Mardi 23 octobre 2007

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Transports - Travaux du groupe de travail « Transports terrestres » - Audition de M. Hubert du Mesnil, président du conseil d'administration de Réseau ferré de France (RFF)

La commission a procédé à l'audition de M. Hubert du Mesnil, président du conseil d'administration de Réseau ferré de France (RFF), accompagné de MM. Jean-Marc Delion, directeur général délégué, et Alain Sauvant, chef du service économie et activités ferroviaires, dans le cadre des travaux du groupe de travail « Transports terrestres ».

Rappelant que RFF avait été créé en 1997 pour aménager et développer le réseau ferroviaire national, M. Hubert du Mesnil a précisé que, quel que soit le mode de l'investissement ferroviaire, RFF en assumait le financement en collectant les moyens nécessaires. Il a distingué les projets sous maîtrise d'ouvrage directe de RFF et sous maîtrise d'ouvrage déléguée et les projets inscrits dans le cadre d'un partenariat public privé (PPP). Il a souligné que l'article 4 du décret portant les statuts de RFF lui interdisait de créer de nouvelles dettes en sus de la dette ferroviaire que RFF avait reprise à sa création. Cela signifiait que la rentabilité propre du projet devait couvrir l'investissement nouveau. La différence entre le retour sur investissement du projet et le coût de l'opération devait être couverte par des subventions des collectivités publiques, c'est-à-dire pour l'essentiel de l'Etat ou des collectivités territoriales et, dans une moindre mesure, de l'Union européenne. Il a ensuite cédé la parole à M. Alain Sauvant, chef du service économie et activités ferroviaires de RFF, qui a présenté un diaporama. Celui-ci a permis :

- de distinguer l'évaluation socio-économique des projets, qui mesure leur intérêt pour la collectivité, et l'évaluation financière qui porte sur l'intérêt des projets pour l'entreprise RFF. Il a souligné que l'évaluation socio-économique accorde une importance excessive aux gains de temps de parcours associés aux projets, qui joue par exemple au détriment des projets spécifiques au fret. Il a précisé que tous les projets coûtant plus de 23 millions d'euros faisaient l'objet d'évaluations socio-économiques et financières ;

- d'apporter des précisions sur le retour d'expérience. En effet, d'une part, la loi d'orientation sur les transports intérieurs (LOTI) prévoit des bilans sur les projets de plus de 83 millions d'euros cinq ans après leur mise en service ; d'autre part, une évaluation a posteriori a également été menée pour les cinq lignes à grande vitesse (LGV) et sur quelques projets du réseau classique. Ces retours d'expérience ont permis de mettre en évidence que les prévisions de trafic sont réalistes, avec des marges d'erreur de 10 à 20 %. On constate une exception notable dans le cas du trafic trans-Manche, très inférieur aux prévisions ;

- de rappeler les ordres de grandeur de l'activité de RFF. Ses dépenses d'investissement vont représenter un peu moins de 3 milliards d'euros en 2007, avec la ventilation suivante : 1,1 milliard d'euros pour les grands projets, 1 milliard d'euros pour le renouvellement du réseau, 400 millions d'euros dans le cadre des contrats entre l'Etat et les régions et 200 millions d'euros pour d'autres investissements, notamment l'amélioration de l'accessibilité des personnes à mobilité réduite ou la suppression de passages à niveaux. Par ailleurs, RFF verse 2,6 milliards d'euros à la SNCF dans le cadre d'une convention de gestion pour l'entretien et l'exploitation du réseau. En face de ces dépenses, les recettes de péages ne représentent que 2,6 milliards d'euros, soit 45 % du coût total de l'infrastructure ferroviaire. Les subventions se montaient à 2,2 milliards d'euros. Enfin, il faut souligner que RFF perd environ 400 millions d'euros chaque année, ce qui constitue l'une des failles du dispositif actuel ;

- de mettre en évidence que l'effort de financement de l'infrastructure ferroviaire se répartit nécessairement entre les clients et le contribuable, en fonction des arbitrages politiques des pouvoirs publics ;

- de souligner l'ambition des objectifs fixés à RFF, puisque, d'une part, l'enveloppe des contrats de projet a été multipliée par 2,3, pour atteindre 7 milliards d'euros sur la période : on passe ainsi d'environ 400 millions d'euros par an d'investissements dans ce cadre à près d'un milliard d'euros par an ; d'autre part, les investissements pour les grands projets doivent être portés d'1 à 3 milliards d'euros par an. Enfin, le besoin d'investissement pour la maintenance du réseau existant va passer d'1 à 2 milliards d'euros par an.

M. Jean-Marc Delion, directeur général délégué de RFF, en a conclu qu'il serait sans doute difficile à la collectivité nationale de fournir cet effort, ce qui impose de faire des choix et d'établir des priorités.

M. Jean-Paul Emorine, président, après avoir rappelé que le groupe de travail avait notamment vocation à dégager les financements nécessaires à la poursuite de l'action de l'AFITF, a demandé quelles marges de manoeuvre offraient les PPP.

M. Francis Grignon, président du groupe de travail, a jugé nécessaire, dans ce cadre, de définir quels sont les besoins prioritaires de la collectivité nationale, à 10, 20 ou 30 ans. Il a également souhaité savoir quelles étaient les relations de RFF et du ministère de l'économie et des finances et quelle analyse pouvait être faite sur la situation du fret ferroviaire. Enfin, il a souhaité savoir si les prévisions de rentabilité du TGV-Est étaient tenues.

M. Charles Revet a déclaré que tous les membres de la commission avaient le souci du rééquilibrage modal. Il a également jugé que la France avait pris du retard sur le tram-train. Il a souhaité savoir quelle évaluation pouvait être faite des besoins d'investissement pour développer le fret ferroviaire et le transport ferré de proximité. Il a également demandé quelle était la part de l'infrastructure dans le prix d'un billet de train, si les procédures actuelles de travaux étaient les plus économiques et si pouvait être envisagée la mise en place de sillons réservés au transport grandes lignes entre Paris et Rouen.

M. François Gerbaud a demandé si les critères d'évaluation socio-économiques des projets étaient pertinents. Il s'est également interrogé sur l'ambition des programmes de LGV et a considéré qu'il convenait sans doute, au vu des conclusions de l'audit sur le réseau, de se déprendre du rêve de la grande vitesse au profit de l'entretien du réseau existant. A ce titre, il estimait par exemple qu'une liaison grande vitesse Limoges-Poitiers n'était pas justifiée.

