2. Des marges de progression encore importantes

a) Maîtriser le contentieux


• Un contentieux de masse

Le contentieux des étrangers représente une part croissante de l'activité des juridictions administratives et judiciaires. Cette évolution est principalement le fait du contentieux de la reconduite à la frontière 154 ( * ) .

Lors de son audition, M. Patrick Mindu, président du tribunal administratif de Paris, a relevé que la politique volontariste de lutte contre l'immigration clandestine mise en oeuvre à partir de la fin de l'année 2003 s'était traduite par une forte augmentation des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) et, mécaniquement, par une multiplication des recours devant les tribunaux administratifs. Il a ajouté que le contentieux des reconduites à la frontière avait désormais toutes les caractéristiques d'un contentieux de masse, auquel les juridictions du premier degré et les cours administratives d'appel, depuis le 1 er janvier 2005 155 ( * ) , sont toutefois très inégalement exposées.

En 2004, 16.952 requêtes ont été enregistrées devant les tribunaux métropolitains et 17.921 en 2005. Si les tribunaux administratifs de Bastia ou Limoges ont enregistré quelques dizaines de recours, ceux de Paris ou de Cergy-Pontoise ont été saisis respectivement de 6.000 et 1.975 requêtes en 2004, puis de 4.826 et 2.412 requêtes en 2005. Ces deux dernières juridictions totalisent à elles seules près de la moitié des affaires portées devant les juridictions métropolitaines en 2004 et 40 % en 2005.

Le contentieux des étrangers dans son ensemble (recours contre les APRF, les refus de séjour, les mesures d'expulsion, référé) représenterait désormais plus du quart des affaires enregistrées chaque année dans les tribunaux administratifs, trois tribunaux -Paris, Cergy-Pontoise et Marseille- totalisant à eux seuls la moitié des affaires jugées. M. Patrick Mindu a indiqué que le tribunal administratif de Paris avait quant à lui enregistré 10.312 requêtes concernant les étrangers en 2005 soit, sur un volume global d'entrées d'à peine plus de 20.000 requêtes, 51 % des affaires nouvelles. Il a estimé que la création par la loi du 30 juin 2000 du référé-suspension et du référé-liberté avait contribué à amplifier ce phénomène.


• Le problème des APRF notifiés par voie postale

Ce contentieux est principalement nourri par la pratique des APRF notifiés par voie postale, qui représentent 80 % de l'ensemble des arrêtés. Ce type d'arrêtés peut être pris par le préfet à la suite d'un refus de séjour accompagné d'une invitation à quitter le territoire. L'étranger dispose alors de sept jours pour contester l'arrêté devant le tribunal administratif.

Or, faute d'interpellations consécutives à la prise des APRF notifiés par voie postale, le taux d'exécution est inférieur à 3 %. En outre, la loi du 26 novembre 2003, prenant acte de la jurisprudence du Conseil d'Etat, a prévu qu'un étranger ne pouvait être placé en rétention sur la base d'un APRF édicté depuis plus d'un an. Les magistrats administratifs sont donc saisis de recours contre des décisions qui ne seront quasiment jamais appliquées.

Une réflexion doit s'engager sur la pratique des APRF notifiés par voie postale.

Selon la police aux frontières, ces arrêtés présentent malgré tout plusieurs avantages, notamment la possibilité d'inscrire l'étranger au fichier des personnes recherchées. Un autre argument parfois invoqué est qu'une partie des APRF notifiés par voie postale ne fait pas l'objet d'un recours pendant le délai de sept jours prévu par la loi. En cas d'interpellation de l'étranger et d'exécution forcée de l'arrêté, l'étranger ne peut le contester. Mais cet argument, outre le fait qu'il est moralement indéfendable, pèse peu puisque le taux d'exécution est très faible.

Une solution envisagée et préconisée par de nombreux juges administratifs serait donc de supprimer les APRF notifiés par voie postale et de ne conserver que les APRF pris et notifiés après interpellation.

