Mardi 9 février 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Loi de finances rectificative pour 2010 - Examen du rapport

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi n° 276 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2010.

A l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a tout d'abord évoqué les grands équilibres du projet de loi de finances rectificative.

Il a relevé que le Gouvernement évalue la croissance du produit intérieur brut (PIB) en 2009 à - 2,25 %, en ligne avec le consensus des conjoncturistes, et 3,5 points en dessous de la prévision associée au projet de loi de finances pour 2009, qui s'élevait à + 1,25 %. Il s'agit d'un écart « historique ». La croissance fortement négative de 2009 est également exceptionnelle, en moyenne annuelle. Cependant, en termes d'évolution trimestrielle du PIB, le creux du dernier trimestre de 1974, soit - 1,8 %, n'a pas été atteint. Par ailleurs, la récession a été moins forte que ce que prévoyait le consensus des conjoncturistes de juin à août 2009 (- 3 %).

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite indiqué que la prévision de croissance du PIB pour 2010 associée au présent projet de loi de finances rectificative, de + 1,4 %, égale au consensus des conjoncturistes de janvier 2010, représente près du double de la prévision associée au projet de loi de finances initiale (+ 0,75 %).

Il a observé que la nouvelle hypothèse retenue implique une croissance de + 0,3 % chaque trimestre. Elle reste, bien entendu, soumise à des aléas relatifs, notamment, à l'évolution de la demande privée, à la croissance asiatique, ainsi qu'à l'évolution du prix du pétrole ou des taux de change.

S'agissant du solde budgétaire, M. Philippe Marini, rapporteur général, a déclaré que le déficit prévisionnel pour 2010 s'établit à 149 milliards d'euros, en augmentation de 27 % par rapport au déficit voté en loi de finances initiale. Cet écart de + 31,6 milliards d'euros s'explique :

- par des dépenses supplémentaires du budget général ouvertes par le présent projet de loi de finances rectificative, à hauteur de 33,9 milliards d'euros ;

- par la dégradation du solde des comptes spéciaux du Trésor en raison du financement des investissements d'avenir, pour un milliard d'euros ;

- en sens inverse, par une revalorisation des recettes de 3,3 milliards d'euros.

Puis M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné la nécessité de distinguer l'approche budgétaire, nécessairement annuelle, de l'approche économique du financement du déficit supplémentaire issu des dispositions du présent projet de loi de finances rectificative.

D'un point de vue budgétaire, le besoin de financement est « contenu » à 22,9 milliards d'euros en raison de la réduction du montant des amortissements, du fait de rachats de dettes fin 2009, et de la revalorisation des prévisions de recettes fiscales. Pour couvrir ce besoin de financement, l'Etat, profitant de la ressource de trésorerie procurée par les 30 milliards d'euros des dépôts des opérateurs, n'aura pas recours aux emprunts à court terme. En revanche, les émissions à moyen et long termes augmenteront de 13 milliards d'euros. Le solde proviendra d'un prélèvement de 9,5 milliards d'euros sur le compte de l'Etat au Trésor, issu des 13 milliards d'euros remboursés à l'Etat par les banques.

D'un point de vue économique, le projet de loi de finances rectificative tend à consolider dans la dette de l'Etat les sommes remboursées par les banques, alors qu'il aurait été envisageable de les affecter au désendettement.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite évoqué le programme de stabilité 2010-2013 que le Gouvernement a adressé le 1er février 2010 à la Commission européenne. Ce document a évolué sur plusieurs points par rapport à la programmation pluriannuelle, plus sommaire, annexée au projet de loi de finances pour 2010 en application de l'article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). En effet, depuis lors, le Gouvernement a fait sien l'objectif européen fixant la fin du déficit excessif en 2013. Les principales différences entre les deux documents concernent les dépenses, qui augmenteraient de seulement 0,6 % en volume (au lieu de 1 %) sur la période 2011-2013 et les réductions de niches fiscales et sociales, qui s'élèveraient à 2 milliards d'euros par an. L'atteinte de cet objectif suppose donc un effort conséquent en matière de maîtrise des dépenses publiques, qui n'a jamais été tenu par le passé, et repose sur une hypothèse optimiste de croissance du PIB sur la période (+ 2,5 %).

Relevant, en outre, qu'un groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI), doit rendre ses conclusions en avril 2010, au sujet de la mise en place d'une « règle d'équilibre », M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné qu'une telle règle devrait satisfaire à plusieurs critères. En particulier, il devrait s'agir d'une règle simple et non manipulable, et son instauration devrait s'accompagner de moyens de pilotage dans l'année afin d'assurer son respect lors de chaque exercice. Dans cette optique, la loi de finances de l'année et la loi de financement de la sécurité sociale devraient déterminer des mesures à prendre automatiquement en cas de dérapage des dépenses en cours d'année. Si nécessaire, des mesures correctrices devraient être adoptées dans le cadre de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale de l'année suivante. Il reviendrait alors au Conseil constitutionnel de veiller au respect des principes retenus.

S'agissant de l'emprunt national, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que 35 milliards d'euros seront versés en 2010 par l'Etat à divers opérateurs, dont 17,6 milliards d'euros à l'Agence nationale de la recherche (ANR). Ces opérateurs devront déposer leurs fonds non utilisés au Trésor. La dette nette de l'Etat ne sera donc accrue que du montant des dépenses effectives des opérateurs, de l'ordre de 5 milliards d'euros en 2010 et de 20 milliards d'euros à moyen terme. Les intérêts à verser aux opérateurs et les charges supplémentaires liées à l'emprunt national seront compensés par des économies à due concurrence sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat, d'un montant de 0,5 milliard d'euros en 2010 et de 1,2 milliard d'euros en 2011.

En termes de gouvernance de l'emprunt, il a déclaré que des structures spécifiques seront chargées d'assurer la mise en oeuvre et le suivi des investissements d'avenir. Ainsi, un commissaire général à l'investissement doit coordonner l'instruction des projets d'investissement, formuler des avis et propositions et veiller à l'évaluation, a priori et a posteriori, desdits investissements, notamment de leur rentabilité. M. René Ricol a été nommé à ce poste par décret. D'autre part, un comité de surveillance des investissements d'avenir, présidé par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, aura pour mission d'établir un rapport annuel faisant apparaître l'exécution du programme d'investissements et les résultats de leur évaluation. Enfin, des conventions entre l'Etat et les opérateurs préciseront les modalités d'octroi des investissements d'avenir. A cet égard, la publication, antérieurement à l'examen par le Parlement du présent projet de loi de finances rectificative, du décret n° 2010-80 du 22 janvier 2010 relatif au commissaire général à l'investissement, ne saurait lier le législateur.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite souligné que ces investissements pourront prendre plusieurs formes :

- des dotations consomptibles destinées à financer des subventions, pour environ 9 milliards d'euros ;

- des dotations consomptibles destinées à financer des prises de participation, des prêts et des avances remboursables pour environ 10 milliards d'euros ;

- des dotations non consomptibles, déposées au Trésor et rémunérées à un taux qui devrait être de l'ordre de 4 %, pour environ 16 milliards d'euros.

Ce dernier mode de financement soulève, d'une part, la question de l'éventualité d'une réduction des moyens budgétaires alloués aux structures (par exemple les universités) bénéficiant des dotations non consomptibles, ce qui annihilerait l'effet d'entraînement des investissements d'avenir et, d'autre part, la question du devenir desdites dotations une fois financés ces investissements.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a observé que les dépenses totales de recherche et développement (R&D) de la France sont de l'ordre de 2 points de PIB, soit 40 milliards d'euros, ce qui place l'effort national assez loin de pays comme le Japon, la Suède ou la Finlande. Pour l'enseignement supérieur, les dépenses de la France s'élèvent à environ 1,3 point de PIB, soit 25 milliards d'euros, alors que celles des pays scandinaves sont de 2 points de PIB et celles des pays anglo-saxons de près de 3 points de PIB. Les investissements d'avenir, d'environ 4 milliards d'euros par an pendant cinq ans puis de l'ordre de 0,6 milliard d'euros par an les cinq années suivantes, ne suffiront pas à combler un tel écart.

En outre, il s'est interrogé sur l'hypothèse du Gouvernement selon laquelle les dépenses financées par l'emprunt national augmenteront la croissance de près de + 0,3 % de PIB par an sur la décennie. A cet égard, il a relevé que, selon les estimations disponibles, un montant de 10 milliards d'euros de dépenses d'enseignement supérieur ou de dépenses publiques en faveur de la R&D supplémentaires par an est censé augmenter la croissance potentielle d'environ 0,2 point sur une période de dix ans. Selon ce calcul, l'impact des dépenses en jeu, de l'ordre de 2,5 milliards d'euros en moyenne par an pendant dix ans, devrait plutôt s'élever à 0,05 point de croissance chaque année sur la décennie. Une dépense fiscale comme le crédit d'impôt recherche (CIR), de l'ordre de 4 milliards d'euros, apparaît donc comme un instrument d'une plus grande portée.

Puis M. Philippe Marini, rapporteur général, a relevé que certaines dépenses auront un impact incertain sur la croissance potentielle de la France, par exemple celles concernant les internats d'excellence, le transport et l'urbanisme durables, la rénovation thermique des logements ou l'équipement des zones rurales en très haut débit. Ces dépenses, de l'ordre de 4 milliards d'euros, représentent quelque 11 % du total des investissements d'avenir et 27 % des crédits consomptibles inscrits à ce titre.

Sans remettre en question l'utilité de ces actions, il a émis des doutes quant à l'opportunité de les financer au moyen de l'emprunt national. A l'inverse, il a plaidé pour que les projets qui s'autofinancent soient privilégiés, pour que les « retours » financiers soient clairement identifiés par les documents budgétaires, et pour qu'ils soient affectés au désendettement de l'Etat.

Enfin, M. Philippe Marini, rapporteur général, a expliqué que les amendements qu'il proposera à la commission poursuivent deux objectifs :

- d'une part, garantir les intérêts budgétaires et patrimoniaux de l'Etat, en posant la question du « dénouement » de l'opération, notamment en fixant le principe de la durée limitée des dotations non consomptibles, et en orientant le processus de décision vers le financement de projets rentables ;

- d'autre part, compenser les effets de la débudgétisation sur le contrôle démocratique, et notamment le contrôle parlementaire, en mettant en place des procédures transposant « l'esprit de la LOLF » à la mise en oeuvre de l'emprunt national.

Un débat s'est alors instauré.

M. Jean Arthuis, président, a relativisé l'ampleur de l'opération, relevant que, sur 35 milliards d'euros de crédits au titre des investissements d'avenir, environ 16 milliards d'euros correspondront à des dotations non consomptibles et que les 19 milliards d'euros restants devraient être dépensés sur cinq ans. En termes de financement, il est plutôt vertueux que l'emprunt national aboutisse à transformer des dettes à court terme en dettes à moyen et long termes.

