B. LA DÉCENTRALISATION A PERMIS UNE AMÉLIORATION DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE DANS LE DOMAINE SOCIAL

1. L'amélioration des performances en matière sociale

a) Une dépense maîtrisée dans un contexte difficile

La dépense d'aide sociale a fortement augmenté au cours des 15 dernières années. La dernière étude de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS) réalisée sur un échantillon représentatif de 29 départements métropolitains relative à l'évolution des dépenses nettes d'aide sociale 269( * ) montre que celle-ci serait passée de 38,4 milliards de francs à 82,8 milliards de francs en 1999. Elles représentent 60 % environ des dépenses de fonctionnement des départements.

Ce chiffre doit être complété, pour être exhaustif, par celui des contingents communaux d'aide sociale qui représentent la participation des communes à l'effort d'aide sociale départementale. Les contingents représentaient, en 1999, 12,2 milliards de francs. Il convient de rappeler que ce dispositif de financement croisé est supprimé à compter de l'exercice 2000 du fait de l'entrée en vigueur de la CMU.

Cette évolution est à la fois subie et voulue : subie parce que la persistance de la crise au cours des années 80 et la montée de l'exclusion ont entraîné, à travers la mise en place du RMI, à partir de 1988, une forte progression des dépenses d'insertion et d'aide médicale ; elle est aussi volontaire parce que les départements ont engagé un effort d'amélioration du taux d'équipement, notamment en faveur des personnes handicapées, pour assurer un rattrapage des retards constatés.

Face à la forte progression des dépenses, force est de constater que les budgets départementaux ont su absorber sans choc majeur une profonde modification des contours des publics et des dépenses d'aide sociale : ils ont su également répondre avec rapidité aux besoins des personnes traditionnellement accueillies dans les structures d'aide sociale notamment les personnes handicapées.

DEPENSES NETTES D'AIDE SOCIALE DEPARTEMENTALE 1984-1999

(France métropolitaine)

(en milliards de francs)

1984

1989

1995

1996

1997

1998

1999

Aide sociale à l'enfance

15,0

16,8

23,9

24,9

25,9

27,1

27,8

Aide sociale en direction des personnes âgées

8,7

9,3

13,1

13,5

13,1

12,3

11,7

Aide sociale en direction des personnes handicapées

6,2

7,7

12,8

13,5

14,1

15

15,8

Aide médicale

2,0

2,6

6,4

6,3

6,9

7,2

7,7

Charges d'insertion des bénéficiaires du RMI

 

0,2

3

3,2

3,5

4

4,2

Autres dépenses

6,5

8,7

13,8

14,2

14,8

15,4

15,6

Dépense nette totale

38,4

45,3

73

75,6

78,3

81

82,8

Source lettre de l'ODAS avril 2000

Les travaux de l'ODAS auquel il sera fait référence permettent d'effectuer une analyse comparative des dépenses sur les données les plus récentes.

Les résultats de l'ODAS sont établis à partir de données rassemblées auprès d'un échantillon représentatif de 29 départements.

Par convention, les dépenses observées sont les dépenses nettes d'aide sociale : elles tiennent compte des recettes directes correspondantes, avant déduction du contingent communal, afin d'offrir une photographie la plus réaliste possible de l'effort des collectivités publiques concernées.

Les données relatives aux bénéficiaires de l'aide sociale départementale sont issues de l'enquête " Aide sociale " de la Direction de la recherche, des études, des évaluations et des statistiques (DREES) du ministère de l'emploi et de la solidarité 270( * ) .

L'aide sociale à l'enfance représente presque, avec 28 milliards de francs en 1999, le premier poste de dépenses de l'aide sociale départementale .

Entre 1995 et 1999, ces dépenses augmentent de 4 % par an en moyenne, soit sensiblement plus que l'inflation.

Comme le souligne l'ODAS, cette augmentation tient pour beaucoup à l'accroissement de la masse salariale des personnels des établissements et des assistantes maternelles. De surcroît, le coût moyen d'un placement a fortement augmenté (150.000 francs par an en 1998 contre 87.000 francs en 1989) en raison du renforcement de l'encadrement dû à la difficulté croissante de la prise en charge des enfants en danger.

