2. Des motifs d'inquiétude plus généraux

Ces diverses prises de position théoriques, que fait siennes la commission, déplacent dès lors la problématique des délocalisations sur deux autres terrains .

Le premier résulte du constat que la régulation des échanges mondiaux n'est pas aujourd'hui parvenue à un point permettant de qualifier d'équitables les règles de la concurrence internationale . Les multiples biais que constituent les barrières tarifaires et non tarifaires interdisent le jeu normal des avantages comparatifs sur lequel s'appuie la théorie classique du commerce international. Dès lors, un certain nombre de délocalisations apparaissent moins comme le fruit d'une division internationale du travail rationnelle que comme le résultat d'une concurrence considérée comme déloyale à bien des égards . Il sera relevé ultérieurement qu' il convient d'aborder les thèmes du dumping ou de la loyauté des relations commerciales avec prudence : reste qu'à l'évidence, un nombre considérable de difficultés demeurent, dont témoignent tant la nécessité de négocier au plan multilatéral, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce ou d'autres instances collectives comme l'Organisation internationale du travail, pour aboutir à l'édiction de normes solides, que la difficulté d'examiner au cours de ces discussions des thèmes aussi essentiels pour le commerce mondial que les « sujets de Singapour », le respect des droits fondamentaux des travailleurs ou encore la protection de l'environnement. Aussi votre commission estime-t-elle particulièrement nécessaire que la France et l'Union européenne agissent avec ténacité pour renforcer le droit international dans ces domaines complexes mais primordiaux .

Le second terrain est celui de l' insertion de la France dans la nouvelle division internationale du travail qui s'esquisse. En définitive, c'est bien à cette question essentielle que se consacrent les analyses prospectives des économistes, et c'est dans cette perspective que se placent partenaires sociaux et décideurs politiques lorsqu'ils s'alarment de la désindustrialisation, s'interrogent sur l'attractivité du territoire, s'inquiètent de la situation de la recherche ou craignent la concurrence nouvelle de la Chine et de l'Inde. En effet, comme le relève notamment Mme Frédérique Sachwald (108 ( * )), rejoignant en cela tous les économistes, le danger est bien davantage la délocalisation par le haut d'activités de R&D au Etats-Unis que la délocalisation par le bas de productions banalisées ou faiblement rentables en Asie .

La redistribution mondiale des facteurs de production, des centres de profits et des sites de décision, la localisation des activités de recherche et développement et des centres d'innovation, l'importance croissante des industries technologiques et des services posent la question de la répartition de la valeur ajoutée à l'échelle planétaire . Chacun est bien conscient qu'il s'agit-là d'une problématique beaucoup plus large et primordiale que les délocalisations en tant que telles . Les auditions menées par le groupe de travail en ont révélé les enjeux, qui dépassent, et de loin, les industries de main d'oeuvre du pays pour toucher à l' ensemble des activités économiques exposées à la concurrence internationale . La France dispose-t-elle des bons outils pour obtenir sa part ? Est-elle correctement spécialisée sur les créneaux porteurs , qui génèrent de la richesse et offrent d'intéressantes perspectives de développement ? Le tableau dressé par les différents intervenants entendus par le groupe de travail est assurément contrasté mais n'incline pas nécessairement à la morosité : toutefois, il justifie qu'un certain nombre de dispositions soient prises pour renforcer les atouts dont dispose notre pays et combler les faiblesses dont il souffre . Plusieurs des propositions formulées par ce rapport poursuivent cet objectif prioritaire, avec pour objectif second et intimement associé de contribuer ainsi à éviter la délocalisation d'activités à haute valeur ajoutée , résultant d'un mauvais positionnement concurrentiel ou d'un insuffisant effort d'investissements.

* (108) Délocalisations : où est le danger ? - in Les Echos - 17 octobre 2003.

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