M. Serge Dassault a tout d'abord insisté sur l'importance de l'évolution des taux de change pour l'économie, en particulier pour les entreprises exportatrices. Puis, après avoir mis en exergue l'augmentation du déficit résultant du présent projet de loi de finances rectificative par rapport à celui voté dans la cadre de la loi de finances pour 2010, il s'est interrogé sur l'évolution des dépenses de fonctionnement de l'Etat. A cet égard, pour supporter les charges de l'emprunt, il serait préférable d'afficher des objectifs ambitieux en matière de réduction des dépenses publiques plutôt que de compter sur d'hypothétiques recettes futures. Il a également souhaité connaître l'évolution de la charge de la dette au cours des trois prochaines années. Enfin, il a regretté la part trop faible des investissements d'avenir destinée aux petites et moyennes entreprises.

Mme Nicole Bricq a, en premier lieu, contesté la sincérité budgétaire du projet de loi de finances pour 2010 considérant que toutes les données relatives au paramétrage de l'emprunt national proposé dans le présent projet de loi de finances rectificative étaient connues dès cet automne et auraient ainsi pu être prises en compte dès la discussion budgétaire pour 2010. Par ailleurs, elle a qualifié d'irréaliste la trajectoire des finances publiques arrêtée par le Gouvernement dans le cadre du programme de stabilité présenté à la Commission européenne pour la période 2010-2013. Elle a ensuite indiqué que la dégradation des finances publiques de plusieurs Etats-membres de l'Union européenne pose à nouveau la question d'une gouvernance économique européenne.

S'agissant de l'emprunt national, elle a souligné que le montant de celui-ci peut être comparé à la somme totale des dépenses fiscales adoptées depuis 2002. Elle a regretté qu'il soit financé par des économies sur des dépenses de fonctionnement et a insisté sur la débudgétisation que celui-ci entraîne, limitant d'autant les pouvoirs de contrôle et d'évaluation du Parlement en la matière, même si plusieurs amendements de la commission tendent à pallier cette lacune.

En ce qui concerne la taxation exceptionnelle des rémunérations variables des opérateurs de marché, elle a regretté les difficultés de suivi de l'affectation du produit de cette taxe au financement des petites et moyennes entreprises (PME).

Par ailleurs, elle a souhaité que soit abordée, dans le cadre de la prochaine réunion du comité de suivi du dispositif de financement de l'économie française, la question du soutien accordé à la banque d'affaires Natixis.

M. Gérard Longuet a insisté sur la complexité de la gouvernance des fonds consacrés au financement des investissements d'avenir proposée par le présent projet de loi, saluant à cet égard les amendements de clarification proposés par le rapporteur général.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que l'augmentation du déficit budgétaire liée aux « dépenses d'avenir » est largement artificielle. En effet, si celles-ci accroissent le déficit budgétaire de 35 milliards d'euros en 2010, les opérateurs ne décaisseront les sommes correspondantes que progressivement, de sorte qu'au sens de la comptabilité nationale (qui ne prend en compte que certaines de ces dépenses) l'augmentation du déficit des administrations publiques sera de l'ordre de seulement 2,5 milliards d'euros les cinq premières années. Par ailleurs, l'emprunt national augmente la dette de l'Etat non de 35 milliards d'euros, mais de l'écart entre ce montant et celui des sommes déposées sur le compte du Trésor par les opérateurs, soit 30 milliards d'euros en 2010 : l'augmentation de la dette ne sera donc que de 5 milliards d'euros en 2010.

En réponse à M. Serge Dassault, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué qu'une dégradation de l'euro par rapport au dollar peut également entraîner un redressement des taux d'intérêt et donc être particulièrement préjudiciable pour l'Etat emprunteur et les entreprises.

Il a ensuite insisté sur le montant élevé des financements accordés aux petites et moyennes entreprises dans le cadre de l'emprunt national, soit 1,7 milliard d'euros en 2010.

En réponse à M. André Ferrand, qui a suggéré d'affecter une partie des fonds levés dans le cadre de l'emprunt national au financement du réseau des lycées français à l'étranger afin d'attirer les meilleurs élèves vers notre système d'enseignement supérieur, il a indiqué que la mise en oeuvre de cette proposition dépendra des thèmes retenus dans le cadre de la procédure d'appel à projets.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles.

Elle a, tout d'abord, adopté deux amendements de suppression, d'une part, de l'article 1er A tendant à abaisser le seuil des dépenses éligibles au crédit d'impôt en faveur des entreprises de création de jeux vidéo et, d'autre part, de l'article 1er B étendant la réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) aux dons versés aux organismes de soutien à la création d'entreprise.

Elle a ensuite adopté un amendement à l'article 1er, relatif à la taxation des rémunérations variables des opérateurs de marché, tendant à étendre le champ de la taxation à la chaîne hiérarchique des opérateurs de marché. Mme Nicole Bricq a regretté que les fonds spéculatifs « hedge funds » ne soient pas soumis à ce dispositif.

A l'article 2 ajustant les affectations du droit de consommation sur les tabacs, la commission a adopté un amendement tendant à abaisser le seuil de sortie du dispositif des allégements généraux et, corrélativement, leur compensation à la sécurité sociale. Répondant à une interrogation de Mme Nicole Bricq, il a précisé que l'amendement proposé tend à pérenniser le financement des exonérations de cotisations patronales proposées par l'article 8 du présent projet de loi.

Après l'article 2, la commission a adopté un amendement portant article additionnel tendant à ajuster le tarif de la taxe intérieure de consommation applicable aux émulsions d'eau dans le gazole afin de tirer les conséquences de l'annulation, par le Conseil constitutionnel, du dispositif de la contribution carbone introduit par la loi de finances pour 2010.

Après avoir adopté sans modification l'article 3 portant ratification d'un décret d'avance relatif à la rémunération de services rendus par l'Etat, la commission a adopté quatorze amendements à l'article 4 relatif aux modalités d'attribution et de gestion des fonds consacrés au financement des investissements d'avenir, ainsi qu'à l'information du Parlement sur ces projets. Dix de ces amendements visent à préciser la procédure de contractualisation entre l'Etat et les organismes gestionnaires :

- un amendement encadre ainsi la durée de la convention qui ne peut être signée pour plus de dix ans ;

- huit amendements précisent le contenu « obligatoire » des conventions : la ventilation initiale des fonds par action (ou projet) d'investissement, la transparence du processus de sélection, les modalités de versement des fonds par l'opérateur, l'évaluation des projet et l'intéressement financier de l'Etat, le montant et la durée du versement des fonds non consomptibles ;

- un amendement prévoit expressément une procédure de convention entre l'Agence nationale pour la recherche (ANR) et ses adjudicataires lorsque ces derniers se voient allouer des dotations en capital non consomptibles.

Les quatre autres amendements ont pour objectif d'associer davantage le Parlement à la gouvernance de l'emprunt national :

- un amendement prévoit, d'une part, la transmission des projets de convention à toutes les commissions compétentes des deux assemblées et, d'autre part, une procédure d'avis des commissions chargées des finances afin de vérifier les conditions de gestion des fonds délégués ;

- un amendement prévoit une transmission trimestrielle, aux commissions chargées des finances des deux assemblées, de la situation et des mouvements des comptes ouverts auprès du Trésor et sur lesquels sont déposés les fonds de l'emprunt ;

- un amendement prévoit une information préalable des commissions compétentes des deux assemblées en cas de redéploiement substantiel des fonds de l'emprunt national. Ce redéploiement peut notamment s'apprécier au regard de la ventilation actée dans les conventions. M. Jean-Pierre Fourcade a précisé que ces redéploiements peuvent avoir plusieurs causes autres qu'une performance insuffisante. En réponse à une question de Mme Nicole Bricq, M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que la performance des investissements sera appréciée dans le cadre de cahiers des charges élaborés par le Gouvernement ;

- un dernier amendement a pour objectif de clarifier la répartition des compétences entre le commissaire général à l'investissement et le comité de surveillance des investissements d'avenir où siègent des représentants du Parlement. Le comité de surveillance serait chargé de l'évaluation des investissements et du bilan annuel d'exécution.

La commission a ensuite adopté un amendement de suppression de l'article 4 bis tendant à modifier la dénomination du Commissariat à l'énergie atomique.

Elle a adopté sans modification l'article 5 relatif à l'équilibre général du budget, à la trésorerie et au plafond d'autorisation des emplois.

A l'article 6 (et état B annexé), la commission a adopté deux amendements : le premier tendant à minorer de 300 millions d'euros les ouvertures de crédits proposées pour la mission « Enseignement scolaire » et le second proposant de transférer 300 millions d'euros du programme « Démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte » vers le programme « Transport et urbanisme durables » de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ».

Elle a adopté sans modification l'article 7 relatif aux ouvertures de crédits relatifs aux comptes spéciaux, l'article 8 relatif aux exonérations de cotisations patronales dues pour l'emploi des travailleurs occasionnels agricoles et l'article 9 relatif au recouvrement des taxes d'urbanisme.

Enfin, la commission a adopté cinq amendements portant articles additionnels après l'article 9 :

- le premier tend à clarifier le régime du crédit d'impôt « Développement durable » ;

- les trois suivants proposent de reprendre les dispositifs ayant trait à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) adoptés par l'Assemblée nationale dans le cadre de l'examen de la proposition de loi relative à la simplification et à l'amélioration de la qualité du droit, afin d'assurer une entrée en vigueur rapide de ces dispositions d'ordre fiscal (simplification de la TVA immobilière, droit d'option des entreprises qui réalisent des opérations bancaires et financières, simplification du régime des entrepôts fiscaux) ;

- le dernier amendement propose d'instaurer une taxe sur les revenus de la publicité sur Internet.

A l'issue de cet examen, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter en première lecture le projet de loi de finances rectificative pour 2010 ainsi modifié.

Loi de finances rectificative pour 2010 - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire

Puis la commission a désigné MM. Jean Arthuis, président, Philippe Marini, rapporteur général, Albéric de Montgolfier, Joël Bourdin, Mme Nicole Bricq, MM. Edmond Hervé et Thierry Foucaud, candidats titulaires, puis MM. Philippe Dallier, Roland du Luart, Yann Gaillard, Philippe Adnot, Yves Krattinger, Jean-Pierre Masseret et Michel Charasse, candidats suppléants, pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis

Enfin, la commission a demandé à être saisie pour avis de la proposition de loi n° 235 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et d'évaluation des politiques publiques et a désigné M. Jean Arthuis, président, rapporteur pour avis.

Mercredi 10 février 2010

- Présidence de MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Alain Lambert, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation -

Table ronde sur la péréquation

La commission des finances, conjointement avec la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a procédé à une table ronde sur la péréquation, composée de MM. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières de l'Union sociale pour l'habitat, Guy Gilbert, professeur à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan, François Pupponi, député, maire de Sarcelles et vice-président de l'association des maires Ville et Banlieue de France, Philippe Laurent, maire de Sceaux, président de la commission des finances de l'Association des Maires de France (AMF) et vice-président de l'Association des Petites Villes de France (APVF), Yves Fréville, ancien sénateur, membre du Conseil national de l'information statistique, Eric Jalon, directeur général des collectivités locales, et Philippe Valletoux, membre du Conseil économique, social et environnemental.

