Audition de M. Patrick STEFANINI, secrétaire général
du Comité interministériel de contrôle de l'immigration (CICI)
(22 février 2006)

Présidence de M. Alain GOURNAC, vice-président

M. Alain Gournac, président .- Mes chers collègues, nous accueillons cet après-midi M. Patrick Stefanini, secrétaire général du Comité interministériel de contrôle de l'immigration.

Conformément aux termes de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, M. Patrick Stefanini prête serment

M. Alain Gournac, président .- Monsieur le secrétaire général, vous avez la parole.

M. Patrick Stefanini .- Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, j'ai prévu de vous faire un exposé liminaire puis de répondre à vos questions. Les services de la commission ayant eu l'amabilité de me transmettre un questionnaire, j'ai préparé à l'intention du président et du rapporteur un dossier de réponses à celui-ci.

Le Comité interministériel de contrôle de l'immigration est un organisme de création récente puisqu'il a été créé par un décret du 26 mai 2005, publié au Journal officiel du 27 mai. Aux termes de l'article 1 er de ce décret, le Comité fixe les orientations de la politique gouvernementale en matière de contrôle des flux migratoires.

Le Comité est présidé soit par le Premier ministre, soit, par délégation de celui-ci, par le ministre chargé de l'intérieur, actuellement le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Le Comité interministériel associe huit ministres, en dehors du Premier ministre, d'autres membres du gouvernement pouvant également être appelés à participer à ses travaux en fonction de l'ordre du jour.

Le Comité s'est réuni à quatre reprises. Il a été installé par le Premier ministre le 10 juin 2005, il s'est réuni le 27 juillet sous la présidence du ministre d'Etat, puis le 29 novembre 2005 et le 9 février dernier sous la présidence du Premier ministre.

Le Comité interministériel dispose d'un secrétariat général, avec un secrétaire général nommé en Conseil des ministres qui est chargé de préparer ses travaux et ses délibérations.

Le secrétariat général se compose, en dehors du secrétaire général, de cinq cadres de catégorie A' mis à disposition du secrétariat général par les ministères concernés directement ou indirectement par le contrôle des flux migratoires et il dispose d'un petit budget.

Comme vous l'aurez compris, le secrétariat général du Comité interministériel n'a évidemment pas autorité sur les différentes directions des ministères concernés par le contrôle des flux migratoires. Le rôle du secrétariat général est donc davantage un rôle de coordination et d'impulsion, mais les directions continuent, naturellement, à dépendre des différents ministres concernés. Nous agissons en fonction de mandats qui nous sont donnés par le Comité interministériel lors de ses différentes réunions.

Je me propose de structurer mon exposé liminaire autour des différents mandats qui nous ont été donnés par le Comité interministériel soit lors de sa réunion d'installation, le 10 juin 2005, soit à l'occasion des réunions suivantes. Je distinguerai six mandats parmi ceux qui nous ont été confiés.

Le premier mandat a trait à la politique des visas et à la coopération qui peut s'instaurer entre les consulats et les préfectures. Chacun sait en effet, s'agissant des visas, que l'une des formes de l'immigration clandestine, à laquelle s'intéresse votre commission d'enquête, est la possibilité, pour un étranger, soit d'entrer en France sans respecter l'obligation de détenir un visa s'il est soumis à cette obligation, soit d'entrer en France muni d'un visa mais de se maintenir sur notre territoire au-delà de la durée de validité de celui-ci.

Comme vous pourrez le constater à la lecture du rapport annuel au Parlement qui a été approuvé par le Comité interministériel le 9 février dernier et dont j'ai fait préparer des exemplaires à l'attention des membres de la commission, le nombre des visas délivrés depuis plusieurs années par notre pays est remarquablement stable, qu'il s'agisse des visas de court séjour ou des visas de long séjour.

Le Comité interministériel nous a donné mandat, en matière de visas, de réaliser plusieurs actions qui soit ont été conduites à leur terme, soit sont en cours de réalisation.

Tout d'abord, nous avons, en liaison avec le ministère des affaires étrangères, mis au point un tableau de bord mensuel des visas de court séjour délivrés par la France qui permet aux différentes administrations concernées, au premier rang desquelles figure le ministère des affaires étrangères, mais aussi le ministère de l'intérieur, de vérifier, mois par mois, qu'il n'y a pas de dérapage dans le nombre de visas délivrés par tel ou tel poste consulaire.

En deuxième lieu, le Comité interministériel a arrêté le principe d'une extension de l'expérience des visas biométriques. Vous connaissez le principe de ces visas : à l'occasion d'une demande de visa, l'autorité administrative relève à la fois la photographie et les empreintes digitales du demandeur de visa. Ce principe est posé par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Lorsque le Comité interministériel a été créé, au début du mois de juin dernier, l'expérience était en cours dans cinq postes consulaires. Le Comité interministériel, lors sa réunion du 27 juillet, a décidé l'extension en 2006 de l'expérience des visas biométriques, de telle sorte qu'à la fin de l'année 2006, cette expérience concerne une trentaine de postes consulaires. Je tiens naturellement la liste de ces postes à votre disposition. Ils ont été choisis dans des pays considérés comme source d'une immigration forte et, en particulier, d'une immigration irrégulière forte.

En troisième lieu, le Comité interministériel, lors de sa réunion du 27 juillet, a pris la décision d'expérimenter dans une dizaine de postes consulaires ce qu'on appelle la déclaration de retour volontaire, c'est-à-dire l'obligation faite au ressortissant étranger qui obtient un visa de court séjour de se présenter, à son retour dans son pays d'origine, au consulat qui lui a délivré le visa. C'est évidemment le moyen le plus sûr, pour les autorités françaises, de s'assurer que le ressortissant étranger concerné ne s'est pas maintenu sur le territoire français au-delà de la période de validité de son visa et qu'il est bien revenu dans son pays d'origine. Cette expérience est en cours dans dix pays.

