la garde à vue. Les chefs de
service doivent mener en étroite concertation avec les parquets une
réflexion sur les critères (nature du produit, type et
fréquence de consommation, absence de trouble à l'ordre public,
personnalité et antécédents de l'usager -récidive,
insertion sociale, domiciliation-, capacité du service à traiter
la procédure immédiatement ou rapidement, urgence d'un traitement
médical...).
«
Le cas des mineurs justifie une attention
particulière. A leur égard aucune consommation ne doit être
considérée comme anodine
. »
La circulaire
souligne qu'il faut tendre à la responsabilisation des parents et
à leur information. Leur audition est indispensable, au-delà de
leur reconnaissance sur le plan de la responsabilité civile, tant pour
les sensibiliser aux dangers encourus que pour les renseigner sur les
dispositifs d'aide existants.
L'accomplissement de ces diligences conduit généralement à
un placement en garde à vue. En outre, il peut être utile de faire
procéder à un examen médical. Dans cette hypothèse,
une mesure de garde à vue s'impose.
Les services de police doivent s'attacher à mettre le parquet en
position de choix en lui fournissant toutes les informations dont il peut
disposer, notamment s'agissant du recueil d'informations précises sur la
personnalité du mineur, nécessaire à la décision du
parquet, voire à la saisine du juge des enfants en matière
d'assistance éducative.
L'ensemble de ce dispositif ambitieux semblait donc a priori cohérent
et réaliste, un consensus existant sur l'opportunité
d'éviter la prison aux toxicomanes, ce lieu pouvant les inciter à
essayer de nouveaux produits. Néanmoins, on pouvait craindre qu'il soit
interprété par les usagers de drogues, notamment
récréatifs, comme une certitude de pouvoir consommer en paix. Par
ailleurs, la question de la capacité des structures sanitaires et
psychosociales à accueillir ces personnes était également
posée.
c) Des résultats qui peuvent être diversement appréciés
La commission d'enquête s'est interrogée tant sur le degré de réalisation des objectifs fixés par le plan triennal 1999-2001 que sur leur pertinence au regard des priorités de lutte contre les drogues illicites.
(1) Une évaluation du plan par l'OFDT
L'OFDT a été chargé par le comité interministériel de lutte contre la drogue et la toxicomanie de procéder à une évaluation du plan. Ainsi que l'a indiqué à la commission d'enquête son directeur, M. Jean-Michel Costes, « l'évaluation ne porte pas sur la pertinence du plan, en termes techniques, c'est-à-dire sur l'adéquation éventuelle entre les objectifs qui avaient été déterminés à l'époque et les enjeux, mais sur ce qu'on appelle l'effectivité, pour déterminer le degré de réalisation des objectifs du plan triennal affichés au départ. »
(2) Des difficultés méthodologiques certaines
Le
rapport de l'OFDT
89(
*
)
a tout
d'abord souligné les difficultés méthodologiques
rencontrées : «
Une évaluation complète
aurait eu vocation non seulement à apprécier les principaux
effets du dispositif des CDO, mais également à tenter de
caractériser l'évolution des pratiques pénales intervenue
depuis trois ans. Les sources d'information disponibles ne l'ont pas permis.
Elles se sont révélées partielles, dispersées, et
souvent incompatibles entre elles. (...) La qualité des réponses
pénales apportées aux problématiques d'usage de drogues
n'a donné lieu qu'à une faible quantité d'expertises, du
moins en France. Leur champ d'analyse reste circonscrit et leurs conclusions
sont fondées sur des données limitées. »
Ainsi, il est actuellement impossible, de suivre d'un bout à l'autre
du processus pénal le parcours des usagers de drogues.
Les
statistiques ne permettent pas de répondre globalement à la
question du développement des orientations socio-sanitaires aux
différents stades de la filière pénale.
Les données sont généralement présentées
pour une infraction principale, alors que les deux tiers des condamnés
pour infraction à la législation sur les stupéfiants le
sont pour plusieurs infractions, ce qui aggrave le manque de visibilité
statistique. La variabilité des définitions de l'usager d'une
source à l'autre fausse tout suivi statistique.
La part des alternatives aux poursuites des auteurs d'infractions à
la législation sur les stupéfiants (en particulier des usagers
simples) n'est pas distinguée dans les chiffres nationaux
. De plus,
les alternatives aux poursuites proposées aux auteurs d'infractions
à la législation sur les stupéfiants ne sont pas
détaillées systématiquement dans les statistiques des
parquets, ni par type de contentieux (usage, détention, cession ou
trafic), ni par type de procédure alternative (orientation vers une
structure sanitaire et sociale, avertissement, rappel à la loi). La
plupart du temps, seules sont distinguées les injonctions
thérapeutiques.
