Mercredi 1er février 2006

- Présidence de M. Jean Arthuis, président, puis de M. Denis Badré, vice-président.

Economie-Finances - Audition de M. Michel Didier, directeur général de Rexecode, de M. Jean-Pierre Petit, directeur de la recherche économique d'Exane, et de M. Jean-Paul Betbèze, directeur des études économiques et financières du Crédit Agricole

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Michel Didier, directeur général de Rexecode, de M. Jean-Pierre Petit, directeur de la recherche économique d'Exane, et de M. Jean-Paul Betbèze, directeur des études économiques et financières du Crédit Agricole.

Après avoir remercié M. Michel Didier d'avoir répondu à l'invitation de la commission, M. Jean Arthuis, président, a rappelé que celui-ci avait été auditionné à plusieurs reprises par la commission sur diverses questions tenant à la conjoncture économique.

M. Michel Didier a souligné le contraste, depuis deux ans, entre la croissance exceptionnellement forte de l'économie mondiale et les performances relativement décevantes de l'économie européenne. Il a considéré que des phénomènes analogues à l'OPA de Mittal Steel sur Arcelor se reproduiraient nécessairement dans les prochaines années, alors que les pays émergents se rapprocheraient du niveau de développement économique de l'OCDE.

Il a considéré que l'économie de la zone euro, et donc de la France, aurait du mal à avoir un taux de croissance supérieur à 2 % en 2006, du fait en particulier de la poursuite prévisible du ralentissement de l'économie américaine. Il a estimé que la croissance de l'économie française serait, en 2006, de l'ordre de 1,7 %. Il a déclaré que la question essentielle pour la croissance de l'économie française en 2006 était de savoir si le rebond de l'activité, actuellement en cours, allait se transmettre à l'investissement sur le territoire national et à l'emploi marchand, soulignant à cet égard que les entreprises françaises déterminaient leurs investissements à l'échelle mondiale, et que l'emploi marchand était en stagnation, malgré l'augmentation de l'emploi total.

Il a souligné qu'une faiblesse structurelle de l'économie française depuis l'an 2000 était qu'elle perdait systématiquement des parts de marché à l'exportation par rapport aux autres Etats membres de la zone euro. Il a considéré que ce phénomène de perte de parts de marché avait un impact important sur la croissance du PIB et sur la création d'emplois, estimant qu'en son absence, l'économie française compterait 500.000 emplois supplémentaires. Il a considéré que la politique économique menée par les gouvernements successifs présentait l'inconvénient de concerner essentiellement la redistribution des produits de la faible croissance, sans s'attaquer aux causes de cette dernière.

M. Joël Bourdin s'est interrogé sur les secteurs les plus touchés par les pertes de parts de marché de la France, et sur les raisons de la situation plus favorable de l'Allemagne.

M. Jean-Jacques Jégou a indiqué qu'il avait été frappé par le ton et la justesse des propos de M. Michel Didier. Il a souligné le décalage entre le diagnostic et l'action en matière de politique économique, et a considéré que la société française était aujourd'hui plus injuste qu'après la Seconde Guerre Mondiale.

M. Maurice Blin s'est interrogé sur le rôle de la dénatalité dans la faible croissance de l'économie européenne, sur la capacité des Etats-Unis à financer durablement leur économie par l'endettement, et sur les perspectives d'évolution du cours du pétrole et des taux d'intérêt.

En réponse, M. Michel Didier a indiqué que les pertes de parts de marché de la France concernaient l'ensemble des zones et des produits, et provenaient en grande partie de la désorganisation des entreprises suscitées par le passage aux 35 heures, et par le fait que les PME étaient moins développées en France que dans des pays comme l'Allemagne. Il a considéré, en outre, que le progrès permis par la LOLF en matière d'efficacité de la dépense publique n'était que potentiel, du fait notamment de l'insuffisance du système d'information statistique sur les administrations publiques.