Toujours dans le domaine des visas et de la coopération entre les consulats et les préfectures, le Comité interministériel a arrêté, le 27 juillet, le principe d'une coopération renforcée entre les préfectures et les consulats. Cette coopération se traduit en particulier par trois mesures que je vais évoquer rapidement.

La première est la création d'un réseau de transmission d'informations protégé entre les consulats et les préfectures, qui sera opérationnel à la fin de cette année. Il est d'ores et déjà en service, mais, à la fin de cette année, il aura été modernisé afin de permettre la transmission d'informations comme les photographies ou les empreintes digitales. Ce réseau permettra au personnel des préfectures recevant un ressortissant étranger demandeur d'un titre de séjour de vérifier avec le consulat les conditions dans lesquelles il a obtenu son visa et de s'assurer que la personne qui se présente au guichet de la préfecture est bien celle à laquelle le visa avait été délivré.

La deuxième mesure est l'organisation de stages de formation communs aux deux catégories de personnel. Un premier stage de ce type a eu lieu en octobre-novembre de l'année dernière à l'initiative du ministère de l'intérieur. En 2006, c'est le ministère des affaires étrangères qui organisera ce stage, qui réunit des personnels à la fois des consulats et des préfectures, notamment des bureaux des étrangers des préfectures.

La troisième mesure se rattache à la coopération entre le ministère de l'intérieur et celui des affaires étrangères : le détachement d'agents de la police aux frontières spécialisés dans la lutte contre la fraude documentaire, qui a été organisé dans cinq consulats à la fin de l'année 2005, et le sera dans cinq consulats supplémentaires au cours de l'année 2006.

Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, ce que je peux dire sur le premier mandat que nous avons reçu du Comité interministériel : celui qui concerne la politique des visas et la coopération entre les consulats et les préfectures.

Le deuxième mandat est plus substantiel puisqu'il touche à la réforme du dispositif d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile.

Comme vous le savez, la France a accueilli, en moyenne, au cours des dernières années, environ 60 000 demandeurs d'asile chaque année. Les demandes sont examinées à la fois par l'OFPRA et, en cas de recours, par la Commission des recours des réfugiés. Le taux moyen d'admission au statut de réfugié s'établit aux alentours de 10 à 12 % selon les années, ce qui signifie qu'une partie très largement majoritaire des demandeurs d'asile sont définitivement déboutés de leur demande, la question qui se pose portant sur leur éloignement du territoire national. Il faut savoir que l'une des fortes modalités actuelles de l'immigration clandestine est le maintien sur notre territoire de déboutés du droit d'asile.

Ce maintien a été facilité, au cours des années précédentes, par les délais d'instruction des demandes d'asile. Lorsque ces délais sont, comme c'était encore le cas il y a un ou deux ans, supérieurs à dix-huit mois et même parfois à deux ans, il va de soi qu'au cours de cette période, le demandeur d'asile a l'occasion de commencer à s'installer en France et qu'ensuite il devient extrêmement difficile, alors même que sa demande a été définitivement rejetée, de l'éloigner du territoire national.

Les priorités qui ont été dégagées par le Comité interministériel en la matière ont été les suivantes.

La première, c'est la réduction des délais d'instruction des demandes d'asile. Cette réduction a déjà été engagée au niveau de l'OFPRA, qui statue désormais en moyenne sur les demandes d'asile dans un délai de l'ordre de deux mois et demi. Elle a été engagée également au niveau de la Commission des recours des réfugiés qui statue actuellement en moyenne dans un délai de cinq à six mois.

Elle restait à engager, paradoxalement, au niveau des préfectures, puisque vous savez que, dans le système administratif français, les demandeurs d'asile, avant de déposer leur demande à l'OFPRA, passent par la préfecture pour y formuler une demande d'admission au séjour. Nous avons constaté que les délais d'instruction de ces demandes d'admission au séjour variaient de façon considérable entre les préfectures et que, dans certains départements, ils pouvaient être supérieurs à deux mois, voire à trois mois, ce qui conduisait à s'interroger sur les efforts effectués par ailleurs pour réduire les délais au niveau de l'OFPRA et de la Commission des recours.

Le Comité interministériel, sur la proposition du ministre d'Etat, a donc arrêté le principe d'une réduction des délais d'instruction des demandes d'autorisation provisoire de séjour en préfecture afin que ceux-ci n'excèdent pas en moyenne quinze jours dans toutes les préfectures de métropole et d'outre-mer.

En deuxième lieu, il a été décidé d'accroître l'équipement des préfectures en bornes EURODAC. Ce terme un peu complexe désigne des matériels qui permettent de s'assurer de façon très rapide que le demandeur d'asile qui se présente en France dans une préfecture n'est pas déjà connu d'un autre pays de l'Union européenne signataire de la convention de Dublin, par laquelle les Etats-membres de l'Union européenne se sont engagés à ce qu'un seul de ces Etats soit responsable de l'examen d'une demande d'asile formulée par un ressortissant d'un pays tiers.

Enfin, le gouvernement a arrêté le principe d'une réduction du délai de recours devant la Commission des recours. Ce délai est actuellement d'un mois en France alors qu'il est de quinze jours dans la plupart des pays européens comparables, et le gouvernement a donc arrêté le principe d'une réduction à quinze jours.