En réponse à ces différents intervenants, M. Jean-Marc Delion a précisé que RFF pourrait réinvestir ses profits dans l'activité ferroviaire si les projets permettaient de dégager de telles marges, ce qui n'était pas le cas ; cela imposait donc un recours aux contribuables. RFF avait à coeur d'améliorer l'exécution des projets et les PPP pouvaient permettre de réaliser des gains de ce point de vue, même s'ils n'étaient pas encore limités.

M. Hubert du Mesnil a précisé que les PPP, malgré leur intérêt, ne pouvaient rendre rentable un projet qui ne l'était pas. En outre, RFF n'avait pas vocation à pousser par principe à la réalisation de projets ferroviaires, l'utilité pour la collectivité devant être le critère déterminant. En tout état de cause, la décision revenait, in fine, à l'autorité politique, nationale ou territoriale. Il a regretté à son tour que les critères d'évaluation donnent une importance trop grande au gain de temps et émis le souhait que le Grenelle de l'environnement puisse être l'occasion d'améliorer les critères d'évaluation des projets. Il a également estimé que l'échec du fret ferroviaire en France n'était pas imputable à un manque d'investissement, mais à des carences organisationnelles et de qualité de service. En revanche, il était vrai que lorsque le trafic fret croîtrait à nouveau, des investissements seraient nécessaires, en particulier pour contourner les grandes agglomérations. Prenant l'exemple du contournement de Nîmes et Montpellier, il a estimé que les critères actuels d'évaluation ne permettaient pas de rendre compte de l'intérêt réel de cet investissement. Il a également jugé que l'amélioration de la desserte ferroviaire des grands ports était nécessaire et d'un coût supportable. Il a abondé dans le sens de M. Charles Revet quant au retard en matière de fret et de transport ferré de proximité, car des investissements modiques avaient été par trop différés. La France était ainsi le seul grand réseau à ne pas avoir automatisé et regroupé ses postes de commande. RFF avait donc lancé des travaux en ce sens, qui ne seront achevés que dans quinze ans. Il a enfin jugé indispensable que les investissements de création de 1.600 kilomètres de lignes nouvelles ne fassent pas oublier la nécessité de rajeunir et rénover les 27.000 kilomètres de lignes existantes.

M. Daniel Reiner, rapporteur du groupe de travail, a estimé que RFF ne pouvait continuer à perdre 400 millions d'euros par an. Rappelant que certains considéraient que RFF devrait augmenter ses péages, il a souhaité savoir comment était calculé leur prix, si RFF envisageait effectivement de les alourdir et s'il existait, en ce domaine, une convergence entre pays européens. Il a également déclaré que l'amélioration de la desserte ferroviaire des grands ports était une priorité. Enfin, il a souhaité disposer de la liste des investissements dont les évaluations a posteriori avaient montré que leur intérêt était discutable.

M. Michel Teston s'est étonné de ce que RFF ne semble pas suivre les recommandations du rapport Rivier d'audit du réseau. Ainsi, sur la ligne Les Aubrais-Vierzon-Toulouse, les travaux de réfection étaient limités au remplacement du ballast, alors même que l'on conservait les rails actuels, qu'il conviendrait de changer dans dix ans.

M. Gérard Bailly a souhaité savoir comment se calculait le versement de RFF à la SNCF pour l'entretien du réseau, si on pouvait réellement transférer le fret de la route au rail et quels étaient les itinéraires ferroviaires les plus rentables.

M. Claude Biwer, rapporteur du groupe de travail, a souhaité savoir comment était pris en compte l'aménagement du territoire dans l'évaluation des projets, au delà de la seule rentabilité. Par ailleurs, l'analyse selon laquelle les années 1990 avaient vu un surinvestissement ferroviaire impliquait-elle que l'on assiste à l'avenir à une réduction du réseau ?

M. Hubert du Mesnil a répondu par la négative à M. Claude Biwer concernant une éventuelle réduction du réseau. Il a fait valoir, d'une part, qu'il revenait à l'Etat, et non à RFF, de prendre les décisions dans ce domaine et, d'autre part, qu'il était dans l'intérêt de RFF de voir le trafic se développer. Quant à l'aménagement du territoire, il s'agissait là d'une considération de nature politique et non économique, sur laquelle RFF ne pouvait se prononcer. Il a ensuite reconnu que les péages n'étaient pas assez élevés, mais que leur augmentation était toujours délicate, dans la mesure où RFF était en situation de monopole. La prudence s'imposait donc dans ce domaine. Il a précisé que la part de l'infrastructure représentait 25 à 30 % du billet sur les LGV, mais moins de 10 % sur le fret, soit un prix inférieur de moitié à celui pratiqué en Allemagne. Il a estimé qu'il était sans doute possible d'augmenter les péages sur les LGV, alors que cela paraissait difficile en matière de fret au vu de la situation actuelle du secteur. Toutefois, il faudrait envisager à terme de relever le prix des péages également en matière de fret, ce qui correspondait du reste à la conception des chargeurs, qui étaient disposés à payer plus cher un produit de meilleure qualité. Il a également estimé que des modulations des péages pour des raisons d'aménagement du territoire pouvaient être envisagées. Enfin, il a abondé dans le sens de M. Michel Teston quant au fait que les recommandations du rapport Rivier n'étaient pas respectées en matière de régénération du réseau. Il convenait de mener les opérations de rénovation nécessaires, mais cela supposait une contractualisation avec l'Etat pour pouvoir disposer d'une perspective pluriannuelle des investissements de rénovation.

Mercredi 24 octobre 2007

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Agriculture - Produits agricoles, forestiers ou alimentaires et produits de la mer - Examen des amendements

La commission a tout d'abord procédé à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 179 (2006-2007) ratifiant l'ordonnance n° 2006-1547 du 7 décembre 2006 relative à la valorisation des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer.

Après l'article 1er (ratification de l'ordonnance n° 2006-1547 du 7 décembre 2006 relative à la valorisation des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer), la commission a :

- adopté les amendements n°s 1 rect. et 3 rect. de M. Benoît Huré, rapporteur, tendant à insérer un article additionnel ;

- décidé de demander l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 13 de M. Charles Revet, tendant à insérer un article additionnel, après des interventions de M. Charles Revet, Bernard Piras, Gérard Bailly, Marcel Deneux et Dominique Braye ;

- donné un avis favorable aux amendements n°s 11 et 12 de Mme Françoise Férat et M. Yves Détraigne, ainsi qu'à l'amendement n° 14 rect. bis de M. Gérard César et plusieurs de ses collègues, tendant tous trois à insérer un article additionnel ;

- émis un avis défavorable aux amendements n°s 9 rect. bis, 8 rect. bis, 7 rect. bis et 6 rect. bis de M. Dominique Mortemousque et plusieurs de ses collègues tendant chacun à insérer un article additionnel, après, pour ce dernier, les interventions de MM. Jean-Paul Emorine, président, Dominique Mortemousque, Gérard César et Benoît Huré, rapporteur. Elle a également donné un avis défavorable à l'amendement n° 15 de M. Gérard César tendant à insérer un article additionnel.