Une autre solution de compromis semble avoir été retenue par le Gouvernement. Le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration prévoit de fusionner la décision de refus de séjour et l'APRF. L'invitation à quitter le territoire, qui n'a aucune valeur contraignante, serait donc remplacée par une obligation de quitter le territoire qui ferait office d'APRF.

Les requérants attaqueraient simultanément trois décisions (le refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire et le choix du pays de renvoi), ce qui devrait réduire le nombre des recours.

Cette simplification des procédures est une bonne initiative. Mais l'impact sur l'activité des juridictions reste incertain. A ce jour, les recours contre les refus de séjour ne sont pas systématiques, les étrangers choisissant plutôt d'attaquer l'APRF. Il se peut que cette réforme incite les requérants à attaquer directement le refus de séjour. En outre, elle ne devrait pas modifier la règle selon laquelle le placement en rétention ne peut être décidé sur la base d'un APRF de plus d'un an.

A défaut de supprimer les APRF notifiés par voie postale, la commission d'enquête préconise que :

- les préfets fassent un usage raisonné de ces arrêtés (les chiffres pour 2005 semblent indiquer une décélération de l'augmentation de leur nombre) ;

- le taux d'exécution soit amélioré. Il pourrait l'être si les services de police et de gendarmerie étaient informés localement de l'adresse à laquelle la notification de l'APRF a été envoyée afin de permettre la mise en oeuvre des investigations appropriées. Cette stratégie a été expérimentée dans le Bas-Rhin en 2005, la préfecture ayant transmis à la police aux frontières 204 dossiers ; 58 ont eu une suite favorable soit un taux d'exécution de 28,43 %.

Recommandation n° 42 : Faire un usage raisonné des arrêtés de reconduite à la frontière notifiés par voie postale et engager systématiquement des investigations aux fins de leur exécution.


• Mieux s'organiser pour faire face à ce contentieux

Malgré tous les efforts de simplification des procédures qui pourraient être entrepris, il est normal et sain pour le respect de l'état de droit et du droit des étrangers qu'une application ferme de la loi suscite une contentieux important étant donné l'impact de ces décisions administratives sur la vie des étrangers.

Acte étant pris de cet état de fait, il faut prendre le parti d'améliorer l'organisation de l'administration.

En premier lieu, afin d'alléger la charge de travail résultant des opérations de transfèrement des CRA vers le tribunal de grande instance ou le tribunal administratif, le recours à la visioconférence devrait être développé . Le confort des étrangers retenus s'en trouverait lui aussi amélioré. La technique de la visioconférence est testée depuis plusieurs années dans le cadre d'autres procédures et donne entière satisfaction.

L'autre solution est la délocalisation des audiences dans une salle située à proximité du CRA. Les obstacles au développement de ce dispositif ont déjà été évoqués à propos de la zone d'attente de Roissy. Pourtant, l'expérience du CRA de Coquelles (Pas-de-Calais) où les audiences sont délocalisées depuis juin 2005 semble très positive. Il ne s'agit évidemment pas de construire des salles d'audiences à proximité de tous les CRA. Mais, dans les centres où le nombre quotidien de demandes de prolongation de la rétention est important, ce dispositif se justifie amplement.

Recommandation n° 43 : Recourir plus systématiquement à la visioconférence et à la possibilité de statuer dans une salle d'audience délocalisée.

En second lieu, l'administration doit mieux organiser sa défense devant les juridictions administratives et judiciaires .

Le taux d'annulation des APRF au tribunal administratif de Paris est de l'ordre de 15 %, le taux national étant proche de 16 %. Concernant les décisions du juge des libertés et de la détention sur les demandes de prolongation du maintien en rétention, il est en revanche difficile d'avoir des données nationales sur le taux de refus et les motifs de ceux-ci.