La deuxième orientation concerne le renforcement des dispositifs des centres d'accueil de demandeurs d'asile (CADA). Ce renforcement passe, d'une part, par la création de places supplémentaires dans les CADA, le gouvernement ayant arrêté le principe de la création de 2 000 places supplémentaires durant l'année 2006, et, d'autre part, par la décision de confier aux préfets de région le pilotage des centres d'accueil de demandeurs d'asile afin d'assurer une meilleure coordination entre l'action des différents préfets de département.

Toujours dans le domaine des demandes d'asile, le gouvernement a proposé au Parlement, qui l'a adopté dans le cadre de la loi de finances pour 2006, le principe d'un remplacement de l'allocation d'insertion qui était versée aux demandeurs d'asile par une nouvelle allocation que l'on a baptisée « allocation temporaire d'attente » et qui n'est versée ni aux demandeurs d'asile hébergés dans les CADA, ni à ceux qui ont refusé d'y être hébergés.

Par ailleurs, le gouvernement a arrêté le principe de la création d'une antenne de l'OFPRA en Guadeloupe, où il existe une très forte demande d'asile émanant de ressortissants d'Haïti. Je mentionne pour mémoire qu'en 2004, les Haïtiens ont été la première nationalité en termes de demandes d'asile pour l'ensemble de la France, ce qui a posé des problèmes considérables en Guadeloupe, d'où la création d'une antenne de l'OFPRA pour traiter ces demandes plus rapidement.

Enfin, le conseil d'administration de l'OFPRA a adopté au mois de juin 2005 une liste de douze pays considérés comme pays d'origine sûrs, dont les ressortissants voient désormais leurs demandes d'asile traitées selon la procédure prioritaire, ce qui veut dire qu'ils ont la possibilité de formuler une demande d'asile auprès de l'OFPRA mais qu'ils ne sont pas admis au séjour sur le territoire national.

Le troisième mandat qui nous a été fixé par le Comité interministériel est de mieux lutter contre l'immigration irrégulière en s'attaquant aux détournements de procédure.

Je ne serai peut-être pas très long sur ce point puisque l'essentiel des dispositions dont il s'agit va trouver place dans le projet de loi sur l'immigration et l'intégration qui a été approuvé par le Comité interministériel le 9 février dernier, qui est actuellement en cours d'examen au Conseil d'Etat et qui a vocation à être adopté par le Conseil des ministres à la fin du mois de mars ou au début du mois d'avril.

J'indiquerai simplement que, lorsqu'il a présidé le Comité interministériel le 9 février dernier, le premier ministre, dans le point de presse qu'il a tenu à l'issue de cette réunion, a indiqué que, naturellement, les recommandations et les propositions qui seraient formulées par votre commission d'enquête auraient vocation à enrichir le contenu de ce projet de loi.

Si vous le souhaitez, monsieur le président, je pourrai peut-être, lorsque je répondrai tout à l'heure à vos questions, revenir plus précisément sur le contenu des dispositions qui figurent dans cet avant projet de loi.

M. Alain Gournac, président .- Puisque nous sommes sur le sujet, le mieux est sans doute que vous nous donniez tout de suite des précisions. Qu'en pensez-vous, monsieur le rapporteur ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- A titre personnel, je pense aussi qu'il vaudrait mieux en effet aborder ce sujet tout de suite, si monsieur le secrétaire général en est d'accord.

M. Patrick Stefanini .- Très volontiers, monsieur le rapporteur. S'agissant de la lutte contre les détournements de procédure et d'une meilleure maîtrise de l'immigration régulière, ce projet de loi comporte cinq catégories de dispositions.

Les premières ont trait aux conséquences des mariages mixtes, entre un conjoint français et un conjoint étranger. Le dispositif qui a été arrêté par le gouvernement dans ce domaine repose sur deux projets de loi : l'un qui a été adopté par le Conseil des ministres le 1 er février dernier et qui a trait aux conditions de célébration des mariages à l'étranger et à leur transcription sur les registres de l'état-civil français, texte qui sera présenté au Parlement par le garde des sceaux ; l'autre, qui contient les autres dispositions dont je vais parler, est l'avant projet de loi sur l'immigration et l'intégration qui, lui, sera présenté au Parlement par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Le texte qui sera présenté par le ministre d'Etat traite des mariages entre Français et étrangers, mais uniquement sous l'angle de l'acquisition de la nationalité française.

Les dispositions qui figurent dans le texte portent, premièrement, sur l'allongement des délais aux termes desquels un conjoint de Français peut acquérir la nationalité française par voie de déclaration. Ces délais sont actuellement de deux et trois ans, selon les hypothèses, c'est-à-dire selon que l'intéressé a eu sa résidence en France pendant un certain temps à compter du mariage ou selon qu'au contraire, il a maintenu sa résidence à l'étranger. Le gouvernement propose de porter ces délais respectivement à quatre et cinq ans.

Deuxièmement, le projet de loi propose une réforme du statut juridique des conjoints de Français, avec, d'une part, l'obligation de détenir un visa de long séjour pour obtenir une carte de séjour temporaire et, d'autre part, l'allongement de deux à trois ans du délai nécessaire pour obtenir une carte de résident. En effet, vous savez que la plupart des conjoints de Français qui demandent à être admis au séjour en France obtiennent d'abord une carte de séjour temporaire -ils peuvent le faire dès que leur mariage a été célébré- et qu'ensuite, ils peuvent prétendre à l'obtention d'une carte de dix ans, c'est-à-dire de la carte de résident. Le délai pour l'obtention de cette carte est actuellement de deux ans et le gouvernement propose de le porter à trois ans.

Le troisième élément important de ce projet de loi sur l'immigration et l'intégration est ce que j'appellerai la réforme du cadre juridique de l'immigration pour études, qui s'articule autour de trois idées.