M. Jean Arthuis, président, a abondé en ce sens, estimant que l'efficacité de la LOLF exigeait une volonté politique forte et un système d'information performant.

M. Michel Didier a considéré que l'ensemble des dépenses publiques destinées à réparer les erreurs de politique économique passées était quatre ou cinq fois supérieur au budget de l'enseignement supérieur, et qu'il serait donc nécessaire de redéployer plusieurs dizaines de milliards d'euros afin que la France retrouve un « budget de croissance ».

M. Jean Arthuis, président, a estimé qu'il fallait un changement radical.

La commission a alors entendu M. Jean-Pierre Petit, directeur de la recherche économique d'Exane.

M. Jean Arthuis, président, après avoir rappelé que M. Jean-Pierre Petit avait déjà été auditionné par la commission en janvier 2005, a indiqué que sa prévision de croissance de l'économie française en 2006 était de 1,7 %, soit un niveau identique à celui prévu par M. Michel Didier.

M. Jean-Pierre Petit a considéré que, si l'on prenait en compte l'endettement public et privé, c'était non les seuls Etats-Unis, mais bien l'ensemble du monde, qui vivait à crédit. Il a évalué le stock de dette publique et privée au niveau mondial à 141 % du PIB annuel. Il s'est déclaré plus inquiet du niveau atteint par la dette privée que par celui atteint par la dette publique, et s'est en particulier interrogé sur l'endettement des ménages consécutif à la hausse du prix de l'immobilier. Il a estimé que l'une des différences essentielles de l'économie contemporaine par rapport à celle des « Trente Glorieuses » était que le niveau élevé de la consommation provenait de la croissance des patrimoines, notamment immobiliers, plus rapide que celle des revenus. Il a considéré que l'emploi était peu dynamique, y compris aux Etats-Unis. Il a souligné que l'efficacité de la politique monétaire était réduite par le fait que l'évolution des taux d'intérêt à court terme n'avait plus d'impact sur celle des taux d'intérêt à long terme, ces derniers, très bas, ayant contribué à la hausse des prix de l'immobilier. Il a considéré que les taux d'intérêt à long terme augmenteraient progressivement au cours des prochaines années. Il s'est interrogé sur les conséquences d'une telle augmentation pour le « capitalisme patrimonial » actuel. Il a considéré que le vieillissement de la population, qui toucherait successivement le Japon, l'Europe occidentale et les Etats-Unis, réduirait de manière significative la croissance potentielle des pays concernés.

M. Jean Arthuis, président, a estimé qu'il fallait être prudent sur les perspectives de croissance à long terme de l'économie française.

M. Jean-Pierre Petit a considéré que l'environnement international en 2006 se caractériserait par une forte croissance de l'économie mondiale, un baril de pétrole à 65 dollars en moyenne, une appréciation du taux de change de l'euro passant de 1,18 dollar à 1,24 dollar, et une augmentation des taux d'intérêt à court et long termes.

M. Jean-Paul Betbèze s'est interrogé sur les perspectives de remontée des taux d'intérêt à long terme en 2006.

M. Jean-Pierre Petit a indiqué que, du fait notamment de cet environnement international, la croissance de l'économie française serait probablement de 1,7 % en 2006.

M. Joël Bourdin s'est interrogé sur les conséquences de l'aplatissement de la courbe des taux sur le secteur bancaire, et sur l'opportunité d'accroître l'endettement des ménages afin de soutenir la consommation.

M. François Marc s'est inquiété de l'endettement des acteurs économiques, et a rappelé qu'une inversion de la courbe des taux était traditionnellement considérée comme un indicateur avancé du ralentissement de l'économie.

M. Jean-Jacques Jégou a considéré que l'aplatissement de la courbe des taux pouvait en partie s'expliquer par les placements financiers des pays exportateurs de pétrole.

En réponse, M. Jean-Pierre Petit a estimé que le financement du déficit extérieur des Etats-Unis par les pays exportateurs de pétrole, ainsi que par les pays émergents, contribuait fortement à la bulle obligataire.