Enfin, l'augmentation du nombre d'enfants accueillis joue également un rôle. Certes, le nombre d'enfants placés augmente peu : il passe de 134.000 en 1989 à 135.109 en 1992 et à 138.063 en 1999. La relative stabilité des placements de 1989 à 1992 semble due à la mise en place du RMI qui a contribué à stabiliser les ressources des familles en difficulté. Mais, en revanche, le nombre d'actions éducatives en milieu ouvert ou à domicile augmente sensiblement : celles-ci passent de 112.777 en 1992 à 127.684 en 1996, soit une hausse de 13,22 %. Cette progression montre la volonté des départements et de leur service d'aide à l'enfance d'assurer un maintien de l'enfant dans son environnement.

L'aide sociale aux personnes âgées représente 11,7 milliards de francs en 1999 alors que son montant ne dépassait pas 8,7 milliards de francs en 1984.

Plusieurs phénomènes se conjuguent, compliqués au demeurant par les conséquences de la phase transitoire consécutive à la mise en place de la prestation spécifique dépendance.

Il apparaît que le nombre de bénéficiaires des aides ménagères (66.600 en 1999 contre 101.016 en 1992) diminue régulièrement en raison de l'élévation du niveau de vie des personnes âgées : le coût total de l'aide ménagère passe donc de 1,5 milliard de francs en 1989 et en 1992 à 1 milliard de francs environ en 1999.

Le nombre de personnes âgées accueillies en établissement ou chez des particuliers (accueil familial) est lui aussi plutôt sur une pente descendante : il passe de 133.900 en 1992 à 123.000 en 1999 en raison de l'augmentation du niveau de vie des personnes âgées mais aussi du fait que l'entrée en établissement s'effectue en moyenne à un âge de plus en plus avancé. Il reste que les dépenses augmentent encore fortement passant de 4,8 milliards de francs en 1984 à 5,7 milliards de francs en raison du coût plus élevé de la prise en charge de personnes devenues de plus en plus dépendantes.

Le facteur essentiel de progression des dépenses proviendra donc de l'augmentation de l'aide au maintien à domicile par le biais du versement de l'ACTP aux personnes âgées de plus de 60 ans : les dépenses vont tripler de 1984 à 1996 passant de 1,8 milliard de francs à 5,3 milliards de francs.

A compter de 1997, ces dépenses diminueront en raison de l'institution de la PSD, les données demeurant toutefois difficiles à analyser en raison du caractère récent de la prestation.

L'aide sociale aux personnes handicapées connaît également une progression non négligeable : elle représente 15,8 milliards de francs en 1999 contre 6,2 milliards de francs en 1984.

Le première phénomène est celui de l'augmentation modérée mais régulière du nombre de places en établissement (79.300 en 1999 contre 69.091 en 1992). La modernisation des établissements et de leurs conditions de vie explique une progression du coût de l'hébergement. 12,5 milliards de francs en 1999 contre 4 milliards de francs en 1984, soit un quasi-triplement. Ce phénomène recouvre une diversification des modes de prise en charge : le nombre de places d'accueil de jour a triplé en passant de 3.116 en 1992 à 8.600 en 1999 ; les bénéficiaires de l'aide ménagère ou d'auxiliaires de vie atteint 12.800 en 1999 au lieu de 6.970 en 1992.

La part de l'ACTP aux personnes de moins de 60 ans représente une dépense de 3,3 milliards de francs en 1999 (90.342 bénéficiaires).

Les dépenses d'insertion constituent le poste de dépenses d'aide sociale qui a connu la progression la plus spectaculaire : ces dépenses qui étaient quasi-inexistantes en 1984, avec 2 milliards de francs, atteignent en 1999 11,9 milliards de francs. Le RMI mis en place en 1988, loin d'atténuer la charge des départements, a en réalité été un puissant facteur d'accélération des dépenses puisqu'il a permis une meilleure identification des personnes et familles en difficulté et qu'il a généré l'ouverture d'un certain nombre de droits connexes (prise en charge des dépenses de cotisation d'assurance personnelle et de l'aide médicale). Les dépenses d'aide médicale qui vont être transférées à l'assurance maladie à compter du 1 er janvier 2000, représentaient 7,7 milliards de francs en 1999.

b) La décentralisation n'est pas un facteur d'aggravation des inégalités de l'offre sociale

Selon une idée reçue, communément répandue, la décentralisation aurait pour effet de renforcer les inégalités en matière de réponse sociale sur le territoire. En raison des inégalités de potentiel fiscal entre les départements, les citoyens auraient droit à un traitement différencié selon leur localisation.