La première est d'instruire dans des conditions plus rigoureuses les demandes de visa de long séjour formulées par les ressortissants étrangers désireux d'effectuer leurs études en France. Le gouvernement souhaite que s'instaure à cette occasion une meilleure coopération entre les postes diplomatiques et consulaires, qui procèdent, au sens formel du terme, à l'instruction des demandes de visa de long séjour, et les établissements universitaires ou les grandes écoles qui accueillent aujourd'hui ces étudiants.

Cette coopération a vocation à s'établir dans le cadre de ce qu'on appelle les centres pour les études en France qui sont, en quelque sorte, des démembrements des postes consulaires et qui vont pouvoir, sur la base d'une convention cadre, travailler en coopération avec les établissements d'accueil, c'est-à-dire les établissements universitaires ou les grandes écoles.

En parallèle, le gouvernement a adressé une instruction interministérielle à tous les postes diplomatiques et consulaires au sujet des conditions de délivrance des visas de long séjour pour études.

Le projet de loi comporte aussi une série de dispositions en vue de faciliter l'admission au séjour des étudiants étrangers une fois que ceux-ci auront obtenu un visa de long séjour. En effet, ce qui caractérise le système français actuel, c'est que les étudiants étrangers sont astreints à deux formalités successives qui ont un caractère répétitif. Ils vont d'abord au consulat pour obtenir un visa de long séjour et, une fois qu'ils arrivent en France, ils n'obtiennent pas de plein droit un titre de séjour : ils doivent se présenter en préfecture pour solliciter sa délivrance. L'objectif du gouvernement est de simplifier les conditions de délivrance des titres de séjour aux étudiants qui auront obtenu un visa de long séjour.

Cette simplification se traduira en premier lieu par la possibilité, pour les étudiants, après une première année d'étude en France, d'obtenir une carte de séjour pluriannuelle d'une durée maximale de quatre ans. On voit par exemple qu'un étudiant qui viendrait faire un cycle d'étude complet en France d'une durée de cinq ans, ce qui correspond au mastère, pourrait suivre sa première année d'étude sous couvert d'une demande de séjour temporaire d'un an, après quoi, au lieu d'être astreint tous les ans au renouvellement de sa carte de séjour, il pourrait obtenir une carte de séjour pluriannuelle pour une durée de quatre ans.

L'autre mesure de simplification consiste à permettre aux étudiants ayant atteint un certain niveau à l'issue de leur cycle d'études (le projet de loi propose de limiter le bénéfice de cette mesure aux étudiants ayant atteint le niveau du mastère) d'obtenir un permis de séjour en France d'une durée de six mois leur permettant de chercher et, si possible, de trouver un emploi. S'ils parviennent, à l'intérieur de cette période, à trouver un emploi correspondant à leur formation et à condition que cette démarche s'inscrive dans la perspective d'un retour dans leur pays d'origine, il est prévu la possibilité de leur délivrer une autorisation de travail sans que la situation de l'emploi ne leur soit opposable.

Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, ce que sont les mesures de simplification prévues en faveur des étudiants étrangers.

La quatrième mesure figurant dans le projet de loi est une adaptation de l'immigration aux besoins du marché de travail avec, notamment, la création d'une carte de séjour pluriannuelle pour les travailleurs saisonniers et l'inscription dans la loi de la possibilité, pour l'autorité administrative compétente, c'est-à-dire pour le gouvernement, de faire exception au principe de l'opposabilité de la situation de l'emploi pour certains métiers et certaines zones géographiques. Les métiers visés sont ceux dont les études du ministère de l'économie et des finances ou celles du ministère de l'emploi ont démontré qu'il s'agissait de métiers en tension, c'est-à-dire qui font apparaître aujourd'hui, en l'état actuel du fonctionnement de l'économie française, des pénuries de main-d'oeuvre.

J'ai un dernier point à évoquer au titre du projet de loi sur l'immigration et l'intégration sous l'angle de la lutte contre le détournement des procédures et d'une meilleure maîtrise de l'immigration irrégulière : le gouvernement propose de modifier les règles du regroupement familial en portant de douze à dix-huit mois la condition d'ancienneté de séjour en France exigée d'un étranger qui souhaite faire venir en France le reste de sa famille et en lui imposant de satisfaire à une condition d'intégration républicaine. Le principe de cette dernière condition figure déjà dans le code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'attribution de la carte de résident et il est proposé de l'étendre au bénéfice du regroupement familial.

Je poursuis à présent avec le quatrième mandat qui nous a été confié par le Comité interministériel et qui consiste à mieux lutter contre l'immigration irrégulière et le travail illégal. Le Comité interministériel nous a demandé de nous intéresser à deux sujets.

Le premier est la délivrance des laissez-passer consulaires. Vous savez qu'aujourd'hui, l'un des facteurs qui fait le plus obstacle à l'exécution des mesures d'éloignement du territoire des étrangers en situation irrégulière est la difficulté que rencontrent les préfets d'obtenir des autorités consulaires des pays d'origine la délivrance des laissez-passer sans lesquels ces mesures d'éloignement ne peuvent pas être mises à exécution. Le gouvernement a sélectionné quatorze pays qui se montraient particulièrement réticent à délivrer les laissez-passer consulaires et des démarches diplomatiques ont été conduites tout au long du dernier trimestre de l'année 2005 à l'égard de ces pays.

Ces démarches ont d'ores et déjà permis d'obtenir une amélioration assez significative des taux de délivrance de laissez-passer consulaires. Par exemple, pour l'ensemble des pays, alors que le taux de délivrance moyen des laissez-passer consulaires s'était établi à 35,16 % au cours de l'année 2004, il est passé à 45,7 % pour l'ensemble de l'année 2005.