M. Aymeri de Montesquiou a considéré que les lourds investissements nécessaires dans le secteur du pétrole allaient absorber une part significative des liquidités de ces pays.

En réponse, M. Jean-Pierre Petit a estimé qu'à moyen terme le prix du pétrole demeurerait élevé, son prix d'équilibre ne devant être réduit par les nouveaux investissements qu'à partir de 2008 ou 2009. Il a jugé que les investisseurs ne croyaient pas à un retour de l'inflation, demeurée faible malgré l'augmentation du prix du pétrole, ce qui expliquait le faible niveau des taux d'intérêt à long terme. Il a estimé que ce dernier phénomène provenait également des normes prudentielles, qui poussaient les investisseurs à surpondérer les obligations publiques dans leur portefeuille. Il a considéré que l'inversion de la courbe des taux ne constituait pas, aujourd'hui, un bon indicateur avancé de la conjoncture, du fait en particulier du faible niveau des taux d'intérêt. Il a jugé que l'aplatissement de la courbe des taux n'était pas une bonne nouvelle pour les banques.

La commission a alors entendu M. Jean-Paul Betbèze, directeur des études économiques et financières du Crédit Agricole.

M. Jean-Paul Betbèze a indiqué que les principaux pays pouvaient schématiquement être répartis entre trois zones : une zone à 8 % de croissance, comprenant la Chine et l'Inde ; une zone à 4 % de croissance, comprenant les Etats-Unis ; et une zone à 2 % de croissance, comprenant l'Europe occidentale. Il a souligné que 70 % des brevets déposés dans le monde l'étaient aux Etats-Unis. Il a considéré que le faible taux de change de la monnaie chinoise et la contribution de la Chine au financement du déficit extérieur des Etats-Unis formaient un tout indissociable.

Il a indiqué que sa prévision de croissance de l'économie française en 2006, de 1,9 %, s'appuyait sur l'hypothèse d'une flexibilité accrue du marché de l'emploi, dont l'impact sur la croissance était évalué à environ 0,2 point.

Il a considéré que si l'Europe faisait partie de la zone à 2 % de croissance, c'était en particulier à cause du faible développement de ses PME, à l'origine d'une faible innovation.

M. Jean Arthuis, président, a déclaré que les grandes entreprises créaient d'autant moins d'emplois en France qu'elles se délocalisaient.

M. Jean-Paul Betbèze a considéré que les PME étaient les entreprises sur lesquelles la politique économique pouvait avoir le plus de prise, et qu'elles jouaient un rôle essentiel au niveau local. Il a jugé qu'elles devaient accroître leur rentabilité, en particulier grâce à des délocalisations, afin de créer des emplois et de la valeur ajoutée en France.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que la commission n'entendait pas « criminaliser » les délocalisations.

Se référant à un rapport qu'il avait rédigé pour le Conseil d'analyse économique (« Financer la R&D », 11 février 2005), M. Jean-Paul Betbèze a considéré que, pour les PME, « la délocalisation n'est pas une option ». Les pouvoirs publics devaient les aider à franchir les seuils successifs de leur développement, tout en leur garantissant un environnement juridique et fiscal stable. Il a ainsi déclaré que « la croissance, ce sont les PME » et rappelé que les entreprises cotées au CAC 40 n'étaient détenues qu'à 40 % par des investisseurs nationaux.

M. Maurice Blin s'est interrogé sur les origines psychologiques et culturelles de la faiblesse des PME en France, et sur les secteurs dans lesquels la Chine et l'Inde pourraient devenir importatrices à moyen terme.

Mme Nicole Bricq a déclaré trouver l'analyse de M. Jean-Paul Betbèze plus intéressante, parce que plus concrète, que celle des deux autres économistes auditionnés. Elle a contesté l'analyse de M. Michel Didier, directeur général de Rexecode, selon laquelle la perte de parts de marché de la France par rapport aux autres Etats de la zone euro provenait, pour partie, du passage aux 35 heures. Elle a considéré que les PME ne pourraient investir que si le partage de la valeur ajoutée se faisait de façon satisfaisante, et a estimé que le taux d'emploi des « seniors » était insuffisant.