Le rapport de l'OFDT a donc étudié un échantillon
constitué des seules données produites par l'ensemble des
parquets franciliens (à l'exception de la Seine-et-Marne) relevant des
cours d'appel de Paris et de Versailles : Paris, Créteil, Bobigny,
Nanterre, Pontoise, Evry et Versailles. Une projection nationale à
partir de ces résultats semble non fondée, l'Ile-de-France
étant atypique en matière de contentieux des infractions à
la législation sur les stupéfiants.
(3) Des objectifs diversement réalisés
(a) En matière d'intégration des objectifs socio-sanitaires dans
l'approche pénale
En ce
qui concerne
l'intégration par les acteurs répressifs et
sanitaires des objectifs socio-sanitaires dans l'approche pénale
des
usagers justiciables, le rapport estime que la sensibilisation des acteurs
répressifs aux besoins des usagers s'est faite essentiellement à
travers le partenariat local, mais qu'elle semble encore insuffisante,
même si le chiffre des personnes sensibilisées n'est pas connu. Il
préconise donc d'étudier les obstacles à l'application des
préoccupations socio-sanitaires par les acteurs répressifs.
La sensibilisation des acteurs sanitaires aux enjeux de la politique
pénale se heurte au problème récurrent du secret
professionnel
. Les soignants font valoir l'éthique médicale
au détriment du rôle d'expert, auxiliaire de justice, qui est
attendu d'eux. Certains estiment ainsi ne pas devoir transmettre plus qu'un
simple certificat de suivi. A cet égard, M. Yves Bot,
procureur de la République de Paris, a indiqué à la
commission d'enquête que «
le magistrat est tenu au courant
du résultat dans la mesure où le secret médical est
préservé. Cela veut dire qu'il sait si la personne s'est soumise
à l'injonction thérapeutique ou non. (...) Cependant, nous ne
savons pas ce qui s'est passé, ce qu'a fait l'équipe
médicale ou médico-psychologique, ni le traitement qu'elle a
prescrit. Je dois dire que cela ne me paraît pas anormal.
»
D'autre part, les personnels médicaux et sociaux estiment que la
démarche de soins doit être demandée par le patient, une
obligation s'avérant sans efficacité réelle.
Les dispositifs locaux de partenariat développés dans le cadre de
la politique de la ville ou des contrats locaux de sécurité (CLS)
ont permis une amélioration des relations entre magistrats et personnels
médicaux et sociaux. Sur un échantillon de 173 CLS
étudiés, 85 % disposaient d'un volet toxicomanie.
Malgré l'absence d'outil de suivi, on peut estimer que le
problème a été traité uniquement sur le plan
sécuritaire.
(b) En matière de capacité des dispositifs socio-sanitaires à prendre en charge les usagers
Le
rapport a ensuite évalué la
capacité des dispositifs
socio-sanitaires à prendre en charge les usagers justiciables
à tous les stades de la filière pénale
90(
*
)
.
Les
conventions départementales d'objectifs (CDO)
ont
été créées par la circulaire
interministérielle du 14 janvier 1993 et mises en place dans 15
départements prioritaires et Paris, avant d'être
généralisées dès 1999 à l'ensemble des
départements métropolitains et étendues en 1998 aux
personnes sous main de justice ayant des difficultés avec l'alcool.
Elles sont l'instrument principal de la circulaire et sont destinées
à améliorer la prise en charge sanitaire et sociale des
toxicomanes placés sous main de justice et à mieux
prévenir la récidive et proposent des réponses
adaptées aux besoins identifiés dans les départements par
les autorités judiciaires, conjointement avec les autorités
sanitaires.
Ce dispositif prend la forme de conventions d'objectifs triennales,
élaborées par le préfet de département et le
procureur de la République près le tribunal de grande instance du
chef-lieu de département, puis de conventions annuelles de prestation
conclues entre le préfet, l'autorité judiciaire et la structure
bénéficiaire des fonds (association).
Les CDO sont financées par des crédits déconcentrés
de la MILDT, de 2,5 millions d'euros en 1998 à 9,9 millions en 2001. Ils
ont financé 203 structures en 1999, 286 en 2000 et 333 en 2001.
Si les structures spécialisées dans la prise en charge des
toxicomanes (CSST) et des alcoolo-dépendants (centre de cure ambulatoire
en alcoologie) représentent respectivement 31 % et 22 % des
opérateurs financés, les opérateurs du réseau
justice (mettant en oeuvre notamment les contrôles judiciaires et les
enquêtes rapides) sont mobilisés à hauteur de 22 %
ainsi que les opérateurs oeuvrant dans le champ de la lutte contre les
exclusions (25 % pour les centres d'hébergement et de
réinsertion sociale et les missions locales, points écoute...).