L'administration n'est pas systématiquement défendue aux audiences. Cette absence ne facilite pas le travail du juge dans des affaires où la part de l'oralité est prépondérante. Selon M. Patrick Mindu, président du tribunal administratif de Paris, c'est souvent au cours de l'audience que les enjeux juridiques du litige apparaissent réellement.

La délégation de la commission d'enquête, qui s'est rendue à Lyon, a pris connaissance avec intérêt de l'expérience menée à la préfecture du Rhône. Depuis 2004, la représentation juridique de la préfecture dans le contentieux de la rétention administrative a été confiée à un réserviste civil de la police nationale. En 2004, 18 % des procédures étaient annulées par le juge des libertés et de la détention et la cour d'appel. En 2005, ce pourcentage a chuté à 6 %. En amont, la formation juridique des agents a été renforcée afin d'éviter la commission d'irrégularités lors des interpellations ou au cours de la rétention.

Cette représentation juridique a aussi permis d'engager un dialogue permanent avec le parquet et les magistrats. Le procureur de la République n'hésite plus à utiliser la procédure d'appel suspensif créée par la loi du 26 novembre 2003. Les magistrats ont également été sensibilisés au risque que représentaient les assignations à résidence. Trop souvent, ils accordaient le bénéfice de l'assignation à résidence sur la base de la simple présentation d'un passeport à la dernière minute au tribunal, alors que la loi souligne le caractère exceptionnel de l'assignation à résidence 156 ( * ) . Selon la préfecture du Rhône, 80 % des assignés à résidence échappent à la reconduite à la frontière et s'installent dans la clandestinité.


• Le cas particulier des APRF outre mer

Les recours contentieux contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ont un caractère suspensif 157 ( * ) , sauf dans le département de la Guyane et dans la commune de Saint-Martin 158 ( * ) .

Le caractère non suspensif des recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière se justifie dans ces collectivités par le très grand nombre d'arrêtés pris par les préfets qui, s'ils devaient être déférés, ne manqueraient pas d'engorger la juridiction administrative (5.942 APRF exécutés en Guyane en 2005 selon le ministère de l'intérieur). De janvier 2002 à juin 2005, aucun recours juridictionnel n'a été dirigé contre un arrêté de reconduite à la frontière. Certes, l'étranger en situation irrégulière en Guyane peut, devant le tribunal administratif, assortir sa demande d'annulation de l'APRF d'une demande de suspension de son exécution 159 ( * ) . Toutefois, les avocats du barreau de Cayenne regardent ces dispositions comme inopérantes dans la mesure où l'effet non suspensif du recours en annulation rend irrecevable la demande de suspension d'exécution d'une mesure de reconduite déjà exécutée à la date de l'audience de référé.

Le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration prévoit d'étendre ce dispositif, à titre expérimental pendant cinq ans, à l'ensemble des communes du département de la Guadeloupe où le nombre d'arrêtés de reconduite à la frontière exécutés est en très forte augmentation (1.253 en 2005 contre 1.083 en 2004 soit +15,7 %).

Deux remarques s'imposent néanmoins.

Si le caractère non suspensif des recours est réellement efficace dans ces territoires soumis à une pression migratoire exceptionnelle, il conviendrait de l'étendre à Mayotte. En outre, on s'interroge sur les raisons de l'extension à la Guadeloupe pour une durée expérimentale de cinq ans. Cette procédure dérogatoire est utilisée depuis 1998 à Saint-Martin et en Guyane. Le retour d'expérience est suffisant.

La seconde observation porte sur l'efficacité du caractère non suspensif des recours en Guyane et à Saint-Martin, dans la mesure où rien ne semble devoir s'opposer à la recevabilité d'un référé-liberté en vue d'ordonner la suspension de l'exécution d'un APRF .

Dans le droit commun, les recours contre les APRF sont suspensifs. C'est la raison pour laquelle la jurisprudence du Conseil d'Etat exclut la recevabilité d'une demande de référé-liberté à l'encontre d'un APRF. Deux voies de droit aboutissant au même résultat ne peuvent coexister.

