V. LA PÉRÉQUATION EN PANNE

A. LE CONTRASTE ENTRE LES BESOINS ET LES CREDITS

1. Les difficultés de mesurer les écarts de richesse

La mesure des écarts de développement et de richesse entre les différentes parties du territoire se heurte à de nombreuses difficultés .

Une première difficulté provient de la détermination du périmètre des territoires pris en compte . Les écarts au sein d'une même commune, d'un même département et, a fortiori, d'une même région peuvent être importants.

Une deuxième difficulté résulte du choix des indicateurs retenus pour déterminer les écarts . Ces indicateurs peuvent être des données économiques, telles que le produit intérieur brut par habitant, le revenu par habitant ou le taux de chômage. Les zonages d'aménagement du territoire et les zonages européens privilégient ce type de critères.

Les critères peuvent également être fiscaux. Le ministère de l'intérieur calcule le potentiel fiscal des différentes collectivités, qui permet de comparer leurs bases fiscales par habitant 245( * ) , et l'effort fiscal, qui mesure la pression fiscale locale pesant sur les contribuables d'une collectivité 246( * ) . Ces indicateurs sont pris en compte pour le calcul des dotations de l'Etat aux collectivités locales. Ils sont parfois combinés, pour l'élaboration d'" indices synthétiques ", avec des données économiques et sociales, telles que la longueur de voirie, le nombre d'élèves, la proportion de logements sociaux ou le nombre de bénéficiaires d'aides au logement.

La combinaison de plusieurs critères au sein d'indices synthétiques a pour but de permettre de saisir de manière globale la situation d'une collectivité . Néanmoins, aucun des instruments existant aujourd'hui n'apporte de garantie de fiabilité totale . Par exemple, l'indice qui détermine l'éligibilité à la dotation de solidarité urbaine (DSU) prend en compte le potentiel fiscal, les bénéficiaires d'aide au logement, le revenu par habitant et la proportion de logement sociaux. Malgré le grand nombre de critères, de nombreuses communes, pourtant manifestement défavorisées, ne sont pas éligibles à cette dotation car les personnes défavorisées résidant sur leur territoire occupent habitent des logements privés relevant du " parc social de fait " plutôt que des logement sociaux au sens strict.

Différentes techniques pour cibler les territoires prioritaires

Les critères d'éligibilité à la prime d'aménagement du territoire après la réforme de 1999 :

- parmi les zones dont le revenu net imposable moyen par foyer fiscal est inférieur à la moyenne nationale, ont été retenues : (1) les zones dont le taux de chômage au 31 décembre 1998 était supérieur à la moyenne nationale et (2) les zones dont le déclin démographique entre 1990 et 1995 est supérieur à 1,2 % ;

- parmi les zones présentant un risque industriel (importance d'emplois industriels sensibles, nombre d'emplois ayant fait l'objet d'une décision ou d'une annonce de restructuration depuis 1996), ont été retenues celles dont le taux de chômage est supérieur à 10 % ;

- les zones perdant l'éligibilité à l'ancien objectif 1 des fonds structurels européens ;

- les franges de certaines grandes agglomérations confrontées à un taux de chômage supérieur à 13,9 % (Marseille, Montpellier, Bordeaux, Rouen, Amiens).

Les critères de l'objectif 2 des fonds structurels après la réforme de 1999 :

- pour moitié, la population régionale vivant dans les zones d'emplois industriel ou rural dégradé (taux de chômage et taux d'emploi industriel supérieurs à la moyenne communautaire et pertes d'emplois industriels depuis six ans, densité de population inférieure à 100 habitants au kilomètre-carré ou taux d'emploi agricole supérieur au double de la moyenne de l'Union et déclin démographique ou chômage inférieur à la moyenne) ;

- pour un quart, la population régionale habitant dans une zone urbaine sensible ;

- pour un quart, la population régionale habitant dans une zone de revitalisation rurale.

Les zonages d'aménagement du territoire :

- les zones de revitalisation rurale comprennent les communes appartenant aux territoires ruraux de développement prioritaires situées soit dans les arrondissements dont la densité démographique est inférieure ou égale à 33 habitants au kilomètre carré, soit dans les cantons dont la densité démographique est inférieure ou égale à 31 habitants au kilomètre carré, dès lors que ces arrondissements ou cantons satisfont également l'un des trois critères suivants : le déclin de la population totale ; le déclin de la population active ; un taux de population active agricole supérieur au double de la moyenne nationale. Elles comprennent également les communes situées dans les cantons dont la densité démographique est inférieure ou égale à cinq habitants au kilomètre carré ;

- les zones de revitalisation urbaine appartiennent aux ZUS et sont confrontées à des difficultés particulières appréciées en fonction d'un indice établi à partir de la population du quartier, de la proportion de jeunes de moins de 25 ans, de la proportion de jeunes sortis du système scolaire sans diplôme, du potentiel fiscal des communes intéressées ;

- les zones franches urbaines sont un sous ensemble des ZRU caractérisé par un taux de chômage supérieur à 13,5 %, un pourcentage de jeunes de moins de 25 ans supérieur à 36 %, un pourcentage de non diplômés supérieur à 29 % et un potentiel fiscal communal inférieur à 3.800 francs. En outre, la commission européenne a imposé à la France que les zones franches urbaines ne regroupent pas plus de 1 % de la population totale.

