B. LES DIFFÉRENTS MODÈLES EUROPÉENS DE REGISTRE DES CRÉDITS AUX PARTICULIERS

La majorité des pays européens sont dotés de fichiers positifs : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Estonie, Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni et Suisse. En dehors de l'Europe, des fichiers positifs existent notamment en Afrique du Sud, en Inde, en Russie, au Brésil et aux États-Unis.

Cependant, l'ensemble de ces fichiers recouvrent une réalité très variée , notamment selon leur origine, leur objectif et leur fonctionnement. La distinction principale qui peut être établie concerne le statut, l'objectif et le mode de gestion de ces fichiers :

- les fichiers créés dans le cadre d'une initiative privée et gérés par une entité privée ont pour objet de mieux renseigner les prêteurs sur la situation des emprunteurs, afin de faciliter les relations contractuelles ;

- les fichiers dont l'initiative est étatique, qui sont en général gérés par la banque nationale, ont souvent pour objectif de prévenir le surendettement.

Afin de mieux connaître les modèles et le fonctionnement des répertoires de crédits, votre groupe de travail a fait établir une note de législation comparée . Cette note, annexée au présent rapport 42 ( * ) , étudie six modèles européens de fichiers positifs : Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Royaume-Uni et Suisse. La synthèse de cette note est ici présentée.

1. Synthèse de la comparaison des fichiers positifs européens

Les systèmes comparés font ressortir une grande diversité, notamment dans leur origine et dans leur façon d'être gérés : il est donc impossible de dégager ce qui pourrait constituer un modèle commun de fichier européen.

Par ailleurs, il est à noter que plusieurs centrales de crédits peuvent coexister dans le même État : ainsi, un fichier public et un ou plusieurs fichiers privés coexistent en Italie et en Espagne, plusieurs fichiers privés existent en Angleterre et un autre fichier privé complète le dispositif suisse.

Le tableau ci-dessous illustre les principaux points de comparaison des systèmes étudiés.

Tableau comparatif :

Exemples de centrales de crédit contenant des informations

« positives » sur les consommateurs

Allemagne

Belgique

Espagne

Italie

Statut

privé

public

public

public

privé

Nom

SCHUFA

( SCHUFA Holding AG )

Centrale
des crédits aux particuliers

( Banque nationale de Belgique )

Central de información
de riesgos

( Banco
de España
)

Centrale rischi (CR)

( Banca d'Italia )

CRIF
Experian
Assilea

Communication obligatoire
des données

engagement contractuel

obligation légale

obligation légale

obligation légale

engagement, contractuel

Conservation
des données

3 ans
après remboursement

3 mois et 8 jours ouvrables en l'absence de défaut de paiement

10 ans en cas
de défaut
de paiement

10 ans

36 mois

demandes de crédit : 180 jours

prêts : 24 mois après sa fin

Obligation
de consultation
du fichier ?

non

oui

(obligation légale)

non

non

non

Communication des données sous réserve de l'intérêt légitime du destinataire de les connaître

oui

oui

oui

oui

oui

Protection de la vie privée par :

législation de droit commun

législation spécifique

législation de droit commun

législation de droit commun

législation de droit commun + code
de déontologie

Accord / information de l'emprunteur pour la transmission des données le concernant

accord

information

information

non

accord implicite lors de la communication des données

Accès de l'emprunteur aux données

oui
(gratuit une fois / an)

oui
(gratuit)

oui
(gratuit)

oui
(gratuit)

oui
(gratuit)

Droit d'obtenir rectification

oui

oui

oui

oui

oui

Tableau comparatif (suite)

Royaume-Uni

(Angleterre)

Suisse

Statut

privé

privé 43 ( * )

privé

Nom

Callcredit
Equifax
Experian

Centre suisse
de renseignements
pour le crédit
à la consommation (IKO)

Centrale d'information
sur le crédit (ZEK)

Communication obligatoire des données

engagement contractuel

obligation légale

engagement contractuel

Conservation des données

6 ans

de 14 jours à 2 mois

jusqu'à la fin du prêt

Obligation de consultation du fichier

non

oui
(obligation légale)

oui, engagement contractuel

Communication des données sous réserve de l'intérêt légitime du destinataire de les connaître

oui

oui

oui

Protection de la vie privée par :

législation
de droit commun

législation de droit commun

législation de droit commun

Accord / information de l'emprunteur pour la transmission des données le concernant

oui

non

oui
conditions générales de prêt

Accès de l'emprunteur aux données

oui
(payant 44 ( * ) )

oui
(gratuit)

oui
(gratuit)