Après l'article 2 (suppression des « appellations d'origine - vins de qualité supérieure »), et suite à un débat où sont intervenus MM. Roland Courteau, Gérard César, Jean-Marc Pastor et Marcel Deneux, portant sur la représentation des membres de sociétés coopératives viticoles dans les organismes de défense et de gestion, la commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 10 de M. Roland Courteau et des membres du groupe socialiste tendant à insérer un article additionnel.

Sécurité - Chiens dangereux - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Dominique Braye sur le projet de loi n° 29 (2007-2008) renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a introduit son propos en soulignant que les accidents graves, et pour certains mortels, qui s'étaient succédé depuis l'été dernier mettaient en évidence que l'on ne disposait pas d'un cadre législatif adapté à la prévention des accidents causés par les chiens.

Le dispositif relatif aux chiens dangereux prévu par la loi du 6 janvier 1999, déjà modifié à deux reprises à la suite de drames semblables, s'est avéré efficace pour lutter contre le problème d'ordre public posé par les délinquants utilisant des chiens dressés à l'agression comme moyen d'intimidation ou arme par destination, mais il n'a pas de prise sur les accidents par morsures canines survenant dans la sphère privée, et le plus souvent dans le milieu familial, ce qui, a souligné le rapporteur pour avis, était prévisible car, comme il l'avait relevé en tant que rapporteur de la loi de 1999, ce texte « prenait le problème par le mauvais bout de la laisse » : il était, en effet, focalisé sur le contrôle de quelques races ou types de chiens présumés dangereux, négligeant le fait que tous les chiens peuvent être dangereux, et que c'est toujours le mauvais maître -qu'il soit délinquant, agressif, irresponsable ou simplement incompétent- qui fait le mauvais chien, et non le contraire.

Rappelant que le Sénat avait partagé cet avis -qui est aussi celui de tous les spécialistes-, mais non l'Assemblée nationale, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, tout en se félicitant que le Sénat soit aujourd'hui enfin saisi d'un texte qui se préoccupait du « bon bout de la laisse », a regretté que près de dix ans aient été perdus pour aborder le problème comme il convient, en mettant l'accent sur la prévention, c'est-à-dire sur l'appréciation de la dangerosité potentielle de chaque chien mais aussi de la compétence de celui qui en a la charge.

Estimant qu'il était indispensable que la commission ait été saisie pour avis du projet de loi, il s'est félicité de l'excellent climat dans lequel il avait travaillé avec M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois, saisie au fond, et a estimé que ce travail commun permettrait d'améliorer le texte.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a ensuite dressé le bilan, qu'il a jugé très inégal, de l'application de la loi du 6 janvier 1999. Rappelant que le Parlement n'avait, contrairement à ce que prévoyait la loi, été informé de ce bilan qu'avec plusieurs années de retard, il a souligné qu'un remarquable rapport de mission d'enquête administrative avait mis en évidence, dès 2001, les aspects positifs et négatifs de l'application de loi, et que certains drames auraient pu être évités si le Parlement en avait été saisi et avait pu réagir plus vite.

Parmi les aspects positifs, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a cité la lutte contre le « phénomène pitbull », relevant que les contrôles des détenteurs de chiens autorisés par la loi avaient facilité la constatation d'infractions cumulables, comme l'avaient très bien compris les forces de l'ordre mais aussi les contrôlés, ce qui a contribué à faire passer la « mode » des pitbulls, au moins dans certains quartiers. S'interrogeant sur la fiabilité des statistiques, il a cependant noté que les élus avaient constaté, sur le terrain, la quasi-disparition de cette forme de délinquance et du sentiment d'insécurité qu'elle suscitait.

Le rapporteur pour avis a, en revanche, jugé le bilan du dispositif « chiens dangereux » de 1999 beaucoup moins positif en ce qui concerne la diminution du nombre des chiens « présumés dangereux » et la responsabilisation de leurs propriétaires, ce qu'il a mis au passif de l'erreur originelle de conception du dispositif, la « catégorisation » des chiens dangereux répartis de manière peu scientifique en deux catégories, dont l'une devait disparaître à terme -ce qui était impossible- et dont la détention était strictement limitée.

Les mesures imposées -déclaration, contrôle des conditions de détention et de circulation des animaux- étaient en elles-mêmes bonnes, mais elles n'ont pas dissuadé les gens de posséder de tels chiens, et n'ont, comme souvent, responsabilisé que les gens responsables, disposés à respecter les règles.

Mais a-t-on réduit le nombre des chiens dits dangereux ? Rien n'est moins sûr, car s'il y a eu des stérilisations, des saisies, des euthanasies et des abandons, on a vu en revanche augmenter la demande pour les chiens de « deuxième catégorie » et les chiens de race proche des chiens classés. M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a relevé, à cet égard, que certains de nos compatriotes trouvaient valorisant, et d'autres rassurant, de posséder un « chien méchant par détermination de la loi », tandis que ceux qui voulaient échapper aux contraintes, ou qui redoutaient les contrôles, ont acquis des chiens largement aussi « dangereux » mais qui n'étaient pas « classés », du moins en France. Le rapporteur pour avis a également noté que, jusqu'en octobre 2006, environ 17.000 chiens de première catégorie avaient été déclarés, et 117.000 chiens de deuxième catégorie mais que l'on ignorait totalement le nombre de ceux qui n'avaient pas été déclarés et que le ministère de l'agriculture estimerait à 600.000.

En conclusion de ce bilan, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a jugé qu'il était grand temps de « changer de cap » et d'aborder autrement la problématique des accidents causés par les chiens.

Convenant qu'il n'était pas possible, bien qu'elle ait été une ineptie, de revenir sur la « catégorisation », ce qui ne serait pas compris ou pourrait être interprété par certains comme le signal d'un retour à des pratiques inacceptables, il a, en revanche, estimé qu'il fallait apprendre à chacun que tout chien peut être agressif et que cette agressivité peut dépendre de multiples facteurs qu'il faut savoir reconnaître pour la prévenir.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a également jugé nécessaire de disposer d'informations plus précises sur les accidents canins, pour lesquels il n'existe aucune statistique fiable, notant que l'on disposait, en revanche, de quelques éléments sur les victimes, qui sont le plus souvent des enfants, notamment de très jeunes enfants, et des personnes âgées, et sur les circonstances des accidents, qui surviennent le plus fréquemment au domicile ou dans l'environnement familier des victimes.