A contrario, si les recours contre les APRF ne sont plus suspensifs comme c'est le cas en Guyane et à Saint-Martin, le référé-liberté redevient opérant. Une telle action paraît recevable au regard des conditions prévues par l'article L. 521-2 du code de justice administrative puisque cette mesure, outre son caractère d'urgence, est susceptible de mettre en cause une liberté.

L'intérêt d'un tel recours est évident eu égard à l'extrême rapidité du jugement qui doit intervenir dans un délai de 48 heures, ce qui pourrait donc permettre au requérant de contourner l'effet non suspensif du recours si sa reconduite n'intervenait pas dans un délai aussi bref 160 ( * ) .

La délégation de la commission d'enquête qui s'est rendue en Guyane a constaté que le référé-liberté était déjà utilisé. Du fait de l'arrivée d'avocats spécialisés de métropole, plusieurs reférés-libertés ont été déposés. Les premières requêtes ont été déclarées recevables par le juge des référés du tribunal administratif de Cayenne, qui n'hésite pas à appliquer cette procédure. Cette pratique devrait se généraliser très rapidement.

b) La délivrance des laissez-passer consulaires (LPC)

A ce jour, la France a signé 37 accords bilatéraux de réadmission dont l'application est satisfaisante. Ils facilitent notamment la délivrance des laissez-passer consulaires.

Toutefois, la conclusion de nouveaux accords est toujours difficile. Les pays avec lesquels la France souhaite les négocier n'étant généralement pas demandeurs. Il faut donc souvent envisager des contreparties, notamment des mesures visant à faciliter la circulation des personnes. L'équilibre n'est pas toujours facile à trouver.

Une généralisation de ces accords est prévue notamment avec les pays sources d'immigration clandestine d'Europe centrale et orientale, ainsi qu'avec les Etats de la Caraïbe. Des négociations sont en cours avec plusieurs Etats : Bosnie-Herzégovine, Géorgie, Moldavie, Serbie-Monténégro en Europe, Egypte, Mauritanie, Nigeria, Tunisie en Afrique, Vietnam en Asie, Barbade, Trinité et Tobago, La Dominique et Guyana dans la région de la Caraïbe. Le ministère des affaires étrangères envisage de proposer prochainement un projet d'accord à la République dominicaine et, dès que la situation institutionnelle dans ce pays le permettra, à Haïti.

Outre-mer tout particulièrement, il importe de conclure des accords de réadmission avec les pays sources et de transit. La France en a signé avec le Brésil en 1996, le Venezuela en 1999, le Surinam en 2004 et Sainte-Lucie en 2005. L'application effective de l'accord de réadmission avec le Surinam est subordonnée à sa ratification par la partie surinamienne.

Dans le cadre de la négociation de l'accord de réadmission avec le Guyana, l'ouverture d'un consulat honoraire de cet Etat à Cayenne s'est révélée nécessaire pour la délivrance des laissez-passer consulaires. Les autorités guyaniennes ont demandé aux autorités françaises de prendre en charge les frais relatifs à l'ouverture de cette représentation consulaire, demande qui a été acceptée.

Toutefois, des difficultés perdurent en matière de délivrance des laissez-passer consulaires, certains pays refusant de collaborer. Or, le LPC est le sésame sans lequel il est impossible de renvoyer un étranger dans son pays d'origine présumé.

En conséquence, le Comité interministériel de contrôle de l'immigration a approuvé, le 27 juillet 2005, la mise en oeuvre, après un préavis de trois mois, de mesures restrictives en matière de délivrance de visas de court séjour à l'égard de douze pays 161 ( * ) jugés les moins coopératifs : l'Egypte, la Guinée, la Géorgie, la Serbie Monténégro, le Soudan, la Tunisie, le Maroc, la Biélorussie, l'Inde, le Pakistan, le Cameroun et la Mauritanie. Ces Etats ont fait l'objet, entre septembre et décembre dernier, de plusieurs démarches diplomatiques.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a affirmé que « pour les pays les moins coopératifs, (il n'excluait) pas de demander, si cela devenait vraiment nécessaire, le rappel de certains fonctionnaires consulaires ou diplomatiques étrangers qui persisteraient à traiter cette question avec désinvolture, voire avec la volonté délibérée de faire échec à ces mesures ».