L'effort a été tout particulièrement dirigé vers quatorze pays « mauvais élèves », si vous me permettez d'employer cette expression un peu facile, pour lesquels le taux de délivrance des laissez-passer consulaires s'était établi en 2004 à 19,7 %, ce qui veut dire que moins d'un laissez-passer consulaire sur cinq demandés était délivré par les autorités de ces pays. En 2005, le taux de délivrance pour ces quatorze pays est passé à 32,91 %, ce qui signifie qu'il a été, sinon multiplié par deux, du moins très largement augmenté.

Le deuxième obstacle à la mise à exécution des mesures d'éloignement d'étrangers en situation irrégulière est l'insuffisance de places dans les centres de rétention administrative. Le gouvernement a décidé, lors du Comité interministériel du 27 juillet 2005, un plan triennal d'extension des capacités des centres de rétention administrative avec l'objectif de passer d'environ 1.300 places au début de l'année 2005 à 2.700 places à l'horizon de juin 2008.

En parallèle, le projet de loi sur l'immigration et l'intégration, dont j'ai déjà longuement parlé, comporte des dispositions tendant à faciliter l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. La principale de ces dispositions est la fusion en une seule étape d'un processus qui en comporte deux aujourd'hui.

Comme vous le savez, le principal instrument juridique qui est utilisé pour réaliser l'éloignement d'un étranger en situation irrégulière est l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière et cette procédure se déroule en deux étapes : dans une première étape, l'étranger fait une demande de séjour et se voit opposer un refus de titre de séjour ; dans une deuxième étape, le préfet prend un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. Cela fait aujourd'hui deux décisions administratives qui peuvent chacune donner lieu à un contentieux.

De surcroît, l'habitude a été prise par de nombreuses préfectures de prendre ce qu'on appelle des arrêtés préfectoraux avec notification postale, c'est-à-dire que les arrêtés en question ne sont pas notifiés au guichet ou directement aux intéressés mais à l'adresse connue de ces derniers. L'expérience prouve que les arrêtés à notification postale ont un taux d'exécution extrêmement faible alors même qu'ils sont, comme les autres, contestés au contentieux.

Le gouvernement proposera donc, dans le cadre du projet de loi immigration et intégration, de fusionner en une seule étape la procédure d'éloignement d'un étranger en situation irrégulière en prévoyant la possibilité, pour les préfets, de prendre un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Dès lors, dans une même décision, on aura à la fois le refus de séjour et l'obligation faite aux ressortissants étrangers de quitter le territoire français.

Naturellement, le gouvernement en tire les conséquences en réaménageant le contentieux de cette décision désormais unique. De même que les étrangers ont actuellement la possibilité de faire un recours suspensif contre les arrêtés de reconduites aux frontières, ils pourront former un recours suspensif contre les refus de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français.

M. Alain Gournac, président .- En attendant, pourront-ils rester sur le territoire ?

M. Patrick Stefanini .- Pendant toute la durée de l'examen du recours, qui a un caractère suspensif, la mesure intitulée « obligation de quitter le territoire français » ne pourra pas être mise à exécution.

Mme Alima Boumediene-Thiery .- C'est le cas pour l'invitation à quitter le territoire, mais le recours n'est pas suspensif pour l'APRF : il est exécutable immédiatement.

M. Patrick Stefanini .- Dans le régime juridique actuel, le recours contre le refus de séjour n'est pas suspensif. C'est le recours contre l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière qui est suspensif.

Mme Alima Boumediene-Thiery .- Non. Le recours contre l'APRF n'est pas suspensif.

M. Patrick Stefanini .- Si, madame la sénatrice. Sauf en Guyane et dans la commune de Saint-Martin, le recours est suspensif. La réforme qui est proposée consiste donc à fusionner le refus de séjour avec une obligation de quitter le territoire français, et le recours qui pourra être formé contre cette nouvelle décision sera suspensif en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français.

Mme Alima Boumediene-Thiery .- Aujourd'hui, il y a bien deux procédures : celle de l'invitation à quitter le territoire et celle de l'APRF.

M. Patrick Stefanini .- Non, madame la sénatrice. Il y a actuellement deux étapes.

Premièrement, on a le refus de séjour accompagné d'une invitation à quitter le territoire, et le recours qui peut être formé contre le refus de séjour n'est pas suspensif.

Deuxièmement, au terme d'un délai minimal d'un mois, puisque l'étranger dispose de ce délai pour se conformer à l'invitation qui lui a été faite de quitter le territoire français, le préfet peut prendre un arrêté de reconduite à la frontière, et le recours que l'étranger peut diriger contre cet arrêté est suspensif, c'est-à-dire que le préfet ne peut pas le mettre à exécution aussi longtemps que ce recours n'a pas été jugé.

Le gouvernement souhaite donc fusionner ces deux étapes sans limiter les droits de l'étranger. Le recours que le ressortissant étranger pourra donc former contre la décision unique sera suspensif dans la mesure où cette décision unique emporte obligation de quitter le territoire français.

En parallèle de la réforme des procédures d'éloignement et de leur contentieux, le Comité interministériel nous a demandé d'expérimenter, comme nous le faisons depuis le mois de septembre dans un certain nombre de départements, un nouveau dispositif d'aide au retour volontaire.

Le dispositif existant était considéré comme assez peu efficace puisqu'il comportait l'attribution aux intéressés d'un pécule d'aide au retour dont le montant était faible : de l'ordre de 160 €. Depuis le début du mois de septembre, nous avons mis en place dans 21 départements un dispositif expérimental d'aide au retour volontaire avec un pécule beaucoup plus important, puisqu'il s'élève à 2.000 € par personne, 3.500 € pour un couple, 1.000 € par enfant et 500 € par enfant au-delà du troisième enfant.