Ces conventions ont notamment pour vocation de soutenir financièrement
les associations assurant les « permanences toxicomanie »
au sein des tribunaux et celles chargées de la mise en oeuvre des
classements avec orientation sanitaire ou sociale. Les actions financées
par les CDO en 2000 concernent le soin (18 %), le suivi
psychologique (15 %), la prévention (15 %),
l'insertion professionnelle (18 %) et autres (orientation,
hébergement : 44 %).
Le nombre de personnes prises en charge est passé de 9.235 en 1999
à 20.069 en 2000 et 36.300 en 2001 (dont 957 mineurs et jeunes majeurs,
soit 6 % de la population prise en charge). Néanmoins, il semble
que certaines de ces personnes aient en fait déjà
été prises en charge par ailleurs. Cette première
rencontre avec le système de soins s'est d'ailleurs souvent
prolongée bien au-delà de l'obligation judiciaire.
Le dispositif a fait l'objet d'une évaluation spécifique rendue
publique par l'OFDT en décembre 2002. Elle a souligné la bonne
adhésion de l'ensemble des partenaires impliqués mais a fait
état du manque de cohérence et de vision d'ensemble des actions
menées en terme de politique pénale et a souligné
également l'insuffisance de la prise en charge des mineurs et des jeunes
majeurs.
Les rapports d'activité des CSST font apparaître une augmentation
du nombre d'usagers de drogues pris en charge par les CSST dans le cadre de
mesures judiciaires (de 10,5 % à 12 % de l'ensemble des
patients). Le nombre de nouveaux patients pris en charge s'est accru pour
passer de 14 % à 17 % de 1999 à 2000.
(c) En matière d'accès aux soins des interpellés
L'objectif d'amélioration de l'accès aux soins
à la suite de l'interpellation
reste diversement atteint.
Le
taux de réponse judiciaire
(poursuites et alternatives aux
poursuites) en matière d'infractions à la législation sur
les stupéfiants -pour deux tiers des cas d'usage- est remarquablement
élevé par rapport aux autres contentieux : 83,7 % en
2001 contre 67,1 % pour les autres, notamment s'agissant des mineurs
(88,7 %). Du fait d'un faible taux de classement sans suite
« sec », 4 usagers de drogues sur 5 interpellés se
trouvent donc en situation d'accéder à des soins.
Ainsi que l'a rappelé lors de son audition M. Yves Bot, procureur de la
République de Paris, «
le fait qu'un nombre important
d'infractions pour simple usage soient classées sans suite ne veut pas
dire qu'elles sont sans réponse. C'est l'une des matières pour
lesquelles il y a incontestablement de la marge pour ce qu'on appelle le rappel
à la loi et l'orientation. Quand on oriente une personne vers une
injonction thérapeutique, cela se traduit judiciairement, si elle est
menée jusqu'au bout, p ar un classement. (...) Dans ce cas, il y a eu
réponse.
Désormais, dans la politique pénale moderne
des parquets, le classement ne signifie pas obligatoirement absence de
réponse.
Il peut parfaitement y avoir des réponses :
c'est le problème du rappel à la loi, de la médiation et
de tout ce qu'on appelle la troisième voie, qui est contenu dans
l'article 41 du code de procédure pénale et qui permet justement
d'éviter les classements secs.
»
Dans les cas d'usage ou de détention impliquant des mineurs, près
des trois quarts des affaires donnent lieu à une alternative aux
poursuites. En 2001, dans les 7 juridictions de l'échantillon, 1.723
usagers simples de 15 à 17 ans ont été interpellés
(en quasi-totalité des usagers de cannabis). Sur 815 affaires impliquant
un mineur, 608 ont fait l'objet d'une procédure alternative aux
poursuites (dont 477 rappels à la loi ou avertissements, soit
78,5 % des mesures alternatives).
Le nombre de mineurs interpellés pour usage ou pour usage-revente
ayant fait l'objet d'un classement sans suite et d'une mesure alternative aux
poursuites
(en détaillant rappels à la loi, classements sous
condition, orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle
et injonctions thérapeutiques)
n'est pas une donnée
statistique disponible à ce jour pour l'ensemble de la France.
S'agissant des majeurs, dans les 7 parquets considérés, dans les
deux tiers des cas, l'usage comme la détention donnent lieu à une
mesure alternative, alors que pour les autres ILS (cession ou offre, trafic),
les poursuites sont largement majoritaires.
