3. Tirer davantage parti des initiatives de l'Union européenne en matière de développement

Tout comme le contrôle des flux d'immigration ne peut être efficace sans une véritable politique européenne, l'action de développement menée par la France envers les pays d'où sont originaires la plupart des étrangers en situation irrégulière que connaît notre pays ne saurait produire pleinement ses fruits sans la complémentarité de l'aide de l'Union européenne.

L'action de l'Union européenne dans la politique de développement des pays les plus pauvres est une réalité ancienne. Chaque année, plus de 7 milliards d'euros sont ainsi affectés, à partir des fonds communautaires, à l'aide extérieure dans plus de 150 pays, territoires et organisations du monde entier. L'Union européenne s'est engagée à affecter à l'aide publique au développement 0,56 % de son RNB en 2010 et 0,7 % de celui-ci en 2015.

Depuis le Sommet des chefs d'Etats et de Gouvernements européens de Tampere, le 16 octobre 1999, l'Union européenne a décidé d'instituer un partenariat avec les pays tiers dans le domaine des migrations, dans le cadre d'une approche globale permettant d'intégrer les questions liées aux migrations dans ses programmes de coopération et de développement. M. José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, a d'ailleurs souligné que « le problème de l'immigration, dont nous voyons les conséquences dramatiques, ne peut être résolu efficacement à long terme que dans le cadre d'une coopération au développement ambitieuse et coordonnée permettant de s'attaquer à ses causes profondes . » 82 ( * )

Devant la commission d'enquête, M. Franco Frattini, vice-président de la Commission européenne, commissaire en charge de la justice, de la liberté et de la sécurité, a par ailleurs indiqué que l'Union européenne avait « lancé deux projets pilotes pour aider les pays d'origine. Les deux régions clés que nous avons choisies, en coopération avec les Nations unies, ont été la région de l'Afrique sub-saharienne des Grands Lacs, en particulier la Tanzanie, et l'est de l'Europe, avec l'Ukraine, la Biélorussie et la Moldavie. Ce sont deux régions pilotes dans lesquelles l'Europe s'engage à financer des projets ou à apporter des moyens financiers aux gouvernements pour améliorer les conditions de vie quotidienne sur les territoires et c'est un bon moyen de prévention contre les grands flux de désespérés et d'illégaux . »

La participation de l'Europe communautaire au développement, qui peut aider à réduire l'attractivité des territoires européens, peut intervenir par deux biais.

D'une part, une aide directe peut être octroyée aux pays en développement .

La création d'un véritable partenariat entre l'Europe communautaire et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique en développement est l'exemple le plus symptomatique de ce type d'action. Ce cadre institutionnel unique résultant de l'accord de Cotounou, qui lie l'Union européenne et 77 pays en développement, permet d'exercer des actions multiples en faveur du développement économique, social et humain, avec des dispositifs d'aide financière et un partenariat commercial spécifique.

Récemment, l'engagement de l'Union européenne s'est particulièrement focalisé sur l'Afrique dans le cadre d'une « Stratégie de l'Union européenne pour l'Afrique ». Pour soutenir la croissance en Afrique, la Communauté européenne a investi 2,93 milliards de dollars dans le cadre de l'aide publique au développement en 2003. Elle s'apprête à renforcer son action afin de faciliter la réalisation sur ce continent des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).

Le financement de l'aide apportée par l'Union européenne passe, pour l'essentiel, par le Fonds européen de développement (FED) dont la France est le premier contributeur. Le IXème FED a atteint 13,5 milliards d'euros sur la période 2002-2007. Pour la période 2008-2013, le Conseil européen a adopté, pour le Xème FED, une enveloppe de 22,7 milliards d'euros. Le FED est mis en oeuvre pour la réalisation des neuf priorités dégagées par le « Consensus européen pour le développement » 83 ( * ) : le commerce et l'intégration régionale, l'environnement et la gestion durable des ressources naturelles, les infrastructures, les communications et les transports ; l'eau et l'énergie ; le développement rural, l'aménagement du territoire, l'agriculture et la sécurité alimentaire ; la gouvernance, la démocratie, les droits de l'homme et l'appui aux réformes économiques et institutionnelles ; la prévention des conflits et la fragilité des Etats ; le développement humain ; la cohésion sociale et l'emploi.

L'une des principales critiques faites au FED est souvent l'insuffisante complémentarité de ses actions avec celles menées par les Etats membres. Or, en complétant les actions des Etats membres sur le terrain, l'apport des financements européens aurait un effet multiplicateur sur les projets et programmes de développements nationaux. Tel pourrait être le cas, notamment, aux Comores 84 ( * ) , au Guyana 85 ( * ) ainsi qu'au Surinam 86 ( * ) .