Il est un peu tôt pour faire le bilan de ce dispositif qui a commencé à fonctionner dans le courant du mois de septembre et dont l'expérience a vocation à durer jusqu'à la fin du mois de juin de cette année. A l'issue de cette expérience, le gouvernement arrêtera une position quant à la généralisation de ce dispositif d'aide au retour.

J'en terminerai avec la lutte contre l'immigration irrégulière et le travail illégal en évoquant les opérations conjointes de lutte contre le travail illégal, c'est-à-dire des opérations conduites simultanément par plusieurs administrations : la police et la gendarmerie, bien sûr, mais aussi l'inspection du travail, les douanes, la direction générale des impôts, etc. Ces opérations ont été relancées dans le courant de l'année 2005 et le gouvernement vient de les prolonger pour 2006 en demandant aux préfets de conduire au cours de l'année 2006 au moins deux opérations de lutte contre le travail illégal dans chaque département.

Le cinquième mandat qui nous a été confié par le Comité interministériel concerne plus particulièrement l'outre-mer. A cet égard, nous avons préparé un certain nombre de dispositions qui figurent dans le projet de loi sur l'immigration et l'intégration et qui tendent, pour l'essentiel, à étendre à la Guadeloupe et à Mayotte celles qui sont d'ores et déjà appliquées dans le département de la Guyane.

La première est le caractère non suspensif du recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière. Il est proposé d'étendre ce dispositif, qui existe aujourd'hui en Guyane et à Saint-Martin, à la totalité de la Guadeloupe.

La deuxième consiste à étendre à la Guadeloupe et à Mayotte, dans certaines zones géographiques, des dispositions qui existent aujourd'hui en Guyane et qui permettent de faciliter les contrôles d'identité et les visites sommaires de véhicules afin de lutter contre les infractions d'entrée ou de séjour irréguliers.

La troisième est relative à des dispositions spécifiques à Mayotte et à la Guyane en vue de lutter contre les reconnaissances de paternité frauduleuses.

Contrairement à ce qui avait été annoncé à un moment, les dispositions relatives à l'outre-mer qui figurent dans le projet de lois immigration et intégration ne comportent aucune disposition relative à l'adaptation du droit du sol.

Enfin, monsieur le président, le dernier mandat qui nous a été confié par le premier ministre et le Comité interministériel tient au lien à établir entre la politique de contrôle de l'immigration, d'une part, et les politiques de coopération et d'aide au développement, d'autre part. Ce mandat nous ayant été donné récemment, nous sommes en train de le mettre en oeuvre et je ne suis pas en mesure de vous en présenter un bilan.

M. Alain Gournac, président .- Merci beaucoup, monsieur le Secrétaire général. Je passe la parole à notre rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Ma première question portera sur l'expérience de « déclaration de retour volontaire » des titulaires de visas de court séjour que vous avez évoquée. Peut-on déjà en dresser un bilan et est-il envisagé de l'étendre ?

M. Patrick Stefanini .- J'aurai deux réponses à votre question, monsieur le rapporteur.

Premièrement, il est apparu depuis plusieurs mois que les consulats ont privilégié, s'agissant de cette déclaration de retour, l'obligation de présentation personnelle des intéressés au consulat. On aurait pu imaginer une autre formule comme la simple obligation, pour le ressortissant étranger de retour dans son pays d'origine, d'adresser par la voie postale au consulat lui ayant délivré un visa une attestation prouvant son retour, mais, compte tenu du fonctionnement du service public de la poste dans les différents pays concernés, il est apparu nécessaire aux consulats d'exiger la présentation personnelle de l'étranger au poste lui ayant délivré le visa.

Sur le deuxième point, je ne suis malheureusement pas en mesure de vous dire si, en l'état actuel de l'expérience, le gouvernement souhaite généraliser cette obligation de la déclaration de retour. C'est bien en ce sens que l'expérience avait été engagée, mais le bilan n'en a pas été dressé à ce jour.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Ma question suivante est relative à l'attestation d'accueil. Un certain nombre de nos interlocuteurs, ont avancé l'idée que l'on puisse responsabiliser l'hébergeant, sous une forme qui resterait à déterminer, pour améliorer le contrôle des courts séjours. Cette question a-t-elle été envisagée par le Comité interministériel ?

M. Patrick Stefanini .- Comme je vous l'ai dit, mes services agissent en fonction de mandats qui leur ont été donnés par les ministres et nous n'avons pas, sur ce point précis, reçu de mandat du Premier ministre ni du Comité interministériel.

M. Alain Gournac, président .- Notre collègue Louis Mermaz souhaite s'exprimer, monsieur le secrétaire général.

M. Louis Mermaz .- Je le ferai laconiquement, monsieur le président. Puisque qui ne dit rien consent, je tiens à dire que l'exposé de M. le secrétaire général, à part quelques pâquerettes, fait froid dans le dos, mais nous aurons d'autres lieux pour le dire.

Mme Catherine Tasca .- Mon interrogation porte sur le traitement qui est fait du droit d'asile dans ce projet de texte.

Premièrement, nous savons que, juridiquement, il ne peut pas y avoir confusion entre le droit d'asile et le droit général des étrangers. Par conséquent, pour quelle raison le gouvernement joint-il dans le même texte des questions qui sont de nature différente et, ce faisant, la France respecte-t-elle ses engagements internationaux ?

Vous avez dit que beaucoup de demandeurs d'asile déboutés deviennent des étrangers en situation irrégulière, mais, dans le même mouvement, le gouvernement durcit les conditions d'examen des demandes d'asile. Je répète donc ma question : la France respecte-t-elle le droit international du droit d'asile ?