ORIENTATION PÉNALE DES PERSONNES INTERPELLÉES
POUR
USAGE
OU DÉTENTION DE STUPÉFIANTS (MAJEURS ET MINEURS)
Échantillon francilien, cours d'appel de Paris et de
Versailles,
année 2001
|
Nombre d'affaires |
Ratio
|
|
Usage |
9 174 |
100 |
|
Classement sans suite |
1 922 |
21,0 |
|
Procédure alternative aux poursuites |
5 611 |
61,2 |
100 |
Rappel à la loi/avertissement |
4 560 |
49,7 |
81,3 |
Injonction thérapeutique |
459 |
5,0 |
8,2 |
Orientation vers une structure sanitaire ou sociale |
276 |
3,0 |
4,9 |
Autres |
316 |
3,4 |
5,6 |
Poursuite |
1 641 |
17,9 |
|
Détention |
4 206 |
100 |
|
Classement sans suite |
511 |
12,2 |
|
Procédure alternative aux poursuites |
2 870 |
68,2 |
100 |
Rappel à la loi/avertissement |
2 287 |
54,4 |
79,7 |
Injonction thérapeutique |
259 |
6,2 |
9,0 |
Orientation vers une structure sanitaire ou sociale |
248 |
5,9 |
8,6 |
Autres |
76 |
0 |
2,7 |
Poursuite |
825 |
19,6 |
|
Source : Ministère de la Justice, DACG -
Données indicatives produites par l'Infocentre 2001
(chiffres
provisoires)
Néanmoins, dans 80 % des cas d'usage ou de détention, il s'agit d'un rappel à la loi ou d'un avertissement. Les alternatives socio-sanitaires ne concernent que 15 % des cas .
(d) En matière de recentrage de l'injonction thérapeutique
L'objectif de recentrage de l'injonction
thérapeutique sur
les usagers majeurs les plus dépendants
a été
diversement respecté. Le suivi des injonctions thérapeutiques ne
peut être fait avec exactitude en raison d'une modification du
décompte statistique. Cependant, en calculant le ratio d'injonctions
thérapeutiques déclarées par rapport au nombre d'usagers
simples interpellés, on note une légère augmentation de
1999 à 2001 : 5,6 % des interpellés contre 5,2 %
en 1999. Dans l'échantillon francilien, ce ratio est de 2,7 %, ce
qui confirme la diversité des pratiques des parquets en la
matière.
La réactivation de la mesure à la suite des effets clarificateurs
de la circulaire du 17 juin 1999, qui a précisé le public-cible
(les personnes dépendantes faisant un usage massif ou
répété de produits illicites, c'est-à-dire en
premier lieu les héroïnomanes et le cas échéant les
polytoxicomanes), a eu des
effets contradictoires selon les parquets
.
Néanmoins, cette circulaire ne semble pas avoir suffi à recentrer
l'injonction sur certaines cibles : sur un échantillon
limité, moins d'une mesure sur cinq financée par les CDO
concernait les héroïnomanes, soit encore moins qu'en 1997
(36 %). La
tendance à la prescription socio-sanitaire aux
usagers de cannabis s'est encore renforcée
puisqu'ils
représentent 71 % du public justiciable visé par une
orientation socio-sanitaire. On peut donc penser que dans un certain nombre de
cas de consommation restreinte ou récréative de cannabis,
l'injonction thérapeutique relève moins d'une
préoccupation sanitaire qu'elle ne sert de cadre à un suivi
socio-éducatif, à une prise en charge psychologique ou à
la délivrance d'un message préventif.
L'impossibilité de mesurer la déperdition des usagers entre le
prononcé de l'injonction et leur présentation à la DDASS
est l'un des obstacles majeurs à l'évaluation des effets
socio-sanitaires de la politique pénale. De plus, il est impossible
d'apprécier l'efficacité de l'injonction thérapeutique au
vu du taux de récidive, par rapport aux autre mesures mises en oeuvre
(classements sans suite, poursuites ou autres alternatives).
50 % des justiciables pris en charge par une structure sanitaire
financée dans le cadre des CDO l'ont été en phase
pré-sentencielle
. Un
quart d'entre eux l'était en
injonction thérapeutique
, la moitié dans le cadre d'une autre
alternative aux poursuites et un quart sous contrôle judiciaire.
Du point de vue de la prise en charge par les CSST, l'effectivité des
injonctions thérapeutiques semble s'être améliorée.
Le nombre des personnes adressées par les parquets au titre d'une
injonction thérapeutique a augmenté, mais leur part dans
l'ensemble des prises en charges a diminué au profit d'autres types
d'alternatives aux poursuites, notamment les classements avec orientation
sanitaire
91(
*
)
.