M. Jean-Paul Betbèze a déclaré partager l'analyse de la commission sur les délocalisations.

M. Michel Mercier a considéré qu'une des conditions de l'efficacité des « pôles de compétitivité » était la stabilité de l'environnement juridique des entreprises.

M. Aymeri de Montesquiou s'est interrogé sur le sens de l'affirmation de M. Jean-Paul Betbèze selon laquelle 70 % des brevets étaient déposés aux Etats-Unis.

M. Paul Girod a considéré que la faiblesse des PME provenait en grande partie de l'insuffisance de leur alimentation en fonds propres au début de leur développement.

En réponse, M. Jean-Paul Betbèze a considéré que l'on avait trop tendance en France à considérer qu'une petite entreprise n'avait pas vocation à se développer. Il a répété que, selon lui, l'essentiel, pour qu'une entreprise investisse, résidait dans « les règles du jeu », qui devaient être stabilisées. En ce qui concerne le financement des PME en fonds propres, il a indiqué qu'en France, le capital-investissement n'était que minoritairement orienté vers l'innovation, contrairement à ce qui était le cas aux Etats-Unis. Se référant à un récent rapport du Conseil d'analyse économique qu'il venait de cosigner avec MM. Antoine d'Autume et Jean-Olivier Hairault (« Les seniors et l'emploi en France », 18 janvier 2006), il a considéré que le taux d'activité des personnes de plus de 55 ans pouvait être accru, notamment, en permettant la « retraite choisie ». Il s'est déclaré favorable à la suppression de la « contribution Delalande », qui selon lui est un frein à l'emploi de personnes de plus de 55 ans. Se référant à un autre rapport, précité, du Conseil d'analyse économique, dont il est l'auteur (« Financer la R&D », 11 février 2005), il a souligné que toutes les réformes préconisées par ce rapport n'avaient pas été mises en oeuvre. Il a considéré que les « pôles de compétitivité » seraient probablement moins nombreux dans dix ans. Il a indiqué que le concept de brevetabilité était plus large aux Etats-Unis que dans le reste du monde, ce qui contribuait à expliquer que 70 % des brevets déposés dans le monde le soient aux Etats-Unis.

M. Maurice Blin a considéré, pour le déplorer, qu'en France, les pouvoirs publics étaient plus susceptibles d'aider une entreprise « qui allait mal qu'une entreprise qui allait bien ».

M. Jean-Paul Betbèze a alors jugé plus que jamais nécessaire de « réveiller les innovations dormantes ».

Discrimination - Quartiers en difficulté - Egalité des chances - Demande de saisine pour avis et nomination d'un rapporteur pour avis 

Puis, sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission, la commission a décidé de se saisir pour avis du projet de loi n° 2787 (AN - XIIe législature) pour l'égalité des chances et a désigné M. Philippe Dallier comme rapporteur pour avis.

Entreprises - Compte rendu de l'entretien de M. Jean Arthuis, président, avec M. Lakshmi Mittal, président-directeur général de Mittal Steel

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu M. Jean Arthuis, président, rendre compte de l'entretien qu'il avait eu avec M. Lakshmi Mittal, président-directeur général de Mittal Steel, le mardi 31 janvier 2006, à la demande de ce dernier.

M. Jean Arthuis, président, a tout d'abord brièvement évoqué le parcours professionnel de M. Lakshmi Mittal, commencé en Indonésie en 1976 et qui, au moyen d'acquisitions et de restructurations d'entreprises, l'a conduit à diriger un groupe sidérurgique dont la production est passée de 30.000 tonnes à 70 millions de tonnes en une trentaine d'années. M. Jean Arthuis, président, a souligné que ce groupe, présent dans de très nombreux pays, et coté aux bourses de New York et d'Amsterdam, n'en restait pas moins un groupe familial, la famille Mittal possédant 88 % de son capital.