M. Bernard Frimat .- En ce qui concerne le droit d'asile, la commission d'enquête s'est rendue dans les Bouches-du-Rhône et a visité le CADA de Miramas. Nous avons été impressionnés par la qualité des personnes qui assuraient l'encadrement social des demandeurs d'asile recueillis dans ce centre, et plus encore par la « taux de réussite » des demandes d'asile qu'elles les aidaient à préparer. Ces personnes nous ont expliqué que lorsque quelqu'un vient d'échapper à une situation dramatique, il lui faut un certain temps, surtout quand il ne parle pas la langue, pour retrouver ses esprits et « sortir » son histoire.

Les travailleurs sociaux que nous avons rencontrés étaient donc très inquiets de la tendance actuelle à raccourcir non pas les délais d'examen des demandes mais les délais accordés aux demandeurs d'asile pour la préparation des dossiers.

Je pense que nous sommes tous d'accord pour penser qu'il n'est pas sain de laisser « traîner » une situation par définition transitoire et qu'il faut que les demandes d'asile soient examinées dans des délais convenables, mais il est aussi primordial que les demandeurs, que l'on n'a a priori aucune raison de considérer comme des fraudeurs potentiels, aient le temps et le soutien nécessaires pour préparer leur dossier dans de bonnes conditions. Cela me semble très important, parce que cela touche aux conditions d'exercice d'un droit fondamental, le droit d'asile.

M. Alain Gournac, président .- Monsieur le secrétaire général, je vais vous demander de répondre aux questions de Mme Tasca et de M. Frimat.

M. Patrick Stefanini .- J'indiquerai tout d'abord à M. Frimat que le délai actuel dont dispose un demandeur d'asile pour déposer sa demande d'asile à l'OFPRA, à compter du moment où il a été admis au séjour par le préfet du département dans lequel il a établi sa résidence, est de 21 jours et que le gouvernement n'envisage pas de le modifier.

M. Bernard Frimat .- Autrement dit, la réduction éventuelle à quinze jours qui avait été évoquée à un moment n'est plus d'actualité ?

M. Patrick Stefanini .- A ce niveau, elle n'a jamais été d'actualité. Le gouvernement ne nous a jamais demandé de réfléchir à une réduction du délai de 21 jours. J'ai parlé d'une réduction du délai de recours devant la commission des recours, mais on se situe là à une étape ultérieure.

Par ailleurs, j'indique à Mme Tasca que le projet de loi immigration et intégration, qui, encore une fois, est en cours d'examen au Conseil d'Etat -je ne peux donc pas préjuger de la version qui sera examinée par le Conseil des ministres- ne comporte, en matière d'asile, que deux dispositions.

La première a trait à la possibilité, pour l'OFPRA, de compléter au plan national la liste des pays d'origine sûrs susceptible d'être adoptée par les pays de l'Union européenne au plan communautaire ;

La deuxième a trait au statut des centres d'accueil pour demandeurs d'asile, qui est défini en partie par le code de l'action sociale et des familles et qui fait de ces centres d'accueil pour demandeurs d'asile une variété particulière de centres d'hébergement et de réinsertion sociale.

M. Frimat m'a indiqué que plusieurs membres de votre commission d'enquête avaient visité un CADA, dont nous savons que l'accueil est probablement le meilleur que l'on puisse réserver à un demandeur d'asile puisque l'intéressé peut s'y trouver assisté, notamment dans la préparation du dossier de demande d'asile auquel vous faisiez référence tout à l'heure, monsieur le sénateur.

Le gouvernement souhaite donc développer les capacités d'accueil des CADA, comme je l'ai dit dans mon exposé liminaire, en augmentant de 2.000 places le nombre de places d'accueil en CADA au cours de l'année 2006, et le projet de loi se propose de rénover et de moderniser le statut législatif des CADA et comporte donc des dispositions en ce sens.

Pour le reste, madame la sénatrice, aucune modification législative des conditions d'exercice du droit d'asile dans notre pays n'est prévu.

Mme Alima Boumediene-Thiery .- La notion de pays sûrs m'inquiète beaucoup et je dois avouer que je me demande toujours quels en sont les critères. On nous parle souvent de la liste établie par les pays de l'Union européenne, une liste qui n'a pas encore été définitivement fixée, et je me demande si les critères retenus vont faire référence au pouvoir politique en place ou à une réalité sociale existant dans le pays.

En effet, lorsque je considère la situation des femmes ou des homosexuels dans certains pays, je me demande si on peut parler de pays sûrs. Les raisons économiques et commerciales vont-elles être privilégiées et va-t-on considérer qu'à partir du moment où on a des relations économiques ou commerciales avec un pays, ce pays est sûr ? J'ai très peur de cette notion, d'autant plus que j'ai l'impression qu'au nom de cette notion de pays sûrs, on va vers l'externalisation de l'asile, c'est-à-dire que l'on va maintenir les demandeurs d'asile à l'écart de notre territoire.

Enfin, j'ai une question de vocabulaire à vous poser : que signifie la formule « faire preuve d'une intégration républicaine » ? J'ai du mal à le comprendre.

M. Patrick Stefanini .- Ce sont deux questions tout à fait différentes.

En ce qui concerne la liste des pays d'origine sûrs, son établissement est prévu par la loi, précisément par le 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cet article définit comme pays d'origine sûr un pays qui veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'Etat de droit ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme Alima Boumediene-Thiery .- Il ne doit pas y en avoir beaucoup !

M. Patrick Stefanini .- La loi confie au conseil d'administration de l'OFPRA, en vertu de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la fixation des orientations concernant la liste des pays d'origine considérés comme sûrs.