Ceci traduit l'intégration progressive dans les pratiques d'orientation
pénale des directives interministérielles et l'essor remarquable
des orientations sanitaires et sociales.
S'agissant de l'objectif de
développement des permanences
d'orientation sanitaire et sociale destinées à repérer les
usagers à problèmes pour les orienter immédiatement
après la présentation de la personne interpellée au
parquet, aucune donnée ne permet d'apprécier le nombre de TGI
dotés d'une telle permanence, pourtant primordiale.
(e) En matière de développement des peines alternatives
La
systématisation des peines alternatives au stade du jugement
devait
accompagner le recul des incarcérations pour usage simple de
stupéfiants.
Les contrôles judiciaires socio-éducatifs (qui visent à
favoriser l'insertion de l'intéressé) sont en augmentation
(près de 5.400 cas, dont les deux tiers sont traités par les
service pénitentiaires d'insertion et de probation, le tiers restant
relevant d'associations).
L'OBJECTIF DE DIMINUTION DU NOMBRE DE PEINES
D'EMPRISONNEMENT
DE MAJEURS POUR USAGE SIMPLE DE STUPÉFIANTS SE
POURSUIT
En 1998,
on dénombrait encore 690 peines d'emprisonnement ferme pour usage (soit
0,9 % de l'ensemble des usagers interpellés, contre 4,5 % en
1990). En 2001, 388 peines d'emprisonnement ferme pour usage ont
été prononcées (0,5 % des usagers
interpellés). Le recours à l'emprisonnement ferme pour usage de
stupéfiants fait donc toujours partie de la pratique judiciaire, en
dépit des préconisations du plan triennal et de la circulaire de
1999 le présentant comme un « ultime recours ». En
novembre 2000, on dénombrait ainsi 197 personnes en prison pour une
condamnation d'usage de stupéfiants en condamnation unique (une
trentaine de moins seulement qu'en 1994).
La circulaire du 17 juin 1999 recommande de systématiser les peines
alternatives pour les usagers de drogues en l'absence de délit connexe,
dans une perspective de prévention de la récidive.
Depuis 1990, les peines alternatives ont augmenté : jours-amende,
travail d'intérêt général. Durant la période
triennale, la part des peines alternatives s'est accrue, tant pour les
infractions à la législation sur les stupéfiants que pour
les usagers en infraction. Au sein des condamnations pour usage illicite (seul
ou associé à au moins une autre infraction), les peines
alternatives marquent une progression de 43 %.
CONDAMNATION À DES PEINES D'EMPRISONNEMENT
FERME,
À DES MESURES DE SUBSTITUTION OU À DES MESURES
ÉDUCATIVES
SELON LA NATURE DES MESURES OU LE MODE
D'EXÉCUTION
ET SELON LA NATURE DE L'INFRACTION
(en infraction
principale commise seule ou associée à d'autres)
|
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Infractions à la législation sur les stupéfiants |
|
|
|
|
ENSEMBLE des condamnations |
24.081 |
24.112 |
22.917 |
21.448 |
Peine d'emprisonnement ferme |
6.595 |
6.369 |
5.709 |
5.080 |
TIG |
561 |
511 |
504 |
435 |
Jours-amende |
531 |
671 |
781 |
1.043 |
TOTAL des mesures de substitution |
1.092 |
1.182 |
1.285 |
1.478 |
|
|
|
|
|
|
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Usage illicite |
|
|
|
|
ENSEMBLE des condamnations |
6.686 |
7.000 |
6.616 |
5.993 |
Peine d'emprisonnement ferme |
1.288 |
1.164 |
1.003 |
882 |
TIG |
172 |
200 |
188 |
143 |
Jours-amende |
262 |
327 |
327 |
445 |
TOTAL des mesures de substitution |
434 |
527 |
515 |
731 |
Source : Casier judiciaire, Ministère de la Justice, SDSED
Néanmoins, le nombre de TIG reste faible pour les
usagers
simples de stupéfiants (entre 130 et 150 mesures).
Parmi les peines alternatives à l'incarcération, les peines
d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve (SME)
prononcées à la suite d'une condamnation pour infraction d'usage
simple, principale sanction prononcée par les juridictions avant
l'adoption du plan, ont décliné, passant de 632 mesures en 1998
à 453 en 2000.