En introduction, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé avoir pris l'initiative, avec M. Alain Lambert, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, de réunir, dès ce début d'année 2010, une table ronde sur la péréquation afin notamment de répondre aux questions soulevées par la suppression de la taxe professionnelle (TP).

Le Parlement a voté, dans la loi de finances pour 2010, la suppression de la TP au profit de trois nouveaux impôts : la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la contribution foncière des entreprises (CFE) et les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseau (les IFER). A ce sujet, deux points méritent d'être soulignés :

- d'une part, ces nouveaux impôts seront strictement territorialisés, ce qui signifie que chaque collectivité bénéficiera des ressources fiscales produites par les entreprises présentes sur son territoire. Pour atténuer les disparités qui résulteront nécessairement de ce mode de répartition, il a été voté dans la loi de finances, sans grande visibilité et sans simulation, des dispositifs de péréquation portant sur la CVAE ;

- d'autre part, les outils de péréquation, actuellement fondés sur la TP, doivent être repensés.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a précisé que, à l'initiative du Sénat, la loi de finances pour 2010 prévoit un réexamen des dispositions relatives à la suppression de la TP avant le 31 juillet 2010, sur la base d'un rapport que le Gouvernement doit remettre au Parlement avant le 1er juin 2010. Ce rapport devra comporter les simulations demandées par les commissions des finances des deux assemblées. C'est dans la perspective très concrète de ce réexamen, qui doit notamment porter sur la question des outils les mieux à même d'assurer une juste péréquation entre les collectivités territoriales, que la table ronde est organisée, en sachant qu'il faudra se prononcer sur ce sujet dès ce printemps.

Il a annoncé que cette table ronde sera suivie, avant le mois de juin, d'autres travaux portant notamment sur le Fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF), sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) ainsi que sur la situation financière spécifique des départements.

M. Alain Lambert, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a rappelé que la notion de péréquation, entendue comme la recherche de l'équité en fonction de critères déterminés, correspond à la fois à un objectif et à une méthode. Il a estimé que le premier devoir du décideur - et son premier défi - est de définir l'un et l'autre, et a fait valoir que, avant de parler des chiffres, il y a lieu de s'entendre sur les mots.

Il convient d'abord de s'accorder sur l'objectif de la péréquation, la notion d'équité renvoyant à de multiples concepts, de la solidarité à la justice, en passant par l'égalité. Il a observé que ces concepts sont eux-mêmes protéiformes et peuvent donc s'interpréter diversement. Évoquant la notion d'égalisation des situations, il s'est demandé si elle a pour but de réduire les inégalités ou de tendre vers l'égalité, et dans quelle mesure : s'agit-il d'harmoniser l'espace, de redistribuer les richesses, de réduire les déséquilibres des moyens des collectivités territoriales, de limiter les inégalités entre les usagers des services publics ? Il a noté que tous ces objectifs sont nobles mais qu'il est nécessaire de choisir lequel assigner à la péréquation.

Puis, M. Alain Lambert, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a soulevé la question des critères de répartition des crédits. Il a cité également la nature des charges à apprécier (dans leur ensemble ou uniquement celles ayant un caractère obligatoire) pour les collectivités territoriales. Il s'est demandé s'il faut introduire des notions telles que le besoin de service public ou la responsabilité des territoires. Il a évoqué la question du remplacement du potentiel fiscal, mis à mal par les réformes gouvernementales proposées, par le potentiel financier.

S'agissant des critères qui seraient conservés, il a proposé qu'ils fassent l'objet d'affinements, citant l'exemple départemental des bénéficiaires de minima sociaux, dont le nombre serait pondéré par la prise en compte de leur part au sein de la population totale.

M. Alain Lambert, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a ensuite affirmé l'importance de veiller à la lisibilité du débat. Il a estimé que le système actuel est grandement perfectible et que, indépendamment du respect qu'il éprouve pour les spécialistes émérites de la matière, la péréquation doit être pensée avant tout pour les élus. Il s'est dit favorable à ce qu'une réflexion soit engagée autour de la création d'une dotation générale de péréquation, tout en admettant qu'il faut aussi renverser la philosophie actuelle du système.

Il a déclaré que, après l'objectif et les critères définis, il y a lieu de se prononcer sur les montants. Il a rappelé le contexte dans lequel intervient cette question, soulignant que la péréquation verticale (de l'État vers les collectivités territoriales) représenterait 6,3 milliards d'euros, contre 1,6 milliard d'euros pour la péréquation horizontale (entre les collectivités territoriales), soit un total de 7,9 milliards d'euros, tandis que la dotation globale de fonctionnement (DGF) est de 41 milliards d'euros.

Enfin, M. Alain Lambert, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a jugé que la nature et la complexité des problématiques justifient amplement la pertinence des trois tables rondes.

Intervenant en introduction aux trois tables rondes, M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire, a mis en exergue l'intérêt et l'actualité de la question de la péréquation, dans un contexte marqué par la récente suppression de la TP et par l'adoption par le Sénat, quelques jours avant la réunion, du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Sur le premier point, il a indiqué que les travaux du Sénat sur la loi de finances pour 2010, dont il a loué la qualité, ont conduit à un dispositif plus « péréquateur » que celui d'abord adopté par l'Assemblée nationale. Il a jugé que le débat autour de la création de la contribution économique territoriale et de nouveaux outils de péréquation a fait ressortir de grandes attentes.

Sur le second point, il a vu dans la réduction programmée des financements croisés, dont le principe est contenu dans le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, un élément imposant un renforcement de la péréquation, afin que les collectivités territoriales les moins riches disposent des ressources nécessaires au financement de leurs investissements.

M. Michel Mercier a ensuite rappelé la distinction entre la péréquation dite « verticale », effectuée par l'État dans le cadre de la DGF, et la péréquation dite « horizontale », effectuée entre collectivités territoriales de la même catégorie. Il a estimé nécessaire d'aller plus loin sur l'une comme sur l'autre, soulignant que la capacité pour toute collectivité territoriale de réaliser ses investissements constitue un point de consensus, indépendamment du sentiment de chacun sur le fond des réformes présentées.

Puis, M. Michel Mercier a fait état de la difficulté à concilier péréquation et autonomie fiscale, tenant pour inévitable de choisir entre, d'une part, la liberté pour les collectivités territoriales de fixer le taux de leurs impôts et, d'autre part, la mise en oeuvre d'un dispositif de péréquation entre elles. Il a vu dans ce choix la question la plus délicate à régler pour les pouvoirs publics.

En ce qui concerne les modalités de la péréquation, il a mis l'accent sur l'importance de la DGF qui, avec 41 milliards d'euros, constitue le principal instrument de péréquation verticale. Il a néanmoins qualifié celle-ci d'encore insuffisante, rappelant l'exigence du Chef de l'État de parvenir à une meilleure adéquation, en termes d'équité, entre la dotation versée aux grandes communes et celle versée aux petites communes. Il a indiqué que la Direction générale des collectivités locales (DGCL) a été chargée, en liaison avec le Comité des finances locales, de s'atteler à ce chantier qu'il a estimé de longue haleine et particulièrement difficile à réaliser en période de faible croissance de la DGF.

Cependant, M. Michel Mercier a considéré que l'amélioration de la péréquation verticale ne suffira sans doute pas à satisfaire les attentes de tous les territoires. Il a fait valoir qu'une politique d'aménagement du territoire ne peut se concevoir sans une forte péréquation. En conséquence, il a appelé de ses voeux une réflexion ambitieuse sur la question de la péréquation horizontale, comptant tout particulièrement sur les travaux du Sénat pour trouver des solutions novatrices.

Il a ensuite souligné la nécessité de se doter d'outils permettant de mesurer au mieux les charges pesant sur les collectivités territoriales, condition sine qua non de la mise en place d'un dispositif de péréquation efficace.

Il a conclu son propos en soulignant que les pouvoirs publics se trouvent à présent au pied du mur et doivent travailler ensemble à la recherche des meilleures solutions. En conséquence, il s'est félicité de la réflexion lancée sur ce sujet par le Sénat.

M. Pierre-Yves Collombat a contesté l'opposition soulignée par le ministre entre la péréquation et l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. S'appuyant sur la distinction entre le potentiel fiscal et l'effort fiscal, il a estimé que celui-ci, directement lié à la fixation des taux par la collectivité, n'a pas de conséquence sur la péréquation. Il en a déduit qu'il n'y a pas de raison de considérer que celle-ci impose le sacrifice de l'autonomie fiscale.

M. Michel Mercier a considéré qu'il ne saurait y avoir de liberté de fixer les taux sans bases propres à la collectivité territoriale. Estimant qu'une collectivité a, avant tout, besoin de ressources, il en a déduit que, pour les plus démunies, l'important n'est pas de fixer un taux à une base par hypothèse fort réduite mais de bénéficier d'une péréquation suffisante.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est demandé si la meilleure péréquation envisageable ne pourrait pas consister en un impôt national dont le produit serait ensuite réparti entre les territoires sur la base de critères objectifs et lisibles.

M. Michel Mercier a souligné que le dispositif de péréquation français repose sur une distinction essentielle, et bienvenue, entre les collectivités dont les ressources font l'objet d'un écrêtement et celles bénéficiaires de cet écrêtement.

M. Jean-Pierre Fourcade a jugé que certaines communes contribuent dans de telles proportions à la péréquation, tant verticale qu'horizontale, qu'il serait difficile d'aller plus loin sans porter sérieusement atteinte à leur autonomie financière.

M. Michel Mercier a fait observer que les Länder allemands ne votent pas les taux de leurs impôts, ce qui ne les empêche pas de jouir d'une très grande autonomie.

Mme Nicole Bricq lui a objecté que les Länder participent en amont à la négociation sur les taux.

M. Claude Belot a mis en avant le caractère récurrent du débat sur la péréquation au sein du Parlement. Illustrant son propos par les travaux qu'il a conduits en 2004, avec M. Jean François-Poncet, au sein de la délégation du Sénat à l'aménagement du territoire, il a déploré le fait qu'aucune suite significative ne soit jamais donnée aux multiples réflexions sur le sujet. En conséquence, il a demandé au ministre si le chantier que vient de lancer le Président de la République débouchera sur des décisions concrètes.

M. Michel Mercier a précisé avoir été clairement missionné pour arriver, de manière effective, à renforcer l'équité dans le cadre de la DGF. Quant à la péréquation horizontale, il a rappelé qu'il juge son amélioration indispensable. Il s'est déclaré à la fois conscient des « grincements de dents » que provoquera inéluctablement une réforme difficile et déterminé à mener celle-ci à bien.

Puis, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a ouvert la première table ronde de la matinée, consacrée à l'analyse des enjeux liés à la péréquation.

Il a invité, dans un premier temps, M. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières de l'Union sociale pour l'habitat, à présenter les différents dispositifs de péréquation mis en place ailleurs qu'en France. Ces dispositifs peuvent être très différents des nôtres, de plus grande ou de moindre ampleur, fondés sur d'autres ressources fiscales, utilisant d'autres critères de richesse ou de charges. Il a estimé qu'il nous appartient, au moment de redéfinir les principes de notre propre péréquation, de ne pas nous enfermer dans de vieux débats mais d'ouvrir nos perspectives et de nous laisser la possibilité de modifier en profondeur nos pratiques en ce domaine.