Evoquant plus particulièrement son entretien de la veille avec M. Lakshmi Mittal, M. Jean Arthuis, président, a fait état des propos de son interlocuteur qui croyait à la nécessité d'un rapprochement des groupes Mittal et Arcelor du fait, d'une part, de leur grande complémentarité, et d'autre part, de la qualité du réseau de distribution d'Arcelor qui, selon M. Lakshmi Mittal, pourrait permettre au nouvel ensemble, s'il devait voir le jour, de réaliser des économies de l'ordre d'un milliard de dollars par an. Il a ensuite déclaré que M. Lakshmi Mittal lui avait confié avoir essayé de convaincre M. Guy Dollé, président directeur général d'Arcelor, des avantages d'un tel rapprochement, il y a environ trois semaines, mais que ce dernier n'y aurait pas donné suite. M. Jean Arthuis, président, a indiqué que, selon M. Lakshmi Mittal, c'est une fuite intervenue vendredi 27 janvier 2006 qui l'avait « contraint » de déposer l'offre publique d'achat (OPA) du groupe Mittal sur Arcelor.

M. Jean Arthuis, président, après avoir observé que les cours des actions de Mittal et d'Arcelor avaient progressé d'environ 30 % depuis l'annonce de cette OPA, a déclaré qu'il avait interrogé M. Lakshmi Mittal sur les projets de son groupe en France en cas de succès de son offre, en particulier en termes d'emplois. Il a indiqué que M. Lakshmi Mittal lui avait dit ne prévoir aucun licenciement en France, et qu'il lui avait même annoncé son intention d'installer en Lorraine un centre de recherche et de développement de son groupe, actuellement implanté à Chicago.

Puis M. Jean Arthuis, président, a déclaré qu'il avait demandé à M. Lakshmi Mittal de préciser ses relations avec le groupe sidérurgique allemand ThyssenKrupp. Il a expliqué que son interlocuteur avait souligné que, si l'acquisition du producteur d'acier canadien Dofasco revêtait un caractère stratégique pour Arcelor et ThyssenKrupp, il n'en allait pas de même pour Mittal, dont le réseau en Amérique du Nord est déjà très développé ; dès lors, M. Lakshmi Mittal n'a pas caché à M. Jean Arthuis, président, qu'en cas de succès de son offre, il entendait céder Dofasco au groupe ThyssenKrupp, pour une somme d'environ 4 milliards d'euros, qui lui permettrait de financer la part à régler en numéraire aux actionnaires d'Arcelor lui ayant apporté leurs titres.

M. Jean Arthuis, président, a précisé que, dans la vision de M. Lakshmi Mittal, le groupe qui naîtrait d'un éventuel succès de son OPA sur Arcelor aurait vocation à rester familial, la famille Mittal devant posséder 51 % de ses actions correspondant à 66 % des droits de vote. M. Jean Arthuis, président, a indiqué qu'interrogé par lui sur les conséquences d'un tel choix en matière de gouvernance, M. Lakshmi Mittal avait souligné qu'il se préoccupait de la bonne gouvernance de son groupe, ce qu'illustrait, selon l'intéressé, le fait qu'au sein de son conseil d'administration figuraient déjà 6 personnalités « indépendantes » sur un total de 9 membres.

M. Jean Arthuis, président, a ensuite déclaré qu'il n'avait pas d'opinion sur le fond à propos de cette OPA, mais qu'il s'agissait simplement de veiller au respect des règles en la matière.

Relevant les réactions parfois hostiles que cette offre provoquait en France, il a espéré qu'elle ferait prendre conscience aux responsables politiques et économiques de la réalité de la mondialisation de l'économie, et qu'en cela elle constituerait un « électrochoc salutaire ». Il a ainsi exprimé son souhait qu'à l'avenir, grâce à la réduction des déficits, l'épargne des Français puisse s'orienter davantage vers les actifs économiques que vers le financement de la dette du pays, et, d'une façon générale, qu'entreprises et actionnaires français entretiennent des relations plus proches.