Le ministère de l'intérieur a adressé au ministère des affaires étrangères courant janvier 2006 les statistiques consolidées pour 2005 relatives à la délivrance des laissez-passer consulaires par les 12 pays placés sous surveillance.

Ces données permettent d'établir un bilan sur l'ensemble de l'année 2005 et sur son dernier trimestre.

Cinq Etats ont fait preuve d'une réelle réactivité et délivrent désormais plus facilement les laissez-passer consulaires : Biélorussie, Cameroun, Guinée, Pakistan, Serbie-Monténégro. Ils approchent ou dépassent un taux de délivrance de 50 %, qui peut être jugé comme correct.

Trois Etats, sans atteindre encore ce taux de 50 %, ont néanmoins réalisé des progrès sensibles au cours des derniers mois : Géorgie, Inde, Maroc. Dans le cas du Maroc, les résultats sont encore très contrastés entre les différents consulats.

Pour deux Etats (Soudan et Mauritanie), les données chiffrées ne sont pas suffisamment significatives en valeur absolue pour donner lieu à interprétation. En revanche, pour l'Egypte et la Tunisie, une détérioration relative peut être constatée entre les troisième et quatrième trimestres 2005.

Au total, tous pays confondus, le taux de délivrance des LPC en 2005 s'établit à 46 % contre 35 % en 2004, soit une amélioration de plus de dix points d'une année sur l'autre.

Ces efforts diplomatiques doivent être évidemment poursuivis, le cas échéant en s'appuyant sur l'action diplomatique de l'Union européenne. A ce jour, quatre accords communautaires de réadmission ont été conclus par la Commission européenne avec Hong-Kong, Macao, l'Albanie et le Sri Lanka. L'accord communautaire en cours de négociation avec la Russie a récemment été agréé par les autorités russes et la Commission européenne ; sa signature devrait avoir lieu en mars ou avril prochain. La France est également partie prenante aux négociations conduites par la Commission européenne avec l'Algérie, la Chine, le Maroc, le Pakistan, la Turquie et l'Ukraine. Dans certains cas, l'intervention de l'Union européenne permet de ne pas froisser les susceptibilités nationales.

A plus long terme, la délivrance des laissez-passer consulaires devrait être facilitée par la mise en place de visas biométriques dans le cadre du projet VIS.

c) Mieux évaluer

L'effort budgétaire et humain consacré à l'éloignement d'un plus grand nombre d'étrangers nécessite en retour de mieux évaluer le coût de cette politique et son efficience.

A cet égard, la réforme opérée par la loi organique relative à la loi de finances du 1 er août 2001 (LOLF) devrait offrir de nouveaux outils pour apprécier le coût de la lutte contre l'immigration irrégulière.

Le programme « Police nationale » comporte une action qui lui est propre, celle relative à la police des étrangers et à la sûreté des transports internationaux. Quatre indicateurs en mesurent la performance.

Trois d'entre eux se rapportent au premier objectif : « Contribuer à l'amélioration des reconduites à la frontière ».

L'indicateur sur le coût moyen d'une rétention administrative est intéressant dans son principe. Malheureusement, il ne prend en compte que les moyens du ministère de l'intérieur ce qui réduit sa signification sur le coût global d'un éloignement. Certes, la police nationale n'a à sa charge qu'une partie de ce coût. Mais la LOLF a précisément pour but de passer outre les logiques ministérielles. Cet indicateur ne sera disponible qu'à partir du projet de loi de finances pour 2007.