Cette approche est simplificatrice à l'excès : la réalité est qu'il existe des disparités en matière d'équipement pour personnes âgées et pour personnes handicapées sur le territoire, mais que celles-ci étaient bien antérieures à la décentralisation . Elles tiennent notamment à des raisons historiques et aux conditions dans lesquelles l'initiative privée s'est manifestée sur le terrain.

Ainsi, les initiatives des collectivités locales et des associations a été le principal moteur de la création d'établissements pour enfants handicapés au cours des années 50 et 60. Ces initiatives, qui se sont poursuivies au niveau des structures pour adultes, n'étaient pas nécessairement coordonnées et n'avaient donc pas de raison d'aboutir à une densité égale d'un département à l'autre.

La gestion centralisée n'est pas une garantie d'homogénéité

Au-delà des diversités historiques, il apparaît qu'une gestion centralisée ne garantit nullement une homogénéisation des prestations et des structures sur l'ensemble du territoire national. La Cour des comptes relevait, dans son rapport de 1996, que les disparités géographiques existaient avant la décentralisation en matière sociale.

De surcroît, il existe également des disparités importantes dans les domaines du secteur social et médico-social dont l'Etat a conservé la gestion. Ainsi, le taux d'équipement en CAT, financés sur le budget de l'Etat, varie de un à deux suivant les départements.

S'agissant de l'implantation des maisons d'accueil spécialisé (MAS) financées par l'assurance maladie, M. Pierre Gauthier, directeur de l'action sociale, rappelait que le taux d'équipement variait de un à cinq selon les départements. Il est vrai qu'il s'agit d'établissements créés par la loi du 30 juin 1975 dont l'implantation demeure relativement récente.

L'examen de la densité de places en MAS rapportées à la densité par habitant fait apparaître des écarts encore plus importants : certains départements comptent 0,25 place de MAS pour 1.000 habitants alors que, pour d'autres, ce taux atteint 7,52.

Mais surtout il est frappant de constater qu'une prestation non contributive, telle que l'AAH, dont le financement est assuré par l'Etat et dont les règles d'attribution sont fixées uniformément sur tout le territoire national, fait également apparaître d'importantes disparités départementales, ce qui est pour le moins paradoxal.

L'enquête IGF/IGAS de janvier 1999 sur les dysfonctionnements de l'allocation aux adultes handicapés avait mis en évidence que les taux d'attribution de l'AAH variaient de 1,14 % à 0,78 % en 1996 selon les départements, les taux étant particulièrement élevés dans la partie la plus rurale du grand ouest et plus faible dans la région parisienne. Le rapport soulignait l'influence de facteurs tels que la plus ou moins forte capacité d'accueil des handicapés et de la richesse imposable.

Une analyse plus récente 271( * ) portant sur un échantillon représentatif de 24 départements montre qu'à la fin de 1998, le taux d'allocation de l'AAH pour 1.000 habitants de 25 à 49 ans variait de 8 à 48, soit dans un rapport de 1 à 6 .

Les disparités ne s'expliquent pas seulement en raison des différences de profil des demandeurs qui se présentent à chaque COTOREP. C'est ainsi qu'interviennent également " la pression de la demande " (nombre de dossiers à traiter) et la situation locale en matière de chômage et de minima sociaux.

(a) La décentralisation a permis un effort de rattrapage en matière d'équipements pour personnes handicapées adultes ou âgées

•  Les études sur l'évolution des disparités départementales en matière d'aide sociale qui sont nécessairement des études lourdes nécessitant un certain recul, ne portent que sur la période qui s'étend jusqu'à 1993, soit les dix premières années de la décentralisation. L'analyse devra être affinée sur les années suivantes où les dépenses d'insertion et d'aide médicale ont pris une place plus importante dans les budgets départementaux en raison de l'augmentation du chômage de longue durée et de l'aggravation des phénomènes d'exclusion.