Abordant ensuite l'analyse des dispositions du projet de loi et des orientations qu'il proposerait à la commission, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a relevé que le projet de loi avait l'immense mérite de mettre l'accent sur l'évaluation comportementale des chiens et sur la formation de leurs propriétaires.

Insistant particulièrement sur ce qui serait fait pour favoriser le « dépistage » des chiens à problèmes, il a approuvé qu'il soit prévu de recourir largement à l'évaluation comportementale, qui serait obligatoire pour tous les chiens de première et deuxième catégories et pour les chiens « mordeurs », ces évaluations systématiques s'ajoutant à la possibilité, déjà donnée au maire par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, de demander l'évaluation comportementale de tout chien pouvant présenter un danger : le dispositif d'application correspondant est en cours de mise en place, ce qui permettra d'appliquer très rapidement les dispositions de la nouvelle loi.

En ce qui concerne la formation des détenteurs de chiens, un dispositif à trois étages est également prévu : tous les détenteurs de chiens de première et deuxième catégories devront suivre une formation sanctionnée par l'obtention d'une attestation d'aptitude ; tous les détenteurs de chiens « mordeurs » devront suivre la même formation, mais sans être tenus d'obtenir l'attestation d'aptitude ; le maire pourra également imposer au cas par cas le suivi de la formation.

Cette formation sera à la charge des propriétaires de chiens. M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a regretté que l'on ne dispose encore d'aucune information sur son coût, ni d'ailleurs sur le contenu de la formation, sa durée, les conditions d'obtention de l'attestation d'aptitude, les personnes qui dispenseront la formation et délivreront l'attestation.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a ensuite présenté une disposition du projet de loi qui lui semblait moins bien venue, et qui tendrait à interdire la détention de chiens de première catégorie nés après le 7 janvier 2000, date à laquelle la stérilisation de ces chiens est devenue obligatoire. Relevant que cette mesure était destinée à rendre effective l'éradication de ces chiens, souhaitée par le législateur de 1999, le rapporteur pour avis a relevé que cette éradication était -et reste- absolument impossible et que la mesure proposée, choquante dans son principe car elle vise des animaux dont certains sont nés dans des conditions parfaitement légales et sont très bien intégrés dans leur environnement, serait de toute façon inapplicable.

Expliquant que le législateur avait voulu interdire la reproduction de la population des chiens de première catégorie existante, mais qu'il n'avait pas interdit, et n'aurait d'ailleurs pas pu le faire, les multiples possibilités de production de ces chiens, par croisements ou sans croisement, par des chiens n'appartenant pas à la première catégorie, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il proposerait à la commission de supprimer la mesure proposée, en espérant qu'une meilleure solution puisse être trouvée au cours du débat. Il a précisé que le rapporteur de la commission des lois ferait la même proposition, et qu'il partageait son souci d'éviter une mesure qui serait très mal comprise par tous ceux qui ont élevé, notamment pour la chasse, ces chiens qu'il n'y a aucune raison d'euthanasier.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis a ensuite indiqué à la commission les orientations qu'il lui proposerait de retenir.

En ce qui concerne l'évaluation, elles porteraient notamment sur :

- la transmission des résultats des évaluations comportementales des chiens à l'autorité de police ;

- l'extension de l'évaluation comportementale à tous les chiens que leur poids rend potentiellement dangereux, le rapporteur pour avis notant à ce sujet que les accidents les plus nombreux étaient causés par des bergers allemands et non par des chiens « classés » ;

- l'imposition de l'obligation de formation en fonction des résultats de l'évaluation, et d'obtention de l'attestation d'aptitude si l'évaluation révèle que le chien peut présenter un danger justifiant que son maître dispose des compétences nécessaires pour le contrôler.

En ce qui concerne la formation, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a indiqué qu'outre les amendements procédant du lien logique à établir entre celle-ci et l'évaluation, il proposerait à la commission un amendement rédigé en commun avec le rapporteur de la commission des lois pour imposer que tous les employés de sécurité ou de gardiennage utilisant des chiens soient au moins tenus d'être titulaires de l'attestation d'aptitude, cette obligation étant à la charge de leur employeur, qui pourront être pénalement sanctionnés s'il ne la respectent pas.

Un débat a suivi.

M. Jean-Paul Emorine, président, a félicité le rapporteur pour la qualité de son rapport et sa maîtrise du sujet.

M. Alain Fouché a émis l'opinion qu'il serait sans doute plus facile aux maires des villes qu'aux maires ruraux d'imposer à leurs concitoyens de suivre une formation à l'éducation canine. Il s'est également interrogé sur le contenu de cette formation, sur son coût, sur le nombre de dresseurs qui pourraient être agréés pour la dispenser et sur les moyens de l'imposer aux personnes sans domicile fixe, qui ont souvent de nombreux chiens.

M. Jean Boyer, après avoir rendu hommage à la compétence et à la détermination du rapporteur pour avis, a remarqué que de nombreux propriétaires de chiens semblaient parfois inconscients de la nature animale, et de la force de l'instinct des animaux, qui existe chez toutes les espèces, et peut provoquer des accidents tragiques, soulignant que le chien était en quelque sorte un « paradoxe », ami de l'homme mais soumis à sa nature. Il a observé que l'on pouvait parfois redouter d'aller chez des gens qui ne semblaient pas maîtriser leur chien.

Mme Jacqueline Panis a souhaité savoir si la formation des employés de sécurité utilisant des chiens pourrait être financée par la formation professionnelle.

M. Gérard Bailly a évoqué le désarroi des bergers encouragés à acheter des patous pour protéger leurs troupeaux contre les prédateurs -ours ou loups- et qui pouvaient ensuite se trouver condamnés si leur chien, dressé pour défendre les troupeaux, agresse des promeneurs.

Répondant à ces interrogations, M. Dominique Braye, rapporteur pour avis, a notamment apporté les indications suivantes :

- il sera plus facile de prescrire une formation si elle s'appuie sur les conclusions d'une évaluation comportementale qui pourra être faite dans le cadre des visites normales aux vétérinaires et qui, dans la très grande majorité des cas, ne devrait pas révéler de problèmes, si le chien est stable et si son maître a suffisamment d'autorité sur lui ;

- il sera indispensable que la formation comporte une initiation au comportement canin : 80 % des accidents pourraient sans doute être évités si les victimes et les propriétaires des chiens étaient en mesure de déceler les signes précurseurs d'une agression ;

- il est assez rare que les SDF aient des chiens agressifs car ces chiens, s'ils peuvent poser un problème d'ordre public et susciter un sentiment d'insécurité chez les passants, sont généralement très bien socialisés ;

- le terme de « paradoxe » utilisé par M. Jean Boyer est très juste : les chiens apportent énormément aux humains, ils peuvent faire faire des progrès remarquables à des enfants handicapés ou autistes, mais il faut aussi connaître et respecter leur nature et savoir les éduquer, prendre en compte ce qui fait leur richesse et leur fragilité ;

- il n'y a aucune raison pour que le financement de la formation des personnels de sécurité utilisant des chiens ne puisse pas être pris en compte au titre de la formation professionnelle ;

- il serait plus raisonnable de ne pas importer de prédateurs pour ensuite obliger les bergers à acquérir des patous.