Certes, les Etats membres sont régulièrement consultés par les autorités communautaires sur les stratégies et projets à financer par le FED, lorsqu'ils sont supérieurs à 8 millions d'euros, dans le cadre du Comité du FED. Toutefois, cette instance de concertation ne permet pas toujours d'assurer pleinement la complémentarité de l'action communautaire avec les aides nationales . C'est pourquoi la commission d'enquête souhaite que les représentations des Etats membres, et plus particulièrement la représentation française à Bruxelles, s'assurent de cette complémentarité dès la programmation et l'identification de l'action communautaire .

Recommandation n° 20 : Renforcer la complémentarité de l'aide communautaire avec celle de chaque Etat membre, en particulier la France.

Des programmes visant spécifiquement la coopération avec certaines zones géographiques sont également mis en oeuvre par l'Union européenne, dans le cadre du programme d'assistance technique à la Communauté des Etats indépendants (TACIS) et de l'accord de développement méditerranéen (MEDA) qui permet d'appuyer les réformes économiques et sociales dans les Etats du bassin méditerranéen.

Ainsi, dans le cadre du programme TACIS, plus de 514 millions d'euros ont été investis en 2005 par l'Union européenne pour financer des actions d'aide au développement économique et à l'initiative privée, au développement rural ou à la réforme des législations sociales de près d'une quinzaine d'Etats 87 ( * ) .

Depuis 1995, l'Union européenne a engagé un fort partenariat avec les Etats du Bassin méditerranéen 88 ( * ) afin de développer une coopération économique et sociale en favorisant la transition économique de ces Etats et l'instauration de relations commerciales fondées sur le libre-échange. Dans le cadre du programme MEDA II, l'Union européenne a ainsi apporté un financement de 2,3 milliards d'euros sur la période 2000-2004. Lors du sommet euro-méditerranéen de Barcelone des 27 et 28 novembre 2005, l'Union européenne s'est engagée à renforcer et soutenir les efforts déployés par tous les pays de la région pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement, notamment dans le domaine de l'éducation, de la formation professionnelle et de l'égalité entre les sexes. Elle a également souhaité porter son action sur la gestion des flux migratoires en renforçant la gestion des flux réguliers d'une manière globale au profit des population des deux rives de la Méditerranée, tout en amplifiant la lutte contre l'immigration clandestine et la traite des êtres humains.

Le 2 mars 2006, la Commission européenne a par ailleurs adopté une communication tendant à instituer un partenariat entre l'Union européenne et les pays de la Caraïbe afin d'en assurer la croissance, la stabilité et le développement 89 ( * ) . La Commission envisage ainsi de renforcer ses actions en matière de gouvernance, en renforçant les échanges avec le CARIFORUM 90 ( * ) , d'apporter son soutien à l'achèvement d'un marché et d'une économie uniques dans la Caraïbe, et de concentrer son action sur la cohésion sociale, la réduction de la pauvreté ainsi que la lutte contre les problèmes de santés endémiques.

L'aide de la Communauté européenne peut également intervenir, de manière plus indirecte, par le biais de la politique régionale européenne .

Depuis longtemps, le Fonds européen de développement régional (FEDER) permet d'aider financièrement certaines régions européennes souffrant de handicaps spécifiques afin d'assurer un rééquilibrage économique par rapport aux régions les plus favorisées. Mais cette politique régionale s'entend également dans le cadre d'une coopération entre les régions des Etats membres situées aux frontières extérieures de l'Union européenne et les Etats tiers.

Le programme INTERREG III B, relatif à la coopération transnationale au sein de l'Union européenne , permet ainsi de compléter les actions du FEDER en finançant des programmes de développement économique afin de promouvoir l'intégration territoriale tant entre les régions européennes qu'avec les régions voisines des Etats tiers.

Dans le cadre de ce programme, la Commission européenne participe au développement de la zone « Espace Caraïbe » qui concerne les territoires ultrapériphériques français de la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. Le montant total disponible pour ce programme qui s'étale de 2004 à 2006 est de 24 millions d'euros, dont 12 millions sont financés par l'Union européenne, le solde provenant des budgets nationaux et, le cas échéant, régionaux.

Ce programme vise à contribuer à la promotion d'une plus grande cohésion et intégration économique, sociale et territoriale dans cette zone de coopération, notamment avec les pays et territoires voisins, dans le but de parvenir à un développement durable, harmonieux et équilibré de l'espace. Ces objectifs sont en ligne avec les objectifs d'intégration économique pour la zone des Caraïbes proposés dans le cadre des programmes régionaux du FED. La coopération avec les pays et territoires tiers se fait par ailleurs en étroite coopération et collaboration avec les organismes et organisations actives dans la zone de coopération, notamment avec l'AEC 91 ( * ) et le CARIFORUM - Forum Caribéen.