Droit d'obtenir rectification

oui

oui

oui

Source : note de législation comparée (annexe 5).

a) Diversité de l'origine et des modalités de gestion des fichiers

Comme précédemment évoqué, la distinction principale qui peut être opérée entre les fichiers positifs étudiés concerne leur gestion par un organisme public ou privé :

- en Belgique, Espagne et Italie, les répertoires de crédits ont un statut public et sont gérés par la banque nationale ;

- au Royaume-Uni et en Allemagne, les fichiers résultent d'une initiative privée ou commerciale ;

- en Suisse, un fichier géré par une entité privée a été créé par une disposition législative.

La finalité des fichiers varie selon leur origine : les fichiers relevant d'une initiative privée ont pour objectif d'instaurer un climat de confiance entre prêteurs et emprunteurs (Allemagne) ou de faciliter les transactions commerciales (Royaume-Uni), ceux étant issus d'une initiative étatique tendent à prévenir le surendettement (Belgique, Suisse, Italie). En Espagne, le fichier géré par la banque nationale d'Espagne doit permettre de faciliter l'exercice de l'activité des intermédiaires financiers.

b) Obligation de communication des données faite aux établissements de crédit

L'obligation faite aux banques et aux organismes financiers de communiquer des données au gestionnaire de la centrale de crédit concernant les prêts consentis à la clientèle résulte d'une disposition légale ou réglementaire (Belgique, Espagne, Italie et Suisse) ou d'un accord conventionnel (Allemagne, Royaume-Uni, Suisse également).

c) Délais de conservation des données

Les délais de conservation des données sont compris entre 180 jours pour les demandes de crédit en Italie et 10 ans pour les défauts de paiement en Belgique. La variété des délais existant dans les six systèmes est telle qu'il n'est pas possible de discerner de durée maximale allant de soi.

d) Obligation de consultation du fichier

L'obligation légale de consulter le fichier positif n'est instaurée que dans deux des six systèmes étudiés :

- en Belgique : le non-respect de l'obligation de consultation de la centrale des crédits aux particuliers est puni d'une amende et peut entraîner l'annulation partielle d'office de la dette par le juge ;

- en Suisse : le manquement à l'obligation fait non seulement encourir une sanction financière (perte du montant du prêt consenti) mais permet également au débiteur de réclamer les remboursements déjà effectués.

e) Droit à consulter le fichier et protection de la vie privée

Un des seuls points communs à tous les fichiers étudiés est l'obligation faite aux organismes financiers d'avoir un intérêt légitime pour accéder aux données du fichier central des crédits.

Parallèlement, tous les fichiers prévoient des mesures permettant de protéger la vie privée ainsi qu'un droit d'accès et de rectification ouvert aux emprunteurs sur les données les concernant.

2. Panorama des fichiers positifs européens étudiés
a) Allemagne : le fichier de la « SCHUFA »

Le fichier positif allemand est d'origine privée , et contient des données positives et négatives . La finalité du fichier de la SCHUFA est d'instaurer un climat de confiance entre prêteurs et emprunteurs, en donnant aux prêteurs des informations sur la capacité à emprunter des consommateurs pour la conclusion de contrats courants (vente par correspondance ou par internet, crédit automobile, location de logement).

Les informations contenues dans le fichier sont transmises par les entreprises partenaires (environ 7000 en tout), parmi lesquelles des banques, des caisses d'épargne, des sociétés de carte de crédit, des entreprises de vente par correspondance et des sociétés de téléphonie mobile.

Le fichier est fondé sur un système de réciprocité, avec des contrats de partenariat entre les entreprises et la SCHUFA : en échange des informations transmises par l'entreprise, cette dernière peut consulter le fichier dans le cadre de ses relations commerciales.

b) Espagne : le fichier de la « Central de informaciòn de riesgos »

La central de informacion de riesgos (centrale d'information sur les risques) est un service public, géré par la banque nationale d'Espagne . Elle est chargée de recueillir auprès des intermédiaires financiers les informations sur les risques de crédit pour faciliter l'exercice de leur activité, et de permettre aux autorités compétentes en matière de supervision prudentielle d'accomplir leur mission et à la Banque d'Espagne de mener à bien les siennes.