Concluant ce débat, M. Jean-Paul Emorine, président, a regretté qu'il faille attendre des accidents domestiques relayés par les médias pour que nos concitoyens s'avisent de la nécessité de prendre des mesures de prévention et d'éducation.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

A l'article premier (pouvoirs de police du maire), elle a adopté deux amendements tendant à :

- rappeler l'intervention possible du préfet et lier aux résultats de l'évaluation comportementale des chiens pouvant présenter un danger la possibilité d'imposer à leurs détenteurs de suivre une formation et, en cas de nécessité, d'obtenir une attestation d'aptitude ;

- imposer la communication au maire des résultats des évaluations comportementales des chiens qu'il aurait demandées.

A l'article 2 (obligations d'évaluation comportementale des chiens de première et deuxième catégories et de formation de leurs détenteurs), la commission a adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction de cet article tendant à :

- préciser la définition de la formation ;

- imposer que soient précisés par décret son contenu, les modalités d'obtention de l'attestation d'aptitude, les conditions d'agrément mais aussi de contrôle des personnes habilitées à dispenser la formation et à délivrer l'attestation d'aptitude ;

- fixer à l'âge de la puberté du chien la première évaluation comportementale des chiens de première et deuxième catégories.

Avant l'article 3, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel rectifiant une erreur de référence.

A l'article 3 (justification des obligations nouvelles imposées aux détenteurs de chiens de première et deuxième catégories), la commission a adopté un amendement de coordination prévoyant la délivrance d'un récépissé provisoire de la déclaration d'un chien n'ayant pas atteint l'âge d'être soumis à l'évaluation comportementale.

A l'article 4 (chiens « mordeurs »), la commission a adopté un amendement tendant, comme à l'article 1er, à lier les obligations en matière de formation du maître aux résultats de l'évaluation comportementale du chien et à associer cette évaluation à la surveillance vétérinaire imposée par les dispositions relatives à la prévention de la rage.

Après l'article 4, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel prévoyant de soumettre à l'évaluation comportementale les chiens potentiellement dangereux en raison de leur poids.

La commission a ensuite adopté un amendement de suppression de l'article 5 (interdiction de la détention de chiens de première catégorie nés après le 7 janvier 2007).

Après l'article 5, la commission a adopté deux amendements tendant à insérer deux articles additionnels afin :

- d'assurer une formation au moins équivalente à celle des détenteurs de chiens de première et deuxième catégories aux personnels utilisant des chiens dans le cadre d'activités privées de surveillance et de gardiennage et de responsabiliser leurs employeurs ;

- de dispenser les gestionnaires des refuges et des fourrières de l'obligation d'obtenir l'attestation d'aptitude.

A l'article 6 (information des acquéreurs de chiens), la commission a adopté deux amendements rédactionnels et de précision.

Elle a adopté un amendement de suppression de l'article 7 (sanction pénale de l'interdiction de détention de chiens de première catégorie nés après le 7 janvier 2000).

La commission a ensuite adopté sans modification les articles 8 (coordination), 9 (dispositions de procédure pénale), 10 (habilitation des personnes pouvant procéder à l'identification des animaux domestiques), 11 (coordination), 12 (conditions d'acquisition des médicaments vétérinaires).

A l'article 13 (dispositions transitoires), la commission a adopté, outre un amendement de précision, un amendement tendant à :

- allonger de 6 mois à un an le délai donné aux détenteurs de chiens de première et deuxième catégories pour satisfaire à leur obligation de formation et à fixer un terme à ce délai ;

- prévoir, dans le même délai, la formation des personnels de surveillance et de gardiennage utilisant des chiens dans l'exercice de leur activité.

Après l'article 13, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel fixant un délai aux propriétaires de chiens potentiellement dangereux en raison de leur poids pour les soumettre à l'évaluation comportementale.

La commission a adopté un amendement de suppression de l'article 14 (entrée en vigueur des dispositions relatives à l'interdiction de détention des chiens de première catégorie nés après le 7 janvier 2000).

Elle a adopté sans modification l'article 15 (application à Mayotte).

La commission a ensuite donné, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi modifié.

Mission d'information en Hongrie - Examen du rapport d'information

La commission a, ensuite, pris connaissance du rapport d'information de M. Gérard César au nom de la mission d'information s'étant rendue en Hongrie.

Après avoir rappelé que la commission des affaires économiques avait effectué des missions en Roumanie et Bulgarie en 2004, puis en Lituanie et Estonie en 2005, M. Gérard César a indiqué qu'une délégation de la commission s'était rendue en Hongrie, du 10 au 13 juillet 2007, à l'occasion du troisième anniversaire de l'entrée de ce pays dans l'Union européenne. Il a précisé qu'il était accompagné de quatre collègues, Mme Odette Herviaux, MM. Philippe Dominati et Rémy Pointereau et M. Christian Gaudin, qui avait depuis rejoint la commission des finances.

Il a présenté l'objectif de cette mission : faire le bilan de l'intégration de la Hongrie au sein de l'Union européenne et cerner ses perspectives d'évolution économique. Il a indiqué que la délégation avait rencontré à Budapest des parlementaires hongrois de différentes sensibilités politiques, ainsi que des acteurs économiques de l'agriculture, de l'industrie, des services, et noué d'autres contacts fructueux en différents points de la Hongrie, du nord-est où elle avait découvert la région du Tokaj, jusqu'au sud-ouest. Enfin, la délégation a pu participer le 13 juillet 2007 aux cérémonies d'ouverture de l'année économique de la France en Hongrie, destinée à consolider la dynamique économique franco-hongroise apparue ces dernières années.

Il a déclaré que l'impression la plus saillante retirée de cette mission était que la Hongrie, petit pays de 10 millions d'habitants et de moins de 100.000 km2, se distinguait parmi les nouveaux entrants dans l'Union par sa position très favorable, tant au plan strictement géographique qu'aux plans économique, culturel et historique. Déjà bien intégrée dans l'Union européenne au plan économique, la Hongrie traverse toutefois une période de réformes profondes, nécessaires mais périlleuses. M. Gérard César a néanmoins jugé que cette cure d'austérité ne devrait pas pour autant porter atteinte au potentiel considérable que représente ce pays pour nos entreprises, ce qui justifiait l'intitulé retenu pour le rapport de mission: « La Hongrie, un partenaire stratégique pour l'économie française ».