L'indice synthétique qui détermine l'éligibilité à la DSU tient compte du potentiel fiscal (45 %), de la proportion de logements sociaux (15 %), du nombre de bénéficiaires d'aides au logement (30 %) et du revenu par habitant (10 %)

Pour avoir une idée vraiment fine de la richesse d'un territoire, il peut sembler opportun de considérer ses ressources au regard des charges des collectivités qui le composent. En effet, les territoires les plus riches sont parfois également ceux qui doivent assumer les charges les plus importantes . Telle fut la démarche du Sénat lors de l'examen de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire n° 95-9 du 4 février 1995 dont l'article 68, adopté à son initiative, prévoit que " l'ensemble des ressources, hors emprunt, des collectivités territoriales et de leurs groupements, au sein d'un même espace régional, fait l'objet d'un calcul cumulé. Ces ressources comprennent les concours de toute nature reçus de l'Etat, les recettes de péréquation provenant de collectivités territoriales extérieures à l'espace considéré, les bases de calcul de l'ensemble des ressources fiscales multipliées pour chaque impôt ou taxe par le taux ou le montant unitaire moyen national d'imposition à chacun de ces impôts ou de ces taxes, les produits domaniaux nets de la région, des départements qui composent celle-ci, des communes situées dans ces départements et de leurs groupements.

Les ressources ainsi calculées, rapportées, par an, au nombre des habitants de l'espace régional considéré, sont corrigées afin de tenir compte des charges des collectivités considérées et de leurs groupements.
"

L'objectif de cette disposition était de réaliser, " à compter du 1 er janvier 1997, une péréquation financière (...) entre les espaces régionaux de métropole ", les ressources de chaque région, pondérées par ses charges, ne pouvant " être supérieures à 80 p. 100 ni excéder 120 p. 100 de la moyenne nationale par habitant des ressources des collectivités territoriales et de leurs groupements. "

Les difficultés posées par l'évaluation de la richesse d'une région apparaissent dans le tableau ci-dessous. Même si certaines régions sont généralement dans les premières places pour chacun des indicateurs sélectionnés tandis que d'autres sont plus souvent moins bien placées, les critères ne jouent jamais de manière unilatérale . Ainsi, on constate que la région de Haute-Normandie cumule le PIB par habitant le plus élevé après la région Ile-de-France avec le 19 ème rang des régions métropolitaines en matière de taux de chômage. Le Limousin bénéficie du taux de chômage le plus faible après l'Alsace mais se classe au 21 ème rang pour le PIB par habitant et supporte la plus forte pression fiscale des régions de métropole.

Les mêmes difficultés sont rencontrées à l'intérieur de chaque région, voire de chaque département.

Régions

PIB/hab. 1996


Taux de chômage 1997 (en %)


Part des foyers fiscaux imposés à l'impôt sur le revenu en 1994 (en %)

Part des prestations sociales dans le revenu disponible brut des ménages 1996 (en %)

Potentiel fiscal 2000

Effort fiscal 2000

Alsace

136.312 (3)

7,9 (1)

57,1 (2)

32,6 (5)

477,14 (3)

0,96 (6)

Aquitaine

119.828 (7)

13,4 (16)

45,5 (12)

37,2 (11)

386,56 (12)

1,04 (8)

Auvergne

108.501 (18)

11,3 (6)

43,8 (17)

38,5 (15)

365,56 (15)

1,27 (13)

Basse Normandie

115.300 (12)

12,1 (11)

44,5 (14)

36 (2)

414,58 (7)

1,48 (20)

Bourgogne

117.220 (11)

11,8 (10)

48,6 (7)

38,6 (16)

394,54 (11)

0,98 (7)

Bretagne

111.964 (15)

11,5 (7)

44,4 (15)

36,5 (10)

343,06 (20)

1,26 (12)

Centre

118.660 (9)

11,7 (9)

50,9 (4)

37,5 (13)

403,80 (9)

1,34 (15)

Champagne Ardennes

122.015 (5)

12,8 (14)

47,9 (9)

35,4 (7)

408,60 (8)

1,18 (9)

Corse

106.350 (20)

13,5 (17)

38,7 (22)

47,1 (22)

342,41 (21)

0,86 (3)

Franche Comté

120.172 (6)

10,3 (3)

48,4 (8)

36,5 (9)

424,71 (6)

1,29 (14)

Haute Normandie

137.351 (2)

14,8 (19)

50,2 (5)

37 (4)

461,52 (4)

1,41 (18)

Ile de France

207.278 (1)

10,9 (4)

64,4 (1)

30 (1)

670,58 (1)

0,58 (1)

Languedoc Roussillon

101.553 (22)

17,2 (22)

41,4 (21)

43,4 (20)

360,71 (18)

1,34 (16)

Limousin

105.392 (21)

9,7 (2)

43,7 (18)

44,2 (21)

341,85 (22)

1,75 (22)

Lorraine

114.976 (13)

11,6 (8)

46,4 (11)

39,1 (17)

401,69 (10)

0,87 (4)

Midi Pyrénées

113.068 (14)

12,2 (12)

44,3 (16)

39 (3)

364,68 (16)

1,52 (21)

Nord - Pas de Calais

110.783 (16)

16,3 (21)

42,5 (20)

41,4 (19)

361,56 (17)

1,40 (17)

Pays de Loire

118.104 (10)

12,6 (13)

44,7 (13)

35,6 (8)

374,11 (14)

1,21 (10)

Picardie

109.835 (17)

13,7 (18)

47,8 (10)

37,3 (12)

383,62 (13)

1,46 (19)

Poitou Charentes

108.006 (19)

13,2 (15)

42,7 (19)

38,3 (14)

348,24 (19)

1,25 (11)

PACA

119.211 (8)

16 (20)

48,9 (6)

39,7 (18)

442,59 (5)

0,80 (2)

Rhône Alpes

130.178 (4)

11,2 (5)

51,4 (3)

35,2 (6)

483,32 (2)

0,96 (5)

Entre parenthèses : rang de classement de " richesse ". Source : INSEE, DGCL.

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