6. Les investissements étrangers se heurtent à de nombreux obstacles dans les deux pays

Le protectionnisme du Japon et de la Corée se manifeste également dans les obstacles auxquels se heurte l'investissement étranger dans ces deux pays.

a) Un problème réel, essentiellement dans le cas du Japon

Comme dans de nombreux pays - à commencer par la France -, cette volonté de conserver sur place le contrôle des entreprises s'explique en grande partie par le souci d'éviter que le pays ne perde ses sièges sociaux pour ne devenir qu'un lieu de production à faible valeur ajoutée.

La réalisation, par une entreprise étrangère, d'investissements au Japon - et dans une moindre mesure en Corée - semble peu aisée, si l'on en juge par la faible ampleur des investissements étrangers dans ces deux pays, comme l'indique le graphique ci-après.

Stocks d'IDE en provenance de l'étranger dans les pays de l'OCDE, années 80 et 90

(en points de PIB)

Source: OCDE, « L'investissement direct étranger dans les pays de l'OCDE », 2003

Ainsi, dans les années 1980 et 1990, l'investissement direct étranger a été négligeable au Japon, malgré un fort accroissement dans les années 1990 (+ 410%) qui se poursuit depuis 2000 (+ 92%). En revanche, la Corée s'est légèrement ouverte dans les années 1990, qui ont correspondu à un stock d'investissements directs étrangers de l'ordre de 8 % du PIB, analogue à celui observé dans de nombreux pays occidentaux, dont la France, l'Allemagne et les Etats-Unis.

Selon l'OCDE, la modestie des investissements étrangers au Japon et en Corée s'explique notamment par le fait que ces deux Etats font partie de ceux qui restreignent le plus l'investissement direct étranger (IDE), comme l'indique le graphique ci-après.

Restrictions à l'IDE dans les pays de l'OCDE, 1998/2000: répartition selon diverses restrictions

L'échelle de l'indicateur varie de 0 (le moins restrictif) à 1 (le plus restrictif).

Source: OCDE, « L'investissement direct étranger dans les pays de l'OCDE », 2003

Dans le cas de la Corée cette limitation des investissements étrangers proviendrait essentiellement de la limitation de la participation étrangère, alors que le Japon recourrait essentiellement à des restrictions visant le personnel étranger et la liberté d'exploitation.

Dans le cas particulier des OPA hostiles, la situation est rigoureusement inverse. Alors que la Corée n'a pas de dispositions en la matière - bien qu'elle doive s'en doter prochainement -, le Japon interdit les opérations « triangulaires », c'est-à-dire l'échange d'actions entre une entreprise japonaise et une filiale locale d'une entreprise étrangère. Ce point a été déploré par plusieurs représentants de la communauté d'affaires française à Tokyo, ainsi que par l'EBC ( European Business Council in Japan ), organisme représentant les entreprises européennes au Japon. Bien que la nouvelle loi sur les entreprises ( Corporate Law ), entrée en vigueur le 1 er mai 2006 , prévoie la suppression de cette restriction, cette disposition ne doit entrer en vigueur qu'au 1 er mai 2007.

L'impact de la nouvelle loi sur les sociétés sur les fusions-acquisitions transfrontalières

« La nouvelle loi sur les sociétés (« Corporate Law ») approuvée par le conseil des ministres le 18 mars 2005, puis adoptée le 26 juillet, est entrée en vigueur le 1 er mai 2006, à l'exception des mesures visant à faciliter les fusions-acquisitions, qui seront effectives un an plus tard.

« (...)

« La révision de la loi prévoyait initialement d'étendre les opérations de fusion-acquisition par échange d'actions aux entreprises étrangères, dans la limite cependant de la formule de «fusion en triangle » qui consiste, pour une entreprise étrangère, à conclure une fusion-acquisition par échange d'actions avec une entreprise japonaise, mais uniquement par le biais de sa propre filiale implantée au Japon. Les actifs étrangers acquis en échange de ses propres actions par l'entreprise cible japonaise sont dans ce schéma imposables au titre de la plus-value.