M. Alain Gournac, président .- Pouvez-vous nous donner cette liste ?

M. Patrick Stefanini .- Oui, monsieur le président. Le conseil d'administration de l'OFPRA s'est réuni le 30 juin et a adopté cette liste qui comporte actuellement douze pays que je cite dans l'ordre alphabétique : le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Cap Vert, la Croatie, la Géorgie, le Ghana, l'Inde, le Mali, Maurice, la Mongolie, le Sénégal et l'Ukraine.

Quant à la condition de l'intégration républicaine, elle est actuellement définie, à propos de l'attribution de la carte de résident, à l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française ».

Aujourd'hui, la condition de l'intégration républicaine figure donc déjà dans le code et elle repose sur une double connaissance : celle de la langue française et celle des principes qui régissent la République française.

M. Bernard Frimat .- J'ai une question à vous poser sur la délivrance d'un titre de séjour à tout étranger présent en France depuis plus de dix ans, une mesure sur laquelle le projet de loi reviendrait, sans en exclure la possibilité mais en en supprimant l'automaticité, si j'ai bien compris. Pouvez-vous nous indiquer quel est actuellement le nombre de titres de séjour qui sont accordés dans ce cadre ? Ma question n'est pas une « question piège ». Je souhaite simplement avoir un ordre de grandeur, le seul chiffre que j'ai pu trouver étant inférieur à 2.500 par an. Pouvez-vous me dire si ce chiffre est bon ?

Par ailleurs, j'ai une question plus générale, sachant que nous lirons avec intérêt le rapport que vous avez eu l'amabilité de nous apporter, sur toutes les difficultés d'évaluer l'importance de l'immigration clandestine. J'ai feuilleté ce document dont il ne ressort pas que nous soyons devant une explosion du phénomène puisque, prudemment, le rapport indique que la situation est contrastée. Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur ce sujet ?

M. Patrick Stefanini .- Je crains, monsieur le sénateur, de ne pas être en mesure de vous donner tout de suite l'information répondant à votre première question.

M. Alain Gournac, président .- Peut-être pourrez-vous nous la donner ensuite.

M. Patrick Stefanini .- Je vais regarder ce point.

M. Bernard Frimat .- Pour l'instant, je n'ai qu'une source : une déclaration du Premier ministre, à laquelle vous pouvez attacher l'importance que vous voulez. Lors de sa conférence de presse, à l'issue du Comité interministériel, il a dit que cette opération concernait moins de 2.500 personnes par an. Il serait donc intéressant d'avoir des chiffres précis.

M. Patrick Stefanini .- Excusez-moi : j'avais mal compris votre question car je croyais que vous parliez de la délivrance automatique de la carte de résident.

M. Bernard Frimat .- Le Premier ministre a dit que la délivrance automatique d'un titre de séjour à tout étranger présent en France depuis plus de dix ans ne concerne qu'un petit nombre de personnes. Si j'ai mal formulé ma question, je vous prie de m'en excuser.

M. Patrick Stefanini .- Il ne s'agit pas de la carte de résident mais de ce qu'on appelle la carte « vie privée et familiale ». A l'heure actuelle, le 3° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la possibilité de délivrer de plein droit une carte de séjour « vie privée et familiale » à l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans, ou depuis plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant.

L'indication que nous pouvons donner sur le nombre de titres qui sont délivrés dans ce cadre est donc la suivante : en 1998, première année d'application de ce dispositif, il a été délivré 737 cartes de séjour « vie privée et familiale » sur le fondement de cette disposition ; ce nombre s'est élevé à 2.595 en 1999, 2.994 en 2000, 2.653 en 2001, 2.569 en 2002, 3.658 en 2003, 2.883 en 2004 et 2.486 en 2005.

M. Alain Gournac, président .- Cela nous donne un ordre de grandeur. Si je comprends bien, nous avions un très faible niveau au démarrage et nous nous situons aujourd'hui entre 2.500 et 3.000 cartes par an.

M. Jean-Patrick Courtois .- J'ai une question très ponctuelle à vous poser, monsieur le Secrétaire général. Vous avez dit que vous envisagiez avec le gouvernement de créer 2.000 places de CADA à l'horizon de juin 2008. J'aimerais savoir si vous avez déjà une idée du mode de répartition de ces 2.000 places, c'est-à-dire si vous allez les mettre dans des villes qui n'ont pas de CADA à l'heure actuelle ou si, au contraire, vous allez agrandir les CADA qui existent.

En effet, je fais partie des villes qui ont un CADA et je constate que si, au départ, le centre ne coûte rien à la collectivité, il s'avère que, lorsque les gens sortent du dispositif, cela coûte une fortune. Je souhaiterais donc savoir si vous choisiriez la solution de facilité qui est d'agrandir les CADA existants, ce qui pose des problèmes aux collectivités, ou si vous en installerez dans des villes qui n'en ont pas.

M. Patrick Stefanini .- Je ne suis pas en mesure de répondre avec une très grande précision à votre question puisque, encore une fois, je ne suis que secrétaire général d'un comité interministériel et que les ministères et les directions conduisent des politiques spécifiques dans ces domaines. C'est donc le ministre chargé des affaires sociales et, plus précisément, la direction de la population et des migrations du ministère chargé des affaires sociales qui est en charge de l'extension des capacités des CADA.

A ma connaissance, la création, en 2006 -je le précise bien- de 2.000 places supplémentaires de CADA s'effectuera plutôt par création de nouveaux CADA que par extension des CADA existants.

M. Alain Gournac, président .- Monsieur le secrétaire général, vous avez parfaitement répondu à toutes nos questions, même à celles qui avaient été mal comprises, et je vous en remercie.

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