Il a dit que, dans un second temps, M. Guy Gilbert, professeur à l'Ecole normale supérieure de Cachan, rappellerait les principales caractéristiques des actuels mécanismes de péréquation en France, leurs incidences financières effectives et les perspectives ouvertes en cette matière par la réforme de la TP.

Cet état des lieux est d'autant plus nécessaire que la suppression de la TP nécessite de trouver des mécanismes de substitution pour les principaux outils de péréquation horizontale existant actuellement : les FDPTP et le FSRIF.

Cet état des lieux est également indispensable car la loi de finances pour 2010 a précisé que les FDPTP et le FSRIF rénovés porteront sur les mêmes montants qu'aujourd'hui, afin de garantir l'efficacité de ces outils de péréquation.

A titre liminaire, M. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières de l'Union sociale pour l'habitat, a souligné que la question de la péréquation se pose dans tous les pays européens, tous les dirigeants souhaitant que les conditions de vie de la population soient autant que possible similaires dans les différentes parties du territoire national.

Il s'est ensuite attaché à présenter, au moyen d'une vidéoprojection, les différents dispositifs de péréquation mis en place dans les principaux pays européens.

Il a d'abord rappelé que l'objectif de la péréquation est d'assurer à chaque collectivité territoriale les moyens de faire face à ses compétences obligatoires et de fournir un « panier » de services à la population à des conditions abordables.

Il a considéré que, dans les pays où elle s'effectue par la seule voie de dotations de l'État ou des régions, la question de la péréquation revient à celle de la redistribution de ces dotations, et notamment à celle du choix des critères selon lesquels elle s'opère.

Il a fait observer que cette question se double de grandes difficultés politiques dans les pays où les collectivités locales disposent en outre de ressources fiscales. Il a d'abord souligné que l'absence d'adéquation spontanée entre celles-ci et les besoins à couvrir conduit à des débats sur les inégalités à prendre en considération, qu'elles soient de service ou de pression fiscale, et sur l'ampleur de leur réduction. Il a ensuite estimé que l'autonomie fiscale des collectivités territoriales ajoute à la complexité du problème, dans la mesure où elle peut être vue comme un facteur d'augmentation des inégalités de ressources et donc des inégalités de service. Enfin, se référant aux discussions en cours dans des pays comme l'Espagne, la Belgique ou l'Italie, il a considéré que ces débats politiques risquent de mettre face à face deux logiques différentes, en l'occurrence celle de la solidarité et celle de l'assistanat, les territoires contribuant le plus à la péréquation pouvant finir par considérer comme atteintes les limites du supportable et remettre en cause le principe même de l'organisation administrative du pays.

M. Dominique Hoorens a présenté les deux types de péréquations concevables : d'une part, la péréquation horizontale, consistant à aménager la répartition de la ressource fiscale en remédiant aux situations extrêmes par une redistribution entre les collectivités disposant de bases fiscales importantes et celles qui en sont dépourvues ; d'autre part, la péréquation verticale basée sur une adaptation de la répartition des dotations ou de la fiscalité partagée, en fonction des besoins et parfois des ressources des territoires.

Puis, il a exposé quatre exemples européens tout en précisant qu'il n'existe pas de « formule magique ».

Présentant le dispositif suédois, axé sur la péréquation horizontale, il a indiqué que les collectivités territoriales bénéficient de ressources alimentées par un impôt sur le revenu des habitants, toutes celles qui disposent d'un revenu de base par habitant supérieur à 115 % de la moyenne nationale contribuant à financer celles dont le revenu de base est inférieur à 90 % de la moyenne. Il a ajouté que la Suède est, en outre, le seul pays, à sa connaissance, à avoir également mis en place un système de péréquation horizontale calculée sur les coûts, les collectivités à faible niveau de dépenses aidant à financer celles dont les dépenses sont supérieures à la moyenne.

Abordant l'exemple du Danemark, il a indiqué que ce pays est passé d'une péréquation proche du système suédois, portant sur les coûts et sur les ressources, à un système prenant comme critère de répartition l'écart entre « besoins » et « recettes fiscales potentielles ».

Il a ensuite décrit le système des ressources des Länder allemands, qu'il a présenté comme reposant pour l'essentiel sur des impôts partagés avec l'État fédéral : 45 % du produit de la TVA sont ainsi reversés aux Länder, 75 % des sommes correspondantes étant réparties entre eux en fonction de leur population et 25 % étant réservés à des actions de péréquation ; 42 % du produit de l'impôt sur le revenu sont également reversés aux Länder, les sommes correspondantes étant réparties entre eux en fonction de leur richesse respective ; enfin, la moitié du produit de l'impôt sur les bénéfices des entreprises est reversé aux Länder, les sommes correspondantes étant réparties entre eux en fonction de l'implantation des entreprises et des emplois. M. Dominique Hoorens a indiqué que, à ce système d'impôts partagés, s'ajoutent des dotations réparties en fonction de plusieurs paramètres tels que les revenus fiscaux, la population, le taux de chômage ainsi qu'un objectif de rattrapage pour les Länder de l'Est. Il a précisé que la finalité du système allemand est de faire en sorte que, au final, chaque Land dispose d'au moins 99 % de la moyenne des ressources fiscales avant péréquation.

M. Dominique Hoorens a expliqué que le Royaume-Uni vient de réformer son système de péréquation, reposant sur le « Revenue Support Grant », soit l'équivalent de la DGF en France. Il a indiqué que, auparavant, le dispositif reposait sur une estimation des plus complexes des charges des collectivités sur la base de multiples paramètres, qui était ensuite comparée à leurs ressources fiscales pour déterminer les collectivités susceptibles de bénéficier d'une redistribution. Il a déclaré que le Royaume-Uni a opté pour un système plus simple, dans lequel le calcul de la péréquation s'effectue en fonction de quatre critères seulement, à savoir les besoins, les ressources, une évolution garantie de la dotation année après année et un forfait par habitant.

M. Dominique Hoorens a vu dans certaines spécificités françaises, telles que le nombre et la taille des communes, l'existence de dotations essentiellement « nationales » ou la distinction faite entre richesse des collectivités et celle de la population, des considérations de nature à compliquer le débat sur la péréquation. En revanche, il a considéré que le caractère essentiellement national de la protection sociale et de la santé rend la donne moins compliquée que dans les États où ces secteurs sont « régionalisés ».

Il a ensuite fait part des limites du critère des besoins pour répartir les dotations, dans la mesure où les charges budgétaires ne sont pas forcément un bon indicateur des besoins à couvrir.

Il a également souligné la difficulté de mesurer le coût des services, citant le cas des routes dont les frais de réalisation peuvent être fort différents selon que l'on se situe dans une commune de montagne ou en milieu urbain.

Il a jugé fondamental de ne pas déconnecter la question de la péréquation d'autres questions telles que l'actualisation des valeurs locatives, dont le caractère obsolète a forcément des conséquences inadaptées sur les dotations calculées à partir de ces bases.

Il a conclu son propos en appelant à « péréquer l'autonomie » et à « autonomiser la péréquation » : péréquer l'autonomie en se penchant sur l'autonomie de chaque collectivité, alors que la Constitution envisage de manière globale la notion d'autonomie des collectivités territoriales ; autonomiser la péréquation en la décentralisant, afin de la rapprocher du terrain et de mieux prendre en compte les spécificités des territoires.

Puis M. Guy Gilbert, professeur à l'Ecole normale supérieure de Cachan, a présenté, à l'aide d'une vidéoprojection, les principales questions posées par la péréquation : à combien s'élèvent les inégalités financières entre collectivités ? Toutes les inégalités financières entre collectivités doivent-elles être corrigées ? La performance de la péréquation financière peut-elle être évaluée ? Quelle a été la performance du système français de péréquation jusqu'en 2009 ?

Sur le premier point, M. Guy Gilbert a précisé qu'il est difficile de mesurer le montant des inégalités financières entre collectivités territoriales. Il a indiqué qu'actuellement est mesuré le potentiel fiscal par habitant corrigé des « charges » de la collectivité, conformément au souhait du législateur. Il a rappelé que ces éléments peuvent être mesurés soit globalement, soit collectivité par collectivité.

Il jugé la notion de « charges » difficile à définir, soulignant la nécessité de la distinguer de celle de « dépenses » : une collectivité dépensera davantage si elle a davantage de ressources, ce qui ne signifie nullement qu'elle ait davantage de charges. Jugeant inévitable de calculer les charges de manière indirecte, il a indiqué que, en France, cet exercice passe d'abord par l'évaluation du niveau de dépenses potentielles par habitant que devrait réaliser une collectivité territoriale pour offrir à ses usagers les niveaux moyens de services publics locaux aux coûts moyens supportés par les collectivités équivalentes.

Sur la base de ces éléments, M. Guy Gilbert s'est ensuite livré à une analyse de l'évolution des inégalités entre collectivités territoriales sur la période 1994-2006. Il a indiqué que les inégalités entre communes demeurent bien plus importantes qu'entre départements ou entre régions, mais qu'elles ont eu tendance à diminuer du fait de l'érosion du potentiel fiscal. Il a jugé que la France est l'un des pays dans lesquels les inégalités financières entre collectivités territoriales sont les plus importantes, du fait de l'émiettement territorial et de la localisation du principal impôt local, la TP.

M. Guy Gilbert s'est ensuite interrogé sur la nécessité de corriger toutes les inégalités financières, rappelant que pour certains, la péréquation fausse le libre jeu de la concurrence entre collectivités territoriales et, pour que cette concurrence soit bénéfique, la localisation des activités et des résidents doit être totalement libre, alors que, pour d'autres, la péréquation engendre un « double dividende » : elle restaure la pleine efficacité de la concurrence en compensant des handicaps de situation et elle satisfait l'équité entre territoires.

Il a jugé nécessaire une évaluation de la performance de la péréquation financière afin, d'une part, de favoriser l'égalité entre collectivités territoriales, conformément à l'objectif fixé par le cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, d'une part, et, d'autre part, de respecter l'obligation résultant de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) d'une évaluation quinquennale des fonds de péréquation.

Pour calculer cette performance, M. Guy Gilbert a considéré qu'il faut mesurer collectivité par collectivité le « pouvoir d'achat fiscal », c'est-à-dire le potentiel fiscal corrigé des charges, et y ajouter les dotations, le total des deux correspondant au « pouvoir d'achat financier » de la collectivité. La comparaison des inégalités de pouvoir d'achat financier avant et après péréquation donne la mesure de l'efficacité de celle-ci.

Ainsi évaluée, la péréquation a corrigé, sur la période considérée, entre 30 % et 37 % des inégalités entre communes, entre 42 % et 48 % des inégalités entre départements et entre 32 % et 45 % des inégalités entre régions.