Lors de son audition, M. Stéphane Fratacci, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'intérieur, a indiqué qu'un travail était en cours pour élaborer une comptabilité analytique de cette politique publique. Toutefois, il a déclaré n'être toujours pas en mesure d'évaluer le coût moyen d'un éloignement.

Certains éloignements peuvent avoir un coût prohibitif. A titre d'anecdote, la commission d'enquête s'est vu rapporter le cas des Péruviens qui arrivent certes en nombre très réduit en Guyane (moins de 10 par an) mais dont l'éloignement entraîne des coûts particulièrement lourds : pour assurer le retour du clandestin dans son pays d'origine, il faut en effet le présenter au consulat du Pérou à Paris avant de l'éloigner par un vol Paris-Madrid-Lima. En général, il reviendra quelques semaines plus tard en Guyane par le bus...

L'indicateur sur le nombre d'éloignements du territoire d'étrangers en situation irrégulière, en application d'une mesure administrative ou d'une décision judiciaire, est bien entendu intéressant. Un aménagement de cet indice consisterait à évaluer le taux d'exécution des mesures administratives et des décisions judiciaires d'éloignement du territoire. Serait alors mesuré le « taux de réponse » donné par la police à la question qui lui est posée, celle de l'éloignement de personnes identifiées comme étant en situation irrégulière. Un tel indicateur mesurerait la performance des services.

Enfin, le troisième indicateur mesure le « taux de remise en liberté de personnes placées en rétention administrative par le juge des libertés et de la détention pour vice de procédure imputable aux services de police ». Cet indicateur, bien que non renseigné pour cette année, est excellent. Grâce à lui sont mesurés à la fois la qualité de la formation juridique des policiers, le respect de la légalité et, pour une part, le respect de la déontologie. Rien ne sert en effet de faire beaucoup de procédures si elles sont bâclées ou faites dans la précipitation. Au final, elles sont inefficaces puisqu'elles ont un coût, démoralisent les personnels et renforcent le sentiment d'impunité.

Le quatrième indicateur se rapporte au second objectif de l'action : « Améliorer la lutte contre l'immigration irrégulière organisée ». En hausse depuis deux ans, il mesure le nombre d'interpellations de personnes aidant à l'immigration clandestine .

Il faut souhaiter que l'ensemble de ces indicateurs sera dès le prochain budget renseigné.

Enfin, il serait justifié qu'au sein du programme « Gendarmerie », la lutte contre l'immigration irrégulière fasse aussi l'objet d'une action distincte.

Recommandation n° 44 : Renseigner au plus vite les indicateurs de performance de la loi de finances et créer au sein du programme « Gendarmerie nationale » de la mission « Sécurité » une action relative à la lutte contre l'immigration irrégulière.

* 154 La prolongation du placement en zone d'attente et la contestation des refus d'admission ne représentent plus un volume d'affaires important. Concernant essentiellement le tribunal de grande instance de Bobigny, cette activité a été divisée par plus de quatre depuis 2001 car le refoulement est réalisé en très grande majorité avant la 96 ème heure du placement en zone d'attente qui déclenche la saisine du juge des libertés et de la détention.

* 155 Depuis le 1 er janvier 2005, ce sont les cours administratives d'appel et non plus le Conseil d'Etat qui sont compétentes pour juger les appels des jugements de tribunal administratif statuant sur la légalité des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière. Le taux d'appel a augmenté de 23% au premier semestre 2005 par rapport au premier semestre 2004.

* 156 Article L. 552-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 157 Articles L. 512-2 à L. 512-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 158 Article L. 514-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 159 Article L. 514-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 160 La durée moyenne de la rétention en Guyane est de 1,6 jour.

* 161 Il a été décidé de différer la mise en oeuvre de cette initiative pour la Côte d'Ivoire, le cas de la Chine étant renvoyé à une décision ultérieure du G5 (réunion des ministres de l'intérieur des cinq principaux pays de l'Union européenne (Allemagne, France, Italie, Espagne et Royaume-Uni). Le G5 a été récemment élargi à la Pologne et est devenu le G6).

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