Présentant d'abord brièvement le bilan de l'intégration de la Hongrie dans l'Union européenne, il a estimé cette intégration économique déjà très avancée et présenté la Hongrie comme un pays attractif, ouvert et compétitif :

- un pays attractif : les privatisations qui ont suivi le changement de régime ont attiré de nombreuses sociétés multinationales et les investissements directs étrangers (IDE) se sont élevés à plus de 50 milliards d'euros entre 1990 et 2006. La Hongrie se situe au cinquième rang en termes d'attractivité des IDE dans l'UE à 25. Comme l'ont confirmé les conseillers du commerce extérieur français rencontrés à la mission économique, ces investissements directs étrangers en Hongrie ne relèvent pas du mouvement de délocalisation. La Hongrie attire plutôt pour son réseau dense de fournisseurs, ses infrastructures modernes de transport et de télécommunications, son environnement des affaires adapté aux besoins des entreprises et sa main-d'oeuvre formée ;

- un pays ouvert et compétitif : ces multinationales ont inséré très rapidement la Hongrie dans les échanges européens, puisque la Hongrie réalise 70 % de ses échanges avec l'Union européenne. Les exportations hongroises représentent près des deux tiers du PIB et tirent la croissance, qui tourne autour de 4 % en moyenne par an. Les exportations hongroises reposent essentiellement sur trois pôles industriels : l'automobile, l'électronique et les télécommunications et enfin, la pharmacie.

M. Gérard César a toutefois tenu à nuancer ce portrait flatteur, en évoquant notamment le déficit public hongrois, qui a atteint 9,6 % en 2006. La situation des finances publiques s'est en effet progressivement dégradée, si bien que la Hongrie ne satisfait à aucun des critères de Maastricht. Elle a dû engager un plan d'austérité permettant d'envisager son entrée dans l'euro en 2013, au mieux. Pour accroître les recettes publiques et diminuer les dépenses, trois secteurs doivent faire l'objet d'importantes restructurations : la santé, l'éducation et l'administration. Si ce plan porte ses premiers fruits, au prix d'un ralentissement de la croissance, la mise en place des mesures structurelles est difficile, surtout dans le secteur de la santé. M. Gérard César a fait observer que ce point avait été souligné par les députés hongrois : MM. Podolak et Latorcai, vice-présidents de la commission des affaires économiques, le premier, socialiste de la majorité gouvernementale, le deuxième, membre de l'opposition, n'ont pas caché leur inquiétude. De fait, la coalition socialiste-libérale au pouvoir perd sa popularité et se divise. L'opposition, pour sa part, a entrepris de faire pression pour que soient organisés des référendums d'initiative populaire sur les points les plus controversés des réformes.

M. Gérard César a considéré que, dans ce contexte économique dynamique, mais fragile, la France tenait déjà une place importante, rappelant que tel fut déjà le cas du temps de la dynastie des Anjou, Charles-Robert puis son fils Louis-le-Grand ayant régné sur la Hongrie au XIVe siècle. Il a noté que c'était surtout depuis 1997 que la France, en soutenant constamment la candidature de la Hongrie à l'Union européenne, s'était rapprochée de la Hongrie. Il a pourtant remarqué qu'était toujours sensible la blessure que le traité de Trianon, imputé à Clemenceau, avait infligée à la Hongrie en 1920 en l'amputant des deux tiers de son territoire. Revenant au récent rapprochement bilatéral, il a indiqué qu'il se traduisait aux plans politique, diplomatique mais aussi économique, technique, administratif et culturel.

Particulièrement attentif à l'aspect économique, il a jugé les relations franco-hongroises déjà assez intenses : la France est le quatrième fournisseur de la Hongrie, mais aussi son quatrième client. Au sein des nouveaux pays membres, la Hongrie demeure le troisième marché client de la France (après la Pologne et la République tchèque), et son deuxième fournisseur, derrière la Pologne. Les échanges entre la France et la Hongrie se font essentiellement dans l'industrie (en particulier les secteurs automobile, électrique et électronique), les produits agricoles et agro-alimentaires représentant un point faible des échanges bilatéraux. Evoquant à ce sujet la visite d'une grande ferme, ancienne propriété d'Etat, il a expliqué que la Hongrie, aujourd'hui confrontée à la qualité des produits agricoles de l'Ouest, n'était pas encore en mesure d'exporter vers nos marchés, d'autant qu'elle ne transformait quasiment pas la production agricole de base, qu'elle peut pourtant fournir en abondance.

Concernant les investissements, il a précisé que la France était déjà assez présente en Hongrie et se plaçait au quatrième rang des investisseurs étrangers. La présence française se trouve concentrée dans les secteurs des services (grande distribution : Cora, Auchan, hôtellerie : Accor, banques : BNP-Paribas, Société générale, LCL), de la production agroalimentaire (Danone, Bonduelle, Epis France), de l'énergie (EDF, GDF), de l'automobile (Peugeot, Renault), ainsi que ceux de l'environnement (Suez) et des nouvelles technologies de l'information et de la communication (Vivendi). Il s'est enfin attardé sur la pharmacie, dans la mesure où la délégation avait visité le centre de recherche de Sanofi-Aventis à Budapest. Il a rapporté les propos de M. Frédéric Ollier, PDG dynamique, qui avait indiqué que Sanofi avait investi près de 600 millions d'euros en Hongrie, rachetant un groupe local et misant sur la qualité des chercheurs hongrois. Mais il avait aussi fait valoir que Sanofi-Aventis acquittait environ 60 millions d'euros d'impôts et de charges sociales, dont le poids croissant, notamment du fait de la taxe de solidarité sur le bénéfice des entreprises (4 %) instaurée dans le cadre du plan d'austérité, l'inquiétait.

M. Gérard César a estimé que cet exemple montrait que la présence française était devenue essentielle au bon fonctionnement de l'économie locale. Il a d'ailleurs relevé qu'une dizaine de grands contrats avaient été remportés par des groupes français, surtout depuis deux ans (extension du métro de Budapest par Alsthom, unité de traitement des eaux usées de la capitale par Veolia...).