M. Guy Gilbert a cependant noté que la péréquation, qui a permis de progresser vers une plus grande égalité jusqu'en 2001, marque depuis lors le pas pour les communes et les départements, en raison de l'effet mécanique de la suppression de la part salaire de la TP et de la réforme de la dotation de base de la DGF, qui a introduit le critère de population comme élément de répartition, favorisant ainsi les grandes villes. Par ailleurs, il a précisé que le taux de correction des inégalités est essentiellement imputable aux dotations péréquatrices pour les communes. En revanche, pour les départements et les régions, elle est intégralement le fait de dotations compensatrices.

Il a estimé que le système de péréquation a des effets :

- péréquateurs pour 71 % des communes, 75 départements et 18 régions ;

- sur-péréquateurs pour 24 % des communes, 19 départements et 4 régions ;

- contre-péréquateurs pour 8 % des communes et 1 département.

Il a conclu en soulignant que par ses effets, la péréquation en France apparaît verticale mais est de fait horizontale. Malgré l'existence d'inégalités financières importantes, il a jugé qu'elle a permis de réduire notablement les inégalités, tout en observant que son coût budgétaire est élevé, car elle est réalisée à partir de dotations compensatrices. Il a également mis en exergue la complexité des dispositifs de péréquation et la contradiction entre le maintien de l'autonomie financière et le développement de la péréquation à partir de dotations compensatrices.

Il a ainsi estimé que le système actuel est parvenu à ses limites et doit être profondément réformé.

M. Denis Badré a regretté que les intervenants n'aient analysé la péréquation que sous l'aspect des dotations allouées, et non sous celui des investissements et des autres mécanismes de péréquation mis en oeuvre au sein des communes à l'égard des quartiers qui les composent, ou au sein des intercommunalités. Il a souligné que les efforts d'égalisation des richesses réalisés à ces échelles peuvent réduire d'autant la péréquation faite par l'Etat, et a souhaité que cette péréquation interne aux collectivités territoriales soit mieux mesurée afin d'être optimisée.

M. Guy Gilbert a indiqué que cette forme de péréquation n'est que très partiellement prise en compte par la dotation d'intercommunalité au sein de la dotation d'aménagement de la DGF. Il a souligné qu'aucun travail synthétique ne permet d'en mesurer réellement les effets, ni d'agréger les résultats de la péréquation intracommunautaire avec la péréquation réalisée via les dotations nationales. Il a précisé que l'analyse des données de douze intercommunalités, réalisée en collaboration avec M.  Alain Guengant, directeur de recherche au centre national de la recherche scientifique (CNRS) et professeur de finances publiques à Rennes, permet de conclure que les péréquations réalisées au niveau local ne s'additionnent pas avec la péréquation effectuée au niveau national, les critères utilisés étant différents, à savoir le potentiel fiscal pour les premières et les charges budgétaires pour la seconde. Il a conclu que l'existence de critères différents interdit d'amalgamer les effets des différentes politiques de péréquation.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a remarqué que la péréquation semble aller de soi au sein des intercommunalités, et s'est demandé pourquoi il n'en va pas de même au sein de la « communauté » nationale.

M. Pierre-Yves Collombat a également considéré que la péréquation ne doit pas être limitée à la seule prise en compte des dotations nationales, estimant que les subventions des conseils généraux aux petites communes relèvent également d'une politique de péréquation et représentent des montants importants. Il a regretté qu'une lecture étroite de la péréquation empêche de prendre la pleine mesure du débat.

M. Joël Bourdin a rappelé qu'il apprécie vivement le travail de MM. Guy Gilbert et Alain Guengant, dont il a eu connaissance au sein de l'observatoire des finances locales. Il a salué le caractère novateur de leurs réflexions. Il a estimé qu'alors que la présentation de M. Dominique Hoorens montre que la péréquation peut être déterminée soit en fonction des besoins, soit en fonction des coûts, les travaux de M. Guy Gilbert proposent une synthèse en analysant le besoin à partir de son coût.

M. Guy Gilbert a expliqué que l'analyse des mécanismes de péréquation est incomplète en l'absence d'une comptabilité analytique suffisamment fine qui permettrait de faire un lien précis entre le volume de ce que l'on offre et le coût unitaire. Si cet instrument de mesure existe, la prise en compte des coûts serait alors une donnée et non un débat. Il a rappelé que ce débat existait depuis longtemps et dans de nombreux pays, citant le cas du Danemark dans les années soixante-dix, qui avait défini des indicateurs de coûts comprenant deux cents critères, ou le cas du Royaume-Uni qui a multiplié les audits pour avoir une vision précise des coûts. Un pays fédéral, tel que le Canada, rebuté par la complexité de la prise en compte des coûts, n'a plus de système de péréquation, les provinces pouvant librement prendre en compte le coût de fourniture de services collectifs de proximité, sans que la fédération n'influe en rien dans ce domaine.

M. Joël Bourdin a noté que face à la complexité d'un recensement exhaustif des coûts, le parti pris de M. Guy Gilbert de partir d'un indicateur synthétique constitué du potentiel fiscal corrigé des charges a le mérite de la clarté, quelles que soient les imperfections du potentiel fiscal. Il a souhaité que cette approche simple et lisible soit retenue à l'avenir si de nouveaux systèmes de péréquation devaient être inventés.

M. Philippe Dallier a souligné que l'effet péréquateur des intercommunalités était lié à leur périmètre et que si coexistent, par exemple dans la région parisienne, des intercommunalités regroupant des communes globalement plus pauvres que la moyenne nationale, avec des intercommunalités regroupant des communes plus riches que la moyenne, l'effet péréquateur ne pourra être que très limité. Il a estimé que l'effet péréquateur au sein d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) n'a réellement de sens que si son périmètre correspond à un bassin économique, les ressources des collectivités territoriales étant largement corrélées à la valeur ajoutée des entreprises situées sur leur territoire.

Il a ensuite rappelé que l'utilisation de la notion de compétences obligatoires, pour définir les charges auxquelles les communes doivent faire face, se heurte au principe de la clause de compétence générale et aux besoins exprimés par la population. Il a observé que, outre leur compétence traditionnelle en matière d'écoles primaires, les communes doivent désormais assumer la compétence de sécurité publique en créant des polices municipales et en mettant en place des systèmes de vidéosurveillance, grevant ainsi les budgets communaux sans que cela soit pris en compte dans les compétences communales « ouvrant droit à péréquation ». Il s'est demandé si les intervenants ont établi une liste des charges types que doivent assumer les collectivités territoriales, liste qui devrait être adaptée aux besoins des territoires et aux équipements publics dont ils sont dotés.

M. Philippe Adnot a regretté que le discours de M. Dominique Hoorens en faveur de la diversité des recettes fiscales de chaque niveau de collectivité territoriale n'ait pas été entendu avant le vote de la loi de finances pour 2010, ce qui aurait pu éviter que les départements ne soient plus dotés que d'un seul impôt. Il a noté que la diversité des recettes fiscales permet de protéger les recettes des collectivités territoriales des retournements conjoncturels économiques et de l'inégale répartition des richesses. Par ailleurs, il a souhaité que la réforme des valeurs locatives favorise la prise en compte de la valeur réelle des biens concernés. Il a réfuté le constat selon lequel les FDPTP ne sont pas péréquateurs, son expérience contredisant cette analyse. Enfin, il a regretté que l'action péréquatrice des politiques d'investissement et de subventions des départements à l'égard des communes ne soit pas mieux prise en compte, notant que dans le département de l'Aube, l'effort d'investissement du département est supérieur à la charge résiduelle de financement des communes, ce qui a un effet péréquateur indéniable et essentiel.

M. François Marc a constaté que les inégalités entre territoires subsistent et ne se corrigent que très peu. Il a retenu que les valeurs locatives sont obsolètes et injustes.

Il a souligné que les progrès d'égalisation des ressources réalisés dans les pays étrangers s'expliquent par la prise en compte prépondérante du revenu comme critère de répartition des dotations péréquatrices, comme le montrent les exemples du Danemark ou de la Suède. Il en a déduit que le critère du revenu devrait être intégré dans les mécanismes de péréquation.

Par ailleurs, il a souhaité obtenir des précisions sur le montant des dotations qui doivent être regardées comme péréquatrices, se demandant s'il est juste d'y inclure des dotations compensatrices de diminution de recettes. Il a pris l'exemple des deux dotations reversées aux communes par les communautés de communes, la dotation de compensation et la dotation de solidarité communautaire, et a estimé que la dotation de compensation n'est pas péréquatrice car elle vise à préserver le niveau de ressources des communes avant la création de l'EPCI, et non à corriger les écarts entre elles. Par analogie, il a douté que sur les 80 milliards d'euros de dotations budgétaires de l'État, 50 milliards d'euros soient des dotations péréquatrices.

Mme Nicole Bricq a souhaité que les travaux du Sénat sur la péréquation prennent en compte la réforme de la fiscalité locale prévue par la loi de finances pour 2010. Elle a noté la différence existant entre l'assiette des impôts alimentant la péréquation horizontale réalisée par le biais des FDPTP ou par celui du FSRIF, ce dernier disposant d'une base plus large. Elle a observé que la loi de finances pour 2010 entraîne une diminution des impôts économiques alloués aux collectivités territoriales et s'est demandé si cette diminution de l'assiette fiscale permet encore de mettre en oeuvre une péréquation horizontale efficiente. Elle s'est demandé comment élargir cette base et si cela n'entraînera pas une redéfinition des critères de mesure de la richesse des collectivités territoriales.

Citant le rapport de la mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales présidée par M. Claude Belot, « Faire confiance à l'intelligence territoriale », elle a souhaité savoir si l'échelon régional, à l'image du FSRIF, peut être considéré comme étant le périmètre pertinent pour opérer une politique de péréquation efficace.

Enfin, sur la combinaison des principes d'autonomie fiscale et de péréquation financière, elle a rappelé que la loi de finances pour 2010 a introduit des mécanismes de péréquation entre départements et entre régions qui lui semblent en fait préserver les avantages acquis car ils ne prennent en compte que l'augmentation des recettes de la collectivité territoriale. Elle s'est interrogée sur la possibilité de pallier ce défaut en prenant en compte à la fois le stock et le flux des recettes fiscales. Elle a noté que les 25 % de la CVAE dédiés à la mutualisation le sont sur la base de critères indépendants des ressources des collectivités territoriales. Elle a suggéré qu'une réflexion soit menée sur les critères de péréquation retenus par les différents mécanismes existants. Enfin, elle a relevé que la création ou l'allocation de toute nouvelle recette fiscale à une collectivité territoriale devrait s'accompagner de la mise en place d'un dispositif de péréquation. Ainsi, l'allocation d'une part de contribution sociale généralisée (CSG) aux départements ne devrait avoir lieu qu'avec péréquation de la recette.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé que le débat sur les pistes de réforme de la péréquation aura lieu lors du troisième temps de la table ronde.