Un débat s'est ensuite instauré.

M. Maurice Blin s'est interrogé sur l'origine de la fortune de M. Lakshmi Mittal, devenu en trente ans l'un des hommes les plus riches du monde. Observant que le marché de l'acier devrait connaître une très forte croissance ces prochaines années, il s'est également inquiété de l'éventuelle constitution d'un monopole mondial en ce domaine.

Répondant tout d'abord à la seconde préoccupation de M. Maurice Blin, M. Jean Arthuis, président, a indiqué qu'en cas de succès de l'OPA du groupe Mittal sur Arcelor, la part de marché mondiale du nouvel ensemble ne dépasserait pas 10 %, le marché de l'acier demeurant très éclaté, ce qui devrait écarter tout risque de position monopolistique. Au sujet de la fortune de M. Lakshmi Mittal, il a estimé qu'il était possible de s'enrichir en acquérant et en développant des entreprises, ce qu'illustrait la brillante réussite de certains entrepreneurs français. Il a également souligné qu'à ses yeux, le principal rôle des décideurs politiques devait être de créer les meilleures conditions pour préserver et développer l'activité économique sur le territoire français.

M. Jean-Jacques Jégou, après avoir relevé que le problème de la taille critique des groupes français se posait aussi dans le monde bancaire, s'est inquiété de la structure capitalistique d'un groupe de la taille de Mittal. Il a ainsi estimé imprudent de faire reposer un aussi vaste ensemble sur quelques hommes seulement, avec tous les risques qu'un tel état de fait pouvait comporter.

M. Jean Arthuis, président, a déclaré qu'à son sens, ce sujet se situerait au coeur du débat qui allait s'engager entre les groupes Mittal et Arcelor, d'autant que la famille Mittal entendait, en cas de succès de son OPA, posséder la majorité des actions du nouvel ensemble. Puis, revenant sur les réactions négatives que ce projet d'acquisition avait pu susciter dans le monde économique français, il a une nouvelle fois espéré que cet « électrochoc » serait l'occasion d'une prise de conscience collective.

M. Aymeri de Montesquiou a indiqué qu'il avait rencontré M. Lakshmi Mittal, il y a quelques années, et qu'il avait pu constater que son groupe était très présent au Kazakhstan. Ayant souligné la vision stratégique de cet entrepreneur, qui a, par exemple, très bien su anticiper la croissance du marché chinois, il s'est interrogé sur la stratégie qui sous-tend l'OPA du groupe Mittal sur Arcelor.

M. Jacques Baudot s'est posé la même question, rappelant l'enjeu que la sidérurgie représentait en Lorraine, région où environ 30.000 emplois sont concernés par cette OPA. Dans l'attente d'en savoir plus sur les intentions du groupe Mittal, il a exprimé une grande prudence au sujet de cette offre.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que le débat autour de cette OPA allait probablement durer des semaines, voire des mois.

M. Maurice Blin est revenu sur la puissance financière de M. Lakshmi Mittal, s'interrogeant une nouvelle fois sur l'origine de sa fortune ainsi que sur les contre-pouvoirs qui pouvaient exister face à une telle puissance.

En réponse, M. Jean Arthuis, président, évoquant la réussite de grands groupes français, a indiqué qu'une structure capitalistique familiale n'était pas incompatible avec une grande réussite économique et financière. En outre, évoquant les travaux menés l'an passé par la commission sur les délocalisations, il a rappelé que la grille d'analyse de nombreux analystes financiers pouvait encourager des entreprises désireuses d'avoir un cours élevé, notamment pour décourager des tentatives d'OPA, à délocaliser des activités dans des pays à plus faibles coûts salariaux. Il a estimé qu'il importait donc de revoir ce type de pratiques.