Mais, au-delà de l'économie, M. Gérard César a déclaré que la délégation avait pu percevoir d'autres liens tissés par la France avec la Hongrie :

- des liens de coopération décentralisée d'une part, aboutissant à la création de pôles de compétitivité « à la française », comme à Miskolc, pôles sans doute trop diversifiés d'ailleurs, ou à des échanges, notamment universitaires, comme entre le département de Veszprem et le département du Maine-et-Loire ;

- des liens culturels d'autre part, à travers l'exemple de la famille Karolyi qui a quitté son château, situé au sud de Budapest, en 1944. Ce château, où la délégation a été reçue, a servi d'orphelinat avant d'être laissé à l'abandon. Le petit-fils du comte Gyorgy Karolyi, bâtisseur du château au XIXe siècle, a renoué, depuis la France, avec ce passé familial et le transforme aujourd'hui en centre culturel de rencontres destinées à promouvoir l'ouverture de la Hongrie sur l'Europe.

M. Gérard César a ensuite évoqué une autre expression d'une parenté culturelle entre la France et la Hongrie : la culture du vin dans la région de Tokaj, découverte avec grand plaisir par la délégation, qui y a rencontré de nombreux français venus en Hongrie lors des privatisations pour renouer avec la tradition prestigieuse du vin de Tokaj : ce vin des rois, « roi des vins » comme l'a dit Louis XIV, est élaboré avec des grains Aszu, dont la pourriture noble lui donne ce goût si exceptionnel. La délégation a visité de grandes exploitations viticoles, dans lesquelles ont investi de grands groupes financiers tels Axa, où la tradition et l'économie s'entendent pour rendre à la Hongrie une ambition exportatrice mondiale de vins.

Mais M. Gérard César a surtout fait observer que de nouvelles opportunités se dessinaient en Hongrie, que la France ne saurait manquer. En effet, la Hongrie devrait recevoir 22,4 milliards d'euros de fonds européens pour 2007-2013 pour lui permettre de combler son retard par rapport aux autres pays de l'Union, de développer ses infrastructures et d'améliorer son attractivité. Pour pérenniser la position des entreprises françaises sur les grands contrats hongrois qui s'annoncent dans les domaines des transports, de l'environnement et de l'énergie, la France doit rester mobilisée. Lors de la réunion tenue à la mission économique de Budapest, M. Gérard César a insisté sur l'utilité qu'aurait, dans ce but, la venue en Hongrie de grands patrons français, voire de la présidente du MEDEF, pour rencontrer leurs homologues, par exemple dans le sillage d'un déplacement, attendu en Hongrie, de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. En matière énergétique notamment, M. Gérard César a relevé que, lors de son entretien avec la délégation, la filiale hongroise de GDF avait fait part de son intérêt pour le projet Nabucco de gazoduc de 3400 km devant permettre de diversifier l'approvisionnement énergétique de l'Europe de l'Ouest et de faire venir du gaz d'Asie centrale via la Hongrie.

Rappelant que le Président de la République s'était rendu en Hongrie le 14 septembre dernier, tout en regrettant qu'il ne se soit pas rendu dans sa commune d'origine, dont la délégation avait rencontré le maire, M. Gérard César a relevé que, devant le Parlement, M. Nicolas Sarkozy avait appelé de ses voeux un partenariat stratégique avec la Hongrie. M. Gérard César a également jugé que la France devait accompagner la réforme à l'oeuvre en Hongrie et faire fructifier la collaboration franco-hongroise avec des projets « tremplins » vers les Etats candidats (Croatie), les Etats voisins ou des Balkans occidentaux. Il a conclu que la Hongrie était une plate-forme ou encore un « hub » à vocation régionale qui ouvrait des opportunités réelles pour nos entreprises dans toute l'Europe centrale.

M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé que ces missions européennes effectuées par la commission des affaires économiques avaient été mises en place depuis trois ans, mais qu'il était aussi indispensable pour les membres d'une telle commission de se rendre dans les pays jouant un rôle décisif dans l'économie mondialisée, tels la Chine, l'Inde, le Brésil, la Russie.

M. Paul Raoult a tenu à rappeler que la Hongrie était entrée au Fonds monétaire international en 1982, alors même qu'elle était encore sous régime communiste. Il a jugé que cela manifestait déjà la volonté hongroise d'assumer la globalisation, relevant, d'ailleurs, qu'avant même l'ouverture du régime, une économie parallèle obéissant aux règles du marché coexistait avec l'économie officielle suivant les règles de la collectivisation. En matière agricole, il a exprimé une légère différence d'appréciation par rapport aux propos tenus par M. Gérard César, ayant plutôt tiré des impressions positives de l'agriculture hongroise. Il a ensuite confirmé que la France avait intérêt à développer un partenariat avec la Hongrie, qui ne demandait rien de mieux, et souligné que la Hongrie était enclavée, mais qu'elle avait le sens du travail et qu'elle avait résisté aux évènements de l'histoire. Evoquant les difficultés politiques de l'actuel gouvernement hongrois, encore sensible à travers les très récentes manifestations qui avaient eu lieu en Hongrie, il a rappelé l'importance d'un soutien français à la Hongrie.

M. Gérard César a abondé dans le sens des derniers propos tenus par M. Paul Raoult, insistant sur le fait que la Hongrie était certes un petit pays, mais situé au carrefour de l'Europe de l'Est, ce qui en faisait une plateforme essentielle avec laquelle nos entreprises se devaient d'entretenir des liens.

A l'issue de cet échange, la commission des affaires économiques a adopté à l'unanimité le rapport présenté par M. Gérard César.

Sécurité des manèges - Examen du rapport

Enfin, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Pierre Hérisson sur la proposition de loi n° 463 (2006-2007) relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction.

M. Pierre Hérisson, rapporteur, a, en préambule, souligné que les manèges des fêtes foraines et des parcs de loisirs constituent un domaine qui, une fois n'est pas coutume, a longtemps été ignoré par le législateur. Ajoutant que ces « industries » ont pris une place grandissante dans notre société, il a fait valoir que le succès des parcs thématiques comme Disneyland Paris, ou des fêtes foraines traditionnelles comme la Foire du Trône et la Fête à Neuneu, était considérable, puisque, chaque année, près de 100 millions de personnes s'adonnaient, en France, à cette activité.

Puis il a indiqué que ces dernières années les manèges avaient considérablement changé, devenant toujours plus sophistiqués, plus rapides et allant toujours plus haut, répondant ainsi aux demandes des clients amateurs de sensations fortes.

Il a néanmoins déploré la multiplication des incidents, évoquant le dramatique accident survenu à la Fête des Loges le 4 août 2007 dans lequel un père et son fils ont trouvé la mort dans un « Booster ».

Indiquant par ailleurs qu'aucune réglementation spécifique n'encadrait la fabrication et l'exploitation des attractions foraines aujourd'hui, il a rappelé que cette situation surprenante résultait de la grande autonomie développée pendant plusieurs siècles par les forains dans l'organisation de leur activité. Ajoutant que les pouvoirs publics avaient progressivement réinvesti l'espace des fêtes foraines, que ce soit en matière d'ordre public ou de contrôle sanitaire, il a regretté que la sécurité des machines ait été oubliée.