M. Eric Doligé a noté que les raisonnements présentés sont très abstraits et tiennent peu compte de l'action menée par les collectivités territoriales au sens concret du terme. Il a souhaité que le niveau de ressources d'une collectivité territoriale ne soit pas considéré comme une fatalité à laquelle seule la péréquation pourrait apporter une solution. Il a appelé à une vision plus dynamique, craignant que la péréquation ne dissuade les collectivités pauvres de faire des efforts de rattrapage et les collectivités mieux dotées de poursuivre une politique de développement qui serait en fait « sanctionnée » par une péréquation défavorable. Il s'est demandé s'il est possible d'éviter de tels effets pervers de la péréquation.

M. Jean-Pierre Fourcade a relevé que le trop grand nombre des communes françaises explique le recul des effets de la péréquation depuis 2004, rappelant que de nombreux États européens ont conduit des réformes de rationalisation communale qui ont accru la performance de leur péréquation. Sur l'amélioration de la péréquation entre 1994 et 2001 puis la réduction de ses effets à partir de 2004, il a noté que les facteurs d'explication sont la suppression de la base salaire de la TP et la répartition de la dotation de compensation afférente. La réduction de cette dotation de compensation dès 2010 devrait donc améliorer les résultats de la péréquation. Il lui a semblé que les critères de la DGF sont inadaptés car, depuis 1979, ils n'ont pas évolué parallèlement à l'évolution démographique, ce qui fausse un mécanisme de péréquation essentiel.

En réponse, M. Dominique Hoorens a estimé que la question de la péréquation doit être abordée dans un sens large, en incluant l'ensemble des dotations ; chacune d'entre elles est un mode de répartition, et la péréquation vise à ce que la répartition mise en place réponde à des critères prédéfinis. Dans cette perspective, les dotations de compensation ont bien un effet péréquateur puisqu'elles permettent de financer un besoin. Il a ajouté que, dans tous les pays européens pratiquant la péréquation, ont lieu des débats sur le lien entre l'autonomie des collectivités territoriales et la péréquation, sur le niveau optimum de péréquation ainsi que sur le lien entre le besoin de péréquation et la qualité de gestion des collectivités territoriales concernées.

Il a précisé que chaque situation spécifique d'une collectivité territoriale peut donner lieu à une aide spécifique et que la péréquation consiste justement à choisir les aides attribuées, en fonction de critères également choisis. Il a rappelé que l'efficacité de la péréquation doit être évaluée, dans le cadre d'une lecture transparente des objectifs retenus. La DGF redistribue les ressources « proportionnellement au nombre d'habitants avec une fonction logarithmique », ce qui signifie que le choix a été fait de redistribuer davantage à une personne habitant en ville qu'à une personne habitant à la campagne ; c'est un choix qui doit être clairement énoncé pour être compris. Il a fait observer que la mise en place d'une formule générale ou globale de péréquation « gommerait » les choix faits, alors que la coexistence de multiples instruments de péréquation permet de définir plusieurs objectifs sur la base de critères différents, et de les exposer ainsi clairement.

M. Guy Gilbert a également estimé que, pour évaluer un dispositif de péréquation, il faut retenir le champ d'investigation le plus large possible, incluant des dotations de compensation, et non les seules dotations péréquatrices. Les dotations dites compensatrices sont souvent des « fossiles de péréquation » qui, compte tenu des masses financières en jeu, ont un effet d'égalisation des situations bien supérieur à celui des dotations dites péréquatrices.

Par ailleurs, il a estimé indispensable de s'interroger sur le périmètre des mécanismes de péréquation, en veillant à ne pas dissoudre la question de la péréquation. L'effet distributif des politiques des pouvoirs publics sur les territoires est complexe à prendre en compte et se distingue de la péréquation.

Il a indiqué que les mécanismes d'écrêtement, mis en place dans le cadre des FDPTP ont des effets très péréquateurs, contrairement aux reversements aux collectivités territoriales bénéficiaires qui en ont très peu. Cette asymétrie d'effets se vérifie sur l'ensemble du territoire à de très rares exceptions près.

Il a souligné que la mesure d'un effet péréquateur est la synthèse de deux effets : un effet montant et un effet barème. La péréquation peut être faite avec des montants importants et des barèmes « lénifiants », ce qui conduira à consommer beaucoup de ressources budgétaires. Il a jugé que le système français de péréquation se rapproche de ce modèle pour des raisons historiques. A l'inverse, il est possible de réaliser une péréquation basée sur des montants budgétaires plus faibles et des barèmes particulièrement « actifs ». Il a noté que cette « deuxième génération » de péréquation était apparue en France dans la dernière décennie, et notamment au niveau communal.

M. Guy Gilbert a expliqué que, sur la base d'un travail de comparaison de communes en fonction des montants reçus au titre de la péréquation, le dynamisme des territoires, mesuré par le dynamisme des bases d'imposition, a été évalué. Il apparaît que la péréquation n'a pas d'effet significatif sur le développement des territoires : son absence n'inhibe pas la création de richesse ; sa présence ne la renforce pas.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a noté que les propositions vont dans le sens d'une globalisation des dotations de péréquation et d'une simplification des mécanismes d'attribution pour les rendre lisibles. Il a relevé que plus le nombre de collectivités territoriales est élevé, plus il est compliqué de mettre en oeuvre une péréquation efficace. Il a mesuré la difficulté qui existe à quantifier les inégalités, qu'il s'agisse de l'appréciation des ressources comme de celle des charges, qu'il convient de ne pas confondre d'ailleurs avec les dépenses.

Il a souligné l'émergence du sujet des valeurs locatives en raison des distorsions entre bases au sein d'un même territoire ou entre territoires alors que le taux d'imposition est identique. Pour cette raison, baser l'évaluation de la répartition des richesses sur les valeurs locatives n'est ni efficace ni juste.

Enfin, il a estimé que la réforme de la DGF semble inéluctable et devrait s'effectuer dans la plus grande transparence afin que le dispositif soit intelligible. La crise financière constitue sans doute un puissant « activateur de réforme ».

M. Alain Lambert, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a annoncé l'ouverture du deuxième temps du débat, consacré au thème majeur de l'efficacité du système de péréquation. Il a indiqué que cette problématique concerne les différents instruments de péréquation, mais aussi les critères retenus pour en moduler les effets ainsi que la définition du niveau de péréquation efficace.

Il a précisé que le débat liminaire à la deuxième table ronde, qui aborde les fondements d'un système de péréquation efficient, avait lieu entre deux élus représentant la diversité du territoire français : M. Philippe Laurent, maire de Sceaux, président de la commission finances de l'Association des Maires de France (AMF), vice-président de l'Association des Petites Villes de France (APVF) et M. François Pupponi, député, maire de Sarcelles, vice-président de l'Association des maires Ville et banlieue de France.

M. François Pupponi, député, maire de Sarcelles, vice-président de l'Association des maires Ville et banlieue de France, a évoqué la situation des 150 communes urbaines les plus défavorisées au regard de l'écart entre leurs faibles ressources et l'importance de leurs dépenses sociales. L'association des maires Ville et banlieue de France estime que ces collectivités ont des dépenses de 10 % à 20 % supérieures et des ressources de 30 % à 40 % inférieures au niveau moyen des communes de la même strate démographique. Une enveloppe de deux milliards d'euros serait nécessaire pour leur permettre de rattraper ce niveau moyen.

La suppression de la TP remet en cause à la fois le FSRIF, doté de 180 millions d'euros, et les FDPTP. Ces deux dispositifs constituent actuellement des outils de péréquation très efficaces. Certaines communes risquent donc de se trouver dans une situation « insupportable » si aucune initiative n'est prise pour remplacer ces fonds à compter de 2011.

Il a estimé que la réforme la plus urgente à conduire est celle de la dotation de solidarité urbaine (DSU), qui doit être ciblée sur les communes les plus en difficultés, alors qu'aujourd'hui des villes telles que Nantes, Toulouse ou Bordeaux en bénéficient.

Par ailleurs, il faut réformer le mode de calcul de la DGF et prévoir un dispositif de péréquation adapté à l'Ile-de-France, où les intercommunalités ne parviennent pas à jouer leur rôle péréquateur normal, les intercommunalités « riches » côtoyant les intercommunalités « pauvres ». Il a rappelé que « si l'on veut que les pauvres soient un peu moins pauvres, il faut accepter que les riches soient un peu moins riches ».

M. François Pupponi a ensuite évoqué la situation des communes défavorisées ayant bénéficié d'aides importantes en matière d'investissement sans être toutefois en mesure, par la suite, de faire face aux charges de fonctionnement que ces investissements induisent. Il faut davantage de péréquation pour faire fonctionner ces investissements. Malgré la réforme de la DSU, en 2002, les 150 communes urbaines les plus pauvres, parmi lesquelles Grigny et Montfermeil par exemple, sont aujourd'hui dans une situation financière difficile. Or, il devient « insupportable » d'augmenter davantage les impôts locaux pesant sur les ménages. A titre d'exemple, il a indiqué acquitter 3.200 euros d'impôts locaux pour un pavillon de 180 m² à Sarcelles, assorti d'un petit terrain. L'effort pèse de plus en plus sur les classes moyennes qui, parallèlement, ne bénéficient pas des aménagements réservés aux quartiers les plus défavorisés.

Il a conclu en mettant en garde contre le risque que l'Etat doive, à terme, « reprendre la main » sur ces communes.

M. Philippe Laurent, maire de Sceaux, président de la commission des finances de l'Association des maires de France (AMF), vice-président de l'Association des Petites Villes de France (APVF), s'est réjoui que ce débat sur la péréquation intervienne à l'heure où la suppression de la TP a remis en cause les principaux outils de péréquation actuels et où la situation des finances publiques ne permet plus de fortes augmentations des dotations péréquatrices de l'Etat. Pour la première fois depuis sa création, en 1979, certaines collectivités territoriales ont vu en 2009 et 2010 leur DGF diminuer, en euros courants. Les notions de potentiels financier et fiscal sont également devenues obsolètes avec la suppression de la TP.

Il a préconisé une réforme visant deux objectifs.

Le premier est la réparation des erreurs commises par le passé en matière d'aménagement du territoire. La poursuite de cet objectif passe par le rééquilibrage de l'implantation des activités économiques et notamment par une augmentation significative du montant du FSRIF.

Le second objectif est d'éviter de se mettre en situation de commettre de nouvelles erreurs, grâce à une mutualisation active des ressources. A ce titre, les intercommunalités à TP unique ont par exemple permis à la fois de mutualiser le financement de certains équipements et d'effectuer une « péréquation de second rang » grâce au versement des dotations de solidarité communautaire.

Pour atteindre ce double objectif, il a préconisé un système de péréquation où chaque collectivité territoriale est à la fois contributrice et bénéficiaire, la péréquation correspondant au solde de ces mouvements financiers de sens contraires. Ainsi, les effets de seuil seraient évités. Par ailleurs, une première péréquation, au niveau national, devrait s'opérer en fonction de critères simples tandis qu'une seconde péréquation, au niveau local, pourrait pour sa part se fonder sur des critères de répartition plus fins et, le cas échéant, différents selon les territoires. Ainsi, par exemple, le versement national de DGF ne peut se faire qu'en fonction des capacités contributrices des collectivités, une répartition en fonction des charges supportées par ces collectivités ne pouvant intervenir que dans un deuxième temps.