« Le calendrier de la réforme de la loi, qui a coïncidé avec les débats concernant les prises de contrôle, a conduit le gouvernement à retarder d'un an (2007) l'entrée en vigueur du dispositif. Il pourrait l'être encore davantage suite du scandale Livedoor (janvier 2006), durant laquelle les pratiques jugées peu scrupuleuses de la société auraient été mises à jour et qui a conduit à l'arrestation de son PDG.

« La loi permet en outre l'émission de « golden shares » (actions bénéficiant de droits spécifiques, tels que le droit de veto sur certaines décisions stratégiques), mais les recommandations publiées en mai 2005 par le METI et le ministère de la justice ne seraient pas favorables à leur utilisation systématique. Le but affiché est de gagner du temps afin de permettre aux entreprises japonaises de s'organiser en conséquence.

« Concrètement, les sociétés japonaises ne semblent pas toutes s'être empressées d'adopter des dispositifs anti-OPA faisant appel à des techniques de type « poison pills ». Les points de vue de leurs dirigeants quant aux systèmes de protection possibles sont assez diversifiés, en fonction notamment de la qualité de la situation financière des entreprises et/ou de leur exposition au risque de prise de contrôle (sous-valorisation d'actifs immobiliers, sur-capitalisation, trésorerie surabondante, structure sous-optimisée des filiales du groupe, etc.). On peut notamment citer :

« - l'augmentation de la capitalisation boursière (par le renforcement de la rentabilité au moyen de la poursuite des rationalisations et du développement du chiffre d'affaires), stratégie a priori la plus saine ;

« - l'augmentation des dividendes (l'exercice clôturé le 31 mars 2005 a été marqué par une attention inédite à l'égard des actionnaires, sous la forme d'une meilleure rémunération des actions) ;

« - l'adoption de dispositifs ou de mesures ad hoc anti-OPA. Les cas ne semblent pas très nombreux et restent encore pour beaucoup au stade des intentions. Certains ont été contestés devant les tribunaux au motif de la rupture d'égalité des actionnaires.

« La meilleure défense des sociétés japonaises tiendrait aussi à la fidélité traditionnelle de l'actionnariat non flottant, qui n'a pas disparu malgré une certaine réduction des participations croisées, et aux difficultés concrètes que rencontrerait un "raider" étranger pour gérer son acquisition sur le marché japonais.

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« Le report d'un an de l'assouplissement des règles relatives aux fusions et acquisitions par échanges d'action est significatif des tensions qui traversent actuellement les milieux politiques et économiques au Japon : évolution indispensable pour favoriser une ouverture plus grande aux investissements directs étrangers, qui restent à un faible niveau au Japon, cette mesure est aussi source d'instabilité pour le contrôle des entreprises.

« Il faut garder à l'esprit que, même une fois adopté, cet assouplissement du Code de commerce demeurera insuffisant pour encourager les fusions et acquisition transfrontières tant que le traitement fiscal des ces opérations n'aura pas été amélioré. La nécessité d'une fiscalité plus souple des F&A a été rappelée par l'Union européenne dans ses propositions de réforme réglementaire présentées au Japon en octobre 2005, dans le cadre du dialogue sur les barrières à l'accès aux marchés des deux partenaires. »

Source : mission économique de l'ambassade de France au Japon, note du 14 avril 2006

Paradoxalement, l'OCDE considère que le protectionnisme en matière d'investissements correspond, dans le cas du Japon, à un phénomène récent : le Japon aurait figuré en 1980 parmi les Etats ayant le moins de restrictions aux IDE, mais il n'aurait pas évolué depuis, alors que les autres Etats - comme la France, alors classée parmi les Etats les Etats les plus restrictifs - devenaient de moins en moins restrictifs.

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