Aux côtés de ce fichier, deux fichiers négatifs privés existent : ASNEF - EQUIFAX et Experian.

c) Italie : la coexistence de la « Centrale rischi » et de plusieurs fichiers privés

La Centrale rischi (CR) ou centrale des risques est un fichier public géré par la Banque d'Italie , qui rassemble des données concernant 10 millions de relations de crédit. La CR est destinée à évaluer l'opportunité d'attribuer un prêt en communiquant chaque mois à ses contributeurs la dette totale vis-à-vis du système financier de chacun des clients qui lui sont signalés . Elle tend à améliorer la gestion du risque-crédit des intermédiaires financiers et à renforcer la stabilité du système de crédit. La Banque d'Italie s'en sert également pour mettre en oeuvre ses propres activités institutionnelles de surveillance des banques et de conduite de la politique monétaire.

Il existe aussi en Italie plusieurs banques de données privées consultées par les banques et les société financières : CRIF et Experian , fichiers positifs, le Consorzio Tutela Credito , fichier négatif, et Assilea qui gère à la fois des informations positives et des données négatives.

Le fichier de la CR repose sur la collaboration de la Banque d'Italie, gestionnaire, et de près de 1 200 intermédiaires soumis à l'obligation de lui fournir des informations 45 ( * ) , des centrales de risques européennes qui ont conclu un accord avec elle pour l'échange de données sur l'endettement extérieur de la clientèle, et des personnes physiques et morales qui sont contractuellement liées par un rapport de crédit ou de garantie avec les intermédiaires qui fournissent des données à la centrale.

d) Royaume-Uni : les fichiers de « credit reference agencies »

Au Royaume-Uni, plusieurs fichiers contenant des informations positives et négatives sur les débiteurs sont gérés par des entreprises privées, les agences d'information sur le crédit (credit reference agencies) . Trois agences d'information traitent le crédit aux consommateurs et cinq s'occupent du crédit aux entreprises.

L'objectif de ces fichiers est de donner aux prêteurs des informations sur la capacité à emprunter des demandeurs de prêt. L'objectif est donc de faciliter les transactions commerciales et non de prévenir le surendettement.

Les trois principales agences d'information sur le crédit, Callcredit , Equifax et Experian , sont des sociétés commerciales privées qui compilent des informations provenant de différentes sources sur la quasi-totalité des consommateurs.

Les prêteurs ont convenu de partager entre eux les informations sur les contrats de prêts conclus avec leurs clients avec l'autorisation de ces derniers. Ils stockent ces données auprès d'une ou plusieurs agences d'information sur le crédit. Ceux d'entre eux qui y ont accès sont membres d'un réseau. Ils sont liés par un contrat avec l'agence et par un accord de réciprocité entre eux.

e) Suisse : les fichiers de l'« IKO » et de la « ZEK »

Le Centre suisse de renseignements pour le crédit à la consommation (IKO) gère, depuis le 1 er janvier 2003, une base qui centralise les données positives et négatives sur les crédits à la consommation que les prêteurs sont tenus de lui communiquer en vertu de la loi fédérale sur le crédit à la consommation du 23 mars 2001. Selon cette loi, l'objectif de la création de cette base est d'empêcher le surendettement occasionné par un contrat de crédit à la consommation.

A cette fin, les prêteurs doivent créer un centre de renseignements sur le crédit à la consommation dont les statuts et le règlement sont soumis à l'approbation du Département fédéral de justice et de police. Ils ont pour ce faire constitué une association qui a pour objet de gérer le fichier central. Sont membres de cette association « toutes les entreprises qui, par métier, octroient des crédits à la consommation ou concluent des contrats de crédit à la consommation [...] et qui disposent de toutes les autorisations requises par la loi pour cette activité ».

Un second fichier, d'origine privée, existe en Suisse : la Centrale d'information sur le crédit (ZEK) , qui gère, dans l'intérêt de ses membres, un fichier de renseignements positifs et négatifs sur les crédits des particuliers depuis 1968. Les fichiers de l'IKO et de la ZEK sont présentés comme complémentaires.


* 42 Voir annexe 5.

* 43 Elle a été créée par la profession en vertu d'une disposition législative.

* 44 Le prix est fixé par les pouvoirs publics.

* 45 Sous réserve qu'ils n'en aient pas été exemptés au titre du principe de proportionnalité de l'activité de surveillance par la Banque d'Italie. Sont notamment exemptés les intermédiaires financiers dont l'activité de crédit à la consommation représente moins de 50 % de l'activité de financement.

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