Enfin, M. Philippe Laurent a plaidé pour que le principal critère de péréquation soit la capacité contributrice des ménages présents sur un territoire. Cette péréquation devrait s'accompagner de la mise en place d'un impôt local basé également sur le revenu. Sur ce sujet, un fossé culturel doit encore être franchi.

M. Philippe Dallier a indiqué partager entièrement les propos des deux intervenants. La DSU doit effectivement être davantage concentrée, les critères actuels de péréquation n'étant à cet égard pas satisfaisants. Le revenu moyen par habitant est un critère plus pertinent que le nombre de logements sociaux, ceux-ci pouvant être occupés par les classes moyennes.

Mme Nicole Bricq a rappelé que deux prélèvements alimentent actuellement le FSRIF : l'un en fonction du potentiel financier, l'autre en fonction des recettes de TP. Si le second est remis en cause par la suppression de la TP, le premier est-il satisfaisant et doit-il être conservé en l'état ? Faut-il reconstruire un FSRIF en partant de zéro ?

M. Jean-Jacques Jégou s'est félicité de l'accord sur ce sujet entre les acteurs publics locaux. Il est étonnant que l'on demande chaque année aux communes de fournir des données actualisées permettant le calcul de leur DGF alors que le montant de DGF perçu par les communes où les paramètres ont évolué est, quoi qu'il arrive, toisé.

M. Alain Lambert, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, s'est interrogé sur la nécessité d'un système de péréquation distinct en Ile-de-France de celui en vigueur sur le reste du territoire français.

En réponse, M. François Pupponi est convenu qu'il serait « logique » de cibler les hausses de DSU sur les communes les plus défavorisées, notamment pour leur permettre d'assurer le fonctionnement des équipements financés dans le cadre des dispositifs mis en place par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). La DSU doit être considérée comme une dotation de la politique de la ville et non comme une dotation de péréquation pouvant bénéficier à l'ensemble des communes défavorisées. Il est difficile, aujourd'hui, d'établir des critères fiables reflétant la richesse de la population.

En matière de DGF, aucune réforme ne sera possible si l'on refuse de réduire les dotations bénéficiant à certaines collectivités. Enfin, il est nécessaire de conserver un outil semblable au FSRIF en Ile-de-France et également d'y achever la carte intercommunale en regroupant les communes riches et les communes pauvres autour de grands pôles d'activité tels que Roissy.

M. Philippe Laurent a estimé que la DSU doit être le socle de la démarche de réparation des erreurs commises en matière d'aménagement du territoire et non une « DGF bis ». En réponse à M. Alain Lambert, président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, il a souligné que sa proposition d'un premier dispositif de péréquation national, répartissant ses ressources au niveau régional ou départemental, puis d'un second niveau de péréquation territorial plus fin peut permettre de différencier la péréquation d'une région à l'autre et de conserver ainsi les spécificités de l'Ile-de-France ou encore de la Corse.

Enfin, le revenu global de la population doit être pris en compte, ce qui inclut la CSG et les revenus de remplacement. Ce sera d'ailleurs l'un des principaux enjeux du débat à venir sur la révision des valeurs locatives.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ouvert la troisième et dernière table ronde, portant sur les nouveaux outils de péréquation à mettre en place à la suite de la suppression de la TP.

Les questions qui se posent sont nombreuses :

- pour chaque catégorie de collectivités territoriales, quel est le niveau pertinent de péréquation : l'ensemble du territoire, la région, le département ?

- quel est la juste ampleur de péréquation ? c'est-à-dire jusqu'où aller dans l'égalisation des situations des collectivités territoriales ?

- quel doit être le panier de ressources alimentant la péréquation horizontale ? La TP permettait une péréquation ambitieuse sur le stock de produit fiscal grâce notamment aux FDPTP. Le produit de la CVAE, plus restreint, pourra-t-il permettre une péréquation horizontale aussi ambitieuse ?

- quels sont les bons critères de la péréquation ? Faut-il tenter de subvenir aux charges obligatoires qui pèsent sur les collectivités territoriales, ce que le Sénat avait proposé avec la répartition dite « macro » de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ou faut-il, au contraire, viser l'égalisation des ressources des collectivités territoriales au travers des notions de potentiel financier ou de potentiel fiscal ?

- enfin, quel rôle assigner aux deux types de péréquation : horizontale et verticale ? Dans quelle mesure revient-il aux collectivités territoriales les plus favorisées ou à l'Etat de contribuer au développement des collectivités les plus démunies ?

M. Yves Fréville a estimé que, en matière de péréquation, il convient de distinguer le domaine social des autres domaines de compétence des collectivités territoriales, l'attribution de revenus spécifiques dans le champ social ayant un effet redistributif par individu, plus efficace que de nombreux mécanismes de péréquation appliqués aux collectivités territoriales.

A l'aide d'un graphique, il a montré la dispersion de la répartition de la dotation nationale de péréquation basée sur le potentiel fiscal de la TP par rapport à la population communale. Il a rappelé que la réforme de la TP prévue par la loi de finances pour 2010 rend ce système de péréquation obsolète, ainsi que la notion même de potentiel fiscal. Il a insisté sur la nécessité qu'il y aura à définir un nouveau concept servant de base à la péréquation.

M. Yves Fréville a ensuite caractérisé la dispersion des richesses entre les communes et les EPCI, démontrant que le remplacement de la TP par la CVAE n'a pas réduit les écarts et a même créé de nouvelles inégalités. Il a expliqué que cette évolution tient à la façon dont la composante foncière de la valeur ajoutée est désormais prise en compte, le nouvel impôt réduisant les ressources pour les communes hébergeant des industries dont la valeur ajoutée comprend une forte composante foncière, en faveur des communes comptant sur leur territoire des activités du secteur tertiaire.

Il s'est ensuite demandé quel doit être le niveau optimum de péréquation, rappelant qu'un arbitrage doit être rendu entre, d'une part, le maintien du niveau de ressources de chaque collectivité territoriale, c'est-à-dire la garantie donnée que ses recettes ne diminueront pas, quelle que soit la réforme fiscale ou financière mise en oeuvre, et, d'autre part, la péréquation. Il a observé que le maintien d'un fort niveau de garantie des ressources obère les possibilités futures de mise en oeuvre de mécanismes péréquateurs et que la volonté de ne pas réduire les dotations allouées aux collectivités territoriales à l'issue du recensement accentue le choix en faveur des mécanismes de garantie. Par conséquence, l'enveloppe consacrée à la péréquation est moins importante, et le comité des finances locales peine à trouver les dotations dont la croissance pourrait au moins être ralentie, sans opposition majeure des collectivités territoriales concernées.

M. Yves Fréville a indiqué que la mise en place d'une DGF élargie, réceptacle de dotations diverses, toutes n'étant pas à visée péréquatrice, et d'un complément de garantie, part de la dotation forfaitaire, a réduit les possibilités de péréquation. Il a rappelé que, avant 1985, l'inflation permettait de ne pas rendre d'arbitrage, en écrêtant les garanties de ressources. Depuis 1985, et la fin de facto de l'inflation, le problème se pose et n'a pas été tranché. Chaque évolution du système fiscal se traduit par la mise en place d'une nouvelle garantie qui réduit d'autant les possibilités de mettre en oeuvre la péréquation.

Il a cité l'exemple de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA), rappelant que la loi de finances pour 2010 en attribue 2,7 milliards aux départements. Il a noté que le Sénat a souhaité que cette somme soit répartie en fonction de certains critères, mais que la solution retenue revient à faire de cette ressource supplémentaire une dotation de compensation des effets de la suppression de la TP : le niveau de ressources est garanti, la possibilité de satisfaire les charges réelles n'étant pas prise en compte. Il a indiqué que le dynamisme de cette recette fiscale, soit un rythme de croissance annuel estimé à 5 % par an, rend très difficile la mise en oeuvre d'une péréquation efficace à défaut de l'adosser elle aussi à une recette ou à une dotation à forte croissance annuelle.

M. Yves Fréville s'est ensuite demandé sur la base de quels indicateurs doit reposer la péréquation. Il a d'abord examiné les indicateurs de ressources, estimant que le potentiel fiscal, élément central du mécanisme de péréquation, est mis à mal par la suppression de la TP, d'une part, et par le développement des nouvelles dotations de compensations que cette suppression entraîne, d'autre part. Il a estimé que le potentiel financier devra sans doute remplacer le potentiel fiscal, tout en s'interrogeant sur le périmètre à retenir, et notamment sur l'inclusion ou non des dotations de compensations, telles que les sommes allouées au titre du fonds de garantie individuelle des ressources des collectivités territoriales. Il a indiqué que cela reviendrait à prendre en compte dans la péréquation des dotations comme si elles étaient des produits fiscaux, alors que tel n'est pas le cas. Il a montré que, sur la base d'un tel raisonnement, un département avec des bases d'imposition élevées et des taux de fiscalité bas serait pénalisé, après l'application de la réforme prévue par la loi de finances pour 2010, par rapport à un département au fort taux d'imposition et aux bases réduites. Alors que, avant la réforme, les Hauts-de-Seine recevaient moins de péréquation que les Hautes-Pyrénées, ce qui correspondait à la différence entre leurs potentiels fiscaux, l'intégration en produit des écrêtements dans le potentiel financier permettra aux Hauts-de-Seine de bénéficier d'une plus forte allocation de ressources de péréquation que les Hautes-Pyrénées.

M. Yves Fréville a observé que ces distorsions des dispositifs de péréquation seront fréquentes lorsque la révision des valeurs locatives sera engagée ; car, lors de la fixation des bases locatives, des méthodes différentes ont été utilisées qui entraînent une sous-estimation de 50 % du potentiel fiscal dans le département du Nord, par exemple. Cette sous-évaluation des bases a des effets sur les mécanismes de péréquation, effets qui pourraient disparaître au moment où les valeurs locatives seront révisées.

M. Yves Fréville a ensuite soulevé la question de l'évaluation des différences de charges entre collectivités territoriales éligibles à la péréquation. Il a indiqué que le système qui lui paraît le plus efficient repose sur la prise en compte de la population. Il a noté que l'existence d'autres critères, tels que ceux définis par la loi de finances pour 2010 pour le quart de CVAE destiné à la péréquation, a des effets inattendus : la population n'est pas un critère discriminant, la prise en compte des bénéficiaires des minima sociaux ne pondère la péréquation qu'au bénéfice des départements d'outre-mer, en revanche, le critère de la voirie s'avère déterminant. Il a ajouté que ceci aboutit à avantager les zones peu peuplées dotées d'un important réseau de voirie, et plus encore les zones de montagne.

Il a estimé que la problématique de globalisation des mécanismes de péréquation devra être étudiée avec attention, regrettant que la loi de finances pour 2010 n'ait pas retenu comme périmètre de péréquation celui des intercommunalités. Il a souligné que la seule péréquation verticale, passant par des dotations étatiques allouées aux collectivités territoriales, ne lui paraît pas suffisante et qu'une péréquation départementale ou intercommunale doit être mise en oeuvre. Il a envisagé la répartition du produit de certains impôts au prorata des emplois communaux, notant que le rapport entre ces emplois et la population communale pourrait n'avoir aucun lien avec le niveau constaté de TP, et qu'une correction nationale ne lui semble pas pertinente. Il s'est prononcé en faveur de l'organisation d'une nouvelle péréquation horizontale dans le cadre des bassins d'emplois.