Par ailleurs, la mise en place de la PSD à partir de 1997 et la suppression corrélative de l'attribution de l'ACTP aux personnes âgées de plus de 60 ans a certainement des incidences sur les disparités de prestation comme il est de règle dans les premières années de fonctionnement d'un dispositif nouveau.

Pour autant, le débat, focalisé sur la question des disparités dans l'attribution de la PSD, ne doit pas occulter les phénomènes de longue durée : la décentralisation de l'aide sociale sur près de dix ans n'a pas été synonyme d'une tendance à la dispersion des niveaux d'intervention des départements elle est allée de pair, au contraire, avec une convergence des niveaux de dépenses par habitant .

Comme le souligne M. Jean-Louis Sanchez, directeur de l'ODAS, " Parmi les diverses inquiétudes exprimées lors de la décentralisation de l'aide sociale, l'une des plus vives portait sur l'aggravation des inégalités en matière d'offre de services des départements. Même si la réglementation nationale assurait, et continue d'assurer, l'uniformisation des conditions minimum d'accessibilité aux droits, on pouvait penser que les disparités déjà existantes avant la décentralisation allaient perdurer, voire s'accroître. Or, l'analyse de l'évolution des dépenses de l'ensemble des départements permet de constater l'existence d'une tendance plutôt orientée vers la convergence des budgets d'action sociale. " 272( * )

La Cour des comptes, dans son rapport de 1995, relevait ainsi une tendance à la réduction des écarts géographiques de la dépense par habitant entre 1988 et 1993, retenant comme base de calcul le rapport entre la dépense moyenne des départements ayant le montant des dépenses par habitant le plus élevé d'une part et celles des départements ayant le montant des dépenses par habitant le plus faible d'autre part.

Cette méthode fait apparaître une réduction des écarts départementaux importante (- 25,3 %) pour l'aide médicale pour des raisons tenant à l'uniformisation des règles d'attribution d'une aide aujourd'hui " recentralisée ".

Elle fait ressortir également une réduction significative des écarts concernant l'aide sociale à l'enfance (- 8,5 %) et l'aide sociale aux personnes handicapées , à la fois pour les dépenses d'ACTP (- 9,9 %) et pour les aides à l'hébergement (- 10,4 %). Seule l'aide sociale aux personnes âgées ne fait pas apparaître de baisse d'écart, ce qui s'explique à la fois parce que les données statistiques n'intègrent pas l'effet du versement de l'ACTP à des personnes de plus de 60 ans, mais aussi parce que les dépenses d'aide ménagère ou d'hébergement en établissement ont légèrement diminué du fait des tendances démographiques et de l'amélioration du niveau de vie des personnes âgées.

L'ODAS a également réalisé une étude en retenant comme indicateur de dispersion le rapport de la dépense du 81 ème département au 15 ème département.

Evolution comparée des dépenses d'aide sociale et de leur dispersion 273( * )

 

Taux de croissance
des dépenses
entre 1984 et 1991

Taux d'évolution
de l'indicateur de dispersion 1985-1991

Tendance
1991-1993

Aide sociale aux personnes âgées

- 3 %

- 4 %

La dispersion reste importante

Aide sociale à l'enfance

+ 24 %

- 6 %

Poursuite du resserrement à un rythme lent

Allocation compensatrice

+ 50 %

- 19 %

Accélération du mouvement qui date surtout de 1989

Hébergement des personnes handicapées

+ 97 %

- 12 %

Mouvements erratiques depuis 1989, qui se poursuivent

Ensemble de l'aide sociale

+ 42 %

- 3 %

 

Sources : SESI, ODAS

Elle souligne ainsi que c'est dans le secteur de l'hébergement des personnes handicapées, où la croissance des dépenses a été la plus forte, que la réduction des disparités a été la plus significative. Or, dans ce domaine, " l'augmentation des prestations repose essentiellement sur la mise en oeuvre d'orientations politiques s'adaptant au contexte financier ".

