D. UNE GESTION BUDGÉTAIRE CRITIQUABLE DU FONDS NATIONAL DES SOLIDARITÉS ACTIVES

1. La création du FNSA était contestable

La nouvelle contribution additionnelle de 1,1 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement est entièrement affectée au RSA, la traçabilité de cette opération étant assurée par la mise en place du fonds national des solidarités actives (FNSA) auquel elle est affectée.

Le FNSA n'est pas doté de la personnalité morale. Il est administré par un conseil de gestion dont la composition est mentionnée à l'article D. 262-51 du CASF. La direction générale de la cohésion sociale assure son secrétariat et son directeur est président du conseil de gestion. La Caisse des dépôts et consignations assure sa gestion comptable, administrative et financière.

Dépenses supportées par le FNSA

Le FNSA supporte les cinq dépenses suivantes :

- le financement du « RSA activité » ;

- le financement de l'intégralité du « RSA jeunes » ;

- le financement du « revenu supplémentaire temporaire d'activité » ;

- l'allocation personnalisée de retour à l'emploi ;

- les frais de gestion du RSA exposés par la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) et la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA).

Dans son rapport pour avis au nom de la commission des finances sur la loi généralisant le RSA, notre collègue Eric Doligé estimait contestable le « choix de faire porter [les dépenses du RSA activité] par un fonds ad hoc », même s'il admettait l'existence de précédents.

L'intention - louable - du Gouvernement était de proposer une plus grande transparence dans l'affectation de la nouvelle contribution additionnelle. Le rapport précité notait cependant que la création d'un fonds contrevenait « aux principes d'unité et d'universalité budgétaires . Cette entorse à ces principes n'apparaît, au demeurant, pas nécessaire dès lors que la réforme proposée s'attache à bien distinguer les dépenses relevant des départements - le "RSA socle" - de celles relevant de l'Etat - le "RSA activité" ».

Surtout, ce schéma de financement permet à l'Etat de contourner la norme de dépenses « zéro volume » auquel il s'astreint . En effet, le FNSA est abondé par une fiscalité affectée et par une subvention d'équilibre provenant du budget de l'Etat - inscrite sur le programme « Lutte contre la pauvreté » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Or seule cette dotation budgétaire rentre dans la norme de dépenses quand bien même le « RSA activité » représente une somme bien supérieure.

Les engagements réels de l'Etat au titre du RSA ne ressortent donc pas de l'analyse du budget général mais des comptes du FNSA. La création du FNSA a ainsi permis la débudgétisation importante de certaines charges . Il ne s'agit pas seulement d'un problème de principe : la débudgétisation fausse la réelle appréciation que l'on peut faire de la maîtrise de la dépense publique , contribuant par là même à altérer la portée de l'autorisation parlementaire.

Vos rapporteurs estiment qu'une telle débudgétisation aurait pu être ponctuellement justifiée dès lors que la dépense nouvelle était relativement élevée (près de 1,5 milliard d'euros). Après la clôture de deux exercices (2009 et 2010), il est surtout apparu que le FNSA a permis de débudgétiser des dépenses sans rapport avec le RSA , notamment la prime de Noël.

2. Le FNSA a dégagé des excédents qui n'ont pas été utilisés conformément à son objet

Le tableau ci-dessous retrace l'équilibre du FNSA tel qu'il résulte des documents budgétaires successifs transmis au Parlement.

Tableau de financement du FNSA

(en millions d'euros)

2009 (prévisionnel)

2009
(révisé)

2009
(constaté)

2010 (prévisionnel)

2010
(révisé)

PLF 2011

Dépenses RSA

1 625

1 625

913

3 127

1 548

2 239

dont RSA activité

1 450

1 450

744

2 900

1 313

1 803

dont RSA jeunes

-

-

-

-

20

75

dont RSA Dom

-

-

-

-

-

200

dont Apre

75

75

69

150

138

84

dont frais de gestion

100

100

100

77

77

77

Recettes

1 987

1 790

913

3 127

2 842

2 239

dont budget Etat

555

555

80

1 675

1 386

700

dont créance Acoss

-

-

-

-

233

dont contribution 1,1%

1 432

1 235

833

1 287

1 223

1 168

dont prélèvement trésorerie

-

-

165

-

371

Résultat

362

165

0

0

1 294

1 015

Source : projets annuels de performances annexés aux projets de loi de finances pour 2010 et 2011, rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement pour 2009.

La programmation budgétaire s'est révélée particulièrement défaillante. Par exemple, le FNSA devait, initialement, dépenser près de 1,6 milliard au titre de l'exercice 2009 et 3,1 milliards au titre de l'exercice 2010. Or seulement 913 millions d'euros ont été décaissés en 2009 et 1,5 milliard en 2010, soit, respectivement, 56,2 % et 49,5 % des montants primitivement inscrits .

