2. La réapparition de bidonvilles

Des bidonvilles se développent autour de Mamoudzou et de Cayenne. M. Philippe Leyssène a indiqué que l'habitat insalubre a progressé de 42 % à Mayotte et de 30 % en Guyane, entre 1998 et 2003, alors qu'il a régressé de 3 à 4 % sur l'île de la Réunion, beaucoup moins exposée à l'immigration irrégulière. Le développement d'un habitat de fortune s'accompagne du « pillage des réseaux collectifs en matière d'électricité, voire de téléphone », auquel il est difficile de porter remède.

Outre les bidonvilles autour des agglomérations, des villages entiers d'orpailleurs clandestins sont parfois découverts, dans la jungle guyanaise, par les patrouilles de gendarmerie. En juin 2004, la gendarmerie a détruit le site d'orpaillage clandestin de Dorlin, situé sur le territoire de la commune de Maripa-Soula. Une population, estimée à près de 800 personnes, vivait à proximité du site : une vie de village s'était reconstituée autour des « garimpeiros » (qui travaillent le lit des cours d'eaux), venus parfois avec leur famille.

La construction d'un plus grand nombre de logements sociaux ne permettrait pas de répondre à ces situations, dans la mesure où les populations en situation irrégulière n'ont pas le droit d'accéder à un logement social. L'article R. 441-1 du code de la construction et de l'habitation prévoit en effet que les logements sociaux sont attribués aux étrangers admis à séjourner de manière permanente sur le territoire national.

3. Un travail illégal généralisé

Le travail illégal présente dans ces collectivités un caractère massif qu'il n'a pas en métropole. La direction du travail de Mayotte évalue à 10.000 le nombre d'étrangers en situation irrégulière travaillant sur l'île, alors que le nombre de salariés déclarés était de 23.634 lors du dernier recensement de 2002. Le travail clandestin est généralisé dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche, du BTP, des taxis, et des emplois à domicile, où il implique fréquemment des fonctionnaires de l'Etat ou des élus. Alors que 700 salariés sont officiellement employés par des particuliers, la direction du travail évalue le nombre réel d'employés domestiques aux alentours de 5.000.

Les membres de la commission d'enquête qui se sont rendus sur place ont pu percevoir, toutefois, une certaine ambivalence dans l'attitude des Mahorais face au travail illégal. Tout en exprimant leur désapprobation, un grand nombre de Mahorais emploient des étrangers en situation irrégulière et bénéficient de leurs services. M. Didier Perino, directeur du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, a résumé le sentiment dominant sur l'île par la formule suivante : « les étrangers dehors, sauf celui que j'emploie chez moi ! ». Il va de soi, pour la commission d'enquête, qu'une lutte efficace contre l'immigration irrégulière suppose une adhésion de la population, qui n'est peut-être pas encore totalement assurée aujourd'hui.

M. Philippe Leyssène a par ailleurs relevé le faible taux d'insertion professionnelle des bénéficiaires du service militaire adapté 30 ( * ) (SMA) à Mayotte et en Guyane, nettement inférieur au taux moyen observé outre-mer. Il l'a attribué à la « concurrence déloyale » qu'ils subissent de la part des clandestins, qui acceptent de travailler pour un salaire sans rapport avec le minimum légal 31 ( * ) .

* 30 Créé en 1961, le service militaire adapté accueille des jeunes qui connaissent des difficultés d'insertion professionnelle ; ils consacrent 70 % de leur temps à des actions de formation, le solde à des activités militaires, et contribuent au développement de la collectivité dans laquelle leur unité est implantée. Le succès du SMA a conduit le Gouvernement à décider, l'an passé son extension à la métropole, sous réserve des adaptations nécessaires.

* 31 Alors que le salaire minimum est fixé à 684 euros par mois à Mayotte, le salaire versé aux clandestins oscille entre 200 et 300 euros mensuels.

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