En revanche, peuvent être considérées comme des domaines à plus faible convergence de dépenses, l'aide sociale à l'enfance et l'aide sociale aux personnes âgées.

L'aide sociale à l'enfance (ASE) est un secteur dont la dépense augmente peu et pour lesquels l'éventail des dépenses se resserre donc légèrement. L'ODAS fait néanmoins observer que les plus fortes augmentations de dépenses concerne en majorité les départements du sud et de l'ouest de la France dont les dépenses étaient traditionnellement moins élevées : l'uniformisation s'est donc effectuée sur des critères socio-démographiques.

L'aide sociale aux personnes âgées non handicapées ne connaît pas d'évolution forte : cela ne signifie pas qu'il n'y ait eu aucun mouvement, mais les principales hausses et les principales baisses concernent des départements dont la dépense était faible. Au demeurant, le niveau d'intervention des départements dépend beaucoup des données socio-démographiques.

•  L'effort des départements a donc été particulièrement soutenu en ce qui concerne les établissements d'accueil pour personnes handicapées.

Le nombre de places d'accueil est passé de 39.000 en 1984 à 71.000 en 1994, puis à 92.000 au 1 er janvier 1998 principalement sous forme de la création de foyers occupationnels et de foyers d'hébergement.

Cet effort a permis un véritable rattrapage des retards constatés au moment des lois de décentralisation qui s'est poursuivi dans les années 1990 au moment où la crise s'approfondissait et où une part plus importante des budgets locaux était absorbée par les dépenses d'insertion.

Dix ans d'évolution des établissements médico-sociaux pour adultes handicapés

 

Nombre

Nombre de places installées

Evolution du nombre de places

TE (1) pour
1.000 habitants 0-19 ans

Evolution du CV (2)

 

1988

1998

1988

1998

 

1988

1998

1988/1998

Foyer d'hébergement

935

1.229

30.915

39.283

+ 27 %

1,04

1,24

- 19 %

Foyers occupationnels

345

882

13.755

29.731

+ 11,6 %

0,46

0,94

- 22 %

Foyers à double tarification

nd

187

nd

6.222

nd

nd

0,20

nd

* Coefficient de variation

Champ : France métropolitaine

Date : données au 1 er janvier 1988 et 1998

Source : DREES/Enquête ES - Population INSEE - projections Omphale


Ces données appellent deux observations.

L'effort en matière d'équipements pour personnes handicapées concerne non seulement les adultes handicapés physiques et mentaux mais également des personnes âgées proches de l'âge de 60 ans pour lesquelles l'infirmité s'est déclarée tardivement, même si les données statistiques ne permettent pas de mesurer la part relative des deux catégories de population. Les départements ont réalisé un effort à la fois qualitatif et quantitatif : une première période a été consacrée à la transformation de places vétustes d'hospices en autant de places plus adaptées et plus coûteuses dans les foyers d'accueil modernisé.

Cet effort s'est poursuivi pour faire face à l'afflux régulier de nouveaux demandeurs, de l'ordre de 5.000 par an en moyenne. L'aide sociale en matière d'hébergement des personnes handicapées adultes ou vieillissantes constitue un poste de dépense important, ce qui conduit à nuancer les reproches adressés aux départements concernant leur manque de " générosité " en matière de gestion de la PSD.

La seconde observation porte sur la nécessité du maintien d'une marge de manoeuvre financière des départements . Les investissements pour créer des places nouvelles sont d'autant plus aisés que la section de fonctionnement du budget social est équilibrée. A cet égard, le renchérissement du coût des services peut amoindrir la faculté d'investissement des budgets départementaux.

c) Les départements ont su développer leurs services sociaux

Dans son rapport public de 1995 relatif à l'aide sociale départementale, la Cour des comptes a reconnu le caractère " réussi " du partage des services et des effectifs résultant de la mise en oeuvre de la loi du 22 juillet 1983. Des conventions ont assuré le partage des services et des effectifs à partir du début de l'année 1985. Trois agents sur quatre des DDASS ont été transférés aux départements. Aucune difficulté majeure n'est apparue en matière de personnel.