Cette situation résulte d'hypothèses volontairement optimistes quant à la montée en charge du « RSA activité ». Or il apparaissait clairement dès la fin de l'année 2009 qu'il était tout à fait irréaliste que la cible du régime de croisière, en termes de nombre de bénéficiaires, soit atteinte dès juin 2010. La commission des finances et la commission des affaires sociales du Sénat 12 ( * ) avaient d'ailleurs alors critiqué les hypothèses sur lesquelles était fondé le budget pour 2010.

Marc-Philippe Daubresse, alors ministre de la jeunesse et des solidarités actives, avait d'ailleurs concédé, lors de son audition en octobre 2010, que lorsque le RMI a été créé , « il a fallu cinq ans pour en doubler le nombre de bénéficiaires et dix ans pour le tripler » 13 ( * ) .

Le FNSA a, par conséquent, dégagé d'importants excédents de trésorerie : plus de 570 millions d'euros en 2009 et environ 1,3 milliard en 2010. La lettre de l'article L. 262-24 du CASF, qui prévoit que l'Etat assure « l'équilibre » du FNSA, aurait voulu que ces excédents soient intégralement réutilisés au cours de l'exercice suivant, diminuant d'autant la subvention d'équilibre apportée par le budget de l'Etat. Par exemple, si tel avait été le cas en 2011, le fonds serait resté excédentaire de près de 236 millions d'euros à la fin de l'année , sans que l'Etat soit contraint de lui verser une dotation.

Le Gouvernement n'a pas retenu cette option, pourtant la seule valable du point de vue juridique et budgétaire.

En 2009, le résultat du FNSA s'élevait à plus de 570 millions d'euros. Deux opérations ont permis de réduire significativement ce montant. Le Gouvernement a tout d'abord décidé - en dehors de toute autorisation parlementaire - de financer la prime de Noël , pour près de 340 millions d'euros. Par ailleurs, il a été également été décidé de soutenir la trésorerie de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à hauteur de 230 millions d'euros. Cette créance sur l'exercice 2010 ne s'est pourtant pas accompagnée d'une diminution de la dotation d'équilibre versée par l'Etat en 2010. Par ailleurs, à l'occasion de la première loi de finances rectificative pour 2010 14 ( * ) , les excédents du fonds ont permis de gager, à hauteur d'environ 50 millions d'euros, une partie de la dépense afférente aux investissements d'avenir.

De même, en 2010, l'excédent de trésorerie a de nouveau permis de financer la prime de Noël 15 ( * ) . Toutefois, une plus grande partie du surplus sera utilisée puisque la dotation de l'Etat en 2011 - qui aurait pu être nulle - est limitée à un peu moins de 700 millions d'euros. La subvention d'équilibre du budget général devrait être stable dans le cadre de la programmation budgétaire triennale, permettant ainsi de diminuer progressivement l'excédent.

L'excédent de trésorerie du FNSA offre la possibilité de lisser la dépense budgétaire sur trois ans. A l'inverse, si la totalité ou une grande partie de l'excédent était consommée en 2011, le budget général devrait contribuer de manière plus importante à l'équilibre du fonds en 2012. Compte tenu de la norme de progression de la dépense, celle-ci devrait être diminuée d'autant sur d'autres postes du budget général.

Ainsi, les excédents du FNSA qui justifient, aux yeux du Gouvernement, une programmation sur trois ans, contribuent, en fait, à une opacité budgétaire qui permet à l'Etat d'échapper aux normes de progression des dépenses .

Quelle est l'utilité d'une norme de dépense si elle est aussi aisément contournée ?

Il est hautement souhaitable que, pour la sincérité même des débats et de la programmation budgétaires, les dépenses de l'année N soient financées par les recettes perçues au cours du même exercice et que l'ensemble puisse être retracé dans le budget général de l'Etat.

Vos rapporteurs regrettent cette utilisation peu rigoureuse des deniers publics qui détourne le FNSA de son objet initial . Si de telles pratiques devaient, à l'avenir, se renouveler, il conviendrait de s'interroger sur l'opportunité de maintenir le fonds . On l'a vu, sa création n'était pas absolument nécessaire : ses dépenses et ses recettes relèvent de la seule compétence de l'Etat. Vos rapporteurs lui reconnaissent néanmoins le mérite, auquel ils restent attachés, d'offrir une meilleure transparence des sommes consacrées au RSA et tout particulièrement de la nouvelle contribution additionnelle de 1,1 % .


* 12 Auguste Cazalet, Albéric de Montgolfier, Projet de loi de finances pour 2011, rapport spécial sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », 18 novembre 2010 et Projet de loi de finances pour 2010, rapport spécial sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », 19 novembre 2010.

* 13 Cf. infra p. 43, audition conjointe par la commission des finances et la commission des affaires sociale.

* 14 Loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

* 15 Vos rapporteurs relèvent que, pour des raisons budgétaires évidentes, la prime de Noël est versée, parmi les allocataires du RSA, aux seuls bénéficiaires du « RSA socle ». Cette pratique contribue à recréer une logique d'attribution en fonction du statut allant à l'encontre de l'esprit même qui a prévalu lors de la création du RSA.

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