NOMBRE
DE CONDAMNATIONS À UNE MESURE D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS OU À
UNE AMENDE, OU À UNE MESURE DE SURSIS PROBATOIRE
SELON LA NATURE DE
L'INFRACTION (COMMISE SEULE OU ASSOCIÉE)
|
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Usage illicite |
|
|
|
|
Emprisonnement avec sursis |
2.831 |
2.903 |
2.659 |
2.253 |
Amende |
1.672 |
1.920 |
1.964 |
1.858 |
Sursis probatoire |
1.250 |
1.124 |
1.028 |
913 |
Infractions à législation sur les stupéfiants |
|
|
|
|
Emprisonnement avec sursis |
12.268 |
11.968 |
11.377 |
10.565 |
Amende |
3.203 |
3.502 |
3.494 |
3.396 |
Sursis probatoire |
4.294 |
4.070 |
4.036 |
3.774 |
Source : Ministère de la Justice, SDSED
L'ajournement avec mise à l'épreuve,
identifié
comme particulièrement pertinent pour un public d'usagers de drogues,
n'a pu être évalué. Toutefois, il semble rarement
prononcé. Il serait intéressant de le développer, cette
mesure pouvant placer le prévenu dans une dynamique de projet et de
responsabilisation.
Les
mesures alternatives à l'incarcération
ont donc connu
une
croissance peu importante. L'orientation socio-sanitaire ne semble pas
avoir été systématisée.
Pour sanctionner
l'usage simple, les juridictions ont privilégié les peines
classiques (amendes -en augmentation de 5 points-, peines d'emprisonnement avec
sursis), celles-ci y ayant eu recours dans environ un tiers des cas pour
chacune de ces mesures.
(f) En matière de rapprochement entre instances sanitaires et judiciaires
S'agissant du rapprochement entre instances sanitaires et judiciaires , le développement de l'offre par les prestataires socio - sanitaires n'engendre pas de transformation automatique des pratiques pénales. Les évaluateurs invitent la MILDT à favoriser un partenariat élargi en positionnant plus visiblement les parquets comme interlocuteurs des structures de prise en charge. De plus, toutes les structures financées dans le cadre des CDO ne se positionnent pas sur le même moment judiciaire : les opérateurs du réseau de la justice sont principalement positionnés sur le stade pré - sentenciel (contrôle judiciaire). A l'inverse, les centres d'hébergement interviennent plutôt sur la phase post-sentencielle, notamment pour les alternatives à l'incarcération et les sorties de prison.
(4) Une disparition de la sanction sans prise en charge effective ?
Si
l'absence de données statistiques détaillées sur les
suites judiciaires données aux interpellations pour usage de
stupéfiants ne permet pas de tirer de conclusions précises sur
l'exécution du plan, le rapport fait état d'une certaine
inflexion du traitement judiciaire des usagers de stupéfiants
interpellés.
En termes d'orientation pénale et de jugement, alors qu'en 1998, un
usager simple sur dix faisait l'objet de poursuites devant le tribunal, ce
rapport passe à un sur douze en 2001. Parallèlement, les
condamnations pour usage simple ont diminué régulièrement,
passant de 4,6 % du total des interpellations pour usage en 1998 à
4,1 % en 2001. La part des condamnations pour usage dans l'ensemble des
condamnations pour infraction à la législation sur les
stupéfiants se maintient légèrement en deçà
de 30 %. La diminution des poursuites, comme celle des condamnations
à l'emprisonnement ferme pour cette infraction, montre un
recul de la
logique purement répressive.
Les données des juridictions de la région parisienne, selon
lesquelles des alternatives aux poursuites sont prononcées dans deux cas
sur trois, révèlent une prise en compte des instructions du garde
des Sceaux et des objectifs du plan.
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la
sécurité intérieure et des libertés locales, a lors
de son audition dénoncé cette évolution :
«
Il ne faut pas nier l'évidence, la sanction de la
consommation de produits stupéfiants s'est faite beaucoup plus
légère.
Deux chiffres illustrent cette affirmation. En
2001, avant mon arrivée (...) 71.667 usagers de drogues ont
été interpellés par la police ou par la gendarmerie, moins
de 8 % ont été sanctionnés par la justice. Je
rappelle qu'en 1990, il y a 13 ans, le taux de sanctions prononcées pour
les usagers était encore de 30 % (...) et nous nous retrouvons tous
pour constater que la situation ne fait qu'empirer. Peut-être y a-t-il
là matière à réflexion ?
Cette forte baisse
de la sanction, disons-le clairement, a été un choix
politique.
L'adaptation des réponses judiciaires prévues par
la circulaire de la Chancellerie du 17 juin 1999 s'est surtout traduite par la
préconisation de toutes les mesures d'évitement de la sanction,
tout mieux que la sanction.
Le résultat est que pour 9 consommateurs
sur 10,
(...)
l'usage des stupéfiants s'est trouvé de fait
dépénalisé
. Les alternatives aux poursuites n'ont pas
été d'une grande vigueur et le nombre d'injonctions
thérapeutiques extrêmement faible.