Par ailleurs, il a indiqué que la multitude des dotations existantes rend complexe la définition d'une politique cohérente de péréquation et a remarqué que la question de la création d'une dotation générale de péréquation sera sans doute au coeur des prochains débats budgétaires. Enfin, il a souhaité rappeler que les mécanismes de péréquation tels qu'ils sont définis aujourd'hui pénalisent les collectivités territoriales dont la population croît au profit de celles dont la population stagne.

M. Éric Jalon, directeur général des collectivités locales, a indiqué que la dispersion des potentiels fiscaux est la plus élevée au niveau communal, en soulignant que les différences entre les bases d'imposition de TP expliquent 60% de l'hétérogénéité des potentiels fiscaux communaux.

Il a ensuite observé que la performance péréquatrice des dotations budgétaires de l'État a connu un certain recul depuis 2003. Il provient, pour les communes, de l'augmentation, ces dernières années, du nombre et du poids des dotations de compensation dans l'ensemble des dotations, notamment sous l'effet de la création, en 2003, de la compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle et de son intégration dans la dotation forfaitaire en 2004. Il a également vu dans l'alimentation du complément de garantie l'une des difficultés de fonctionnement de la DGF.

M. Éric Jalon a ensuite constaté que les dispositifs de péréquation horizontale avaient été peu développés jusqu'à l'adoption de la loi de finances pour 2010.

Ainsi, il a considéré que les réformes des finances locales et, plus largement, des collectivités territoriales, seront l'occasion de mettre en oeuvre de nouveaux dispositifs de péréquation.

Soulignant que la TP est à l'origine de l'essentiel des écarts de ressources entre les communes, il a relevé que sa suppression provoquera, d'une part, une redistribution massive des ressources fiscales entre elles et, d'autre part, une modification substantielle de la carte des potentiels fiscaux.

Cependant, il a souligné que ce second point ne sera mesurable qu'à partir du moment où les collectivités territoriales bénéficieront de leur nouveau panier de ressources. Par ailleurs, il a précisé que les simulations réalisées par le ministère des finances après la loi de finances pour 2010 évaluent à 9 % la perte des bases fiscales des EPCI à TP unique.

Il a ensuite mis l'accent sur la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009 relative à la loi de finances pour 2010 qui lui apparaît clarifier l'articulation entre les notions d'autonomie financière et de péréquation. Il a ainsi souligné le rappel, dans cette décision, de l'appréciation de la notion de ressources propres par catégorie de collectivités territoriales ainsi que la faculté pour le législateur de mettre en oeuvre une péréquation financière entre elles en les regroupant par catégories, dès lors que la définition de celles-ci repose sur des critères objectifs et rationnels.

Il a également relevé la précision énoncée par le Conseil constitutionnel selon laquelle la péréquation peut non seulement corriger les inégalités affectant les ressources, mais également les inégalités relatives aux charges, tant par une dotation de l'État que par un fonds alimenté par des ressources des collectivités territoriales.

Par ailleurs, M. Éric Jalon a précisé qu'il reviendra à la mission commune de l'Inspection générale de l'administration et de l'Inspection générale des finances d'analyser les impacts des nouveaux dispositifs de péréquation, afin de préparer le rapport d'étape du Parlement au Gouvernement, prévu par les dispositions de la loi de finances pour 2010.

Après avoir noté l'utilité des FDPTP, il a rappelé que la loi de finances pour 2010 prévoit leur remplacement dès 2011 par un nouveau dispositif de péréquation et que les garanties apportées par ce fonds pourraient être remises en cause par la nouvelle fiscalité inhérente à la réforme.

M. Éric Jalon a ensuite fait observer que les fonds nationaux de garantie individuelle des ressources ne constituent pas un système de péréquation mais plutôt un instrument de compensation visant à garantir les niveaux de ressources de chacune des collectivités territoriales.

M. Philippe Marini, rapporteur général, lui a objecté que la mise en oeuvre d'une réforme financière de grande ampleur nécessite de garantir un certain niveau de ressources aux collectivités territoriales.

M. Éric Jalon a conclu son propos en précisant le calendrier relatif à l'analyse des nouveaux dispositifs de péréquation. Il a ainsi annoncé que deux ans seront nécessaires pour étalonner les instruments permettant d'en mesurer les effets. In fine, il a indiqué que le bilan du système de péréquation issu de la loi de finances pour 2010 ne sera pas disponible avant 2013, voire 2014.

M. Philippe Valletoux, membre du Conseil économique, social et environnemental, a tout d'abord précisé que la péréquation est inhérente au système fiscal choisi. Sur ce point, il a rappelé que, compte tenu des réformes fiscales actuelles, il est nécessaire de poser la question du nouveau mécanisme de péréquation qui devra être mis en oeuvre. Il a ensuite abordé la question des objectifs de la péréquation, entendue comme recherche d'équité, mais s'est interrogé sur le niveau auquel situer cette notion : les budgets locaux, les contribuables, les territoires, ou bien une combinaison de ces notions. Enfin, il a rappelé que le Conseil économique, social et environnemental a entamé une réflexion sur la péréquation, constatant que le système actuel génère des inégalités entre collectivités territoriales. En effet, il a relevé que le système financier s'organise autour du « couple » fiscalité-dotation, alors que le raisonnement devrait reposer sur un « triangle » fiscalité-dotation-péréquation. Ensuite, il a proposé la création d'un « Smic » territorial et la mise en place d'un fonds national de péréquation. Ce dernier pourrait être alimenté, entre autres, par les actuels FDPTP et par les subventions spécifiques mises en place dans le cadre de la décentralisation. Il serait géré, non par l'État, mais par les élus locaux. Par ailleurs, il a précisé qu'une telle réforme de la péréquation ne peut pas aboutir rapidement, compte tenu de la nécessité d'évaluer les divers effets pernicieux qu'elle pourrait engendrer.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que la réflexion de la commission des finances du Sénat sur la péréquation s'appuiera sur les travaux du Conseil économique, social et environnemental.

M. Pierre-Yves Collombat s'est interrogé sur les conséquences liées au transfert de la part départementale de la taxe d'habitation vers les EPCI. En effet, il a précisé que la dynamique des bases fiscales de la taxe d'habitation pourrait s'accompagner d'un transfert de richesse important entre collectivités territoriales, si la dotation du fonds national de garantie individuelle des ressources demeure stable.

M. Pierre Jarlier a noté que les groupements de communes à TP unique ne seront pas avantagés par le nouveau panier fiscal issu de la réforme de la TP dont ils bénéficieront. Il a souhaité savoir si ce constat ne va pas ralentir la dynamique de création des groupements de communes, malgré la mise en place du fonds national de garantie individuelle des ressources.

M. Bruno Sido a insisté sur la complexité du système actuel de péréquation, estimant indispensable de le simplifier. Pour cela, il a jugé nécessaire, avant d'aborder toute réforme de la péréquation, de disposer de données chiffrées comparables, ce qui n'est pas possible actuellement du fait que seules certaines collectivités territoriales ont conduit une révision de leurs bases fiscales.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souscrit aux propos précédents en précisant que l'égalité et la justice sont au coeur de la réflexion de la commission des finances sur le sujet.

M. François Marc a déploré que toute réforme de la péréquation ne puisse intervenir avant 2013-2014. Il a ensuite estimé que les dispositifs actuels de péréquation sont faussés par la prise en compte du potentiel financier et a ainsi souscrit aux propos de M. Yves Fréville sur la prise en compte du critère du revenu des contribuables et de la notion de bassin d'emplois comme éléments constitutifs d'une nouvelle péréquation. Il s'est enfin inquiété de l'avenir des EPCI à TP unique, compte tenu de la diminution de 9 % de leurs bases fiscales avec la réforme actuelle des finances locales. Il a jugé que les intercommunalités représentent le niveau territorial pertinent pour mettre en place une nouvelle politique de péréquation horizontale, sur la base d'un mode contractuel.

M. Charles Guené s'est interrogé sur la possibilité d'affecter une part d'impôt supplémentaire aux départements et aux régions, jugeant que la péréquation ne suffira pas à ces derniers pour financer leurs compétences obligatoires. S'agissant du bloc communal, il s'est interrogé sur l'avenir du fonds national de garantie individuelle des ressources. En effet, il a relevé que le choix d'un fonctionnement, figé ou non de ce fonds, aura des conséquences sur le maintien ou non des situations fiscales des collectivités territoriales et sur le dynamisme de leurs ressources. Il s'est également interrogé sur l'origine des ressources de la péréquation qui sera issue de ce choix.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que l'avenir des FDPTP et du FSRIF constitue une priorité pour la commission des finances du Sénat. Par ailleurs, il a insisté sur la nécessité de disposer de simulations, afin de savoir si les quatre fonds de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, créés par la loi de finances pour 2010, obéissent au double principe d'égalité et de justice.

M. Éric Jalon a souligné que le transfert de la part départementale de la taxe d'habitation vers le bloc communal rend indispensable la redéfinition de la notion de potentiel fiscal, afin que ce dernier puisse traduire les déplacements de richesse induits par la réforme de la TP. S'agissant des dispositifs de solidarité entre communes et EPCI à TP unique, il a relevé l'existence de deux nouvelles dispositions : un allongement de trois à cinq ans de la période de renégociation des pactes financiers entre les communes et leurs groupements, prévu par l'article 77 de la loi de finances pour 2010, d'une part, et la DGF territoriale, prévue à l'article 5 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, attribuée aux métropoles et aux EPCI, sur la base du volontariat, d'autre part. Par ailleurs, il a indiqué que la mutualisation des compétences entre communes et EPCI, prévue par l'article 34 du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, a pour objectif, à défaut de recettes financières nouvelles, d'optimiser les ressources existantes pour maintenir et améliorer la qualité des services aux usagers. Enfin, il a souscrit aux propos de M. Bruno Sido sur la nécessité de simplification des critères de péréquation, tout en rappelant que la complexité du système actuel trouve son origine dans l'existence d'ajustements destinés à prendre en compte les inévitables cas particuliers. Il a également rappelé la mission confiée à M. Pierre Jamet portant sur les finances des départements « fragilisés », avec l'objectif de disposer d'un éclairage sur la gestion des dépenses d'action sociale par les conseils généraux et le recensement des bonnes pratiques en la matière.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a conclu cette réflexion sur la péréquation en invitant l'ensemble des sénateurs qui le souhaitent à fournir à la commission des finances, avant le 20 février 2010, leurs suggestions en matière de simulations, conformément à l'article 76 de la loi de finances pour 2010, qui prévoit que les commissions des finances des assemblées peuvent transmettre des demandes de simulations afin d'orienter le travail de l'administration, dans la perspective du rapport que le Gouvernement remettra au Parlement avant le 1er juin 2010.