M. Pierre Hérisson, rapporteur, a ensuite évoqué la réglementation française, la jugeant minimale et dispersée.

Il a tout d'abord fait référence au protocole signé en 1983 par les syndicats de forains et certains bureaux de contrôle technique, à l'initiative du ministère de l'intérieur, expliquant que celui-ci était devenu totalement obsolète.

Il a ensuite fait mention de l'article L. 221-1 du code de la consommation qui impose une obligation générale de sécurité des produits, reconnaissant que la DGCCRF, en principe chargée du contrôle, n'avait toutefois pas les compétences techniques en matière de manèges.

Rappelant, par ailleurs, que le code général des collectivités territoriales donne au maire des pouvoirs de police en matière de grands rassemblements, de foires ou de jeux, il a expliqué que les élus, surtout des petites communes, n'avaient pas les moyens de contrôler la sécurité des attractions, se limitant ainsi le plus souvent à un simple contrôle documentaire.

Il a enfin rappelé l'existence d'une réglementation européenne, observant que celle-ci restait embryonnaire et reposant surtout la norme EN 13814 de 2004 que la France a mis trois ans à intégrer.

M. Pierre Hérisson, rapporteur, en a conclu que le système actuel de contrôle de la sécurité des attractions reposait pour l'essentiel sur les forains eux-mêmes, ce qui n'était pas satisfaisant.

Faisant valoir que, bien avant le drame de la Fête des Loges, l'AMF travaillait à l'élaboration de textes sur la sécurité des manèges, notamment au sein du groupe « Fête foraine » qu'il préside, il a rappelé qu'un important travail de concertation avec les forains avait été mené ces derniers mois, aboutissant à la signature, le 17 août dernier, d'une convention sur la sécurité des manèges. Reconnaissant que celle-ci représentait une avancée réelle, puisque les exploitants acceptaient le principe d'un contrôle technique périodique selon le type d'attraction et son niveau de sensation, il a précisé qu'elle avait été signée par les professionnels, les organismes de contrôle, les maires et les ministres concernés.

Jugeant toutefois que ces engagements avaient un caractère incertain au regard de leur force normative, il a estimé que l'intervention du législateur était nécessaire pour définir les obligations de l'ensemble de la profession. Il s'est ainsi félicité de l'adoption probable d'un texte donnant une assise législative à l'action des maires, qui pourront disposer de moyens légaux pour sanctionner le non respect des contrôles techniques.

Rappelant par ailleurs que cette proposition de loi était largement attendue tant par nos élus que par les amateurs d'attractions, très nombreux dans notre pays, il a indiqué que la profession des forains elle-même sollicitait l'adoption d'une loi qui viendra enfin réglementer son activité, comme pour toute autre profession.

M. Pierre Hérisson, rapporteur, a ensuite détaillé le contenu de cette proposition de loi comprenant trois articles :

Il a indiqué que le premier article créait une obligation générale de sécurité pour l'ensemble des manèges en France, soulignant que ceux-ci devaient être conçus, construits, installés et exploités sans porter atteinte à la santé des personnes. Précisant néanmoins que certains d'entre eux étaient aujourd'hui exploités hors des fêtes foraines et des parcs de loisirs, il a proposé aux commissaires d'élargir le champ d'application de la loi afin d'englober les machines installées sur les parkings des centres commerciaux ou sur les places de village.

Expliquant le dispositif du deuxième article, il a d'abord indiqué que celui-ci mettait en place une obligation de contrôle technique des manèges. A cet égard, il a fait valoir que l'adoption de cette proposition de loi aurait pour effet de soumettre tous les manèges de France à un contrôle technique initial et à des contrôles périodiques, jugeant qu'il s'agissait là d'une avancée considérable. Il a ajouté que les contrôles, à la charge des exploitants, seraient effectués par des organismes agréés par l'Etat, qui devront être indépendants économiquement et juridiquement des exploitants, ce qui devrait mettre un terme aux collusions d'intérêts dans la profession.

Puis il a indiqué que le troisième article prévoyait l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat pour fixer les exigences de sécurité auxquelles devront satisfaire les manèges, définir le contenu et les modalités des contrôles techniques, ainsi que déterminer les modalités d'agrément des organismes de contrôle technique.

Il a enfin tenu à faire part de son intention de demander solennellement au Gouvernement, lors de la séance publique, de prendre le plus rapidement possible les textes réglementaires qui s'imposent, afin que les mesures d'application entrent en vigueur dès janvier 2008.

Après avoir salué la maîtrise du dossier des fêtes foraines par M. Pierre Hérisson, M. Gérard César a reconnu que cette proposition de loi était très attendue par les élus locaux. Puis il a souhaité savoir si les organismes actuellement chargés des contrôles de sécurité disposaient véritablement des compétences pour le faire, notamment en ce qui concerne les soudures des structures. Il s'est enfin interrogé sur les conditions d'examen de cette proposition de loi à l'Assemblée nationale.

Répondant à M. Gérard César, M. Pierre Hérisson, rapporteur, a estimé que les députés, qui comptent parmi eux de nombreux élus locaux, devraient accueillir favorablement cette proposition de loi. S'agissant des organismes chargés de la vérification des manèges, il a rappelé que ceux-ci s'étaient progressivement retirés de ce marché au profit d'anciens forains qui ont créé leurs propres bureaux de vérification, soulignant à cet égard les problèmes d'indépendance que cette situation pouvait engendrer. Il s'est félicité de ce que cette proposition de loi mette un terme aux carences des contrôles de sécurité actuels, en obligeant les organismes à être indépendants juridiquement et financièrement des exploitants.

Mme Odette Terrade s'est ensuite interrogée sur le caractère nécessaire de cette proposition de loi, dans la mesure où les dispositions qu'elle prévoit pourraient être de nature réglementaire. Elle a à cet égard demandé si la convention signée par tous les acteurs de la profession en 2007 n'était pas suffisante. M. Pierre Hérisson, rapporteur, a répondu que si la convention avait représenté une avancée considérable, la valeur juridique de celle-ci restait néanmoins incertaine et qu'une loi était nécessaire afin de poser des principes généraux. Il a ajouté que le projet de décret d'application dont il a pu apprécier le contenu était beaucoup plus complet que la convention de 2007 puisqu'il prévoit, entre autres, des contre-visites. Il s'est enfin félicité de ce qu'un tel texte soit une proposition d'origine parlementaire portée par un élu local, ajoutant que les pouvoirs publics se devaient de répondre rapidement à la sophistication croissante des manèges.

Puis la commission a adopté la proposition de loi à l'unanimité.