».
Ce jugement sur l'incidence réelle des alternatives aux poursuites
est-il corroboré par les résultats de
l'évaluation ?
Le rapport d'évaluation de l'OFDT du plan triennal de la MILDT indique
en effet que : «
On peut toutefois s'interroger sur le
développement de la prise en charge socio-sanitaire :
les
injonctions thérapeutiques n'ont pas augmenté durant la
période d'exécution du plan et les autres alternatives
socio-sanitaires restent, selon l'échantillon francilien, d'un nombre
très limité.
Par ailleurs, la collaboration entre services
répressifs et services sanitaires et sociaux ne paraît
guère s'être développée. Il est regrettable que les
permanences socio-sanitaires qui pouvaient servir d'interface ne paraissent pas
avoir été mises en place
.
La distinction entre usage,
usage nocif et dépendance, pertinente au regard de la santé
publique, ne semble guère avoir trouvé de traduction dans le
processus judiciaire où ces critères ne sont pas
déterminants pour la qualification pénale.
»
Mme Nicole Maestracci, ancienne présidente de la MILDT, a d'ailleurs
reconnu lors de son audition devant la commission d'enquête que la
mission interministérielle était encore «
loin
d'avoir réalisé cet objectif, parce que c'est également un
travail qui doit s'inscrire dans la durée.
»
M. Didier Jayle, actuel président de la MILDT, a néanmoins
souhaité «
rendre hommage à (son)
prédécesseur sur le travail d'organisation qu'elle a fait, qui
était de construire un véritable outil, avec une réflexion
(...). Dans les actions importantes qui ont été menées, il
y a les conventions départementales d'objectifs (...). Je crois que
l'objectif était bon, que l'évaluation va montrer que les
résultats ne sont pas à la hauteur des espérances et qu'il
faudra réorienter cette politique de manière à ce que les
services répressifs et les services de santé travaillent plus
ensemble. Mais il ne faut pas que ces conventions se contentent d'abonder les
associations ou les structures de prise en charge
sanitaire. »
Il semble donc que les orientations données par le plan n'ont
concerné qu'un seul versant du problème, l'évitement de la
sanction, sans permettre la réalisation de l'objectif premier de ces
mesures, une réelle prise en charge socio-sanitaire de tous les usagers
en difficulté avec les substances psychoactives, objectif que la
commission d'enquête ne peut que saluer, puisqu'il prenait en compte la
complexité de la question des drogues, devant nécessairement
allier prévention, répression et soins.
Les pratiques judiciaires évoquées par les magistrats au cours de
leur audition ont particulièrement suscité l'intérêt
de la commission d'enquête.
LA PRATIQUE DU PARQUET DE BAYONNE
Audition de Mme Catherine Domingo , substitut du procureur de la République
« L'usager, après audition, lorsqu'il
réside sur le ressort du tribunal de Bayonne, se voit notifier une
injonction à la rencontre, c'est-à-dire qu'une association
d'orientation sanitaire et sociale doit le recevoir dans les huit jours qui
suivent son interpellation, et le résultat de cette injonction,
délivrée à la demande du parquet par l'officier de police
judiciaire, voit sa concrétisation dans le
récépissé, qui doit être remis au parquet par
l'intéressé, qui doit respecter cette convocation.
Dans la plupart des cas, les personnes qui font l'objet de cette injonction de
rencontre respectent cette mesure. Si tel n'était pas le cas, les
poursuites seraient engagées dans un mode soit de composition
pénale, soit de poursuite devant le tribunal.
Il convient de préciser que cette mesure d'injonction à la
rencontre est effectuée dans des cas très précis, d'abord
pour des personnes qui sont primo-délinquantes, qui sont
interpellées avec de faibles quantités de produits
stupéfiants, qui ne font pas l'objet d'une dépendance
avérée à ces produits et qui, bien évidemment, sont
interpellées dans des conditions qui ne relèvent que du strict
usage et non pas d'un éventuel trafic ou revente.
Ce sont les conditions, même pour cette orientation sanitaire et sociale,
avec une particularité un peu plus marquée pour les mineurs
usagers, pour lesquels nous avons à coeur de coupler cette orientation
vers une structure avec la rencontre soit du substitut chargé des
mineurs, soit du délégué du procureur, qui invite le
mineur, en compagnie de ses parents ou des personnes qui en sont civilement
responsables, à recevoir un rappel de la loi, des sanctions encourues et
des dangers afin de sensibiliser cette population de jeunes qui constitue l'une
des populations les plus touchées par ce type de délinquance.
