2. Le problème général de l'addictologie : l'élargissement aux drogues licites

Mme Nicole Maestracci, ancienne président de la MILDT a indiqué à la commission : « L'une des principales caractéristiques du plan triennal, dont il a été beaucoup question dans la presse et dans le débat public, a été d'élargir le programme du gouvernement à l'alcool, au tabac, aux médicaments psychoactifs et aux substances dopantes , ce qui ne voulait pas dire, bien entendu, que toutes ces substances allaient avoir le même sort, à la fois sur le plan juridique et en termes de soins ou de prévention, mais simplement que c'étaient les mêmes personnes, bien souvent, qui consommaient plusieurs de ces produits en même temps et qu'il était donc nécessaire d'avoir un programme non cloisonné par produit, tout en tenant compte des spécificités, mais aussi des points communs qui sont beaucoup plus nombreux que les spécificités de chacun des produits. »

La commission rappellera que le plan triennal a en effet proposé « un rapprochement progressif des différentes structures traitant des dépendances, (...) précédé d'une réflexion méthodologique sur les aspects communs et les aspects spécifiques aux différentes conduites addictives. »

Le rapprochement des différentes structures de soins à la dépendance à la drogue, l'alcool, et plus difficilement le tabac, a ainsi été mis en oeuvre, tant au niveau de l'hôpital que du dispositif spécialisé. Cet objectif s'est traduit au niveau de l'hôpital par la circulaire du 8 septembre 2000 relative à l'organisation des soins hospitaliers qui prévoit à terme des équipes travaillant dans les domaines de l'alcoologie, de la toxicomanie et de la tabacologie au sein des établissements hospitaliers. Le plan triennal visait ainsi la mise en place « des établissements publics de santé les plus importants, d'une équipe de liaison en addictologie, à savoir une équipe dans chaque hôpital de plus de 200 lits MCO (médecine, chirurgie, obstétrique) et au moins une par département » .

Ce rapprochement a pour objet de centrer les réponses sur la personne et les comportements et non plus uniquement sur les produits . Il vise également à favoriser les coopérations, les échanges de savoir-faire et à mutualiser les moyens et les outils thérapeutiques. L'objectif est donc clair : les établissements de santé doivent s'intégrer dans le dispositif général de prise en charge des dépendances.

S'agissant du dispositif spécialisé, le rapprochement des CSST, des 250 centres de cure ambulatoire en alcoologie (CCAA, ou centres d'hygiène alimentaire et alcoologie - CHAA - avant le 1 er janvier 1999) et du dispositif spécialisé en tabacologie, assuré par les centres d'examen de santé de la CNAM, permet d'atteindre progressivement cet objectif.

On rappellera que les centres d'hygiène alimentaire et alcoologie (CCAA) sont financés depuis le 1 er janvier 1999 par l'assurance maladie et bénéficient, en application de la loi d'orientation n° 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, d'une définition précise de leur mission, d'une reconnaissance juridique et d'un financement stable.

D'après le plan triennal, « l'objectif est de disposer d'environ 600 structures capables de répondre, en fonction des spécificités locales, aux besoins des usagers de drogue, d'alcool et de tabac . Il ne s'agit pas de préconiser une modélisation des structures, mais de mieux utiliser des compétences aujourd'hui dispersées en utilisant un cadre administratif et financier unique. »

De nombreux centres de soins et de prévention en addictologie (CSAPA) devaient donc être mis en place. La décision a toutefois été différée par M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, dans l'attente du nouveau plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies . Tout en affirmant devant la commission : « De mon point de vue, l'alcool, le tabac, le cannabis, l'héroïne et les psychotropes sont des substances que je considère comme des drogues qui, à des degrés divers, aliènent la personne humaine » , M. Jean-François Mattei a insisté sur la distinction entre produits licites et illicites et a indiqué à la commission les raisons de sa position : « Nous nous sommes aperçus qu'il y avait des mécanismes communs, d'où l'action de Mme Maestracci au niveau de la MILDT, qui a été de prendre les choses en les globalisant. Bien sûr, personne ne conteste aujourd'hui que ces mécanismes sont communs. En revanche, pourquoi ai-je hésité ? J'ai repris le problème au niveau des consultants, des patients, des usagers. D'une façon générale, l'alcoolique, sauf le polyconsommateur naturellement, n'est pas forcément celui qui prend des psychotropes, le consommateur de cannabis pas forcément celui qui boit de l'alcool à en devenir un éthylique chronique. Les populations ne sont pas les mêmes. J'avais manifesté un doute sur le fait qu'une personne victime de ce que nous appelons l'alcoolisme mondain, mais bien imprégnée quand même, se présentant à une consultation de sevrage, se retrouve dans la même salle d'attente que des jeunes utilisant d'autres drogues. »

Votre commission ne peut que partager ce doute, même si elle mesure les problèmes posés par la dépendance au tabac et à l'alcool. Elle ne peut en conséquence que se féliciter des propos tenus par M. Jean-François Mattei lors de son audition : « Nous allons dans les semaines à venir, soit avant l'été, soit immédiatement à la rentrée pour ce qui concerne le Sénat, devoir discuter de la nouvelle loi de santé publique. (...) La lutte contre la toxicomanie fera l'objet avec la lutte contre le tabac et l'alcool, qui sont deux autres drogues dévastatrices pour la santé, des orientations prioritaires pour les cinq années à venir. »

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