Les actions entreprises dans ce cadre poursuivent trois grandes priorités. En premier lieu, il s'agit de créer un développement équilibré et durable de l'espace commun de coopération. Cette priorité concerne des mesures visant la revalorisation et la protection des patrimoines naturels et culturels, en vue de renforcer l'attractivité de la région, notamment en ce qui concerne les ressources halieutiques et le développement de l'aquaculture, l'utilisation des énergies renouvelables, l'amélioration de la mobilité durable et l'accessibilité, ainsi que les coopérations interurbaines et entre les zones rurales. La contribution communautaire apportée dans ce cadre atteint 6,5 millions d'euros sur la période.

La deuxième priorité est la diffusion de l'information, du savoir et le renforcement de la capacité d'innovation. Cet axe prioritaire concerne le développement de la recherche et de la société de l'information afin d'accroître les échanges entre les différents acteurs de la région dans le secteur du tourisme, des transports, du commerce, de la recherche, de l'environnement, de l'éducation, de la sécurité collective et de la santé. A cet effet, la contribution du budget communautaire s'élève à 2,9 millions d'euros.

En dernier lieu, avec une contribution communautaire de 1,6 million d'euros, ce programme tend à consolider les atouts de l'espace commun de coopération caribéen. Il s'agit de renforcer l'image extérieure de la région par des actions de promotion interne et externe, notamment en en matière d'offre touristique, industrielle, artisanale, commerciale et de formation 92 ( * ) .

La commission d'enquête estime donc qu'il conviendrait de renforcer l'utilisation des programmes européens de coopération régionale en faveur des Etats qui sont les premiers pourvoyeurs d'immigrés clandestins dans notre pays. Comme le soulignait, plus particulièrement pour les régions d'outre-mer, M. Philippe Leyssène, « la coopération transfrontalière et transnationale, [..] est un axe important de la prochaine programmation financière européenne 2007-2013. Il y a beaucoup de choses à faire pour prendre en compte la dimension locale et régionale, notamment en Guyane . »

Il serait souhaitable que ce type d'action de l'Union européenne puisse être renforcé dans le cadre des nouvelles perspectives financières adoptées par le Conseil européen, en décembre 2005, pour la période 2007-2013 qui font toujours l'objet de négociation avec le Parlement européen. Cette complémentarité de l'Union européenne doit être en particulier mise à profit par les collectivités ultramarines françaises confrontées, de par leur situation géographique, à une pression migratoire sans commune mesure avec la métropole.

* 82 Présentation, le 12 octobre 2005, de la proposition de la Commission européenne tendant à l'adoption d'une « Stratégie de l'Union européenne pour l'Afrique ».

* 83 Déclaration conjointe du Conseil et des représentants des Etats membres réunis au sein du Conseil, du Parlement européen et de la Commission européenne sur la politique de développement de l'Union européenne du 20 décembre 2005.

* 84 Un programme de coopération en cours prévoit, sur la période 2002-2007, des financements de projets à hauteur de 27,3 millions d'euros.

* 85 Le Document de stratégie pour la coopération avec le Guyana prévoit le versement de 48 millions d'euros pour la période 2002-2007.

* 86 Le Document de stratégie pour la coopération avec le Surinam prévoit le versement de 19,1 millions d'euros pour la période 2002-2007.

* 87 Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizstan, Moldavie, Mongolie, Russie, Tadjikistan, Turkménistan, Ukraine et Ouzbékistan.

* 88 Algérie, Territoires Palestiniens, Egypte, Jordanie, Liban, Maroc, Syrie, Tunisie, Israël et Turquie.

* 89 « Partenariat Union européenne-Caraïbes pour la croissance, la stabilité et le développement », COM (2006) 86 final.

* 90 Cette instance de coopération et de concertation de la Caraïbe comprend les membres du CARICOM (organisation internationale d'intégration économique et politique regroupant Antigua, La Barbade, les Bahamas, le Bélize, la Dominique, Grenade, le Guyana, Haïti, la Jamaïque, Montserrat, Saint-Kitts et Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et les Grenadines, le Surinam et Trinidad-et-Tobago), à l'exception de Montserrat, ainsi que Cuba et la République dominicaine.

* 91 Association des Etats de la Caraïbe.

* 92 Une contribution communautaire de 960.000 euros est également prévue au titre de l'assistance technique pour la gestion, l'information et l'évaluation du programme.

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