S'agissant des usagers qui sont interpellés avec une faible
quantité de stupéfiants mais qui ne résident pas sur le
ressort de Bayonne, en application de la circulaire du 17 juin 1999, les
procédures sont systématiquement adressées au parquet du
domicile de la personne concernée. »
LA PRATIQUE DU PARQUET DE NANTERRE
Audition de M. Yves Bot , ancien procureur de la République de Nanterre et actuel procureur de la République de Paris
« On peut se demander, en termes de politique
pénale, dans quels cas on soumet une personne à injonction
thérapeutique et ce qui peut la forcer à venir, sachant que c'est
une procédure assez complexe. (...) Cela suppose ensuite que la personne
se rende à la convocation qui lui est donnée, tout d'abord par le
magistrat et ensuite par le médecin.
Pour ma part, j'avais mis en place à Nanterre (et, encore une fois, je
compte également le faire sur Paris) la pratique suivante : lorsque
la personne était interpellée, en même temps qu'on lui
notifiait d'avoir à se présenter pour une procédure
d'injonction thérapeutique, on lui notifiait une date d'audience
à laquelle elle serait jugée si elle ne se présentait pas.
La personne se présentait et elle était alors reçue
d'abord par un de mes substituts, c'est-à-dire par un magistrat qui lui
rappelait la loi, qui parlait avec elle et que lui expliquait ce que signifiait
l'injonction thérapeutique, pour que le contrat de confiance soit
clairement posé.
Ensuite, la personne quittait le bureau du substitut pour aller dans le bureau
de la DDAS qui avait fort heureusement pu être aménagé,
à Nanterre, juste à côté. (...) Il importait
d'éviter toute rupture dans la démarche psychologique de
l'intéressé (...) L'idée est de dire : « tu
viens ou tu ne viens pas. Si tu ne viens pas, c'est la correctionnelle ;
si tu viens, tu ne me quittes pas tant que tu n'as pas vu le
médecin.
»
LA PRATIQUE DU PARQUET DE VALENCIENNES
Audition de M. Guillaume Girard , premier substitut
A
l'occasion du déplacement de la commission d'enquête à
Valenciennes le 13 mars 2003, le premier substitut au procureur de la
République de Valenciennes, M. Guillaume Girard, a exposé la
politique suivie.
S'agissant de la poursuite du simple usage de drogues, le parquet de
Valenciennes (compétent pour les usagers dont le domicile est
situé dans son ressort), conforté en cela par le discours
prononcé par le Garde des Sceaux en octobre 2002 à
l'Assemblée nationale, apporte une réponse judiciaire
systématique quel que soit le produit consommé.
La réponse est graduée. S'il s'agit d'une première
infraction, les personnes se voient proposer une injonction
thérapeutique ou un classement sous condition après rappel
à la loi. S'il y a réitération, on a alors recours
à la composition pénale (amende, retrait de permis de conduire,
travail d'intérêt général). Pour une
troisième infraction, des poursuites sont engagées devant le
tribunal correctionnel.
En 2002, 221 personnes ont bénéficié d'une injonction
thérapeutique sur le ressort de Valenciennes. Le profil type de la
personne à qui on propose cette procédure est un jeune fumeur de
cannabis de 16 à 25 ans en cours d'insertion socio-professionnelle
(apprenti, étudiant...). Le taux de comparution élevé
(90 % environ) s'explique par le fait que la convocation est remise
directement par l'officier de police judiciaire, ce qui a semblé
à la commission constituer une très bonne pratique susceptible
d'être généralisée.
Cette procédure poursuit un triple objectif : rappeler la
règle (beaucoup de jeunes ignorant l'interdit touchant la consommation
de cannabis), expliquer les raisons de l'indulgence présente tout en
indiquant les conséquences judiciaires d'une récidive et enfin
favoriser la transition avec une prise en charge médicale, un accueil
par un médecin de la DDASS étant prévu afin de permettre
une éventuelle orientation médicale.
En outre, le rappel à la loi concerne essentiellement des mineurs ou des
petits consommateurs de cannabis. Il est prononcé par les
délégués du procureur et peut conduire à un
classement sous condition d'orientation par un psychologue.
Les usagers de drogues dites dures sont plus concernés par l'injonction
thérapeutique entraînant un suivi médical. Ce suivi
médical concerne majoritairement les usagers d'héroïne et de
cocaïne et représente 20 % des injonctions
thérapeutiques. Cette procédure est souvent efficace, la personne
qui ne se présente pas étant poursuivie.
Les classements sans suite « secs » sont plus rares, mais
peuvent intervenir si la personne a une bonne insertion socio-professionnelle
et n'a pas d'antécédents judiciaires.