Les dépenses de personnel affectées aux différentes missions de l'action sociale ont augmenté de 6 % par an en moyenne entre 1984 et 1989 avant les mesures de revalorisation catégorielle (accord " Durieux-Durafour ") pour des raisons liées à la revalorisation du statut des travailleurs sociaux mais aussi à des décisions volontaristes des responsables départementaux. C'est ainsi que les effectifs ont souvent dû être renforcés pour assurer les tâches liées à la mission d'insertion des titulaires du RMI.

Par ailleurs, les départements ont souhaité fréquemment augmenter le recrutement d'agents de catégorie A afin de renforcer le taux d'encadrement qui était souvent inférieur à la moyenne dans les services sociaux de l'Etat.

Il convient également de rappeler que les services de l'Etat avaient recours à une " facilité " de gestion du personnel : traditionnellement en effet les caisses d'allocations familiales (CAF) et les caisses de la mutualité sociale agricole (MSA) mettaient à disposition du service social départemental, dans la cadre de la " polyvalence de secteur ", des services chargés du suivi des familles. Un remboursement partiel des frais correspondants auprès des caisses de CAF et de MSA était prévu dans le cadre de conventions.

A partir de 1983, un mouvement de déconventionnement s'est engagé : d'une part, il s'agissait pour les départements de recouvrer une certaine autonomie dans l'organisation de leurs services ; d'autre part, les CAF, dont les personnels étaient parfois réticents à l'égard de l'émergence du nouveau pouvoir local, y ont vu une occasion de se recentrer sur leur mission familiale. Alors que 89 CAF sur 124 étaient conventionnées avec les départements au moment de la décentralisation, seules 52 l'étaient encore en 1996 et une vingtaine d'entre elles envisageaient alors de se retirer 274( * ) .

•  A partir du 1 er janvier 1987, les dépenses de matériel et de fonctionnement, les immeubles et les équipements ont également fait l'objet de conventions de partage.

A cet égard, il est important de rappeler, comme le fait la Cour des comptes, qu'au moment des transferts de compétences, l'informatique était très peu développé au sein des services sociaux. " L'aide sociale générale pouvait être traitée le plus souvent manuellement, malgré un nombre important de dossiers ". Les départements ont donc procédé à l'informatisation de la plupart des grandes prestations.

•  Enfin, les départements ont souvent pris l'initiative de développer des projets d'organisation innovants autour de la notion de territorialisation de l'action sociale . Traditionnellement, les découpages administratifs dans le secteur social s'articulent autour de catégories de population aux caractéristiques communes (handicapés, chômeurs, ...) ou à partir de la gestion de grandes prestations (RMI, AAH, etc.).

Le risque de cette approche " segmentée " est de manquer d'efficacité face à la tendance à la diversification des prestations sociales et surtout d'empêcher la concrétisation d'un " projet " d'insertion ou de prise en charge des personnes concernées.

Comme le rappelle M. Jean-Louis Sanchez, délégué général de l'ODAS, les départements ont souvent initié des démarches pour remettre en cause l'organisation traditionnelle des services.

Dans le secteur de la protection de l'enfance , de nombreux départements ont ainsi procédé à un regroupement des services d'aide sociale à l'enfance et de prévention maternelle et infantile. S'agissant de l'action sociale, le tiers des départements ont procédé à des restructurations autour du concept de " projet " (santé, prévention et politique de l'enfance, de la mère et de la famille, personnes âgées et handicapées, insertion).

Certains départements ont choisi une démarche de déconcentration de l'ensemble des services au niveau de " maisons du département " afin de regrouper des services d'action sociale aussi bien que des services techniques et culturels.

Simultanément, deux tiers des départements ont procédé au redécoupage des circonscriptions d'action territoriale en s'efforçant d'être mieux adaptés aux bassins de vie.

Ces tentatives et ébauches d'une action sociale territorialisée plus lisible et plus proche du citoyen permettent de relativiser les reproches émis par la Cour des comptes sur le faible nombre de schémas départementaux des établissements sociaux et médico-sociaux régulièrement adoptées.

Page mise à jour le

Partager cette page